M. Bruno Sido. Bien sûr !
Mme Corinne Imbert. Au-delà du fond, la forme nous interpelle également. Cette mesure, telle qu’elle est rédigée, ne relève pas techniquement d’un texte financier, mais d’un texte consacré à la santé, modifiant l’organisation des études médicales et des soins.
Ces dernières années, de nombreuses mesures qui ne relevaient pas du champ des lois de financement de la sécurité sociale y ont été introduites par les différents gouvernements, alors même que le Sénat se montre plus exigeant envers lui-même en matière d’irrecevabilité.
Nous attendons une loi Santé, mais il est vrai que nous attendions aussi une loi Grand âge et autonomie. Peut-être allons-nous attendre encore un moment…
Afin de faire face aux tensions sur l’offre de soins, nous avons voté une mesure visant à mieux encadrer l’intérim médical et paramédical en début de carrière. Vous la refusez également !
Sur l’épineux dossier qui oppose le Gouvernement et les biologistes, votre méthode – avouez-le, madame la ministre ! – n’a pas été très élégante vis-à-vis de ces derniers.
Avec la rapporteure générale, nous avons proposé la mise en place d’une contribution exceptionnelle de 250 millions d’euros sur la seule année 2023. Cette solution constitue un compromis raisonnable, qui aurait été accepté par les biologistes. Vous la refusez !
Vous vous entêtez à poursuivre dans votre voie, sous prétexte d’une rentabilité record pour le secteur de la biologie médicale. Nous ne contestons pas cet état de fait, mais n’oublions pas que ces mêmes biologistes ont été capables d’investir énormément pendant la pandémie afin de faire face à l’explosion de la demande. N’oubliez pas, sur ce sujet, que c’est l’État qui a été le prescripteur et que c’est aussi lui qui a fixé les différents tarifs.
Nous avons également mieux encadré l’implantation des cabines de téléconsultation et leur accessibilité. En effet, l’ubérisation de la médecine ne saurait constituer une solution de repli face aux difficultés rencontrées en matière d’accès aux soins.
J’en viens à l’hôpital, grand oublié du texte initial. Une loi de financement de la sécurité sociale sans financement de l’hôpital, il fallait quand même le faire !
Heureusement, vous avez présenté deux modifications à la hausse de l’Ondam 2022 ; j’allais dire : il était temps ! Enfin, grâce au Sénat et malgré l’avis défavorable que vous avez exprimé dans cet hémicycle – je vous remercie de l’avoir souligné, madame la ministre – le texte sécurise la garantie de financement de l’hôpital pour 2022 et prévoit un nouveau dispositif pour 2023.
Nous avons supprimé l’Ondam 2023, également pour cause de sincérité douteuse et par manque d’éléments nous permettant d’apprécier la situation dans son ensemble. Les ajustements à la hausse de l’Ondam 2022 auraient dû vous inciter à la réflexion.
Par ailleurs, prévoyant le rétablissement de l’objectif dans la suite de la navette, nous avons intégré une clause de retour devant le Parlement en cas de dépassement de l’Ondam de plus de 1 % en cours d’exercice par rapport au montant voté en loi de financement de la sécurité sociale.
Dans un souci de transparence et de lisibilité des comptes publics, le Parlement ne peut se résoudre à laisser ces pratiques perdurer. Le ministre de l’action et des comptes publics nous a répété à plusieurs reprises, lors de nos débats, que chaque euro comptait. Oui, chaque euro compte, madame la ministre ; pourtant, vous avez refusé la proposition du Sénat de revenir devant le Parlement. Or 1 % de dépassement, ce sont 2,5 milliards d’euros !
Nous avons voté la création d’une conférence nationale des générations et de l’autonomie, destinée à documenter les besoins des personnes âgées et des personnes handicapées, afin d’entraîner la décision relative au financement des priorités qu’appellent ces constats. Ce sujet vous est cher, mais vous n’y adhérez pas !
