Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Au-delà des arguments de principe qui ont été invoqués sur cet article au cours de la discussion générale, vous avez raison, monsieur le sénateur : nous sommes en train de conditionner à des actions de décarbonation certaines dépenses liées à France 2030.
Il en est ainsi des 5 premiers milliards d’euros qui, comme l’a annoncé le Président de la République, à l’Élysée, la semaine dernière, seront versés non pas aux cinquante plus gros pollueurs, mais aux cinquante plus gros émetteurs de gaz à effet de serre.
M. Daniel Breuiller. C’est la même chose !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je préfère utiliser cette expression pour qualifier de grands groupes industriels français qui créent de nombreux emplois et s’engagent dans la voie de la décarbonation.
À ce jour, 54 milliards d’euros de France 2030 sont conditionnés à des actions de décarbonation, d’innovation ou de développement de la souveraineté industrielle française, voire à ces trois sujets. C’est déjà beaucoup.
Quant au crédit d’impôt recherche, il fera l’objet d’un examen détaillé dans l’année qui vient, pour éventuellement subir quelques adaptations. Toujours est-il que j’engage vraiment la Haute Assemblée à le préserver tel quel.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Après avoir écouté vos explications, monsieur le ministre, et puisque vous vous êtes engagé à mener un travail approfondi sur le crédit d’impôt recherche dans l’année qui vient, je vais retirer cet amendement d’Annick Billon.
Toutefois, les enjeux sont tels que nous ne pourrons pas faire l’impasse sur son verdissement et qu’une telle orientation s’impose. Définir des critères et des indicateurs permettant de mesurer la performance environnementale du crédit d’impôt recherche sera une nécessité. Il faut absolument lancer ce chantier dès 2023.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° I-1234 rectifié est retiré.
Monsieur Requier, l’amendement n° I-1359 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, je le maintiens, madame la présidente, car c’est Jean-Pierre Corbisez qui l’a porté. De surcroît, je ne voudrais pas me priver du plaisir de voir les écologistes voter comme nous ! Cela n’arrive pas tous les jours… (Rires.)
M. Daniel Breuiller. C’est un début !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-1359 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° I-370 rectifié est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Redon-Sarrazy, Malhuret et Capus, Mme L. Darcos, M. Babary, Mme G. Jourda, MM. Longeot et Grand, Mme Mélot, MM. Lagourgue, A. Marc, Chasseing, Guerriau, Wattebled, Menonville et Decool, Mmes Artigalas et Conway-Mouret, MM. Jeansannetas, Cardon et Pla, Mmes Jasmin et Pantel, MM. Le Nay, Montaugé et Guérini et Mme Meunier.
L’amendement n° I-1272 rectifié bis est présenté par M. Moga, Mme Devésa, MM. Levi, Bouchet, Duffourg, Favreau et Hingray, Mmes Férat, Vermeillet, Saint-Pé, Morin-Desailly et Muller-Bronn, MM. Kern, Henno et Klinger, Mme Ract-Madoux, M. Chatillon, Mme Sollogoub, MM. Détraigne, Bilhac et Chauvet, Mmes Jacquemet, N. Delattre, Létard et Herzog et M. Burgoa.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 244 quater B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I est ainsi modifié :
a) Après le taux : « 30 % », la fin de la deuxième phrase est supprimée ;
b) Le début de la troisième phrase est ainsi rédigé : « Ce taux … (le reste sans changement) » ;
2° Le III bis est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « dans les états mentionnés aux deux premiers alinéas » sont remplacés par les mots : « dans l’état mentionné au premier alinéa ».
II. – Le taux de 30 % mentionné à la deuxième phrase du I de l’article 244 quater B du code général des impôts est augmenté à due concurrence de l’économie réalisée au I du présent article.
III. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° I-370 rectifié.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Cela a été dit par certains de nos collègues : les politiques de soutien à l’innovation via le crédit d’impôt recherche ont, certes, une efficacité prouvée, mais, et c’est là le problème, cette efficacité est inversement proportionnelle à la taille des entreprises qui en bénéficient.
C’est vrai pour les brevets. Ça l’est également pour le crédit d’impôt recherche : 1 euro de CIR versé aux PME ou aux ETI entraîne un accroissement de 1,40 euro de dépenses en R&D, contre 40 centimes dans les grands groupes. L’effet de levier est donc plus important.
Après le « quoi qu’il en coûte » et le « combien ça coûte », comme je l’ai déjà dit au ministre chargé des comptes publics, il faut désormais passer au « mieux qu’il en coûte ». À cette fin, il convient, à enveloppe constante, d’opérer ce réajustement que nous vous proposons : limiter le CIR à la fraction des dépenses de recherche inférieure à 100 millions d’euros et, par conséquent, supprimer le taux de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour présenter l’amendement n° I-1272 rectifié bis.
