Mme Brigitte Devésa, rapporteure. Cet amendement de précision rédactionnelle vise à expliciter l’avis dont il est question à l’alinéa 9 de l’article 3.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Il est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mme Devésa, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de La Poste sont transférés de plein droit et en pleine propriété aux comités sociaux et économiques de La Poste mis en place au terme du mandat en cours des instances précitées et au plus tard à la date prévue au I de l’article 1er de la présente loi.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Brigitte Devésa, rapporteure. Les CHSCT étant dotés de la personnalité morale, il est nécessaire de prévoir le transfert de leurs droits et obligations aux CSE qui leur succéderont au sein de La Poste.

Cet amendement vise donc à ce que l’ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des CHSCT de La Poste soient transférés de plein droit et en pleine propriété aux CSE, transfert qui doit être autorisé par le législateur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Cette disposition, qui s’inspire des règles ayant présidé au transfert des biens des comités d’entreprise aux CSE, permettra d’assurer le fonctionnement et la gestion des nouveaux CSE mis en place au sein de La Poste.

L’avis du Gouvernement est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et, l’autre, de la commission des affaires sociales.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 9 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 253
Contre 91

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures, pour l’examen de la proposition de loi en faveur du développement de l’agrivoltaïsme.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à seize heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste
 

5

 
Dossier législatif : proposition de loi en faveur du développement raisonné de l'agrivoltaïsme
Motion d'ordre

Développement de l’agrivoltaïsme

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la proposition de loi en faveur du développement de l’agrivoltaïsme, présentée par MM. Jean-Pierre Decool, Pierre-Jean Verzelen, Pierre Médevielle, Daniel Chasseing, Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 731 [2021-2022], texte de la commission n° 14, rapport n° 13).

Motion d’ordre

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi en faveur du développement raisonné de l'agrivoltaïsme
Discussion générale

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, 62 amendements ont été déposés sur ce texte, dont 60 sur son article unique. Au sein de celui-ci, compte tenu des alinéas qu’ils visent, 31 amendements devraient être examinés en discussion commune, ce qui est de nature à compromettre la lisibilité des débats.

Dès lors, afin de faciliter le bon déroulement de notre examen de cette proposition de loi en scindant cette discussion commune, la commission, que j’ai consultée hier sur cette requête sans qu’aucune opposition s’exprime, demande l’examen séparé de l’amendement n° 25 rectifié ter à l’article unique, en application de l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat.

M. le président. Je suis saisi d’une demande de la commission d’examen séparé de l’amendement n° 25 rectifié ter à l’article unique, en application de l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat.

La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Je découvre à l’instant – c’est normal – cette demande de la commission, mais je m’interroge sur l’objet de cet examen séparé de l’amendement n° 25 rectifié ter. S’agit-il de faire en sorte que cet amendement ne soit pas examiné du tout ? Si tel est le cas, je trouve cela très étonnant. Aussi, j’aimerais avoir une explication sur cette demande qui me surprend !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Mon cher collègue, il n’y a pas lieu de s’étonner. Comme je l’ai rappelé, la proposition de loi comporte un seul article, au sein duquel 31 amendements sont en discussion commune.

Aussi, pour rendre nos débats plus clairs, plus fluides et plus intelligibles, la commission propose de scinder cette discussion commune, ce qui peut être accompli par un examen séparé de l’amendement n° 25 rectifié ter de M. Jean-Pierre Moga.

Cet amendement pourra évidemment être présenté ; d’ailleurs, c’est avec l’accord de M. Moga que nous avons décidé de procéder ainsi.

Il ne s’agit donc nullement de censurer cet amendement, mais simplement de fluidifier l’examen du texte et notamment la présentation des avis rendus par la commission et par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga.

M. Jean-Pierre Moga. Je confirme les propos de Mme la présidente de la commission : elle a recueilli mon assentiment avant de procéder à cette demande, à laquelle je suis favorable.