Les mesures relatives à la branche autonomie demeurent insuffisantes. Lors du passage du texte au Sénat, nous avions voté un certain nombre d’amendements visant à améliorer le contrôle des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Ces amendements n’étaient que la traduction législative des préconisations issues de la mission d’information sur le contrôle des Ehpad, dont le rapport a été présenté en juillet dernier par Bernard Bonne et Michèle Meunier.
Vous annonciez vouloir vous emparer du sujet, mais vous avez conservé un seul amendement de notre collègue Bernard Bonne ! Plus que des paroles, nous attendons maintenant des actes !
Enfin, nous avons institué une convention nationale pour l’emploi des seniors et la sauvegarde du système de retraite, prévoyant les termes d’une réforme paramétrique, dossier cher à notre collègue René-Paul Savary.
L’emploi des seniors est trop souvent minimisé dans notre pays. Or il a des répercussions importantes dans de nombreux domaines : l’économie, la cohésion intergénérationnelle, la transmission du savoir, ou encore la santé de nos aînés.
Au regard de l’évolution de notre démographie, la question du travail des seniors demeure cruciale. Concernant la pérennisation de notre système de santé, nous attendons que les promesses du Gouvernement se matérialisent autour d’un texte ambitieux et pragmatique.
Voilà, madame la ministre, un tour d’horizon des principales mesures votées par notre Haute Assemblée. Ces mesures ne sont ni démagogiques ni irréalisables. Elles s’appuient sur un travail sérieux, mené ces dernières semaines à l’aide de dizaines d’auditions et de rendez-vous.
J’ai donc une question simple à vous adresser, pour laquelle je reprendrai une partie du titre d’une chanson de Charles Trenet : « Que reste-t-il ? » (Sourires.) Madame la ministre, que reste-t-il du texte du Sénat ?
Sans suspense, il ne reste rien, ou si peu. Il est vrai que le « 49.3 » évoqué par nombre de mes collègues change tout ; j’allais dire : il chamboule tout !
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est la raison pour laquelle nous avions déposé une motion en première lecture !
Mme Corinne Imbert. Nous vous tendions la main en choisissant la voie de la raison ; vous préférez une posture nombriliste, qui n’augure rien de bon pour l’examen de futurs textes au Parlement.
Vous l’aurez compris, madame la ministre : alors que les professionnels de santé et les professionnels du secteur médico-social sont à bout de forces, le constat est décevant.
M. François Patriat. On n’en croit pas un mot !
Mme Corinne Imbert. Toutes ces semaines de travail balayées d’un revers de main nous laissent un goût amer. Aussi, le groupe Les Républicains votera la motion proposée par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (M. Franck Menonville applaudit.)
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce PLFSS contient selon moi des avancées pour les hôpitaux et nos concitoyens.
Au bénéfice de l’hôpital, il prévoit une augmentation de l’Ondam de 3,7 % hors covid-19 pour le personnel et l’investissement. Entre 2012 et 2017, l’augmentation annuelle moyenne de l’Ondam était, je me permets de le rappeler, de 2 %.
S’il est vrai que l’augmentation de 57 milliards d’euros de l’Ondam entre 2017 et 2023 est considérable, il faut rappeler que le covid-19 est passé par là. Il a entraîné des dépenses de 18 milliards d’euros en 2020 et de 15 milliards d’euros en 2021.
Le Ségur de la santé, que nous avons tous approuvé, a augmenté les salaires des soignants de 183 euros par mois et celui des aides-soignantes de presque 300 euros, pour un montant total de 13 milliards d’euros par an.
Les hôpitaux manquent de personnel – c’est vrai –, mais beaucoup de postes de médecins, infirmiers ou aides-soignantes, pourtant financés, ne trouvent pas preneur.
Comme l’a indiqué le ministre de la santé, il faudrait un grand plan national de formation d’infirmiers et d’aides-soignantes, mais aussi de médecins. Malgré la suppression du numerus clausus, les nouveaux médecins ne pourront exercer avant plusieurs années…
En ce qui concerne les soins, on a bien ajouté une quatrième année d’internat, qui s’effectuera dans les zones sous-denses, mais la mesure n’entrera en vigueur qu’en 2027.
