M. Fabien Gay. Certes !
M. Laurent Somon, rapporteur. Au total, si notre commission reconnaît la nécessité de faire évoluer les TRVE et les TRVG, une telle évolution ne saurait se faire que dans le strict respect du cadre constitutionnel et du droit européen. Dans le cas contraire, les collectivités seraient exposées à un grave risque juridique et financier, ce qui ne serait pas responsable.
M. Fabien Gay. L’Arenh, c’est 8 milliards d’euros !
M. Laurent Somon, rapporteur. Pour autant, je me réjouis que les promoteurs de cette proposition de loi nous donnent l’occasion de mettre le Gouvernement face à sa propre responsabilité. En effet, celui-ci a agi de manière tardive et timorée, face à une crise énergétique dont les fondements étaient connus. L’an dernier encore, on nous disait que la hausse des prix était passagère et le risque de délestage hypothétique…
Je rappelle qu’il a fallu attendre le conseil des ministres du 29 novembre dernier pour que le Gouvernement présente un plan sur la préparation aux risques d’approvisionnement électriques hivernaux. Or notre commission s’est inquiétée de la flambée des prix de l’énergie et du décalage du programme d’arrêts de tranches dès son rapport d’information sur la crise du covid-19 de décembre 2020.
De même, nous avons été les premiers à nous pencher sur les conséquences de la guerre russe en Ukraine et du phénomène de corrosion sous contrainte, dans notre rapport d’information sur le risque de blackout de février 2022.
Nous avons enfin appelé à garantir notre sécurité d’approvisionnement dans notre rapport d’information sur la relance du nucléaire de juillet 2022.
Plus concrètement, le Sénat a encadré les coupures d’électricité et les offres de gaz, facilité les projets de biogaz et évalué la situation des collectivités, dès l’examen de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat d’août dernier.
Aussi ne peut-on pas dire que le Gouvernement n’a pas été prévenu… Il aurait pu et dû réagir, plus précocement et plus fortement ! Notre commission attend donc du Gouvernement avant tout une évolution du cadre européen, plutôt que national, et du marché de gros, outre celui de détail.
Rappelons que la France n’a toujours pas obtenu un découplage du prix de l’électricité de celui du gaz, contrairement au Portugal et à l’Espagne. Il y a donc encore beaucoup à faire !
Dans ce contexte, notre commission continuera d’être attentive à la régulation des marchés du gaz et de l’électricité, ainsi qu’à la protection des consommateurs d’énergie, en particulier les collectivités, dont nous reparlerons nécessairement lors de l’examen du projet de loi relatif à l’électricité nucléaire et du projet de loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous nous présentez aujourd’hui suggère la mise en œuvre de trois dispositions.
Tout d’abord, vous envisagez la modification des règles de calcul des tarifs réglementés de vente de l’électricité, pour qu’ils soient calculés en fonction du coût de production du mix électrique français.
Ensuite, vous proposez l’extension des TRVE à toutes les collectivités et leurs groupements.
Enfin, vous prônez le rétablissement des tarifs réglementés du gaz au bénéfice des collectivités locales et des particuliers.
Vous le savez, le Gouvernement est pleinement engagé dans le soutien des collectivités territoriales et des Français face à la crise énergétique. Il a déployé plusieurs outils en ce sens au cours des derniers mois.
Les plus petites collectivités sont assimilées à des particuliers. Elles bénéficient en cela du bouclier tarifaire sur l’électricité. Les critères à respecter sont les suivants : moins de 10 ETP, moins de 2 millions d’euros de recettes et une puissance souscrite inférieure à 36 kilovoltampères.
Toutes les autres collectivités bénéficieront, à partir de 2023, de l’amortisseur électricité, mis en place par le PLF pour 2023, qui contiendra la hausse des prix de l’électricité.
