M. René-Paul Savary. C’est triste !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C’est bien modeste, en effet.
Je précise que les auteurs d’amendements trouveront dans le rapport écrit un tableau qui retrace le sort de chacun d’entre eux.
Évidemment, aucun des amendements les plus significatifs adoptés par le Sénat n’a été retenu.
C’est le cas de l’article additionnel introduit, sur l’initiative du rapporteur René-Paul Savary, pour améliorer l’emploi des seniors et engager le redressement de notre système de retraites. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est le cas également des différentes mesures que nous avions proposées pour restaurer un contrôle parlementaire dans l’hypothèse d’un dépassement de l’Ondam et de son enveloppe consacrée au covid-19, que nous jugeons sous-estimée.
C’est le cas encore d’un amendement qui, pourtant, visait seulement à accorder au ministre un pouvoir supplémentaire, celui de refuser une convention médicale dont les conséquences financières seraient incompatibles avec l’Ondam voté par le Parlement.
C’est le cas, toujours, de la contribution des organismes complémentaires d’assurance maladie, que nous souhaitions matérialiser au sein de ce PLFSS à hauteur de 300 millions d’euros.
C’est le cas, enfin, de notre refus du transfert de 2 milliards d’euros de charges de la branche maladie à la branche famille.
Quant à l’Ondam 2023, malgré les hausses incessantes de celui de 2022, le Gouvernement n’a toujours pas estimé nécessaire de le revaloriser à l’occasion de la nouvelle lecture. C’est donc le montant que le Sénat a rejeté en première lecture qui nous revient de l’Assemblée nationale !
Au-delà de ces marqueurs, même des apports plus modestes et potentiellement plus consensuels n’ont pas été retenus, par exemple sur l’intérim médical ou sur l’encadrement des téléconsultations.
Au bout du compte, et même s’il existait des points d’accord entre nous et le Gouvernement dans le texte d’origine, force est de considérer que le résultat est particulièrement maigre, et pas toujours respectueux des débats riches et sérieux que nous avons eus pendant toute une semaine.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Dès lors, il est temps de constater que poursuivre la navette ne servirait plus à grand-chose – c’est, hélas ! devenu la tradition, même si les circonstances sont bien différentes cette année –, d’autant que le Gouvernement va très probablement utiliser de nouveau, en lecture définitive, la procédure de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution…
M. René-Paul Savary. Cela tourne à l’addiction ! (Sourires.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. … et qu’il a déjà clairement indiqué ce qu’il souhaitait retenir de nos propositions.
La commission des affaires sociales proposera donc au Sénat d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable sur ce PLFSS pour 2023, afin de marquer nos désaccords sur le fond comme sur la méthode. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le premier budget de la sécurité sociale de ce quinquennat est intéressant, car il prend place dans la nouvelle situation politique qu’ont voulue les Français au mois de juin.
En l’absence d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, les mouvements politiques et les parlementaires sont invités à faire preuve de leur sens du compromis politique.
Depuis le début de la législature, nous avons ainsi vu le Gouvernement passer sur certains projets de loi des accords avec Les Républicains, le seul mouvement qui puisse, à l’Assemblée nationale, garantir l’adoption définitive d’un texte.
Par ailleurs – je le précise pour ceux qui ne l’auraient pas encore remarqué –, le tropisme vers la droite de la mouvance présidentielle est de plus en plus net au fil du temps.
Mme Patricia Schillinger. Pourquoi la droite ne vote-t-elle pas ce texte, alors ?
M. Bernard Jomier. Sur ce premier texte budgétaire soumis au 49.3, le Gouvernement allait-il, par conviction ou, au moins, par réalisme, se convertir au désir de compromis politique qu’ont exprimé les Français ?
M. René-Paul Savary. Eh non !
M. Bernard Jomier. Ou céderait-il à la tentation de la brutalité ? Allions-nous avoir un 49.3 brutal et autoritaire ou un 49.3 de compromis ? Telle était la question…
Nous avons désormais la réponse : le travail des oppositions a été balayé.