Je le répète, la rémunération de nos internes au cours de cette dixième année d’études doit être suffisante. Elle devra être égale à une rémunération mensuelle équivalant à dix consultations par jour, soit 5 000 euros par mois.
Dans le secteur médico-social et surtout en Ehpad, nous aurions espéré bien davantage d’ouvertures de postes, au vu de la grande dépendance des pensionnaires actuels et à venir. Entre 2020 et 2030, nous compterons 200 000 personnes âgées dépendantes de plus.
C’est là une déception de ce PLFSS. Cela étant, nous avons écouté attentivement le ministre de l’économie, qui nous a promis ici même 50 000 emplois pendant le quinquennat. Vous avez vous-même, madame la ministre, renouvelé cette promesse.
Des avancées sont à noter pour les familles, avec la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), la hausse de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile, l’augmentation du complément mode de garde, la détection précoce des troubles du neuro-développement, ou encore l’augmentation des pensions alimentaires minimales.
En matière de prévention, notons les trois visites préventives aux âges clés de la vie, le dépistage des infections sexuellement transmissibles et du VIH, la pilule du lendemain gratuite pour toutes les femmes sans ordonnance, ainsi que la prescription de vaccins par les pharmaciens, les infirmières et les sages-femmes.
L’expérimentation d’un accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA), en collaboration avec le médecin, et la mobilisation des médecins retraités, grâce à une exonération des cotisations retraite, me paraissent également être des mesures utiles.
À titre personnel, j’ai voté pour l’objectif d’équilibre des comptes de la branche retraite, pour laquelle on prévoit un déficit de 12 milliards d’euros en 2025 et de 15 milliards d’euros en 2026. Compte tenu du dialogue engagé avec les partenaires sociaux, la mesure relative à l’augmentation de l’âge de départ à la retraite ne pouvait bien sûr pas figurer dans le présent PLFSS.
Madame la rapporteure générale souhaite maintenir le suivi de l’Ondam à l’année ; j’y suis favorable. J’aurais aussi souhaité que l’amendement du Sénat concernant l’Agirc-Arrco soit retenu.
Malgré tout, le PLFSS pour 2023 présente des avancées. Il me paraissait possible d’aboutir à une commission mixte paritaire conclusive sur ce texte. Cela n’a pas été le cas. Dans cet esprit, les parlementaires pourraient consacrer un peu plus de temps à essayer de s’entendre sur ce texte !
Les Indépendants s’abstiendront ou voteront contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. François Patriat et Martin Lévrier applaudissent également.)
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le désaccord en commission mixte paritaire entre le Sénat et la majorité relative de l’Assemblée nationale nous conduit à examiner de nouveau ce texte aujourd’hui. Ce désaccord nous a surpris, madame la ministre, tant il semblait que la majorité sénatoriale s’était mise au diapason avec le cœur de vos projets, notamment en vous proposant de repousser l’âge de départ à la retraite. (Sourires au banc de la commission.)
Le Gouvernement a décidé de repousser de quelques semaines cette échéance, arguant de l’existence d’une concertation dont on sait d’avance quel sort lui sera réservé.
Ainsi, après quatre « 49.3 », le Gouvernement aime rappeler qu’il n’obéit au jeu de la démocratie que lorsqu’il en fixe lui-même le cadre et les règles. En réalité, le texte qui nous revient est un vrai camouflet pour la démocratie parlementaire, dont le seul tort est de vouloir jouer son rôle législatif…
Nous saluons les quelques avancées que le Gouvernement a consenti à conserver dans ce PLFSS « post-49.3 », comme la compensation par l’État des exonérations de la prime de partage de la valeur – c’est important ! –, les précisions apportées aux rendez-vous de prévention, qui correspondent en grande partie à nos souhaits, ou encore l’ajout d’une phase transitoire après la fin de la garantie de financement, pour permettre aux hôpitaux publics de renouer avec leur activité. Nous saluons aussi la suppression de l’article repoussant l’âge de départ à la retraite.
