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Modification de l’ordre du jour
Mme le président. Par courrier en date du 28 novembre, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRCE, demande l’inscription en second point de l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du mercredi 7 décembre de la proposition de résolution, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, pour le développement du transport ferroviaire.
Acte est donné de cette demande.
À la demande du groupe CRCE, nous pourrions prévoir une discussion générale de 45 minutes. De plus, comme il est d’usage lors de l’examen des propositions de résolution, les interventions des orateurs des groupes vaudront explication de vote sur le texte.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
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Loi de finances pour 2023
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Santé
Mme le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Santé » (et article 46 bis).
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Klinger, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, année après année, notre assemblée a émis des doutes sur la pertinence de cette mission « Santé », déséquilibrée entre l’aide médicale de l’État (AME), dont la maîtrise budgétaire n’est toujours pas assurée, et un programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », peu à peu vidé de toute substance, se résumant à des actions hétérogènes et résiduelles de santé publique.
Un élément nouveau intervient cette année avec la création du programme recevant les crédits européens de soutien à l’investissement en santé, soit 6 milliards d’euros d’ici à 2026. Si le suivi budgétaire de ces fonds s’en trouve amélioré, ce programme n’aura aucune conséquence sur la mission en termes de politique publique.
Beaucoup d’actions financées par la mission ont été, au fil des années, transférées à l’assurance maladie. Toutefois, pour les besoins de la gestion de la crise sanitaire, l’État a « rapatrié » depuis trois ans, dans un fonds de concours, près de 1 milliard d’euros de crédits venant de Santé publique France.
Ces sommes n’ont jamais fait l’objet d’approbation parlementaire, que ce soit en loi de finances initiale ou en collectif budgétaire. Il est souhaitable de mettre ce fonds de concours en extinction et de clarifier et stabiliser la répartition des missions entre l’État et Santé publique France en matière de veille sanitaire et de préparation aux crises.
Le programme 204 connaît peu d’évolutions. Je relève toutefois une diminution de la dotation versée à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) en raison de la sous-consommation des crédits d’indemnisation des victimes de la Dépakine.
J’ai souligné, dans le contrôle budgétaire effectué sur ce sujet, un non-recours significatif. Celui-ci pourrait s’atténuer en dotant l’Oniam des moyens nécessaires pour diminuer les délais et résorber les retards dans le traitement des dossiers.
La mission intègre les premiers effets budgétaires du transfert à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) de compétences aujourd’hui dévolues à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en matière de cosmétiques et de produits de tatouage.
Cette réforme repose sur des constats étayés de longue date. Il est donc discutable qu’elle intervienne sous forme d’un amendement déposé tardivement dans le PLF.
L’aide médicale de l’État demeure l’élément principal de la mission « Santé ». Le Gouvernement propose, pour 2023, une majoration de 133 millions d’euros des crédits de l’AME de droit commun pour les porter à 1,14 milliard, soit une hausse de 13,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. La commission des finances a jugé cette augmentation étonnante et contestable à plus d’un titre.
Premièrement, cette majoration se fonde sur une prolongation pure et simple de l’évolution tendancielle observée avant la crise sanitaire. Le Gouvernement table donc sur le maintien de la progression du nombre d’étrangers en situation irrégulière, alors même qu’il prépare un projet de loi précisément destiné à le réduire. Voilà une contradiction difficilement justifiable !
Deuxièmement, le Gouvernement nous a présenté il y a trois ans des mesures de contrôle et de lutte contre la fraude. Il n’en résulte aucune inflexion du rythme d’évolution des dépenses. Doit-on en déduire que ces mesures sont inefficaces ?
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Christian Klinger, rapporteur spécial. Dans ce cas, elles sont insuffisantes et il faut les renforcer, mais rien n’est proposé en ce sens. (Mme Nathalie Goulet opine.)
Troisièmement, le PLFR adopté voilà quelques jours établit la prévision de dépenses d’AME de droit commun à 944 millions d’euros pour 2022. C’est donc en réalité une augmentation de près de 200 millions et de plus de 20 % qui est proposée, alors même que l’État dispose désormais d’une créance sur l’assurance maladie qui pourrait atteindre 45 millions d’euros fin 2022.