M. François Patriat. Et l’Ondam ?
M. Bernard Jomier. Aucun amendement de notre groupe, eût-il porté sur des thèmes d’intérêt pour les Français et eût-il été adopté par l’ensemble du Sénat, n’a été retenu.
M. René-Paul Savary. Circulez, il n’y a rien à voir !
M. Bernard Jomier. Car notre assemblée, quant à elle, en dépit d’oppositions de fond entre les groupes politiques, a une réelle pratique du compromis politique, ce qui a permis à certains de nos amendements d’être adoptés par nos collègues de la majorité sénatoriale.
Le Gouvernement a balayé tout cela, et il revient la bouche en cœur nous proposer une deuxième lecture… (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mais de qui vous moquez-vous ? Je vous donne la réponse : de la volonté des Français exprimée dans les urnes au mois de juin ! Vous tournez le dos à leur demande de compromis politique et vous nous assignez à notre identité propre, refusant tout travail en commun sur des sujets de fond.
Qui va profiter de cette posture du Gouvernement ? Ceux qui, jeudi soir, à l’Assemblée nationale, le temps d’une séance terrible, ont applaudi debout les propos les plus outranciers, pendant que le bloc central des oppositions de gauche et modérées restait silencieux.
M. Laurent Burgoa. C’est la corrida…
M. Bernard Jomier. C’est aux extrêmes que vous donnez raison par votre posture politique et par la façon dont vous usez du 49.3 sur le budget de la sécurité sociale ! Ce faisant, vous rendez un mauvais service à notre démocratie politique. (Mme Michelle Meunier approuve.)
M. François Patriat. Cynisme !
M. Bernard Jomier. Sur le fond, l’an dernier, à cette même tribune, je formais le vœu que les élections présidentielles soient l’occasion de débattre de la santé et de dégager de nouvelles orientations en la matière.
Ce budget de la sécurité sociale tire-t-il la leçon de la pandémie que nous vivons encore aujourd’hui ? Aucunement ! Il ne contient aucune disposition en ce sens.
Porte-t-il le virage de la prévention annoncé par le ministre de la santé, virage que nous soutenons par ailleurs totalement ? Aucunement !
Sur le tabac, au moment même où le Sénat rétablit le texte initial du Gouvernement, le congrès des buralistes demande au ministre des comptes publics de changer le texte ; et le Gouvernement revient sur sa propre position.
Quand il s’agit de protéger notre jeunesse en taxant les bières sucrées aromatisées ou les puffs, comme l’avait proposé notre collègue Catherine Procaccia, le Gouvernement ouvre-t-il la porte ? Aucunement ! Il balaye tous les amendements. Le virage de la prévention n’existe pas.
Pourtant, à l’heure où nous débattons, les professionnels de santé protestent. Aujourd’hui, ce sont les psychiatres ; demain, ce seront les infirmières, après-demain, les médecins généralistes ; hier et demain, c’est l’hôpital public. Le monde de la santé est en rébellion ; le monde de la santé crie qu’il n’a pas les moyens de remplir sa mission. Et que fait le Gouvernement ? Il réduit l’Ondam de l’hôpital public en dessous de l’inflation, et celui des professionnels de ville à la moitié de l’inflation !…
Mme la rapporteure générale a raison : à quoi sert une deuxième délibération dans ces conditions ? Nous ne sommes pas là pour faire du cinéma ou pour perdre notre temps.
Vous avez balayé tout notre travail, vous ne souhaitez pas de compromis. Vous usez – légalement – du 49.3, mais votre usage de cet objet constitutionnel est mauvais et brutal ; nous le rejetons ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en ouverture de la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 à l’Assemblée nationale, le ministre de la santé a annoncé une rallonge de 543 millions d’euros pour l’hôpital au titre de l’année 2022.
