M. Olivier Dussopt, ministre. C’est tout le contraire de ce qu’il faudrait faire si nous souhaitons que notre système soit plus protecteur durant les périodes de difficultés d’emploi.

Par ailleurs, la France se caractérise par un taux de chômage structurel qui reste assez élevé, et ce malgré les tensions actuelles en matière de recrutement. Le régime actuel d’assurance chômage, construit pour l’essentiel dans un contexte de chômage de masse, n’incite pas suffisamment au retour à l’emploi. Il reste globalement l’un des plus généreux d’Europe, notamment en ce qui concerne la durée d’indemnisation et les seuils d’éligibilité.

Il est donc nécessaire de renforcer le retour à l’emploi rapide lorsque les opportunités d’emplois sont dynamiques. En revanche, quand il y a moins d’emplois, il est nécessaire que les règles deviennent plus protectrices. Nous sommes en train de discuter de ce principe de contracyclicité avec les partenaires sociaux. Je précise que nous sommes ouverts à des aménagements sur les questions de durée d’affiliation ou de durée d’indemnisation, mais que nous ne souhaitons pas que cette modulation concerne le montant des allocations dans la mesure où le montant des indemnisations a déjà été modifié avec la réforme de 2019.

M. Michel Savin. Donc, cela ne sert à rien ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Nous voulons donc réformer notre système pour qu’il soit plus incitatif, mais nous ne voulons pas non plus qu’il devienne aussi strict que dans d’autres pays. Il faut rappeler, par exemple, que la durée maximale d’indemnisation est en Allemagne ou en Suède de douze mois. Ces pays ne se caractérisent pourtant pas par un manque de protection sociale…

Il faut aussi rappeler que le taux de conversion, c’est-à-dire le ratio entre la période de calcul des droits et la durée d’indemnisation est de 1 en France, mais qu’elle est de 0,5 en Allemagne, en Italie, en Irlande et de 0,4 aux Pays-Bas, en Espagne et au Portugal.

Nous travaillons à un mécanisme de modulation des règles d’indemnisation du chômage en fonction de l’état du marché du travail. La concertation engagée avec les partenaires sociaux devrait durer six à huit semaines, pour aboutir d’ici à la fin de l’année.

De nombreuses questions se posent. Quels sont les paramètres dont la modulation a le plus d’impact sur l’emploi ? Quels sont les indicateurs qui permettent de rendre compte le plus fidèlement possible du cycle économique et de la manière la plus réactive ?

Une fois que nous aurons refermé ce chapitre autour de la modulation des règles d’indemnisation, nous ouvrirons un nouveau cycle de négociations interprofessionnelles, afin de parvenir à un accord national interprofessionnel majoritaire en matière de gouvernance de l’assurance chômage. Ce sera l’occasion de redonner toute sa place au paritarisme.

C’est la raison pour laquelle nous avons limité l’application du texte législatif que nous vous présentons aujourd’hui à quatorze mois, c’est-à-dire au 31 décembre 2023.

Les autres dispositions du projet de loi concernent la restauration de la définition du collège électoral aux élections professionnelles pour tenir compte des conséquences d’une question prioritaire de constitutionnalité. Par ailleurs, un article du texte permet la ratification d’ordonnances que le Parlement avait habilité le Gouvernement à prendre. Enfin, ce projet comporte des articles sur la formation professionnelle ; Carole Grandjean les évoquera dans quelques instants.

En conclusion, je remercie l’ensemble des sénatrices et des sénateurs ayant participé aux débats en commission des affaires sociales, au premier rang desquels les deux rapporteurs. Un certain nombre de dispositions bienvenues ont été ajoutées au texte par votre commission en matière de contracyclicité ou de sécurisation juridique de la procédure, notamment en assimilant l’abandon de poste à une démission.

M. Michel Savin. Très bien !

M. Olivier Dussopt, ministre. Nous leur apporterons notre soutien.

En revanche, comme le savent les deux rapporteurs, je suis plus réservé sur la disposition visant à sanctionner le refus de CDI ou sur celle relative au déplafonnement de la durée maximale des contrats intérimaire.