M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Discussion générale

Motion d'ordre
Dossier législatif : proposition de loi en faveur du développement raisonné de l'agrivoltaïsme
Article additionnel avant l'article unique

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Decool, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et UC, ainsi quau banc des commissions. – M. Gérard Longuet applaudit également.)

M. Jean-Pierre Decool, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « si nous ne parvenons pas à concilier les besoins de croissance de l’humanité et la souffrance d’une planète à bout de souffle, nous courons à la catastrophe ». C’est ainsi qu’à la fin de son second mandat présidentiel Jacques Chirac nous parlait de la révolution écologique. Il nous reste toujours à l’accomplir !

C’est la vision saine d’une écologie libérale où la réflexion s’attache à concilier la lutte contre le dérèglement climatique et les besoins des citoyens.

L’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est bien de créer, de manière pragmatique, un nouvel outil de lutte contre la catastrophe climatique.

Tout d’abord, je remercie mes collègues coauteurs et cosignataires de cette proposition de loi. Nous avons eu des échanges fondamentaux durant sa construction.

Ensuite, je remercie la commission des affaires économiques pour son important labeur sur le texte et tout particulièrement son rapporteur, Franck Menonville, qui a effectué un travail remarquable. En tant qu’agriculteur, il est imprégné des problématiques des territoires et connaît parfaitement celles du monde agricole, ce qui est un atout pour ce texte.

Avant de vous parler de la proposition de loi, je reviendrai sur un point dont l’importance rythme, depuis le début de ma carrière, mon engagement politique : l’initiative parlementaire.

Députés ou sénateurs, nous connaissons les besoins de nos territoires et de nos concitoyens. Nous avons la chance formidable d’être au contact des élus, des entreprises, des associations et de l’ensemble des entités faisant vivre nos territoires.

Les propositions de loi sont incontournables pour faire évoluer notre système dans un sens bénéfique pour la Nation ; c’est bel et bien l’objectif que vise notre texte. Celui-ci est le fruit de nombreux échanges, sur le terrain, avec des acteurs du secteur – agriculteurs, développeurs et élus.

Des projets d’agrivoltaïsme fleurissent dans nombre de départements, je le sais : il fallait donc leur donner un cadre. Nous devons faire de l’agrivoltaïsme une chance pour notre pays.

La France doit faire face à trois défis majeurs.

Notre dépendance énergétique n’a jamais été aussi bien illustrée que dans la période actuelle. La guerre en Ukraine nous rappelle simplement ce que nous savions déjà : pour être souverains, nous devons être indépendants.

Notre agriculture est en crise à de multiples niveaux. Notre souveraineté alimentaire est un gage de notre indépendance. Nos agriculteurs souffrent, mais l’agrivoltaïsme pourrait leur apporter un revenu complémentaire permettant de sauver leurs exploitations et d’améliorer leurs conditions de vie et de travail.

La France est également engagée dans une lutte contre l’artificialisation des sols. Ce n’est un secret pour personne : nous consommons des dizaines de milliers d’hectares par an. C’est vertigineux !

Ces trois problématiques sont intrinsèquement liées au dérèglement climatique. Nous devons faire évoluer notre bouquet énergétique en privilégiant le recours aux énergies bas-carbone. Notre agriculture va devoir s’adapter aux aléas climatiques. Nous devons réduire l’artificialisation des sols, car elle participe grandement à l’accélération du dérèglement climatique.

L’agrivoltaïsme est une solution intéressante, qui n’artificialise pas les sols, mais participe à la production d’énergies renouvelables et apporte un revenu complémentaire à nos agriculteurs.

Ce n’est du reste pas son seul atout pour notre agriculture. Cette activité a un effet positif de préservation des cultures et des élevages, qui se trouvent protégés par des panneaux assez bien implantés pour que l’activité agricole se poursuive.

Je souhaite partager avec vous un exemple marquant : la Californie va installer des panneaux solaires sur des canaux d’irrigation afin de limiter l’évaporation de l’eau. L’objectif est impressionnant : sauver 286 milliards de litres d’eau chaque année ! La raréfaction de l’eau n’en finit pas de nous préoccuper. Le secteur agricole est l’un des plus grands consommateurs d’eau. Imaginons les effets positifs de l’agrivoltaïsme !

