Sommaire
Présidence de Mme Nathalie Delattre
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
cyberattaque du centre hospitalier de versailles (i)
M. Martin Lévrier ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention.
Mme Monique Lubin ; M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; Mme Monique Lubin.
aides énergétiques pour les régies exploitantes de domaines skiables et de stations thermales
Mme Maryse Carrère ; Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme ; Mme Maryse Carrère.
réforme de l’assurance chômage
Mme Raymonde Poncet Monge ; M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion ; Mme Raymonde Poncet Monge.
influenza aviaire et filière palmipède
M. Pierre Médevielle ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Pierre Médevielle.
centrale thermique de cordemais
Mme Laurence Garnier ; M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie.
cyberattaque du centre hospitalier de versailles (ii)
M. Michel Laugier ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention ; M. Michel Laugier.
conséquences du délestage électrique
M. Pierre Ouzoulias ; M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer ; Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
M. Jacques-Bernard Magner ; Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Jacques-Bernard Magner.
M. Alain Cadec ; M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger ; M. Alain Cadec.
pénurie de paracétamol pédiatrique
Mme Annick Jacquemet ; M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie.
lutte contre les trafics de stupéfiants
Mme Annick Petrus ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.
M. Jean-Pierre Sueur ; M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jean-Pierre Sueur.
M. Guillaume Chevrollier ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Guillaume Chevrollier.
Mme Brigitte Lherbier ; Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance.
proposition de référendum sur l’alsace
M. Jean Louis Masson ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Jean Louis Masson.
Suspension et reprise de la séance
3. Mise au point au sujet de votes
4. Communication relative à une commission mixte paritaire
5. Candidatures à une commission mixte paritaire
6. Hausse des prix de l’énergie pour les collectivités territoriales. – Rejet d’une proposition de loi
Discussion générale :
M. Fabien Gay, auteur de la proposition de loi
M. Laurent Somon, rapporteur de la commission des affaires économiques
Clôture de la discussion générale.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Rejet, par scrutin public n° 95, de l’article.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques
Rejet, par scrutin public n° 96, de l’article
Tous les articles ayant été rejetés, la proposition de loi n’est pas adoptée.
Suspension et reprise de la séance
7. Développement du transport ferroviaire. – Adoption d’une proposition de résolution
Discussion générale :
M. Gérard Lahellec, auteur de la proposition de résolution
Clôture de la discussion générale.
Texte de la proposition de résolution
Adoption de la proposition de résolution.
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de Mme Nathalie Delattre
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
M. Loïc Hervé.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous prie d’excuser le président du Sénat, en déplacement à l’étranger.
Je rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
cyberattaque du centre hospitalier de versailles (i)
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. Martin Lévrier. Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, samedi, à vingt et une heures, le centre hospitalier André-Mignot de Versailles a été victime d’une cyberattaque. Une partie des ordinateurs a été bloquée et un message des cybercriminels s’est affiché sur les écrans : « Tous vos dossiers importants ont été dérobés et cryptés. Suivez nos instructions. »
Cette attaque a paralysé les systèmes informatiques, reportant les actes médicaux, perturbant le suivi des malades, arrêtant ou faisant dysfonctionner les appareils les plus pointus. Ces barbares mettent en danger la vie des patients.
Elle n’est pas sans rappeler celle qui avait touché le centre hospitalier de Corbeil-Essonnes au mois d’août.
Je voudrais saluer, en notre nom à tous, le sang-froid des équipes de l’hôpital André-Mignot qui, comme l’ensemble du personnel soignant en France, étaient déjà largement éprouvées par la pandémie et les difficultés de l’hôpital public. Aujourd’hui, elles ne peuvent compter que sur leurs crayons, leurs papiers et leurs jambes pour prendre en charge un maximum de patients. Tous les membres du personnel sont à leur poste. Je les remercie.
Je voudrais également saluer la coordination qui s’est immédiatement mise en place entre la direction du centre hospitalier, l’agence régionale de santé (ARS), l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le Samu et tout particulièrement les hôpitaux publics et les cliniques privées du département, qui se mobilisent et travaillent en bonne intelligence.
L’intégration de l’établissement dans le parcours de cybersécurité a participé à la réactivité sans pareil de l’équipe de l’hôpital qui, en coupant rapidement les communications, connexions internet et services d’interconnexion avec le Samu, a évité la propagation de cette attaque. Ce parcours de cybersécurité a été renforcé à l’automne avec une enveloppe supplémentaire de 20 millions d’euros.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire comment ces crédits supplémentaires aideront nos infrastructures sensibles à renforcer leur sécurité informatique pour se prémunir de ces attaques de plus en plus fréquentes et virulentes ? Quel sera le support technique apporté par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Lévrier, comme vous, je condamne le plus fermement possible cette cyberattaque contre l’hôpital André-Mignot. Jamais nous ne céderons face à ces actes odieux et à ces criminels qui tentent de prendre en otage la santé des Français.
Je veux moi aussi saluer le sang-froid dont ont fait preuve les professionnels de santé et l’administration de l’hôpital. Je me suis rendu sur place dimanche avec mon collègue Jean-Noël Barrot et nous avons pu constater le calme qui régnait malgré les circonstances et le fait que la sécurité et la continuité de la prise en charge des patients étaient assurées en dépit des grandes difficultés.
L’ensemble des services de l’État sont mobilisés aux côtés du personnel de l’établissement. Je pense notamment à l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, à l’ARS, ainsi qu’à l’AP-HP et aux hôpitaux du secteur qui ont coordonné avec le Samu local et le Samu zonal la prise en charge des patients pour qu’elle soit la meilleure possible.
Nous devons renforcer notre capacité collective à faire face aux attaques cyber. C’est le sens du plan de 350 millions d’euros annoncé par mon ministère en février 2021 pour renforcer les protections cyber et surtout le diagnostic des systèmes des établissements.
Cet été, à la suite de la cyberattaque de l’hôpital de Corbeil-Essonnes, j’ai annoncé un complément de financement de 20 millions d’euros pour soutenir cette démarche. Ce complément vise à renforcer le déploiement du plan et de nos capacités de cyberdéfense ; il s’agit surtout de passer du diagnostic à la phase opérationnelle, c’est-à-dire à des actions précises et concrètes.
Avant la fin de l’année, Gérald Darmanin, Jean-Noël Barrot et moi-même allons réunir une nouvelle fois l’ensemble des parties prenantes, en particulier les fédérations hospitalières, l’Anssi et les ARS, pour renforcer notre stratégie.
Enfin, je tiens aussi à signaler que chaque attaque nous permet de nous renforcer, en particulier en ce qui concerne les actions immédiates à mettre en œuvre dans de telles circonstances – le personnel de l’hôpital André-Mignot a d’ailleurs, comme vous l’avez dit, réagi très vite. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
saturation du 115
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.)
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, il s’en est fallu de peu que vous supprimiez 14 000 places d’hébergement d’urgence dans le projet de loi de finances pour 2023. C’est seulement sous la pression des associations et des élus que vous avez reculé.
Maintenant, le froid s’installe et les journaux regorgent d’articles relatant les situations de femmes avec de très jeunes enfants, de femmes enceintes et de mineurs laissés dehors, alors que le 115 ne sait plus où donner de la tête.
Les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ont été fragilisés par les plans d’économie mis en œuvre ces dernières années. La hausse des crédits de cette année ne suffira pas à les remettre d’aplomb.
La réduction de loyer de solidarité mise en place en 2018 a mis un coup de frein à la construction de logements sociaux par les bailleurs sociaux.
Selon la Cour des comptes, près de 300 000 personnes se trouvaient en France, avant même la crise sanitaire, sans domicile – un chiffre qui a plus que doublé depuis la dernière enquête statistique de 2012.
Le département de Seine-Saint-Denis est emblématique : ainsi, faute de place, aucun des 739 appels traités par le 115 le 28 novembre n’a abouti à un hébergement d’urgence ! Mais la crise concerne aussi Lyon, Rennes, Grenoble, Strasbourg, Toulouse et beaucoup d’autres communes.
Il y a, d’un côté, les inscriptions budgétaires et, de l’autre, la terrible réalité que nous rapporte la presse tous les jours et que nous avons de toute façon sous nos yeux.
Quelles nouvelles mesures allez-vous prendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Lubin, je tiens tout d’abord à redire ici ma confiance et mon admiration pour l’ensemble des personnels des services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO). Ils agissent au quotidien pour écouter et accompagner les personnes les plus fragiles ; ils ont été la clé de voûte du premier plan Logement d’abord.
Vous le savez, un deuxième plan Logement d’abord sera annoncé dans les semaines qui viennent. C’est le souhait du Président de la République et de la Première ministre.
Comme vous l’avez rappelé, le Gouvernement a souhaité, non pas sous la pression, mais devant la réalité de l’urgence sociale, maintenir près de 200 000 places d’hébergement d’urgence et nous avons pour cela proposé d’ajouter 40 millions d’euros au PLF pour 2023.
Je vous rappelle que ce niveau d’hébergement d’urgence n’avait jamais été atteint dans notre pays. En 2017, il y avait 140 000 places d’hébergement d’urgence ; il y en a 198 000 aujourd’hui.
Oui, nous vivons une situation difficile à laquelle, chaque soir, les écoutants du 115 essayent de répondre. C’est d’ailleurs pour cela que Mme la Première ministre a souhaité que nous mettions en place une prime pour les écoutants du 115 et je peux vous dire que nous y travaillons d’arrache-pied.
Pour ce qui est de la situation, le Gouvernement est également à l’écoute, que ce soit Jean-Christophe Combe, Charlotte Caubel ou moi-même, et nous portons une attention toute particulière aux familles avec enfants qui sont à la rue. Je réunirai de nouveau les préfets et les représentants des associations – ce sont nos partenaires – pour évoquer cette situation dramatique.
Une cellule de crise se réunit régulièrement sous l’égide de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) pour trouver une solution dans chaque cas.
Rien n’est impossible, mais tout est difficile ! Le contexte géopolitique ajoute évidemment son lot de complexité. En Île-de-France, 45 000 personnes dans une situation de grande urgence sont mises à l’abri chaque soir. Nous continuerons de répondre à ces situations dramatiques. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, vous avez évoqué les accompagnants du Samu social et la confiance que vous leur portez, mais c’est le Ségur de la santé qu’ils attendent. La confiance, c’est bien ; le Ségur de la santé, c’est mieux !
Vous avez aussi évoqué le nombre de personnes qui attendent une solution et nous sommes d’accord avec vous sur ce point.
Nous savons que le nombre de places a augmenté depuis quelques années, mais nous savons aussi que la situation s’aggrave pour des raisons que je n’énumère pas ici et que tout le monde connaît.
Au-delà des chiffres et des annonces, il est impératif d’ouvrir dans les semaines et même dans les jours qui viennent de nouvelles places d’hébergement.
Comment comprendre que, dans notre pays, des femmes enceintes et des enfants dorment dehors la nuit ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
aides énergétiques pour les régies exploitantes de domaines skiables et de stations thermales
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. J’y associe ma collègue sénatrice des Hautes-Pyrénées Viviane Artigalas.
Madame la ministre, depuis désormais trois ans, notre pays traverse de nombreuses crises qui mettent à mal notre économie. Ainsi, après la crise sanitaire dont les collectivités locales et notre économie subissent encore les conséquences, la crise énergétique vient obscurcir le ciel de la reprise au moment de l’année où les besoins en énergie vont être les plus importants.
L’intervention de l’État est une fois de plus nécessaire afin de permettre à notre pays de continuer à avancer. Ainsi, le 14 septembre, le Gouvernement a annoncé le maintien du bouclier tarifaire ; le 27 octobre, il a présenté le dispositif de l’amortisseur.
Or, comme cela s’était déjà produit durant la crise du covid-19, il semblerait que les régies publiques exploitant notamment des domaines skiables ou des établissements thermaux ne soient pas éligibles à ces nouveaux dispositifs, alors qu’elles ont déjà optimisé leur consommation au-delà du soutenable.
Les stations de ski verront leurs dépenses tripler, ce qui sera évidemment insupportable pour leurs exploitants.
Les régies publiques avaient déjà dû faire entendre leur voix durant la crise sanitaire pour être intégrées dans les mécanismes gouvernementaux de soutien à l’économie. Il ne serait pas envisageable que cet oubli se répète !
Aussi, ma question sera simple : puisque la hausse des tarifs énergétiques a un impact sur l’intégralité des consommateurs, le Gouvernement a-t-il bien prévu d’intégrer, dans les dispositifs de bouclier énergétique, les régies publiques dans leur intégralité, notamment les régies exploitant des remontées mécaniques ou des établissements thermaux ? On ne saurait imaginer que ces régies soient de nouveau écartées de la solidarité nationale du fait de leur statut. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Viviane Artigalas ainsi que MM. Jean-Michel Arnaud et Alain Cazabonne applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Madame la sénatrice Carrère, vous évoquez à juste titre la situation des stations de ski et des stations thermales.
Je sais qu’elles sont, comme de nombreux acteurs économiques, directement touchées par la crise énergétique. C’est une situation que je prends très au sérieux et que je suis au jour le jour avec mon cabinet. Je ne suis donc pas étonnée que vous me posiez cette question. Sachez que les députés sont également très préoccupés.
Je veux d’abord saluer les efforts de tous en faveur de la sobriété, notamment les stations thermales et les stations de ski – on ne le dit pas assez, mais elles ont fait beaucoup d’efforts.
Face à la hausse des prix de l’énergie, le Gouvernement a mis en place un ensemble d’aides. Nous devons largement partager les informations en la matière et toutes les structures qui se posent des questions doivent savoir qu’elles peuvent appeler leur chambre consulaire – chambre de commerce et d’industrie ou chambre de métiers et de l’artisanat – ou leur conseiller départemental à la sortie de crise – il y en a un dans chaque préfecture – pour les accompagner.
Votre question, madame la sénatrice, porte plus spécifiquement sur les aides aux exploitants de remontées mécaniques et de stations thermales.
Il est prévu que le dispositif d’amortisseur, qui va protéger nos petites et moyennes entreprises et nos collectivités locales à compter de 2023, sera également ouvert aux régies qui ont la même taille qu’une PME, c’est-à-dire moins de 250 salariés. Je peux totalement vous rassurer sur ce point.
Je tiens aussi à vous dire que les collectivités locales bénéficient d’un soutien important avec le dispositif de filet de sécurité qui vient compenser 70 % de la hausse des dépenses d’énergie pour les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats qui subissent une hausse importante des prix.
Les dépenses des régies peuvent être prises en charge dans le cadre de ce filet de sécurité. Si certaines situations s’avéraient mal couvertes, je suis à votre disposition pour les étudier, au cas par cas.
Pour finir sur une note optimiste – il y en a peu, ne nous en privons pas ! –, le taux prévisionnel d’occupation des stations de montagne pour cet hiver s’annonce supérieur de 7 % à celui des saisons précédentes. Les chiffres des vacances de la Toussaint et les prévisions de Noël nous confirment que nos compatriotes font le choix de la destination France, ce qui est une bonne nouvelle.
Le Gouvernement a toujours été présent pendant la crise sanitaire pour les stations de ski et les stations thermales. Je vous garantis, madame la sénatrice, que nous continuerons de l’être. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour la réplique.
Mme Maryse Carrère. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, qui est de nature à rassurer les responsables des stations de sports d’hiver, notamment dans les Hautes-Pyrénées. Ils ont en effet bondi à la vue de leurs factures énergétiques qui ont été multipliées par trois : 60 euros le mégawattheure en 2021, 170 euros au mois de mars 2022 et 590 euros prévus au renouvellement de leur contrat ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
réforme de l’assurance chômage
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
Après une concertation de pure forme des partenaires sociaux, vous annonciez récemment une énième réforme de l’assurance chômage avec une réduction de la durée d’indemnisation de 25 % en période dite favorable.
La période défavorable, qui permettrait de rester aux conditions actuelles d’indemnisation, suppose un taux de chômage à 9 %, soit un taux que la France n’a pas connu depuis des années.
Sous le prétexte de la cyclicité, cette réforme dégrade dès aujourd’hui les conditions d’assurance. Revenir à 9 % supposerait la survenue d’une crise économique majeure.
Vous annoncez votre confiance dans l’atteinte d’un taux de chômage de 5 % en 2027 ; en conséquence, vous devriez au moins fixer le seuil au niveau actuel du chômage, soit 7 %.
La réalité, c’est que les prévisions ne valident pas la poursuite de la baisse du chômage et que c’est un leurre de croire que la réduction de l’assurance est un levier pour cela, même en poussant les chômeurs vers des emplois de plus en plus précaires.
Pour masquer le véritable objectif de la réforme qui vise à baisser les dépenses et réaliser 4 milliards d’euros d’économies, vous affirmez que la contracyclicité permettra le retour à l’emploi de 150 000 chômeurs. Quand bien même cela serait exact, convenons que cela ne justifie pas les dizaines de milliers d’assurés qui perdront leurs droits.
Ma question porte sur cette estimation de 150 000 retours à l’emploi que vous nous vendez avec votre réforme. D’où vient ce chiffre ? De quelle étude ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice, permettez-moi tout d’abord de reprendre les termes de votre question. Vous avez dit que, pour revenir au niveau d’indemnisation précédent, il faudrait atteindre un taux de chômage de 9 % que la France n’a pas connu depuis des années.
Vous avez raison : la France ne l’a pas connu depuis cinq ans, c’est-à-dire depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Nous sommes passés de 9,4 % à 7,3 % de chômage.
Vous avez aussi raison de souligner que la politique pour l’emploi que nous menons est efficace. Elle s’est traduite par la création de 1,7 million d’emplois depuis 2017. Au troisième trimestre de l’année 2022, l’économie française – les entreprises françaises – a créé 84 000 emplois.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Olivier Dussopt, ministre. J’imagine que vous allez me rétorquer qu’il s’agit de « mauvais » emplois. Sachez que c’est la première fois depuis vingt ans que plus de la moitié des embauches se fait en contrat à durée indéterminée – c’est le cas depuis le début de l’année 2022 – et que plus de la moitié des emplois dans notre pays sont des CDI.
M. Marc-Philippe Daubresse. Vos chiffres sont faux ! C’était déjà le cas en 2006 !
M. Olivier Dussopt, ministre. Non seulement l’économie française crée de l’emploi, mais elle crée de l’emploi stable et de meilleure qualité qu’il y a quelques années. C’est aussi le résultat de la politique de lutte contre les contrats courts que nous menons depuis 2019.
Comme vous l’avez dit, nous avons présenté une réforme de l’assurance chômage. Elle a été adoptée par les deux assemblées sans recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution – je le précise. Elle prévoit l’application du principe de contracyclicité. Qu’est-ce que cela signifie ? Il s’agit de faire en sorte que le régime d’assurance chômage soit plus protecteur, quand les choses vont mal, et plus incitatif, quand les choses vont bien.
J’ajoute que c’est le Sénat qui a introduit la notion de conjoncture économique comme critère de modulation des règles de l’assurance chômage.
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. Olivier Dussopt, ministre. Cette loi et les décrets que nous allons bientôt prendre vont permettre de réduire une part – et simplement une part – des tensions de recrutement. Toutes les études convergent pour dire que, pour l’année 2023, cela peut permettre d’accélérer le retour à l’emploi de 100 000 à 150 000 personnes.
C’est une bonne nouvelle et vous devriez vous en féliciter, comme vous devriez vous féliciter du fait que, depuis octobre 2021, grâce aux politiques de formation et d’emploi, nous avons permis le retour à l’emploi de 300 000 chômeurs de longue durée, dont 156 000 de très longue durée.
Vous oubliez les bonnes nouvelles, madame la sénatrice. Vous préférez faire peur et c’est bien dommage. Réjouissez-vous avec nous ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Alain Cazabonne applaudit également. – Huées sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. Philippe Pemezec. C’est vous qui jouez à faire peur !
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, ce n’est pas sous le quinquennat d’Emmanuel Macron que les chiffres du chômage que vous évoquez ont été atteints. Vous les avez trouvés, en arrivant au pouvoir en 2017 ! (Protestations sur les travées du groupe RDPI.)
En plus, vous ne regardez que les chômeurs de catégorie A, pas les autres.
En tout cas, le seul chiffre qui soit exact et documenté, c’est celui de l’Unédic : votre réforme aboutit à 4 milliards d’euros d’économies pris sur le dos des demandeurs d’emploi ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et SER.)
influenza aviaire et filière palmipède
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Médevielle. Monsieur le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, ma question concerne l’influenza aviaire, qui continue de sévir dans notre pays, et ses conséquences sur les filières des palmipèdes.
Cette année, d’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), la faune sauvage est victime de ce virus de manière endémique. Alors que les migrations ont à peine débuté, la façade ouest de notre pays est particulièrement touchée malgré de nouvelles mesures de surveillance inédites.
Pensez-vous mettre en place, monsieur le ministre, un autre plan, plus protecteur ?
En raison des abattages massifs, la filière évolue aujourd’hui à 30 % de ses capacités et les acteurs éprouvent de grandes difficultés d’approvisionnement même dans les zones indemnes.
À la veille des fêtes de Noël, tout un secteur économique est plongé dans un profond désarroi. Les aides, comme le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental, s’avèrent insuffisantes et inadaptées à une crise d’une telle ampleur.
Abattage ou non, isolement ou non, valorisation ou non, le débat est complexe et la seule lueur d’espoir semble venir de la vaccination. Or le vaccin, malgré des essais encourageants des laboratoires Ceva Santé Animale et Boehringer Ingelheim, n’est toujours pas prêt. Les laboratoires semblent un peu réticents à investir massivement dans une filière réputée de plus en plus fragile.
Monsieur le ministre, pensez-vous mener une action forte en faveur de la mise en place de ce programme de vaccination ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Très bonne question !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Médevielle, vous m’interrogez sur la question de la grippe aviaire, qui est un sujet de préoccupation et de détresse pour nombre de producteurs compte tenu de l’arrivée d’une nouvelle vague épidémique puissante, la seconde cette année.
Vous l’avez rappelé, nous avons pris des mesures pour gérer cette crise, en particulier dans l’ouest de la France particulièrement touché par cette situation sanitaire dégradée. Ces mesures ont été décidées et sont ajustées chaque semaine en concertation avec l’ensemble des acteurs de la filière – je souhaite d’ailleurs les en remercier. Quand nous avons besoin de les renforcer ou de les alléger, nous le faisons, je le redis, après concertation.
En ce qui concerne les indemnisations – je serai peut-être en désaccord avec vous sur ce point –, elles se sont élevées à 1,1 milliard d’euros en 2022 pour un chiffre d’affaires global de la filière de 6,7 milliards. Ce sont donc des mesures très puissantes et, si elles n’avaient pas été décidées, je crois que beaucoup de filières auraient tout simplement disparu.
Il est vrai que nous sommes encore en mode dégradé et que plusieurs repeuplements n’ont pas pu avoir lieu, parce que des lieux d’accouvage ont disparu.
Enfin, vous m’interrogez sur la question de la vaccination.
Je veux d’abord vous dire que c’est parce que la France a agi que nous avons obtenu le lancement d’une expérimentation. Celle-ci concerne cinq pays. Nous avons obtenu l’autorisation en juin et lancé effectivement l’expérimentation en août – en France, elle porte en particulier sur les palmipèdes. Nous attendons la qualification de la vaccination cet hiver, en décembre ou janvier.
Sans attendre les résultats précis de cette expérimentation, nous travaillons déjà à un plan de vaccination pour redonner une perspective à nos éleveurs et mettre les laboratoires en situation de produire ces vaccins dans des délais raisonnables, mais ce sera uniquement à partir de la saison 2023.
Vous le voyez, d’un côté, nous gérons l’urgence, de l’autre, nous réfléchissons sur le moyen et long terme, notamment sur la vaccination, mais ce n’est pas le seul outil dont nous disposons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.
M. Pierre Médevielle. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je sais que vous êtes conscient de la fragilité de la filière. Il faut aider les exploitants à tenir jusqu’à la campagne de 2023.
Par ailleurs, on peut se poser des questions sur l’opportunité de certains abattages à partir du moment où il y a interdiction de transport.
Toutes les mesures en faveur de cette filière pour la faire tenir sont les bienvenues et nous attendons de bonnes nouvelles de la part des laboratoires. Il est tout à fait positif que le Gouvernement travaille d’ores et déjà à un plan de vaccination ; cela doit nous permettre d’aller très vite une fois les autorisations accordées. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)
centrale thermique de cordemais
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Garnier. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Le 19 février 2020 a été pour vous un jour historique – c’est ce que vous avez déclaré, en annonçant tout sourire la fermeture effective de Fessenheim. (Marques de réprobation sur les travées du groupe Les Républicains.) Quelques mois auparavant, le Président de la République avait annoncé sa volonté de fermer quatorze centrales nucléaires d’ici à 2035. (M. Bruno Sido ironise.)
Depuis, vous avez réussi le double exploit d’augmenter notre besoin en électricité et de diminuer notre production. Vous augmentez nos besoins, en achetant des voitures électriques à la Chine. Et vous diminuez notre production, en sabordant notre parc nucléaire par vos changements de pied successifs au gré des arrivées et des départs des ministres écologistes.
Madame la Première ministre, la guerre en Ukraine, loin d’expliquer la crise actuelle, n’a fait que révéler vos propres insuffisances. Aujourd’hui, ce sont les Français qui vont devoir subir une pénurie dont vous êtes responsable.
M. Laurent Burgoa. Exact !
Mme Laurence Garnier. Alors, on rouvre nos centrales à charbon polluantes – je pense à Cordemais en Loire-Atlantique dont la fermeture n’en finit pas d’être reportée…
Surtout, on prépare les Français au grand bond en arrière, en leur parlant de fermetures d’écoles, de délestages et de baisses de tension.
En moins de trois ans, madame la Première ministre, vous avez réussi à remplacer la stratégie énergétique française par un catalogue de bonnes pratiques, allant des doudounes aux cols roulés… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Madame la Première ministre, jusqu’à quand comptez-vous infantiliser les Français pour masquer votre impréparation et vos compromissions ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Madame la sénatrice Laurence Garnier, je suis doublement surpris par votre question. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
D’abord, parce que vous semblez remettre en cause une stratégie de développement énergétique dont nous avons eu l’occasion de débattre ici au Sénat dans le cadre de l’article 50-1 de la Constitution.
J’avais alors eu l’occasion de rappeler que c’est sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy que les centrales nucléaires françaises avaient été le moins entretenues. De ce fait, le taux de disponibilité des centrales était alors à un niveau historiquement faible. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. C’est une fable !
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’aurais aimé pouvoir affirmer que, face à des défis historiques – la décarbonation de la France, la guerre aux portes de l’Europe, la restauration de la crédibilité de notre grand opérateur national, le développement de nouveaux réacteurs, la fermeture de centrales à charbon difficile dans certains territoires comme le vôtre, etc. – nous serions capables de créer de l’unité nationale. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Et Fessenheim ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Ensuite, je regrette que nous soyons dans la gestion des peurs et dans la caricature. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous le savez, le Gouvernement est extrêmement mobilisé pour éviter le pire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Et le pire, ce sont d’éventuels délestages. Soyez-en convaincus, nous travaillons jour et nuit avec l’opérateur pour les prévenir. J’en appelle à la responsabilité des Françaises et des Français, qui ont déjà commencé à réduire leur consommation d’électricité pour faire face à ce défi, et j’aimerais que tout le monde soit aussi responsable que les industriels français, qui, depuis des mois, ont ralenti leur consommation. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
cyberattaque du centre hospitalier de versailles (ii)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Laugier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Laugier. Ma question, ou plutôt mes interrogations s’adressent à M. le ministre de la santé et de la prévention et concernent un sujet déjà évoqué en début de séance.
Au mois d’août dernier, l’hôpital de Corbeil-Essonnes subissait une cyberattaque sans précédent. Samedi soir, c’est l’hôpital de Versailles qui a été victime d’une attaque similaire. Une cyberattaque d’une telle ampleur qu’elle a eu des conséquences immédiates sur la prise en charge des patients, avec des déprogrammations d’opérations et des transferts vers d’autres hôpitaux.
Pendant peut-être encore plusieurs mois, le plus grand établissement de soins des Yvelines fonctionnera au ralenti, détériorant l’offre hospitalière et l’accès aux soins de tout le département.
Confronté à une crise majeure depuis maintenant plusieurs années, l’hôpital, déjà au bord de l’implosion, et qui, ces dernières semaines, est confronté à l’afflux de malades touchés par les épidémies de bronchiolite, de covid-19 et de grippe, doit dorénavant faire face à des attaques informatiques qui s’apparentent ni plus ni moins à du terrorisme.
Comment se fait-il que cette attaque n’ait pas pu être déjouée, alors qu’à la suite de plusieurs tentatives, on savait que cet hôpital était visé ?
Comment cette cyberattaque a-t-elle pu se produire après celle de Corbeil-Essonnes ? Visiblement, aucun enseignement n’a été tiré de cette dernière.
Aujourd’hui, les patients et le personnel soignant attendent un retour rapide à la normale et la conclusion de l’enquête sur l’identification des hackers. Où en est-on ?
Plus généralement, quel est le degré de fragilité des administrations françaises face au cyberterrorisme et quelle est la doctrine gouvernementale face aux demandes de rançons ?
Enfin, quels dispositifs allez-vous mettre en place pour dissuader toute nouvelle tentative de déstabilisation de notre système hospitalier et, plus largement, de nos administrations ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Laugier, je le redis, cette attaque est ignoble, en ce qu’elle tente de prendre en otage la santé des Français. Tous nos hôpitaux et, plus largement, nos administrations font face à cette nouvelle menace qu’est la cybercriminalité, qui cherche avant tout à s’enrichir en s’en prenant à nos infrastructures essentielles.
