M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. J’entends l’appel lancé par M. Redon-Sarrazy, et je partage son sentiment sur l’importance du sujet.
Pour autant, une telle demande de rapport est très large et excède assez nettement le cadre de la présente proposition de loi.
C’est pourquoi le Gouvernement sollicite également le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
M. le président. Monsieur Redon-Sarrazy, l’amendement n° 10 est-il maintenu ?
M. Christian Redon-Sarrazy. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.
Je mets aux voix l’article unique, modifié.
(L’article unique est adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après le mot :
développement
insérer le mot :
raisonné
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Le présent amendement vise à modifier l’intitulé de la proposition de loi, dont l’objectif est de favoriser le développement de l’agrivoltaïsme de manière encadrée, volonté que nous partageons tous. L’intitulé serait donc ainsi libellé : « proposition de loi en faveur du développement raisonné de l’agrivoltaïsme ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Une telle modification correspond bien à l’esprit qui a présidé à nos travaux. En accord avec Jean-Pierre Decool, auteur du texte, la commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. L’auteur de la proposition de loi étant favorable à cet amendement, nous le sommes aussi !
M. le président. En conséquence, l’intitulé de la proposition de loi est ainsi libellé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. La position du groupe GEST est constante : sobriété, efficacité et décarbonation par le biais des énergies renouvelables.
L’agrivoltaïsme est un élément incontournable pour atteindre les objectifs de la PPE.
Toutefois, nous entendons pleinement les inquiétudes de nombre d’agriculteurs, inquiétudes qui se cristallisent autour de plusieurs questions : l’accès au foncier, les dangers de la spéculation ou encore les risques sur la transmission. Il nous faut donc apporter plus de garanties.
Comme nous l’avons déjà indiqué, cette proposition de loi va dans le bon sens, mais elle manque encore de garde-fous et je dirais même de garde-spéculateurs…
Nous organisons demain au Sénat un colloque consacré à l’agrivoltaïsme. Nous espérons trouver de nouvelles mesures pour mieux encadrer son développement. Nous aurons donc l’occasion lors du prochain texte sur les énergies renouvelables d’apporter de nouveaux éléments.
Nous devons aller dans le sens du développement de l’agrivoltaïsme, mais avec plus de garanties. C’est pourquoi le groupe GEST s’abstiendra sur cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je voudrais remercier notre rapporteur du travail qu’il a réalisé et des pistes qu’il a ouvertes.
Monsieur le ministre, vous avez, me semble-t-il, entendu les messages que le Sénat voulait faire passer aujourd’hui, en particulier sur les ambitions du monde agricole pour produire et fournir de l’énergie. Ils plantent un décor que nous retrouverons naturellement à l’occasion du prochain examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Il me semble, monsieur le ministre, que vous avez évacué un peu trop vite la question des bâtiments. Or je peux vous assurer que c’est un sujet important. Ayons le courage de l’aborder et de lui apporter des réponses concrètes !
Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Moga. Le groupe Union Centriste regrette que nombre de ses amendements n’aient pas pu enrichir le texte, la commission ayant souvent émis des demandes de retrait ou des avis défavorables.
Néanmoins, dans la mesure où la proposition de loi garantit la protection des intérêts agricoles tout en permettant la production d’électricité par le développement d’un agrivoltaïsme respectueux de l’environnement, la grande majorité de notre groupe votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.
M. Christian Redon-Sarrazy. Je remercie le rapporteur des avancées qui ont été apportées sur un certain nombre de sujets.
Toutefois, nous avons pointé des interrogations qui – je dois le dire – sont largement partagées dans le monde agricole, au sein de la population et parmi les élus.
Malheureusement, nous n’avons guère obtenu de réponses. J’ai l’impression que nous avons plus ouvert un chantier que trouvé des solutions, si bien que le problème reste entier, en particulier s’agissant du renouvellement générationnel, du maintien de notre souveraineté alimentaire ou encore du devenir de certains territoires qui seront davantage la cible de projets que d’autres.