Il nous fallait une définition claire et un cadre précis. Cette proposition de loi nous les apporte de manière équilibrée et efficace, ce que prouve son adoption à l’unanimité en commission. Le discours du Président de la République à Saint-Nazaire et celui de la Première ministre dans cet hémicycle la semaine dernière sont autant de témoignages de l’opportunité de l’examen de ce texte.

Face à tant de vues convergentes sur l’agrivoltaïsme, mon seul espoir, qui est aussi celui du groupe Les Indépendants – et je souhaite qu’il soit partagé au-delà encore –, est que cette proposition de loi se transforme rapidement en loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – M. Patrick Chauvet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

M. Franck Menonville, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est utile et nécessaire.

Elle entend en effet donner une définition et un cadre stratégique, légal et budgétaire à l’agrivoltaïsme, au moment même où cette filière se développe et où les acteurs attendent une clarification.

Le texte, après son passage en commission, est composé d’une dizaine de dispositions visant à encourager les projets alliant véritablement production agricole principale et production électrique secondaire, tout en prévenant le risque de conflits d’usages et l’essor incontrôlé de projets alibis.

Pour ce faire, la proposition de loi, telle qu’adoptée à l’unanimité par notre commission, emporte plusieurs évolutions.

Elle crée d’abord un objectif de développement des installations agrivoltaïques, en réservant la priorité à la production alimentaire et en veillant à l’absence d’effets négatifs sur le foncier et sur les prix agricoles.

Elle définit les installations agrivoltaïques comme des installations solaires permettant de maintenir ou de développer l’activité agricole.

Ces installations doivent garantir une production agricole principale et un revenu durable en étant issu. Elles doivent en outre concourir directement à l’un des services suivants, sans porter atteinte aux autres : l’amélioration du potentiel agronomique, l’adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas et l’amélioration du bien-être animal.

La proposition de loi crée ensuite pour les installations agrivoltaïques une obligation d’achat et une procédure de mise en concurrence spécifique.

Elle permet aux parcelles agricoles présentant de telles installations de bénéficier des aides de la politique agricole commune (PAC).

Enfin, elle clarifie la procédure d’autorisation d’urbanisme prévue pour les installations agrivoltaïques, en prévoyant un avis systématique de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Un autre garde-fou est la constitution de garanties financières pour assurer le démantèlement et la remise en état des sites, préservant ainsi la réversibilité des installations.

Notre commission a veillé à enrichir le texte, en adoptant une dizaine d’amendements visant à préserver les intérêts agricoles et les compétences locales.

Ainsi, la définition de l’agrivoltaïsme a été clarifiée pour tenir compte des travaux consensuels de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). L’obligation d’achat et la procédure de mise en concurrence ont été mieux articulées avec le droit européen.

Dans un souci de territorialisation, j’ai proposé l’inscription de l’agrivoltaïsme dans la planification nationale et locale, la consultation des acteurs agricoles sur son application réglementaire et l’information préalable des maires et des présidents d’intercommunalités de l’ensemble des projets agrivoltaïques.

Ces enrichissements, qui nous permettent aujourd’hui de disposer d’un texte équilibré et cohérent, n’ont été possibles que grâce au travail effectué en bonne intelligence avec notre collègue Jean-Pierre Decool, auteur de la proposition de loi, que je félicite vivement.

Je salue également le travail de mise à l’agenda de l’agrivoltaïsme effectué par M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et par notre collègue Jean-Pierre Moga, auteurs d’une proposition de résolution sur le sujet, adoptée par le Sénat le 4 janvier dernier.

Le texte que je vous présente s’est nourri de ces apports, mais également de la large concertation que j’ai conduite en auditionnant une cinquantaine de personnes – agriculteurs énergéticiens, élus locaux et agents des services de l’État. Nous avons également entendu l’Ademe et l’Agence française de normalisation (Afnor), dont les travaux de définition et de certification font autorité.