Cette enveloppe doit permettre d’absorber, selon ses propos, « les surcoûts liés à l’épidémie de covid-19 » et de « soutenir l’hôpital et tous les personnels qui le font fonctionner ».
Ces 543 millions d’euros viennent s’ajouter aux 570 millions débloqués pour faire face à l’épidémie précoce de bronchiolite qui provoque actuellement une très forte tension sur les urgences pédiatriques.
Si ces crédits supplémentaires sont une bonne nouvelle pour les services hospitaliers, pourquoi attendre d’être acculé pour les débloquer ? Pourquoi refuser d’inscrire les propositions de notre groupe dans la loi de financement de la sécurité sociale initiale ? À chacune de nos demandes, vous avez répondu par de l’autosatisfaction. Les rallonges que vous faites voter aujourd’hui sont la preuve, pourtant, que votre budget n’était pas si extraordinaire que cela…
Si nous saluons ces moyens supplémentaires, force est de constater qu’ils ne pourront couvrir le doublement de la rémunération des heures de nuit pour l’ensemble des personnels et le paiement des heures supplémentaires que jusqu’au 31 mars. Ce PLFSS pour 2023 est donc marqué par une insincérité financière que le Gouvernement rectifiera sans doute en fin d’exercice, lors de l’examen du PLFSS pour 2024… En attendant, l’hôpital restera plongé dans une situation explosive, a fortiori avec un Ondam si bas, inférieur à l’inflation.
En réalité, si ce PLFSS pour 2023 est remarquable, c’est par toutes les mesures urgentes qu’il ne contient pas : rien pour combattre véritablement les déserts médicaux ou les inégalités sociales et territoriales de santé ; aucune disposition pour combattre la marchandisation des médicaments ; pas de prise en compte de l’ampleur de la crise de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie… Je pourrais, hélas ! multiplier les exemples qui démontrent votre incapacité à anticiper, et surtout votre absence de volonté de redresser notre service public de santé !
En ce 29 novembre, journée nationale de mobilisation et de grève dans le secteur de la santé mentale, je voudrais apporter le soutien de l’ensemble de mon groupe aux personnels de la psychiatrie publique, victimes d’une crise sans précédent dans un silence assourdissant des tutelles.
Quatre organisations syndicales réclament un Ségur spécifique face à l’abandon de la psychiatrie, qui subit des suppressions de lits, des fermetures de centres médico-psychologiques et une très forte pénurie de personnels.
Les soignants se disent dans l’impossibilité d’exercer correctement leur métier. Il y a donc urgence à revaloriser et à investir dans le secteur de la psychiatrie publique.
Enfin, je voudrais interpeller une nouvelle fois le Gouvernement sur la nécessité de réindustrialiser notre pays et de mettre en place un dispositif permettant de reprendre la main sur la production et la distribution de médicaments. Ce dispositif que nous appelons de nos vœux a pour nom « pôle public du médicament ». Il se décline au plan national et européen. Il est d’autant plus urgent de le mettre en place que sévit actuellement une pénurie dramatique d’antibiotiques, singulièrement d’amoxicilline, traitement courant pour les enfants.
Quand allez-vous agir contre la toute-puissance de grands labos pharmaceutiques qui décident de tout, des prix, des molécules, de la durée de vie de tel ou tel traitement ?
Malheureusement, ce ne sera pas dans ce budget de la sécurité sociale ! Encore faut-il ajouter, à tous ces manques et à cet inlassable refus de sortir notre système de santé de la tempête dans laquelle il se trouve, le mépris à l’endroit des parlementaires que nous sommes, avec l’utilisation à quatre reprises de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution pour enjamber les débats à l’Assemblé nationale, et ce sans même conserver, en CMP, les propositions qui avaient recueilli l’unanimité au Sénat.