Pour ces raisons, la grande majorité du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra sur cette proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 10 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 254 |
Pour l’adoption | 251 |
Contre | 3 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre. Je voudrais remercier la présidente de la commission des affaires économiques, le rapporteur, l’auteur de cette proposition de loi et l’ensemble des sénateurs qui sont intervenus dans ce débat.
Monsieur Redon-Sarrazy, vous disiez que, si nous avions ouvert un débat, nous n’avions pas vraiment avancé. Je crois que ce n’est pas le cas : nous avons avancé vers la fixation d’un cadre qui nous permettra de répondre à certaines questions.
Monsieur Gremillet, ne croyez pas que je ne défends pas l’agrivoltaïsme sur les toitures. Nous avons besoin, je le dis en tant qu’élu local comme en tant que ministre, de consolidation sur les zones artificialisées – c’est bien la priorité du Gouvernement – et de développement de l’agrivoltaïsme sur les terrains agricoles. Nous devrons simplement trouver un équilibre ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)
6
Meilleure valorisation de certaines externalités positives de la forêt
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, la discussion de la proposition de loi visant à mieux valoriser certaines des externalités positives de la forêt, présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de ses collègues (proposition n° 867 [2021-2022], texte de la commission n° 37, rapport n° 36).
Dans la discussion générale, la parole est Mme Vanina Paoli-Gagin, auteur de la proposition de loi.
Mme Vanina Paoli-Gagin, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps de la forêt nous oblige à placer la réflexion sur une autre échelle que la nôtre et à sortir des schémas habituels. Ce soir, nous devons travailler en conscience de l’urgence du long terme, pour reprendre l’expression d’Étienne Klein.
La forêt doit s’adapter plus rapidement aux changements que le climat déréglé lui impose. Tant qu’elle évolue, elle est vivante. Sera-t-elle assez rapide pour lutter contre les maux qui l’attaquent ? Nous proposons, avec cette proposition de loi, d’amorcer une réflexion différente et d’apporter une première réponse, certes partielle, mais opérationnelle, à cet enjeu.
Mes premiers remerciements vont à notre collègue Anne-Catherine Loisier, dont l’expertise et les conseils avisés ont fortement contribué au calage de ce texte.
Je remercie aussi notre rapporteur et les membres de la commission des finances, dont je salue le vote très largement favorable à cette initiative.
Nous sommes tous d’accord : la forêt apporte des bienfaits inestimables à notre environnement.
Seules certaines de ses externalités positives sont visées dans l’exposé des motifs. Bien entendu, j’ai pensé à la captation du carbone, à la contribution à la préservation de notre biodiversité ou encore à l’amélioration de la qualité de l’eau via le filtrage naturel qu’assure la forêt.
Au-delà, la forêt est essentielle : lutte contre l’érosion des sols ou leur déstabilisation ; amélioration de la qualité de l’air ; effet positif produit sur notre santé physique et mentale.
Partant, agir efficacement pour accompagner la forêt devient une priorité pour notre pays. De ce chef, sa gestion durable est primordiale.
Nous avons eu de nombreux échanges avec des acteurs clefs de la forêt et de ses filières amont et aval. Pour ma part, j’en ai également eu en ma qualité de présidente des communes forestières de l’Aube. Ce qui ressort de ces entretiens, c’est la complexité à embrasser et à traiter le sujet : c’est logique à l’aune des multifonctionnalités de la forêt.
Ce texte est comme la première pierre de l’édifice qu’il nous faut bâtir ensemble : une première étape que nous avons choisi de cibler sur les forêts communales, parce que nous sommes ici, au Sénat, les représentants des territoires.
Un tel fléchage était important à plusieurs égards.
D’abord, parce que le manque de moyens de la plupart des communes rurales est un fait.
Ensuite, parce que nous avons voulu notre dispositif incitatif en ce qu’il pose comme prérequis le régime forestier, assurant la sanctuarisation des forêts publiques et permettant une gestion planifiée.