Malheureusement, les attaques s’adaptent aux dispositifs que nous mettons en œuvre pour protéger nos établissements.
Vous avez parlé des rançons. Je le répète avec la plus grande détermination, nous ne céderons jamais en ce qui concerne la santé des Français. Le problème est pris plus qu’au sérieux. J’ai rappelé les financements que nous avons mis en place et la coordination qui existe entre les différents ministères à ce sujet. À ce jour, 150 établissements et groupements hospitaliers sont accompagnés dans le cadre du plan « Parcours cybersécurité ».
Je tiens surtout à rassurer nos concitoyens : la sécurité et la qualité des soins sont toujours garanties. Certes, il y a eu une déprogrammation immédiate, tant que l’on ne connaissait pas l’ampleur de l’attaque. Il y a eu également, pour faire de la place « au cas où », six transferts à titre préventif – trois enfants et trois adultes – vers les autres hôpitaux de l’Île-de-France, en particulier de l’AP-HP, que je salue ici.
En attendant, le traitement des patients admis se poursuit, bien entendu, mais en mode « papier », ce qui oblige à se déplacer d’un service à l’autre, notamment pour l’imagerie et les résultats de biologie médicale.
En tout état de cause, notre capacité à assurer la sécurité et la continuité des soins est essentielle, non seulement pour protéger nos concitoyens, mais aussi pour diminuer l’emprise des pirates, qui seront dès lors moins attirés par nos établissements.
Ainsi, la stratégie est globale : prévenir les cyberattaques en renforçant de plus en plus les moyens de protection des établissements ; limiter l’impact de ces attaques pour rendre nos établissements moins attractifs.
Vous parliez des épidémies qui saturent l’hôpital. J’en profite pour rappeler rapidement devant cette assemblée…
Mme la présidente. Rapidement, oui !
M. François Braun, ministre. … l’importance de la vaccination et du port de masque en endroit clos. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Laugier, pour la réplique.
M. Michel Laugier. Il y a quelques semaines, dans cet hémicycle, à une question sur la sécurité, le ministre de l’intérieur m’avait répondu : « Et à la fin, c’est toujours la police qui gagne ! » Le problème, c’est que l’on ne voit jamais la fin… (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
conséquences du délestage électrique
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
M. Pierre Ouzoulias. En septembre 2020, le Président de la République célébrait la France comme le pays des Lumières et de l’innovation, raillant ceux qui préféraient le « modèle amish » et le retour à la lampe à huile. Cet hiver, la France des Lumières va basculer en mode amish et s’éclairer à la lampe à huile et à la bougie. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, UC et Les Républicains.)
Notre pays, qui était exportateur d’électricité voilà peu, va maintenant dépendre de ses voisins pour tenter de continuer à alimenter en électricité ses transports, ses services publics, ses industries, ses entreprises, etc.
Comment a-t-on pu en arriver là ? Comment la septième puissance économique mondiale a-t-elle pu devenir en si peu de temps un pays en voie de sous-développement ? (Mmes Brigitte Lherbier et Sylviane Noël applaudissent.)
Ces pénuries vont rappeler aux générations les plus anciennes les privations de l’après-guerre et les tickets de rationnement. Elles frappent d’effroi les plus jeunes, qui prennent ainsi conscience du déclassement inéluctable de notre pays. Que les thuriféraires de la décroissance se réjouissent, nous y allons à grands pas ! La start-up nation n’a plus de jus ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, UC et Les Républicains.)
M. Patrick Kanner. Très bien !
M. Pierre Ouzoulias. Dans la France en pénurie, comme dans Le Radeau de La Méduse, le Gouvernement en est réduit à tirer à la courte paille ceux qui vont être sacrifiés. (Rires sur des travées du groupe Les Républicains.)
Et, comme dans la chanson populaire, ce sont les plus jeunes qui ont été choisis. Ainsi, comme vous nous l’avez annoncé dans cet hémicycle, monsieur le ministre de l’éducation nationale, les écoles pourront être privées d’électricité, mais nous sommes rassurés : les parents seront prévenus par le préfet la veille à dix-neuf heures. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
La crise pandémique a durement touché toute la jeunesse, de la maternelle à l’université. Monsieur le ministre, qu’allez-vous faire pour qu’elle ne soit pas de nouveau la victime de politiques qui les ignorent ? Monsieur le ministre, préservez notre jeunesse ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie. (Protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Rachid Temal. Et de l’école…
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Mesdames, messieurs les sénateurs, merci de votre accueil ! (Sourires.) Monsieur le sénateur Ouzoulias, merci de votre question ! J’ai répondu précédemment sur un ton un peu polémique, qui allait de mise avec celui de la question qui m’avait été adressée. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je souhaiterais vraiment, sincèrement et solennellement en appeler à la mobilisation générale.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. La question ne vous est pas adressée !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Aujourd’hui, nous faisons face à une guerre aux portes de l’Europe.
M. Jacques Grosperrin. N’en faites pas trop ! Répondez à la question !
M. Rachid Temal. Ce n’est pas la guerre le problème !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous faisons face à un défi de production pour notre opérateur national. J’en profite pour saluer le nouveau PDG, Luc Rémont, et, à travers lui, l’ensemble des salariés d’EDF, qui se mobilisent jour et nuit pour faire en sorte de « livrer des watts ».
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, il se peut que, dans des cas extrêmement particuliers, dans un environnement climatique précis, nous soyons obligés de mettre en place des délestages ciblés. (Exclamations sur les travées du groupe SER et Les Républicains.)
Le plan de prévention a été très bien calibré. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe SER et Les Républicains.)
L’application EcoWatt permet de prévenir ces délestages bien à l’avance. Au cas où la météo deviendrait orange ou rouge (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), chacun d’entre nous devrait faire des efforts pour limiter sa consommation. Au cas, très peu probable, où les écoles seraient affectées, je confirme, sous le contrôle de mon collègue ministre de l’éducation nationale, que les parents seraient prévenus trois jours avant. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe SER et Les Républicains.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour éviter le pire, le mieux est de s’y préparer. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous sommes prêts et nous éviterons le pire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Brouhaha persistant sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le ministre délégué, armés de machettes, coupe-coupe ou simplement de tessons de bouteille, des jeunes livrés à eux-mêmes font régner un climat de terreur dans le 101e département français.
Bandes, violence, alcool, mains coupées, guerre de gangs, caillassages de voitures de police : la liste est longue de tous les fléaux que subissent les Mahorais depuis trop longtemps. Livrés à eux-mêmes, des milliers de mineurs isolés sans-papiers peuplent des bidonvilles à Mayotte. Sans avenir, ces jeunes hors la loi n’ont rien à perdre et menacent la société tout entière.
Cette spirale infernale n’est pas près de s’arrêter, puisque, sous la pression migratoire, la maternité de Mamoudzou est débordée, tout comme le bureau des titres de séjour. On envoie le RAID pour calmer la situation, mais il faudrait davantage de moyens pour mettre fin à cette terreur. La politique du pansement ne suffit plus.
La vie de tous les Mahorais est en danger à cause de cette immigration incontrôlée. Nous ne pouvons accepter d’offrir un tel avenir aux habitants de Mayotte, qui ont fait le choix de la France.
M. Darmanin va se rendre à Mayotte à la fin du mois. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre délégué, que les souhaits qui seront formulés pour l’année 2023 ne resteront pas des vœux pieux ? Serez-vous en mesure de garantir aux habitants de cette île le respect des lois et principes de la République française en dénonçant clairement les causes de ce désordre et de cette ultraviolence ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, vous n’y allez pas de main morte ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’attends le silence… (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. On n’est pas à l’école !
Mme la présidente. Allez-y, monsieur le ministre !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Effectivement, ces actes sont inacceptables. La mobilisation du ministre de l’intérieur et des outre-mer est totale. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
M. Rachid Temal. Ah !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Nous avons mis en œuvre de nombreux moyens. Reconnaissez-le ! M. le ministre de l’intérieur se rend prochainement à Mayotte pour y confirmer les engagements que nous avons pris.
S’agissant de la lutte contre l’immigration clandestine, je rappelle que 24 000 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière l’an passé, soit 78 % de plus qu’en 2020. Par ailleurs, 324 passeurs ont été présentés à la justice et quatre filières ont été démantelées.
Le projet de loi sur l’immigration, qui sera présenté bientôt au Parlement,…
M. Roger Karoutchi. Nous sommes sauvés !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. … répondra, j’en suis sûr, à vos préoccupations.
Ce qui compte, et que vous passez sous silence, c’est l’effort extraordinaire que Mme la Première ministre a autorisé M. Darmanin et moi-même à mettre en œuvre sur le développement. Ainsi, 83 millions d’euros seront consacrés en 2023 à l’éducation à Mayotte. J’ai par ailleurs signé un contrat de 411 millions d’euros sur l’eau avec le Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte.
M. Sébastien Meurant. C’est le « quoi qu’il en coûte » ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. M. le ministre de la santé, qui s’est rendu à Mayotte, a été impressionné par les efforts faits en matière d’innovation en santé et en matière de développement économique. Madame la sénatrice, votre intervention est une insulte aux élus de Mayotte, qui, eux, se mobilisent. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. La réplique est très facile : le préfet du département estime que, si l’on ne fait rien, il y aura 750 000 habitants à Mayotte en 2050, contre 300 000 aujourd’hui.
M. Jacques Grosperrin. Voilà !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à entendre que le droit du sol et que les politiques publiques en matière d’accès aux soins gratuits et à la scolarisation des enfants doivent être drastiquement remis en cause sur ce territoire ?
Je rappelle que 80 % des enfants scolarisés à Mayotte ne sont pas des enfants de l’île. C’est un appel d’air considérable pour l’immigration, qui déstabilise l’île en permanence.
Mme la présidente. Veuillez conclure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Que s’est-il passé concrètement depuis votre déplacement en août 2022 ?
Mme la présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je veux juste finir… (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER. – Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice.)
service national universel
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jacques-Bernard Magner. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du service national universel.
Madame la secrétaire d’État, le budget pour 2023 attribue 140 millions d’euros au service national universel (SNU), laissant des crédits dérisoires pour les autres dispositifs du soutien à la vie associative.
Pourtant, nous savons tous ici que le SNU, créé en 2019, est un échec. En 2022, vous espériez 50 000 jeunes. Comme les années précédentes, nous vous avions fait part de notre scepticisme. Résultat : ce sont seulement 32 000 services qui seront réalisés. Il est évident que les jeunes n’adhèrent pas à ce projet, imaginé, promu et soutenu par le Président de la République, qui doit aujourd’hui rester le seul convaincu de son intérêt.
Malgré cela, vous augmentez encore ce budget pour 2023, inscrivant 140 millions d’euros pour 64 000 jeunes espérés, soit 27 % d’augmentation. En revanche, les crédits du service civique progressent moins que l’inflation, alors que cet outil tout à fait pertinent pour les jeunes est aujourd’hui très recherché.
Vous le savez, la généralisation du SNU à une classe d’âge sera très difficile, autant pour des raisons budgétaires que pour des raisons d’adhésion.
Madame la secrétaire d’État, il faut savoir tirer les leçons d’un échec.
D’autres solutions existent pour l’éducation à la citoyenneté de notre jeunesse. Pourquoi ne pas soutenir vraiment le développement du service civique, ainsi que les colonies de vacances, vrais lieux de mixité et de socialisation, et ce dès le plus jeune âge ? Pourquoi ne pas promouvoir le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (Bafa) et en faire l’une des étapes d’un parcours d’engagement et de citoyenneté qui se déploierait à bien moindre coût, en apportant un vrai soutien à la vie associative dans notre pays ?
Madame la secrétaire d’État, aujourd’hui, nous attendons vos propositions. Allez-vous enfin répondre aux aspirations et aux besoins de notre jeunesse ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du service national universel.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Magner, j’ai la conviction que nous avons la même ambition pour notre jeunesse. Nous voulons une jeunesse qui a goût en l’avenir, qui est formée, qui a de l’espérance. Pour cela, monsieur le sénateur, je ne vois aucune opposition entre les différents dispositifs.
Plus que jamais, nous avons investi sur le service civique, et celui-ci progresse. Il y a même plus de demandes d’agrément de jeunes que de missions proposées.
Les colonies de vacances et l’éducation populaire ont le vent en poupe : le dispositif Vacances apprenantes a réuni un million de jeunes encore l’été dernier.
Sur le Bafa, il y a eu en même temps l’installation du comité de filière Bafa et un financement massif, avec plus de 200 euros pour chaque jeune qui le souhaite, et ce afin de lever tout frein financier.
Monsieur le sénateur, ni vous ni moi n’opposons ces dispositifs. Il importe surtout de construire un parcours de citoyenneté, ce qui ne se décrète pas.
Nous avons besoin d’une jeunesse unie, quand elle est aujourd’hui fracturée, au moins pour partie.
Nous avons besoin d’une jeunesse en bonne santé, grâce à des bilans réguliers.
Nous avons besoin d’une jeunesse qui retrouve la culture de la défense et qui soit formée aux gestes qui sauvent.
Nous avons besoin d’une jeunesse qui s’inscrive dans un projet personnel, en complémentarité avec le projet pédagogique de l’éducation civique et morale.
Nous avons besoin enfin d’une jeunesse qui s’engage.
Votre famille politique, monsieur le sénateur, a toujours encouragé ces engagements, qu’ils soient civils ou militaires.
Avec le ministre de l’éducation nationale, en charge d’une partie de l’apprentissage, le ministre des armées, sous l’autorité de la Première ministre, nous déployons, année après année, un grand projet pour tous nos jeunes, parce qu’un pays fort, uni, doit préparer sa jeunesse à répondre aux défis de son temps : retour de la guerre, aujourd’hui en Ukraine ; défi climatique ; catastrophes naturelles.
Enfin, monsieur le sénateur, un pays fort, uni, c’est un pays où les jeunes se parlent et partagent des valeurs. Pour cela, il faut qu’ils se rencontrent. Le SNU, c’est pour eux, c’est pour les autres, c’est pour la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour la réplique.
M. Jacques-Bernard Magner. Madame la secrétaire d’État, je suis d’accord avec toutes les valeurs citoyennes que vous venez de rappeler. Toutefois, vous n’avez pas répondu précisément à ma question : allez-vous continuer avec le SNU tel quel ou allez-vous le réformer ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
mercosur
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Cadec, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Cadec. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.
Monsieur le ministre, tout indique que la Commission européenne va enclencher rapidement le processus de conclusion formelle de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur, et ce sur une base juridique qui prévoit une décision à la majorité simple au Conseil après approbation du Parlement européen, sans aucune implication des parlements nationaux.
La France a longtemps justifié son opposition à cet accord en invoquant l’insuffisance des engagements pris par le Brésil du président Bolsonaro en matière d’action climatique et de lutte contre la déforestation. Or, de ce point de vue, l’élection récente du président Lula change la donne et ouvre la voie à l’adjonction d’une annexe environnementale à l’accord contenant les garanties exigées par l’Union de la part du Brésil.
L’Allemagne, d’une part, et le Brésil, d’autre part, ont de grands intérêts dans l’affaire. La première pour doper ses exportations industrielles vers l’Amérique latine ; le second pour obtenir un accès préférentiel aux marchés agricoles de l’Union. Ils poussent donc l’un et l’autre pour faire en sorte que l’accord puisse entrer en vigueur dès le début de l’année prochaine.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, que compte faire la France pour s’opposer à un accord dramatique pour nos intérêts agricoles, sachant qu’un blocage français à Bruxelles ne pourra bientôt plus être justifié seulement par des arguments environnementaux et qu’il ne sera, de toute façon, plus possible techniquement, compte tenu de la base juridique retenue par la Commission ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.
M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger. Monsieur le sénateur Cadec, vous avez raison, l’élection du président Lula est une bonne nouvelle pour la relation bilatérale entre la France et le Brésil. Le Président de la République l’a saluée comme telle.
L’accord avec le Mercosur est en négociation depuis l’année 2000, soit depuis vingt-deux ans, entre l’Union européenne et le Brésil. Il n’est à ce jour ni finalisé ni signé, et n’est donc a fortiori pas ratifié.
La France a posé des conditions très claires pour la conclusion de cet accord. Elles sont de trois ordres.
La première a trait à la déforestation. Il y a d’ailleurs lieu de saluer l’adoption, avant-hier, dans le cadre du trilogue européen, du règlement sur la déforestation. Il est hors de question d’importer un seul kilo de bœuf élevé sur de la prairie qui aurait été gagnée sur la forêt amazonienne. Cela vaut pour le bœuf comme pour tout autre produit.
La deuxième condition, c’est le respect par toutes les politiques publiques des pays membres du Mercosur des accords de Paris.
Enfin, la troisième condition, c’est le respect de l’ensemble des normes sanitaires et environnementales de l’Union européenne. (M. Jérôme Bascher mime la brasse coulée.)
Les négociations se poursuivent donc dans ce cadre-là. Le jour où elles auront abouti, et seulement ce jour-là, la France examinera cet accord et se prononcera dans le cadre de la procédure européenne au sein du Conseil de l’Union européenne. Le Parlement européen sera évidemment saisi en vertu de ses pouvoirs propres. Quant aux parlements nationaux, ils seront saisis si les accords devaient être scindés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Didier Marie. Comme pour le Ceta ?
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Cadec, pour la réplique.
M. Alain Cadec. Je vous ai précisé que la Commission européenne allait utiliser l’article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Donc, elle ne consultera pas les parlements nationaux.
Certains députés européens de Renaissance, dans une lettre au commissaire européen Dombrovskis, ont prétendu que la procédure choisie par la Commission était illégale. C’est inexact, elle est parfaitement légale. Compte tenu de l’approbation requise du Parlement européen, elle ne peut certainement pas être qualifiée d’outrage démocratique.
Monsieur le ministre, la France, et particulièrement ses agriculteurs, est en grande difficulté sur ce dossier. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
pénurie de paracétamol pédiatrique
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Jacquemet. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Monsieur le ministre, le porte-parole du Gouvernement, Olivier Véran, est intervenu ce matin à la télévision au sujet des problèmes sur les stocks de Doliprane. Il a tenté de rassurer nos concitoyens en expliquant que la France n’était pas seule concernée, la tension étant mondiale.
Peut-être, mais elle dure depuis quelque temps et touche maintenant les enfants. Au début du mois de novembre, notre collègue Bruno Belin soulevait déjà le problème. Vous aviez alors affirmé prendre la mesure de la situation et vouloir augmenter le volume des stocks et les moyens d’alerte.
Aujourd’hui, c’est le Doliprane pédiatrique qui est en cause. Alors que le froid est arrivé et, avec lui, son cortège d’épidémies saisonnières, nous sommes en rupture. L’impact est particulièrement problématique, car, s’agissant des enfants, le Doliprane est, j’y insiste, le médicament de première intention. Il n’existe aucun substitut. En effet, d’après l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l’ibuprofène et l’aspirine sont contre-indiqués pour ces populations.
Le principal fabricant, Sanofi, en situation de quasi-monopole avec 98 % des parts de marché sur la présentation pédiatrique, est en grande difficulté. Aucun concurrent ne peut suppléer à la baisse de sa production.
Toujours selon l’ANSM, ces tensions pourraient encore durer plusieurs semaines. On ne peut pas laisser les choses en l’état, car, au-delà des difficultés causées en ambulatoire par ces pénuries, l’effet domino sera inévitable : de plus en plus d’enfants seront orientés vers les hôpitaux, en particulier vers les services d’urgence, alors que ceux-ci sont déjà saturés.
Monsieur le ministre, à court terme, comment votre gouvernement entend-il garantir que nos enfants ne manqueront pas de Doliprane pédiatrique cet hiver ? À plus long terme, comment comptez-vous éviter que de telles situations ne se reproduisent ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Ministre des bobards !
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Madame la sénatrice Jacquemet, je vous prie de bien vouloir excuser le ministre de la santé, qui a dû s’absenter.
Vous l’avez dit, cette pénurie est mondiale. Elle est liée à la volatilité de la consommation de médicaments en général, et de paracétamol en particulier. En effet, la crise de la covid-19 a modifié de manière importante les comportements de consommation et la répartition de la distribution entre la ville et l’hôpital.
La France a été parmi les pays les plus rapides à réagir, grâce au système d’alerte Trustmed, qui nous a permis d’identifier des tensions très tôt et de prendre des décisions, notamment l’interdiction de l’exportation et le passage privilégié par les grossistes répartiteurs, ce qui permet d’assurer du mieux possible la distribution dans les pharmacies. Cependant, dans certains cas particuliers, cela n’empêche pas certaines pharmacies d’être en rupture de stock.
J’y insiste, nous ne sommes pas face à une pénurie globale de Doliprane, quelle que soit sa forme. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Si !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Dans certaines pharmacies, c’est vrai, le Doliprane pédiatrique vient à manquer.
J’encourage donc les patients à la recherche de Doliprane pour enfants à se rendre dans plusieurs pharmacies. Par ailleurs, nous avons eu la confirmation par les industriels que, s’agissant de ce produit, qui est conditionné en flacon, le problème venait essentiellement des fournisseurs de verre, mais que la situation s’améliorait. La solution est donc proche.
À moyen terme, l’enjeu est de relocaliser la production.
M. Hussein Bourgi. Demandez à Sanofi !
M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est ce que nous faisons, notamment à travers un projet d’usine de production de paracétamol à Grenoble, piloté par Seqens, et non par l’entreprise que vous venez de mentionner, monsieur le sénateur.
Nous travaillons pour que, de nouveau, la France soit un pays de production, de consommation et, pourquoi pas, d’exportation de médicaments. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
lutte contre les trafics de stupéfiants
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Petrus, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annick Petrus. Ma question s’adresse au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
La direction générale des douanes et des droits indirects joue un rôle majeur pour la sécurité des Français. En effet, les douanes sont, en autres choses, un acteur majeur de la lutte contre le trafic de drogue. Elles sont ainsi à l’origine de 60 % à 80 % des saisies de stupéfiants sur le territoire national.
De plus, si le rôle des douanes dans la lutte contre le trafic de stupéfiants est encore trop souvent sous-estimé, il est amené à se renforcer. Ce trafic est resté dynamique et n’a que peu souffert de la crise sanitaire. La menace qui lui est liée ne cesse de s’accroître : les flux et les saisies augmentent, tout comme la criminalité connexe ; nos ports et aéroports restent vulnérables. La consommation de drogues demeure également très élevée, ce qui soulève un vrai enjeu de santé publique.
La situation apparaît désormais critique en France, du fait des multiples voies d’entrée de la drogue sur le territoire national : au trafic maritime en provenance d’Amérique du Sud s’ajoutent les échanges terrestres avec les pays frontaliers, ainsi que le fret postal et express depuis l’ensemble du monde.
Nos territoires ultramarins, comme Saint-Martin, sont donc particulièrement vulnérables. Ils doivent faire l’objet d’une attention spécifique du fait de leur situation géographique, à la croisée d’importantes routes maritimes et aériennes vers l’Union européenne.
Saint-Martin, je vous le rappelle, se situe bel et bien au sein du territoire douanier communautaire. Malheureusement, aujourd’hui, ce territoire ne bénéficie d’aucune protection face à ces trafics, faute d’effectifs.
En effet, deux douaniers seulement sont en poste à ce jour sur l’île, soit un effectif clairement insignifiant pour un territoire de près de 53 kilomètres carrés, dont la zone économique exclusive avoisine les 300 kilomètres carrés.
Dès lors, monsieur le ministre, ma question est simple : allez-vous laisser la France ouverte à toutes sortes de trafics ? Voyez-vous, Saint-Martin, c’est aussi la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Michelle Gréaume et M. Jean Hingray applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, comme vous le savez, le problème que vous exposez n’est pas spécifique à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ni même aux îles de la Caraïbe. Le trafic de drogue sévit partout ; le Gouvernement essaye donc aussi de lutter contre ce trafic partout, notamment en Guyane, où je me rendrai à la demande du ministre de l’intérieur la semaine prochaine.
Cette lutte est en effet une priorité de M. Darmanin, qui s’est déjà rendu en Guyane, ainsi qu’à la Martinique ; il a également évoqué l’ensemble des sujets intéressant la Caraïbe avec M. Attal, dont le portefeuille comprend les douanes, ainsi qu’avec M. le ministre de la justice.
N’en doutez pas, ce sujet est pris en considération, de manière globale, par le Gouvernement. Dans la pratique, cela signifie qu’il nous faut coordonner l’action de l’État en mer, sous l’autorité du préfet de la Martinique, responsable de la zone de défense et de sécurité Antilles. Des travaux sont en cours entre l’ensemble des administrations concernées, sous l’autorité de la Première ministre.
Pour répondre à votre question spécifique, madame la sénatrice, sachez que j’ai demandé à M. Attal de renforcer, à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, l’effectif des douaniers, qui a certes diminué il y a quelques années.
Nous avons par ailleurs, comme vous le savez, récemment mis en service un nouveau bateau des douanes – je n’en avais jamais vu d’aussi gros ! (Marques d’amusement sur les travées du groupe Les Républicains.) Il est désormais complètement à la manœuvre.
Dès lors, madame la sénatrice, ne doutez pas que M. le ministre Gabriel Attal répondra favorablement à votre demande ! J’en suis sûr, je lui en ai encore parlé il y a quelques jours. (MM. François Patriat et Xavier Iacovelli applaudissent.)
surpopulation carcérale
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, la surpopulation dans les prisons a atteint un niveau que nous n’avions jamais connu. Aujourd’hui, 1 350 personnes dorment sur des matelas au sol dans des cellules abritant trois détenus. La situation est telle que la France a été condamnée pour ses conditions indignes de détention par la Cour européenne des droits de l’homme.
Ma question est très simple, monsieur le garde des sceaux : qu’allez-vous faire, quant à cette situation, dans les mois qui viennent ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Sueur, ce n’est pas la première fois que vous me posez cette question.
D’abord, je voudrais faire remarquer que cette surpopulation carcérale démontre que ni la politique pénale que je conduis, sous l’égide de Mme la Première ministre, ni la justice, contrairement à ce que certains répètent en permanence, ne sont laxistes.
Ensuite, comme vous le savez, vous n’êtes pas le seul à être préoccupé par cette question. J’ai ainsi très fortement soutenu la loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, issue d’une proposition du président de votre commission des lois, M. François-Noël Buffet.
Alors, de quels leviers disposons-nous ?
À vrai dire, c’est une gageure que de répondre à une question aussi complexe en deux minutes, mais je vais m’y employer.
Le premier levier, c’est la rénovation. À cet égard, je voudrais vous rappeler, sans triomphalisme, que vous ne consacriez que 70 millions d’euros par an aux rénovations de prisons ; pour notre part, nous y consacrons plus de 170 millions d’euros chaque année.
Le deuxième, c’est la construction de places de prison : 15 000 places seront construites. Nous en aurons la moitié en 2024 et, je vous le dis, nous continuons dans cette voie.
Ensuite, il convient bien sûr de rappeler aux procureurs généraux le « bloc peines » issu de la loi du 23 mars 2019 – je le fais, bien sûr, dans toutes les circulaires que je leur adresse –, mais aussi de développer les peines alternatives, notamment le travail d’intérêt général, et de lutter contre la récidive. Hier, avec le sénateur Hussein Bourgi, nous avons inauguré une structure d’accompagnement vers la sortie (SAS), type d’établissement pénitentiaire qui permet d’éviter la récidive.
Le dernier levier, c’est, bien sûr, la prévention. Ce matin, j’ai reçu la délégation sénatoriale aux droits des femmes, qui m’a remis son rapport absolument extraordinaire sur la pornographie. (Mme Nassimah Dindar applaudit.)
Ce rapport a le mérite de placer ce sujet dans le débat public. Des enfants de 11 ans – c’est la moyenne d’âge de la première exposition – ont accès librement à la pornographie !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Quel est le rapport ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Eh bien, lutter efficacement contre cela, c’est naturellement lutter contre la délinquance et c’est aussi régler la question de la surpopulation carcérale ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, je ne vous interrogeais pas sur la pornographie, bien que celle-ci soit un réel fléau… (Rires et applaudissements sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)
Monsieur le garde des sceaux, j’espère que vous avez lu le rapport du comité des États généraux de la justice, qui vous a été remis par M. Jean-Marc Sauvé.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous lirez dans ce rapport que si, depuis trente ans, on construit des prisons, la surpopulation ne décroît pas pour autant. Selon M. Sauvé, la réponse n’est pas là : elle est dans ce qu’il nomme une « régulation ».
Simplement, cette régulation, il faut la penser, par une réflexion avec l’ensemble des acteurs concernés. Nous aimerions donc que vous vous penchiez sur la mise en œuvre de cette régulation, ce que, pour le moment, vous ne faites pas.
Vous dites, comme toujours, que c’est « la faute à avant » – on connaît la chanson – et qu’il faut des peines alternatives, des peines aménagées, etc. Mais on ne sent pas chez vous de volonté de répondre au jugement qui condamne la France parce que l’indignité est réelle dans un certain nombre de nos prisons : la surpopulation atteint 150 % dans trente-six d’entre elles !
Or si l’on n’agit pas fortement dans ce sens, on ne préparera pas la réinsertion, car cet état d’indignité dans les prisons, c’est justement ce qui fait qu’il n’y a pas de réinsertion, donc qu’il y a de la récidive ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
cop15
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Après la COP27 sur le climat, qui n’a pas été satisfaisante, hier s’est ouverte la COP15, sur la diversité biologique, qui apporte l’espoir d’un possible accord ambitieux permettant d’enrayer le déclin de la biodiversité.