Dans ces conditions, vous comprendrez qu’il nous soit impossible de voter en faveur de ce PLFSS pour 2023. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Henno. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme le disait Raymond Devos, un humoriste que j’adore, « une mauvaise rengaine, c’est un air qui commence par vous entrer par une oreille et qui finit par vous sortir par les yeux »… (Sourires.) Ainsi en est-il du 49.3, et plus encore de ce 49.3 qui retient si peu de nos débats, rien ou presque rien, en définitive.
Il y a 49.3 et 49.3 ; nous en avons là une version rude, « hard », diraient les jeunes : le PLFSS du conseil des ministres et, pour le reste, circulez, il n’y a rien à voir !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
M. Olivier Henno. Les 49.3 à répétition sur les débats budgétaires, c’est un peu comme le poil à gratter : cela chatouille au début, puis cela irrite, et avec le temps cela devient insupportable. (Nouveaux sourires.)
L’abus de 49.3 n’est pas illégal, bien sûr, mais cette procédure présente un défaut congénital. Par nature, elle assèche l’envie – j’allais dire le désir – de trouver des accords : elle assèche l’envie et le désir de la négociation, du débat, de la discussion parlementaire et de la coconstruction. Moi qui ne crains pas de revendiquer une filiation avec feu le MRP, je trouve cela tout à fait regrettable.
J’entends ceux qui disent que la Ve République a toujours fonctionné ainsi. D’abord, je n’en suis pas totalement sûr ; ensuite, pardonnez-moi, mais je trouve cet argument assez faible.
Ayant eu l’honneur d’être le collègue de Maurice Schumann au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais de 1992 à 1998 – un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître (Sourires.) –, je puis vous assurer qu’il maniait à la perfection la dialectique de la légalité et de la légitimité, qui, je le sais, doit être utilisée avec précaution et nuance.
Je ne développerai pas à l’excès cette question qui, avec l’abus du 49.3, trouve à s’incarner au niveau constitutionnel ; je note seulement qu’un tel abus pose aussi la question des marges de manœuvre dont disposent les ministres face à Bercy lors de la discussion parlementaire. Voilà pour la forme ; mais, comme le disait Victor Hugo, qui siégea dans cet hémicycle, « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface ».
Sur le fond, notre rapporteure générale Élisabeth Doineau a dit l’essentiel.
Au nom du groupe UC, je veux simplement insister sur quelques sujets qui nous tiennent à cœur. Reconnaissons que tout n’est pas à jeter dans ce PLFSS. La majorité sénatoriale peut d’ailleurs être fière d’avoir défendu des axes structurants.
Je pense notamment aux amendements présentés par notre groupe et soutenus par la majorité visant à élargir le dispositif d’exonération de cotisations patronales spécifique à l’emploi saisonnier dit « travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi » (TO-DE), à exonérer d’impôt sur le revenu et de CSG les chèques carburants versés par les employeurs, ou encore à annuler le transfert aux Urssaf du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco. Le paritarisme, c’est notre ADN, et nous en serons toujours les avocats.
Madame la ministre, permettez-moi aussi de regretter l’abandon d’amendements concrets sur la démographie médicale, l’intérim, les biologistes ou encore les téléconsultations.
Vous donnez la priorité au « vieillir à domicile » ; très bien, nous partageons cette orientation. Fort de ce constat, le Sénat, sur l’initiative du groupe UC, avait adopté un amendement tendant à accélérer le déploiement des deux heures de temps social prévu dans le texte pour les bénéficiaires de l’APA ayant recours aux services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), dont l’adoption définitive aurait de surcroît permis de limiter la part des dépenses à la charge des départements au titre de l’APA.
Il y a là un enjeu majeur : il y va de la soutenabilité de la dépense et de la juste compensation due aux collectivités territoriales. Avec Valérie Létard, nous avions appelé de nos vœux une réforme en ce sens des concours de la CNSA aux départements.