Cette proposition de loi, ainsi consolidée, constitue à mon sens un jalon essentiel du développement de l’agrivoltaïsme en France. Cette filière peut être porteuse d’externalités positives pour nos agriculteurs, en leur offrant un complément de revenu et une protection contre certains aléas, notamment climatiques.

L’Ademe recense actuellement 167 projets pour une puissance maximale de 1,3 gigawatt, mais le potentiel énergétique pourrait être plus élevé. Ainsi, EDF évalue le potentiel des projets solaires en attente à 6 gigawatts et France Agrivoltaïsme prévoit à l’horizon 2050 un potentiel maximal qui s’élèverait de 60 à 80 gigawatts.

Dès lors, on comprend bien l’enjeu de légiférer dès aujourd’hui, d’autant que les installations agrivoltaïques ne sont pas décomptées dans l’artificialisation des sols, de par une disposition introduite par notre commission dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience.

Ce texte vise à encadrer l’agrivoltaïsme, pour garantir que l’activité agricole demeure l’activité principale de la parcelle et ainsi prévenir les dérives que nous commençons parfois à observer dans nos territoires.

Il entend aussi simplifier et encourager le développement de projets porteurs d’une réelle plus-value, qui sont nombreux.

Enfin, il vise assurément à répondre au double objectif de la souveraineté alimentaire et de la souveraineté énergétique.

Le texte élaboré par notre commission s’inscrit ainsi dans la droite ligne des travaux antérieurs de simplification des normes en matière d’énergies renouvelables. Depuis 2020, pas moins de 30 solutions de simplification ont été adoptées par notre commission : 10 portaient sur l’hydroélectricité, 3 sur l’hydrogène, 2 sur l’éolien en mer, 7 sur le biogaz et 8 sur l’agrivoltaïsme.

Cette proposition de loi est donc l’occasion, pour notre commission en particulier et pour le Sénat en général, de poursuivre ce mouvement de simplification et de territorialisation, pour développer les énergies renouvelables au plus près des territoires.

Alors que le Président de la République a annoncé son souhait de promouvoir l’agrivoltaïsme, dans son discours prononcé à Saint-Nazaire le 22 septembre dernier, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, délibéré en conseil des ministres le 26 septembre, est muet sur ce point.

Je souhaite que le Sénat comble cet angle mort. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter largement cette proposition de loi. C’est une occasion unique de légiférer en amont sur un domaine d’avenir, en répondant à la fois aux besoins de soutien et de régulation.

J’invite enfin le Gouvernement, s’il souhaite véritablement coconstruire les projets de loi avec le Parlement, à accueillir favorablement les travaux de notre chambre pour enrichir son projet de loi, sur lequel des amendements seront bien entendu déposés en temps voulu. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Patrick Chauvet applaudit également.)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il nous faut aujourd’hui trouver des solutions pour concilier souveraineté alimentaire et indépendance énergétique. Tel est, au fond, tout l’enjeu du débat que nous allons avoir sur cette proposition de loi inscrite à l’ordre du jour du Sénat sur l’initiative du groupe Les Indépendants – République et Territoires, que je remercie.

La guerre en Ukraine, qui affecte à la fois les marchés agricoles et énergétiques, illustre l’importance de traiter ces deux enjeux conjointement.

La transition énergétique doit permettre de limiter la trajectoire de réchauffement climatique et de gagner autant en indépendance énergétique qu’en résilience, à la fois pour nos concitoyens et nos agriculteurs.

Ceux-ci sont les premiers à subir les effets croissants du dérèglement climatique dans nos territoires, mais ils sont également des acteurs à part entière de l’adaptation à ce changement.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) nous dit que nous pouvons encore inverser la tendance. Il faut pour cela reprendre en main notre destin énergétique, ce qui implique de remplacer 65 % de notre consommation d’énergie finale, qui vient encore aujourd’hui du bout du monde sous forme d’énergie fossile, par une production nationale ou européenne, décarbonée et, dans la mesure du possible, disponible pour un coût abordable. Ainsi, nous contribuerons à maintenir le réchauffement en deçà du seuil des 2 degrés.