Face à ce pilotage déficient et à cette charge budgétaire non maîtrisée, la commission des finances propose de nouveau de revoir l’étendue des soins pris en charge par l’AME et de réduire les crédits pour 2023.
Au regard de l’éventail des soins couverts, l’AME constitue, par rapport aux pays voisins, une exception difficile à justifier. Dans la plupart d’entre eux, seuls les soins urgents, les soins liés à la maternité, les soins aux mineurs et les dispositifs de soins préventifs dans des programmes sanitaires publics sont pris en charge gratuitement pour les étrangers en situation irrégulière.
Le Sénat avait adopté un dispositif similaire voilà deux ans sur proposition de la commission des finances et de la commission des affaires sociales.
La commission des finances, sous réserve de l’adoption de ses amendements, propose de voter les crédits de la mission.
Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voilà au moins trois ans que la commission des affaires sociales déplore le caractère à la fois hétéroclite, chétif sur le plan financier et, en définitive, inadapté aux enjeux sanitaires de la mission « Santé » du PLF.
En 2023, les crédits de la mission progresseront de 159 %, mais cette hausse ne s’explique que par la création d’un nouveau programme doté de 1,93 milliard d’euros et servant de simple canal budgétaire ad hoc pour faire transiter, jusqu’en 2026, le soutien européen aux dépenses d’investissement liées au Ségur de la santé. La politique sanitaire n’y gagne a priori pas grand-chose…
Pour le reste, les changements sont minces. Les crédits de prévention sanitaire du programme 204 augmentent peu et ce programme contribue de manière toujours aussi résiduelle et hétérogène au financement des agences de santé et de la politique de prévention. Difficile, dans ces conditions, d’évaluer sa contribution aux objectifs qui lui sont fixés, surtout lorsque ses indicateurs sont aussi disparates.
Quant aux crédits consacrés aux actions contentieuses, ils diminuent de 11 millions d’euros, ce qui souligne simplement l’ampleur du non-recours au mécanisme d’indemnisation des victimes de la Dépakine ou encore l’incapacité à chiffrer l’impact financier de l’indemnisation des victimes de la campagne de vaccination contre le covid-19.
Appuyons-nous, pour mieux anticiper, sur les rapports rendus sur ce chapitre par nos collègues de la commission des finances et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).
L’essentiel de la hausse des crédits de la mission, à périmètre constant, s’explique par la croissance des dépenses de l’aide médicale de l’État, qui atteindront 1,14 milliard d’euros en 2023 en raison du retour à la dynamique de dépense antérieure à la crise sanitaire.
C’est pourquoi nos collègues de la commission des finances ont adopté, cette année encore, l’amendement du rapporteur spécial Christian Klinger visant à recentrer l’AME, rebaptisée « aide médicale de santé publique », sur un noyau de dépenses d’urgence et à aligner ainsi son périmètre sur celui du dispositif allemand équivalant.
La commission des affaires sociales y a vu, elle aussi, un bon moyen de recentrer le dispositif sur son objectif humanitaire et sanitaire. Elle propose de le compléter par la création d’un programme de soutien aux personnes en situation irrégulière, afin de leur proposer des examens de prévention et de dépistage.
Je le vois en Seine-Saint-Denis non seulement en tant que parlementaire, mais aussi, depuis des décennies, en tant que médecin – et les élus d’Aubervilliers qui se trouvent en tribune en témoigneraient également. Les bénéficiaires potentiels de l’AME sont, par hypothèse, en situation précaire : leur état de santé est donc fragile et ils sont souvent la proie des dealers. Il faut les protéger activement de ce fléau, dans l’intérêt de tous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Daniel Chasseing. (M. Jean-Pierre Corbisez applaudit.)
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la crise que nous avons traversée a jeté une lumière crue sur l’importance et les déficiences du secteur sanitaire : nous manquons d’infirmiers et d’aides-soignants, qu’il faut former massivement avec l’aide d’infirmiers en pratique avancée (IPA). En outre, la suppression du numerus clausus et la création d’une quatrième année d’internat ne produiront pas d’effet sur le nombre de médecins avant plusieurs années.
La mission « Santé » regroupe trois programmes.
Le nouveau programme 379, doté de 1,9 milliard d’euros, est un simple canal budgétaire destiné à recueillir des versements européens affectés au soutien de l’investissement en santé.