Là encore, votre message politique est limpide : aucun soutien apporté aux départements et aux collectivités territoriales, qui en ont pourtant grand besoin.
Vous avez également écarté la consultation de l’Assemblée des départements de France (ADF) dans le cadre de l’alignement de la forfaitisation de l’APA sur les modalités de forfaitisation de la prestation de compensation du handicap (PCH), préférant une saisine du Conseil national d’évaluation des normes. Le refus de territorialiser est regrettable. Sur cette question, madame la ministre, le groupe UC vous le redit : il n’est pas acceptable que l’État décide et que les collectivités locales doivent se contenter de payer.
J’en viens à la politique familiale.
Le modèle de la famille française évolue ; il a besoin du soutien de l’État et d’une politique ambitieuse qui accompagne et donne un cap. Or nombre de jeunes parents ne trouvent pas de mode de garde adéquat pour leurs enfants.
Vous avez rejeté l’amendement adopté par le Sénat qui visait à suspendre le versement du CMG aux familles qui ne s’acquittent pas du salaire de l’assistante maternelle.
Je le répète, pour nous, la politique familiale n’est pas une politique sociale, et vous ne nous empêcherez pas de penser que le transfert de 2 milliards d’euros d’indemnités journalières (IJ) de la branche maladie vers la branche famille est un bien triste symbole.
Deux lueurs, toutefois, dans ce tableau un peu sombre : l’amendement d’Annick Jacquemet sur le contrôle des établissements de santé privés et celui de Nathalie Goulet sur l’obligation de verser les prestations soumises à condition de résidence sur un compte domicilié en France ou dans la zone Sepa, l’espace unique de paiement en euros, ont survécu.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UC votera la question préalable. Par nature, nous n’aimons pas ce procédé, mais nous sommes perplexes quant à l’utilité de nos discussions passées sur ce PLFSS et nous ne nourrissons aucune illusion sur l’intérêt d’un nouveau débat. Au Parlement comme dans la vie réelle, nous n’avons aucun goût particulier pour le vélo d’appartement ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Martin Lévrier et François Patriat applaudissent également.)
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette nouvelle lecture vient clore les débats du PLFSS, qui auront été marqués cette année par des conditions d’examen particulièrement difficiles : deux 49.3 à l’Assemblée nationale en première lecture, une semaine de discussions au Sénat suivie de deux nouveaux 49.3 à l’Assemblée en nouvelle lecture.
Si les débats au Sénat se sont déroulés avec le sérieux et le respect qui caractérisent notre assemblée, nous avons souffert de délais d’examen extrêmement contraints. Le texte de l’Assemblée nationale ayant été publié seulement hier soir, nous examinions le rapport en commission ce matin même, à peine quelques heures avant le début de la séance.
Supérieur même au budget de l’État, le budget de la sécurité sociale mérite que l’on s’y attarde. C’est pourquoi, comme chaque année, le groupe RDSE regrette – mais comprend – le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable.
Nous comprenons ce choix, disais-je, car nous faisons nous aussi le compte du peu de mesures issues du Sénat qu’a retenues le Gouvernement. Nous préférons par principe que la discussion se poursuive, considérant que, dans un contexte d’inflation des ordonnances, toute occasion de débat mérite d’être saisie ; pour autant, reconnaissons que le Gouvernement n’a pas créé les conditions favorables à une nouvelle lecture.
Certains apports du Sénat auraient ainsi pu être conservés par le Gouvernement, notamment la pérennisation du dispositif TO-DE, défendu de longue date par le RDSE et d’autres groupes, l’annulation du transfert aux Urssaf du recouvrement de plusieurs types de cotisations, ou encore des mesures de prévention en direction de la jeunesse, auxquelles Bernard Jomier a fait allusion.