Nous souhaitons tous ici un tel accord, tant le Sénat est mobilisé sur les questions de biodiversité et de climat, qui sont liées. Je salue d’ailleurs l’accord européen qui vient d’être trouvé sur l’interdiction d’importation des produits liés à la déforestation, enjeu majeur pointé par la Haute Assemblée.
La COP15 instaure indéniablement un dialogue utile entre les gouvernements, en lien avec les citoyens et les entreprises.
On fait face à un taux d’extinction des espèces supérieur de 100 à 1 000 fois au taux naturel. Les populations de vertébrés ont chuté de 69 % en moins de cinquante ans. Aujourd’hui, plus d’un million d’espèces animales et végétales sont menacées à court terme, soit une espèce sur huit.
Cette perte massive de biodiversité a des conséquences directes sur notre économie et concerne de nombreux secteurs : l’agriculture, avec le déclin des pollinisateurs ; la pêche, avec la surexploitation et le blanchiment des coraux ; le tourisme, affecté par les paysages en souffrance ; enfin, la gestion de l’eau.
Le sujet est à la fois international et profondément local. Nos collectivités et leurs élus ont à cœur de protéger leur territoire. La diplomatie environnementale ne peut pas tout régler ; nous devons donc continuer d’accompagner nos collectivités et de protéger ce sur quoi nous avons une réelle emprise, par des solutions fondées sur la nature.
À l’heure où notre pays souhaite porter un message d’exemplarité à l’international, la France, nation verte, doit éviter d’avoir le verbe haut et l’action faible.
Madame la Première ministre, quels engagements concrets la France défend-elle à l’échelle internationale ? Qu’en est-il de l’objectif de zéro perte nette de biodiversité inscrit dans la loi française ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. (M. Emmanuel Capus applaudit.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Chevrollier, j’aimerais vous remercier pour votre question, mais aussi pour votre présence, il y a quelques jours, au ministère de la transition écologique, où vous avez représenté le Sénat et témoigné de votre attachement au succès de la COP15 quand j’y ai reçu, avec Bérangère Couillard, toutes les ONG mobilisées. Je sais que vous serez personnellement un des acteurs de cette COP15, qui a commencé ses travaux à Montréal il y a quelques heures.
Son ambition est simple. Vous avez rappelé des chiffres qui font froid dans le dos. Un million d’espèces sont menacées, 75 % de la surface de la planète est altérée par la pollution, 85 % des zones humides ont disparu. Ce constat nécessite une mobilisation à la hauteur de ces menaces et de ces extinctions.
Il ne faudrait pas opposer le climat et la biodiversité, parce que les deux sont liés : quand le climat se dérègle, cela accélère la disparition des espèces ; quand la forêt rétrécit, ses capacités de piégeage du carbone diminuent d’autant. À l’inverse, quand on investit sur des solutions fondées sur la nature, on se donne les moyens de lutter contre le dérèglement climatique.
À la COP15, nous serons, en compagnie du Royaume-Uni et du Costa Rica, à la tête d’une coalition de 112 pays pour définir et défendre l’objectif « 30x30 » : préserver 30 % des terres et 30 % des mers à l’horizon de 2030.
Nous le ferons avec des engagements financiers : nous sommes l’un des trois seuls pays, pour le moment, à avoir indiqué sa volonté de s’engager de la sorte.
Nous le ferons de manière cohérente, avec l’annonce d’un One Forest Summit réuni dans quelques mois avec les pays africains pour étudier comment préserver le bassin du Congo et ses réserves de biodiversité ; avec, aussi, le refus exprimé par le Président de la République de l’exploitation des fonds marins ; avec, enfin, la perspective de planification écologique voulue par Mme la Première ministre, qui nous permettra de relier tout cela.
À court terme, 150 millions d’euros consacrés à la biodiversité pourront être dégagés dans le cadre du fonds vert. Je salue à ce propos Mme la sénatrice Lavarde ; je sais l’attachement attentif qu’elle porte à ce fonds (Sourires.), qui nous permettra d’accompagner de manière concrète nos territoires, en particulier les 1 756 sites Natura 2000 et la centaine de parcs naturels nationaux, maritimes et régionaux dont nous disposons. (Applaudissements sur des travées du groupe INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Nous soutenons les 30 % d’aires protégées, mais nous voulons une effectivité réelle, pour laquelle le fonds vert ne suffira pas ! Monsieur le ministre, donnons-nous vraiment les moyens d’assurer notre pleine souveraineté dans notre espace maritime, notamment en outre-mer !
aide sociale à l’enfance
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Brigitte Lherbier. Madame la secrétaire d’État chargée de l’enfance, l’Unicef a rendu dernièrement un rapport très inquiétant sur la protection de l’enfance en France.
Il y constate qu’un enfant est tué par ses parents tous les cinq jours et que les hospitalisations pour violences physiques commises par les parents ont augmenté de 50 % entre 2017 et 2020.
La police, la gendarmerie, les procureurs font régulièrement état de cette violence intrafamiliale, qui a atteint une ampleur particulièrement grave pendant le confinement. Adrien Taquet, alors secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, y était très attentif et se montrait inquiet pour l’avenir.
Les violences faites aux femmes sont désormais combattues avec véhémence par tous. Cette lutte est devenue une priorité nationale. C’est parfait, mais qu’en est-il de la maltraitance envers les enfants ?
Si la situation de crise que traverse l’aide sociale à l’enfance est très préoccupante à l’échelle nationale, notamment du fait du nombre important des mineurs étrangers isolés, elle l’est particulièrement dans mon département du Nord, premier département français pour le nombre d’enfants placés.
La moitié des décisions des juges des enfants concernent des mesures de protection de l’enfance. La presse locale expose, toutes les semaines, des situations préoccupantes où les professionnels du secteur tirent la sonnette d’alarme. Actuellement, dans le Nord, 270 ordonnances de placement ne peuvent être honorées faute de places d’hébergement pour ces enfants en détresse. Ceux-ci restent exposés aux dangers qui les menacent chez eux.
Le rapport de l’Unicef est un nouveau signal d’alarme. Un véritable plan national de protection de l’enfant hors de son foyer et de veille à domicile doit être mis en œuvre par le Gouvernement pour épauler les départements.
Une stratégie globale nationale est nécessaire pour assurer une protection renforcée. C’est un devoir de solidarité nationale à apporter aux départements submergés par la précarité des familles, l’afflux de mineurs isolés étrangers et, surtout, par la violence rencontrée dans tous les coins de France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enfance.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance. Oui, madame la sénatrice Brigitte Lherbier, le dispositif de protection de l’enfance est en tension.
Oui, les signaux enregistrés à la sortie de la crise sanitaire sont au rouge, et même au rouge vif, tant sur les violences commises sur les enfants que sur la santé mentale de nos enfants ou que sur le nombre de placements. Celui-ci est bien en forte augmentation, de plus de 10 % dans le département du Nord comme dans bien d’autres départements et territoires particulièrement affectés par les conditions socio-économiques.
Tel est bien le cas, en dépit de ce qui a été fait au cours du précédent quinquennat – vous y avez fait allusion, madame la sénatrice –, en dépit aussi de l’investissement très fort des départements sur cette politique prioritaire.
C’est pourquoi le Président de la République et le Gouvernement ont décidé de faire de l’enfance et de sa protection une priorité du nouveau quinquennat. Lors de la récente réunion, autour de la Première ministre, du comité interministériel à l’enfance, 40 actions et 50 priorités ont été définies ; tous les ministères sont engagés et j’assurerai la coordination de cette politique.
Il m’appartient aussi, madame la sénatrice, de mettre en œuvre la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dont vous conviendrez que l’adoption est assez récente, qui offre une forte impulsion.
Le groupement d’intérêt public (GIP) France enfance protégée permettra une meilleure coordination des acteurs au niveau national. Les comités départementaux de protection de l’enfance permettront quant à eux une action mieux coordonnée à l’échelle départementale. Il ne faut pas que l’État soit le seul acteur, mais il faut plus d’État, aux côtés des départements : c’est bien le rôle de ces comités, qui seront mis en place à partir du 1er janvier prochain dans les départements prioritaires – le président du conseil départemental du Nord m’a dit qu’il en créerait un.
Reste bien sûr la question, très complexe, des hommes et des femmes qui prennent en charge ces enfants. Vous savez que la politique de revalorisation des travailleurs sociaux est une priorité du Gouvernement. Nous sommes mobilisés ! Nous le sommes tous, pour prendre en charge les publics les plus vulnérables, pour les protéger, pour les accompagner, pour leur assurer un avenir et renforcer l’égalité des chances. C’est notre priorité, vous pouvez donc compter sur mon engagement. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
proposition de référendum sur l’alsace
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Madame le ministre chargé des collectivités territoriales, étant aussi grande que deux fois la Belgique, la région Grand Est ne permet aucune gestion de proximité. De plus, elle étouffe l’ancienne région d’Alsace, dont l’identité est très forte.
M. André Reichardt. Oui !
M. Jean Louis Masson. Tous les sondages montrent qu’une écrasante majorité des Alsaciens souhaite sortir du Grand Est.
M. André Reichardt. Tout à fait !
M. Jean Louis Masson. Malheureusement, les membres de l’exécutif régional s’accrochent à leurs prébendes et prétendent le contraire.
M. François Bonhomme. Ce n’est pas gentil !
M. Jean Louis Masson. Le sujet du Grand Est sera inévitablement évoqué lors de l’examen du prochain projet de loi de différenciation annoncé pour le début de l’année 2024.
Auparavant, il faut cependant clarifier la situation pour couper court aux controverses politiciennes. Un référendum préalable – j’insiste sur ce mot – et non a posteriori est donc indispensable pour connaître l’avis des Alsaciens de manière démocratique et incontestable.
Sans vous demander de vous prononcer sur l’opportunité d’un redécoupage de la région Grand Est, je vous pose donc, madame le ministre, la question suivante : acceptez-vous le principe de l’organisation d’un tel référendum ?
Mme Véronique Guillotin. Non !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Masson, la question du statut de l’Alsace au sein de la région Grand Est a fait l’objet, depuis la création de cette dernière, de débats locaux et nationaux que nous avons tous entendus.
Comme vous le savez, les deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ont fusionné le 1er janvier 2021, donnant naissance à la Communauté européenne d’Alsace (CEA). Cette évolution institutionnelle, qui a été accompagnée par le Gouvernement et le législateur, a apporté une réponse consensuelle aux demandes des citoyens et des élus alsaciens. Elle a permis d’adapter l’organisation des collectivités alsaciennes aux besoins spécifiques de leur territoire, en dotant la CEA de compétences supplémentaires justifiées par les enjeux particuliers auxquels cette collectivité fait face, notamment en matière de coopération transfrontalière.
Une organisation différenciée existe donc déjà en Alsace ; je crois qu’il est important que nous lui donnions le temps de produire ses effets.
Du point de vue juridique, notons ensemble que le législateur a prévu que la modification des limites territoriales d’une région ne peut intervenir que par le biais de la loi, soit sur l’initiative du Gouvernement, après consultation du conseil régional et des conseils départementaux concernés, soit à la demande de ces conseils.
Je crois, monsieur le sénateur, que le Gouvernement a déjà largement démontré sa volonté de permettre aux collectivités territoriales d’adapter leur organisation. Il a ainsi notamment voulu faciliter, dans le cadre de la loi 3DS, la création de collectivités territoriales uniques regroupant la région et ses départements. Ce principe d’adaptation est essentiel à nos yeux, car il permet aux collectivités de mieux répondre aux enjeux auxquels elles font face.
J’estime donc que nous devons d’abord pleinement investir les possibilités que nous offre déjà la loi. (M. Ludovic Haye ainsi que Mmes Patricia Schillinger et Véronique Guillotin applaudissent.)
M. André Reichardt. C’est décevant !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réplique.
M. Jean Louis Masson. Madame le ministre, je suis quand même un peu surpris que vous puissiez dire que tous les Alsaciens sont contents ! Si tel est le cas, pourquoi donc ne voulez-vous pas organiser un référendum ? Votre réponse, madame le ministre, c’est n’importe quoi ! (Rires sur des travées du groupe Les Républicains.)
En réalité, tout le monde est mécontent en Alsace, et tout le monde l’est également dans les autres départements du Grand Est, car nous sommes victimes d’une région tentaculaire.
Alors, si tout était comme vous le dites, madame le ministre, et que tout le monde était content en Alsace, vous ne prendriez aucun risque à organiser un référendum pour demander l’avis des gens. Pourquoi en avez-vous peur ?
Vous n’exprimez donc pas votre point de vue réel quand vous dites que tout va bien : c’est un mensonge ! À chaque consultation par sondage, on constate que les Alsaciens sont mécontents et qu’il se trouve également en Lorraine et en Champagne-Ardenne une majorité désireuse de remettre en cause la taille de la région Grand Est.
Alors, madame le ministre, laissez-moi vous dire une chose : le Gouvernement fait ce qu’il veut, mais il faut quand même arrêter de mentir ! (MM. Alain Duffourg et Sébastien Meurant applaudissent.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 14 décembre, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Mise au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Madame la présidente, lors des scrutins nos 81, 82 et 84, je souhaitais voter contre, et non pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique des scrutins concernés.
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2023 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
5
Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
6
Hausse des prix de l’énergie pour les collectivités territoriales
Rejet d’une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de la proposition de loi visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l’énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l’énergie, présentée par M. Fabien Gay, Mmes Céline Brulin, Cécile Cukierman et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 66, résultat des travaux de la commission n° 161, rapport n° 160).
Dans la discussion générale, la parole est M. Fabien Gay, auteur de la proposition de loi.
M. Fabien Gay, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a le texte, qui réclame le retour aux tarifs réglementés du gaz et de l’électricité, et il y a le contexte. Permettez-moi de commencer par ce dernier.
En tant que groupe minoritaire et d’opposition, nous disposons d’une ou de deux niches parlementaires par an. Il nous faut donc évidemment bien choisir nos textes. Pour cela, deux solutions s’offrent à nous.
Nous pouvons, parce que notre projet politique est à l’opposé de celui de la majorité sénatoriale, choisir de déposer un texte pour combattre politiquement celle-ci et marquer des points. Nous l’avons déjà fait dans cet hémicycle en débattant de la renationalisation des concessions autoroutières, de l’interdiction de toute coupure d’énergie tout au long de l’année ou d’un pôle public du médicament.
Ce faisant, il arrive parfois qu’une position minoritaire devienne majoritaire. L’idée d’inscrire l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution, par exemple, continue de faire son chemin, et un texte en ce sens a même été adopté par l’Assemblée nationale.
De même, une proposition de loi tendant à la création d’une délégation parlementaire aux droits de l’enfant sera débattue de nouveau demain au Sénat ; nous nous en réjouissons et espérons qu’elle sera adoptée.
La seconde option consiste à trouver une position qui rassemble, l’idée ayant fait son chemin dans la société ou dans notre hémicycle. Saluons, par exemple, la revalorisation des retraites agricoles, proposée par mon ami André Chassaigne.
Je me réjouis également que nous soyons parvenus à nous mettre d’accord, que ce soit, sous l’impulsion de ma collègue Cécile Cukierman, lorsque les aides personnelles au logement (APL) avaient été rabotées de 5 euros par le ministre Julien Denormandie, ou encore pour que nous puissions avoir voix au chapitre sur l’accord économique et commercial global (Ceta).
Je dois vous dire, mes chers collègues, que nous pensions que cette proposition de loi, qui vise à revenir à des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité pour toutes les collectivités, entrerait dans la seconde catégorie.
En effet, la situation est extrêmement grave pour nos collectivités. Nous connaissons tous les raisons de la situation actuelle : la guerre en Ukraine, l’arrêt d’une partie de nos centrales nucléaires – nous en avons parlé lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement –, qui a fait de nous, alors que nous étions des exportateurs nets, des importateurs nets d’électricité et, bien sûr, la dérégulation du marché.
Nous aurons d’ailleurs à débattre de la question du marché européen de l’électricité. Sur ce sujet aussi, je vois que même les ministres bougent. Pendant des années, vous nous avez ri au nez lorsque nous disions qu’il ne fonctionnait pas. Désormais, même le ministre de l’économie et des finances dit qu’il faut découpler les prix du gaz et de l’électricité – tant mieux !
Il faudra tout de même un jour nous expliquer comment un marché sans stock peut s’organiser. Car le principe d’un marché libre, c’est une production qui rencontre une demande. Or il n’y a actuellement pas de stock d’électricité. Nous subissons donc une pure spéculation, qui nous affecte, nous et nos collectivités.
Toutes nos collectivités font face à ce problème, quels que soient leur couleur politique, leurs choix budgétaires ou leur taille. Et comme, ici, il n’y a que des sénateurs et sénatrices de terrain, vous avez dans vos circonscriptions les mêmes discussions que les sénateurs et sénatrices communistes dans les leurs.
Dans mon département de la Seine-Saint-Denis, si vous demandez aux élus les augmentations de leur budget, le maire de Noisy-le-Sec vous répondra : « +800 000 euros », celui de Neuilly-sur-Marne : « +1 million d’euros » et le président de département : « +30 millions d’euros » !
Comme vous le voyez, j’ai pris tout l’arc républicain politique de la Seine-Saint-Denis. Et dans chaque département, c’est la même chose !
Certes, nos collectivités sont inventives. Mais les problèmes qu’elles rencontrent sont particulièrement difficiles à surmonter : l’inflation touche non seulement l’énergie, mais aussi les matières premières. Les personnes qui gèrent des collectivités ou des cantines scolaires voient bien les difficultés à boucler les budgets.
Or, il faut le dire, les prix de l’électricité, comme ceux du gaz, ne redescendront pas. La crise est durable.
Ainsi, nos collectivités sont face à un dilemme : soit elles augmentent les impôts, ce qui, nous en conviendrons toutes et tous, est impossible ; soit elles s’endettent pour financer un budget de fonctionnement, ce qui est ingérable ; soit elles ferment des services publics, ce qui est évidemment impensable. Il est donc demandé à nos maires de bricoler.
Faut-il baisser le chauffage dans les écoles ou les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ? Je vous laisse vous en charger. Faut-il ne pas chauffer les piscines en plein hiver ? Je ne connais personne qui ait envie de se baigner dans une eau à 12 degrés… Faut-il demander aux usagers des bibliothèques de garder leurs manteaux pour aller consulter un livre, sous peine de les voir en ressortir comme des pingouins ? (Rires.) Ce n’est évidemment pas sérieux.
Il faut donc innover pour répondre à la crise. Vous l’avez fait, madame la ministre, avec plusieurs dispositifs. Mais je mets quiconque au défi d’expliquer le dernier en date.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Vous, vous auriez fait mieux, bien sûr ! (Sourires sur les travées du groupe RDPI.)
M. Fabien Gay. Le dernier en date, déjà bricolé trois fois en un mois et demi, impose trois critères. Or personne ne remplit les trois !
Mes chers collègues, n’hésitez pas à demander à vos préfets de vous l’expliquer, je vous assure que vous passerez un bon moment ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
En revanche, nos collectivités, elles, doivent gérer. Alors, parfois, il faut inventer, mais, d’autres fois, lorsque l’on ne peut plus mettre de rustines sur une jambe de bois, il faut se tourner vers le passé.
Je ne dis pas qu’il faille faire preuve de dogmatisme, en vertu d’un quelconque attachement philosophique. Pour notre part, vous savez que nous sommes attachés à la nationalisation des entreprises énergétiques : c’est Marcel Paul, ministre communiste, qui a nationalisé EDF et GDF et qui a inventé les tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE), esquissant la promesse que chacun aurait accès à l’énergie, où qu’il soit, à un prix raisonnable.
Toutefois, ce n’est pas par attachement que nous défendons les tarifs réglementés. C’est parce qu’ils sont l’outil le plus efficace que nous connaissions ! Nous sommes donc surpris, aujourd’hui, que la majorité refuse d’y revenir, et je vous assure, madame la ministre, que s’agissant de la fin des tarifs réglementés du gaz pour tous, vous nous trouverez sur votre chemin.
Prévue au 30 juin 2023, cette suppression des tarifs réglementés du gaz pour tous les usagers sera infernale pour 5 millions de foyers. J’espère donc que, au moins sur cette question, nous parviendrons à nous rassembler.
Par ailleurs, si je remercie M. le rapporteur de la discussion franche que nous avons eue en commission, je reviendrai sur les quatre arguments qu’il y a développés.
Son premier argument est que les TRVE coûteraient très cher : 50 milliards d’euros, nous a-t-il dit. Or, par la suite, une étude indépendante du Sénat a montré que cela coûterait seulement 3,5 milliards d’euros. Je le répète, 3,5 milliards d’euros pour le retour des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité pour toutes les collectivités…
Mes chers collègues, le bouclier tarifaire, le filet de sécurité, le relèvement de 20 térawattheures de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) et l’indemnisation des acteurs alternatifs auront coûté quelque 43 milliards d’euros en un an.
Voici l’alternative : 43 milliards d’euros donnés aux acteurs alternatifs, en une année, contre 3,5 milliards d’euros si nous votons cette proposition de loi. Franchement, c’est le choix entre le privé ou le public, entre le racket organisé et la gabegie, d’une part, et l’efficacité, d’autre part.
Ensuite, M. le rapporteur argue que, si toutes les collectivités devaient rompre leurs contrats, elles auraient des contentieux. Or nous n’avons jamais prôné cela ! Celles qui ont un marché n’ont qu’à y rester. Nous ouvrons simplement l’accès aux tarifs réglementés à celles qui se retrouvent face à des factures ayant gonflé de 30 % en moyenne et atteignant même parfois 300 %.
Que l’on s’entende bien : nous ne demandons à personne de rompre son contrat. Nous n’obligeons personne à revenir aux TRVE ; nous ouvrons cette possibilité pour les collectivités dont les contrats arrivent à terme.
Le troisième argument de M. le rapporteur consiste à dire que nous serions contraints par le droit européen. Permettez-moi de vous rappeler qu’il existe des dérogations ! D’ailleurs, les tarifs réglementés s’appliquent d’ores et déjà aux collectivités de moins de 10 équivalents temps plein (ETP) ou de moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires. C’est donc possible !
Je vous rappelle également que l’Espagne et le Portugal ont obtenu une dérogation, car il est écrit dans le droit européen que des entraves à la réalisation d’un marché concurrentiel sont possibles lorsqu’elles répondent à un objectif d’intérêt économique général, lorsqu’elles garantissent la cohésion territoriale ou lorsqu’elles permettent le maintien d’un prix raisonnable. Nous estimons que nous nous trouvons dans cette situation.
Enfin, le dernier argument de M. le rapporteur est que bien des choses auraient été faites lors du vote du budget… Ici, il n’y a ni sot ni naïf : nous savons très bien que le texte du budget que nous avons voté hier repartira à l’Assemblée nationale et que la Première ministre déclenchera pour la huitième fois l’article 49.3 de la Constitution. Il ne restera rien de ce que nous avons adopté !
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. Fabien Gay. Tant mieux si je me trompe, mais, en attendant que le PLF revienne au Sénat, je vous propose d’adopter cette proposition de loi pour ouvrir cette possibilité aux collectivités, pour le cas où rien ne subsisterait de nos dispositions dans le budget. Et comme la niche du groupe communiste à l’Assemblée nationale est programmée au mois de mai prochain, nous aurons le temps de faire le point sur ces dispositions d’ici là. Nous aurons tout loisir, si cela ne fonctionne pas, de corriger le tir.
En revanche, si nous ne votons pas le texte aujourd’hui et si le Gouvernement ne retient rien de nos échanges budgétaires, alors nous n’aurons plus la possibilité de venir en aide aux collectivités cette année.
Madame la ministre, mes chers collègues, j’espère que vous aurez été convaincus par mes arguments. Si tel n’était pas le cas, permettez-moi, en conclusion, de citer quelqu’un…
« Il faudra sans doute aller plus loin. Le groupe Les Républicains vous prie de revenir sur la suppression des tarifs réglementés, qui doit avoir lieu le 30 juin prochain. Un véritable bouclier ne doit pas consister simplement en un déversement d’argent public sur les ménages ou dans l’économie. Il y a des décisions à prendre. Or je n’ai pas entendu une seule intervention sur ces tarifs réglementés, alors que c’est fondamental. »
Ces paroles très sages ne sont ni de Jaurès ni de moi-même. Elles sont du brillant président Retailleau, le 12 octobre dernier. (Rires.)
Aussi, chers collègues de la majorité sénatoriale, si vous n’êtes pas convaincus par les arguments du groupe communiste, respectez au moins la parole du président Retailleau ! (Nouveaux rires et applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a le mérite d’aborder deux sujets de très grande importance : la hausse des prix de l’électricité et du gaz et la protection des collectivités territoriales.
L’objectif, louable, est une plus grande régulation des marchés de l’électricité et du gaz. Mais si notre commission partage le diagnostic établi, elle ne peut se rallier aux solutions proposées.
En effet, ces solutions sont, comme l’a d’ailleurs dit M. Gay, contraires au droit de l’Union européenne. Ce qu’il a omis de dire, c’est qu’elles seraient également coûteuses pour le groupe EDF et porteuses d’effets de bord pour les acteurs locaux, dont les collectivités territoriales.
C’est la raison pour laquelle notre commission a très largement rejeté la proposition de loi lors de sa réunion du 30 novembre dernier.
Ce texte vise à élargir les tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE) et à proroger les tarifs réglementés de vente du gaz (TRVG) – un objectif louable, je le redis.
Je rappelle toutefois que, depuis la loi Énergie-climat de 2019, les TRV sont limités aux collectivités dont la puissance souscrite est inférieure à 36 kilovoltampères, dont le nombre d’agents ne dépasse pas 10 équivalents temps plein et dont les recettes annuelles sont plafonnées à 2 millions d’euros.
De plus, en application de cette même loi, les TRVG ont été supprimés le 1er décembre 2020 pour les clients professionnels consommant moins de 30 000 kilowattheures par an, et ils le seront également, pour les clients résidentiels et les propriétaires ou copropriétaires d’immeubles dont la consommation est inférieure à ce seuil, le 1er juillet 2023.
Les évolutions proposées sont ainsi problématiques à plusieurs titres.
Tout d’abord, elles ne tiennent pas compte des dispositifs de soutien tarifaires, budgétaires et fiscaux que nous venons d’adopter dans le cadre de l’examen des lois de finances, initiale et rectificative, pour 2022 et 2023.
Je rappelle que sont prévus, pour les collectivités, un blocage des TRVG à leur niveau d’octobre 2021, majoré de 15 %, du 1er janvier au 30 juin 2023 ; une compensation des TRVE à leur niveau de décembre 2022, majoré de 15 %, du 1er février au 31 décembre 2023 ; un amortisseur électricité pour les collectivités non éligibles aux TRVE ; un filet de sécurité selon les recettes et les coûts des collectivités ; enfin, une baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) au minimum européen.
De plus, un prix de référence du gaz a été adopté, pour servir de base, en lieu et place des TRVG, dès juillet prochain, à l’application des nouveaux dispositifs de soutien.
Le coût de ces mesures a été évalué à 45 milliards d’euros au total, dont 20 milliards d’euros nets. Il s’ajoute au relèvement du plafond de l’Arenh, de 100 à 120 térawattheures, qui a coûté, ne l’oublions pas, 10 milliards d’euros au groupe EDF.
De surcroît, les évolutions proposées ne respectent pas le droit de l’Union européenne, ce qui exposerait bien sûr les collectivités à un risque juridique et financier.
M. François Bonhomme. C’est ennuyeux ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon, rapporteur. En effet, la directive du 5 juin 2019 réserve les TRVE aux clients résidentiels et aux microentreprises, auxquels sont assimilées les collectivités qui ne dépassent pas 10 agents et 2 millions d’euros de recettes. Elle prévoit également une méthode non discriminatoire et une notification dans un délai d’un mois.
De son côté, la directive du 13 juillet 2009 requiert la poursuite d’un intérêt économique général, ainsi que des critères de proportionnalité, de temporalité et de non-discrimination.
Dans un arrêt du 6 novembre 2019, le Conseil d’État a rappelé la nécessité de restreindre les TRVE aux consommateurs domestiques et petits professionnels, ainsi que de respecter – c’est très important – une méthode d’empilement des coûts.
Or il avait déjà considéré, dans un arrêt du 19 juillet 2017, que les TRVG ne remplissent pas l’objectif d’intérêt général et n’assurent ni la garantie des prix, car ils doivent couvrir les coûts des fournisseurs, ni la cohérence territoriale, car le gaz est substituable, son prix peu harmonisé et sa desserte peu étendue, ni, enfin, la sécurité d’approvisionnement, qui n’entre pas dans les missions des fournisseurs.
Ce cadre européen a été modifié par le règlement du 6 octobre 2022, qui autorise désormais à appliquer les TRVE aux PME ne dépassant pas 250 employés et réalisant de 46 millions d’euros à 50 millions d’euros de recettes. Une indemnisation des fournisseurs et un réexamen des mesures sont toutefois nécessaires.
S’agissant des TRVG, seule est autorisée l’institution d’une contribution de solidarité ; les tarifs réglementés ne le sont pas. Ainsi, cette proposition de loi est directement contraire au cadre européen.
Pour les TRVE, elle ne respecte aucun critère d’éligibilité et ne prévoit ni indemnisation ni notification. De plus, elle supprimerait l’Arenh qui, s’il doit à terme être réformé, garantit la conformité du marché national de l’électricité au cadre juridique européen.
