compte rendu intégral
Présidence de M. Pierre Laurent
vice-président
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
M. Joël Guerriau.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2023
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 114, rapport général n° 115, avis nos 116 à 121).
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, à l’examen de l’article 15 A.
PREMIÈRE PARTIE (suite)
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE Ier (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
II. – RESSOURCES AFFECTÉES (SUITE)
B. – Impositions et autres ressources affectées à des tiers
Article 15 A (nouveau)
I. – L’article 1604 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Une part du produit de la taxe mentionnée au I, au minimum de 20 % dans le cas d’une chambre dans la circonscription de laquelle n’évolue pas de chambre régionale d’agriculture ou dans le cas d’une chambre de région et au minimum de 30 % pour les autres chambres, est reversée par les chambres départementales ou interdépartementales d’agriculture à un fonds national de modernisation, de performance et de péréquation constitué au sein du budget de Chambres d’agriculture France et géré dans des conditions définies par décret.
« Ce fonds est destiné à fournir aux établissements du réseau définis à l’article L. 510-1 du code rural et de la pêche maritime une ressource collective répartie de la manière suivante :
« 1° Une part du produit de la taxe à hauteur de 10 %, déduction faite des versements mentionnés aux articles L. 251-1 et L. 321-13 du code forestier, au profit de Chambres d’agriculture France ;
« 2° Une part du produit de la taxe à hauteur de 2 %, déduction faite des versements mentionnés aux mêmes articles L. 251-1 et L. 321-13, destinée à des actions de modernisation et de péréquation ;
« 3° Une part du produit de la taxe à hauteur de 8 %, déduction faite des versements mentionnés auxdits articles L. 251-1 et L. 321-13, constituant une réserve de performance qui est reversée à chacune des chambres d’agriculture en fonction des résultats de leur performance ;
« 4° Une part du produit de la taxe perçue par les chambres départementales dans les circonscriptions disposant d’une chambre régionale d’agriculture, au profit de cette dernière. Cette part s’établit au minimum à hauteur de 10 % du produit de la taxe, déduction faite des versements mentionnés aux mêmes articles L. 251-1 et L. 321-13. » ;
2° Après le même III, il est inséré un IV ainsi rédigé :
« IV. – En sus de la part mentionnée au 4° du III versée par le fonds national de modernisation, de performance et de péréquation, les chambres départementales ou interdépartementales d’agriculture peuvent reverser aux chambres régionales d’agriculture de leur circonscription une part de la taxe qu’elles ont inscrite à leur budget. » ;
3° Le IV devient un V et est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase, les mots : « solidarité » est remplacé par les mots : « modernisation, de performance » ;
b) La seconde phrase est complétée par les mots : « ou des chambres d’agriculture de région ».
II. – Au premier alinéa de l’article L. 251-1 et au deuxième alinéa de l’article L. 321-13 du code forestier, les mots : « péréquation et d’action professionnelle des chambres d’agriculture » sont remplacés par les mots : « modernisation, de performance et de péréquation ».
M. le président. L’amendement n° I-1542 rectifié bis, présenté par M. Gillé, Mmes Harribey et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Decool, Mme Espagnac, M. Guerriau, Mme Jasmin, MM. Longeot et Mérillou, Mmes Pantel et Poumirol et M. Temal, est ainsi libellé :
Après l’article 15 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le VII de l’article L. 213-12 est complété par les mots : « et de l’article L. 213-10-13 » ;
2° La sous-section 3 de la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 213-10-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 213-10-13 – I. – Une redevance pour gestion équilibrée et durable de l’eau est affectée au financement des projets portés par les établissements publics territoriaux de bassin définis à l’article L. 213-12 du même code.
« II. – La redevance est constituée d’une augmentation de 3 % à 10 % de toutes les redevances perçues par les agences de l’eau au titre des articles L. 213-12-1 au L. 213-10-12. Le pourcentage sera fixé par chaque comité de bassin.
« III. – Les modalités de répartition entre les établissements publics territoriaux de bassin des recettes produites par la redevance sont définies par les conseils d’administration des agences de l’eau. »
II. – Le III bis de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce montant n’inclut pas la recette prévue à l’article L. 213-10-13 du code de l’environnement provenant de la majoration des recettes des agences de l’eau. »
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) sont des outils essentiels à la gestion équilibrée et durable de l’eau. En outre, ils permettent de développer les solidarités opérationnelles à l’échelle des bassins versants.