Toutefois, nous approuvons plusieurs points de ce PLFSS. Dans la situation de pénurie de praticiens que nous connaissons et dans l’attente des premiers résultats – que nous espérons positifs – du numerus apertus, il est absolument nécessaire de trouver des solutions de court terme pour alléger la charge de travail des médecins qui restent et enclencher le virage de la prévention.
Nous saluons donc les rendez-vous de prévention à des âges clés de la vie, tout comme la facilitation de l’accès au dépistage des infections sexuellement transmissibles.
Un cumul emploi-retraite plus avantageux permettra par ailleurs aux médecins qui le souhaitent de prolonger leur activité.
Enfin et surtout, les partages de tâches permettront de libérer du temps médical tout en améliorant l’accès aux soins ; ainsi de la possibilité donnée aux infirmiers de délivrer des certificats de décès, de l’élargissement du nombre de professionnels habilités à administrer les vaccins, ainsi que de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée, sous réserve – j’insiste sur ce point – de confier l’application de cette mesure aux équipes coordonnées sur le terrain, au sein des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), des équipes de soins primaires (ESP), ou des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Par ailleurs, nous constatons que les débats ont porté leurs fruits quant à l’ajout d’une quatrième année au troisième cycle des études de médecine générale.
Lors de l’examen en séance de l’article 23, qui contient cette mesure, j’ai défendu avec insistance l’importance de garantir aux étudiants l’encadrement par des maîtres de stage des universités et la possibilité de réaliser une partie du stage en milieu hospitalier.
Si je souhaitais que ces stages soient réservés aux hôpitaux de proximité, je suis satisfaite qu’aient été conservées ces précisions indispensables, qui rappellent avec force que cette année supplémentaire n’est ni plus ni moins qu’une année de formation.
Pour autant, ce PLFSS n’a pas vocation à changer en profondeur le système de santé, qui en a pourtant grand besoin. Les médecins libéraux seront en grève ces jeudi et vendredi, rejoignant la longue liste des professionnels de santé à bout de forces, dont les urgentistes, les pédiatres, les sages-femmes, les pharmaciens, ou encore les professionnels des laboratoires d’analyses. Je salue ici leur travail et leur engagement.
Il y aurait tant à dire, madame la ministre, sur le manque d’anticipation des politiques de santé, sur les aspirations des jeunes générations, qui ont bien changé, sur le manque de projection à moyen terme, qui pourrait être l’objet d’une loi pluriannuelle très attendue, sur l’indispensable révolution de la prévention, ou encore sur la place trop importante de la tarification à l’acte.
En somme, seule une transformation en profondeur, à mener avec les premiers concernés, transformation qui serait accompagnée d’un grand soir de la décentralisation, nous permettrait de relever le défi. Il faudrait une gouvernance territoriale composée de tous les acteurs du soin, des collectivités et des associations de patients à l’échelle d’un territoire, pour répondre aux besoins et non à l’offre, comme se plaît à le dire le ministre Braun.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDSE votera contre la motion tendant à opposer la question préalable et appelle de ses vœux une grande loi de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)
Mme le président. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 arrive à la fin du processus législatif, il est maintenant temps d’en tirer des enseignements nécessaires.
Tout d’abord, je tiens à remercier de nouveau la rapporteure générale, les rapporteurs et l’ensemble de mes collègues sénateurs, qui ont beaucoup travaillé sur ce texte.
Une fois de plus, le Sénat a montré sa capacité à enrichir et à améliorer le texte qui lui était proposé. Loin du tumulte de l’actualité, l’ensemble des groupes politiques qui composent cette assemblée ont su apporter, lors de la semaine d’examen en séance publique de ce texte, des propositions cohérentes, constructives et argumentées.
Au-delà des désaccords politiques qui nous séparent sur le fond, et en cette période trouble où la parole du politique est souvent mise à mal, il est nécessaire de rappeler la qualité des débats qui animent cet hémicycle.
Il ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, que c’est uniquement dans l’hémicycle du Sénat que le débat sur la branche maladie, donc sur la santé, a eu lieu.