Le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », doté de 216 millions d’euros, en hausse de 1,6 %, est dédié à la prévention sanitaire de maladies chroniques et environnementales, à la nutrition, à l’indemnisation amiable des victimes d’accidents médicaux, à la lutte contre le tabagisme, à la modernisation de l’offre de soins, à l’évaluation du dépistage du cancer colorectal…
Le programme 183, « Protection maladie », est consacré à l’aide médicale de l’État. Ce dispositif, qui permet de financer les soins des immigrés en situation irrégulière, nous honore. En 2023, les crédits qui lui sont alloués progressent de 13 % pour atteindre 1,14 milliard d’euros.
Toutefois, le périmètre des soins remboursés, aujourd’hui plus large que ceux pratiqués dans les pays voisins, doit s’aligner sur ceux-ci. Nous devons recentrer les admissions sur le traitement des maladies graves, les soins urgents, la prophylaxie des maladies graves et les grossesses, à l’instar du dispositif humanitaire pratiqué en Allemagne et dans d’autres pays voisins.
Certains patients, originaires de pays du G20, qui n’habitent pas en France depuis trois mois et dont la pathologie n’est pas d’une exceptionnelle gravité, pourraient être soignés dans leur pays. Ces prises en charge se font dans le cadre de procédures d’admission au titre de séjour pour soins dont le défaut pourrait avoir pour l’étranger des conséquences d’une exceptionnelle gravité. Or ce dispositif est largement contourné.
Nous devons aussi contrôler les fraudes à l’identité, aux ressources et à la résidence.
Je soutiendrai l’amendement de Mme la rapporteure pour avis en faveur des actions mobiles de prévention, notamment dans le cadre de maraudes.
Le nombre de bénéficiaires de l’AME est passé de 335 000 en 2020 à 400 000 en 2022. Instaurée en 2019, la nécessité de se présenter physiquement dans une caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) pour déposer une demande a été suspendue lors de la pandémie ; il faudra sans doute y associer les maisons France Services, les CPAM étant parfois éloignées des populations.
L’investissement de long terme en santé doit demeurer notre priorité. En ce qui concerne l’humanisme, nous devons en rester, comme le souligne Mme la rapporteure pour avis, à des notions d’urgence pendant les trois premiers mois.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de la mission.
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Les mesures contenues dans ce projet de loi de finances, dans la continuité du dernier PLFSS, montrent que nous n’empruntons pas totalement le chemin conduisant à cet objectif.
Que dire du bien-être physique en France ? À l’heure du risque d’effondrement de l’hôpital et des zones sous-dotées en offre médicale, une part importante de Français renoncent à des soins médicaux, les maladies chroniques progressent, les indicateurs de périnatalité restent préoccupants, la santé mentale est en berne…
Et dans ce contexte, les crédits de la mission « Santé » augmentent seulement de 4,2 %, soit moins que l’inflation… En effet, l’augmentation affichée des crédits de 159 % est liée à la création du programme 379 destiné au reversement de crédits européens.
À mesure que les délais d’attente pour obtenir des rendez-vous s’allongent, avec les pertes de chances induites, vous êtes tout aussi longs à prendre de réelles mesures structurelles pour vous attaquer aux déterminants sociaux et géographiques des inégalités de santé.
S’agissant du bien-être social, les fractures sociales et territoriales sont criantes et se reflètent dans les finances. Le budget de l’action n° 12, Santé des populations, dont l’objet est de corriger les inégalités et garantir pour tous les meilleures chances face à la maladie, stagne. Il représente 0,6 % du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », lui-même sous-doté. Selon la Drees, « de la naissance au grand âge, les problèmes de santé évoluent, les inégalités demeurent ».
À titre d’exemple, la part de personnes souffrant d’obésité diminue, lorsque le niveau de vie ou de diplôme augmente, et le risque de mortalité maternelle des femmes résidant dans les départements et régions d’outre-mer est quatre fois supérieur à celui des femmes vivant dans l’Hexagone.
Et quid du bien-être mental ? Les manifestations d’aujourd’hui montrent que la santé mentale est au PLF ce que la psychiatrie est à la médecine, c’est-à-dire, le parent pauvre des crédits de la mission « Santé ».
