Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement vise à prévoir que toute jeune entreprise innovante relevant d’un secteur stratégique continue de bénéficier des avantages associés à ce statut pendant dix ans.
Pour définir ce caractère stratégique, il est proposé de retenir la présence de l’État, soit au capital, soit au sein de la gouvernance de l’entreprise.
Ce nouveau statut de jeune entreprise stratégique a vocation à adapter le dispositif protecteur de la jeune entreprise innovante aux spécificités de l’innovation dans les technologies de rupture, qui exigent souvent des cycles de recherche et développement (R&D) très longs. Par ailleurs, il faut que nous protégions les secteurs sensibles de notre économie, comme l’ont montré certains rachats récents par des entreprises étrangères. Nous devons nous réarmer, monsieur le ministre.
Mme la présidente. L’amendement n° I-488 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus et Grand, Mme Mélot et MM. Lagourgue, A. Marc, Chasseing, Guerriau, Wattebled et Decool, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 44 sexies-0 A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À l’expiration de la durée prévue au 2 du présent article, toute jeune entreprise innovante comptant l’État à son capital et au sein de son conseil d’administration, est qualifiée de jeune entreprise stratégique. Elle bénéficie des avantages prévus à l’article 44 sexies A pendant cinq années supplémentaires ou jusqu’à son passage à 250 salariés et l’atteinte d’un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros. »
II. – La perte de recettes pour l’État résultant du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement de repli vise à faire bénéficier les jeunes entreprises innovantes relevant d’un secteur stratégique des avantages associés à ce statut pendant cinq ans et non dix ans.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Les dispositions de l’amendement n° I-487 rectifié me paraissent remettre en cause, d’une certaine manière, le principe même des jeunes entreprises innovantes, puisque ce dispositif avait été conçu comme une aide au démarrage des entreprises.
Le délai prévu actuellement par la loi me paraît suffisant. Il ne me semble pas pertinent de maintenir une entreprise dans ce statut pendant près de vingt ans. Certes, pour un être humain, vingt ans, c’est la jeunesse. Mais pour une entreprise, cela correspond à trois fois l’espérance de vie moyenne.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° I-488 rectifié vise également à remettre en cause le principe du dispositif. Il ne me semble pas souhaitable de maintenir ce statut de jeunes entreprises innovantes pendant quinze ans.
Une durée de dix ans paraît constituer un équilibre satisfaisant, comme il a été dit précédemment. Passé ce délai, l’entreprise a atteint l’âge adulte et un stade confirmé. Il faut alors pouvoir sortir du dispositif.
L’avis de la commission est donc également défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je voudrais ajouter un argument important. Il est souhaitable d’éviter les distorsions de concurrence avec des entreprises matures, au profit d’entreprises plus tout à fait jeunes et peut-être même plus tout à fait aussi innovantes après quinze, seize ou dix-sept ans d’existence.
En raison de l’équilibre trouvé par le Sénat, qui est déjà plus ambitieux que celui que je proposais précédemment, le Gouvernement suggère le retrait de ces amendements.
Mme la présidente. Madame Paoli-Gagin, les amendements nos I-487 rectifié et I-488 rectifié sont-ils maintenus ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. Je le précise, il s’agirait d’une catégorie supplémentaire, qui ne se substituerait pas aux JEI. Il existe des secteurs extrêmement stratégiques, comme le quantique ou le nucléaire, pour lesquelles les étapes à franchir sont très longues. Cette proposition ne me semblait pas exagérée au regard de la science.
Cela dit, je retire mes amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos I-487 rectifié et I-488 rectifié sont retirés.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je souhaite évoquer les amendements visant le crédit d’impôt recherche. En effet, nous allons aborder cette séquence du débat.
Les auteurs de ces amendements proposent, par des biais différents et nombreux, des modalités de réforme de ce crédit d’impôt. Je salue le travail de notre collègue Vanina Paoli-Gagin et de M. Redon-Sarrazy, qui ont cherché à donner corps aux propositions formulées dans le rapport de la mission d’information sénatoriale dont le thème était « Excellence de la recherche/innovation, pénurie de champions industriels, cherchez l’erreur française ». Ce rapport a pointé un certain nombre d’erreurs.
