Mme Christine Lavarde. Au cours de l’examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) de juillet dernier, j’avais déposé un amendement visant au report de la révision des valeurs locatives professionnelles, dans la mesure où cette réforme se faisait en l’absence complète de données.
Par cet amendement, je propose d’utiliser l’outil informatique développé pour l’actualisation des valeurs locatives d’habitation, ce qui permettra non seulement de disposer de données immédiates, mais aussi d’utiliser un outil déjà développé, prêt à fonctionner dès le 1er janvier prochain, ce qui nous permettra de gagner du temps dans le processus de révision des valeurs locatives professionnelles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous connaissons la pertinence des réflexions et des propositions de notre collègue Christine Lavarde, mais je continue de m’interroger : d’une part, sur le fait de savoir si les marchés locatifs de l’habitation et des locaux professionnels sont vraiment comparables ; d’autre part, sur la faisabilité technique de la mesure.
Soyons attentifs à ne pas alourdir certaines obligations administratives, qui sont ensuite supportées par les entreprises.
Pour ces raisons, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. C’est une proposition intéressante. Certains sénateurs vont sourire, mais Gabriel Attal m’a chargée de vous dire, très officiellement, qu’il va installer un groupe de travail. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il y en a vingt-sept !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je m’attendais à cet accueil… (Sourires.)
Il ne s’agit pas d’une proposition en l’air, madame Lavarde. Je me permets de vous transmettre une invitation à y participer au début de l’année prochaine. Gabriel Attal a besoin de travailler sur cette question avec les élus locaux, les sénateurs et les députés.
Par ailleurs, le ministère des comptes publics estime que la mesure proposée n’est pas nécessaire, car une obligation déclarative de loyers est déjà prévue à l’une des annexes de la déclaration annuelle de résultat des professionnels.
De même, le report de deux ans de l’intégration dans les bases de résultats de l’actualisation sexennale de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels (RVLLP) permettra, si nécessaire, d’améliorer le dispositif.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je réserve mon avis, madame la présidente !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.
Mme Marie Mercier. Nous sommes nombreux, ici, à siéger avec beaucoup d’assiduité aux réunions de révision des valeurs locatives. Or quelle n’est pas ma surprise, madame la ministre : les techniciens ont devancé le groupe de travail qui va être mis en place par le ministre !
En effet, lors de ces réunions, ils nous ont expliqué qu’étendre cet outil informatique aux locaux professionnels serait une excellente idée. Nous allons un peu plus vite que vous ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Il me semble que vous vous enfoncez, madame la ministre : s’il existait déjà une obligation légale de déclaration, pourquoi a-t-on pu avoir, dans certains départements, des valeurs moyennes calculées à partir de quatre données seulement, soit à peine plus que le seuil du secret fiscal ? Pourquoi le travail n’a-t-il pas été réalisé en amont ?
Peut-être n’est-il pas possible de récolter ces informations, disséminées dans des bases fiscales auxquelles Bercy n’a pas accès. Or l’outil dont il est ici question a été développé par les services de Bercy pour les locaux d’habitation, dont la réforme de l’actualisation, si j’ai bien compris, devrait suivre exactement la même logique que celle des locaux professionnels.
Est-il vraiment nécessaire de faire un groupe de travail pour indiquer aux entreprises qu’elles doivent rentrer une donnée dans une petite fenêtre, qu’il serait même possible de faire apparaître lorsqu’elles procèdent à leur déclaration fiscale ? Il s’agit simplement d’établir un pont informatique entre deux applications… Il ne me semble pas qu’il soit de notre ressort de dicter les lignes de code informatique ! (Mme la ministre déléguée manifeste son agacement.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je voudrais faire observer à notre collègue Christine Lavarde que ce groupe de travail aura effectivement du travail. (Sourires.)
Beaucoup, ici, ont participé aux commissions de révision sexennale, qui viennent de s’achever. Les impasses et les sérieux déficits d’information que nous y avons relevés nous ont conduits à travailler quelque peu à l’aveugle. De fait, les nouvelles fixations de valeur risquent de paraître arbitraires.
Ces constats nous amènent à douter de la pertinence même de la méthode adoptée lors de cette réforme, que j’ai pourtant soutenue. En effet, le mécanisme de sectorisation géographique, qui comporte des biais importants, risque d’entraîner une imposition non conforme au principe de prise en compte des facultés contributives.