Mme Sylvie Vermeillet. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° I-371 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Redon-Sarrazy, Malhuret et Capus, Mme L. Darcos, M. Babary, Mme G. Jourda, MM. Longeot et Grand, Mme Mélot, MM. Lagourgue, A. Marc, Chasseing, Guerriau, Wattebled, Menonville et Decool, Mmes Artigalas et Conway-Mouret, MM. Jeansannetas, Cardon et Pla, Mmes Jasmin et Pantel, MM. Le Nay, Montaugé et Guérini et Mme Meunier, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de l’article 244 quater B du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les entreprises sont membres d’un groupe fiscalement intégré prévu à l’article 223 A du code général des impôts, les dépenses de recherche et le seuil de 100 millions d’euros mentionné au premier alinéa sont appréciés au niveau de la société mère en tenant compte des dépenses de recherche de toutes les sociétés membres du groupe. »
II. – Le taux de 30 % mentionné à la deuxième phrase du I de l’article 244 quater B du code général des impôts est augmenté à due concurrence de l’économie réalisée au I.
III. – Le I de l’article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la présente loi, entre en vigueur à une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de trois mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer ces dispositions lui ayant été notifiées comme conformes au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État.
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Par cet amendement, nous proposons que, lorsque le groupe est intégré fiscalement, la créance de CIR soit calculée au niveau de la holding de tête, en retenant le critère de la détention d’une filiale à 95 % pour définir le périmètre d’application dudit crédit d’impôt.
Nous proposons également que le taux du CIR en deçà du plafond de 100 millions d’euros, qui est actuellement fixé à 30 %, soit relevé à due concurrence de l’économie réalisée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. S’agissant de l’amendement n° I-371 rectifié, la proposition de prendre en compte le groupe plutôt que la société pour calculer le plafond de 100 millions d’euros du CIR n’est pas anodine et doit effectivement être bien travaillée. Ce sera l’un des aspects à aborder dans la réforme globale du CIR.
Quoi qu’il en soit, je demande le retrait de ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. L’amendement n° I-370 rectifié est le fruit d’un travail collectif de très grande qualité et a recueilli un grand nombre de signatures, de tous bords, y compris celle de Mme Darcos, rapporteure pour avis de la commission de la culture pour le budget de la recherche, domaine qu’elle connaît un peu en tant que sénatrice de l’Essonne, où se trouve le plateau de Saclay.
Cette proposition procède donc d’une vision très juste de ce que sont aujourd’hui la recherche et l’innovation sur le terrain, et non pas d’une vision technocratique et nationale.
Je suis intimement persuadé que nous devons travailler à un maillage fin de nos territoires par des PME entretenant des relations de partenariat avec les établissements universitaires et de recherche situés dans leur environnement immédiat. C’est à cela que l’Allemagne doit sa réussite. Là où les chercheurs participent le plus à l’activité des PME, c’est en Alsace, avec cette réserve que ces chercheurs œuvrent non pas en France, mais en Allemagne : ils traversent le Rhin pour travailler avec un tissu de PME qui est inexistant du côté alsacien.
Je voterai donc ces deux amendements identiques, le premier étant donc le fruit d’une démarche collective du Sénat qu’il convient absolument d’appuyer.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Tout à l’heure, le ministre nous parlait d’attractivité, laquelle doit faire l’objet d’un examen global, tant le sentiment prévaut que les mécanismes destinés à la renforcer partent un peu dans tous les sens : d’un côté, une fiscalité élevée – vous proposez d’ailleurs de faire évoluer la CVAE, ce qui n’est pas rien –, d’un autre côté, de multiples aides à destination des entreprises.
M. Vincent Capo-Canellas. Or c’est bien l’ensemble de cet environnement que ces entreprises prennent en considération. Si l’on décide d’abaisser la pression fiscale et de réduire les impôts de production, il faut, en contrepartie, s’engager dans un exercice de vérité et se demander si, parmi les aides qui existent, toutes sont conformes à leur objet, à savoir, à tout le moins, le soutien aux entreprises, à l’emploi et à l’activité.
Je me sens libéral, mais il faut tout de même pouvoir expliquer que ces aides sont bénéfiques pour l’emploi, faute de quoi elles ne seront pas acceptées socialement.