Les amendements qui suivent visent notamment à plafonner le bénéfice du crédit d’impôt recherche à 100 millions d’euros de dépenses éligibles ; à calculer le plafond de ces 100 millions d’euros de la tranche dotée d’un taux de 30 %, au niveau du groupe, plutôt qu’au niveau de chaque entreprise, lorsque celle-ci évidemment est membre d’un groupe ; d’augmenter le taux du CIR, soit globalement, soit pour certaines dépenses vertueuses ; de doubler le plafonnement des dépenses éligibles au crédit d’impôt innovation dédié aux PME ; de créer un crédit d’impôt spécifique en faveur des PME, sur le modèle d’un « coupon recherche-innovation » ; enfin, de conditionner davantage le bénéfice du CIR au respect de critères environnementaux et sociaux par l’entreprise.
L’ensemble de ces propositions a retenu mon attention. Toutefois, une réforme efficiente du CIR doit être globale, inclure son verdissement et appréhender globalement les évolutions de ces paramètres.
Je le rappelle, il s’agit de l’une des principales dépenses fiscales de l’État, qui représente environ 7 milliards d’euros, en tout cas en 2022.
Le Gouvernement s’est déclaré ouvert à une évolution du CIR, pour favoriser les dépenses orientées vers la transition écologique. Je propose de saisir la balle au bond pour adapter ce crédit d’impôt aux besoins économiques, technologiques et environnementaux de nos entreprises, comme de notre société, et cela dans le respect de l’équilibre de nos comptes publics.
J’invite donc le Gouvernement, s’il en est d’accord, à travailler en concertation avec les parlementaires et, bien sûr, avec les sénateurs, pour construire un CIR modernisé l’an prochain.
Dans cette perspective, la commission demandera le retrait de ces amendements chaque fois que leurs dispositions ont un impact sur le PLF pour 2023.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. En tant que ministre délégué chargé de l’industrie, il m’arrive régulièrement de recevoir dans mon bureau de grands investisseurs internationaux et des représentants des grandes entreprises internationales envisageant de s’installer en France.
Depuis cinq ans, chacun peut le reconnaître, l’attractivité de la France est en très forte progression, ce qui se traduit par des projets concrets, des emplois sauvés et d’autres emplois créés.
Or à chacune de ces rencontres, le CIR est mentionné, avec des accents parfois variés, comme une marque très importante d’attractivité de la France. Mon conseil serait donc de ne modifier cette disposition qu’avec une main tremblante, comme certains l’ont dit de notre Constitution.
Nous sommes prêts à des évolutions. M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, l’a d’ailleurs déclaré. Mais je rejoins le rapporteur général dans sa volonté de réaliser cette réforme dans le cadre d’un travail construit avec les deux chambres, dans la durée, qui permettra de faire évoluer ce dispositif en le rendant, je l’espère, plus efficace, notamment sur le plan écologique.
En effet, il convient d’être prudent : ce dispositif est extrêmement apprécié et efficace et il est aujourd’hui très bien identifié comme l’un des facteurs essentiels de l’attractivité de la France.
Je rejoins donc le point de vue de M. le rapporteur général. Et comme la commission, sur tous les amendements visant à modifier de manière importante le crédit d’impôt recherche, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° I-367 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Redon-Sarrazy, Malhuret et Capus, Mme L. Darcos, MM. Babary et Longeot, Mme G. Jourda, M. Guerriau, Mme Mélot, MM. Lagourgue, A. Marc, Chasseing, Grand, Wattebled, Menonville et Decool, Mmes Artigalas et Conway-Mouret, MM. Jeansannetas, Cardon et Pla, Mmes Jasmin et Pantel et MM. Le Nay, Montaugé et Guérini, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À l’article 220 B et au d du 4 du II de l’article 1727, après la référence : « 244 quater B », sont insérés les mots : « ou à l’article 244 quater B bis » ;
2° Après l’article 244 quater B, il est inséré un article 244 quater B bis … ainsi rédigé :
« Art. 244 quater B bis …. - I.- Les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche et d’innovation mentionnées au premier alinéa du d bis, au premier alinéa du d ter et au 6° du k du II de l’article 244 quater B.