En première lecture, nous nous sommes employés à enrichir le texte de manière pragmatique. J’en veux pour preuve les différentes mesures votées dans cet hémicycle : nous avons pris nos responsabilités.
Mais, à mon plus grand regret, le Sénat n’a, une nouvelle fois, pas été entendu par le Gouvernement et la majorité présidentielle ; j’y reviendrai.
Alors que l’Ondam 2022 avait été supprimé à l’Assemblée nationale en première lecture, le Sénat s’est montré indulgent en le réintégrant dans le projet de loi.
Le débat s’est cependant crispé rapidement quand, dès le début de l’examen du texte, vous avez déposé, madame la ministre, un amendement tendant à relever l’Ondam 2022 de 600 millions d’euros, régularisant ainsi une dépense réalisée entre le 1er juin et le 15 septembre derniers, mais que vous avez été incapable d’afficher dans le projet de loi initial à la fin du mois de septembre…
Que dire alors de la nouvelle augmentation de 500 millions d’euros inscrite dans le texte à l’issue d’un nouveau « 49.3 » à l’Assemblée nationale ?
Au total, l’Ondam 2022 connaît, comme l’a rappelé la rapporteure générale, une augmentation de 10,1 milliards d’euros par rapport à l’objectif adopté dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Nous comprenons mieux que vous ne souhaitiez pas que le comité d’alerte joue son rôle !
Nous avons rejeté la trajectoire financière proposée par le Gouvernement jusqu’en 2026. Loin d’être démagogique, notre décision sanctionne l’absence de plan stratégique et le manque de sincérité de cette trajectoire financière. Nous avons du mal à croire à un redressement aussi spectaculaire, car il ne repose que sur l’effet anticipé de recettes hypothétiques.
Mais venons-en au travail accompli par le Sénat en première lecture sur les dispositions relatives à l’exercice 2023, travail marqué par de la constance et de la cohérence de la part de notre groupe.
Comme souvent ces dernières années, nous avons voté la mise en place d’une contribution de solidarité des organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam) au bénéfice de la branche maladie, à hauteur de 300 millions d’euros.
Loin de vouloir acculer les Ocam, nous souhaitons que l’ensemble des acteurs de santé participent, de manière proportionnelle, au défi posé par la récente pandémie. Vous le refusez !
Nous avons supprimé le transfert de charges de 2 milliards d’euros de la branche maladie à la branche famille. Ce transfert, que vous avez rétabli, constitue un moyen artificiel de diminuer les moyens dévolus à la politique familiale et traduit un manque d’ambition chronique en la matière. Vous vous entêtez dans cette voie !
Fidèles à notre tradition de défense de l’agriculture française, nous avons pérennisé le système spécifique d’exonération de cotisations et de contributions sociales patronales pour l’embauche de travailleurs occasionnels-demandeurs d’emplois du secteur agricole. Vous faites le choix de prolonger le dispositif de quelques années, dont acte !
Nous avons par ailleurs modifié la mesure consistant à ajouter une quatrième année d’internat en substituant à la rédaction du Gouvernement celle de la proposition de loi du président de notre groupe, Bruno Retailleau, adoptée par le Sénat en octobre dernier, qui nous apparaît plus solide d’un point de vue légistique. Plutôt que de valoriser une initiative parlementaire, le Gouvernement s’est entêté à introduire cette mesure dans le cadre d’un PLFSS.
Précisons à ce propos que la version du texte qui nous est soumise aujourd’hui et sur laquelle le Gouvernement a engagé sa responsabilité devant l’Assemblée nationale, permet à titre exceptionnel que le stage de quatrième année soit réalisé, par dérogation, en milieu hospitalier ou extrahospitalier. En ajoutant cette possibilité, vous avez dénaturé l’objectif initial de la mesure ; nous ne pouvons que le regretter.