S’agissant des TRVG, aucune base législative ou jurisprudentielle ne les autorise, d’autant qu’ils seraient non seulement maintenus, mais aussi élargis.
Par ailleurs, les évolutions proposées ne répondent pas aux besoins des collectivités.
Tout d’abord, les TRVE et les TRVG ne protègent pas, en tant que tels, les collectivités des hausses des prix, car leur niveau doit couvrir l’ensemble des coûts des fournisseurs – c’est le fameux mode de calcul par empilement.
M. Pierre Laurent. Ce ne sera pas 45 milliards d’euros !
M. Laurent Somon, rapporteur. Ce sont plutôt les dispositifs tarifaires, budgétaires et fiscaux liés à ces tarifs, qui viennent d’être adoptés par le Sénat, qui assurent cette fonction protectrice.
En outre, pour un grand nombre de collectivités ayant souscrit des offres de marchés, souvent via des groupements d’achat de leurs syndicats d’énergie, une résiliation anticipée de ces offres les obligerait à indemniser leurs fournisseurs, ce qui les fragiliserait contractuellement et les pénaliserait financièrement.
Plus largement, appliquer aux collectivités des tarifs réglementés contraires au cadre européen les exposerait de fait à un risque de contentieux et de remboursement.
Ne reproduisons pas les erreurs du passé. Nous nous souvenons tous ici – certains plus que d’autres – des contentieux sur la contribution au service public de l’électricité (CSPE) ou sur le relèvement du plafond de l’Arenh !
M. Fabien Gay. Il ne faut pas nous dire cela à nous !
M. Laurent Somon, rapporteur. Au reste, la vingtaine d’organismes que nous avons sollicités, collectivités comprises, nous l’a bien rappelé.
Enfin, les évolutions proposées sont de nature à déstabiliser les fournisseurs d’énergie.
M. Fabien Gay. Ben voyons !
M. Laurent Somon, rapporteur. Pour l’électricité, le groupe EDF serait contraint d’acquérir des volumes non anticipés, dans des proportions importantes et des délais serrés, sur les marchés de l’électricité ou auprès de concurrents. Compte tenu des prix de l’électricité, cela exposerait de fait la société à un risque financier très élevé. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Pour le gaz, le groupe Engie devrait se réorganiser, à six mois de l’extinction des TRVG, ces tarifs ayant cessé pour les nouveaux contrats en 2019 et les clients professionnels en 2020.
Selon les travaux de notre commission, le coût d’une application des TRVE et TRVG aux communes serait a minima de 2,5 milliards d’euros pour 2023. Dans les deux cas, les fournisseurs alternatifs seraient évincés au profit des fournisseurs historiques, au mépris du principe constitutionnel de libre concurrence.
M. Fabien Gay. Certes !
M. Laurent Somon, rapporteur. Au total, si notre commission reconnaît la nécessité de faire évoluer les TRVE et les TRVG, une telle évolution ne saurait se faire que dans le strict respect du cadre constitutionnel et du droit européen. Dans le cas contraire, les collectivités seraient exposées à un grave risque juridique et financier, ce qui ne serait pas responsable.
M. Fabien Gay. L’Arenh, c’est 8 milliards d’euros !
M. Laurent Somon, rapporteur. Pour autant, je me réjouis que les promoteurs de cette proposition de loi nous donnent l’occasion de mettre le Gouvernement face à sa propre responsabilité. En effet, celui-ci a agi de manière tardive et timorée, face à une crise énergétique dont les fondements étaient connus. L’an dernier encore, on nous disait que la hausse des prix était passagère et le risque de délestage hypothétique…
Je rappelle qu’il a fallu attendre le conseil des ministres du 29 novembre dernier pour que le Gouvernement présente un plan sur la préparation aux risques d’approvisionnement électriques hivernaux. Or notre commission s’est inquiétée de la flambée des prix de l’énergie et du décalage du programme d’arrêts de tranches dès son rapport d’information sur la crise du covid-19 de décembre 2020.
De même, nous avons été les premiers à nous pencher sur les conséquences de la guerre russe en Ukraine et du phénomène de corrosion sous contrainte, dans notre rapport d’information sur le risque de blackout de février 2022.
Nous avons enfin appelé à garantir notre sécurité d’approvisionnement dans notre rapport d’information sur la relance du nucléaire de juillet 2022.
Plus concrètement, le Sénat a encadré les coupures d’électricité et les offres de gaz, facilité les projets de biogaz et évalué la situation des collectivités, dès l’examen de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat d’août dernier.
Aussi ne peut-on pas dire que le Gouvernement n’a pas été prévenu… Il aurait pu et dû réagir, plus précocement et plus fortement ! Notre commission attend donc du Gouvernement avant tout une évolution du cadre européen, plutôt que national, et du marché de gros, outre celui de détail.
Rappelons que la France n’a toujours pas obtenu un découplage du prix de l’électricité de celui du gaz, contrairement au Portugal et à l’Espagne. Il y a donc encore beaucoup à faire !
Dans ce contexte, notre commission continuera d’être attentive à la régulation des marchés du gaz et de l’électricité, ainsi qu’à la protection des consommateurs d’énergie, en particulier les collectivités, dont nous reparlerons nécessairement lors de l’examen du projet de loi relatif à l’électricité nucléaire et du projet de loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous nous présentez aujourd’hui suggère la mise en œuvre de trois dispositions.
Tout d’abord, vous envisagez la modification des règles de calcul des tarifs réglementés de vente de l’électricité, pour qu’ils soient calculés en fonction du coût de production du mix électrique français.
Ensuite, vous proposez l’extension des TRVE à toutes les collectivités et leurs groupements.
Enfin, vous prônez le rétablissement des tarifs réglementés du gaz au bénéfice des collectivités locales et des particuliers.
Vous le savez, le Gouvernement est pleinement engagé dans le soutien des collectivités territoriales et des Français face à la crise énergétique. Il a déployé plusieurs outils en ce sens au cours des derniers mois.
Les plus petites collectivités sont assimilées à des particuliers. Elles bénéficient en cela du bouclier tarifaire sur l’électricité. Les critères à respecter sont les suivants : moins de 10 ETP, moins de 2 millions d’euros de recettes et une puissance souscrite inférieure à 36 kilovoltampères.
Toutes les autres collectivités bénéficieront, à partir de 2023, de l’amortisseur électricité, mis en place par le PLF pour 2023, qui contiendra la hausse des prix de l’électricité.
Le bouclier tarifaire sur l’électricité et l’amortisseur s’appliquent quel que soit le contrat de fourniture d’électricité qu’elles ont souscrit. Les collectivités n’ont donc nul besoin de sortir d’un contrat groupé pour être protégées. Elles bénéficient, à ce titre, d’une aide de l’État équivalente à celle dont bénéficient les clients à titre individuel au tarif réglementé ou en offre de marché.
Je rappelle que les collectivités les plus fragiles peuvent également bénéficier du filet de sécurité budgétaire mis en place en 2022. Les discussions parlementaires sur le projet de loi de finances pour 2023 ont conduit à étendre ce dispositif de sécurité aux départements et aux régions.
À eux deux, l’amortisseur électricité et le filet de sécurité représentent 2,5 milliards d’euros de soutiens de l’État aux collectivités. Nous avons entendu les préoccupations dont les parlementaires se sont fait l’écho concernant la mise en œuvre de ces dispositifs. Comme l’a annoncé la Première ministre, une simplification du filet de sécurité sera proposée dans la version finale du projet de loi de finances pour 2023.
Ces dispositifs s’ajoutent aux mesures générales dont bénéficient l’ensemble des collectivités depuis 2022. Je pense en particulier à la baisse de la TICFE à son minimum légal, dont le coût pour l’État s’élève à 8 milliards d’euros. Cette mesure est prolongée en 2023.
Aux côtés de ces mesures visant à modérer les dépenses d’énergie, le Gouvernement a également proposé des hausses de recettes.
Ainsi, la dotation globale de fonctionnement sera augmentée de 320 millions d’euros en 2023, pour la première fois depuis treize ans. (M. Fabien Gay s’esclaffe.)
En outre, 200 millions d’euros seront fléchés vers les communes rurales. Par ailleurs, les bases de la fiscalité locale seront indexées sur l’inflation, ce qui générera des ressources supplémentaires, dans le respect de l’autonomie financière des collectivités.
Par ailleurs, le Gouvernement ne peut souscrire à vos propositions, qui ne seraient pas opérationnelles, car elles seraient contraires au droit européen, comme M. le rapporteur l’a extrêmement bien expliqué.
M. Fabien Gay. C’est faux !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, le droit européen – plus précisément, l’article 5 de la directive 2019/944 – réserve strictement les tarifs réglementés de l’électricité aux consommateurs résidentiels ou aux professionnels de la taille des TPE, c’est-à-dire aux entreprises de moins de 10 salariés ou réalisant moins de 2 millions d’euros de chiffres d’affaires.
Comme l’a rappelé M. le rapporteur, et comme vous l’avez dit également, monsieur le sénateur, cela permet aux petites collectivités d’être éligibles au TRVE. L’application du TRV à un périmètre plus large n’est tout simplement pas possible en vertu du droit européen.
M. Fabien Gay. C’est faux !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. La même directive encadre strictement les conditions dans lesquelles les tarifs de l’électricité sont établis. Le droit européen prévoit en effet qu’ils doivent être établis selon des modalités qui garantissent l’égalité de traitement entre tous les fournisseurs et dans un cadre concurrentiel. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il permet bien à l’Allemagne de dépenser 200 milliards d’euros !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Un prix calculé sur la base des coûts du mix français ne permet pas une concurrence effective, en ce qu’aucun fournisseur français, si ce n’est EDF, ne serait capable de proposer une offre à ce prix.
M. Fabien Gay. C’est vrai !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. J’entends en revanche, et le Gouvernement également, qu’il est nécessaire de travailler à une réforme structurelle du marché de l’électricité en Europe, un sujet sur lequel le Président de la République s’est déjà exprimé très clairement.
Les tarifs réglementés de vente du gaz, quant à eux, ont été jugés non conformes au droit européen par le Conseil d’État au mois de juillet 2017. C’est la raison pour laquelle ils disparaîtront au 1er juillet prochain. Les rétablir et, a fortiori, les étendre serait donc strictement contraire à cette décision de justice et au droit européen.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est le seul argument qui vous reste !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Pour autant, la fin des TRVG ne constitue pas un obstacle à la mise en place de mesures de soutien et d’accompagnement ciblés, comme le filet de sécurité, qui, lui, concerne toutes les énergies.
Vous l’avez compris, monsieur le sénateur, même si l’objectif de cette proposition de loi est louable, comme l’a dit M. le rapporteur, le Gouvernement y est défavorable, pour les raisons que je viens d’évoquer, surtout en raison de la non-conformité de ses dispositions au droit européen.
Cela étant, le Gouvernement active et activera tous les leviers nécessaires pour protéger efficacement nos concitoyens, ainsi que toutes les collectivités, contre la hausse des coûts de l’énergie.
Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour commencer, nous tenons à remercier nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste d’avoir pris l’initiative d’inscrire à l’ordre du jour de nos travaux ce débat sur la protection des collectivités territoriales face à la hausse des prix de l’énergie.
Ces derniers temps, il ne se passe pas une semaine sans que je sois interpellée par des élus locaux lozériens, à l’instar du maire de Moissac-Vallée-Française. La facture de sa commune est en hausse de 46 % pour l’éclairage public et de 55 % pour les bâtiments publics. Je me doute, mes chers collègues, que vous êtes tous dans le même cas, quel que soit votre département.
En effet, pour nombre de collectivités, notamment celles qui anticipent le plus, le cycle budgétaire annuel pour le prochain exercice est déjà entamé. Le processus est connu : à l’issue d’une série de réunions de préparation et d’arbitrages, on fait certes des heureux, mais on éprouve aussi beaucoup de frustration face à une épargne nette souvent trop maigre pour permettre la réalisation d’investissements longtemps désirés.
En ce moment, comme ce fut le cas pendant le Congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France, nous recueillons les témoignages de présidents d’exécutifs locaux, qui tous nous font part de leur grande prudence dans ce contexte. Depuis la fin de l’année 2021, et encore plus depuis le début de la guerre en Ukraine, les collectivités territoriales subissent de plein fouet les effets de l’inflation, en particulier sur les prix de l’énergie.
Par conséquent, pour éviter un bis repetita et ne pas se faire surprendre par des événements difficilement prévisibles, les collectivités revoient leurs ambitions à la baisse, leur objectif étant de limiter l’adoption de décisions modificatives et l’ouverture de crédits nouveaux.
L’autre risque majeur que l’on voit poindre, c’est la disparition, ou a minima la dégradation, de certains des services publics locaux délivrés par les communes, les EPCI, les départements et les régions.
Or, dans la mesure où « le service public, c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas », il est à craindre que nos concitoyens les plus fragiles en payent les conséquences, surtout si le choix est fait de confier à des entreprises privées tout ou partie d’une activité qui, jusqu’alors, était assurée directement par l’administration elle-même. Un tel transfert a un coût pour les usagers.
Ainsi, madame la ministre, que diraient les habitants de votre ville de cœur, Saint-Orens-de-Gameville, si la municipalité était contrainte de réduire la programmation de l’espace culturel Altigone ou de raboter le financement de l’Ehpad Augustin Labouilhe ? Il ne s’agit naturellement que d’une question théorique, puisque nous sommes d’accord pour reconnaître le caractère essentiel de ces structures, pour l’épanouissement de chacun, de la petite enfance au grand âge.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a le mérite de mettre en évidence ces difficultés, mais elle permet également d’exiger la sortie des collectivités d’un système de réglementation tarifaire qui est une véritable gabegie.
Qu’il s’agisse des tarifs réglementés de vente d’électricité ou des tarifs réglementés de vente de gaz, l’État doit pouvoir reprendre le contrôle sur un marché qui expose les demandeurs à des risques tout bonnement déraisonnables.
Néanmoins, tout comme M. le rapporteur, le groupe du RDSE a pleinement conscience de la primauté du droit européen sur le droit national dans ce champ. C’est la raison pour laquelle nous partageons pleinement l’intention de travailler sur une proposition de résolution européenne, comme l’a indiqué en commission notre collègue Franck Montaugé. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
En conclusion, le groupe du RDSE est pleinement mobilisé pour avancer sur ces sujets et votera en partie pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Chaize. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chacun de nous le constate avec une vive préoccupation : les collectivités sont confrontées à une hausse sans précédent des coûts de l’énergie.
Pas une semaine ne passe sans qu’un maire nous alerte, ici sur une piscine qu’il n’est plus possible de chauffer, là sur une salle des fêtes dont l’alimentation en électricité pèsera lourdement sur le budget communal.
Les chiffres qui nous remontent sont alarmants : le prix de l’électricité sur le marché de gros est passé de 49 euros le mégawattheure en 2021 à plus de 1 000 euros à la fin du mois d’août 2022, soit une multiplication par vingt. Les prix du gaz sont quant à eux passés d’un niveau particulièrement faible en 2020 – quelque 9 euros le mégawattheure en moyenne – à des pics à 114 euros à la fin de l’année 2021 et jusqu’à 300 euros en août 2022.
Les associations d’élus sont, elles aussi, grandement préoccupées : l’Association des petites villes de France (APVF) note que les dépenses énergétiques de certaines communes ont bondi de 50 %.
Selon l’Association des maires de France et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), ces hausses varieraient entre 30 % et 300 %. Ce que rappelait récemment le président Larcher doit nous interpeller : « Les communes françaises ont consommé au 31 juillet la totalité de leur budget énergie prévue en 2022 et n’ont pas de visibilité pour 2023. »
Face à cette situation alarmante, le groupe CRCE nous propose une solution nationale, consistant à élargir le bénéfice des TRVE à toutes les collectivités et à maintenir, au-delà du 30 juin 2023, les TRVG.
M. Fabien Gay. C’est bien !
M. Patrick Chaize. Mes collègues l’ont rappelé : nous partageons la préoccupation du groupe communiste.
M. Patrick Chaize. Comme lui, nous considérons qu’il est urgent d’agir pour soutenir les collectivités.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Votez donc le texte !
M. Patrick Chaize. Nous souscrivons également aux propos de Bruno Retailleau, sans aucun doute. Mais nous souhaitons, sur ces sujets, trouver des solutions efficaces, solides juridiquement et protectrices pour les finances de nos communes.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Quand ?
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Dans le PLF !
M. Patrick Chaize. Or les dispositifs proposés font courir de nombreux risques, que notre rapporteur Laurent Somon a énumérés.
Gardons-nous des fausses bonnes idées, qui exposeraient nos collectivités à de nombreux contentieux juridiques et à un risque de pénalités financières. Pousser les collectivités à opter pour les TRVE, c’est les condamner, pour la moitié d’entre elles, à résilier prématurément un contrat, ce qui a un coût. C’est également leur donner l’assurance d’une électricité moins chère, ce qui n’est pas démontré.
Maintenir les TRVG, c’est favoriser une forme d’insécurité juridique, alors que l’ensemble des communes et des particuliers a été averti que ceux-ci s’éteindraient au 30 juin prochain.
Veillons enfin à ne pas pénaliser les fournisseurs d’électricité et de gaz, qui seraient contraints, si les dispositions de la proposition de loi étaient adoptées, de se procurer en urgence des volumes importants d’énergie, carbonée pour le gaz et souvent indisponible pour l’électricité.
Comme notre rapporteur l’a mentionné, le Sénat, plus particulièrement sa commission des affaires économiques, n’a pas été inactif sur le problème des coûts de l’énergie depuis plus d’un an. Nous l’avons encore montré ces dernières semaines, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, en améliorant considérablement le filet de sécurité énergie.
Nous pouvons encore aller plus loin en soutenant la renaissance de notre parc nucléaire et en envoyant un message très clair à l’Union européenne en faveur d’une refonte des marchés de l’électricité.
Nous accueillons le texte proposé par M. Gay et ses collègues comme un appel à agir, auquel nous nous associons bien volontiers.
M. Fabien Gay. Votez-le !
M. Patrick Chaize. Toutefois, compte tenu des trop nombreuses fragilités juridiques que je viens d’évoquer, le groupe Les Républicains ne pourra voter cette proposition de loi en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Fabien Gay. C’est ça !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand. (M. Philippe Tabarot applaudit.)
M. Jean-Pierre Grand. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’intitulé de cette proposition de loi est d’actualité, tant nous sommes sollicités sur la question depuis le début de la guerre en Ukraine, qui a des conséquences sur les prix de l’énergie.
Comme les ménages et les entreprises, nos collectivités souffrent de la hausse des prix de l’énergie, après la crise du covid-19 qui les a déjà beaucoup fragilisées.
On nous parle souvent du coût du chauffage dans nos écoles, collèges et lycées, mais aussi de la fermeture d’équipements et de services dans nos communes. Les craintes des élus locaux, je pense en particulier aux maires, sur la santé financière des collectivités ne peuvent être prises à la légère.
Si l’idée de cette proposition de loi est intéressante, je suis surpris par la méthode. Comme l’a souligné dans son analyse précieuse M. le rapporteur, les articles de cette proposition de loi sont contraires à notre droit national et au droit européen. De plus, ils sont en opposition totale avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État.
Devant la commission des affaires économiques, les auteurs de ce texte ont expliqué qu’il s’agissait en quelque sorte d’une proposition de loi d’appel. Pourquoi pas ? Nous participons au débat que vous proposez, mes chers collègues, mais permettez-moi de vous dire qu’il existait d’autres véhicules qu’une proposition de loi pour débattre de ce sujet.
La crise énergétique nous place face à nos choix antérieurs et à nos faiblesses stratégiques. Nous avons voté récemment dans cet hémicycle, à une grande majorité, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Nous serons mobilisés sur le texte sur le nucléaire, qui nous sera prochainement soumis.
Les temps forts énergétiques ne sont pas terminés, et nous devrons faire preuve d’efficacité en 2023 pour nous dessiner un avenir énergétique souverain.
Quand il s’agit des tarifs de l’énergie, je pense que l’échelon européen est incontournable, mais qu’il ajoute de la complexité. Les Européens sont divisés. La réunion du Conseil européen la semaine prochaine sera de la plus haute importance : nous espérons des résultats concrets, et non un énième renvoi à un prochain sommet.
M. Pierre Laurent. Hier soir, la secrétaire d’État chargée de l’Europe a dit : fin 2024 !
M. Jean-Pierre Grand. Tous les sujets, qu’il s’agisse de l’achat d’électricité sur le marché européen, de la fixation du prix de gros ou du découplage des prix de l’électricité et du gaz sont trop importants pour attendre.
Les tarifs réglementés de vente restent le sujet majeur, nos débats le prouvent. Je soutiens l’idée que nous devons, ici, au Sénat, mener une réflexion plus approfondie sur ce sujet, dans toutes ses dimensions, en particulier européennes. Et cela doit commencer dès aujourd’hui.
Mes chers collègues, les dispositions du texte n’étant pas conformes aux jurisprudences du droit français et européen, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne peut s’associer et ne s’associera pas à cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’augmentation du prix de l’énergie était déjà perceptible en 2019, mais, depuis plus d’un an, de nombreux facteurs ont concouru à une hausse exponentielle : le déclenchement de la guerre en Ukraine et la fin des approvisionnements en gaz russe, auxquels il faut ajouter l’indisponibilité d’une bonne partie des réacteurs nucléaires en France et la faible production hydroélectrique due aux conditions climatiques.
Toutefois, cette crise n’est pas seulement conjoncturelle.
Le manque d’anticipation des gouvernements successifs sur la nécessaire sobriété et le développement des énergies renouvelables, le choix de la libéralisation du secteur de l’énergie, le tout étant alimenté par le mythe d’une énergie bon marché, sont à l’origine de cette situation et d’un défaut criant d’investissements, que nous devons rattraper aujourd’hui dans l’urgence.
Il en résulte une hausse du mégawattheure d’électricité, qui a dépassé les 1 000 euros cet été, soit vingt fois plus que son prix au début de l’année 2021, une crise sociale particulièrement rude pour nos concitoyens et une contrainte financière inédite sur les dépenses de fonctionnement des collectivités locales, dans un contexte déjà très tendu en matière de finances locales.
Les factures d’électricité et de gaz des collectivités ont été multipliées par trois, par quatre, voire par six. Elles atteignent des proportions qu’il leur est souvent impossible d’absorber. La FNCCR a d’ailleurs évalué à 11 milliards d’euros pour les collectivités le surcoût lié à la hausse des prix de l’énergie.
En conséquence, nombre de missions de services publics sont menacées, comme il est souligné dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi.
C’est pourquoi il est indispensable de soutenir l’ensemble des collectivités pour leur permettre de faire face à cette crise et pour limiter autant que possible une répercussion sur nos concitoyens, qu’il s’agisse de hausses d’impôts ou d’une baisse de l’offre de services publics.
Nous saluons certains des dispositifs adoptés dans le cadre des récents textes budgétaires. Je pense à l’amortisseur électricité et à la reconduction en 2023 du filet de sécurité, même si nous n’avons pas encore une vision très claire sur ces mesures, ni une réelle visibilité sur les collectivités qui seront directement concernées.
Cela a été dit, seules les collectivités de petite taille peuvent encore avoir accès aux tarifs réglementés de vente. Finalement, nombre de collectivités locales ne bénéficieront pas de ces dispositifs et auront recours à des offres de marché, dans le cadre de contrats d’un à trois ans. Elles seront donc soumises au prix du marché de l’énergie.
C’est pourquoi nous souscrivons aux objectifs de cette proposition de loi, à savoir l’élargissement du TRVE à l’ensemble des collectivités et le maintien des tarifs réglementés de vente pour le gaz, dont la mise en extinction est prévue pour le 30 juin 2023.
Ces dispositifs nous paraissent en effet bien plus lisibles pour les collectivités, et leur efficacité n’est pas à démontrer. Ils permettraient de préserver, dans tous les territoires, les services publics et les investissements locaux essentiels à la reprise économique et à la transition écologique.
Nous entendons les alertes de M. le rapporteur sur les problèmes d’application liés au droit européen. Il me paraît toutefois important d’adopter ce texte pour envoyer un signal politique, notamment à la Commission européenne, pour rappeler la nécessité d’une baisse structurelle des prix de l’énergie à l’échelle européenne et, plus largement, pour réformer le marché européen de l’énergie.
Permettez-moi cependant de rappeler que, pour nous, si les exonérations et autres taux réduits sont indispensables dans l’urgence, s’ils sont utiles pour panser les plaies, ils ne sont pas tenables dans la durée, car ils sont très coûteux et parfois même inadaptés face à la nécessaire bifurcation écologique. Ils peuvent en effet encourager la consommation d’énergies fossiles, comme le gaz.
C’est pourquoi nous continuerons de défendre les indispensables mesures structurelles pour accompagner au mieux les collectivités dans la durée et leur permettre d’avoir une vision budgétaire et de planifier sur le long terme.
Ces outils, nous les connaissons bien, ce sont ceux qui enclenchent réellement la transition énergétique : la sobriété et l’efficacité énergétique, une rénovation thermique des bâtiments plus rapide, le développement d’énergies renouvelables. Nous disposons d’une boîte à outils ; il faut utiliser ces derniers au plus vite.
Nous adhérons à cette proposition de loi du groupe CRCE, et nous la voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Martine Filleul applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’objectif de la proposition de loi présentée par notre collègue Fabien Gay mérite toute notre attention.
L’impact de la hausse des prix de l’énergie sur les consommateurs que sont les collectivités territoriales est en effet considérable. Au lendemain du Congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France, je crois pouvoir dire, sans trop m’avancer, que nous en sommes tous conscients dans cet hémicycle.
Si l’urgence de la situation attire notre attention, elle attire aussi et surtout celle du Gouvernement, car je pense que nous ne réglerons malheureusement pas la situation avec les dispositifs de cette proposition de loi.
Monsieur le rapporteur, vous l’avez suffisamment rappelé, les mécanismes du présent texte sont contraires au droit européen. De surcroît, les collectivités non seulement s’exposeraient à des risques juridiques et financiers, mais elles ne seraient pas pleinement protégées…
En réalité, mes chers collègues, nous réglerons les difficultés actuelles lorsque nous arriverons à décorréler à l’échelon européen le prix de l’électricité du prix du gaz, et, surtout, lorsque notre pays sera souverain d’un point de vue énergétique.
Aujourd’hui, notre groupe considère que, dans l’urgence, l’État doit soutenir les collectivités les plus touchées.
À cet égard, je trouve que le Gouvernement est au rendez-vous si l’on prend en compte l’ensemble des dispositifs adoptés pour protéger les collectivités. Je pense au bouclier tarifaire pour les plus petites d’entre elles, à la généralisation de l’amortisseur électricité, quelle que soit la taille de la collectivité, à la prolongation du filet de sécurité en 2023 pour 2,5 milliards d’euros, à la charte d’engagement des fournisseurs d’énergie, à la publication par la Commission de régulation de l’énergie des niveaux de prix de référence…
Je n’oublie pas l’augmentation historique de la dotation globale de fonctionnement de 320 millions d’euros. Après des années de baisse, puis de stabilisation, la DGF augmente pour la première fois depuis treize ans.
Ces dispositifs s’inscrivent dans un contexte où la dette publique représente 115 % du PIB de notre pays. Nous ne devons donc pas oublier l’impérieuse nécessité de maîtriser notre dépense publique.
Mes chers collègues, dire que l’État peut compenser la totalité de l’augmentation de la facture des collectivités serait mentir aux élus locaux.
Le choc énergétique impose que tout le monde fasse des efforts, et je sais à quel point les élus locaux en fournissent. Beaucoup innovent pour réduire leurs dépenses en matière de consommation énergétique, et nous devons tous les saluer. La sobriété énergétique, de nombreux élus y travaillent déjà depuis longtemps !
Pour trouver une solution pérenne, nous devons réformer le marché européen de l’énergie. La Commission européenne doit présenter d’ici à la fin de l’année une feuille de route en ce sens.
Le bouquet énergétique des 27 États membres est très hétérogène. C’est la raison pour laquelle trouver un consensus européen se révèle indéniablement difficile et lent. En effet, le découplage du prix du gaz et de celui de l’électricité que demande la France coûterait cher à d’autres pays.
Nous devons réussir à trouver un mécanisme qui puisse nous être favorable, sans pour autant porter atteinte à ceux qui produisent beaucoup d’électricité avec du gaz. Nous devons créer un nouveau cadre stable, européen et pérenne, plutôt que d’appliquer des pansements nationaux sans concertation avec nos alliés.
L’Union européenne est un collectif, un gage de stabilité, de paix et de protection, une puissance économique et stratégique qui nous rend plus forts et plus attractifs. Soyons-en fiers !
Pour toutes ces raisons, même si nous partageons vos inquiétudes, mes chers collègues, et comprenons les motivations qui sont à l’origine de ce texte, notre groupe ne votera pas cette proposition de loi. (M. Didier Rambaud applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. Jean-Claude Tissot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier les auteurs de cette proposition de loi : ils nous permettent, une nouvelle fois, de débattre et d’échanger sur les difficultés que rencontrent les collectivités territoriales pour faire face à l’explosion de leurs factures énergétiques.
Cette crise énergétique, sur laquelle nous pourrions revenir à l’occasion de chacun de nos débats, a des causes multiples et n’est pas seulement une conséquence de la guerre en Ukraine. Elle illustre aussi l’échec du marché européen de l’énergie, où la course aux profits a trop longtemps remplacé l’idée de souveraineté énergétique et de défense de l’intérêt général.