« II. – Le taux du crédit d’impôt est de 85 % du total des dépenses éligibles exposées dans l’année, dans la limite de 35 000 €, mentionnées au I. Il fait naître une créance au profit des entreprises mentionnées au I qu’elles peuvent se faire rembourser auprès des services fiscaux au cours de l’année en cours sur présentation des factures de dépenses définies au I.
« III. – Les aides publiques reçues par les entreprises en raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt mentionné au I sont déduites des bases de calcul de ce crédit d’impôt, qu’elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Lorsque ces aides sont remboursables, elles sont ajoutées aux bases de calcul du crédit d’impôt de l’année au cours de laquelle elles sont remboursées à l’organisme qui les a versées.
« IV. – Le bénéfice du crédit d’impôt mentionné au I est exclusif du bénéfice du crédit d’impôt mentionné à l’article 244 quater B.
« V. – Le bénéfice du crédit d’impôt mentionné au I est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.
« VI. – Un décret fixe les conditions d’application du présent article. Il en adapte les dispositions aux cas d’exercices de durée inégale ou ne coïncidant pas avec l’année civile.
« VII. – Le montant total des crédits d’impôt accordés au cours d’une année en application du présent article ne peut dépasser 120 millions d’euros. »
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur général, ces amendements visent à reprendre les propositions issues de la mission d’information du Sénat lancée par le groupe Les Indépendants sur l’innovation et la recherche dans notre pays.
Cet amendement a pour objet d’instituer un « coupon recherche-innovation » de 30 000 euros à destination des PME-PMI, afin de financer leur innovation. Je précise que ce dispositif diffère de celui qui existe chez nos voisins belges, dans la mesure où ce crédit d’impôt bénéficierait aux PME ne sollicitant pas le crédit d’impôt recherche.
Pour compenser rapidement la sortie de trésorerie correspondant à la dépense effectuée par la PME auprès de prestataires, il est proposé que cette dernière puisse se faire rembourser la créance qu’elle détient auprès des services fiscaux l’année où elle effectue les dépenses, sur présentation des factures.
L’idée qui sous-tend cet amendement est vraiment d’amener les PME de nos territoires à adopter le réflexe de l’innovation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J’émettrai une demande de retrait, et cela pour deux raisons.
D’une part, le coût de ce crédit d’impôt, soit environ 120 millions d’euros, me paraît élevé.
D’autre part, ce dispositif vise certes l’intégralité des dépenses de recherche et d’innovation que les PME confient à des prestataires, mais dans la limite de 30 000 euros par entreprise et par an, ce qui limite quelque peu les effets d’entraînement.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, je suis très heureux du discours que vous venez de tenir : pour ma part, j’explique depuis cinq ans dans cet hémicycle qu’il faut reprendre le CIR dans ses fondements et que c’est un mécanisme dispendieux, dont le coût ne cesse d’augmenter et dont les effets pour la recherche ne sont pas avérés, notamment la recherche que mènent les grands groupes – pour les PME, c’est différent.
Par ailleurs, le Gouvernement soumet tous les chercheurs de la sphère publique – c’est mon cas – à des obligations de publication. Or le CIR bénéficie à de la recherche qui ne fait l’objet d’aucune publication !
M. Jérôme Bascher. C’est parce que c’est une recherche appliquée !
M. Pierre Ouzoulias. C’est pourquoi je préfère l’appeler CII, pour crédit d’impôt pour l’innovation – et non pas pour la recherche. Cette dernière obéit à d’autres modalités que ne prend pas en compte le CIR. Par ailleurs, je suis très favorable à l’amendement de notre collègue Vanina Paoli-Gagin, que je voterai.
Pour autant, quand on dresse le bilan du CIR, on constate qu’il profite très peu aux PME, alors qu’il faudrait au contraire leur offrir beaucoup plus de moyens, car c’est là que se font les processus d’innovation les plus intéressants. Tirons la leçon de ce qui se pratique en Allemagne : dans ce pays, ce sont les PME qui tirent l’innovation.
S’il était présent parmi nous, je dirais au ministre Le Maire que le problème de la France, ce n’est pas que les chercheurs sont enfermés dans leur tour d’ivoire et refusent de travailler avec l’industrie. C’est que, en face, ils n’ont pas de partenaire. Mes collègues chercheurs allemands ont, en face d’eux, des PME, pour résumer la situation.