Nous déplorons néanmoins que beaucoup d’ajouts du Sénat aient été presque systématiquement supprimés, y compris ceux dont les enjeux sont très modestes, et ce sans justification.
La chambre haute avait rejeté à raison le transfert de plus de 2 milliards d’euros de charges de l’assurance maladie à la branche famille, excédent extrêmement utile pour la mise en place de politiques en faveur des familles modestes beaucoup plus ambitieuses que celles que contient ce PLFSS, qui visent les seules familles monoparentales alors qu’un enfant sur cinq, en France, est en situation de pauvreté.
Le Sénat avait aussi apporté de premières réponses au problème des impayés des assistantes maternelles, en attendant l’instauration d’une garantie de salaire de la branche. Mais c’est déjà trop pour le Gouvernement !
Le Sénat avait enfin supprimé l’article 44, qui permettait une extrapolation à partir des indus constatés et ainsi d’imposer des pénalités aux établissements de santé sur la base de dossiers non contrôlés. Il s’agissait d’un renversement de la charge de la preuve pour les établissements, qui auraient dû prouver la non-pertinence de l’extrapolation.
Ces avancées ont été balayées, même si le Gouvernement a – enfin ! – consenti une rallonge de l’Ondam hospitalier, rallonge que nous avions défendue en vain en première lecture, pour une meilleure prise en charge des surcoûts liés à la covid-19.
La rectification partielle de l’Ondam 2022 ne suffit pas à masquer un Ondam 2023 qui ne rattrape pas le retard des budgets précédents, d’autant que l’inflation persiste et pèse sur l’investissement et le fonctionnement des établissements, que la covid-19 continue d’envoyer des milliers de personnes par an dans les hôpitaux publics et que les mesures d’urgence du rapport Braun sont simplement prolongées alors qu’elles devraient être dès à présent pérennisées.
Nonobstant les avancées que nous avons citées, le PLFSS pour 2023 souffre toujours d’un manque d’ambition : pour relever les défis de la transformation de notre système de santé, il faudrait s’affranchir enfin des logiques comptables à très court terme.
Pour ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera de nouveau contre ce PLFSS. En revanche, comme nous nous en expliquerons, nous nous abstiendrons sur la motion présentée par Mme la rapporteure générale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Cathy Apourceau-Poly et Laurence Cohen applaudissent également.)
Mme le président. La parole est à M. Martin Lévrier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en nouvelle lecture, après l’échec de la commission mixte paritaire, les députés ont adopté sans vote la partie recettes du PLFSS, après que Mme la Première ministre a recouru à l’article 49.3 de la Constitution.
Le nouveau texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité est ainsi presque identique à celui qui avait été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.
Aujourd’hui, bien que la majorité sénatoriale ait déposé une motion tendant à opposer la question préalable, considérant que des points de désaccord subsistent sur des questions décisives, nous pouvons nous réjouir que l’Assemblée nationale n’ait pas retenu l’amendement visant à réformer le système de retraites qu’avait présenté notre collègue René-Paul Savary. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
En effet, si les pistes proposées sont intéressantes, le Gouvernement s’est engagé dans une concertation avec les partenaires sociaux pour déterminer les critères devant présider à une réforme.
M. Bernard Jomier. La bonne blague !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Nous aussi, nous proposons une concertation !
M. Martin Lévrier. Il est nécessaire d’attendre l’issue de ces discussions pour trouver les meilleurs moyens de préservation de notre système de retraite, auquel nous sommes tous attachés.
Nous pouvons également nous réjouir de la rallonge de 543 millions d’euros destinée aux hôpitaux pour couvrir les surcoûts liés au covid-19 en 2022, ainsi que de la conservation de deux améliorations apportées par notre groupe.
La première est l’expérimentation, pour une durée de trois ans du versement aux médecins, en complément de la rémunération à l’activité, d’un forfait financé par le fonds d’intervention régional. Un territoire ultramarin y prendra part, afin de garantir la diversité des territoires investis dans ce dispositif, ainsi que leur représentativité.