M. Michel Savin. Dommage…

M. Olivier Dussopt, ministre. Ma réserve est encore plus forte sur les restrictions apportées par votre commission au système de bonus-malus. Mais nous aurons tout le loisir d’en débattre plus longuement durant l’examen des articles du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de linsertion et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de lenseignement et de la formation professionnels. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, à la suite du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, j’ai le plaisir de vous présenter notre projet pour la validation des acquis de l’expérience, qui s’inscrit pleinement dans notre ambition collective de construction d’une société des compétences vers le plein emploi.

Pour y parvenir, tous les outils à notre disposition doivent être mobilisés et rénovés lorsque c’est nécessaire. La VAE fait partie des dispositifs connus par nombre de nos concitoyens. Malgré cela, elle est trop peu utilisée par eux au bénéfice de leurs parcours professionnels.

Elle a pourtant toute sa place au service de la promotion, des transitions et des reconversions professionnelles. Elle doit redevenir un outil pour soutenir la trajectoire professionnelle de tous les actifs. Elle doit être plus attractive, plus simple d’accès, plus moderne et plus valorisante.

Elle doit s’adapter aux expériences de plus en plus variées de nos concitoyens, tantôt faites d’engagement associatif, de bénévolat, de fonctions syndicales, de salariat, d’aide familiale. Parce que les compétences d’aujourd’hui s’acquièrent dans de nombreuses situations, nos politiques publiques doivent d’adapter : c’est tout le sens de notre projet.

Les dispositions de l’article 4 visent ainsi à fonder une VAE de nouvelle génération. Nous avons tous ici entendu les critiques portées à la VAE d’aujourd’hui : trop longue, trop administrative, trop complexe, mal adaptée à certains profils. C’est un véritable parcours du combattant.

Les Français, salariés comme dirigeants d’entreprise, ne s’y trompent pas. Seulement 30 000 parcours ont été réalisés l’an dernier, soit deux fois moins qu’il y a dix ans. La VAE est source d’abandons et de trop nombreuses désillusions.

Et pour cause, la durée moyenne d’un parcours est aujourd’hui de dix-huit mois, au cours desquels le candidat devra franchir de nombreuses étapes, et évoluer dans un monde complexe fait de statuts et de financeurs, de certificateurs et de référentiels, de compétences visées et de preuves administratives, souvent seul face à son projet.

La VAE est pourtant efficace à l’appui de la construction de véritables parcours d’accès à l’emploi, pour donner du sens aux carrières de nos concitoyens. C’est pourquoi nous promouvons une approche universaliste de notre action, dans une véritable logique de service public, pour atteindre les 100 000 parcours d’ici à la fin du quinquennat.

Les dispositions qui vous sont soumises conduisent donc à lever les freins pour favoriser un plus large accès à la VAE. Nous souhaitons tout d’abord, comme vous le savez, permettre un plus large accès à la VAE des proches aidants.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour permettre à celles et à ceux qui interrompent leur carrière pour prendre soin d’un proche de faire reconnaître sur le marché du travail les nouvelles compétences acquises en situation d’aidance, qu’elles relèvent de gestes professionnels ou de compétences transversales, comme les savoir-être.

La commission des affaires sociales de votre assemblée a souhaité fixer dans la loi le principe d’un accès universel à la VAE. Si l’approche paraît évidemment séduisante à première vue, elle comporte toutefois le risque, déjà relevé par certaines associations d’aidants familiaux, que le public ne soit pas clairement identifié par le prochain service public, ce à quoi le Gouvernement veillera de manière très attentive.

Nous entendons également les craintes des associations d’aidants relatives à une approche adéquationniste de la VAE des proches aidants. Je veux ici les rassurer : les aidants, comme toutes celles et tous ceux qui se lanceront dans une procédure de VAE, pourront aussi, s’ils le souhaitent, faire reconnaître leurs compétences en vue d’acquérir des certifications relevant d’autres secteurs.