En outre, car je crois beaucoup à l’alliance public-privé dans des causes aussi justes que cet impératif de gestion durable. C’est important dans la société dans laquelle nous vivons et aspirons à nous définir.
Enfin, parce que c’est, pensons-nous, une attente de nos concitoyens. Les événements récents, notamment les feux de forêt, qui ont ravagé près de 65 000 hectares cet été, ont suscité, à juste titre, de vives émotions. Les citoyens s’engagent, veulent participer à l’amélioration de leur environnement. Ils le prouvent en faisant des dons à des associations. Autant qu’ils puissent le faire, plus directement, auprès de leurs communes forestières, syndicats et groupements forestiers. Qu’ils le fassent en faveur de leur forêt de résidence ou de cœur, contribuant ainsi au financement du rachat de parcelles, de replantations, d’aménagements d’accès, etc.
Les maires et acteurs auditionnés ont montré leur enthousiasme pour les mécanismes de dons par des personnes physiques et morales proposés aux articles 1er et 2 du texte. Certains nous ont confié qu’ils attendaient, de longue date, un tel dispositif. Preuve en est, s’il le fallait, de l’utilité de notre démarche.
Nous apportons un supplément de clarté juridique, afin de lever tout flou et de permettre une pleine application de la loi au bénéfice des forêts communales. Si nul n’est censé ignorer la loi, vous conviendrez avec moi que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ». La loi doit être simple, précise et applicable. C’est le rôle qui nous échoit, à nous, législateurs.
D’autres points requièrent notre attention. Il en est ainsi de la démarche éviter-réduire-compenser, que l’on pourrait réordonnancer en compenser-éviter-réduire, car l’urgence le commande. Des travaux sont en cours à l’échelon européen. Nous devons prendre part à ce débat.
Chacun doit se sentir concerné et disposer de moyens d’action. C’est en tout cas la vision que nous partageons au sein du groupe Les Indépendants. Nous pensons l’écologie libérale, où les forces en présence dégagent des solutions de progrès, n’opposant pas environnement, société et économie. Nous souhaitons, par notre approche holistique, tracer le chemin d’un possible pour les générations suivantes.
Pour contribuer à cet équilibre de la forêt, nous vous invitons, mes chers collègues, à participer à l’examen des articles du texte lorsqu’il aura lieu. Nous sommes à l’orée d’un champ de travail immense qui reste à labourer pour offrir un cadre d’évolution plus résilient à notre forêt communale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous revient ce soir d’examiner la proposition de loi de notre collègue Vanina Paoli-Gagin visant à mieux valoriser certaines des externalités positives de la forêt.
Déposée par le groupe Les Indépendants, ce texte a été examiné dans les conditions du gentleman’s agreement, en bonne entente avec son auteur. Il devait en être ainsi, car cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte lourd, que nous connaissons tous : l’augmentation de la fréquence des événements climatiques extrêmes et des incendies qui y sont associés, ainsi que la crise sanitaire due aux scolytes.
Si cette gestion durable ne constitue pas la garantie d’une défense absolue contre tous les dangers qui assaillent une forêt, par définition vulnérable, elle permet de les contenir.
Havre de biodiversité et puits de carbone, la forêt constitue un bien qui n’est pas estimé à sa juste valeur par le marché. La proposition de loi vise ainsi à mieux valoriser certaines de ses externalités positives en incitant, par une réduction d’impôt, les particuliers et les entreprises à donner aux communes et syndicats forestiers pour financer certaines des opérations de gestion de leur forêt. Elle concerne donc à la fois une part importante de la forêt française, les forêts communales représentant près de 15 % de la surface forestière de France métropolitaine, et une part modeste, puisqu’elle ne permet pas de soutenir la gestion de la forêt guyanaise, vaste de 8,3 millions d’hectares, mais principalement domaniale, donc relevant de l’État.