Je suis bien évidemment favorable au report de deux ans de l’application de la révision. Ce délai nous permettra non seulement de perfectionner la collecte de données statistiques, manifestement insuffisante, mais aussi de revoir la méthode de concentration des données et de fixation des valeurs.
Mme la présidente. Quel est finalement l’avis de la commission sur cet amendement ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’idée d’un groupe de travail me va bien. Comme vient de le souligner Alain Richard, on peut convenir que la révision sexennale montre les limites de la réforme que nous avons adoptée.
Pour avoir moi-même participé à une commission départementale de révision des valeurs locatives des locaux professionnels, j’ai été admiratif de l’optimisme avec lequel les services concernés ont conduit ces démarches. Selon les départements, le travail théorique a plus ou moins bien avancé : nous nous sommes plutôt entendus. Le problème, c’est que tout cela se fait quelque peu à marche forcée : nous étudions les propositions des services de l’État en cherchant la cohérence générale, mais nous manquons d’éléments matériels pour apprécier les coûts.
Nous passons ensuite par des commissions municipales de révision des valeurs locatives : or celles-ci sont tenues de se réunir en plein été, compte tenu du calendrier très serré retenu pour les phases de validation. En somme, personne n’a le temps de se pencher réellement sur la question, à part les quelques spécialistes réunis autour des services des directions départementales des finances publiques.
Je me range donc à la proposition du Gouvernement de constitution d’un groupe de travail, qui me semble un bon début, et demande le retrait de cet amendement.
Mme Christine Lavarde. Mon amendement est un outil pour le groupe de travail !
Mme la présidente. Madame Lavarde, l’amendement n° I-540 rectifié est-il maintenu ?
Mme Christine Lavarde. Oui, madame la présidente !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-540 rectifié.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11 quinquies.
Article 11 sexies (nouveau)
Au a du 1° du II de l’article 1640 du code général des impôts, la référence : « 1382 E, » est supprimée. – (Adopté.)
Article 11 septies (nouveau)
I. – Au I de l’article 41 octies de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer, les mots : « des accises mentionnées au second alinéa de l’article 302 B du code général des impôts » sont remplacés par les mots : « de l’accise sur les alcools et de l’accise sur les tabacs mentionnées respectivement aux articles L. 313-1 et L. 314-1 du code des impositions sur les biens et services ».
II. – L’article 78 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 est ainsi modifié :
1° Au II, l’année : « 2023 » est remplacée par l’année : « 2025 » ;
2° À la fin du III, l’année : « 2024 » est remplacée par l’année : « 2026 ». – (Adopté.)
Après l’article 11 septies
Mme la présidente. L’amendement n° I-29 rectifié, présenté par MM. Delahaye et Bascher, Mme Billon, MM. Bonhomme, Burgoa, Canévet et Decool, Mmes N. Delattre, Demas, Devésa, Dumont, Férat et F. Gerbaud, M. Guerriau, Mme Guidez, MM. Henno, Longuet, A. Marc, Maurey et Moga, Mme Muller-Bronn, M. Nougein, Mme Perrot et MM. Saury et Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 11 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 1518 ter du code général des impôts, il est inséré un article 1518 … ainsi rédigé :
« Art. 1518 …. A. – I. – Aucune mutation des propriétés bâties ou non bâties ne peut intervenir, que ce soit à titre onéreux ou à titre gratuit entre vifs, sans que la valeur locative des biens visés n’ait été mise à jour au cours des douze mois précédant ladite mutation.
« II. – Aucune mutation des propriétés bâties ou non bâties ne peut intervenir, par décès, sans que la valeur locative des biens visés n’ait été mise à jour au cours des douze mois suivant ladite mutation. »
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Madame la ministre, je me porte candidat pour participer à ce groupe de travail sur la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, qui devrait effectivement avoir du travail… (Sourires.)
Mon amendement concerne les locaux d’habitation, dont les valeurs locatives datent des années 1970. Nous constatons tous des écarts importants en la matière. Prévue en 2026, leur révision générale a été reportée à 2028. On sent bien que personne n’a le courage de se lancer dans une révision générale qui risque de bousculer beaucoup de choses !
À défaut, je propose de réévaluer les valeurs locatives au gré des mutations, que ce soit une cession ou une succession. Cette disposition, que j’ai déjà défendue par le passé et que le Sénat avait adoptée, nécessitera du temps avant d’aboutir, peut-être quarante ans, mais au moins le processus sera-t-il entamé : cela se ferait sans trop de douleur ni sans exiger un courage extraordinaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il existe effectivement des inégalités criantes en matière de valeur locative des habitations.