L’analyse financière de ces établissements met au jour une fragilité pour assurer leurs missions, notamment celles relatives à l’expertise, à la planification et à la programmation territoriale avec l’ensemble des acteurs. Or il s’agit là d’un enjeu essentiel dans le contexte d’adaptation aux dérèglements climatiques que nous connaissons.
Les décisions territoriales doivent s’appuyer non seulement sur une connaissance fine des fonctionnements écosystémiques et hydrauliques, mais aussi sur une animation territoriale à même d’associer l’ensemble des parties prenantes et de coconstruire les plans d’action.
Vous le savez : quelle que soit leur localisation ou leur richesse, les collectivités territoriales doivent pouvoir être accompagnées, d’une part, pour la gestion intégrée de l’eau par bassin et l’exercice de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi) ; de l’autre, pour les missions relatives à la gestion quantitative et qualitative de la ressource en eau.
Les financements pour l’ingénierie sont aujourd’hui de plus en plus complexes à mobiliser, faute de compétences et de recettes fléchées. Il est indispensable que les EPTB bénéficient d’un autofinancement pérenne pour assurer leurs missions socles, inscrites dans l’article ad hoc les concernant, et donc d’une recette fléchée.
Certes, l’article L. 213-10-9 du code de l’environnement prévoit une majoration de la redevance levée par les agences de l’eau pour la mise en œuvre des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) par les EPTB. Mais cette disposition n’a jamais pu être mobilisée, malgré plusieurs dossiers déposés en ce sens.
Plusieurs freins ont été identifiés, dont l’application du plafond mordant des recettes aux agences de l’eau et le manque de précision du texte, qui entraîne des interprétations différentes.
Aussi, nous proposons une disposition plus simple : il s’agit de mettre en œuvre une recette fléchée pour les projets des EPTB en majorant de 3 % à 10 % les redevances levées par les agences de l’eau. Cette recette n’est pas affectée aux agences de l’eau : elle n’est donc pas soumise au plafond mordant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mon cher collègue, avec cet amendement, vous attirez légitimement notre attention sur le financement des programmes Gemapi par les agences de l’eau. Il s’agit, en particulier, de protéger les territoires face aux inondations.
Mme la Première ministre a accepté de relever le fameux plafond mordant de 100 millions d’euros, ce qui permettra de relâcher un peu la pression pesant sur la trésorerie des agences de l’eau. Au titre du projet de loi de finances rectificative (PLFR), nous avons également obtenu des crédits supplémentaires en leur faveur.
Bien sûr, il faut rester attentif à cet enjeu de financement. En effet, les ressources nécessaires n’ont jamais été prévues pour accompagner ce transfert de compétences vers les EPTB. Les finances des collectivités territoriales se trouvent d’ailleurs, de ce fait, en tension.
Le périmètre des EPTB regroupe souvent plusieurs intercommunalités. Or, pour mener à bien les programmes élaborés, lesquels sont nécessaires pour assurer la sécurité des populations et des acteurs économiques, nous nous heurtons à un véritable problème de ressources.
Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; mais j’imagine que M. le ministre va nous annoncer de bonnes nouvelles, notamment des moyens supplémentaires.
M. Rémy Pointereau. Espérons !
M. Roger Karoutchi. Nous, nous ne voulons que les bonnes ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Je vais même vous donner de très bonnes nouvelles, monsieur le rapporteur général ! (Nouveaux sourires.)
Dès l’été dernier, Mme la Première ministre a annoncé un premier relèvement du plafond de dépenses des agences de l’eau, de 100 millions d’euros. Il y a quelques semaines, elle a annoncé un second relèvement, de 100 millions d’euros également.
Je vous rappelle que les agences de l’eau disposent d’une taxe affectée assortie d’un plafond de dépense.
En outre, dans le cadre du PLFR, vous avez voté sur l’initiative de M. le rapporteur général un amendement tendant à leur accorder 50 millions d’euros de crédits supplémentaires. Cette mesure a été conservée par la commission mixte paritaire (CMP), dont les conclusions – je l’espère – seront adoptées demain par le Sénat.