Nul doute toutefois que la présente proposition de loi va dans le bon sens et apporte une pierre nécessaire à l’édifice. L’ensemble des questions soulevées par la gestion de la forêt nécessiterait sans doute à l’avenir une grande loi sur le sujet. Mais si l’on peut, en attendant, pousser les particuliers et les entreprises à réaffirmer par le mécénat le lien qu’ils entretiennent avec leur commune et avec leur forêt, on aura fait œuvre utile. C’est le sens de la proposition de loi.
Avant d’entrer dans l’examen du texte, j’aimerais rappeler brièvement comment sont gérées les forêts communales et comment est financée cette gestion.
Les forêts communales représentent 2,8 millions d’hectares sur les 17 millions que constitue la forêt métropolitaine française. Elles sont gérées, lorsque la loi est bien appliquée, dans le cadre du régime forestier. Celui-ci définit les grandes règles qui visent à assurer la conservation et la mise en valeur de ce patrimoine.
Sa mise en œuvre est confiée à un opérateur unique, l’Office national des forêts (ONF), qui est chargé de garantir une gestion durable et multifonctionnelle de la forêt : économique, par la vente de bois ; écologique, notamment par la préservation de la biodiversité ; sociale, par l’accueil du public.
Ce régime repose sur un financement commun des communes et de l’État.
D’une part, les communes versent à l’ONF des frais de garderie, ainsi qu’une contribution annuelle de 2 euros par hectare de terrain relevant du régime forestier.
D’autre part, l’État octroie un versement compensateur, qui vise à couvrir la différence entre le coût pour l’ONF et les contributions des communes.
Le surcoût des actions d’aménagement excédant celles qui sont prévues par le régime forestier est assumé par les communes sur leurs ressources propres, avec le soutien éventuel d’autres collectivités ou de l’État.
Si certaines communes parviennent à se ménager des recettes substantielles, qui vont de pair avec des essences productrices et une culture forestière historique – on peut ici penser aux communes des Landes –, il faut avoir en tête que la gestion d’une forêt n’est pas toujours rentable, tant s’en faut, en particulier lorsque les surfaces sont plus petites et les essences moins productrices, comme en Bretagne ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Sur ce tableau de la forêt française vient s’ajouter la crise des scolytes. Elle a entraîné une chute des recettes forestières des communes au moment où elles en ont le plus besoin. On comprend alors que les Assises de la forêt et du bois aient mis en évidence, au mois de mars dernier, le besoin de financements supplémentaires.
Cette proposition de loi arrive ainsi à point nommé.
Elle vise à appliquer la réduction d’impôt au titre du mécénat des particuliers et des entreprises aux dons versés aux communes, syndicats intercommunaux de gestion forestière, syndicats mixtes de gestion forestière et groupements syndicaux forestiers, pour l’entretien, la reconstitution ou le renouvellement des bois et forêts présentant des garanties de gestion durable. Seraient également éligibles à la réduction d’impôt les dons venant financer l’acquisition des parcelles dont la gestion n’est pas nécessairement durable, mais a vocation à le devenir. Cela permettrait aux communes d’acquérir des forêts parfois laissées à l’abandon.
Par anticipation sur la discussion des amendements, je rappelle ici que l’entretien des forêts participe à la prévention et, finalement, à la lutte contre les incendies.
Si le dispositif prévu par cette proposition de loi paraît en partie satisfait, il est, dans les faits, peu utilisé. Il est peu ou pas connu des particuliers et des entreprises, qui préfèrent donner à des fonds de dotation bénéficiant d’une meilleure visibilité. De même, les communes forestières qui disposent de peu de moyens juridiques ne sont probablement pas en état de saisir que les opérations de gestion forestière qu’elles mènent sont susceptibles d’être financées par des dons éligibles à une réduction d’impôt.
La mise sur pied d’un système de financement pouvant s’appuyer sur ces dons serait d’ailleurs lourde et incertaine. Supposant le recours au rescrit fiscal, elle dépendrait alors de l’interprétation casuistique de l’administration fiscale. De ce point de vue, le texte présente une réelle utilité.