M. Delahaye, coutumier des prises de position très apaisées, modérées, tout en équilibre (Sourires.), nous propose de trancher enfin et de conduire cette réflexion.
Madame la ministre, il est temps que nous avancions ensemble sur ce sujet. À force de tourner autour du pot, les collectivités territoriales ont du mal à gérer les inégalités. La question des valeurs locatives mérite toute notre attention.
La difficulté tiendra sans doute aux modalités à suivre pour chaque mutation, mais il s’agit aussi d’une opportunité.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Au risque de vous décevoir, je ne vais pas proposer de groupe de travail en l’espèce. (Sourires.)
La révision au fil de l’eau que vous proposez, monsieur Delahaye, consisterait à actualiser la valeur locative à chaque changement de propriétaire, voire d’occupant. Ce dispositif ferait alors coexister deux catégories différentes de base et présenterait un risque constitutionnel de rupture d’égalité entre les contribuables.
Par ailleurs, la complexité de mise en œuvre d’une telle procédure pourrait nuire à la lisibilité et à l’acceptabilité de cette réforme.
Enfin, en ne précisant pas comment sera calculée la valeur locative à mettre à jour avant la mutation, c’est-à-dire l’assiette de la taxe, votre mesure pourrait également encourir la censure du Conseil constitutionnel pour incompétence négative.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Je soutiens totalement l’amendement empreint de bon sens de M. Delahaye.
On voit combien il est difficile de mener la réforme de la valeur locative des locaux professionnels. Imaginez ce que cela donnera pour l’ensemble des propriétés individuelles de nos concitoyens !
Il est temps d’avancer sur le sujet. La méthode proposée par M. Delahaye me semble tout à fait pertinente : en cas de mutation, comme on connaît la valeur de l’immeuble, de la maison ou de l’appartement, on peut actualiser la valeur locative en se fondant sur la réalité des prix.
Je ne vois pas en quoi il y aurait un risque d’inconstitutionnalité, comme le Gouvernement l’avance chaque fois que l’on évoque le sujet.
À l’heure actuelle, le système est profondément inégalitaire, puisque les valeurs locatives n’ont pas été révisées. C’est donc aujourd’hui que nous sommes confrontés à des inégalités et que le risque d’inconstitutionnalité devrait être mis en avant. Pourquoi risquerions-nous l’inconstitutionnalité en allant peu à peu vers un système permettant d’avoir des bases fiables ? Il n’y a pas de raison !
Par ailleurs, ce système présente l’avantage supplémentaire de ne rien modifier pour les contribuables qui paient jusqu’à présent la taxe foncière. C’est seulement le nouvel acquéreur, sur la base du prix auquel il achète le bien, qui paiera la nouvelle taxe.
Si nous voulons avancer sur le sujet, nous devons adopter cet amendement ; à défaut, nous n’agirons jamais et nous ne ferons que reporter cette décision à des jours meilleurs, qui n’arriveront jamais.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Lorsque M. Delahaye a fait circuler parmi nous son amendement, je me suis interrogé sur l’opportunité de le cosigner. Ma première réaction a été la vôtre, mes chers collègues : je me suis dit que ça n’avait que trop duré, que la réévaluation de la valeur locative des locaux au gré de chaque mutation semblait une idée intéressante, qu’elle nous permettrait d’avancer.
Mais je me suis rendu compte qu’il s’agissait en réalité d’une fausse bonne idée, car nous allions créer une disparité flagrante, comme l’a signalé Mme la ministre, entre des propriétés de même valeur selon le moment où elles auront été évaluées.
Je crains, quoi qu’en dise Michel Canévet, qu’il n’existe de ce point de vue un très fort risque d’inconstitutionnalité. Je le répète : deux propriétés de valeur équivalente pourraient présenter des écarts importants de valeur locative uniquement parce que l’une d’entre elles a fait l’objet d’une mutation plus récente.
Mieux vaudrait procéder à une réévaluation générale des valeurs locatives des biens concernés à l’instant t. Je sais bien que cela ne se fait pas ainsi, mais j’essaie de faire avancer le « schmilblick ».