Vous voyez donc qu’en cette année 2022 les agences de l’eau ont bénéficié d’un soutien massif. Ces dernières jouent un rôle essentiel, qu’il s’agisse d’investir pour l’entretien des réseaux ou d’assurer la prévention des sécheresses. Nous sommes collectivement au rendez-vous pour répondre aux besoins de financement des agences de l’eau.
M. le président. Monsieur Gillé, l’amendement n° I-1542 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Hervé Gillé. Si ces bonnes nouvelles sont confirmées pour les agences de l’eau, ma demande ne pose aucune difficulté : nous aurons bel et bien les moyens de flécher des crédits en direction des EPTB.
Dès lors, je maintiens mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1542 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 15 B (nouveau)
I. – À la première phrase du III de l’article 90 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, les mots : « les sommes misées par les joueurs sur les » sont remplacés par les mots : « le produit brut des ».
II. – Au titre de l’année 2023, une fraction du prélèvement prévu au I de l’article 138 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises est affectée à l’Office français de la biodiversité mentionné à l’article L. 131-9 du code de l’environnement.
III. – Le montant de cette fraction correspond à la part de ce prélèvement assise sur le produit brut des jeux consacrés à la biodiversité organisés par La Française des jeux, sous réserve de l’autorisation des jeux par l’Autorité nationale des jeux prévue à l’article 34 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. Il fait, à ce titre, l’objet d’un arrêté des ministres chargés du budget et de l’environnement.
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, sur l’article.
Mme Nadège Havet. Cet article institue un loto de la biodiversité en créant un jeu de grattage « mission Biodiversité », lui-même inspiré du loto créé sur la recommandation de la mission Patrimoine. Il traduit ainsi la volonté de valoriser la protection de la biodiversité. Ce nouveau jeu de grattage permettrait en effet de dégager, en faveur de la biodiversité, un financement supplémentaire de l’ordre de 10 millions d’euros pendant sa première année d’exploitation.
Le montant collecté permettrait de soutenir des projets en faveur de la préservation et de la restauration de la biodiversité dans les territoires, en sensibilisant et en associant les Français à cette cause à laquelle ils sont très attachés : c’est leur deuxième sujet de préoccupation après le pouvoir d’achat.
Lors du séminaire de lancement de l’Office français de la biodiversité (OFB), en février 2020, le Président de la République avait réaffirmé son ambition d’accélérer notre politique de protection de la biodiversité : cet article est l’un des moyens d’y parvenir.
Il n’y a pas lieu de ne pas mettre sur un pied d’égalité la valorisation de notre patrimoine culturel et la préservation de notre environnement : voilà pourquoi je soutiens pleinement cet article et voterai contre sa suppression.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° I-3 rectifié est présenté par Mme Lavarde, MM. Anglars, Babary, Bacci, Bansard, Bascher et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc, Bonnus et Bouloux, Mme Bourrat, MM. Brisson, Burgoa, Calvet et Cambon, Mmes Canayer, Chauvin et L. Darcos, MM. Daubresse, de Legge et de Nicolaÿ, Mmes Deroche, Di Folco, Dumas et Estrosi Sassone, MM. Frassa et Genet, Mme Gosselin, M. Gremillet, Mmes Gruny et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Lefèvre, Longuet et Mandelli, Mme M. Mercier, MM. Meurant, Piednoir, Rapin et Regnard, Mme Renaud-Garabedian et MM. Rietmann, Sautarel, Savary, Sido, Somon, Tabarot et C. Vial.
L’amendement n° I-139 est présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° I-1631 rectifié est présenté par Mme Préville, MM. P. Joly et Montaugé, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Redon-Sarrazy et Pla et Mmes Conway-Mouret, Espagnac et Meunier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Lavarde, pour présenter l’amendement n° I-3 rectifié.
Mme Christine Lavarde. Ma chère collègue, avant même la présentation de nos amendements, vous venez en renfort de cet article. Vous avancez que le loto de la biodiversité permettra de financer un certain nombre d’actions : mais connaissez-vous le rendement attendu de cette mesure ? Il est de 10 millions d’euros. Ce n’est pas avec cela que l’on financera la protection de la biodiversité !
L’idée sous-jacente, c’est soit de soutenir la Française des jeux, soit de financer de pures actions de communication : quel mépris pour le ministère de la transition écologique, pour l’OFB, pour les collectivités, pour toutes celles et tous ceux qui, matin, midi et soir, prônent la défense du climat !