Le texte qui vous est soumis vise également à simplifier la procédure de VAE, ainsi que son environnement juridique, tout en sécurisant le parcours des candidats. J’ai constaté avec plaisir que la commission des affaires sociales et les rapporteurs avaient confirmé l’importance de ce mouvement de simplification en acceptant telles quelles les dispositions que nous avons introduites.

Il est question dans ce texte de simplifier le droit en posant dans la loi les fondamentaux d’une procédure de VAE, et en renvoyant à la compétence réglementaire les détails de mise en œuvre d’une nouvelle procédure que nous voulons plus simple, plus rapide et surtout moins administrative qu’aujourd’hui.

Cette simplification passe, notamment, par la possibilité de faire valider des blocs de compétences par la VAE, afin qu’elle se positionne au cœur des stratégies individuelles vers l’emploi.

La VAE de demain doit également maximiser les chances de succès de celles et de ceux qui se portent candidats à la certification via un tel parcours.

Le texte que vous allez examiner procède ainsi au doublement du congé VAE pour les salariés, afin de leur donner plus de temps pour préparer leur passage devant le jury.

M. François Bonhomme. Quelle audace ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Nous savons également que la durée des parcours est une source de réussite. Il n’est plus acceptable que les candidats soient contraints d’attendre parfois jusqu’à huit mois leur passage devant un jury. C’est pourquoi le texte prévoit de simplifier les règles relatives à l’organisation et à la composition des jurys.

Le projet que nous vous soumettons aujourd’hui est enfin celui qui fera entrer la VAE dans la modernité. C’est une VAE plus digitale, plus accessible et mieux adaptée aux enjeux du numérique que nous vous proposons.

C’est dans cette perspective que nous souhaitons créer un véritable service public national de la VAE, qui aura pour mission de mieux piloter cette politique publique, en vue d’optimiser les parcours et donc la réussite des candidats.

C’est dans cet esprit que nous souhaitons doter la VAE d’un espace stratégique de coordination, resserré autour des acteurs compétents, car nous sommes convaincus que c’est en combinant les expertises de chaque acteur que nous parviendrons à redorer le blason de la VAE.

Je tiens toutefois à dire que cet espace de coordination n’a de chances de réussir que s’il est agile et adaptable, ce qui implique une gouvernance du groupement d’intérêt public (GIP) strictement limitée aux acteurs compétents, faute de quoi nous recréerions les conditions d’une politique publique trop complexe à mettre en œuvre. Je salue ainsi l’engagement à nos côtés des régions, qui auront leur rôle à jouer dans la mise en œuvre de cette VAE modernisée, au service des stratégies locales de développement de l’emploi et des compétences.

Pour donner une assise à ce service public, le texte prévoit la création d’un espace numérique dédié, point d’entrée unique en matière d’information, de promotion et de conseil pour les usagers.

Le Gouvernement a également entendu la volonté des acteurs de l’accompagnement à la VAE d’expérimenter la possibilité d’une VAE dite « inversée ».

Son principe est de rendre le processus d’acquisition des compétences par l’emploi et la formation concomitants à celui de la reconnaissance de ces mêmes compétences par la VAE, afin de proposer des parcours individualisés d’accès aux certifications dans les métiers en tensions de recrutements. Il s’agira, par exemple, de valoriser enfin les contrats de « faisant fonction » en les transformant en de véritables tremplins vers la certification et l’emploi durable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, nous pouvons donner un nouveau souffle à la VAE.

Avec cette réforme, nous allons mieux reconnaître les compétences de chacun et permettre au plus grand nombre de s’émanciper. C’est un véritable progrès social et un grand rebond culturel pour notre pays.

Je compte donc sur vous tous pour voter largement cet article et, au-delà, ce texte, afin de faire du droit à la reconnaissance permanente des compétences un droit réel et tangible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Discussion générale (suite)

12

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence, dans la tribune d’honneur, d’une délégation du Sénat de Côte d’Ivoire conduite par son président, Son Excellence M. Jeannot Ahoussou-Kouadio, qui s’est entretenu avec le président Larcher hier soir. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre et Mme la ministre déléguée se lèvent.)