En tout état de cause, je ne voterai pas cet amendement, que je n’ai pas cosigné, car il s’agit d’une fausse bonne idée.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je ne m’aventurerai pas à ce sujet sur le plan constitutionnel, car j’ai bien peur que le dispositif actuel des valeurs locatives n’ait pas une base constitutionnelle très solide. Si un contribuable grincheux et prêt à financer de substantiels frais d’avocat saisissait aujourd’hui le Conseil constitutionnel en alléguant que le dispositif n’a plus aucun lien avec les facultés contributives des contribuables, je ne suis pas sûr qu’il perdrait…
La principale objection à la proposition séduisante de Vincent Delahaye est tout simplement due au fait que la révision sera fondée sur les valeurs de marché des locations actuelles. Par conséquent l’évaluation sera beaucoup plus élevée que les évaluations existantes : on l’a vu avec les valeurs locatives professionnelles, les valeurs peuvent être multipliées par trois ou par quatre. Nous savons bien que, le jour où cette révision interviendra, elle fera l’objet de toutes les mesures de freinage ou de limitation qui ont déjà été appliquées, et qui ont donné lieu au néologisme original de « planchonnement », c’est-à-dire à la fois un plancher et un plafond.
Pour dix contribuables dans un village, si le bien d’un seul contribuable a été révisé, avec une valeur de base trois fois ou quatre fois supérieure à celle de ses voisins, soit nous appliquons individuellement un mécanisme de freinage ou de report de cette augmentation, soit nous créons une inégalité assez forte devant l’impôt.
L’idée que vous défendez est donc valable, mais elle ne pourrait « tourner » que si l’on fixait la nouvelle valeur locative de tel logement ou de telle maison pour la garder en stock afin de ne l’appliquer que le jour où l’ensemble des révisions auront eu lieu.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Autant je n’ai pas compris la proposition de groupe de travail formulée précédemment par Mme la ministre, autant je trouve qu’il y aurait là matière à en proposer un.
Quelle est la question posée au travers de l’amendement de Vincent Delahaye ? Il ne s’agit pas tellement d’un problème de constitutionnalité. L’idée est plutôt de mettre l’accent sur la problématique de la taxe foncière afin d’éviter que nous nous retrouvions dans la même situation que pour la taxe d’habitation. À force de la dénoncer pendant des années au motif qu’elle n’était pas un outil efficace et équitable, nous sommes confrontés aujourd’hui à une décision qui nous a été imposée, faute d’avoir su réformer de nous-mêmes cet impôt.
Voilà pourquoi Vincent Delahaye nous propose de travailler sur cette question de la taxe foncière, qui est désormais quasiment le seul impôt dont bénéficient les collectivités locales, d’autant qu’il s’agit – nous le savons tous – d’un impôt inéquitable et économiquement contestable.
Quelle serait la pertinence de la TVA si elle était assise non pas sur la valeur réelle des biens, mais sur leur valeur administrative fixée en 1970 ? À combien s’élèverait la TVA sur la baguette, par exemple, si elle était fixée non pas par rapport au prix de la baguette aujourd’hui, mais par rapport à son prix de l’époque ? C’est pourtant ainsi que nous fonctionnons en matière de taxe foncière…
La proposition de Vincent Delahaye doit certes être affinée, mais elle a le mérite de lancer le débat sur l’évolution de la taxe foncière. Si nous ne faisons rien de nous-mêmes, un jour les décisions nous seront imposées par d’autres.
C’est pourquoi je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Je souhaite rebondir sur les propos de M. Richard. La situation actuelle n’est, bien sûr, absolument pas satisfaisante. Mais pour répondre à notre collègue André Reichardt, en fixant la valeur locative en fonction de la date de construction des bâtiments, on obtient déjà pour une même rue des différences considérables. La difficulté mise en avant se rencontre déjà. Autant s’orienter vers un autre système, quitte à adapter certaines dispositions en cours de route.
J’adhère à la proposition de Laurent Lafon de créer un groupe de travail. Il importe d’avancer sur cette question de façon à mettre en œuvre une réforme progressive, qui soit plus indolore et qui demande moins de courage à nos gouvernants.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11 septies.
Article 11 octies (nouveau)
I. – L’article 146 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du 1 du B et au 2 du C du II, l’année : « 2023 » est remplacée par l’année : « 2025 » ;
2° À la fin du E du III, l’année : « 2025 » est remplacée par l’année : « 2027 » ;
3° À la fin du dernier alinéa du C du IV, l’année : « 2029 » est remplacée par l’année : « 2031 » ;
4° Au A et au deuxième alinéa du B du V, l’année : « 2026 » est remplacée par l’année : « 2028 » ;
5° Au premier alinéa du VI, l’année : « 2023 » est remplacée par l’année : « 2025 » ;
6° À la première phrase du premier alinéa du VII, l’année : « 2024 » est remplacée par l’année : « 2026 » ;
7° À la fin du A du X, l’année : « 2024 » est remplacée par l’année : « 2026 ».
II. – Au premier alinéa de l’article 114 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, l’année : « 2023 » est remplacée par l’année : « 2025 ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° I-4 rectifié est présenté par Mme Lavarde, MM. Anglars, Babary, Bacci, Bascher et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc, Bonnus, Bouchet et Bouloux, Mme Bourrat, MM. Brisson, Burgoa, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Charon, Mmes Chauvin et L. Darcos, MM. Daubresse, de Legge et de Nicolaÿ, Mmes Deroche, Di Folco, Dumas et Estrosi Sassone, MM. Frassa et Genet, Mme Gosselin, M. Gremillet, Mme Gruny, M. Gueret, Mme Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Lefèvre et Longuet, Mme Malet, M. Mandelli, Mme M. Mercier, MM. Meurant, Mouiller, Piednoir, Rapin, Perrin et Regnard, Mme Renaud-Garabedian, MM. Rietmann, Sautarel, Savary, Segouin, Sido, Somon et Tabarot et Mme Ventalon.
L’amendement n° I-135 est présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° I-812 est présenté par Mme Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Brulin et Gréaume, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Lavarde, pour présenter l’amendement n° I-4 rectifié.
Mme Christine Lavarde. À mon arrivée dans cet hémicycle, en 2017, le premier projet de loi de finances que j’ai eu à étudier portait sur la suppression de la taxe d’habitation, au prétexte que cet impôt était injuste.
Comme M. Richard vient de nous le rappeler, les actuelles valeurs locatives présentent effectivement un risque d’inconstitutionnalité en cas de saisine du Conseil constitutionnel. Madame la ministre, le report de cette réforme annonce-t-il un scoop ? Allez-vous supprimer la taxe foncière au prétexte également – mêmes causes, mêmes effets que pour la taxe d’habitation – qu’il s’agirait d’un impôt injuste ?
Dans le cadre du PLFR du mois juillet dernier, nous avons demandé le report de la révision des valeurs locatives professionnelles en raison d’une absence de données et du fait que la méthode définie par la DGFiP (direction générale des finances publiques) était difficilement applicable ; elle donnait notamment des résultats qui n’étaient pas cohérents avec les observations du terrain.
Nous avons trois ans, entre 2023 et 2026, pour procéder à la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation. Un outil de collecte des données, évoqué précédemment, entrera en vigueur au 1er janvier prochain. Pourquoi ne pourrions-nous pas commencer à travailler dès 2023 à la réforme ? Quel besoin y aurait-il de décaler le calendrier ?
Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’article 11 octies.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I-135.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mme Lavarde a parfaitement bien exposé les raisons ayant conduit la commission à déposer cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° I-812.
M. Pascal Savoldelli. Nous avons pu mesurer la difficulté qu’il y avait à réviser les valeurs locatives lors de la mise en place des commissions départementales. L’administration, les services de l’État effectuent d’ailleurs un travail remarquable, il convient de le souligner dans cet hémicycle. Comme Christine Lavarde et M. le rapporteur général, nous nous interrogeons : qu’est-ce qui justifie un tel report ? Ce décalage de calendrier doit être expliqué et argumenté.
Au-delà de la question de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, pourquoi rien n’est-il envisagé pour les locaux d’habitation ? Nous avons donc besoin d’explications. En fonction des réponses apportées par le Gouvernement, nous pourrions être amenés à revenir sur notre position.
En l’état, il faut, à l’évidence, supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lavarde. Un groupe de travail ? (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. En cohérence avec le report de l’actualisation des valeurs locatives pour les locaux professionnels, il semble logique de décaler celle des locaux d’habitation, qui est confrontée – vous le savez – à des problématiques très similaires.
C’est aussi l’occasion de manifester une nouvelle fois la volonté du Gouvernement de conduire la révision des locaux d’habitation, comme la loi le prévoit, position qui a d’ailleurs été réaffirmée auprès de l’ensemble des associations d’élus, qu’il s’agisse de l’AMF (Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité), de l’ADF (Assemblée des départements de France) ou de France urbaine.
Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. La question sera d’ailleurs discutée dans le cadre d’un… Vous finirez la phrase vous-mêmes !