Le bouclier tarifaire sur l’électricité et l’amortisseur s’appliquent quel que soit le contrat de fourniture d’électricité qu’elles ont souscrit. Les collectivités n’ont donc nul besoin de sortir d’un contrat groupé pour être protégées. Elles bénéficient, à ce titre, d’une aide de l’État équivalente à celle dont bénéficient les clients à titre individuel au tarif réglementé ou en offre de marché.
Je rappelle que les collectivités les plus fragiles peuvent également bénéficier du filet de sécurité budgétaire mis en place en 2022. Les discussions parlementaires sur le projet de loi de finances pour 2023 ont conduit à étendre ce dispositif de sécurité aux départements et aux régions.
À eux deux, l’amortisseur électricité et le filet de sécurité représentent 2,5 milliards d’euros de soutiens de l’État aux collectivités. Nous avons entendu les préoccupations dont les parlementaires se sont fait l’écho concernant la mise en œuvre de ces dispositifs. Comme l’a annoncé la Première ministre, une simplification du filet de sécurité sera proposée dans la version finale du projet de loi de finances pour 2023.
Ces dispositifs s’ajoutent aux mesures générales dont bénéficient l’ensemble des collectivités depuis 2022. Je pense en particulier à la baisse de la TICFE à son minimum légal, dont le coût pour l’État s’élève à 8 milliards d’euros. Cette mesure est prolongée en 2023.
Aux côtés de ces mesures visant à modérer les dépenses d’énergie, le Gouvernement a également proposé des hausses de recettes.
Ainsi, la dotation globale de fonctionnement sera augmentée de 320 millions d’euros en 2023, pour la première fois depuis treize ans. (M. Fabien Gay s’esclaffe.)
En outre, 200 millions d’euros seront fléchés vers les communes rurales. Par ailleurs, les bases de la fiscalité locale seront indexées sur l’inflation, ce qui générera des ressources supplémentaires, dans le respect de l’autonomie financière des collectivités.
Par ailleurs, le Gouvernement ne peut souscrire à vos propositions, qui ne seraient pas opérationnelles, car elles seraient contraires au droit européen, comme M. le rapporteur l’a extrêmement bien expliqué.
M. Fabien Gay. C’est faux !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, le droit européen – plus précisément, l’article 5 de la directive 2019/944 – réserve strictement les tarifs réglementés de l’électricité aux consommateurs résidentiels ou aux professionnels de la taille des TPE, c’est-à-dire aux entreprises de moins de 10 salariés ou réalisant moins de 2 millions d’euros de chiffres d’affaires.
Comme l’a rappelé M. le rapporteur, et comme vous l’avez dit également, monsieur le sénateur, cela permet aux petites collectivités d’être éligibles au TRVE. L’application du TRV à un périmètre plus large n’est tout simplement pas possible en vertu du droit européen.
M. Fabien Gay. C’est faux !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. La même directive encadre strictement les conditions dans lesquelles les tarifs de l’électricité sont établis. Le droit européen prévoit en effet qu’ils doivent être établis selon des modalités qui garantissent l’égalité de traitement entre tous les fournisseurs et dans un cadre concurrentiel. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il permet bien à l’Allemagne de dépenser 200 milliards d’euros !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Un prix calculé sur la base des coûts du mix français ne permet pas une concurrence effective, en ce qu’aucun fournisseur français, si ce n’est EDF, ne serait capable de proposer une offre à ce prix.
M. Fabien Gay. C’est vrai !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. J’entends en revanche, et le Gouvernement également, qu’il est nécessaire de travailler à une réforme structurelle du marché de l’électricité en Europe, un sujet sur lequel le Président de la République s’est déjà exprimé très clairement.
Les tarifs réglementés de vente du gaz, quant à eux, ont été jugés non conformes au droit européen par le Conseil d’État au mois de juillet 2017. C’est la raison pour laquelle ils disparaîtront au 1er juillet prochain. Les rétablir et, a fortiori, les étendre serait donc strictement contraire à cette décision de justice et au droit européen.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est le seul argument qui vous reste !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Pour autant, la fin des TRVG ne constitue pas un obstacle à la mise en place de mesures de soutien et d’accompagnement ciblés, comme le filet de sécurité, qui, lui, concerne toutes les énergies.
Vous l’avez compris, monsieur le sénateur, même si l’objectif de cette proposition de loi est louable, comme l’a dit M. le rapporteur, le Gouvernement y est défavorable, pour les raisons que je viens d’évoquer, surtout en raison de la non-conformité de ses dispositions au droit européen.
Cela étant, le Gouvernement active et activera tous les leviers nécessaires pour protéger efficacement nos concitoyens, ainsi que toutes les collectivités, contre la hausse des coûts de l’énergie.
Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour commencer, nous tenons à remercier nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste d’avoir pris l’initiative d’inscrire à l’ordre du jour de nos travaux ce débat sur la protection des collectivités territoriales face à la hausse des prix de l’énergie.
Ces derniers temps, il ne se passe pas une semaine sans que je sois interpellée par des élus locaux lozériens, à l’instar du maire de Moissac-Vallée-Française. La facture de sa commune est en hausse de 46 % pour l’éclairage public et de 55 % pour les bâtiments publics. Je me doute, mes chers collègues, que vous êtes tous dans le même cas, quel que soit votre département.
En effet, pour nombre de collectivités, notamment celles qui anticipent le plus, le cycle budgétaire annuel pour le prochain exercice est déjà entamé. Le processus est connu : à l’issue d’une série de réunions de préparation et d’arbitrages, on fait certes des heureux, mais on éprouve aussi beaucoup de frustration face à une épargne nette souvent trop maigre pour permettre la réalisation d’investissements longtemps désirés.
En ce moment, comme ce fut le cas pendant le Congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France, nous recueillons les témoignages de présidents d’exécutifs locaux, qui tous nous font part de leur grande prudence dans ce contexte. Depuis la fin de l’année 2021, et encore plus depuis le début de la guerre en Ukraine, les collectivités territoriales subissent de plein fouet les effets de l’inflation, en particulier sur les prix de l’énergie.
Par conséquent, pour éviter un bis repetita et ne pas se faire surprendre par des événements difficilement prévisibles, les collectivités revoient leurs ambitions à la baisse, leur objectif étant de limiter l’adoption de décisions modificatives et l’ouverture de crédits nouveaux.
L’autre risque majeur que l’on voit poindre, c’est la disparition, ou a minima la dégradation, de certains des services publics locaux délivrés par les communes, les EPCI, les départements et les régions.
Or, dans la mesure où « le service public, c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas », il est à craindre que nos concitoyens les plus fragiles en payent les conséquences, surtout si le choix est fait de confier à des entreprises privées tout ou partie d’une activité qui, jusqu’alors, était assurée directement par l’administration elle-même. Un tel transfert a un coût pour les usagers.
Ainsi, madame la ministre, que diraient les habitants de votre ville de cœur, Saint-Orens-de-Gameville, si la municipalité était contrainte de réduire la programmation de l’espace culturel Altigone ou de raboter le financement de l’Ehpad Augustin Labouilhe ? Il ne s’agit naturellement que d’une question théorique, puisque nous sommes d’accord pour reconnaître le caractère essentiel de ces structures, pour l’épanouissement de chacun, de la petite enfance au grand âge.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a le mérite de mettre en évidence ces difficultés, mais elle permet également d’exiger la sortie des collectivités d’un système de réglementation tarifaire qui est une véritable gabegie.
Qu’il s’agisse des tarifs réglementés de vente d’électricité ou des tarifs réglementés de vente de gaz, l’État doit pouvoir reprendre le contrôle sur un marché qui expose les demandeurs à des risques tout bonnement déraisonnables.
Néanmoins, tout comme M. le rapporteur, le groupe du RDSE a pleinement conscience de la primauté du droit européen sur le droit national dans ce champ. C’est la raison pour laquelle nous partageons pleinement l’intention de travailler sur une proposition de résolution européenne, comme l’a indiqué en commission notre collègue Franck Montaugé. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
En conclusion, le groupe du RDSE est pleinement mobilisé pour avancer sur ces sujets et votera en partie pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Chaize. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chacun de nous le constate avec une vive préoccupation : les collectivités sont confrontées à une hausse sans précédent des coûts de l’énergie.
Pas une semaine ne passe sans qu’un maire nous alerte, ici sur une piscine qu’il n’est plus possible de chauffer, là sur une salle des fêtes dont l’alimentation en électricité pèsera lourdement sur le budget communal.
Les chiffres qui nous remontent sont alarmants : le prix de l’électricité sur le marché de gros est passé de 49 euros le mégawattheure en 2021 à plus de 1 000 euros à la fin du mois d’août 2022, soit une multiplication par vingt. Les prix du gaz sont quant à eux passés d’un niveau particulièrement faible en 2020 – quelque 9 euros le mégawattheure en moyenne – à des pics à 114 euros à la fin de l’année 2021 et jusqu’à 300 euros en août 2022.
Les associations d’élus sont, elles aussi, grandement préoccupées : l’Association des petites villes de France (APVF) note que les dépenses énergétiques de certaines communes ont bondi de 50 %.
Selon l’Association des maires de France et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), ces hausses varieraient entre 30 % et 300 %. Ce que rappelait récemment le président Larcher doit nous interpeller : « Les communes françaises ont consommé au 31 juillet la totalité de leur budget énergie prévue en 2022 et n’ont pas de visibilité pour 2023. »
Face à cette situation alarmante, le groupe CRCE nous propose une solution nationale, consistant à élargir le bénéfice des TRVE à toutes les collectivités et à maintenir, au-delà du 30 juin 2023, les TRVG.
M. Fabien Gay. C’est bien !
M. Patrick Chaize. Mes collègues l’ont rappelé : nous partageons la préoccupation du groupe communiste.
M. Patrick Chaize. Comme lui, nous considérons qu’il est urgent d’agir pour soutenir les collectivités.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Votez donc le texte !
M. Patrick Chaize. Nous souscrivons également aux propos de Bruno Retailleau, sans aucun doute. Mais nous souhaitons, sur ces sujets, trouver des solutions efficaces, solides juridiquement et protectrices pour les finances de nos communes.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Quand ?
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Dans le PLF !
M. Patrick Chaize. Or les dispositifs proposés font courir de nombreux risques, que notre rapporteur Laurent Somon a énumérés.
Gardons-nous des fausses bonnes idées, qui exposeraient nos collectivités à de nombreux contentieux juridiques et à un risque de pénalités financières. Pousser les collectivités à opter pour les TRVE, c’est les condamner, pour la moitié d’entre elles, à résilier prématurément un contrat, ce qui a un coût. C’est également leur donner l’assurance d’une électricité moins chère, ce qui n’est pas démontré.
Maintenir les TRVG, c’est favoriser une forme d’insécurité juridique, alors que l’ensemble des communes et des particuliers a été averti que ceux-ci s’éteindraient au 30 juin prochain.
Veillons enfin à ne pas pénaliser les fournisseurs d’électricité et de gaz, qui seraient contraints, si les dispositions de la proposition de loi étaient adoptées, de se procurer en urgence des volumes importants d’énergie, carbonée pour le gaz et souvent indisponible pour l’électricité.
Comme notre rapporteur l’a mentionné, le Sénat, plus particulièrement sa commission des affaires économiques, n’a pas été inactif sur le problème des coûts de l’énergie depuis plus d’un an. Nous l’avons encore montré ces dernières semaines, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, en améliorant considérablement le filet de sécurité énergie.
Nous pouvons encore aller plus loin en soutenant la renaissance de notre parc nucléaire et en envoyant un message très clair à l’Union européenne en faveur d’une refonte des marchés de l’électricité.
Nous accueillons le texte proposé par M. Gay et ses collègues comme un appel à agir, auquel nous nous associons bien volontiers.
M. Fabien Gay. Votez-le !
M. Patrick Chaize. Toutefois, compte tenu des trop nombreuses fragilités juridiques que je viens d’évoquer, le groupe Les Républicains ne pourra voter cette proposition de loi en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Fabien Gay. C’est ça !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand. (M. Philippe Tabarot applaudit.)
M. Jean-Pierre Grand. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’intitulé de cette proposition de loi est d’actualité, tant nous sommes sollicités sur la question depuis le début de la guerre en Ukraine, qui a des conséquences sur les prix de l’énergie.
Comme les ménages et les entreprises, nos collectivités souffrent de la hausse des prix de l’énergie, après la crise du covid-19 qui les a déjà beaucoup fragilisées.
On nous parle souvent du coût du chauffage dans nos écoles, collèges et lycées, mais aussi de la fermeture d’équipements et de services dans nos communes. Les craintes des élus locaux, je pense en particulier aux maires, sur la santé financière des collectivités ne peuvent être prises à la légère.
Si l’idée de cette proposition de loi est intéressante, je suis surpris par la méthode. Comme l’a souligné dans son analyse précieuse M. le rapporteur, les articles de cette proposition de loi sont contraires à notre droit national et au droit européen. De plus, ils sont en opposition totale avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État.
Devant la commission des affaires économiques, les auteurs de ce texte ont expliqué qu’il s’agissait en quelque sorte d’une proposition de loi d’appel. Pourquoi pas ? Nous participons au débat que vous proposez, mes chers collègues, mais permettez-moi de vous dire qu’il existait d’autres véhicules qu’une proposition de loi pour débattre de ce sujet.
La crise énergétique nous place face à nos choix antérieurs et à nos faiblesses stratégiques. Nous avons voté récemment dans cet hémicycle, à une grande majorité, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Nous serons mobilisés sur le texte sur le nucléaire, qui nous sera prochainement soumis.
Les temps forts énergétiques ne sont pas terminés, et nous devrons faire preuve d’efficacité en 2023 pour nous dessiner un avenir énergétique souverain.
Quand il s’agit des tarifs de l’énergie, je pense que l’échelon européen est incontournable, mais qu’il ajoute de la complexité. Les Européens sont divisés. La réunion du Conseil européen la semaine prochaine sera de la plus haute importance : nous espérons des résultats concrets, et non un énième renvoi à un prochain sommet.
M. Pierre Laurent. Hier soir, la secrétaire d’État chargée de l’Europe a dit : fin 2024 !
M. Jean-Pierre Grand. Tous les sujets, qu’il s’agisse de l’achat d’électricité sur le marché européen, de la fixation du prix de gros ou du découplage des prix de l’électricité et du gaz sont trop importants pour attendre.
Les tarifs réglementés de vente restent le sujet majeur, nos débats le prouvent. Je soutiens l’idée que nous devons, ici, au Sénat, mener une réflexion plus approfondie sur ce sujet, dans toutes ses dimensions, en particulier européennes. Et cela doit commencer dès aujourd’hui.
Mes chers collègues, les dispositions du texte n’étant pas conformes aux jurisprudences du droit français et européen, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne peut s’associer et ne s’associera pas à cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’augmentation du prix de l’énergie était déjà perceptible en 2019, mais, depuis plus d’un an, de nombreux facteurs ont concouru à une hausse exponentielle : le déclenchement de la guerre en Ukraine et la fin des approvisionnements en gaz russe, auxquels il faut ajouter l’indisponibilité d’une bonne partie des réacteurs nucléaires en France et la faible production hydroélectrique due aux conditions climatiques.
Toutefois, cette crise n’est pas seulement conjoncturelle.
Le manque d’anticipation des gouvernements successifs sur la nécessaire sobriété et le développement des énergies renouvelables, le choix de la libéralisation du secteur de l’énergie, le tout étant alimenté par le mythe d’une énergie bon marché, sont à l’origine de cette situation et d’un défaut criant d’investissements, que nous devons rattraper aujourd’hui dans l’urgence.
Il en résulte une hausse du mégawattheure d’électricité, qui a dépassé les 1 000 euros cet été, soit vingt fois plus que son prix au début de l’année 2021, une crise sociale particulièrement rude pour nos concitoyens et une contrainte financière inédite sur les dépenses de fonctionnement des collectivités locales, dans un contexte déjà très tendu en matière de finances locales.
Les factures d’électricité et de gaz des collectivités ont été multipliées par trois, par quatre, voire par six. Elles atteignent des proportions qu’il leur est souvent impossible d’absorber. La FNCCR a d’ailleurs évalué à 11 milliards d’euros pour les collectivités le surcoût lié à la hausse des prix de l’énergie.
En conséquence, nombre de missions de services publics sont menacées, comme il est souligné dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi.
C’est pourquoi il est indispensable de soutenir l’ensemble des collectivités pour leur permettre de faire face à cette crise et pour limiter autant que possible une répercussion sur nos concitoyens, qu’il s’agisse de hausses d’impôts ou d’une baisse de l’offre de services publics.
Nous saluons certains des dispositifs adoptés dans le cadre des récents textes budgétaires. Je pense à l’amortisseur électricité et à la reconduction en 2023 du filet de sécurité, même si nous n’avons pas encore une vision très claire sur ces mesures, ni une réelle visibilité sur les collectivités qui seront directement concernées.
Cela a été dit, seules les collectivités de petite taille peuvent encore avoir accès aux tarifs réglementés de vente. Finalement, nombre de collectivités locales ne bénéficieront pas de ces dispositifs et auront recours à des offres de marché, dans le cadre de contrats d’un à trois ans. Elles seront donc soumises au prix du marché de l’énergie.
C’est pourquoi nous souscrivons aux objectifs de cette proposition de loi, à savoir l’élargissement du TRVE à l’ensemble des collectivités et le maintien des tarifs réglementés de vente pour le gaz, dont la mise en extinction est prévue pour le 30 juin 2023.
Ces dispositifs nous paraissent en effet bien plus lisibles pour les collectivités, et leur efficacité n’est pas à démontrer. Ils permettraient de préserver, dans tous les territoires, les services publics et les investissements locaux essentiels à la reprise économique et à la transition écologique.
Nous entendons les alertes de M. le rapporteur sur les problèmes d’application liés au droit européen. Il me paraît toutefois important d’adopter ce texte pour envoyer un signal politique, notamment à la Commission européenne, pour rappeler la nécessité d’une baisse structurelle des prix de l’énergie à l’échelle européenne et, plus largement, pour réformer le marché européen de l’énergie.
Permettez-moi cependant de rappeler que, pour nous, si les exonérations et autres taux réduits sont indispensables dans l’urgence, s’ils sont utiles pour panser les plaies, ils ne sont pas tenables dans la durée, car ils sont très coûteux et parfois même inadaptés face à la nécessaire bifurcation écologique. Ils peuvent en effet encourager la consommation d’énergies fossiles, comme le gaz.
C’est pourquoi nous continuerons de défendre les indispensables mesures structurelles pour accompagner au mieux les collectivités dans la durée et leur permettre d’avoir une vision budgétaire et de planifier sur le long terme.
Ces outils, nous les connaissons bien, ce sont ceux qui enclenchent réellement la transition énergétique : la sobriété et l’efficacité énergétique, une rénovation thermique des bâtiments plus rapide, le développement d’énergies renouvelables. Nous disposons d’une boîte à outils ; il faut utiliser ces derniers au plus vite.
Nous adhérons à cette proposition de loi du groupe CRCE, et nous la voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Martine Filleul applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’objectif de la proposition de loi présentée par notre collègue Fabien Gay mérite toute notre attention.
L’impact de la hausse des prix de l’énergie sur les consommateurs que sont les collectivités territoriales est en effet considérable. Au lendemain du Congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France, je crois pouvoir dire, sans trop m’avancer, que nous en sommes tous conscients dans cet hémicycle.
Si l’urgence de la situation attire notre attention, elle attire aussi et surtout celle du Gouvernement, car je pense que nous ne réglerons malheureusement pas la situation avec les dispositifs de cette proposition de loi.
Monsieur le rapporteur, vous l’avez suffisamment rappelé, les mécanismes du présent texte sont contraires au droit européen. De surcroît, les collectivités non seulement s’exposeraient à des risques juridiques et financiers, mais elles ne seraient pas pleinement protégées…
En réalité, mes chers collègues, nous réglerons les difficultés actuelles lorsque nous arriverons à décorréler à l’échelon européen le prix de l’électricité du prix du gaz, et, surtout, lorsque notre pays sera souverain d’un point de vue énergétique.
Aujourd’hui, notre groupe considère que, dans l’urgence, l’État doit soutenir les collectivités les plus touchées.
À cet égard, je trouve que le Gouvernement est au rendez-vous si l’on prend en compte l’ensemble des dispositifs adoptés pour protéger les collectivités. Je pense au bouclier tarifaire pour les plus petites d’entre elles, à la généralisation de l’amortisseur électricité, quelle que soit la taille de la collectivité, à la prolongation du filet de sécurité en 2023 pour 2,5 milliards d’euros, à la charte d’engagement des fournisseurs d’énergie, à la publication par la Commission de régulation de l’énergie des niveaux de prix de référence…
Je n’oublie pas l’augmentation historique de la dotation globale de fonctionnement de 320 millions d’euros. Après des années de baisse, puis de stabilisation, la DGF augmente pour la première fois depuis treize ans.
Ces dispositifs s’inscrivent dans un contexte où la dette publique représente 115 % du PIB de notre pays. Nous ne devons donc pas oublier l’impérieuse nécessité de maîtriser notre dépense publique.
Mes chers collègues, dire que l’État peut compenser la totalité de l’augmentation de la facture des collectivités serait mentir aux élus locaux.
Le choc énergétique impose que tout le monde fasse des efforts, et je sais à quel point les élus locaux en fournissent. Beaucoup innovent pour réduire leurs dépenses en matière de consommation énergétique, et nous devons tous les saluer. La sobriété énergétique, de nombreux élus y travaillent déjà depuis longtemps !
Pour trouver une solution pérenne, nous devons réformer le marché européen de l’énergie. La Commission européenne doit présenter d’ici à la fin de l’année une feuille de route en ce sens.
Le bouquet énergétique des 27 États membres est très hétérogène. C’est la raison pour laquelle trouver un consensus européen se révèle indéniablement difficile et lent. En effet, le découplage du prix du gaz et de celui de l’électricité que demande la France coûterait cher à d’autres pays.
Nous devons réussir à trouver un mécanisme qui puisse nous être favorable, sans pour autant porter atteinte à ceux qui produisent beaucoup d’électricité avec du gaz. Nous devons créer un nouveau cadre stable, européen et pérenne, plutôt que d’appliquer des pansements nationaux sans concertation avec nos alliés.
L’Union européenne est un collectif, un gage de stabilité, de paix et de protection, une puissance économique et stratégique qui nous rend plus forts et plus attractifs. Soyons-en fiers !
Pour toutes ces raisons, même si nous partageons vos inquiétudes, mes chers collègues, et comprenons les motivations qui sont à l’origine de ce texte, notre groupe ne votera pas cette proposition de loi. (M. Didier Rambaud applaudit.)