Pour y parvenir, nous disposons de plusieurs solutions, dont une concerne particulièrement le monde agricole : l’agrivoltaïsme.

Je voudrais saluer le travail du Sénat, engagé de longue date sur ce sujet, à la recherche des mêmes équilibres.

Je pense naturellement à la résolution adoptée sur l’initiative de MM. Jean-François Longeot et Jean-Pierre Moga, qui a fait l’objet d’un large consensus sur ces travées.

Je pense également à la proposition de loi de M. Jean-Pierre Decool – je le salue – dont nous discutons aujourd’hui. Elle entre en résonance avec le travail enclenché par le Gouvernement sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, défendu par ma collègue, Mme Agnès Pannier-Runacher. Ce texte prépare ainsi utilement les débats que nous aurons sur ce texte.

En tant que ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, je salue aussi cette initiative, car l’agrivoltaïsme, c’est-à-dire une énergie photovoltaïque produite en synergie avec nos activités agricoles, constitue selon moi une solution vertueuse. Aucune des transitions à l’œuvre – transitions nécessaires ! – ne pourra se faire sans notre agriculture.

Nous ne le disons pas suffisamment : nos agriculteurs détiennent une partie de la réponse au problème de la lutte contre le réchauffement climatique. Ils portent au quotidien, dans tous nos territoires, des projets qui contribuent à cette lutte, par la production d’énergies renouvelables qui se substituent aux énergies fossiles, comme les biocarburants ou la méthanisation.

Les technologies agrivoltaïques permettent dans le même temps d’apporter des services aux agriculteurs, en protégeant davantage les cultures contre les aléas météorologiques, en régulant leur exposition au soleil, ou encore en les protégeant contre un excès de précipitations ou des épisodes de grêle. L’objectif est simple : accélérer l’adaptation de notre modèle agricole au changement climatique, grâce à des pratiques plus résilientes et durables.

C’est pourquoi le Gouvernement soutient déjà l’agrivoltaïsme. L’Ademe a formalisé, après plusieurs mois de travail et d’expertise, une définition qui, je crois, fait largement consensus.

Chaque année nous lançons des appels d’offres « innovation » permettant de soutenir de manière ad hoc les technologies innovantes. De plus, en 2022, le Gouvernement a décidé d’étendre ce soutien en permettant aux porteurs de projets agrivoltaïques de répondre aux appels d’offres photovoltaïques sur les bâtiments. Cela a d’ores et déjà permis à de premiers projets d’émerger, dans les territoires, en concertation avec l’ensemble des acteurs impliqués.

Cependant – et c’est la raison pour laquelle je considère que cette proposition de loi est très importante –, il est nécessaire d’aller plus loin pour accélérer et garantir le développement cohérent et maîtrisé de ces projets agrivoltaïques dans nos territoires.

Or il n’existe toujours pas de définition réglementaire de l’agrivoltaïsme. Elle est aujourd’hui nécessaire. Le Président de la République a d’ailleurs – vous l’avez rappelé – pris des engagements à ce sujet devant le monde agricole, pour plus de clarté et de visibilité, mais également pour plus de sécurité, afin d’éviter tout projet alibi qui s’éloignerait de l’équilibre recherché par tous.

Le cadre législatif posé ici pour l’agrivoltaïsme permettra ensuite d’asseoir une approche territorialisée, dans chaque département, avec les acteurs locaux – les maires au premier chef, mais aussi les agriculteurs, ou encore les chambres d’agriculture.

C’est peut-être une évidence, mais l’agrivoltaïsme que nous promouvons va de pair avec la préservation de terres agricoles productives, essentielles pour notre souveraineté alimentaire. Je sais que le Sénat est particulièrement attentif à ces enjeux.