La délégation est accompagnée par notre collègue André Reichardt, président du groupe d’amitié France-Afrique de l’Ouest. Je tiens à souligner la grande qualité de nos relations interparlementaires.

La Côte d’Ivoire a fait le choix du bicamérisme dans sa constitution de 2016, ce dont nous nous félicitons. En février 2020, le président Larcher avait participé, avec plusieurs de nos collègues, au premier forum du Sénat ivoirien avec les collectivités territoriales, à Yamoussoukro. Nos deux Sénats sont engagés dans une coopération étroite, portant notamment sur l’évaluation des politiques publiques et la qualité des travaux législatifs.

Au-delà, je veux saluer l’action du président Ouattara pour faire de la Côte d’Ivoire un pôle de stabilité, dans un environnement régional troublé, et ses efforts pour renouer le dialogue politique. Cette voie n’est pas nécessairement la plus facile. Mais elle est la plus prometteuse.

Nos deux pays sont par ailleurs engagés dans un partenariat étroit qui porte ses fruits dans tous les domaines, singulièrement en matière de sécurité et de défense, pour mieux combattre le terrorisme. Nous mesurons pleinement l’ampleur des mesures prises par les autorités ivoiriennes pour protéger les Ivoiriens de ce fléau.

Monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à Son Excellence M. Jeannot Ahoussou-Kouadio et à sa délégation la plus cordiale bienvenue au Sénat français. (Applaudissements prolongés.)

13

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Discussion générale (suite)

Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.

Discussion générale (suite)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Question préalable

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, l’ambition du projet de loi « d’urgence » que nous présente le Gouvernement est plus limitée que son intitulé ne le suggère : il s’agit, pour l’essentiel, de proroger les règles actuelles du régime d’assurance chômage.

Ce texte soulève néanmoins des questions cruciales sur les objectifs, la gouvernance et le financement de ce régime. Il semble en effet signer l’échec de la réforme de la gouvernance de l’assurance chômage issue de la loi de 2018 : alors que les règles d’indemnisation du chômage fixées par le « décret de carence » du 26 juillet 2019 cesseront d’être applicables à compter du 1er novembre 2022, aucun processus de négociation, assorti d’un document de cadrage, n’a été engagé pour définir de nouvelles règles.

Afin de donner une base légale et réglementaire à l’indemnisation des demandeurs d’emploi après cette date, l’article 1er autorise le Gouvernement à prendre par décret en Conseil d’État les mesures d’application du régime d’assurance chômage jusqu’au 31 décembre 2023, ainsi qu’à prolonger l’application du bonus-malus sur les contributions d’assurance chômage jusqu’au 31 août 2024.

Attachée à la gestion paritaire de l’assurance chômage, la commission considère que ces mesures dérogatoires ne doivent être applicables que pour une durée proportionnée à la nécessité de l’urgence, d’autant que cette urgence résulte largement de l’abstention du Gouvernement. En conséquence, elle a avancé du 31 décembre au 31 août 2023 la date limite d’application de l’ensemble des mesures qui pourront être prises par décret.

La période d’application de ce décret devra être utilisée pour engager des concertations destinées à faire évoluer la gouvernance de l’assurance chômage, afin de tirer les leçons de l’échec de la réforme de 2018.

À cette fin, la commission a prévu d’abroger les dispositions du code du travail relatives à la procédure de négociation des accords relatifs au régime d’assurance chômage sur le fondement d’une lettre de cadrage. Elle a également défini une procédure transitoire inspirée de l’article L. 1 du code du travail, faisant intervenir le Gouvernement par le biais d’un document d’orientation, en vue de la négociation d’un accord.

Parallèlement à cette restauration du paritarisme, la commission a souhaité renforcer, à l’article 1er bis AA, le cadre de l’indemnisation du chômage.

Elle a d’abord proposé que le droit à l’allocation d’assurance ne soit pas ouvert à un demandeur d’emploi ayant refusé trois propositions de CDI à l’issue d’un CDD, au cours des douze derniers mois.