Pour conclure, j’indique que le présent amendement est en quelque sorte gagé par celui que je m’apprête à présenter, lequel vise, pour les grands groupes, à calculer le CIR en appliquant un plafond à la somme des dépenses de recherche engagées.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. J’aimerais que l’on en revienne à la recherche, qui se joue sur le temps long, comme le sait bien notre collègue Ouzoulias.
À quand remontent tous ces dispositifs ? Tant le statut de jeune entreprise innovante que le crédit d’impôt recherche ou l’Agence nationale de la recherche ont été créés pendant le second mandat de Jacques Chirac. Or il faut du temps long, il faut de la constance.
À l’époque, le crédit d’impôt recherche a permis d’attirer les investisseurs étrangers en France et d’éviter que les centres de recherche ne se délocalisent. Gardons en mémoire les mouvements de délocalisation, notamment vers les Pays-Bas et les États-Unis. Nous avons pu inverser le mouvement.
Vous le savez bien, monsieur le ministre, c’est ainsi que les choses se sont déroulées, et les grands groupes y ont pris toute leur part. Et, comme vous l’avez dit, c’est aussi grâce au CIR que la France est attractive pour les chercheurs de toutes origines. À l’époque, il était déjà question de l’Inde, laquelle est devenue aujourd’hui une véritable concurrente en matière de recherche, notamment dans des domaines fondamentaux où, pourtant, la France était forte, comme l’espace, le numérique ou l’optique. Si nous voulons rester en pointe, il est donc important de maintenir ces dispositifs.
Certes, on peut faire évoluer les choses à la marge. Dans une loi de finances ou une loi de finances rectificative, on peut prendre des mesures d’urgence. Ce qui importe, ce sont les politiques de long terme, c’est la persévérance. Et si vous observez ce qui s’est passé durant ces années-là, vous constaterez que ces dispositifs conçus pour le long terme ont fait leurs preuves.
M. Antoine Lefèvre. Utile rappel !
Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour explication de vote.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Je ne voudrais pas me laisser enfermer dans une binarité éhontée : je suis pour le crédit d’impôt recherche et je comprends qu’il représente un facteur d’attractivité. Je ne souhaite pas, pour des raisons que vous avez développées, mes chers collègues, toucher à cette niche fiscale de 6,6 milliards d’euros, qui s’inscrit dans le temps long. Ce n’est pas mon sujet.
À l’intérieur de cette enveloppe, je souhaite seulement procéder à quelques réaménagements à la marge, en limitant le CIR à la fraction des dépenses de recherche inférieure à 100 millions d’euros. Et quand une entreprise étrangère s’installe en France uniquement pour bénéficier de ce dispositif, je dis qu’elle le fait pour de mauvaises raisons. Là aussi, n’ayons pas la mémoire courte et observons sur le temps long les pratiques de certains grands groupes étrangers sur notre territoire. (M. Jérôme Bascher s’exclame. – M. Pierre Ouzoulias renchérit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Pierre Ouzoulias l’a dit, cela fait des années qu’une partie de cet hémicycle s’interroge sur le CIR. Pour ma part, j’ai longtemps compté parmi ceux qui disaient c’était un outil essentiel et que, dans ce domaine, comme l’a indiqué Jérôme Bascher, il fallait faire preuve de constance.
Pour autant, la situation des finances publiques est telle qu’aucune mesure d’économie n’est taboue et que tous les champs peuvent être explorés. M. le ministre a fait des annonces, M. le rapporteur général a évoqué un processus. Pour ma part, j’estime qu’il n’est pas soutenable, vis-à-vis de l’opinion publique, qu’un tel crédit d’impôt – d’attractivité ou d’innovation – ne puisse faire l’objet d’un examen à la paille de fer.
À l’issue de ce travail, soit l’on considère que le CIR est un instrument essentiel, qui se justifie pleinement, soit l’on estime qu’il faut y apporter des corrections. Je le répète, au regard de la situation de nos finances publiques, rien ne justifie que l’on fasse l’économie d’un tel examen.
Je suis pour l’attractivité, je suis conscient des enjeux qui se posent, je pense que l’industrie doit être soutenue et l’innovation encouragée, de même que la productivité, mais ne nous enfermons pas dans cette posture consistant à remettre à plus tard la résolution de ce problème.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-367 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° I-921 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le b du 1 de l’article 223 O du code général des impôts est complété par les mots : « calculée en appliquant le plafond de 100 millions d’euros prévu au I de l’article 244 quater B du code général des impôts à la somme des dépenses de recherche engagées par chacune des sociétés du groupe ».