Le coût annuel direct et indirect des troubles psychiques est estimé à 109 milliards d’euros, mais le PLF réserve à la santé mentale une sous-action dotée de 1 million d’euros environ, soit une part infime des crédits de la mission. Nous demandons au Gouvernement de lancer enfin un plan d’urgence pour la psychiatrie.
Le budget de l’AME ne représente que 0,5 % des dépenses de l’assurance maladie. Pourquoi se focaliser autant sur ce dispositif ? Nous défendons, dans une logique de solidarité, mais aussi de santé publique, le retour aux conditions d’attribution de 2020, c’est-à-dire la fin du délai de résidence de trois mois.
Les moyens dévolus à la mission « Santé » restent insuffisamment ambitieux, notamment ceux consacrés à la santé globale, à la prévention et surtout à la réduction des déterminants sociaux et territoriaux des inégalités de santé.
Pour ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes CRCE et SER.)
Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Santé » traduit les engagements de l’État à développer la politique de prévention, à assurer la sécurité sanitaire et à organiser une offre de soins de qualité adaptée à toutes et à tous sur les territoires.
Au-delà de la ligne budgétaire et des chiffres, la mission comporte en son cœur une politique de solidarité qui nous est propre : l’aide médicale de l’État.
Pour rappel, près de 300 000 personnes bénéficient de l’AME de droit commun. En offrant également à ses bénéficiaires un accès aux soins de ville, l’AME permet la prise en charge en amont des pathologies, ce qui évite des surcoûts liés à des soins pratiqués en retard et dans l’urgence.
Mes chers collègues, en 2019 et en 2020, parallèlement aux actions menées en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, le Gouvernement a mis en place des mesures pour réguler les dépenses et renforcer les contrôles dans le cadre de programmes ciblés.
Si le périmètre de cette mission est assez limité, elle comprend trois programmes qui actent la solidarité de l’État et sa politique en matière de prévention.
Les exercices 2020, 2021 et 2022 ont été fortement marqués par la gestion de la crise de la covid-19 et 2023 devrait constituer une année charnière, notamment au regard des événements sportifs attendus, qui justifient des réflexions pour anticiper les mesures de prévention à mettre en œuvre.
Les crédits de la mission devraient donc continuer à être mobilisés, au moins jusqu’au premier semestre 2023, sur la gestion de la crise sanitaire et de ses impacts.
Les crédits de la mission s’élèvent à 3,36 milliards d’euros, ce qui représente une hausse de 2 milliards par rapport à 2022. Cette hausse est due à l’ajout de crédits dans le cadre du plan national de relance et de résilience, ce qui permettra à l’État de reverser à la sécurité sociale les crédits européens perçus au titre du financement des dépenses d’investissement dans les établissements de santé et les établissements médico-sociaux.
Une hausse importante des crédits est également visible en matière de sécurité sanitaire – +124 % par rapport à 2022. Ces crédits permettront de poursuivre nos objectifs en matière de veille, de prévention des risques ou encore de gestion de crise.
La mission « Santé » tire, en quelque sorte, les leçons de la crise sanitaire et nous donnera les moyens adéquats pour préparer l’avenir.
Par ailleurs, cette mission met également en avant la santé de la mère et de l’enfant via un financement destiné aux associations jouant un rôle dans le domaine périnatal.
Ces crédits viseront également à améliorer la prévention des troubles sensoriels et des apprentissages, mais aussi à améliorer et promouvoir la qualité de l’accueil des enfants malades en milieu intra et extrahospitalier.
En France, plus de 1,1 million de personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée selon les dernières estimations de l’Agence nationale de santé publique. Avec plus de 2 millions d’aidants, c’est environ 3 millions de personnes qui sont concernées.
Dans ce contexte, la prévention des maladies chroniques et la qualité de vie des malades représentent 24 % des crédits alloués. Ces derniers sont notamment consacrés au financement de l’Institut national du cancer, pour 40,5 millions d’euros, à la prévention des addictions et des maladies neurodégénératives ou liées au vieillissement. Il s’agit d’un axe majeur pour prévenir le plus tôt possible les complications de santé tout au long de la vie.