Un tel loto me semble dangereux, car nous sommes face à un enjeu de santé publique.
Mes chers collègues, il ne vous aura pas échappé qu’un autre ministère – le ministère de la santé et de la prévention – mène en ce moment une campagne de sensibilisation face aux dangers que représentent les paris sportifs et autres jeux d’argent. On connaît les addictions que ces derniers peuvent provoquer. Comment, en même temps, mener ces politiques et soutenir la création d’un tel jeu à gratter ?
À ce titre – je vous l’avoue –, j’ai été assez choquée par l’invitation que m’a adressée le directeur général de l’OFB : il m’a conviée à un déjeuner-débat sur l’engagement des entreprises pour la préservation de la biodiversité en présence de Stéphane Pallez, présidente-directrice générale de la Française des jeux… (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I-139.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mon intervention s’inscrit dans la droite ligne des propos de Christine Lavarde.
Je note que cet article relève, à l’origine, de l’initiative d’un député Renaissance. Il a été inscrit dans le présent texte sans que le débat ait eu lieu à l’Assemblée nationale : aujourd’hui, nous avons besoin d’un moment de vérité.
On propose de lever 10 millions d’euros pour faire de la com’, en invoquant l’exemple du loto spécifiquement dédié au patrimoine.
M. Rémy Pointereau. Tout à fait !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce loto assez bien identifié a, pour sa part, un avantage : il donne un coup de projecteur sur un certain nombre de biens patrimoniaux qui reflètent l’identité de la France. Mais, ici, nous parlons de l’écologie au sens large et de la biodiversité ; nous parlons d’une mission régalienne qui exige des moyens d’une tout autre ampleur.
C’est beau d’avoir un budget vert ; c’est beau d’expliquer à longueur de temps qu’il faut agir pour l’environnement. Après être allé à la vingt-septième conférence des parties (COP27), pour si peu de résultats, le Gouvernement en est réduit à proposer un jeu de hasard, alors même que le ministère de la santé et de la prévention s’efforce de lutter contre les addictions que ces jeux provoquent et que tout le monde se met au diapason.
En la matière, nous avons besoin de politiques cohérentes et articulées, sous l’autorité de l’État, menées de concert avec les territoires et les acteurs privés. En effet, cette affaire concerne aussi bien les entreprises que l’État et l’ensemble de nos concitoyens.
De grâce, tournons le dos à ce populisme vert. Il n’est pas acceptable que l’État soutienne de telles mesures. Notre démocratie et ce sujet sont trop importants pour que l’on s’en remette à des jeux de hasard. C’est tout bonnement irresponsable ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. C’est de la com’ !
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° I-1631 rectifié.
Mme Angèle Préville. À l’Assemblée nationale, les auteurs de cette mesure ont avancé qu’un jeu de grattage consacré à la biodiversité serait « une manière innovante et engageante d’impliquer les citoyens ».
Innovation : le mot est lâché ; ce mot qui a dynamité l’idée même de progrès. Voilà une proposition pernicieuse très bien habillée.
Les précédents orateurs l’ont souligné : le financement des politiques consacrées à la biodiversité ne saurait reposer, même en partie, sur un jeu de hasard. La biodiversité mérite des ressources pérennes, à la hauteur de l’enjeu que représente sa protection.
De plus, l’action de l’État ne saurait s’appuyer sur une incitation aux jeux d’argent. Au titre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), j’ai d’ailleurs déposé des amendements visant à renforcer la taxation des jeux en ligne.
Les jeux d’argent sont source de comportements addictifs. Ils exposent les personnes, non seulement à des difficultés sociales et financières – on le voit clairement dans les faits –, mais aussi à des problèmes psychologiques.
Mes chers collègues, nous parlons bien d’une addiction au sens complet du terme. L’addiction aux jeux d’argent, c’est une spirale infernale ; c’est l’enfer pour les familles qui la subissent.
Cette opération de greenwashing du jeu ne serait, en définitive, qu’un bon prétexte pour jouer : je ne peux pas m’inscrire dans cette logique.
Je le dis comme je le pense : le mélange des genres entre jeux d’argent et biodiversité est très discutable et éthiquement rédhibitoire. C’est le télescopage d’idées qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre. La biodiversité, c’est l’enjeu de notre survie, qui, d’ailleurs, n’est pas menacée à si long terme que cela : autant dire que ce n’est pas un petit sujet.