Ce juste équilibre est, à mon sens, en passe d’être trouvé aujourd’hui grâce à votre proposition de loi, qui offre une définition et un cap clairs, mais pose aussi des conditions et un cadre qui le sont tout autant : non-artificialisation des sols, conservation des fonctions écologiques et du pouvoir agronomique du sol, maintien d’une activité agricole significative, réversibilité totale des projets, capacité du préfet de contraindre à la constitution de garanties financières, avis systématique de la CDPENAF et, évidemment, service ajouté réel apporté à l’agriculteur. Ce cadre, ainsi posé, constitue un véritable progrès par rapport à la situation actuelle.

Le Gouvernement considère que la définition proposée dans ce texte va véritablement dans la bonne direction, notamment grâce à un encadrement clair des projets permettant d’éviter tous les détournements. Un agriculteur doit rester un agriculteur et l’agrivoltaïsme doit rester de l’agrivoltaïsme !

Ces règles strictes permettront de lutter contre les projets alibis et contre les abus, tout en améliorant la sécurité juridique pour toutes les parties prenantes, et ainsi, d’accompagner le développement concerté de l’agrivoltaïsme. C’est bien l’équilibre que je défends, avec Agnès Pannier-Runacher et toutes les parties prenantes.

Je voudrais saluer tout particulièrement les travaux de votre rapporteur. De la même manière, je partage l’esprit des travaux menés par la commission des affaires économiques et sa présidente.

Je partage cette volonté de parvenir à un point d’équilibre entre des règles qui permettront d’éviter les dérives, des mesures visant à favoriser de tels projets et une marge d’appréciation appuyée sur une gouvernance locale autour des CDPENAF. Le Président de la République l’a rappelé : concertation et accélération ne sont pas incompatibles, bien au contraire !

Le rôle de ces instances fera l’objet de débats à l’occasion de l’examen de divers amendements, mais je crois pouvoir dire que nous nous rejoignons collectivement pour imposer un avis systématique de ces commissions, qui constituent, à mon sens, des instances locales de dialogue pertinentes, notamment pour apprécier la synergie entre les deux activités – agricole et énergétique –, prendre en compte les spécificités des territoires et inscrire les projets dans la durée.

Nous travaillons aujourd’hui pour les générations de demain ; cela nous oblige tous.

Nous devons donc aussi penser à la transmission. En aval, les conditions de retour à l’activité agricole des surfaces sur lesquelles des installations agrivoltaïques auront été implantées doivent être anticipées. C’est l’enjeu de la réversibilité, qui est traitée dans cette proposition de loi. Se posent des questions de pérennité des investissements, notamment au moment de la transmission des exploitations, de solvabilité des installateurs à terme et de responsabilité.

Enfin, concernant l’éligibilité aux aides de la politique agricole commune, l’engagement du Gouvernement est clair : à partir du moment où l’agrivoltaïsme aura été défini avec précision et justesse dans la loi, nous définirons l’éligibilité des projets aux aides de la PAC. Cela suppose, toutefois, pour être en conformité avec le droit européen, d’avoir la définition la plus précise possible de l’agrivoltaïsme. C’est pourquoi il est important de s’en tenir précisément à la définition issue des travaux de l’Ademe. Le plan stratégique national (PSN) de la France, approuvé le 31 août dernier par la Commission européenne, précise à cet égard que « l’admissibilité des surfaces couvertes par des panneaux photovoltaïques sera précisée dans la réglementation nationale ».

Le projet d’arrêté devant entériner cela est en cours d’élaboration, parallèlement à vos travaux. Inscrire cela dans la loi n’est donc, à notre sens, ni nécessaire ni souhaitable. Nous comptons évidemment vous associer aux travaux réglementaires que nous mènerons.

Voilà tracées les grandes lignes de ce débat. Je forme le vœu qu’il permette, en lien étroit avec les organisations professionnelles agricoles et avec l’ensemble des acteurs du monde rural – je pense en particulier aux élus – de préparer un dispositif équilibré en vue des débats à venir sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

Face aux défis combinés de la souveraineté alimentaire et énergétique, nous devons œuvrer à trouver une réponse efficace, équilibrée et ambitieuse. En ce sens, cette proposition de loi fait œuvre utile. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)