Cette action comprend également des crédits consacrés à la santé mentale, à hauteur de 1 million d’euros, afin de soutenir les acteurs associatifs. Ce dispositif doit encore être intensifié compte tenu de l’altération de la santé mentale de la population à la suite de la crise de la covid-19, notamment chez les jeunes. Il y va de l’avenir de notre jeunesse.
Dans la continuité du PLFSS, cette mission suit la ligne de la prévention, de la solidarité et du soutien des politiques publiques aux associations qui œuvrent chaque jour aux côtés de ceux qui sont en difficulté.
Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le périmètre de la mission « Santé » est limité, raison pour laquelle nous pensons qu’elle doit être repensée tant en termes de moyens qu’en termes de gouvernance.
Si l’importance de cette mission est réduite, c’est que l’État délègue toujours plus la politique de santé à l’assurance maladie. En témoigne, par exemple, le transfert de la dette covid, aujourd’hui intégralement supportée par les crédits de l’assurance maladie.
Ne nous égarons pas : l’augmentation de ce budget, deux fois et demie supérieur à celui de l’année dernière, s’explique par la création du programme 379 qui permet à l’État de reverser à la sécurité sociale les crédits européens perçus au titre du plan de relance, ce qui n’a finalement aucune influence sur les politiques publiques portées dans le cadre de la mission.
Le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », est en augmentation par rapport à 2022.
Depuis le début de la crise sanitaire, ce programme sert de support indirect à la gestion de la crise au travers de l’achat de matériels ou de systèmes d’information. La commission d’enquête du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques a relevé les montants importants consacrés au paiement de missions réalisées par ces cabinets. Cette augmentation budgétaire n’apporte donc, en ce début de quinquennat, aucune nouvelle disposition d’importance.
Par ailleurs, nous sommes particulièrement déçus de l’absence totale de politiques de prévention dans ce budget. Le texte ne comporte que peu de programmes spécifiques et aucune hausse de crédits significative.
Cela est d’autant plus décevant que nous nourrissions quelques espoirs avant la publication du PLFSS. Les propos du ministre de la santé et de la prévention, qui annonçait un virage en faveur de la prévention, avaient recueilli – et recueillent toujours – notre soutien.
Nous aurions reçu avec bienveillance toute mesure forte en la matière. Mais c’était sans compter sur l’arbitrage du ministre chargé des comptes publics, qui s’inscrit dans la lignée de tant de ses prédécesseurs ayant soutenu une politique de contrainte sur le système de soins, et ce alors même que la crise de la covid-19 est passée par là…
Nous pourrions ainsi dresser une longue liste des sujets manquants en matière de prévention, mais je me limiterai à ce stade à citer la santé environnementale qui, depuis 2016, est inscrite dans la loi et a fait l’objet de nombreux travaux. Pourtant, aucune mesure n’a été prise dans ce domaine, ce qui est aussi largement le cas en ce qui concerne la psychiatrie et la santé mentale.
En outre, nous regrettons toujours que l’Agence nationale de santé publique soit financée par la sécurité sociale, une décision prise dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Les missions de sécurité sanitaire et de gestion de crise dévolues à cette agence sont des missions régaliennes, dont le financement doit être réintégré dans le budget de l’État.
Par ailleurs, fallait-il créer, fin octobre dernier, une énième agence, celle de l’innovation en santé, dont la mission est d’accélérer la mise sur le marché des innovations françaises ? Il existait auparavant une mission ministérielle, bénéficiant de deux équivalents temps plein, qui n’ont pas été transférés à l’agence. Allons-nous continuer d’accroître le millefeuille ? Cette agence est le pur produit d’un système de gouvernance inefficace, qui organise la confusion des rôles et des missions.
J’en viens au programme 183 et à l’aide médicale de l’État. Comme tous les ans, c’est le sujet qui déchaîne le plus de postures idéologiques. Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen des amendements.
Cette année, les crédits sont portés à 1,14 milliard d’euros. Je vous invite, mes chers collègues, à vous pencher sur les raisons de cette augmentation : elle est due, pour une large part, à la hausse du recours à l’hôpital.
J’ajoute que la diminution drastique de la délivrance des titres de séjour entraîne de facto un accroissement du nombre de personnes qui relèvent de l’AME plutôt que de l’assurance maladie.