Pour enrayer le déclin de la biodiversité, nous devons mener une politique de long terme ; et nous ne devons sûrement pas procéder de cette manière-là.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. J’approuve entièrement les propos de Mme Lavarde, de Mme Préville et de M. le rapporteur général.
Mes chers collègues, le covid-19 est l’une des conséquences de l’effondrement des écosystèmes et de la manière dont on les malmène.
Face à cet enjeu immense qu’est la préservation du vivant par le rétablissement d’écosystèmes, on nous propose un loto de la biodiversité. Je n’insiste pas sur le caractère dramatique de l’addiction aux jeux : mon collègue Dossus y reviendra. Je me contente de formuler ce rappel : le vivant mérite beaucoup plus que les 10 millions d’euros que ce loto pourrait rapporter, ou même que les 30 millions d’euros du fonds pour la biodiversité. Il exige que l’on infléchisse la plupart de nos politiques publiques.
Évidemment, nous voterons la suppression de cet article.
M. André Reichardt. Un tel article n’est pas sérieux !
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Mes chers collègues, mon intervention va dans le même sens. Face au sujet majeur que représente le réchauffement climatique, ce loto paraît dérisoire.
D’ailleurs, le laconisme de M. le ministre dénote son embarras face à ce dispositif baroque, qui s’apparente à un bricolage. Que l’OFB y soit favorable, en dépit de son rendement ridicule, je peux le comprendre ; mais j’aurais voulu que le Gouvernement clarifie sa position.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-3 rectifié, I-139 et I-1631 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° I-1633 rectifié, présenté par MM. Rambaud, Buis, Mohamed Soilihi, Théophile, Rohfritsch, Haye et Marchand, Mmes Duranton et Schillinger et MM. Dennemont, Patient et Dagbert, est ainsi libellé :
Après l’article 15 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 1609 tricies est ainsi modifié :
a) Aux premier et troisième alinéas, après les mots : « paris sportifs », sont insérés les mots : « et casinos en ligne » ;
b) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « et casinos en ligne » ;
2° Après l’article 302 bis ZO, il est inséré un article 302 bis Z… ainsi rédigé :
« Art. 302 bis Z…. – Il est institué, pour les jeux de casino en ligne organisés et exploités dans les conditions fixées à l’article 14 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, un prélèvement sur le produit brut des jeux, constitué par la différence entre les sommes misées par les joueurs et les sommes versées ou à reverser aux gagnants.
« Ce prélèvement est dû par les personnes devant être soumises, en tant qu’opérateur de casino en ligne, à l’agrément mentionné à l’article 21 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 précitée.
« Le produit de ce prélèvement est affecté à concurrence de 15 % et dans la limite indexée, chaque année, sur la prévision de l’indice des prix à la consommation hors tabac retenue dans le projet de loi de finances de l’année, de 11 532 413 € aux communes dans le ressort territorial desquelles sont ouverts au public un ou plusieurs établissements visés au premier alinéa de l’article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure, au prorata du produit brut des jeux de ces établissements. »
II. – Au 6° de l’article L. 320-6 du code de la sécurité intérieure, les mots : « et des jeux de cercle en ligne » sont remplacés par les mots : « , des jeux de cercle en ligne et des jeux de casinos en ligne » ;
III. – La loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne est ainsi modifiée :
1° L’article 14 est ainsi modifié :
a) Au I, après le mot : « ligne », sont insérés les mots : « ou de jeux de casinos en ligne » ;
b) Le II est ainsi modifié :
- le premier alinéa est complété par les mots : « espérance de gains », rajouter les mots : « et les jeux de table fondés sur le principe de la contrepartie et les machines à sous, tels que définis par l’article L. 321-5-1 du code de la sécurité intérieure » ;
- au deuxième alinéa, après le mot : « autorisés », sont insérés les mots : « les jeux de casinos en ligne et » ;
- au troisième alinéa, après le mot : « cercle », sont insérés les mots : « ou des jeux de casinos en ligne » ;
c) Au IV, après le mot : « cercle », sont insérés les mots : « et de jeux de casinos en ligne » ;
2° La deuxième phrase du I de l’article 21 est complétée par les mots : « et les jeux de casinos en ligne ».
La parole est à M. Didier Rambaud.