Nous devons réaliser des économies. Certes, il faut être attractifs, mais, pour y voir plus clair, considérons l’ensemble des termes de l’équation : fiscalité d’un côté, aides aux entreprises de l’autre.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-370 rectifié et I-1272 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-371 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° I-1465, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Breuiller, Benarroche, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le d du II de l’article 244 quater B du code général des impôts est ainsi rétabli :
« d) Les dépenses d’innovation sociales répondant à la définition de l’article 15 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. »
II. – Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Le présent amendement vise à intégrer explicitement les dépenses d’innovation sociale, au sens de la du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, dans le périmètre du crédit d’impôt recherche.
Nous entendons ainsi tirer les conséquences de l’inefficacité du CIR pour ce type de recherches.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Dossus, l’amendement n° I-1465 est-il maintenu ?
M. Thomas Dossus. Oui, madame la présidente, je le maintiens.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-1273 rectifié, présenté par M. Moga, Mme Devésa, MM. Levi, Bouchet, Duffourg, Favreau, Hingray et Canévet, Mmes Vermeillet, Morin-Desailly et Muller-Bronn, MM. Kern et Henno, Mme Ract-Madoux, M. Chatillon, Mme Sollogoub, MM. Détraigne, Le Nay, Bilhac et Chauvet, Mmes Jacquemet et Létard, M. Longeot, Mme Herzog et M. Burgoa, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au huitième alinéa du k du II de l’article 244 quater B du code général des impôts, le montant : « 400 000 » est remplacé par le montant : « 800 000 ».
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° I-368 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Redon-Sarrazy, Malhuret et Capus, Mme L. Darcos, M. Babary, Mme G. Jourda, MM. Longeot et Grand, Mme Mélot, MM. Lagourgue, A. Marc, Chasseing, Guerriau, Wattebled, Menonville et Decool, Mmes Artigalas et Conway-Mouret, MM. Jeansannetas, Cardon et Pla, Mmes Jasmin et Pantel et MM. Le Nay, Montaugé et Guérini, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au huitième alinéa du k du II de l’article 244 quater B du code général des impôts, le nombre : « 400 000 » est remplacé par le nombre : « 800 000 ».
II. – Le huitième alinéa du k du II de l’article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la présente loi, entre en vigueur à une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de trois mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer ces dispositions lui ayant été notifiées comme conformes au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État.
III. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Je veux indiquer au ministre et au rapporteur général que cet amendement, parmi d’autres, est issu d’une proposition formulée à l’unanimité par les membres de la mission d’information sénatoriale sur la recherche et l’innovation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J’entends bien la recommandation de notre collègue Vanina Paoli-Gagin, qui nous appelle à voter cet amendement, fruit du travail de la mission d’information dont elle était rapporteur.
Je ne dis pas que ce n’est pas le bon moment, mais nous sommes confrontés à quelques difficultés de temporalité, à savoir l’inadéquation entre le temps du projet de loi de finances et celui de la réforme du CIR engagée par le Gouvernement, qui pourrait intégrer cette réflexion sur le crédit d’impôt innovation.
C’est bien pour cette raison que j’ai indiqué, dans mon propos liminaire, que je demanderai le retrait de l’ensemble de ces amendements, quitte à créer un légitime sentiment d’insatisfaction eu égard au travail mené par les uns et les autres, et même si certaines propositions sont tout à fait pertinentes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-1273 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-368 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° I-922, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa du II de l’article 244 quater B, les mots « ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales » sont supprimés.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. La guerre en Ukraine a montré qu’il nous fallait sortir du temps de l’insouciance et que nous devions maintenant nous concentrer sur la protection de nos intérêts stratégiques.
Monsieur le ministre, je vais formuler quelques hypothèses et soulever plusieurs questions, le sujet étant important. Avons-nous véritablement la possibilité de contrôler l’activité de filiales de grands groupes français en Russie œuvrant notamment dans la production de carburants, en particulier de kérosène, lequel pourrait être utilisé par des avions de chasse russes contre l’Ukraine ?
Vous comprenez le sens de ma question : il serait absolument catastrophique que le CIR ait permis de financer des intérêts qui, aujourd’hui, se retournent contre nous.
C’est pourquoi nous proposons de concentrer le CIR sur les entreprises qui font de la recherche en France – et en Europe, car c’est une obligation européenne. Il faut désormais impérativement coupler notre recherche et innovation aux intérêts de l’Europe et de la France. On ne peut plus dissocier la géostratégie de l’économie et de l’innovation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Comme vous, mon cher collègue, j’estime important que les dépenses engagées dans le cadre du crédit d’impôt recherche aient des retombées en France et en Europe.
Cependant, je note que vous proposez d’exclure les opérations réalisées sur le territoire de l’Espace économique européen, donc de l’Islande, de la Norvège et de la Suisse. S’agissant de partenaires économiques importants, je ne sais pas si c’est totalement opportun.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis, pour les mêmes raisons.