Les mesures restrictives en la matière sont à contre-courant : l’instauration d’un délai de carence de trois mois pour l’accès à la protection universelle maladie des demandeurs d’asile ne fait qu’accroître la gravité des soins pris en charge. Qui plus est, l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière est de plus en plus compliqué.
Mes chers collègues, l’AME est un outil non pas de politique migratoire, mais de santé publique. Du reste, les tentatives pour contrôler les dépenses par le biais de la politique migratoire sont vouées à l’échec, comme l’a elle-même constaté la commission des finances.
Il serait plus fructueux, à tous égards, de confier le régime d’aide médicale de l’État à l’assurance maladie.
Par conséquent, si les crédits de l’AME étaient maintenus et qu’un dialogue fructueux s’instaurait entre nous sur les amendements déposés, nous pourrions voter les crédits de cette mission. La suite nous dira ce qu’il en sera ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les liens intrinsèques entre la mission « Santé » et le budget de la sécurité sociale se retrouvent au sein du nouveau programme 379, simple canal budgétaire, qui prévoit le financement par l’Union européenne des dépenses d’investissement dans les établissements de santé et médico-sociaux, à la suite de la pandémie de covid-19 – ce programme constitue l’essentiel des crédits de cette mission.
Concernant le programme 204 consacré à la prévention, la sécurité sanitaire et l’offre de soins, qui vise à améliorer l’état de santé général de la population dans un souci de réduction des inégalités, nous regrettons que le budget ne progresse que de 1,6 %, car comme le souligne Cyrille Delpierre, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), « en France, on considère qu’il y a treize ans d’écart entre l’espérance de vie des 5 % les plus riches et celle des 5 % les plus pauvres ».
Le PLF pour 2023 prévoit une baisse des crédits de 3,05 % pour le pilotage de la politique de santé publique et aucune évolution des crédits pour la réduction des inégalités de santé. Comment prétendre parvenir à réduire ces inégalités avec des moyens qui en réalité diminuent compte tenu de l’inflation ?
Nous avions espéré que le changement d’intitulé du ministère de la santé, désormais ministère de la santé et de la prévention, s’accompagne d’une politique ambitieuse en matière de prévention.
Mais ce ne sont pas les 216 millions d’euros prévus pour 2023 qui permettront d’agir véritablement pour réduire les inégalités sociales, territoriales et environnementales de santé.
Concernant les crédits du programme 183 sur la protection maladie, je veux rappeler que nous avons déposé en juin 2022 une proposition de loi qui vise à intégrer le budget de l’aide médicale de l’État dans celui de la sécurité sociale.
Il s’agit plus exactement de réintégrer les personnes étrangères dans le régime général de la sécurité sociale, comme cela était le cas avant la loi Pasqua du 24 août 1993 qui a rompu avec la logique universaliste de la sécurité sociale, en subordonnant le droit à l’assurance maladie des étrangers à la régularité de leur séjour.
L’intégration de l’AME dans le régime général de la sécurité sociale est demandée par les associations de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers, mais également par le Conseil économique, social et environnemental, le Conseil national du sida et des hépatites virales, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et même l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales.
Nous regrettons que, chaque année, la droite fasse la courte échelle à l’extrême droite à l’occasion du débat sur l’AME pour réduire les droits des étrangers, alors que ces dépenses ne représentent que 0,5 % des dépenses de santé. Les deux amendements déposés par le rapporteur spécial Christian Klinger illustrent malheureusement cette volonté.
La santé est un bien commun mondial et les associations subissent déjà les réformes de l’AME, qui ont réduit l’accès aux prestations et considérablement complexifié les procédures.
Enfin, je souhaite dénoncer l’attitude du groupe Sanofi, qui refuse de financer l’indemnisation des victimes de la Dépakine. En épuisant l’ensemble des voies de recours juridictionnelles pour contester sa responsabilité, Sanofi occasionne d’importants frais de justice qui endettent l’Oniam, ce qui est parfaitement scandaleux. Le Gouvernement doit a minima suspendre, à titre préventif, le versement du crédit d’impôt recherche pour contraindre Sanofi à assumer sa responsabilité auprès des victimes.
En conclusion, les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE voteront contre les crédits de la mission « Santé », qui demeurent, cette année encore, largement insuffisants. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées des groupes GEST et SER.)