La période difficile que nous traversons, que ce soit pour les ménages, les entreprises ou les collectivités, est également symbolique des erreurs du modèle énergétique français, une multitude de choix ayant été faits trop tardivement pour des enjeux de long terme.
N’oublions pas que le retard de la France en matière de développement des énergies renouvelables va nous coûter plusieurs centaines de millions d’euros, faute d’avoir atteint les objectifs contraignants de l’Union européenne.
À cet égard, les divergences entre les États membres de l’Union européenne retardent fortement la prise des décisions sur les enjeux stratégiques pour le marché de l’énergie, qu’il s’agisse du plafonnement du prix du gaz, des achats en commun ou du découplage entre le prix de l’électricité et celui du gaz.
Dès lors, madame la ministre, les collectivités territoriales, garantes du bon fonctionnement de leur territoire et de leurs services publics, se trouvent acculées par des factures dont l’augmentation varie entre 30 % et 300 % pour le gaz et l’électricité. Ces hausses pourraient même représenter pour certaines communes jusqu’à plusieurs millions d’euros supplémentaires par rapport à leur budget prévisionnel annuel.
La seule solution dont disposent les collectivités, particulièrement les communes, est de restreindre ou de limiter les équipements et les services publics locaux. Mes chers collègues, nous avons tous malheureusement connaissance de communes qui font le choix de fermer des locaux municipaux pour faire face à leurs dépenses énergétiques.
Des conséquences directes sont aussi à craindre sur le traitement de l’eau et la gestion des déchets, qui sont des missions de service public particulièrement énergivores, mais indispensables à la vie en collectivité.
Il paraît inconcevable que les collectivités territoriales et leurs habitants subissent de manière aussi importante les conséquences des erreurs stratégiques de l’État et du Gouvernement.
Madame la ministre, vous nous répondrez très certainement, comme vous l’avez déjà fait dans votre propos liminaire, que le Gouvernement a pris toute sa part pour alléger les difficultés que rencontrent les collectivités dans ce contexte inflationniste, et nous ne vous donnerons pas totalement tort.
Malheureusement, ces mesures sont souvent trop limitées, notamment du fait des critères conditionnant le bénéficie du bouclier tarifaire. En outre, très logiquement, leur arrêt est programmé à court terme, ce qui empêche les collectivités d’avoir une bonne visibilité budgétaire.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui répond à une logique de long terme, en permettant l’accès aux tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz dans les périodes de crise, mais aussi lors des retours à la normale.
Afin de répondre aux préoccupations des collectivités, nous avons collectivement obtenu, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, malgré les fortes réserves du Gouvernement, un élargissement du filet de sécurité aux collectivités, même si nous l’aurions souhaité plus ambitieux.
L’amortisseur électricité, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2023 pour les collectivités non éligibles au TRVE, est une bonne nouvelle, même si les seuils et les montants couverts auraient pu être plus larges, notamment pour les premiers mois de l’hiver 2023.
Toutefois, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain pensent que les tarifs réglementés de vente peuvent apporter une réponse plus concrète et plus durable aux collectivités territoriales, en permettant un retour à la finalité première des TRV : la protection des usagers, de tous les usagers.
Nous partageons le point de vue présenté dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi : la réglementation des tarifs symbolise parfaitement la nécessité d’une intervention publique dans le secteur hautement stratégique qu’est l’énergie, ainsi que l’indispensable engagement de l’État pour préserver les collectivités territoriales.
Ainsi, lors de l’examen de ce texte, nous soutiendrons l’élargissement du bouclier tarifaire à l’ensemble des collectivités territoriales, par l’accès à un tarif réglementé de vente de l’électricité qui soit décorrélé des prix du marché.
Comme cela a été dit précédemment, cette mesure permettra aux collectivités de faire face à l’urgence de la crise énergétique en accédant au bouclier tarifaire le temps de son application. Elle constituera également une réponse de long terme, afin que les collectivités n’aient plus à subir la volatilité extrême des prix du marché de l’énergie.
L’article 2 du texte prévoit une mesure de bon sens : le rétablissement des tarifs réglementés de vente de gaz.
Dans le contexte actuel, nous le savons tous, il est inconcevable que les collectivités territoriales ne puissent plus conclure de nouveaux contrats aux tarifs réglementés de vente de gaz et que l’extinction définitive des TRVG, prévue le 30 juin 2023, s’applique aux collectivités dont le contrat est toujours en cours.
Bien sûr, lors de l’examen de cette proposition de loi par la commission des affaires économiques, nous avons parfaitement entendu les remarques de M. le rapporteur sur l’incompatibilité de ce texte avec le droit européen.
Toutefois, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra cette proposition de loi. Nous considérons en effet qu’elle peut permettre de lancer un appel et d’instaurer un nouveau rapport de force lors des négociations européennes sur la question de l’énergie.
En effet, il est indispensable que l’énergie soit considérée comme un bien de première nécessité, un bien commun, dont l’organisation ne peut être laissée au seul marché. Pour cela, l’énergie doit être reconnue comme un service public ou, pour utiliser le langage de la Commission européenne, un service d’intérêt économique général, qui suppose une maîtrise publique de la politique tarifaire.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. Daniel Salmon applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, certes, la pandémie de covid-19 et la situation géopolitique ont accru la crise énergétique et aggravé la flambée des prix de l’énergie. Mais celles-ci étaient présentes bien avant, car ses causes sont structurelles : la libéralisation, la dérégulation du marché européen aboutissent à des hausses régulières et fortes des prix, en particulier de l’électricité, et nous conduisent aujourd’hui dans une impasse totale.
Accrochés à leurs dogmes, ni les institutions européennes ni les dirigeants français n’ont voulu écouter les arguments de ceux qui contestaient cette logique et anticipaient ses dégâts. Ils font mine aujourd’hui de découvrir ce qui pourtant était prévisible !
Avec la dérégulation du marché européen et la mise en cause du monopole public a été décidée l’extinction progressive des tarifs réglementés, dont nous subissons les graves conséquences : les collectivités territoriales affrontent aujourd’hui des hausses du prix de l’électricité et du gaz allant de 30 % à 300 %.
Cette crise explose de surcroît au pire moment pour nos collectivités territoriales, puisque leurs marges de manœuvre budgétaires, leur autonomie fiscale et leur capacité à maîtriser leurs recettes n’ont jamais été aussi faibles. Le sens de cette proposition de loi est donc de leur donner des soutiens pérennes que ni le bouclier tarifaire, ni l’amortisseur électricité, ni le filet de sécurité ne peuvent leur garantir.
Mes chers collègues, on ne peut pas présenter des intentions comme louables et, ensuite, faire un plaidoyer d’impuissance !
Selon notre rapporteur, cette proposition de loi ne serait pas conforme au droit européen. Mais ceux qui nous disent aujourd’hui que l’on ne peut rien faire sont ceux-là mêmes qui, hier, nous promettaient que la dérégulation ferait baisser les prix grâce à la concurrence. Ce sont ceux, aussi, qui ont refusé d’écouter le vote de notre peuple, qui se méfiait de la concurrence libre et non faussée dans les services publics. Et ils nous disent aujourd’hui que l’on ne peut rien faire !
Justement, on a vu avec la crise sanitaire que de nombreuses règles – même européennes –, que l’on croyait intangibles pouvaient être remises en cause et adaptées.
C’est bien ce que nous proposons de faire aujourd’hui. La crise énergétique justifie pleinement des dérogations : il est possible d’obtenir des bifurcations dans les choix européens.
Vous nous dites que c’est impossible. (M. le rapporteur le dément.) Mais pourquoi l’Espagne et le Portugal obtiennent-ils des dérogations ? Parce qu’ils sont déterminés et qu’ils trouvent des arguments ! Voyez aussi les 200 milliards d’euros d’aides publiques que l’Allemagne octroie à ses entreprises.
M. Fabien Gay. C’est vrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Croyez-vous que les Allemands ont hésité à ne pas se conformer aux règles européennes ?
En Pologne, le groupe PKN Orlen a depuis peu le monopole, oui le monopole, de l’approvisionnement en gaz, en électricité et en pétrole ! Cela ne semble pas poser de problème avec les règles européennes de la concurrence. Personne n’a rien dit, parce que, face à la crise énergétique, chaque pays doit faire prévaloir à la fois l’intérêt général et une vision d’avenir pour l’Europe. C’est ce que nous vous proposons aujourd’hui au travers de ce texte.
Vous dites que le coût est élevé. Certes, mais ce sera toujours moins que les 50 milliards d’euros que vous avez déjà trouvés pour faire face à la crise énergétique !
Surtout, que laisse prévoir ce système de colmatage budgétaire au jour le jour ? Comme les prix de l’énergie vont certainement continuer à augmenter, nous allons devoir accumuler par pelletées des sommes budgétaires au coup par coup, sans avoir essayé d’introduire un système maîtrisé, ce qui est justement le principe des tarifs réglementés.
Vous conviendrez enfin, monsieur le rapporteur, qu’il est peu crédible de prétendre que le groupe CRCE serait défavorable à l’avenir d’EDF et voudrait fragiliser cette entreprise… (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Au contraire, nous avons mobilisé toute notre énergie en sa faveur.
Aussi, mes chers collègues, nous vous invitons aujourd’hui à soutenir EDF et les collectivités territoriales en adoptant cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Moga. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Moga. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chauffage des écoles, fermeture des piscines, appels à la sobriété énergétique : nos collectivités territoriales sont aujourd’hui en première ligne dans la crise et elles subissent de plein fouet les conséquences de l’explosion de la facture d’énergie. Je salue donc l’initiative de nos collègues du groupe CRCE, ainsi que le travail de notre rapporteur.
Il est primordial de mettre en lumière les difficultés qu’éprouvent nos collectivités pour accéder à l’énergie à un prix compétitif. Nous partageons tous, je crois, les constats dressés par les auteurs de cette proposition de loi. En effet, depuis le printemps 2022 et le déclenchement de la guerre en Ukraine, les prix de marché du gaz et de l’électricité connaissent une hausse record et atteignent des niveaux inédits, ce qui pénalise directement l’ensemble des collectivités territoriales.
L’onde de choc provoquée par la crise internationale, amplifiée par notre dépendance au gaz russe, a touché les particuliers, les acteurs économiques et associatifs, ainsi que nos collectivités territoriales. Entrés de plain-pied dans cette « économie d’externalités » que décrivait récemment Jean Pisani-Ferry, nous ne pouvons rester muets.
Si d’importants dispositifs d’aide ont été mis en place par l’État, à l’image du récent amortisseur électricité, le compte n’y est pas totalement.
Mes chers collègues, nos collectivités territoriales tirent la langue : l’augmentation des prix va de 30 % à 300 % pour l’électricité comme pour le gaz ! Une telle explosion de la facture n’est tout simplement pas tenable pour des finances locales souvent fragiles, parfois exsangues. Les élus locaux sont démunis.
Dans cette crise énergétique, notre soutien à nos collectivités doit être total, et l’État doit prendre ses responsabilités pour les accompagner face aux répercussions néfastes de ce choc exogène.
Si nous partageons donc le diagnostic établi, nous ne souscrivons pas aux propositions que les auteurs de ce texte formulent. En effet, l’extension de l’éligibilité au tarif réglementé de vente de l’électricité à l’ensemble des collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi que le maintien du tarif réglementé de vente du gaz pour les mêmes acteurs, est un non-sens du point de vue du droit de l’Union européenne, vu la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
À l’heure où la réalisation d’une Union européenne de l’énergie est plus que jamais nécessaire pour assurer notre souveraineté énergétique et garantir la sécurité de notre approvisionnement en énergie, il serait inopportun d’aller à rebours de ce projet.
Pour diminuer la facture énergétique, il nous semble plus pertinent d’agir à l’échelle européenne, en faveur de la mise en œuvre des réformes structurelles figurant à l’agenda de la Commission européenne et des États membres.
Le découplage des prix de l’électricité et du gaz doit ainsi être notre priorité. Actuellement, le prix de l’électricité est aligné sur celui du gaz, ce qui conduit à gonfler artificiellement le prix de l’électricité produite par d’autres sources d’énergie, notamment le nucléaire et les énergies renouvelables. Cela ne peut plus durer.
La finalisation du mécanisme de plafonnement du prix du gaz à l’échelle européenne, s’appuyant notamment sur la bourse TTF (Title Transfer Facility), est une autre perspective que nous devons explorer rapidement, afin de contrôler l’envolée des prix.
C’est en agissant collectivement, avec l’ensemble de nos partenaires européens, que nous réussirons à aider nos collectivités.
Par ailleurs, cette proposition de loi se heurte à une série d’obstacles constitutionnels. Par exemple, EDF est le seul fournisseur à pouvoir proposer le TRVE. Quid des fournisseurs alternatifs et de l’effectivité du principe de libre concurrence ? Celui-ci est consacré par le juge constitutionnel…
De plus, le calcul des tarifs réglementés prend en compte l’ensemble des coûts des fournisseurs. La hausse des coûts de production et d’acheminement de l’énergie serait donc répercutée directement sur le tarif proposé : méfions-nous, mes chers collègues, des miroirs aux alouettes !
Je salue donc la proposition, formulée en commission par notre collègue Franck Montaugé et le groupe SER, de déposer une proposition de résolution européenne visant à alerter le Gouvernement sur l’urgence d’agir au niveau européen pour réformer le marché de l’électricité et du gaz.
C’est pour ces raisons que la majorité de mes collègues du groupe UC et moi-même, sans idéologie ni dogmatisme et en nous méfiant des remèdes miracles, ne voterons pas en faveur de cette proposition de loi.
Mme Catherine MacGregor, directrice générale d’Engie, entendue hier à l’Assemblée nationale par la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, a déclaré : « La souveraineté énergétique doit aussi être pensée à l’échelle européenne. »
Nous devons être pragmatiques et trouver une réponse adaptée et efficace aux défis posés par la hausse de la facture énergétique, afin d’accompagner nos collectivités territoriales.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Moga. Telle est l’ampleur du défi qui nous attend ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Genet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Fabien Genet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes assis sur une bombe – une bombe énergétique.
Cette bombe est prête à exploser, emportant les marges de fonctionnement et d’investissement de nos collectivités locales et des pans entiers de nos économies locales, notamment dans l’industrie électro-intensive ou dépendante du gaz. Je pense par exemple à la faïencerie de Digoin, obligée de fermer ses portes après deux siècles d’histoire, faute d’avoir pu maintenir son approvisionnement en énergie. Je pense aussi à nos artisans boulangers, bouchers, pâtissiers, saisis d’effroi à la vue des tarifs de l’énergie pour 2023.
Dans un tel contexte, je remercie le groupe auquel je suis rattaché, le groupe Les Républicains, de m’offrir la liberté de vous exprimer ce que j’ai sur le cœur et de dire publiquement, au-delà des nuances politiques ou idéologiques, le mérite que je reconnais à cette proposition de loi déposée par notre collègue Fabien Gay.
Ce texte vise à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l’énergie. Il a d’abord le mérite d’ouvrir le débat sur les tarifs réglementés. Depuis plusieurs semaines, des questions me semblent devoir être posées sur leur fonctionnement.
Je m’interroge, par exemple, sur le passage des tarifs de marché aux tarifs réglementés pour les éligibles, et sur la définition même des éligibles : les seuils de 2 millions d’euros et 10 ETP seront-ils desserrés, voire supprimés ? Je m’interroge aussi sur le seuil de 36 kilovoltampères, qui ne figure pas dans la directive européenne et semble le fruit d’une surtransposition à la française. Nous devrions l’assouplir, pour le bien de nos boulangers ! (Sourires.)
Le PLF pour 2023 me semblait être le vecteur idoine pour apporter les changements nécessaires. Malheureusement, mes amendements ont été foudroyés par l’article 34 de la LOLF. Redéposés sur la présente proposition de loi, les voilà frappés par l’article 40 de la Constitution ! Le droit d’amendement est parfois un véritable combat, à défaut d’être une lutte finale… (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Cécile Cukierman. C’est vrai !
M. Fabien Genet. Cette proposition de loi, en tout cas, a le mérite de poser une question qui est dans nombre de têtes, en particulier chez les élus locaux.
Pourquoi cette inégalité, cette iniquité, pour ne pas dire cette injustice, entre les collectivités qui bénéficient des tarifs réglementés et du bouclier tarifaire et celles qui sont livrées aux lois de la jungle, celles du marché de l’énergie ?
Je remercie M. le rapporteur, Laurent Somon, de son travail. C’est à lui, sensible tout comme nous au sort des collectivités, que revenait la lourde tâche de nous rappeler la réalité, derrière l’espoir que peut faire naître ce texte. Il nous a livré une analyse aussi poussée qu’attentionnée du sujet. Il a bien décrit le cadre juridique de ces tarifs réglementés, soumis au contrôle intraitable de la jurisprudence européenne et du Conseil d’État.
Voter ce texte, ce serait sans nul doute se mettre en contradiction avec le droit européen actuel. Cela exposerait les collectivités territoriales à des contentieux, que pourraient engager par exemple des fournisseurs d’énergie, comme cela s’est déjà vu.
Ce risque réel de contentieux, individuel ou collectif, dissuadera un certain nombre d’entre nous de voter ce texte, dont nous saluons pourtant l’objectif et reconnaissons qu’il rétablirait de l’égalité entre nos collectivités.
Pour autant, le débat ne saurait s’arrêter là, madame la ministre, et c’est donc vers vous que nous nous tournons. Il y a urgence pour clarifier rapidement les mesures de soutien.
Le Sénat a joué tout son rôle en formulant des propositions pour améliorer le soutien aux collectivités. Au-delà de l’amortisseur électricité, qui pourrait faire baisser de 25 % les factures énergétiques, quel filet de sécurité allez-vous retenir dans le texte final ? L’accès sera-t-il le même pour tous, ou y aura-t-il une discrimination à l’entrée ? Quelle sera l’année de référence, 2021 ou 2022 ? Quel sera le montant de l’aide ? Bref, s’agira-t-il d’un filet, d’un faux-filet ou d’une nasse, dans laquelle les collectivités territoriales se trouveraient bloquées ? (Sourires.)
Allez-vous retenir notre proposition de quatrième étage, avec un fonds de sauvegarde de l’énergie pour les situations les plus désespérées ?
Il faut également clarifier les mesures de soutien pour les TPE et les PME. La ministre Agnès Pannier-Runacher nous affirmait récemment que les entreprises auraient droit à la fois à l’amortisseur et aux aides de guichet, mais le Gouvernement dit désormais le contraire…
Au fond, quelle est la position du Gouvernement sur le marché de l’énergie ? Puisque le droit européen nous contraint, le Gouvernement a-t-il la volonté de changer ce droit pour nous permettre de préserver les tarifs réglementés et d’étendre leur application ?
En particulier, maintiendra-t-il les tarifs réglementés du gaz pour les particuliers cet été ? La France va-t-elle vraiment se battre pour obtenir le découplage des prix de l’électricité du marché du gaz ? Finalement, ne faut-il pas changer notre logiciel et revenir au bon sens ? Un système électrique, c’est un réseau et des centrales de production. Et il ne saurait y avoir de concurrence possible sur les réseaux, ni sur les centrales de production.
L’enjeu est plutôt d’obtenir un équilibre parfait entre la consommation et la production, ce qui est indispensable pour ne pas aller au blackout, et la libre concurrence n’est pas forcément la meilleure solution pour y parvenir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Revenir sur les dogmes européens semble donc difficile, mais la crise énergétique rebat les cartes. « Il y a toujours un rêve qui veille », pour citer Louis Aragon. Prenons donc cette proposition de loi comme un rêve éveillé, qu’il nous appartiendra de réaliser ensemble dans les mois qui viennent ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l’énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l’énergie
Article 1er
Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 337-6 est ainsi rédigé :
« Les tarifs réglementés de vente d’électricité sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques du mix de production français et des coûts liés à ces productions, des importations et exportations, des coûts d’acheminement de l’électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d’une rémunération normale de l’activité de fourniture. » ;
2° Au premier alinéa du I de l’article L. 337-7, après le mot : « demande, », sont insérés les mots : « aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs établissements publics et, ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, sur l’article.
Mme Denise Saint-Pé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, lors du débat sur la politique énergétique de la France tenu au Sénat le 12 octobre dernier, j’avais déjà fait part de mon intérêt quant à l’éventualité d’un rétablissement des TRV pour l’électricité et le gaz, car je les considère comme pertinents pour nos collectivités territoriales, vu la hausse du prix de l’électricité et du gaz sur les marchés. En effet, alors que la transition écologique met déjà celles-ci aux prises avec un mur d’investissement colossal, il est nécessaire de faire en sorte que leur capacité d’investissement ne soit pas obérée par leurs dépenses énergétiques.
Je suis évidemment consciente des efforts déjà fournis par le Gouvernement pour venir en aide à nos collectivités par le biais du bouclier tarifaire et de l’amortisseur électricité. Le Sénat est allé encore plus loin en votant un filet de sécurité à la fois élargi et simplifié dans le PLF pour 2023, ce qui était indispensable.
Cependant, ces mesures vont avoir un coût considérable pour nos finances publiques et ne peuvent donc être pérennes. La solution du retour aux tarifs réglementés de vente m’apparaît donc appropriée pour prendre le relais sur le moyen terme.
Je comprends bien sûr que la constitutionnalité de cette proposition de loi, ou sa conformité au droit de l’Union européenne, puissent être remises en question.
Pour ma part, je crois que l’énergie est non pas une marchandise comme les autres, mais un bien public de première nécessité. C’est pourquoi je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. Vous avez énuméré, madame la ministre, les dispositifs mis en place par le Gouvernement pour aider les collectivités à faire face à la crise énergétique et à trouver les sommes colossales qu’elles sont obligées de dépenser.
Revenons à la réalité ! Dans un département comme la Seine-Maritime, aujourd’hui, le filet de sécurité ne concerne que 99 communes sur 708. Croire que les dispositifs mis en place par le Gouvernement, certes améliorés par le Sénat, seraient de nature à faire face au mur financier auquel nos collectivités territoriales sont confrontées, est une erreur.
Certains d’entre vous, mes chers collègues, expliquent par ailleurs qu’un retour aux tarifs réglementés de vente ne serait pas bon pour les collectivités. Pourquoi, alors, toutes les communes de France adoptent-elles en ce moment, sous l’impulsion de l’Association des maires de France, des motions qui, précisément, demandent ce retour aux tarifs réglementés de vente ?
M. Stéphane Piednoir. Il y a de la manipulation dans l’air…
Mme Céline Brulin. Le Sénat est la chambre des territoires. Va-t-il ce soir dire à tous ces maires que ce qu’ils demandent et ce que leurs conseils municipaux votent à l’unanimité n’est vraiment pas une bonne idée ? Va-t-il rejeter cette demande ? Ce serait une grave erreur.
Enfin, de nombreux exemples nous ont été donnés de dérogations obtenues au droit européen dans une période récente, notamment en raison de la crise sanitaire.
Madame la ministre, mes chers collègues, je vous mets en garde. Les coupures d’électricité donnent à nos concitoyens le sentiment d’un très grand déclassement de la France. Dans ce contexte, dire que nous n’y pouvons rien à cause de l’Europe pourrait avoir des conséquences politiques et sociales extrêmement graves. Ce serait vraiment une erreur ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Fabien Gay. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux répondre à trois arguments développés dans la discussion générale.
Tout d’abord, nous n’obligerons aucune collectivité à souscrire aux tarifs réglementés ou à casser des contrats, ce qui les placerait dans une situation juridique et économique très complexe. Nous voulons simplement que des collectivités qui se voient proposer de nouveaux tarifs en augmentation moyenne de 30 % ou qui sont soumises à du racket organisé, avec des hausses de 300 %, puissent souscrire de nouveau aux tarifs réglementés.
Oui, cela coûterait 3,5 milliards d’euros à EDF. Mais lorsque la ministre de l’énergie a demandé à EDF quelque 20 TWh supplémentaires au mois de février dernier, ce qui a coûté 8,4 milliards d’euros, personne ici n’est venu pleurer ! Déjà, entre le filet de sécurité, l’amortisseur et le bouclier tarifaire, nous en sommes à 43 milliards d’euros offerts au privé.
Nous préférons quant à nous donner 3,5 milliards d’euros à EDF, pour qu’elle rende l’accès au tarif réglementé à l’ensemble de nos collectivités !
En ce qui concerne l’Union européenne, vous nous avez fait un bon cours, madame la ministre. Mais l’article 26 du traité de l’Union européenne et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne sont clairs : pour une mission d’intérêt général et de service public, il peut exister des dérogations. Nous vous en avons donné des exemples. D’ailleurs, en France, il y en a déjà, pour nos collectivités territoriales les plus petites. Comment appeler autrement les 200 millions d’euros votés récemment ?
Il est donc possible de faire bouger les lignes. Dire que nous sommes pieds et poings liés serait pire que tout. C’est une question de choix politique. La réalité est que vous ne voulez pas !
Mme Cécile Cukierman. Absolument !
Mme Guylène Pantel. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l’article.
M. Pierre Laurent. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais préciser les choses sur la question européenne.
Comme vient de le dire Fabien Gay, le droit européen n’empêche pas la mise en œuvre de cette proposition de loi. D’ailleurs, depuis le début du covid-19, les gouvernements européens passent leur temps à inventer, en raison d’une situation exceptionnelle, des règles qui n’existaient pas auparavant et qui, paraît-il, ne pouvaient pas exister. Eh bien, de nouveau, nous sommes dans une situation exceptionnelle !
Nous sommes en conflit avec la Commission européenne depuis des années sur l’hydroélectricité. Or la terre ne s’est pas arrêtée de tourner parce que nous n’acceptons pas d’ouvrir à la concurrence les barrages hydroélectriques – heureusement que nous ne le faisons pas, d’ailleurs, car la menace de délestages serait encore plus forte. Nous ne satisfaisons pas cette demande, il y a une discussion avec la Commission européenne, et le monde ne s’écroule pas. Cessons donc d’invoquer ce type d’arguments.
Hier, lors du débat préalable au Conseil européen, la secrétaire d’État nous a indiqué que la réforme du marché de gros n’entrerait en vigueur, au mieux, qu’à l’hiver 2024. Et encore faut-il que cette réforme soit adoptée immédiatement.
Dans tous les cas, nous devrons passer les deux prochains hivers avant que cette rédaction ne s’applique. Si nous ne prenons aucune mesure d’ici là, nous allons mettre à genoux les collectivités locales, ce qui aura des conséquences catastrophiques sur l’investissement public en général et sur l’investissement pour la transition énergétique en particulier. Nous allons donc perdre sur tous les tableaux.
Enfin, le bouclier tarifaire coûte déjà 45 milliards d’euros, madame la ministre. S’il faut tenir deux ans encore, quel sera le coût total ? Ou bien nous lâcherons tout le monde en rase campagne, ou bien il faudra assumer sur deux ans un coût de 150 milliards d’euros, voire de 200 milliards d’euros. C’est bien plus que ce que nous proposons. Prenons donc nos responsabilités et adoptons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, sur l’article.
M. Stéphane Piednoir. Je n’avais pas prévu de m’exprimer, mais j’entends nos collègues du groupe CRCE multiplier les explications de vote sur leur texte… (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Laurence Cohen. Avec des arguments variés !
M. Stéphane Piednoir. Nous n’allons pas refaire ici le débat sur la situation énergétique de notre pays. Nous l’avons eu en d’autres circonstances, et dernièrement lors des questions au Gouvernement.
D’ailleurs, nous n’avons pas été satisfaits des réponses du ministre Roland Lescure, qui relevaient de l’esbroufe : les difficultés de notre parc nucléaire sont dues non pas uniquement à des questions d’entretien, mais bien à des choix stratégiques malvenus des gouvernements successifs, depuis ceux qui ont été faits par Mme Voynet au sein du gouvernement Jospin en 1997.
Nous avons des points de convergence avec le groupe CRCE, notamment sur la nécessité de faire entrer du nucléaire dans notre mix électrique. Mais je ne puis laisser sans réponses les insinuations de Céline Brulin sur les raisons de notre opposition à ce texte, alors que celles-ci ont été clairement exposées au cours de la discussion générale. En effet, elles ne sont pas éloignées d’une forme de manipulation de nos grands électeurs.
Nous avons proposé d’ajouter dans le PLF des dispositifs qui conviennent tout à fait aux communes et aux élus locaux.
M. Fabien Gay. Le 49.3 va balayer tout ça !
M. Stéphane Piednoir. En tant qu’élus du groupe CRCE, vous auriez pu voter ces amendements. Vous ne l’avez pas fait. Vous n’êtes donc pas cohérents. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Je tenais à le faire remarquer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Chers collègues, il faut savoir raison garder, même si nous avons des désaccords.
L’avantage des débats que nous avons ici, c’est qu’ils sont publics et qu’ils font l’objet d’un compte rendu. Je vous invite à le lire et à vous reporter au moment où, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, vers une heure et quart du matin, M. le rapporteur général de la commission des finances, membre de votre groupe, a proposé la mise en place du filet de sécurité.
Vous y lirez également ce qu’a déclaré en réponse mon collègue Pascal Savoldelli, vers une heure et demie du matin. Tout en prenant acte de cette proposition et en soulignant que nous avions proposé un dispositif plus généreux, il annonçait que nous voterions cet amendement, car nous pensions qu’il y avait besoin de convergence.
M. Stéphane Piednoir. C’est un dispositif parmi beaucoup d’autres…
Mme Cécile Cukierman. Relisez également le compte rendu de mon intervention du mercredi suivant, lors de la discussion générale sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Je saluais ce qui avait déjà été acté dans la première partie, donc l’adoption de votre proposition.