En outre, elle a jugé indispensable, pour pouvoir mettre en place une indemnisation contracyclique, d’inscrire dans le code du travail que les droits à l’allocation chômage peuvent être modulés en fonction d’indicateurs conjoncturels.

À l’article 2, la commission a entendu modifier les paramètres du bonus-malus sur les contributions d’assurance chômage en allant bien au-delà du dispositif proposé, qui prévoit la transmission aux employeurs des données individuelles servant au calcul de la modulation. En effet, tel qu’il a été conçu, le bonus-malus est inefficace, car il ne cible pas réellement les contrats courts, les CDD ne représentant que 2 % des fins de contrat prises en compte. Afin de recentrer ce dispositif sur sa vocation première de lutte contre la permittence, la commission a limité les fins de contrat prises en compte aux seuls CDD d’une durée inférieure ou égale à un mois, à l’exclusion des cas de remplacement de salariés absents, excluant donc du dispositif les fins de CDI et les fins de mission d’intérim.

En outre, afin d’atténuer les effets du bonus-malus pour les entreprises concernées, elle a limité la modulation du taux de 4,05 % à plus ou moins 0,5 point, au lieu de 1 point.

La commission a approuvé l’article 1er bis A, inséré par l’Assemblée nationale, qui prévoit que le salarié en abandon de poste est présumé avoir démissionné, notamment au regard des règles d’indemnisation du chômage, tout en veillant à préciser la procédure applicable.

Elle a également adopté l’article 2 bis, qui réactive l’expérimentation du CDD multi-remplacement, et inséré un article 2 ter, qui supprime la durée maximale de trente-six mois applicable aux missions d’intérim réalisées dans le cadre d’un CDI intérimaire.

Enfin, la commission a adopté un amendement de notre collègue Philippe Bas, qui prévoit une procédure plus équitable pour les collectivités territoriales auxquelles il est demandé d’indemniser un ancien agent au chômage.

Madame, monsieur les ministres, vous l’aurez compris, notre commission a souhaité redonner l’initiative aux partenaires sociaux et rendre certains dispositifs plus justes et plus adaptés aux besoins des employeurs et des salariés, dans un contexte de fortes inquiétudes pour l’emploi.

Mes chers collègues, nous vous invitons à adopter ce projet de loi modifié par la commission des affaires sociales. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer Mme la présidente de la commission des affaires sociales, et à la remercier pour l’aisance et la précision avec lesquelles elle a conduit nos débats, ainsi que ma collègue rapporteur Frédérique Puissat pour son allant, son sens du collectif et le dialogue que nous avons entretenu tout au long de nos travaux. Tous les ingrédients étaient présents pour aboutir à un bon texte !

Outre les dispositions relatives à l’assurance chômage présentées par ma collègue, le présent projet de loi vise également à développer la validation des acquis de l’expérience.

Troisième voie d’obtention d’une certification, à côté de la formation initiale et de la formation continue, la VAE permet de renforcer l’employabilité des personnes concernées, de favoriser la progression des carrières et de répondre aux besoins du marché du travail. Elle permet aussi à ceux qui n’ont pas pu accéder à la formation initiale de faire reconnaître leurs compétences.

Trop complexe, peu connue et insuffisamment valorisée, la VAE est aujourd’hui très peu sollicitée. Il s’agit même d’une voie « mal aimée ». Elle pourrait dire ainsi, comme dans la chanson de Claude François : « J’ai besoin qu’on m’aime mais personne ne [me] comprend »… (Sourires au banc des commissions.) Le recours au dispositif diminue depuis quelques années et le nombre de candidats baisse également à chaque étape du parcours, du dépôt du dossier jusqu’à l’obtention de la certification.

L’article 4 prévoit de renforcer l’accompagnement des candidats et de faciliter l’accès à la VAE : éligibilité des proches aidants, prise en compte des périodes de mise en situation professionnelle, accompagnement des candidats dès la constitution de leur dossier et financement du parcours par les associations de transition professionnelle. Ces différentes évolutions, bienvenues, ont été substantiellement complétées à l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement ; nous les approuvons.