En ce qui concerne la Russie, vous connaissez la position du Gouvernement, qui a d’ailleurs été détaillée ici même à l’occasion d’un débat organisé en application de l’article 50-1 de la Constitution : le respect total et absolu des sanctions. Un certain nombre d’entreprises françaises ont décidé de rapatrier leurs activités depuis la Russie, au prix de pertes financières extrêmement importantes, mais aussi de la suppression d’emplois, non seulement en Russie, mais aussi, malheureusement, en Ukraine.
Je ne pense pas que le crédit d’impôt recherche soit le bon outil pour gérer ces enjeux.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je m’excuse d’avoir exclu l’Islande, la Norvège et la Suisse, que, bien évidemment, je ne compare pas à la Russie. Il faudra continuer à travailler avec ces pays.
Par ailleurs, monsieur le ministre, j’ai bien pris note de vos propos au sujet des sanctions – totales ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. L’amendement n° I-386 rectifié, présenté par Mme Vermeillet et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 244 quater B bis du code général des impôts, il est inséré un article 244 quater … ainsi rédigé :
« Art. 244 quater … – Les articles 244 quater B et 244 quater B bis ne sont pas applicables :
« 1° Aux entités constituées en conformité avec la législation d’un État qui n’est pas membre de l’Union européenne ;
« 2° Aux entités constituées en conformité avec la législation d’un État membre de l’Union européenne lorsque celles-ci sont contrôlées au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ou lorsque 25 % des droits de vote sont détenus par une ou plusieurs personnes physiques non ressortissantes de l’Union européenne ou entités visées au 1°. »
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement, dont l’objet est similaire, vise à restreindre le bénéfice du CIR aux seules entreprises européennes.
M. le ministre tout à l’heure a soulevé la question de l’attractivité. Je rappelle encore une fois le coût du crédit d’impôt recherche, qui est de l’ordre de 7 milliards d’euros.
Je ne suis pas une spécialiste du crédit d’impôt recherche, contrairement à d’autres dans cet hémicycle. Les entreprises étrangères connaissent très bien le bénéfice de ce dispositif et ont bien compris que la France disposait de grands ingénieurs et de grands chercheurs. Toutefois, une fois que le brevet est mis au point, le développement ne se fait pas chez nous.
M. Vincent Segouin. Exactement !
Mme Sylvie Vermeillet. C’est sans doute dû aussi au fait que nos entreprises ne sont pas capables de réaliser ce développement. Il n’en demeure pas moins que les entreprises étrangères viennent chercher le bénéfice du crédit d’impôt recherche chez nous, utilisent nos cerveaux, nos têtes bien faites, et, une fois que le brevet est déposé, développent dans leur pays, chez elles. C’est complètement contre-productif par rapport à ce que la France tente de mettre en place.
J’entends qu’une réflexion autour du crédit d’impôt recherche est en cours, et j’en suis très heureuse. Cet amendement vise donc à restreindre le bénéfice du crédit d’impôt recherche, et, au-delà, à garantir que, une fois le brevet déposé, le développement se fera en France.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous voulons tous que les dépenses engagées par le crédit d’impôt recherche aient des retombées en France et en Europe. Reste que l’article du code relatif au CIR prévoit déjà que les dépenses, pour être éligibles à ce dispositif, soient réalisées à l’occasion d’opérations localisées au sein de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen.
À ce stade, il me paraît préférable d’en rester là. Il pourrait en effet être hasardeux de discriminer en fonction de la nationalité des entreprises.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Conditionner le versement préalable d’un crédit d’impôt recherche au fait que la production subséquente ait lieu en France serait extrêmement compliqué à mettre en œuvre – cela supposerait d’envisager d’éventuels remboursements.
En revanche, cet argument est tout à fait pertinent, et ce qui est proposé au travers de cet amendement est déjà intégré dans la réflexion autour de France 2030. Un certain nombre d’appels à projets, y compris pour des enjeux d’innovation, sont conditionnés au fait que la production ait lieu en France ou en Europe.
Pour ma part, je suis très heureux qu’il y ait beaucoup de recherche et d’innovation en France. Il faut faire en sorte de la conserver, quitte à adapter le dispositif ici ou là. Pour avoir été député des Français d’Amérique du Nord, je connais certains de nos compatriotes installés aux États-Unis qui réinstallent leur centre de recherche en France et qui recrutent des ingénieurs dans notre pays. Si l’on peut en plus avoir la production en France, c’est tant mieux !
Je sollicite donc, moi aussi, le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.