La deuxième amélioration est l’extension de la condition de durée minimale d’exercice dans un cadre autre que des missions d’intérim pour les professionnels de santé mis à disposition auprès d’un établissement de santé en France, dans le cadre d’un contrat conclu par une entreprise de travail temporaire établie à l’étranger.
En responsabilité, le Sénat avait réintroduit l’annexe B, qui a pour vocation de donner une visibilité et une stratégie pour l’avenir. Cette mesure a été conservée.
À l’inverse, des articles tout aussi pertinents avaient été supprimés par le Sénat et ont été réintroduits au cours de la navette. Je pense notamment à l’article 24 ter, qui permet l’expérimentation de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée dans les structures d’exercice coordonné.
M. François Patriat. Très bien !
M. Martin Lévrier. Un décret doit encore préciser, après avis de la Haute Autorité de santé, les modalités de cette expérimentation.
Je pense aussi, bien évidemment, à l’article 47. Le vote en séance publique a été conforme à l’avis de la commission : les amendements de suppression de cet article ont été rejetés. Mais la majorité sénatoriale, qui n’est pas à un paradoxe près, a ensuite voté contre l’adoption de ce même article et a ainsi supprimé, de fait, l’Ondam 2023, fixé à 244,1 milliards d’euros, faisant fi de tous les efforts financiers du Gouvernement en faveur de notre système de santé.
Bien qu’elle veuille mettre fin au débat, la droite sénatoriale pourra se réjouir de la conservation de l’article 8 quinquies, relatif à la taxe soda, modulée en fonction du taux de sucre contenu dans les boissons concernées, et de la conservation de l’amendement sénatorial visant à inciter les entreprises à se saisir des dispositifs de rachat de jours de RTT.
Cela étant, nous ne pouvons que regretter qu’un texte si important pour les Français – Mme la ministre l’a très bien exprimé dans son discours de présentation – ne puisse, pour la sixième année consécutive, poursuivre son cheminement dans la navette parlementaire.
Pour ce faire, il faut une volonté partagée.
M. Jérôme Bascher. Je ne vous le fais pas dire !
M. Martin Lévrier. Or la majorité sénatoriale, en rejetant l’Ondam en première lecture, et de telle manière, ne laissait pas présager une forte envie de discussion. (M. Jérôme Bascher s’exclame.)
Notre attachement au débat parlementaire l’emportant sur toute considération, c’est sans surprise que nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable.
Mme le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme le président. Je suis saisie, par Mme Doineau, au nom de la commission, d’une motion n° 6.
Cette motion est ainsi rédigée :
Considérant que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur certains articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des points de désaccord subsistent sur des aspects essentiels ;
Considérant que le texte considéré comme adopté en nouvelle lecture reprend le montant de l’Ondam pour 2023 que le Sénat a rejeté en première lecture, en estimant qu’il était sous-évalué ;
Considérant, de surcroît, qu’aucune des mesures de régulation ou de renforcement du contrôle du Parlement en cas de dépassement de l’Ondam n’a été intégrée dans ce texte ;
Considérant que la trajectoire financière quadriennale présentée par le Gouvernement est incompatible avec l’objectif d’apurement de la dette sociale au 31 décembre 2033 ;
Considérant que le transfert de 2 milliards d’euros de charges de la branche maladie vers la branche famille ne se justifie pas et risque de pénaliser l’action de cette dernière branche en faveur des familles ;
Considérant qu’il est indispensable que le Parlement se prononce sur le montant des dotations que les régimes obligatoires de base de sécurité sociale versent aux fonds, organismes et agences qu’ils subventionnent ;
Considérant qu’il est nécessaire d’affirmer dès à présent la nécessité d’améliorer l’emploi des seniors et de corriger les déséquilibres structurels de la branche vieillesse, et de mobiliser l’ensemble des parties prenantes à cette fin dans les meilleurs délais ;
Considérant enfin que l’emploi systématique par le Gouvernement de la procédure définie à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution ne permettra pas l’intégration, en lecture définitive, de nouvelles propositions du Sénat ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Réunie ce matin, la commission des affaires sociales a décidé de proposer à notre Haute Assemblée d’opposer la question préalable à ce texte, pour les raisons qui sont exposées dans ses considérants.