Avant d’en terminer, je souhaite lever tout malentendu quant à l’objectif. Il ne s’agit en aucun cas de mettre en place une « privatisation rampante» de la forêt, comme j’ai pu l’entendre ici ou là. La proposition de loi s’attache simplement à soutenir l’action des communes forestières, qui, pour certaines d’entre elles, peuvent se trouver financièrement en difficulté à l’heure où la gestion durable de la forêt constitue un défi sans précédent. Le cœur du financement de cette compétence doit demeurer une combinaison entre les contributions de la commune et le versement compensateur de l’État. En revanche, si les particuliers et les entreprises peuvent « mettre la main à la pâte » et contribuer davantage à la bonne gestion de la forêt, s’ils peuvent ainsi, modestement, ici éviter un incendie, là ralentir la propagation d’un parasite, il faut l’encourager.
Cette proposition de loi n’est pas le « grand soir » de la forêt, mais, je le répète, si l’on peut pousser les particuliers et les entreprises à réaffirmer par le mécénat le lien qu’ils entretiennent avec leur commune et avec leur forêt, on aura fait œuvre utile.
La commission des finances vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen de cette proposition de loi, sur l’initiative du groupe Les Indépendants – République et Territoires, s’inscrit dans un contexte particulier, après un été marqué par des incendies dévastateurs.
De tels événements, conjugués à d’autres phénomènes climatiques d’une intensité inédite ou encore à la crise sanitaire due aux scolytes, mettent en lumière les défis importants qu’il nous faut relever pour mieux gérer et préserver ce bien unique qu’est notre forêt. Unique, parce qu’il s’agit non seulement d’un élément constitutif de notre patrimoine, mais aussi parce que la forêt, comme le soulignent les auteurs de la proposition de loi, est porteuse d’externalités positives.
Je pense en premier lieu à la captation de carbone, qui constitue un atout extraordinaire pour accélérer la transition écologique et lutter contre le changement climatique.
Je pense également à la préservation ou à la restauration de notre biodiversité que permettent nos forêts et leurs sols.
Je pense aussi, et c’est un aspect sans doute moins évoqué, mais tout aussi essentiel, à l’apport de la forêt dans le domaine de l’eau, élément majeur de notre souveraineté alimentaire. La forêt est ainsi utile au filtrage et à la lutte contre les inondations.
J’ajoute enfin que la forêt constitue un secteur économique à part entière, employeur de premier plan, à travers la filière forêt-bois-biomasse, qui est créatrice de richesses et source d’innovations. D’une certaine façon, elle permet aux Français, sur un même arbre, et tout en addition, de construire, de se chauffer ou de produire de l’électricité.
Dans cet esprit, afin de construire une vision ambitieuse et partagée pour la forêt française de 2030, le Gouvernement a lancé voilà un an les Assises de la forêt et du bois. Vous en connaissez les tenants et les aboutissants. Avant ces assises, le Gouvernement a installé un certain nombre de chantiers concrets. Je pense au renouvellement forestier à travers le plan de relance, poursuivi par France 2030. Ces moyens avaient manqué depuis des années. Nous pouvons désormais faire face.
Votre proposition de loi, madame la sénatrice, s’inscrit dans cet esprit. Vous en préconisez de renforcer les capacités financières des collectivités propriétaires de forêts, qui représentent 10 % de la forêt française, afin de les aider à répondre à ces défis, par la mobilisation de dons.
Je voudrais le dire de la manière la plus claire qui soit : il ne s’agit ni dans notre esprit ni dans le vôtre de substituer des financements privés à des financements publics, qui demeurent nécessaires.
Il nous semble au contraire que les deux sont complémentaires, comme M. le rapporteur vient de le dire. Nous saluons l’idée de financements de proximité, par des citoyens ou des entreprises qui reconnaissent les externalités positives de leur territoire. C’est bien l’enjeu de ce texte.
Je me dois naturellement de souligner que ce débat devrait plutôt relever d’un projet de loi de finances. Mais c’est aussi l’intérêt de l’initiative parlementaire que d’ouvrir un débat pour faire avancer un sujet, puis d’essayer de le faire cheminer dans d’autres enceintes, à l’occasion de l’examen d’autres textes, afin qu’il puisse prospérer.