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Je veux tout d’abord dire à notre collègue Jérôme Bascher que, certes, il faut de la continuité. Mais, si l’on ne fait rien, le coût du CIR augmentant de 500 millions d’euros chaque année, ce dispositif représentera 10 milliards d’euros à la fin de la mandature ! À un moment, il faut donc s’interroger.
Par ailleurs, 26 des plus grosses entreprises ont bénéficié de 1,8 milliard d’euros au titre du CIR, soit 26 % du total de ce dispositif.
Comme vous, j’ai de très bonnes lectures. Ainsi, dans la dernière note du Conseil d’analyse économique, Philippe Aghion écrit que le CIR « est une dépense fiscale élevée dont l’efficacité est faible pour […] les grandes entreprises. » Et la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (Cnépi) estime quant à elle qu’il « n’existe pas d’effet avéré du CIR sur l’innovation des entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises ».
À ce jour, toutes les enquêtes montrent qu’une petite entreprise, avec 1 million d’euros de CIR, produit deux fois et demie plus de brevets qu’une grande société. Il convient donc désormais de réfléchir à l’efficacité d’un dispositif qui nous coûte extrêmement cher, en ciblant celui-ci sur les petites entreprises.
Nous formulons donc une proposition extrêmement modeste, comme M. le rapporteur général l’a lui-même dit : plafonner le crédit d’impôt recherche à hauteur de 100 millions d’euros au niveau d’un groupe, et non au niveau de chaque entreprise d’un même groupe.
C’est la seule façon d’obtenir un vrai débat sur le CIR, débat qui nous est refusé par chaque gouvernement depuis environ une dizaine d’années.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Comme je l’ai indiqué dans mon propos introductif à l’ensemble de ces amendements, c’est une demande de retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-921 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-1234 rectifié est présenté par Mmes Billon, Sollogoub, Doineau et Morin-Desailly et MM. Levi, Henno, Hingray, Poadja, Laugier, Le Nay, Lafon, Janssens, Delcros, Duffourg et Kern.
L’amendement n° I-1359 rectifié bis est présenté par MM. Corbisez, Cabanel, Artano et Bilhac, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au début du premier alinéa du I de l’article 244 quater B du code général des impôts, sont ajoutés les mots : « Sous réserve de la publication annuelle et en transparence d’indicateurs environnementaux, sociaux et de gouvernance dont les modalités sont définies par décret, ».
II. – Au plus tard le 1er mars 2023, le Gouvernement définit par décret les modalités de publication des données standardisées, du plan de transition et précise les procédures de sanction aux manquements des entreprises aux obligations prévues au présent article.
III – Le II entre en vigueur au plus tard le 1er janvier 2024.
La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l’amendement n° I-1234 rectifié.
M. Bernard Delcros. Chaque année, le crédit d’impôt recherche bénéficie à environ 20 000 entreprises, pour un coût supérieur à 6 milliards d’euros.
Alors que nous devons faire face aux enjeux écologiques que l’on sait, nous proposons, via cet amendement porté par Annick Billon, de « verdir » ce dispositif en le conditionnant à la publication d’un ensemble d’indicateurs de performance sociale, environnementale et de gouvernance.
Une telle mesure permettrait d’allier attractivité, innovation, justice sociale et transition écologique.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° I-1359 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement identique, dont le premier signataire est Jean-Pierre Corbisez, est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Je ne comprends pas bien la position du ministre. La semaine dernière, le Président de la République a annoncé le déblocage de 5 milliards d’euros pour décarboner les entreprises les plus polluantes et le versement, sous conditions, d’une seconde tranche d’un même montant. Ainsi, la fixation de tels critères atteste une volonté de « verdissement ».
Or, au moment du plan de relance, on a ouvert les vannes de l’argent public, arrosant toutes les entreprises sans aucun critère, alors que l’on aurait pu anticiper en fixant des conditions, comme on l’a fait la semaine dernière.
Il faut aller plus vite. Je voterai donc ces deux amendements identiques tendant à verdir le crédit d’impôt recherche.