Sur le fond, cher collègue, nous n’avons peut-être pas la même volonté de remettre en cause des politiques européennes, ni le même avis sur le retour aux tarifs réglementés pour les collectivités territoriales que nous proposons ce soir.
Pour notre part, nous avons toujours travaillé en bonne intelligence avec l’ensemble des groupes politiques et nous avons toujours voté, sans aucun sectarisme, les dispositifs, qui servaient l’intérêt général ou correspondaient aux attentes des élus locaux.
Ce point aussi figurera au compte rendu, et je souhaite qu’il soit gravé dans notre mémoire collective. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Cohen. Mais c’est la démocratie !
M. Fabien Gay. En plus, c’est notre niche !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, je vous invite à méditer sur l’évolution de la richesse de la France et de l’Europe depuis vingt ans.
Vous observerez que non seulement l’Europe est déclassée à l’échelle internationale, mais que la France ne fait que reculer. Son PIB, son industrie et, plus globalement, son économie reculent.
M. Laurent Somon, rapporteur. Absolument !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. À chaque fois, nous avons avalisé des accords que l’on nous présentait comme peu satisfaisants, mais dont on nous disait qu’ils avaient permis d’éviter le pire.
Or, à chaque fois, au bout de quelques années, le Gouvernement finit par concéder que le compte n’y est pas – ce fut le cas avec les directives de dérégulation de l’énergie –, et que cela doit changer. Puis, il promet qu’il se battra à Bruxelles pour faire évoluer les choses.
Or rien ne change, ou si peu que nous poursuivons notre déclin par rapport aux autres puissances européennes. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls : voyez l’Europe du Sud dans son ensemble.
La promesse selon laquelle les règles européennes seront révisées en vue d’instaurer des tarifs réglementés est agréable à entendre. Mais rappelez-vous la taxe Gafam ! Heureusement que les Américains ont bougé. Nous ne parvenions pas à l’adopter. Nous devions toujours l’avoir l’année suivante… En réalité, nous ne l’avons pour ainsi dire jamais eue !
Voyez le cas des superprofits.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. C’est en cours !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On ne peut rien faire en dehors du cadre européen, nous dit-on. Or, au bout d’un an, deux ans, trois ans, quatre ans, il ne se passe toujours rien !
Je me souviens également de la taxe carbone aux frontières, qui devait réguler les importations. Là encore, nous n’avons rien vu venir.
En réalité, la France fuit le rapport de force. Il y va pourtant de son légitime intérêt national, mais aussi d’une certaine idée de ce que pourrait être l’intérêt européen : réguler le trafic et les tarifs de l’électricité, qui font le yoyo, et rentabiliser les investissements d’avenir dans une perspective de décarbonation.
Sans les tarifs réglementés, l’Europe sera globalement fragilisée, et la France plus que tout autre pays.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’adoption de cette proposition de loi serait un acte politique, qui appellerait les institutions européennes et le Gouvernement à réviser leur stratégie politique.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Somon, rapporteur. Je ne mets pas en doute, madame Lienemann, le souci du groupe communiste républicain citoyen et écologiste de protéger l’entreprise EDF, pas plus, je l’espère, que vous ne mettez en doute notre volonté commune de protéger les collectivités territoriales.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Tout à fait !
M. Laurent Somon, rapporteur. Quel que soit notre choix par rapport à cette proposition de loi, respectons, si vous le voulez bien, cette équivalence d’intérêt pour EDF et pour les collectivités territoriales.
Les tarifs réglementés de vente d’électricité, qui sont fondés sur l’Arenh (M. Fabien Gay acquiesce.), coûtent tout de même à EDF, en tenant compte uniquement de l’augmentation de 100 à 120 térawattheures, pas moins de 10 milliards d’euros. Cela poserait problème à l’entreprise, à l’heure où les besoins d’investissement sont immenses pour remettre le parc nucléaire à niveau et pour réaliser les nouveaux projets qui ont été annoncés.
Selon une estimation interne, le coût de l’extension des TRV à l’ensemble des collectivités serait compris entre 2,5 milliards d’euros et 3 milliards d’euros. Nous attendons, car c’est un élément important, l’évaluation de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui n’a pas pu nous la fournir.
Je le répète, nous ne contestons pas – je partage totalement les propos de Fabien Genet sur la ville de Digoin – la nécessité de réviser les modalités de fixation du prix de l’énergie.
Je rappelle que ce prix est fixé en fonction du taux marginal, lui-même fondé sur le prix du gaz. Tant que ce dernier était bon marché, tout le monde s’y retrouvait ; maintenant que son prix est élevé, cela cause de grandes difficultés, qui conduisent à la crise actuelle.
Nous devons néanmoins procéder à cette révision – nous sommes tous d’accord sur ce point –, dans un cadre financièrement et juridiquement sécurisé pour l’ensemble des collectivités locales.
Enfin, nous ne pourrons échapper au contexte de libéralisation. Chacun est libre de le juger en son âme et conscience – je n’en dirai pas plus –, mais ne laissons pas croire que la panacée ou la solution ultime serait de revenir aux tarifs réglementés.
La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, qui représente aussi les collectivités territoriales au travers de son activité de distribution, estime que « le retour aux TRV d’énergie ou de gaz ne permet donc pas de garantir à lui seul des niveaux de prix économiquement raisonnables et socialement acceptables pour les consommateurs. »
Réfléchissons ensemble. Si nous constatons tous les dégâts causés par la situation actuelle, ne tombons pas dans une présentation rapide, aussi simple que séduisante, mais coûteuse et risquée pour les collectivités locales.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. J’ai noté trois phrases, sur lesquelles je voudrais m’inscrire en faux au nom du Gouvernement.
Je n’ai jamais dit – pas plus que M. le rapporteur, me semble-t-il – que nous ne pouvions rien faire.
Je ne crois pas avoir dit que nous souhaitions, d’une façon ou d’une autre, mettre les collectivités locales à genoux.
Je ne crois pas, enfin, que l’on puisse dire qu’il ne se passe rien. Près de 5 milliards d’euros sont tout de même investis pour aider les collectivités à passer la crise énergétique.
De grâce, tâchons d’éviter les interprétations hâtives et les procès d’intention. Votre proposition de loi est intéressante, je le répète, de par les objectifs qu’elle affiche. Mais il ne faut pas stigmatiser les membres du Sénat – la chambre des territoires, vous l’avez dit, mesdames les sénatrices – qui voteraient contre le texte. Ils le feront tout simplement pour les raisons juridiques qui ont été évoquées et qui motivent aussi le refus du Gouvernement.
Il y a d’autres façons de faire évoluer l’Europe sur ces sujets. À cet égard, le Président de la République fait montre de beaucoup d’énergie et de talent pour tenter de changer les choses.
M. Fabien Gay. Sans résultat !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Ce n’est simplement pas le moment de voter ce texte, même si c’était, monsieur le sénateur, le moment de votre niche parlementaire.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 95 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 98 |
Contre | 231 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 2
Après le chapitre V du titre IV du livre IV du code de l’énergie, il est inséré un chapitre V bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE V BIS
« Les tarifs réglementés de vente
« Art. L. 445-6-1. – Le deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce s’applique aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel mentionnés à l’article L. 445-6-3 du présent code.
« Art. L. 445-6-2. – Les décisions sur les tarifs mentionnés à l’article L. 445-6-3 sont prises conjointement par les ministres chargés de l’économie et de l’énergie, sur avis de la Commission de régulation de l’énergie.
« La Commission de régulation de l’énergie formule ses propositions et ses avis, qui doivent être motivés, après avoir procédé à toute consultation qu’elle estime utile des acteurs du marché de l’énergie.
« Art. L. 445-6-3. – Les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l’ensemble de ces coûts à l’exclusion de toute subvention en faveur des clients qui ont exercé leur droit prévu à l’article L. 441-1. Ils sont harmonisés dans les zones de desserte respectives des différents gestionnaires de réseaux de distribution mentionnés à l’article L. 111-53. Les différences de tarifs n’excèdent pas les différences relatives aux coûts de raccordement des distributions au réseau de transport de gaz naturel à haute pression. »
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article 2.
Mes chers collègues, je rappelle que, si cet article n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les deux articles qui la composent auraient été rejetés. Aucune explication de vote sur l’ensemble du texte ne pourrait donc être admise.
Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte.
La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je vous rassure, madame la ministre, il n’y a pas, d’un côté, les bons et, de l’autre, les méchants ! La question n’est pas là. D’ailleurs, ce n’est pas ce que nous avons dit. Il y a des choix politiques qui, face à une situation donnée, ne sont pas les mêmes.
Pour notre part, nous prônons l’efficacité et défendons le secteur public. Un autre choix a été fait, dont nous jugerons de l’efficacité : celui de donner beaucoup d’argent public à des acteurs alternatifs, pour de maigres résultats. Par exemple, il a fallu dépenser des milliards pour que le bouclier tarifaire soit fixé à 4 % d’augmentation par rapport au tarif réglementé. Le résultat est que les prix de l’électricité ont augmenté de 5,4 % !
Cela signifie que des acteurs alternatifs ont pris l’argent public pour imposer un bouclier tarifaire qu’ils n’ont pas respecté. L’État demandera-t-il le remboursement de cet argent public ?
Ensuite, l’extinction prévue au 30 juin 2023 des tarifs réglementés du gaz pour tous les usagers est une catastrophe, au moment même où le prix du gaz s’envole et alors que son approvisionnement n’est pas sécurisé.
Allons-nous nous mettre d’accord pour prolonger les tarifs réglementés du gaz pour l’ensemble des usagers ? Cette question nous sera posée, et nous devrons y répondre, au-delà des collectivités.
Pour notre part, nous mènerons cette bataille dans les six prochains mois. Nous avons entendu les revendications légitimes des TPE-PME et nous serons aux côtés des commerçants et autres boulangers qui manifesteront le 23 janvier prochain.
Quel que soit le vote du Sénat – nous avons nous aussi demandé un scrutin public sur l’article –, nous continuerons le combat politique en faveur des tarifs réglementés, mais aussi pour un monopole public, pour une entreprise publique qui puisse investir, innover et répondre aux défis du XXIe siècle, y compris celui de la précarité énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Martine Filleul applaudit également.)
Mme Laurence Cohen. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.
M. Fabien Genet. Chaque fois que nous pouvons saisir l’occasion de faire remonter ce qui se passe sur le terrain, il est absolument indispensable le faire. C’est l’un des mérites, je le redis, de cette proposition de loi.
Au-delà d’une différence de choix politiques, il y a aussi une sorte de prudence à ne pas laisser croire aux responsables de collectivités locales qu’il suffirait que nous votions un texte, ici, pour que tous les problèmes soient résolus. Dans le moment de crise que nous vivons et qui n’ira qu’en s’amplifiant, la parole publique est à manier avec précaution.
En ce qui concerne les soutiens, je conçois tout à fait, madame la ministre, que nous avancions quelque peu dans le brouillard. D’une part, les dispositifs ne sont pas encore précisés. D’autre part, la réalité des collectivités locales fait que, même pour les aides 2022, nous n’aurons une vision claire de la situation qu’au moment du vote du compte administratif, c’est-à-dire à la mi-2023.
L’adaptation des dispositifs pour 2023 n’en est pas facilitée, et nous devrons certainement remettre l’ouvrage sur le métier et procéder à des ajustements l’été prochain.
Puisque le cas des boulangers vient d’être évoqué, je rappellerai ceci : si l’on comprend bien, madame la ministre, au travers du communiqué de vos collègues – le cas type 1 de la boulangerie y est décrit –, qu’un certain nombre d’aides pourront s’appliquer, en particulier l’amortisseur électricité, le boulanger devra tout de même s’acquitter de 75 % de l’augmentation de sa facture. Voilà ce qui inquiète fortement la population.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout à fait !
M. Fabien Genet. Certes, des dispositifs de soutien sont mis en œuvre, mais l’amortisseur, par exemple, ne porte que sur 25 % de la facture. Il reste donc des sommes considérables à payer.
Si les collectivités pourront toujours compter sur le soutien de l’État, notre crainte est qu’un certain nombre d’acteurs économiques ne disparaissent dès le début de l’année 2023.
Je rejoins les propos de Fabien Gay sur l’inquiétude de nos concitoyens, qui bénéficient aujourd’hui du tarif réglementé du gaz et qui reçoivent quantité de lettres, dans lesquelles on leur dit : « C’est fini, allez voir les entreprises ! » Dans le contexte actuel, c’est extrêmement anxiogène. (Mme Elsa Schalck approuve.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je remercie le groupe CRCE du débat que nous avons eu aujourd’hui et salue tout particulièrement Fabien Gay, dont chacun connaît l’engagement sur les questions énergétiques et pour la sauvegarde d’EDF.
Je ne fais de procès à personne en évoquant les effets de bord de la proposition de loi que, chacun à notre place, nous apprécions à sa juste valeur.
Je répondrai à Jean-Pierre Grand en lui disant que le débat ne commence pas aujourd’hui : il dure depuis des années à la commission des affaires économiques ! Nous avons produit rapport sur rapport, dans lesquels des experts de tous les groupes politiques ont averti, madame la ministre, sur le risque de blackout, sur les problèmes de production, ainsi que sur la difficulté que présente l’architecture des prix en Europe et la nécessité d’y remédier.
Peut-être faut-il attendre la crise, madame la ministre, pour s’y atteler de façon plus déterminée encore. En tout état de cause, monsieur Grand, le débat ne s’arrête certainement pas aujourd’hui.
Je prends note, évidemment, de la proposition de résolution européenne de notre collègue Franck Montaugé, sur laquelle nous allons travailler dès cette après-midi.
Par ailleurs, dans cet hémicycle, personne n’a le monopole de la défense des collectivités territoriales.
M. Michel Dagbert. Très bien !
M. Stéphane Piednoir. Absolument !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Contrairement à mon collègue Fabien Gay – je l’apprécie par ailleurs, chacun le sait, pour la clarté de ses convictions, même si je ne les partage pas –, je pense que le problème n’est pas politique.
Nous cherchons tous à protéger les Français, notre économie et les collectivités territoriales face à la crise énergétique. Notre différence vient peut-être de la méthode retenue. La vôtre, cher collègue, est forte et audacieuse, mais nous la considérons comme dangereuse pour les collectivités territoriales.
Nous pouvons avoir des nuances et des écarts d’analyse, mais je crois que la différence entre les groupes n’est pas d’ordre politique. Elle est une différence de méthode.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Madame la ministre, je me tourne à présent vers vous. La balle est dans votre camp.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Nous donnerons toutes les forces nécessaires au Président de la République pour qu’il négocie à l’échelle européenne la modification de l’architecture du prix de l’énergie.
En effet, il n’y a que cette solution qui puisse nous aider et nous protéger. C’est la seule voie possible. Aussi, allons-y ! Avançons en bon ordre et avec force. Nous attendons du Gouvernement et du Président de la République des résultats qui soient plus rapides que ceux qui nous ont été annoncés hier soir.
Il y va de la survie de notre pays et du maintien de notre rang, comme le soulignait Marie-Noëlle Lienemann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Daphné Ract-Madoux applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Nous n’en serions peut-être pas là si nous en étions restés à la nationalisation de certains services publics. On a dit aux gens : « On va prendre du privé, cela ira mieux ! Vous verrez, avec la concurrence, nous aurons de meilleurs prix. » Nous voyons le résultat aujourd’hui.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’article 2.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, de la commission des affaires économiques, l’autre, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 96 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l’adoption | 98 |
Contre | 232 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Développement du transport ferroviaire
Adoption d’une proposition de résolution
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de la proposition de résolution pour le développement du transport ferroviaire, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Gérard Lahellec, Mme Marie Claude Varaillas et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 144).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Gérard Lahellec, auteur de la proposition de résolution.
M. Gérard Lahellec, auteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Il n’y aura pas de transition écologique sans le train et il n’y aura pas de train sans que notre pays décide, enfin, des financements fortement accrus et garantis sur le long terme ! ». Nous faisons nôtre cette formule de Jean Rottner, président de la région Grand Est, tant il est vrai que le ferroviaire est la colonne vertébrale de la mobilité verte.
Tout le monde, sans exception, s’accorde à dire qu’il faut défendre le transport ferroviaire, qui constitue la pierre angulaire de la stratégie du développement des transports des personnes et des marchandises.
Dans le cadre du débat de la semaine passée relatif à la loi de finances pour 2023, les trois rapporteurs spéciaux de la commission des finances et notre collègue rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et développement durable n’ont pas manqué de pointer « la trop grande faiblesse des moyens accordés au développement du ferroviaire ». Nous n’avons d’ailleurs pas manqué de voter ici un amendement tendant à y consacrer des moyens plus importants.
Le Gouvernement s’est également montré confiant. Il s’est d’ailleurs engagé à apporter des financements en conséquence, une fois des études complémentaires réalisées, pour « faire mieux, plus et plus vite ».
Les déclarations récentes du Président de la République en faveur du développement des TER (trains express régionaux) métropolitains ou RER (réseaux express régionaux) dans les métropoles de France ne constituent, au fond, que la confirmation des ambitions qu’il convient de nourrir pour la desserte de nos territoires et de nos villes.
Ce développement doit être solidaire, harmonieux et partagé. Nous savons que le mode de transport retenu sera le ferroviaire, mais cela ne saurait être en aucun cas un type d’aménagement opposant la ville et la campagne, l’urbain et le rural. Il ne faudrait pas que, demain, nous ayons d’un côté le rail des villes, et, de l’autre, le rail des champs. (Sourires.)
Comme le disait en d’autres temps un beau slogan publicitaire : « Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous ! » (Mme Martine Filleul approuve.)
Pour y parvenir, nous avons besoin de changer de paradigme et de nourrir une grande ambition publique, sans laquelle rien ne sera possible. Nous ne pourrons y arriver sans un soutien de l’État à l’ensemble des autorités organisatrices de la mobilité. Permettez-moi de pointer au passage les dispositions qui ont été annoncées hier, auxquelles nous ne sommes évidemment pas insensibles.
Le ferroviaire, qui est le mode de transport écologiquement le plus vertueux, est le seul qui paie l’intégralité de ses coûts ! En ces temps de crise de l’énergie, réaffirmons que le fer est plus résilient que l’aérien et la route. Il serait d’ailleurs légitime de reconnaître les externalités négatives des autres modes quand il s’agit d’aborder le coût réel du ferroviaire.
La transition aura aussi une incidence sociale, qui peut se révéler positive. Il faut, pour cela, que les tarifs du train soient attractifs, quand on sait qu’un véhicule individuel, en comptant l’assurance, l’entretien ou encore le carburant, coûte en moyenne 5 000 euros par an aux automobilistes.
Le transport ferroviaire n’est pas seulement écologique. Il est aussi un soutien majeur au pouvoir d’achat des Français, à condition que nous nous en donnions les moyens.
Malgré la reprise de 35 milliards d’euros de la dette de SNCF Réseau et les fonds du plan de relance en faveur du fret et des trains de nuit, nous savons qu’il manque au moins 1 milliard d’euros par an aux gestionnaires d’infrastructures pour envisager un maillage équilibré du territoire et offrir une solution de mobilité de rechange à nos concitoyens.
Et comme nous raisonnons sur le long terme, il eût été raisonnable de commencer dès maintenant. Tel fut d’ailleurs l’objet – je l’indique au passage – de l’un des amendements que nous avons soumis au débat dans le cadre du PLF, vendredi dernier, en séance publique dans cet hémicycle.
Nous savons que notre réseau vieillit. Sa moyenne d’âge est en effet de 29 ans, contre 17 ans en Allemagne. Accélérons donc sa régénération et sa modernisation, pour augmenter la sécurité et les fréquences sur les sillons, en adoptant une réelle stratégie, ce qui n’est, hélas, pas le cas aujourd’hui.
Nous ne pouvons pas nous contenter de considérer qu’il suffit d’ouvrir le ferroviaire à la concurrence pour répondre aux besoins de modernisation du réseau, ainsi qu’à la nécessité de développer les territoires et de sauver les petites lignes ferroviaires.
On remarquera, du reste, que les initiatives locales et solidaires et autres coopératives ou ferroviaires qui ont émergé dans les territoires qui nourrissent des ambitions de réouverture de certaines lignes se heurtent aussi à des difficultés résultant de l’insuffisance des moyens affectés à la réhabilitation des infrastructures.
Nous devons soutenir l’industrie, car celle-ci emporte des conséquences positives sur l’emploi. Cela passe par la relance et la pérennisation de filières utiles à notre économie.
Enfin, pour mesurer les limites du pari de l’ouverture à la concurrence, il suffit de se référer à ce qui s’est passé dans le fret ferroviaire pour constater qu’il y a loin de la coupe aux lèvres.
Tout le monde s’accorde aujourd’hui pour reconnaître que, si rien d’exceptionnel n’est fait au plus vite, les objectifs annoncés pour 2030 ne seront atteints ni pour le fret ni pour le transport des voyageurs. De petites lignes risquent d’être fermées, des réseaux ne seront pas entretenus et les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre seront manqués.
Plus près de nous, lors des débats sur la future loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, et dans le cadre d’une mission d’évaluation conduite par le Sénat, des préconisations en faveur d’une reconquête du transport ferroviaire, qu’il s’agisse du fret ou des voyageurs, ont été retenues.
Depuis le débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022, tous les groupes politiques du Sénat sont d’ailleurs intervenus pour pointer cet objectif. Ce fut encore le cas la semaine passée, à l’occasion des débats relatifs au projet de loi de finances pour 2023.
La présente proposition de résolution (PPR) nous donne l’occasion d’y revenir. Et l’argument de la reprise de la dette ne doit pas être utilisé pour s’interdire de nouveaux investissements ou le nécessaire développement du ferroviaire, en France comme en Europe.
La résorption de la dette doit maintenant se conjuguer avec le développement du mode ferroviaire. Telle est bien l’ambition que se fixe cette PPR. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – MM. Marc Laménie et Philippe Tabarot applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous puissions parler une nouvelle fois du transport ferroviaire dans cet hémicycle.
La proposition de résolution du groupe communiste républicain citoyen et écologiste met en lumière les enjeux du rail en matière d’aménagement du territoire, d’approvisionnement de notre chaîne logistique, de mobilité des personnes et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le transport ferroviaire émet en effet, chacun le sait dans cet hémicycle, neuf fois moins de CO2 à la tonne transportée que la route. On ne parle jamais assez du rail – mon éminent collègue Philippe Tabarot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur le budget des transports, ne me contredira pas. (Sourires.) Il le confirmera sans doute tout à l’heure lors de son intervention.
Cependant, comment ne pas être dubitatif en entendant les annonces du Président de la République relatives à la construction de dix nouveaux RER, quand on sait sur ces travées qu’il manque des financements importants pour l’entretien du rail en France ?
De l’avis de tous les acteurs du secteur, les montants prévus en matière de régénération du réseau par le nouveau contrat de performance entre SNCF Réseau et l’État sont très insuffisants. Ils ne permettront même pas d’enrayer la spirale de dégradation de ce réseau.
Où sont passés les engagements d’investissements votés dans le cadre de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite LOM, dont j’étais le rapporteur ?
La LOM devait garantir une programmation des investissements de 13,4 milliards d’euros sur la période 2018-2022, soit une augmentation de 40 % par rapport à la période 2013-2017, et assurer une enveloppe quinquennale en progression à 14,3 milliards d’euros sur la période 2023-2027. Qu’en est-il, monsieur le ministre ?
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur ce projet de loi n’a pas été conclusive, car nous déplorions le défaut de financements, notamment pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) qui auraient pris la compétence organisation des mobilités. Le temps nous a donné raison.
À l’horizon 2040 et faute de moyens, les ralentissements sur le réseau structurant classique risquent d’augmenter de plus de 50 %. Combien de fois faudra-t-il tirer la sonnette d’alarme pour être entendus ? Faudra-t-il attendre d’être au pied du mur, comme en matière de nucléaire, pour que l’on comprenne que ne pas accorder les fonds suffisants était une erreur ?
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a toujours porté avec constance des ambitions fortes en faveur du développement du transport ferroviaire, notamment dans le rapport d’information intitulé Le Transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, dans lequel nous plaidions pour un plan d’investissements massifs en faveur de la régénération et du développement des réseaux ferroviaire et, par la même occasion, fluvial.
De même, la loi Climat et résilience, dont l’article 131, introduit en commission par l’adoption d’un amendement proposé par Philippe Tabarot, rapporteur de ce texte, fixe l’objectif de doubler la part modale du fret ferroviaire, qui s’établit aujourd’hui à 9 %, d’ici à 2030.
Je me satisfais donc de constater que, sur ce sujet, tous les groupes partagent les mêmes constats, les mêmes préoccupations et les mêmes objectifs.
La présente proposition de résolution reprend notamment plusieurs propositions que nous portons régulièrement, comme la réduction du taux de TVA sur les titres de transport, que nous avons d’ailleurs votée récemment dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, le soutien aux trains de nuit et aux petites lignes et, surtout, la nécessaire révision du contrat de performance entre SNCF Réseau et l’État.
Pour autant, le texte que nous étudions aujourd’hui n’aborde pas deux points essentiels que sont l’ouverture à la concurrence et la nécessaire amélioration de la gestion des conflits et des revendications salariales.
Comment inviter les Français à choisir massivement le rail s’ils sont régulièrement méprisés par les organisations syndicales, qui les utilisent comme bouclier ou monnaie d’échange, ce qui est une nouvelle fois le cas en cette fin d’année si chère au cœur des familles de France ?
L’absence de ces deux points dans cette proposition de résolution ne nous permettra pas d’y donner une suite favorable. Le groupe Les Républicain s’abstiendra donc, avec la plus grande bienveillance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous sommes tous favorables au développement du transport ferroviaire dans notre pays, je tiens à indiquer d’emblée que cette PPR ne répond pas à l’objectif auquel nous souscrivons.
Le ferroviaire est l’une des solutions clés pour décarboner efficacement nos transports. Je rappelle que, en vertu des engagements internationaux, européens et nationaux que nous avons pris, nous sommes tenus de parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Nous avons voté des évolutions importantes dans le cadre des derniers projets de loi sur la question du ferroviaire, notamment pour le fret et l’intermodalité – je pense en particulier à la loi Climat et résilience.
Le Président de la République et le Gouvernement ont récemment fait des annonces sur le ferroviaire – ce point est d’ailleurs rappelé dans l’exposé des motifs du présent texte. Je pense notamment à l’annonce du lancement d’un projet de dix RER dans les grandes métropoles. Si je salue cette annonce, nombre de questions se posent.
Certaines métropoles, comme Strasbourg ou Bordeaux, qui ont conclu des accords avec leur région, ont déjà beaucoup avancé sur cette question. Je crois que Toulouse travaille également en ce sens.
Vous comprendrez, ministre le ministre, que j’attire tout particulièrement votre attention sur la métropole de Montpellier (Sourires.), qui souhaite légitimement être incluse dans ce projet, compte tenu des efforts massifs d’investissements qu’elle a consentis en faveur des mobilités.
En tout état de cause, on ne peut avancer sans réaliser au préalable un inventaire précis des disponibilités techniques dans chaque métropole.
Dans mon département, qui dit RER dit multiplication des stations de RER et des gares intermédiaires. Mais quid des sillons ? Nos lignes sont déjà terriblement sollicitées, avec les conséquences techniques que cela emporte, nous le savons, pour le trafic. Nous devons être précis sur nos besoins en infrastructures intermédiaires.
J’en profite pour vous rappeler toute l’importance de la ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan, monsieur le ministre.
Pour accélérer les projets et simplifier les procédures, comme de nombreux acteurs de terrain, j’imagine – sur ce sujet comme sur d’autres, monsieur le ministre – une grande loi d’accélération. La Ve République a su prendre de tels textes par le passé, lorsqu’elle a estimé que cela relevait de l’intérêt national.
Les besoins sont là, de même que les exigences climatiques. On ne peut plus attendre vingt ans pour répondre aux besoins d’infrastructures.
Cette PPR aborde le sujet du prix des billets de train. En effet, la crise énergétique a mécaniquement des conséquences sur les prix des transports.
Monsieur le ministre, le groupe Les Indépendants – République et Territoires vous a interrogé le mois dernier dans le cadre d’une question d’actualité sur le prix des billets de train. Nous déplorions l’absurdité qui veut que le transport en commun le moins carboné soit aussi l’un des plus chers. Ce constat, de même que les multiples annulations de trains qui perturbent la vie quotidienne des Français, appelle une réponse.
Le développement du transport ferroviaire suppose également la modernisation et l’extension des infrastructures, afin d’améliorer le maillage territorial et de gagner en sillons. C’est essentiel.
Notre groupe ne peut adhérer aux propositions de diminution du taux de TVA applicable aux titres de transport ou de développement de pôles multimodaux dans toutes les villes de plus de 20 000 habitants formulées dans cette PPR. En effet, non seulement le financement de tels pôles multimodaux interpelle, mais leur développement induirait un ralentissement mécanique des trains circulant sur les lignes à grande vitesse et des trains du quotidien.
Depuis la mise en service de la première ligne de chemin de fer en France, en 1827, le rail rythme la vie des Français. Soyons aujourd’hui fidèles à cette belle histoire, les révolutionnaires du rail ! En ce début de XXIe siècle, cette révolution est toutefois trop sérieuse pour la faire reposer sur cette seule PPR.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Martine Filleul applaudit également.)
M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le ferroviaire est une réponse à de nombreux enjeux : la mobilité et la réduction des ségrégations spatiales, la fin des énergies fossiles, la défense du pouvoir d’achat et la reconquête industrielle. Il est également un vecteur de la transition écologique.