Je tiens à saluer le travail du Sénat, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la sénatrice Vanina Paoli-Gagin et du rapporteur Vincent Segouin.
Je tiens également à souligner le lien qui est fait, à l’issue des travaux de la commission, avec les documents de gestion durable prévus par le code forestier. Il s’agit effectivement de la pierre angulaire de la politique forestière nationale, dans le contexte du changement climatique et pour faire face au risque grandissant des incendies. Je sais le Sénat particulièrement mobilisé sur cette question.
La rédaction choisie permet de répondre avec cohérence aux attentes légitimes de garantie d’une gestion durable et multifonctionnelle.
Par ailleurs, la condition est remplie pour les forêts publiques relevant déjà du régime forestier et d’une gestion par l’ONF. Il faut qu’elle le soit pour les forêts publiques, qui devraient relever du régime forestier et qui n’y sont pas encore.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement accueille votre proposition de loi avec bienveillance et s’en remettra à la sagesse du Sénat.
Je tiens enfin à insister devant vous sur l’engagement du Président de la République et de la Première ministre. Je pense au déploiement des Assises de la forêt et du bois, qui doit être notre perspective, mais aussi au grand chantier national de la reconstruction d’un certain nombre de forêts détruites par les incendies, qui va débuter.
Nous avons un intérêt collectif à expliquer ce que signifie gérer durablement la forêt et les sols forestiers. La forêt est un trésor à bien des égards : biomasse, ressources, biodiversité, services écosystémiques, mais aussi carbone. C’est un potentiel économique que nous devons restaurer. C’est aussi une matière première inscrite dans une filière productive.
Pour terminer, je résumerai ainsi les grands défis devant nous.
Il nous faut d’abord protéger et défendre la forêt contre l’incendie et inculquer cette culture du risque à tous les territoires forestiers, puisque ce risque, désormais, si vous me permettez cette expression, « monte en latitude ».
À cet égard, je salue l’engagement des acteurs de la défense de la forêt contre l’incendie, notamment les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), ainsi que le travail du Sénat, qui a lancé au mois de mai 2022 une mission d’information sur les feux de forêt, menée par les sénateurs Anne-Catherine Loisier, Jean Bacci, Pascal Martin, et Olivier Rietmann sur les feux de forêt.
Adopté le 3 août dernier par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques, le rapport formule soixante-dix recommandations, regroupées en huit axes, qui alimenteront nos politiques publiques.
Il faut ensuite adapter notre gestion au changement climatique, car la forêt brûle aussi à petit feu, sécheresse après sécheresse, attaque après attaque. Les mesures de renouvellement forestier de France Relance et, à présent, de France 2030 visent à accompagner ces transitions sur le long terme et de façon pérenne.
Il faut enfin l’adosser à des filières résilientes, compétitives et rentables. Le secteur devra faire face à plusieurs enjeux : évoluer et s’adapter à la nouvelle donne des marchés, notamment de l’énergie, dans une vision de long terme, afin de contribuer à la décarbonation de notre économie. Il doit gagner en agilité dans son adaptation aux conditions du marché et de la demande, intégrer les fluctuations de récoltes liées aux impacts des aléas, comme les tempêtes, les incendies, les dépérissements, et adapter les essences aux besoins des massifs forestiers français. Il faut développer enfin ses capacités de transformation et de production de produits plus innovants pour lesquels la demande existe, au regard des tendances de marché, et à plus forte valeur ajoutée, pour décarboner notre économie, notamment dans la construction.
La planification est indispensable pour repenser l’écosystème forestier et fonder une politique forestière efficace. C’est d’autant plus fondamental dans ce contexte de rapide transformation et de changement climatique, où la plupart de nos référentiels techniques sont remis en cause. Je vous remercie de cette proposition de loi, qui permet de tracer un chemin sur l’un des volets de la politique forestière. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)