En réalité, même si nous avons des points d’accord – ils ont été rappelés par certains de nos collègues –, il y a tout de même une certaine frustration à voir le travail d’une semaine au Sénat balayé aussi rapidement par le Gouvernement.
La commission a donc considéré qu’il manquait un certain nombre des éléments que nous avions défendus pendant quelques jours.
Je le redis, mes chers collègues, les considérants de cette motion justifient son adoption par notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Sans surprise, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le PLFSS revient au Sénat après un nouveau « 49.3 » à l’Assemblée nationale et, surtout, après la suppression d’une grande partie des modifications que nous lui avions apportées par voie d’amendement.
Si nous approuvons quelques avancées, comme le maintien de la compensation par l’État des exonérations de la prime de partage de la valeur, la rallonge de l’Ondam, ou encore l’inscription d’une phase transitoire avant la fin de la garantie de financement pour l’hôpital public, il est évident que cette motion tendant à opposer la question préalable, au-delà de considérants que le groupe écologiste ne partage pas, révèle un désaccord profond sur la méthode.
Quels que soient les accords et les désaccords que l’on peut avoir avec les amendements qui ont été adoptés au Sénat durant la première lecture – à titre d’exemple, je rappelle notre opposition résolue à l’amendement relatif aux retraites –, il reste que nous nous trouvons face à un gouvernement qui méprise le travail parlementaire ; il n’est pas envisageable que le Sénat délibère de nouveau, sachant que le Gouvernement, in fine, n’entend pas partager le pouvoir législatif.
Des apports de la chambre haute, même sur des enjeux mineurs, ont ainsi été balayés sans explication, les nôtres comme ceux d’autres groupes. Cette importation au Sénat de l’esprit du « 49.3 » brutalise le Parlement et présente un vrai danger pour la démocratie parlementaire. On peut dire que le Gouvernement pratique une forme d’antiparlementarisme. (M. Bruno Sido s’exclame.)
Ainsi, il ne semble pas que nous soyons dans des conditions favorables pour entamer sereinement une deuxième lecture, sachant que le Parlement sera encore déconsidéré. Néanmoins, en raison de désaccords avec certains arguments de fond avancés par Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra sur cette motion.
Mme le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ne votera pas cette motion tendant à opposer la question préalable, même si nous avions nous-mêmes déposé en première lecture une telle motion, que vous auriez pu voter, mes chers collègues. Finalement, quelle perte de temps !
La majorité sénatoriale et le Gouvernement n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur le contenu du budget de la sécurité sociale pour 2023, mais, en réalité, c’est un jeu de dupes.
D’un côté, le Gouvernement campe sur ses positions et refuse toutes les modifications apportées par le Sénat, y compris celles qui ont été adoptées à la quasi-unanimité, comme le refus de transférer à l’Urssaf le recouvrement des cotisations de retraite complémentaire des cadres de l’Agirc-Arrco, ou de transférer pour 2 milliards d’euros de charges de la branche maladie à la branche famille.
De l’autre côté, la majorité sénatoriale défend l’hôpital public, alors qu’elle a adopté un Ondam pour 2023 qui est inférieur aux besoins des établissements et bien en deçà, rappelons-le, de l’inflation.
En réalité, le Gouvernement et la droite sénatoriale marchent ensemble pour attaquer nos retraites ; ils se sont donné rendez-vous à la rentrée 2023 pour allonger la durée de cotisation à 43 annuités (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Laissez-moi finir, mes chers collègues ! J’écouterai ensuite ce que vous avez à dire…
Vous êtes aussi d’accord pour reculer l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, pour maintenir la décote jusqu’à 67 ans et pour supprimer les régimes spéciaux de retraite. Bref, autant de reculs sociaux qui vont pénaliser principalement les femmes, les précaires, les seniors, celles et ceux qui ont des métiers pénibles, des reculs sociaux par lesquels vous donnerez aux jeunes le sentiment qu’ils n’auront pas de retraite ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)