Les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires saluent donc l’initiative de leurs collègues du groupe communiste et voteront la présente proposition de résolution.
Sans un changement de braquet, les prochaines années seront marquées par un déclin inexorable de la performance du réseau – ce n’est pas moi qui le dis, c’est SNCF Réseau.
Monsieur le ministre, c’est peu de dire que la politique globale des transports que vous menez aujourd’hui paraît insuffisamment structurée pour parvenir à l’objectif ambitieux de doublement de la part modale d’ici à 2030, tant pour les voyageurs que pour le fret.
Pour le fret, l’atteinte de cet objectif de doublement nous permettrait simplement – il faut le noter – de rejoindre la moyenne européenne actuelle, qui s’établit à 20 %, sachant que l’objectif européen pour 2030 est de 30 %.
Si votre gouvernement a commencé à pallier le manque criant d’investissements des dernières décennies, les 2,9 milliards d’euros par an prévus pour SNCF Réseau au titre de son contrat de performance sont insuffisants. Je note d’ailleurs qu’une bonne part de cette enveloppe dépend de la forte hausse programmée des tarifs des péages ferroviaires, qui sont déjà parmi les plus chers d’Europe.
Il faudra aller plus loin – vous le dites vous-même, monsieur le ministre. Mais, on le sait, un tien vaut mieux que deux tu l’auras.
Le tant attendu rapport du Conseil d’orientation des infrastructures sera bien sûr déterminant : il sera la référence à l’aune de laquelle une loi de programmation ferroviaire pourra être votée pour planifier l’effort et permettre à nos collectivités de plancher, en concertation, sur la définition, la déclinaison et le déploiement de projets structurants pour nos territoires.
Le redéploiement d’un véritable réseau de trains de nuit en France et vers l’Europe devra être intégré à cette programmation pluriannuelle. On ne peut en effet se contenter de deux lignes de train de nuit.
Si la Commission européenne a récemment donné le feu vert à l’interdiction, en France, des liaisons aériennes d’une durée inférieure à deux heures trente, elle relève que, sur les six liaisons qui pourraient entrer dans le champ de cette interdiction, trois en seront exclues en raison de l’absence d’une solution de rechange ferroviaire adaptée.
Sans changement urgent de braquet, de nombreuses lignes risquent de dépérir. En vingt-cinq ans, nous avons perdu l’équivalent du réseau ferroviaire suisse en France.
Le réseau ferroviaire est vieillissant et, pour sa modernisation, pour garantir une offre de transport structurée, aucun modèle de financement durable n’a vraiment été défini. Nous payons le renoncement historique à rééquilibrer la concurrence entre le rail et la route par l’instauration d’une redevance pesant sur les donneurs d’ordres du fret routier. C’est pourtant l’un des leviers de réussite du transfert modal dans d’autres pays d’Europe.
Au lendemain de nos débats budgétaires, aucun basculement d’ampleur vers le ferroviaire ne se lit de façon précise. À ce titre, puisqu’il n’a pas été politiquement possible d’actionner le levier du versement mobilité, la réduction du taux de TVA à 5,5 % sur les titres de transport en soutien aux opérateurs, qui font face à la hausse des coûts de l’énergie, doit absolument être adoptée par la commission mixte paritaire.
Il est vital de prendre des mesures exceptionnelles pour maintenir ces services publics essentiels des transports en commun du quotidien et pour éviter d’envoyer le signal désastreux selon lequel les hausses des tarifs des transports en commun coïncideraient avec les aides au carburant consenties en faveur des « autosolistes ».
À ce titre, l’aide qui vient d’être annoncée en faveur des transports en commun, d’un montant de 300 millions d’euros – 200 millions d’euros pour Île-de-France Mobilités et 100 millions d’euros pour les régions – va assurément dans le bon sens, car sans soutien au secteur ferroviaire, la part du train s’érodera.
Enrayons cette dérive, en construisant avec les autorités organisatrices de transports (AOT) et avec les territoires les conditions d’un choc de l’offre ferroviaire.
Telle est la voie ouverte par l’Eurométropole de Strasbourg, qui, avec le soutien de la région Grand Est, a récemment mis en service le réseau express métropolitain européen. Elle a ainsi réalisé le potentiel de développement ferroviaire et intermodal permis par un renforcement des infrastructures, lui-même obtenu par feu la région Alsace et réalisé conjointement par l’Europe, l’État et la région en dix ans.
Qu’une telle ténacité et une coopération aussi positive puissent inspirer l’action publique nationale et décentralisée pour lancer, dès maintenant, ce renouveau ferroviaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dagbert. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Michel Dagbert. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est un appel à une ambition forte, que nous partageons très largement, dans le domaine des transports ferroviaires. Il est en effet nécessaire de porter un engagement important dans ce domaine, les enjeux étant à la fois écologiques, économiques et sociaux.
Je souhaite tout d’abord rappeler que la France est le pays de l’Union européenne qui a le taux d’investissement le plus important en matière de ferroviaire.
Dans le projet de loi de finances pour 2023, plus de la moitié des crédits alloués pour l’ensemble des transports sont affectés au ferroviaire, ce qui ne représente pas moins de 6 milliards d’euros, et 85 % des crédits inscrits au programme 203, « Infrastructures et services de transport », sont consacrés au ferroviaire.
Le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), a quant à lui été revalorisé à hauteur de 150 millions d’euros.
La présente proposition de résolution souligne la nécessité d’assurer la régénération du réseau. Nous ne pouvons que partager cette ambition. Mais là encore, le contrat de performance signé entre l’État et SNCF Réseau prévoit une hausse des investissements, de manière à atteindre 2,9 milliards d’euros pendant les dix prochaines années. Il convient de prendre acte de cet effort sans précédent.
En ce qui concerne le fret ferroviaire, celui-ci doit sans aucun doute être soutenu, comme le préconise le texte proposé. Je le rappelle, une stratégie nationale a d’ores et déjà été établie il y a un peu plus d’un an dans cette perspective, et des investissements d’un montant total de 1 milliard d’euros sont prévus à ce titre jusqu’en 2027.
En outre, différentes aides au fret ont été instaurées, comme les aides aux wagons isolés, pour un montant de 170 millions d’euros par an, et le Gouvernement vient d’annoncer que celles-ci seront prolongées jusqu’en 2027.
L’État affiche ainsi la volonté de doubler la part du transport de marchandises via le ferroviaire, afin de la porter de 9 % en 2019 à 18 % en 2030 et d’atteindre 25 % à l’horizon 2050.
Pour les transports de voyageurs – les transports du quotidien et les petites lignes –, des protocoles d’accord ont d’ores et déjà été signés entre l’État et huit régions pour investir dans près de 6 000 kilomètres de voies, afin de les préserver, de les entretenir, voire de rouvrir certaines lignes. J’en veux pour preuve l’inauguration, qui aura lieu lundi prochain, de la nouvelle ligne Gap-Grenoble.
Depuis février 2020, date du premier accord, quelque 550 millions d’euros ont été déployés par l’État pour les petites lignes, en sus des financements régionaux. Les financements consacrés aux petites lignes en donc triplé depuis 2020, et ces dernières seront de nouveau visées par les contrats de plan État-région pour la période 2023-2027.
Vous le voyez, mes chers collègues, ce chantier se poursuit, dans un dialogue constant et étroit avec les régions.
J’en viens aux trains de nuit, qui ont également fait l’objet de dispositions nouvelles. Plus de 100 millions d’euros de crédits sont en effet prévus dans le PLF pour 2023, et des commandes de voitures sont programmées pour l’année prochaine. Nous nous félicitons par exemple du rétablissement de la Palombe bleue, qui parcourra de nouveau les plaines landaises et les vallées du Pays basque dès 2024.
Il convient toutefois de le souligner, on ne peut pas répondre simultanément aux deux injonctions contradictoires que sont, d’une part, le développement du fret et des trains de nuit, et, d’autre part, la régénération du réseau, qui nécessite des travaux effectués bien souvent de nuit.
La proposition de diminuer le taux de TVA sur les billets de train s’apparente à une fausse bonne idée, car il n’est pas certain que les AOM décisionnaires répercutent la totalité de cette baisse.
De plus, une telle mesure emporte un coût substantiel pour les finances publiques – jusqu’à 1 milliard d’euros selon certaines estimations.
Mes chers collègues, si cette PPR a vocation à nous unir autour d’une ambition forte pour le ferroviaire, alors, oui, nous la faisons nôtre. Et puisque nous sommes nombreux à aimer le train et qu’il n’y a pas d’amour sans preuve d’amour, s’il fallait une preuve supplémentaire, au-delà de tout ce que je viens de rappeler, je me bornerai à citer la reprise de la dette à hauteur de 35 milliards d’euros.
Pour conclure, si les objectifs visés par cette PPR sont louables, elle ne nous paraît pas opportune, d’autant qu’une nouvelle programmation pluriannuelle pour le ferroviaire sera établie sur le fondement du prochain rapport du Conseil d’orientation des infrastructures. Le groupe RDPI s’abstiendra donc sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Martine Filleul. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous ». Au début des années 1990, la SNCF reprenait fièrement cette citation d’Aristote, en guise de slogan publicitaire.
Pourtant, aujourd’hui, à l’heure où le développement du rail s’impose comme une arme incontournable pour limiter nos émissions de carbone et éviter la congestion du réseau routier, des voyageurs, partout dans notre pays, vivent au rythme de la galère des transports. Il s’agit de cette France qui se lève tôt et qui arrive en retard, de la France des trains à l’arrêt.
Dans ma région des Hauts-de-France, les mêmes scènes se répètent quotidiennement pour les usagers du TER. Dans les gares devenues des salles des pas perdus, les voyageurs craignent chaque matin de découvrir que leur train a été supprimé, faute de conducteur, de contrôleur ou de matériel.
En quelques années à peine, la situation s’est dégradée à tous les étages, partout en France. Liaisons régionales, TGV, aucun train n’est épargné. Le taux de régularité que la SNCF tente de maintenir difficilement tous les jours est un exploit au regard de la vétusté de notre réseau. À la lumière de ce constat, nous pouvons affirmer que, oui, la SNCF est en voie de clochardisation.
Pour autant, les Français ont envie de trains. Quelque 12 millions de billets ont été vendus pour le seul été 2022 – un record ! –, alors même que les billets étaient hors de prix pour une partie de nos concitoyens et que les trains, pris d’assaut, affichaient complet.
En cette période où les prix de l’essence se sont envolés, le train est porteur de la promesse d’une concurrence optimale de la voiture. Et les Français sont au rendez-vous tant que le service est de qualité et abordable.
Ayons de l’ambition ! Il est plus qu’inadmissible que nous soyons aujourd’hui rendus à baisser la vitesse commerciale d’exploitation parce que le réseau n’a pas été entretenu ou modernisé. Nous sommes à l’os, alors que, en parallèle, nos voisins européens se lancent dans des dispositifs innovants, comme la digitalisation de leur réseau, opérant une maintenance prédictive par le biais de capteurs pour intervenir avant que le matériel ne casse et ne mette le réseau à l’arrêt.
Le réchauffement climatique met de plus nos infrastructures ferroviaires à rude épreuve. Les équipements doivent être adaptés et homologués face à ces changements.
Alors que la SNCF est déjà à la peine pour entretenir son réseau en raison du manque de soutien de l’État, je comprends qu’il paraisse inconcevable de mettre en place des dispositifs innovants, de développer ou de redévelopper le train de nuit, le fret et l’intermodalité.
Je citerai, par exemple, l’abandon de deux plateformes trimodales connectées au réseau ferré pour le projet de canal Seine-Nord. Que d’argent public et de possibilités de développement économique gâchés !
De manière plus globale, Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF, que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a reçu à plusieurs reprises, évalue les besoins de la SNCF à 100 milliards d’euros sur quinze ans.
Une grande loi de programmation ferroviaire de planification et d’évaluation des besoins annuels au long cours s’impose. Au lieu de cela, par le contrat de performance 2021-2030, le Gouvernement a renforcé la règle d’or de SNCF Réseau, contraignant sa capacité d’endettement et l’obligeant à réaliser des efforts de productivité inatteignables.
Faute d’un niveau d’investissements suffisants et dans un contexte d’ouverture à la concurrence, cette disposition risque d’affaiblir la SNCF et de susciter chez les usagers une hostilité accrue.
Nous refusons de voir cette stratégie mener à une privatisation. L’erreur serait majeure. Le rail a historiquement besoin de subventions publiques, que ce soit dans notre pays ou chez nos partenaires européens, qui n’hésitent pas y recourir.
C’est en ce sens que mon collègue Olivier Jacquin a déposé, en juillet dernier, une proposition de loi visant à développer le transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises en libérant SNCF Réseau de son carcan réglementaire et budgétaire, afin de répondre à l’urgence écologique.
Le groupe socialiste du Sénat a également déposé un amendement au PLF visant à renforcer le soutien au ferroviaire à hauteur de 3 milliards d’euros. Ce montant est certes important, mais il est indispensable pour répondre à l’impératif de régénération et de modernisation du réseau.
Le même amendement, déposé par les députés socialistes, a d’ailleurs été largement adopté par l’Assemblée nationale en séance publique, mais il n’a pas été retenu par le Gouvernement dans le texte soumis au 49.3.
Dans ces conditions, le groupe socialiste ne peut que saluer cette proposition de résolution relative au développement du transport ferroviaire, qu’il votera.
Il est grand temps de renverser la vapeur. Faisons le pari du train, afin que, à l’heure de l’impératif climatique, les Français retrouvent confiance dans leur réseau ferré ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le ferroviaire est un volet central de nos politiques publiques, car nous nous trouvons à un tournant en matière de mobilité. Nous devons en avoir conscience.
Cette proposition de résolution vise à donner tort au dicton selon lequel « la seule façon d’être sûr de prendre un train est de manquer le précédent ».
La mobilité est un droit universel, qui devrait être accessible à tous et toutes. L’exposé des motifs le précise : « Se déplacer, c’est pouvoir aller étudier, travailler, faire vivre des relations sociales, amicales, familiales, c’est accéder aux soins, c’est pouvoir partir en vacances. » Or ce droit à la mobilité est mis à mal.
Il faudrait mieux se déplacer, en réduisant la consommation d’énergies fossiles. C’est le moins que l’on puisse faire quand on voit les ravages de la pollution sur notre santé et notre environnement. Mais on ne trouve pas suffisamment de solutions de rechange efficaces à la voiture, si bien que le transport public devient un moyen de transport par défaut, alors qu’il devrait être un choix consenti – pardonnez-moi ce pléonasme, mes chers collègues.
Je citerai, par exemple, la situation catastrophique des transports en Île-de-France : l’attente des bus, les suppressions et les retards de RER et de métros, sans parler des suppressions de postes et de la criminalisation des syndicats de cheminots, perdurent depuis des années, monsieur le ministre. La situation, déjà pénible, est devenue insupportable.
Au conseil régional, nos collègues du groupe Gauche communiste, écologiste et citoyenne ont lancé le mouvement « Stop galère » et ouvert une pétition pour demander des moyens et refuser la hausse du prix du pass Navigo.
Ce matin, de nombreux élus et citoyens étaient rassemblés devant le conseil régional, à raison : le service est dégradé, rétrogradé, et les passagers, alors même qu’ils voyagent entassés, devront désormais payer presque 10 euros supplémentaires – on le sait depuis hier soir – pour cette expérience de transport scandaleuse. Pourtant, hier soir, précisément, vous annonciez une aide de 200 millions d’euros à Île-de-France Mobilités. Le seul changement auquel cela a donné lieu, c’est une augmentation du prix du passe Navigo de 10 euros au lieu de 15 euros ! Le prix reste excessivement élevé, mais il faudrait que les usagers se considèrent comme privilégiés !
En quoi le sont-ils quand les lignes sont surchargées, quand les rames circulent à des fréquences réduites et aléatoires, et quand le matériel roulant est parfois vieillissant ?
Ailleurs, il n’y a plus de service. En un siècle, la moitié du réseau ferré français a fermé, monsieur le ministre. Les gares sont devenues des reliques, parfois transformées pour d’autres usages ou bien encore abandonnées, ce qui contribue au sentiment d’oubli que nourrissent certains de nos concitoyens vivant en zone rurale.
Le transport de marchandises en pâtit aussi et ne représente que 9 % du secteur, contre 89 % pour le transport routier, pourtant plus coûteux pour l’environnement. Mes collègues connaissent mon engagement pour le maintien du train des primeurs entre Perpignan et Rungis. Rappelez-vous les débats que nous avons eus sur ce sujet, ici, dans l’hémicycle.
Le transport ferroviaire n’est au niveau nulle part. Nous avons tous entendu les engagements qui ont été pris pour rattraper le retard de la France, notamment par rapport à nos voisins allemands. Tout d’abord, dans le contrat de performance, il est prévu que la part du ferroviaire double d’ici à 2030.
Ensuite, le Gouvernement s’est engagé à relancer les trains de nuit et il est vrai que quelques lignes ont rouvert ; pour l’instant, elles sont encore en nombre insuffisant et nous restons loin des performances attendues dans un pays comme le nôtre, qui a les moyens d’avoir de belles autoroutes – privées – et qui pourrait en retour se doter de transports publics de qualité.
Enfin, le Président de la République a pris l’engagement de développer des lignes de RER dans dix métropoles : on attend des précisions, on attend des financements et on attend aussi des garanties pour que le transport soit public et desserve les territoires afin d’assurer le droit à la mobilité. En effet, il ne s’agit pas d’apporter sur un plateau un nouveau secteur lucratif aux prophètes de la privatisation des transports.
Il ressort de tout cela que l’on peut distinguer deux catégories de responsables politiques : ceux qui parlent des transports – le sujet est incontournable – pour faire connaître cette situation lamentable et ceux qui agissent. Désormais, il faut agir. Cette proposition de résolution est un pas de plus que nous ferons dans la transition des mobilités. Mes chers collègues, agir c’est la voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux d’être devant vous aujourd’hui pour exposer la position du groupe Union Centriste sur la proposition de résolution présentée par nos collègues du groupe CRCE.
Comme président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, je n’ai eu de cesse de rappeler l’impérieuse nécessité du développement ferroviaire de notre pays.
Le secteur du transport est le plus gros émetteur de gaz à effet de serre en France. Or une tonne de marchandise transportée par voie ferroviaire émet neuf fois moins de CO2 que par la route. Le développement massif du ferroviaire pour le fret comme pour les personnes représente donc un levier considérable de décarbonation à l’échelle de notre pays.
Lors de l’audition du président-directeur général de la SNCF comme lors de celle du ministre délégué chargé des transports, il y a quelques semaines, devant la commission, j’ai souligné la nécessité absolue de faire croître le secteur ferroviaire dans notre pays, tout en rappelant que les moyens mis sur la table n’étaient pas conformes à nos ambitions.
Si nous souhaitons atteindre l’objectif, d’ici à 2030, d’un doublement de la part modale du rail à 20 % pour les voyageurs et à 18 % pour le fret, il nous faut investir massivement dans notre réseau, et cela sans perdre plus de temps.
Afin de parvenir à ce doublement de la part modale du ferroviaire, la proposition de résolution prévoit de réduire la TVA sur les titres de transport en commun. Partageant ce souhait, je suis très heureux de vous rappeler, mes chers collègues, que l’amendement visant à abaisser à 5,5 % la TVA sur les titres de transport, porté au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable par Hervé Gillé et Philippe Tabarot, a été adopté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023. Je suis donc parfaitement en phase avec les auteurs de cette résolution.
Le plan de relance avait alloué plus de 4 milliards d’euros supplémentaires à SNCF Réseau, dont 2,3 milliards pour les investissements en faveur de la régénération du réseau, afin d’aider le secteur. Toutefois, le nouveau contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau, qui faisait l’objet de très fortes attentes, constitue une occasion manquée tant il déçoit par son manque d’ambition : seulement 2,9 milliards d’euros par an sont prévus pour le réseau sur la période 2021-2030. Cette enveloppe est très insuffisante pour assurer la régénération des infrastructures ferroviaires.
En outre, ces crédits seront majoritairement issus des fonds propres de SNCF Réseau, en particulier du produit des péages, dont le montant en France est déjà le plus élevé d’Europe.
Cette déception est d’autant plus grande que l’inflation grève les marges d’action de SNCF Réseau à hauteur de 500 millions d’euros en année pleine, perte non compensée dans le projet de loi de finances. À moyens constants, cette situation risque de conduire à un resserrement du périmètre d’investissement de cet acteur.
Des inquiétudes particulières portent sur l’état des petites lignes ferroviaires, parent pauvre du réseau national, dont le Sénat avait souligné l’importance lors de l’examen du projet de loi 3DS et dont le maintien représente des enjeux financiers considérables. Selon le rapport Philizot de février 2020, quelque 40 % des lignes de ce réseau de proximité sont menacées faute de régénération ; le rapport estime nécessaires des investissements de l’ordre de 7,6 milliards d’euros d’ici à 2028. À ce titre, on peut se réjouir de l’adoption par le Sénat, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, d’un amendement présenté au nom de notre commission par notre collègue Philippe Tabarot, visant à abonder de 150 millions d’euros supplémentaires les crédits alloués à la régénération des petites lignes ferroviaires.
Dans ce contexte de tensions budgétaires et de nécessité d’accélérer rapidement nos efforts, la proposition de résolution présentée par nos collègues me semble tout à fait intéressante et bienvenue.
Je souhaite à présent aborder avec vous, mes chers collègues, l’analyse des deux objectifs à viser afin d’atteindre le doublement de la part modale du transport ferroviaire.
Il existe à mon sens un double enjeu : la régénération des petites lignes et des lignes d’équilibre du territoire d’un côté, et le développement des lignes urbaines, voire métropolitaines, de l’autre.
Bien sûr, en tant qu’ancien maire et conseiller départemental, je ne peux qu’être sensible aux arguments avancés par nos collègues quand ils exposent, à raison, que la moitié du réseau ferroviaire a fermé depuis 1930. Partout sur nos territoires, nous avons constaté la déprise ferroviaire qui a eu lieu, avec son lot de fermetures de petites lignes et de petites gares.
Il faut briser ce cercle vicieux et donner une nouvelle dynamique, puissante, aux lignes locales, qui font l’objet d’un engouement considérable de la part de nos concitoyens.
La deuxième priorité impérieuse à laquelle nous devons apporter une réponse puissante est le besoin de transport ferroviaire dans les grandes métropoles françaises. La densité du réseau ferroviaire en Île-de-France fait figure d’exception par rapport aux autres grandes villes. Il faut poursuivre les travaux d’agrandissement du réseau qui sont en cours, le Grand Paris Express, le projet Eole, la prolongation des lignes de métro existantes et la finalisation du vaste réseau de tramway francilien. Ces projets permettront de décarboner sur le long terme les mobilités au sein de notre région capitale.
Quant à nos métropoles régionales que sont Marseille, Lyon, Bordeaux, Lille, Strasbourg, Toulouse et d’autres encore, elles mériteraient de bénéficier d’investissements d’ampleur dans les réseaux, afin d’y permettre l’éclosion de véritables réseaux de trains de banlieue, à l’image des S-Bahn en Allemagne, qui sont présents dans de très nombreuses villes.
Je salue l’annonce du Président de la République de doter ces métropoles de réseaux express métropolitains, car le potentiel de décarbonation au sein de ces zones est énorme, tant les mobilités par voie automobile y sont courantes. Espérons que les moyens budgétaires seront à la hauteur de ces engagements.
Étant en phase avec cette proposition de résolution et ses objectifs, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, SER et GEST. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos concitoyens subissent des hausses de prix sur tous les fronts, en particulier, sur l’énergie, l’alimentation et les transports. Inflation galopante et durable, d’un côté, endettement aggravé, de l’autre, tout cela dans un contexte d’urgence climatique : cette équation insoluble ne peut susciter, tôt ou tard, que l’explosion sociale.
La politique ferroviaire, grande oubliée des dernières décennies, a fait l’objet d’un regain d’intérêt relativement récent. Nous payons au prix fort l’inertie des gouvernements qui se sont succédé.
La régénération et la modernisation du réseau, quand elles sont progressives, sont bien moins coûteuses qu’un coup d’accélérateur porté sur des infrastructures dont l’âge moyen est d’une trentaine d’années, ce qui se traduit par un prix des péages deux fois plus élevé par rapport au reste de l’Europe.
Pour ce qui est des trains de nuit, après les avoir tout simplement abandonnés en 2016, il aura fallu que nos voisins européens s’y intéressent pour que le Gouvernement décide finalement de les relancer. Cependant, les moyens engagés ne correspondent pas aux besoins actuels, soit 800 millions d’euros dans les cinq prochaines années.
Nous payons le choix d’avoir favorisé les métropoles et la concentration des richesses au détriment du reste du territoire. Quarante-sept ans après le plan annoncé par Valéry Giscard d’Estaing, le Massif central n’a toujours pas été désenclavé par le train. Au XXIe siècle, des pans entiers du territoire se retrouvent mal desservis, ce qui revient à méconnaître le droit à la mobilité.
À cela s’ajoutent de grands projets aux procédures interminables, comme la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP), décidée dans les années 1980, abandonnée puis relancée. Un espoir se dessine avec le vote de nouveaux financements dans le projet de loi de finances pour 2023 – monsieur le ministre, je vous en remercie.
En ce qui concerne le transport de marchandises, il s’effectue essentiellement par la route dans notre pays. Le plan de soutien au fret ferroviaire, s’il est bienvenu, est malheureusement arrivé un peu tard. Pour être un jour compétitif, le ferroviaire doit être performant et efficace : le système européen de gestion de trafic des trains et la commande centralisée du réseau doivent impérativement être mis en place.
Enfin, comment inciter au report modal sans protéger l’usager de la hausse des prix ? L’alternative à la route doit être crédible et pleinement soutenue par l’État. Or, non seulement le transport ferroviaire n’est pas suffisamment compétitif, mais il devra aussi subir 1,7 milliard d’euros de surcoûts liés à la flambée du prix de l’énergie. On n’hésite pas à instaurer un bouclier tarifaire énergétique de manière aveugle et coûteuse, quelle que soit la situation économique ou professionnelle des ménages ; il est logique que cet effort soit poursuivi en matière de transports collectifs.
Nous soutenons donc la proposition visant à ce que des dispositions exceptionnelles soient prises pour contenir l’incidence du prix de l’énergie sur les finances de SNCF Réseau et sur les autorités organisatrices de transport, et nous soutenons aussi la baisse de la TVA sur l’achat des titres de transport, mesure qui est votée tous les ans au Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.
S’il faut améliorer le maillage ferroviaire du territoire, nous devons également ralentir l’étalement urbain et mieux réfléchir à l’organisation spatiale. Que de temps perdu ! Le Gouvernement travaille à le rattraper et je salue ses efforts. Il y a eu des progrès importants en matière d’investissement, que nous ne pouvons pas nier.
Lors de l’examen du projet de loi de finances, M. le ministre délégué chargé des transports a évoqué plus de 6 milliards d’euros investis en 2023 dans la politique ferroviaire.
Si les sommes paraissent désormais considérables et si nous nous situons dans la trajectoire établie par la loi d’orientation des mobilités, nous pouvons faire davantage, car la décarbonation du secteur des transports repose pour beaucoup sur le mode ferroviaire. Nos voisins allemands, britanniques ou suisses ont récemment mis la main au portefeuille, alors que leur réseau est en bien meilleur état que le nôtre. Aussi, nous invitons le Gouvernement à rehausser les ambitions françaises, notamment pour les petites lignes.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDSE, qui partage l’ensemble des constats établis par les auteurs de ce texte et la quasi-totalité des propositions avancées, soutiendra cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot.
M. Philippe Tabarot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution a l’avantage de faire porter le débat sur une passion française, celle de la vie du rail. Avec comme étendard le TGV, le rail est une fierté française en même temps qu’un instrument de cohésion nationale. Plus encore que la prouesse technologique qu’il représente, c’est l’engouement du public pour un moyen de transport confortable, massifié, sûr et peu polluant qui fait du train une grande réussite nationale.
Le train, c’est une carte de France qui se dessine et le témoignage de notre patrimoine, comme aurait pu le dire Marc Laménie. Le train, c’est un défi qui coche les cases de notre temps, dont celle de la nécessaire décarbonation, notamment pour le fret. Aussi, je partage bien volontiers les constats de cette proposition de résolution, dans la droite ligne des travaux transpartisans de notre commission, cher président Longeot, que nous avons menés, notamment avec notre collègue Lahellec.
Il n’y a pas un train de gauche et une rame de droite.
M. Michel Dagbert. Ils avancent « en même temps » ! (Sourires.)
M. Philippe Tabarot. Nous avons le devoir de nous hisser au-dessus de ces clivages pour prendre des décisions. Nous encourageons ce sursaut qui doit naître sur les mobilités ferroviaires, car nous devons donner la priorité à l’aboutissement des projets comme le Grand Paris Express ou les voies d’accès au tunnel Lyon-Turin, sujet cher à Martine Berthet, ou bien encore la sauvegarde des petites lignes, vitrine d’une France périphérique trop souvent laissée de côté.
Nous sommes tous, sur ces travées, un peu amers que les transports soient continuellement les grands absents des campagnes présidentielles et des débats qui se tiennent alors. Malgré cela, le train envahit l’actualité et devient un élément pivot de réponse aux crises de notre temps.