Il est ainsi proposé d’instituer un service public de la VAE, dont la mission est d’orienter et d’accompagner tout demandeur. Un groupement d’intérêt public (GIP), qui réunira notamment l’État et les régions, sera chargé de mettre en œuvre ce service public à l’échelon national. Il devra favoriser l’information et l’orientation des demandeurs, promouvoir la VAE et contribuer à l’animation et à la cohérence des pratiques sur le territoire.

La commission a souhaité s’inscrire dans la logique de cette réforme, en complétant le dispositif sur deux points.

D’une part, elle a supprimé la longue liste des catégories de personnes et des types d’activités éligibles à la VAE. La nécessité d’y ajouter les proches aidants a montré qu’une telle énumération pouvait exclure certaines personnes dont l’expérience peut correspondre à des compétences professionnelles et mérite d’être reconnue.

La commission est donc sortie d’une approche par statut, en posant le principe selon lequel la VAE est ouverte à toute activité en lien avec la certification visée. Cette approche nous semble plus conforme à la logique de la réforme engagée. Tel est d’ailleurs notre cap, sur le modèle rhénan, c’est-à-dire à la fois le paritarisme, comme l’a dit Frédérique Puissat, et le refus de tout corporatisme.

D’autre part, la commission a complété les missions du GIP, afin que celui-ci prenne mieux en compte les besoins en qualification des territoires. Suivant cette approche, elle a prévu que le groupement serait présidé par un président de conseil régional.

De plus, les ministères certificateurs devront déployer les moyens nécessaires au recrutement et à la mobilisation des jurys. Les acteurs de l’accompagnement devront être soutenus, y compris financièrement, et les démarches réellement simplifiées.

La commission a approuvé l’article 3, qui sécurise la définition de l’électorat et de l’éligibilité aux élections professionnelles, pour tirer les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel.

Enfin, l’article 5 prévoit la ratification, sans modification, de vingt ordonnances portant mesures d’urgence en matière de droit du travail et d’emploi pour faire face à la crise sanitaire, ainsi que d’une ordonnance relative au recouvrement des contributions à la formation professionnelle. Cette démarche est suffisamment rare pour être soulignée. En effet, le précédent quinquennat a été marqué par un net recul de la ratification des ordonnances, alors que soixante-dix-huit habilitations à légiférer par ordonnances, en moyenne, ont été accordées chaque année entre 2017 et 2022, contre une moyenne annuelle de trente-six précédemment.

Pour autant, sur les vingt et une ordonnances qu’il est proposé de ratifier, quatorze ne sont plus en vigueur et une quinzième a été annulée par le Conseil d’État au motif que ses dispositions méconnaissaient le champ de l’habilitation qui avait été donnée au Gouvernement. La commission a donc considéré qu’il n’était pas utile de ratifier ces quinze ordonnances, une telle démarche n’ayant d’autre résultat que de gonfler artificiellement les statistiques. Elle a donc limité la liste des ratifications aux six ordonnances dont les dispositions restent en vigueur.

Ma collègue rapporteur et moi-même vous invitons donc à adopter le projet de loi issu de nos travaux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Discussion générale

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 73.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi (n° 62, 2022-2023).

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la motion.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a décidé de déposer cette motion tendant au rejet du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.

Alors que le Gouvernement a décidé de passer en force à l’Assemblée nationale, en dégainant l’article 49.3 sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, le présent texte habilite le Gouvernement à fixer seul les conditions d’indemnisation des privés d’emploi.

Nous refusons cette remise en cause de la gouvernance, qui relève des organisations syndicales et patronales, de l’assurance chômage.

Nous refusons de confier, comme cela est prévu à l’article 1er, les pleins pouvoirs au Gouvernement jusqu’en décembre 2023.

Ce passage en force marque une nouvelle étape du processus, largement entamé, d’étatisation de l’assurance chômage, destiné à servir plus directement les intérêts du patronat.