Toutefois, l’acuité médiatique du train demeure inversement proportionnelle au pourcentage de PIB injecté chaque année dans le financement du transport public. Le retard pris est si grand que les investissements de régénération permettent tout juste de stopper la dégradation du réseau. Le montant d’investissement par habitant est ridiculement bas, seulement 40 euros en France quand il est de 395 euros en Suisse et 95 euros en Italie.
Ce sous-investissement chronique s’est dernièrement manifesté par son nouveau totem – vous l’avez mentionné, mon cher collègue –, le contrat de performance. Ce document-cadre fait courir un risque majeur à nos infrastructures : il prévoit des investissements de renouvellement notoirement insuffisants et fait l’impasse sur la modernisation du réseau.
Pour traduire l’ambition du train et favoriser le retour des Français dans les rames, il faut investir davantage, rattraper le temps perdu et ne pas dépenser en décisions vaines celui que l’on devrait consacrer à l’action.
En cohérence, certains de mes collègues l’ont rappelé, nous avons fait voter au Sénat, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, 150 millions d’euros supplémentaires pour la régénération du réseau.
Monsieur le ministre, sans vous cacher éternellement derrière le Conseil d’orientation des infrastructures, donnez au ferroviaire des chances au moins équivalentes à celles qui sont octroyées aux filières automobile et aéronautique sans pour autant les opposer.
Nos attentes sont vives, car elles portent une exigence rehaussée et équilibrée. Il ne s’agit pas de se tourner vers la facilité d’annonces solennelles aux pieds d’argile, comme celles qu’a faites le Président de la République sur les RER métropolitains : pour l’instant, ils sont remisés aux ateliers de maintenance sans aucune trajectoire financière.
Je suis conscient de la complexité de notre demande et des capacités limitées de SNCF réseau. C’est pour cela que nous ne pouvons pas nous cantonner aux seules sirènes de cette proposition de résolution, qui affiche de grandes ambitions sans y adjoindre les solutions pour y arriver : performance, productivité, trajectoire de l’État en très forte révision, ou bien lutte contre le poison des péages ferroviaires.
Je ne peux pas non plus en valider totalement la portée tant elle cache mal, en arrière-boutique, une opposition plus dogmatique que réaliste et une certaine complaisance.
L’opposition dogmatique, tout d’abord, tient au fait de rejeter en bloc le champ de l’ouverture à la concurrence. À la différence des auteurs de ce texte, je crois à cette ouverture, car elle responsabilise les acteurs et leur évite de se complaire dans les travers du monopole. La concurrence ferroviaire doit se traduire, selon moi, par une offre accrue de trains et par des péages ferroviaires rendus à terme plus accessibles.
La complaisance, ensuite, vient du refus de porter un regard objectif, voire quelquefois critique, par idéologie, sur le champ social miné. Alors que l’État s’est engagé à reprendre 35 milliards d’euros de la dette de la SNCF et que l’entreprise a également bénéficié d’une recapitalisation, les contribuables français ne cachent plus leur crispation face aux grèves à répétition, qui ruinent nos efforts collectifs, ainsi que ceux de l’opérateur pour satisfaire les usagers à des moments importants et souvent festifs de leur vie.
Toutefois, je sais bien que parmi les syndicats et les cheminots, beaucoup se distinguent en restant attachés à la qualité du service et à l’amour de leur travail.
Fidèle à mon héritage politique et sans être prisonnier des vieilles lunes dogmatiques, je crois au ferroviaire par conviction. Notre groupe, cher Didier Mandelli, s’honore de réclamer un effort de rattrapage, de modernisation et de performance ferroviaire, mais il s’abstiendra sur cette proposition de résolution, qui malgré des constats bienveillants que je partage, reste prisonnière d’une idéologie quelquefois un peu trop politique sur les deux sujets que je viens d’évoquer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Lahellec, je vous remercie d’avoir ouvert ce débat qui porte, comme l’a dit à l’instant le sénateur Tabarot, sur une passion française. Vos interventions successives en témoignent et ont au moins un point commun avec celle de l’orateur qui s’exprime à présent au nom du Gouvernement : cette passion est partagée et la volonté de faire du ferroviaire une grande priorité est également la mienne.
Permettez-moi toutefois, avant de revenir sur quelques points prioritaires de notre politique en matière de transport, en particulier ferroviaire, de réagir à quelques propos que j’ai trouvés « excessifs », pour le dire sincèrement. Je pense notamment à ceux qu’a tenus la sénatrice Filleul.
On ne peut pas parler de « clochardisation » du système ferroviaire français. Ce n’est ni juste ni vrai et je m’indigne contre ce genre de propos. Je crois que cela ne fait pas avancer le débat. Le terme ne figure pas d’ailleurs dans le texte de la proposition de résolution et je m’en félicite. On ne peut pas traiter notre système ferroviaire de cette façon.
Bien sûr – j’y reviendrai dans un instant –, nous devons évoquer la galère que vivent de nombreux Français ; nous ne pouvons pas ignorer les difficultés évidentes et nous devons y répondre et prendre nos responsabilités – peut-être aurons-nous des désaccords et j’y reviendrai.
Mais on ne peut pas partir de ce constat qui est faux biaisé et outrancier. Je ne m’y résous pas, car ce serait une autoflagellation collective, un SNCF bashing, si vous me permettez cet anglicisme, auquel je ne m’associe en rien.
Oui, notre système ferroviaire est confronté à des difficultés, mais partons quand même de ce qui fonctionne et de ce qui fait la vie quotidienne des salariés du secteur public ferroviaire et des usagers : malgré les difficultés, ces derniers recourent aux transports publics et utilisent le train.
J’ai beaucoup voyagé en Europe, car les hasards de la vie ont fait que, avant d’être ministre délégué chargé des transports, j’ai été ministre délégué chargé des affaires européennes. Or il n’est pas vrai que l’herbe est plus verte ailleurs et que tout est sombre et noir dans notre pays. Nous avons en partage de véritables succès français, comme l’ont rappelé plusieurs de vos collègues, dont les sénateurs Tabarot et Dagbert. Je ne cherche aucunement à me les attribuer, car ils sont l’œuvre des collectivités locales, toutes sensibilités politiques confondues, et des gouvernements successifs.
Ainsi, la politique du TGV, qu’il est aujourd’hui commode et commun de dénigrer, a été une grande politique d’aménagement du territoire, de développement économique et a constitué un succès industriel et ferroviaire pour la France. Soyons-en fiers !
D’ailleurs, parmi d’autres de vos collègues, le sénateur Grand a défendu l’idée qu’il fallait ouvrir des lignes ferroviaires dans certains endroits où l’on constate un manque de compétitivité, ainsi qu’un besoin de désenclavement et d’attractivité économique. Sans doute faudra-t-il trouver une autre manière de les financer : je salue le soutien du Sénat en la matière et le vote de trois amendements dont l’objet est de permettre le financement des projets du Grand Paris Seine Ouest (GPSO), de la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP) et de la ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur (LNPCA), par des ressources locales affectées, qui pèsent sur le monde économique et le monde touristique et qui sont décidées en concertation avec eux ; ainsi, l’on évitera de prélever sur les ressources du système ferroviaire et l’on financera intelligemment de futures lignes à grande vitesse dans le cadre de projets ciblés.
Une autre grande réforme que nous avons réussie en France, et qui, en pratique, est largement l’œuvre des régions, concerne le TER. Certes, des difficultés ponctuelles ont été recensées, notamment dans les Hauts-de-France, que je connais et sur lesquelles je me suis engagé. Toutefois, elles n’ont rien à voir avec la situation que l’on a connue il y a vingt ou trente ans – vous le savez bien –, parce que les régions ont investi et réinvesti.
Dans un débat que nous avons eu lors d’une séance précédente, vous rappeliez, monsieur le sénateur Tabarot, le tarif que payent en moyenne les usagers français sur le prix du billet, tous types de ligne confondus, depuis le train du quotidien jusqu’au train à grande vitesse : il est le plus faible d’Europe si l’on met à part le Luxembourg. Cela devrait d’ailleurs faire l’objet d’un débat entre nous : toutes les collectivités publiques, dont l’État, donnent une subvention très importante au secteur ferroviaire.
Je sais que les tarifs donnent lieu à débat, en ce moment. Je remercie ceux qui ont bien voulu souligner que, par ma voix, l’État s’est engagé à accorder une aide d’urgence non seulement à Île-de-France Mobilités, parce qu’il y a un besoin particulier, mais aussi aux autres autorités métropolitaines organisatrices de transport, à hauteur de 100 millions d’euros. Nous pourrons débattre sur ce point, mais cette aide est essentielle pour faire face à la hausse du coût de l’énergie et pour ne pas faire exploser les tarifs.
Dans ce pays, nous subventionnons collectivement les usages du ferroviaire et les transports du quotidien : c’est une fierté et c’est très important.
Ensuite, certaines choses, il est vrai, fonctionnent mal depuis longtemps ou fonctionnent moins bien en ce moment : disons-le pour essayer de résoudre ces difficultés.
Je pense bien évidemment à la régénération du réseau que je considère comme nécessaire : je l’ai toujours dit, et vous m’avez entendu le répéter dans cet hémicycle. Il reste encore des étapes à franchir et je ne me cache pas derrière le Conseil d’orientation des infrastructures, monsieur le sénateur Tabarot : l’enjeu du réseau ferroviaire est plus large que cela. Oui, sur ce point, nous avons collectivement un problème français.
Toutefois, soyons honnêtes intellectuellement dans nos débats et allons jusqu’au bout : j’aurais aimé que l’on salue le fait que depuis six ans – voyez, je suis très précis et je fais preuve d’honnêteté – les gouvernements successifs ont réinvesti pour augmenter les crédits de régénération et de modernisation de notre réseau ferroviaire, ce qui était indispensable.
On était à moins de 2 milliards d’euros par an en 2015. J’entends les critiques et les contestations sur les 2,9 milliards d’euros par an prévus dans le contrat de performance. Toutefois, celui-ci a le mérite de nous placer à un niveau que nous n’avions pas atteint depuis plus de trente ans ; en outre, il prévoit une visibilité sur dix ans. Faut-il aller plus loin ? Oui, et j’y reviendrai dans un instant. Est-ce que cette proposition de résolution met l’accent sur ce point ? Oui, je reconnais qu’elle a cet avantage.
Toutefois, rappelons que le retard est en train d’être en partie rattrapé et que nous allons franchir des étapes supplémentaires. Je n’ai pas beaucoup entendu que notre système ferroviaire était dans un état de « clochardisation » lorsque l’on était à moins de 2 milliards d’euros par an, il y a de cela encore moins d’une décennie. Soyons justes et soyons honnêtes, pour être plus efficaces dans nos réponses.
Je considère également que, oui, nous rencontrons aujourd’hui des difficultés particulières sur certains trains du quotidien. J’ai évoqué la hausse du coût de l’énergie : l’État a prévu une aide exceptionnelle pour y faire face, ce qui n’est pas négligeable. Mais, oui, certaines situations sont très particulières, comme celles de l’Île-de-France et des Hauts-de-France, que j’ai mentionnées. C’est la raison pour laquelle je me suis rendu à Lille, pour rencontrer le président de région Xavier Bertrand : j’ai discuté avec lui et j’ai demandé à la SNCF un plan exceptionnel de rattrapage des recrutements face aux pénuries de conducteurs. Il commence à se mettre en place et nous essaierons d’en accélérer la dynamique en mobilisant tous les moyens. Certains, sur ces travées, ont parfois moqué nos initiatives, mais je les assume : nous sommes dans une période difficile, ce qui justifie de faire appel à de jeunes retraités pour faire face aux pénuries temporaires. Il faut mobiliser tous les moyens et se montrer créatif et innovant, comme cela a été dit ; il faut aussi répondre plus structurellement aux pénuries de conducteurs qu’on connaît partout.
La problématique n’est pas seulement le fait de ce gouvernement ou de l’État ; les collectivités territoriales savent bien que nous connaissons les difficultés qui interviennent dans les recrutements de conducteurs de bus et de conducteurs de métro. Je m’engage à développer une politique d’attractivité et de recrutement renforcée en Île-de-France comme ailleurs.
Alors oui, le budget consacré au ferroviaire reste important. Je ne citerai pas les chiffres en détail, discutés voilà quelques jours à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, mais j’en rappellerai seulement deux ou trois.
Le Sénat a voté vendredi dernier les crédits du programme « Infrastructures et services de transports », dont 85 % sont consacrés aux transports collectifs et ferroviaire.
Il n’est donc pas choisi de faire porter massivement les efforts sur la route ou sur l’avion, puisque 85 % du budget du ministère que je défends sont destinés à ces modes de transport.
Au total, en tenant compte de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, de la Société du Grand Paris et du budget affecté au programme déjà cité, l’effort national consenti par l’État en faveur des transports s’élève à 12 milliards d’euros cette année, soit une hausse de 10 % par rapport à l’an dernier, dont plus de la moitié est consacrée au transport ferroviaire.
Ces réalités doivent être rappelées.
Que doit-on faire pour améliorer la situation et répondre aux points qui ont été soulevés ?
D’abord, la priorité est donnée au réseau. Je l’ai dit ; c’est un signal. Considérons-le comme tel.
Pour atteindre ce niveau symbolique de 3 milliards d’euros d’investissement dans la régénération du réseau ferroviaire et sa modernisation, au-delà du contrat de performance, l’Afit France portera, lors du vote de son budget dans quelques jours – je le souhaite –, 100 millions d’euros pour 2023.
Vous me direz peut-être qu’il faut aller encore plus loin. Cependant, SNCF Réseau – son PDG, Matthieu Chabanel, en témoignerait – ne pourrait pas absorber un volume de travaux correspondant aux sommes additionnées trop rapidement. En la matière, il n’y a pas de magie !
Il s’agit donc d’un signal utile, concret et pragmatique.
Se posera également, sur la base du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, mais aussi plus largement, la question d’un investissement supplémentaire dans le réseau.
Ce sujet est encore en débat. Le Gouvernement, Christophe Béchu et moi-même vous ferons des propositions en début d’année, à partir desquelles nous pourrons discuter.
Ce contrat de performance n’est pas une religion, un tabou ou un totem. Prenons-le simplement pour ce qu’il est, à savoir une amélioration, que nous amplifions pour l’année 2023 et qui sera rediscutée ensemble, sur les plans politique et budgétaire, dans les semaines et les mois qui viennent.
Ensuite, une deuxième priorité est à accorder aux transports du quotidien. Je suis revenu sur les mesures d’urgence et je voudrais dire quelques mots des RER métropolitains, évoqués, monsieur le sénateur Lahellec, dans votre proposition de résolution.
Il s’agit non pas de communication ou de science-fiction, mais d’une réalité. Ce matin même, j’ai symboliquement lancé, avec le président de région, Jean Rottner, et la présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, Pia Imbs, le RER métropolitain à Strasbourg, qui entrera en service à partir du 11 décembre prochain.
Fruit d’un effort d’investissement conjoint de l’État, de SNCF Réseau, de la région ainsi que de la métropole, il permettra d’augmenter significativement les dessertes ferroviaires autour de la métropole de Strasbourg. En cela, cette réalisation montre la voie. Une dizaine de projets de RER métropolitains ont d’ailleurs déjà été étudiés – c’est ce qu’évoquait le Président de la République.
Cette priorité doit être cofinancée, coconstruite, par l’État et les collectivités, au cours des prochaines années. C’est un chantier à conduire durant une décennie ; certains projets sont plus mûrs que d’autres.
Nous aurons aussi – comme je l’ai dit à l’instant au sujet des sociétés de projet pour les lignes à grande vitesse – à inventer de nouvelles modalités de financement, afin d’éviter de prélever des ressources, qui sont rares, partielles ou d’un niveau insatisfaisant, sur les revenus de transports qui doivent déjà être aidés aujourd’hui.
Imaginer des outils, comme les sociétés de projet, constituera aussi une partie du débat, fondé sur le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, dans les prochains mois.
Je voudrais revenir sur quelques axes sensibles et importants, évoqués aussi bien dans la proposition de résolution que dans différentes interventions.
M. le sénateur Dagbert a présenté les chiffres de manière précise. Aussi, sans être répétitif, j’insisterai sur quelques points.
S’agissant du fret ferroviaire, vous avez raison de dire que nous devons faire mieux. Toutefois, je n’ai pas entendu les mots « clochardisation » ou « abandon » lorsque la part modale du fret ferroviaire se réduisait, année après année, voilà quatre, cinq ou six ans.
Je me suis engagé personnellement à préserver cet opérateur essentiel qu’est Fret SNCF. Ce dossier difficile est en cours ; nous y arriverons.
Nous sommes en train de gagner collectivement, avec l’ensemble des opérateurs de fret ferroviaire, et pas uniquement la SNCF, la si difficile bataille du report modal, pour laquelle la France a été tant critiquée, tous gouvernements confondus.
Depuis deux ans, et pour la première fois depuis plus de vingt ans, la part du fret ferroviaire dans le fret total augmente dans ce pays. Cette réussite, que je ne m’attribue en rien, est collective.
Une stratégie nationale du fret a été définie par le précédent gouvernement et je m’engage à la poursuivre. J’ai donné à ce propos quelques indications et ce ne sont pas des montants négligeables : 170 millions d’euros par an garantis jusqu’en 2024 pour différents dispositifs dont l’aide aux wagons isolés, ce qui est essentiel ; 250 millions d’euros du plan de relance. Au total, il s’agit d’un plan mobilisant 1 milliard d’euros – vous l’avez dit, monsieur le sénateur Dagbert –, qui se déploie.
Je le confirme : nous prolongerons les aides, prévues actuellement jusqu’en 2024, jusqu’à la fin du mandat en 2027, si le Parlement confirme ces crédits.
En effet, il est important de prendre cet engagement et de donner cette visibilité afin de prolonger le sursaut que connaît le fret ferroviaire, notamment le transport combiné, grâce à nos efforts conjoints depuis quelques années, sursaut qui demeure néanmoins fragile et qui doit être consolidé.
La question des petites lignes a été évoquée. Nous en parlions lors du débat budgétaire ; elle est aussi essentielle.
Il est vrai que, au cours des dernières décennies, bien des petites lignes ont fermé. Cependant, il est tout aussi vrai que nous sommes en train d’inverser la tendance, une fois encore collectivement, car il s’agit forcément d’un partenariat État-région en particulier.
Je rappelle rapidement les principaux chiffres. Le Premier ministre de l’époque, Jean Castex, avait beaucoup insisté sur ce point, réinjecté des crédits et incité la SNCF à signer des conventions. Ainsi, huit protocoles d’accord entre l’État et les régions, toutes sensibilités politiques confondues, ont déjà été signés et ont permis de couvrir plus de 6 000 des 9 000 kilomètres de lignes identifiées dans le cadre de ce plan de soutien aux petites lignes ferroviaires.
L’État a triplé les crédits consacrés annuellement au cofinancement des petites lignes. Ainsi, ils représentaient 550 millions d’euros pour la période 2020-2022, contre 200 millions d’euros par an aujourd’hui, ce qui sera confirmé dans la prochaine génération de contrats de plan État-région conclus au cours de l’année 2023.
De nouveau, j’invite les régions n’ayant pas choisi cette démarche contractuelle proposée par l’État – la porte reste ouverte – à s’engager et à cofinancer avec nous la réouverture ou la préservation de petites lignes.
Un mot sur le train de nuit, qui a été aussi évoqué.
C’est un élément sur lequel il me semble important de réinvestir et qui a connu, parfois pendant des décennies, disons-le franchement, des reculs.
La transition écologique, un nouvel appétit pour le train permettent sans doute à une volonté collective plus importante de se réengager en faveur du train de nuit d’émerger.
Seules deux lignes subsistaient en 2021 ; nous en avons rouvert deux autres la même année : les lignes Paris-Nice et Paris-Tarbes-Lourdes.
Comme je l’indiquais encore vendredi, la question des commandes de matériel roulant devra faire de nouveau l’objet de discussions parlementaires et budgétaires.
Certaines commandes ont déjà été engagées pour les lignes existantes. Ainsi, le matériel roulant des lignes Paris-Briançon et Paris-Rodez-Toulouse est en train d’être rénové et le sera entièrement d’ici à la fin de l’année 2023, ce qui représente 50 millions d’euros d’investissement pour l’État.
Pour le reste, une commande industrielle et budgétaire supplémentaire sera nécessaire ; elle dépendra de la carte des nouvelles lignes de trains de nuit, qui seront ouvertes à la suite des deux premières qui ont été relancées en 2021.
Cela illustre un tournant – à amplifier, sans doute, à consolider, certainement –, que nous portons, que le gouvernement précédent et ce gouvernement défendent, en matière d’accessibilité, de développement du train dans toutes ses modalités, y compris fret, petites lignes, trains de nuit, qui sont des segments du ferroviaire, parfois oubliés, négligés ou cassés par les majorités et gouvernements successifs.
Je voudrais revenir sur la question des tarifs, que j’ai brièvement évoquée, qui est une des fiertés françaises.
En effet, la France est le pays qui aide le plus l’usager à recourir aux transports publics, grâce à une prise en charge publique, si bien que l’effondrement de l’utilisation de ce type de transports, pendant la crise de la covid-19, y a duré le moins longtemps.
Ainsi, une partie des mesures tarifaires prises par nos voisins visent également à inciter les usagers à réutiliser les transports publics, alors qu’en France, nous connaissons malheureusement plutôt des difficultés à satisfaire l’ensemble de la demande, ce qui se traduit malheureusement par des trains, des métros et des bus bondés.
En matière de tarifs, le Gouvernement a pris des mesures, que j’assume, en fixant des orientations claires à la SNCF.
Nous traversons une période de très forte inflation et de très forte hausse des coûts de l’énergie. Néanmoins, un effort de l’entreprise publique, reposant sur l’ensemble de ses activités et de ses salariés, a été fourni.
Un bouclier tarifaire, limitant à 5 % l’augmentation moyenne des prix, a donc été mis en place par la SNCF, ainsi que des protections pour ceux qui sont les plus exposés.
Les tarifs des abonnements à destination des usagers réguliers du train, notamment pour leur travail, ont été gelés, tout comme ceux du Ouigo, qui est un mode de transport et de mobilité plus social et qui s’adresse à des jeunes ou à des familles disposant de moins de moyens.
Il était également très important de prendre ces mesures.
Pour résumer, je considère cette proposition de résolution comme un appel, comme l’expression d’une exigence et d’une volonté d’aller plus loin.
Je ne retiens pas, dans les interventions et dans cette proposition, les éléments de discours qui renverraient à une forme de déclinisme ferroviaire ou de flagellation collective – bien que ce ne soit pas votre intention, monsieur Lahellec, je les perçois chez certains.
Néanmoins, vous comprendrez que le Gouvernement n’y sera pas favorable.
Je crois qu’il est nécessaire aussi de reconnaître les efforts engagés depuis plusieurs années et qui seront poursuivis. Je suis prêt sur certains points, notamment la question du réseau, à les amplifier.
Ce sera difficile, car gouverner, c’est choisir, y compris sur le plan budgétaire. Il faut le faire en responsabilité, en tenant compte des échéances qui arrivent, dont la remise du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, la négociation des futurs contrats de plan et les discussions à venir à propos du réseau.
Je crois qu’ensemble, dans cet esprit, nous avancerons. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution pour le développement du transport ferroviaire
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu le chapitre XVI du Règlement du Sénat,
Vu les Accords de Paris sur le climat adoptés en 2015,
Vu les articles 1 à 6 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs,
Vu la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités,
Vu la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets,
Vu l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales qui réglemente les zones à faibles émissions afin de réduire l’usage de véhicules polluants,
Vu l’article L. 229-25 du code de l’environnement relatif aux bilans d’émissions de gaz à effet de serre,
Vu le décret n° 2017-639 du 26 avril 2017 relatif à l’information sur la quantité de gaz à effet de serre émise à l’occasion d’une prestation de transport et les rapports sur les bilans carbone qui en découlent,
Vu les articles D. 1431-1 à D. 1431-23 du code des transports, qui fixent les principes de calcul communs des émissions de gaz à effet de serre à tous les modes de transport (aérien, ferroviaire ou guidé, fluvial, maritime, routier),
Vu le contrat de performance État-SNCF Réseau 2021-2030,
Vu le rapport d’information n° 570 (2021-2022) de MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, fait au nom de la commission des finances du Sénat sur la situation de la SNCF et ses perspectives,
Vu l’intégralité des rapports d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies et leurs conclusions,
Vu les rapports « Secten » présentant annuellement les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques en France, par secteur et sous-secteur,
Considérant le vote de l’amendement n° II-345 au projet de loi de finances pour 2023, largement adopté par l’Assemblée nationale le 31 octobre 2022 et abondant le budget du transport ferroviaire de 3 milliards d’euros, non retenu par le Gouvernement à la suite de l’emploi de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution ;
Considérant que la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe l’objectif d’une réduction de 40 % de réduction de ses émissions d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990 ;
Considérant la stratégie nationale bas-carbone figurant dans la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat qui fixe l’objectif de neutralité carbone d’ici 2020 ;
Considérant la fermeture de la moitié du réseau ferroviaire depuis 1930 ;
Estime urgente la définition d’un rééquilibrage modal du transport routier vers le transport ferroviaire afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre, avec un objectif d’une part de 25 % du ferroviaire dans le transport de marchandises d’ici 2050 et de 25 % du ferroviaire dans le transport de voyageurs ;
Estime que le transport ferroviaire de marchandises, et notamment l’activité de wagon isolé, correspond à une activité d’intérêt général et participe directement aux objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’aménagement du territoire, en plus d’avoir une incidence réelle en faveur de la réindustrialisation ;
Estime nécessaire de lancer un grand plan de reconquête industrielle sur la base d’un plan d’investissement dans le matériel roulant ;
Propose de développer le trafic ferroviaire à partir des infrastructures stratégiques telles que les ports maritimes ou les marchés d’intérêt national en analysant et en massifiant les flux de marchandises vers ces espaces, tout en développant le transport combiné via des plateformes favorables à un transport écologique sur le dernier kilomètre ;
Estime nécessaire, pour développer le fret ferroviaire, d’autoriser une plus grande masse sur les trains ;
Considère que le développement du transport ferroviaire de voyageurs participe au droit à la mobilité, à la lutte contre le dérèglement climatique, à l’amélioration de la qualité de l’air et à la désartificialisation des sols, et qu’il est alors indispensable de développer le réseau ferroviaire, notamment en réhabilitant des lignes ayant été fermées au bénéfice du réseau routier ;
Considère que l’usage du transport ferroviaire demeure trop peu incitatif et avantageux par rapport à ses effets bénéfiques importants pour l’environnement, relativement au transport routier ;
Propose de diminuer le taux de TVA sur l’achat des titres de transports ;
Propose de développer l’offre de trains de nuit, en soutenant une filière industrielle et de service spécifique et à la hauteur des besoins de production et de circulation de matériel roulant ;
Propose de développer des pôles multimodaux, avec des gares de voyageurs et des zones dédiées au transport de marchandises, dans toutes les villes de plus de 2 000 habitants, notamment en favorisant l’investissement et en soutenant la desserte des petites lignes qui garantissent une présence sur l’ensemble du territoire, et en permettant le développement de nouvelles lignes afin de répondre à des besoins particuliers telle la filière bois ;
Estime que les autorités organisatrices des transports doivent avoir les moyens financiers, humains et matériels de développer une offre de transport ferroviaire de nature à augmenter son utilisation et la part du ferroviaire dans le transport de voyageurs et de marchandises ;
Propose de prendre des dispositions exceptionnelles pour contenir fortement l’incidence du prix de l’énergie sur les finances de SNCF Réseau et des autorités organisatrices de transports (AOT) et, ainsi, de contenir les tarifs pour les voyageurs ;
Propose de rattraper la moyenne de circulation quotidienne de trains par kilomètre de ligne des pays membres du réseau européen des régulateurs ferroviaires indépendants, et de rester au-dessus ;
Propose de réviser le contrat de performance État-SNCF Réseau 2021-2030 afin de fixer une ambition de modernisation du réseau sur tout le territoire afin d’augmenter la sécurité et les fréquences sur les sillons ;
Propose de réviser le contrat de performance État-SNCF Réseau 2021-2030 afin de donner une place cohérente au fret conformément à l’objectif du doublement de la part du fret d’ici à 2030 ;
Propose au Gouvernement d’initier un grand plan de rénovation des « petites lignes » ;
Invite le Gouvernement à répondre au mécontentement des usagers ;
Invite le Gouvernement à mettre en œuvre un grand plan d’envergure nationale pour le développement du transport ferroviaire dans toutes ses composantes.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
(La proposition de résolution est adoptée.) – (Applaudissements sur l’ensemble des travées, sauf sur celles du groupe RDPI.)
8
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 8 décembre 2022 :
De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :
(Ordre du jour réservé au groupe RDPI)
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires (texte de la commission n° 156, 2022-2023) ;
Proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l’enfant, présentée par M. Xavier Iacovelli et plusieurs de ses collègues (texte n° 870 rectifié, 2021-2022).
De seize heures à vingt heures :
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation (texte de la commission n° 172, 2022-2023) ;
Proposition de loi visant à rétablir l’équité territoriale face aux déserts médicaux et garantir l’accès à la santé pour tous, présentée par Mme Émilienne Poumirol, Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues (texte n° 68, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des finances pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Claude Raynal, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Roger Karoutchi, Michel Canévet, Mme Isabelle Briquet et M. Didier Rambaud ;
Suppléants : MM. Arnaud Bazin, Stéphane Sautarel, Jérôme Bascher, Vincent Delahaye, Thierry Cozic, Pascal Savoldelli et Jean-Claude Requier.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER