M. Stanislas Guerini, ministre. Je veux tout d’abord souligner que le Gouvernement partage l’objectif de renforcement de la déontologie, qui est une finalité de ce texte. J’en profite pour dire notre soutien à l’article 9, que nous venons d’adopter et qui renforce ces aspects déontologiques.
Par ailleurs, et dans la circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 et dans l’accord-cadre renouvelé de la DITP, nous avons intégré des mesures renforçant le contrôle déontologique, notamment les déclarations sur l’honneur des consultants.
En ce qui concerne ces mêmes déclarations, mon argument porte sur des questions à la fois de proportionnalité et d’effectivité des finalités recherchées par la loi.
Ce texte vise à instaurer une publication exhaustive pour l’ensemble des consultants. Or ce terme de consultant engloberait l’ensemble des salariés des cabinets de conseil, soit environ 120 000 personnes, dont 15 % travaillent avec l’État. Cela veut dire que des dizaines de milliers de personnes seraient concernées par les mêmes déclarations d’intérêt exhaustives que celles demandées aux parlementaires et ministres, tout comme leurs conjoints.
Le moindre consultant junior qui démarrerait sur une mission serait donc soumis, ainsi que sa conjointe ou son conjoint, à une déclaration exhaustive sur ses activités professionnelles…
De surcroît, vous avez ajouté en commission une possibilité de contrôle sur place, par la HATVP, qui ne s’applique pas aux parlementaires et ministres. J’insiste sur cet argument de proportionnalité : la proposition de loi, telle qu’elle est actuellement rédigée, fait peser sur des consultants juniors, voire sur des employés administratifs des cabinets de conseil, des dispositions plus exigeantes que celles qui s’appliquent aux responsables publics.
En l’état, la rédaction de l’article présente un risque constitutionnel. Je crois très sincèrement qu’il ne passerait pas sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel. Une question analogue a déjà été posée lors de l’examen de la loi relative à la transparence de la vie publique : le Conseil constitutionnel avait alors estimé que le recours élargi à une telle obligation de déclaration pour les conjoints entraînait une atteinte disproportionnée au droit constitutionnellement garanti à la préservation de la vie privée.
J’essaye sincèrement de vous convaincre de la bonne foi du Gouvernement sur cette question de proportionnalité.
J’insiste aussi sur la question de l’effectivité.
Quel serait le résultat concret du texte tel qu’il nous est soumis aujourd’hui ? Des dizaines de milliers de déclarations exhaustives d’intérêt arriveraient entre les mains non pas des référents déontologues des administrations, mais probablement des acheteurs. Qu’en feraient-ils et comment les administrations pourraient-elles les prendre en charge ?
Cela poserait un réel problème d’effectivité, qui pourrait mettre en danger la responsabilité même des agents publics. En effet, si, par la suite, on se trouvait face à un conflit d’intérêts, on ne manquerait pas de se demander si l’administration a bien joué son rôle, alors que l’acheteur, contrairement aux membres de la HATVP, n’est pas spécialisé dans l’analyse des déclarations d’intérêt – à moins que vous ne vouliez que l’intégralité des déclarations d’intérêts remonte à la HATVP, au risque de provoquer son embolisation.
J’émets donc des réserves sincères et motivées sur la rédaction de cet article.
Pour autant, le Gouvernement n’est pas sans contre-proposition : l’amendement n° 36 vise à centrer les déclarations exhaustives d’intérêt sur les dirigeants, ainsi que sur les cabinets de conseil, ce qui permettrait de répondre à la question soulevée.
À juste titre, vous avez affirmé vouloir connaître les autres clients des cabinets de conseil, ce que permet la rédaction proposée par le Gouvernement.
Centrons les déclarations exhaustives d’intérêt sur les dirigeants et sur les cabinets de conseil et demandons à tous les consultants de fournir, mission par mission, une déclaration sur l’honneur de non-conflit d’intérêts pour la mission sur laquelle ils sont appelés à intervenir. J’insiste sur le fait que ce document serait juridiquement et pénalement opposable si un conflit d’intérêts était avéré.
La proposition du Gouvernement ne constitue donc absolument pas un affaiblissement en matière de déontologie, mais vise au contraire à rendre cette proposition de loi plus effective.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, pour les raisons qu’a exposées Arnaud Bazin et que je ne rappelle pas.
Le Conseil constitutionnel a censuré l’élargissement de la déclaration aux parents et aux enfants ; or cet article le circonscrit au conjoint.
Par ailleurs, à la différence de ce qui se passe pour les élus, dont la déclaration est rendue publique, la déclaration sera remise à l’administration et contrôlée sur demande par la HATVP. Le respect de la vie privée n’est donc pas remis en cause : je le précise, puisque cette question suscite une grande inquiétude du côté des cabinets de conseil.
Je me souviens des débats que nous avons eus ici même lors de l’examen du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique, y compris dans les couloirs : quelle que soit notre appartenance politique, nous avions tous peur du déballage de notre vie privée que cela provoquerait. Les murs garderont le secret des plaisanteries et boutades qui ont émaillé nos conversations en dehors de l’hémicycle.
Aujourd’hui, cette mesure peut encore être vécue comme une contrainte ; pour autant, dans leur très grande majorité, les élus s’y plient. Le caractère public de la déclaration et la possibilité pour le citoyen de la consulter en préfecture – ce qui est sans doute perfectible – sont acceptés et la presse ne commente pas la déclaration de chaque nouveau ministre.
C’est en la généralisant que nous désacraliserons la transparence et rassurerons ceux qui ont peur d’en être les victimes, alors qu’il s’agit de les aider.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Nous ne demandons pas la publication de la déclaration d’intérêt du conjoint, nous souhaitons en revanche que soit précisée sa profession.
D’ailleurs, monsieur le ministre, c’est ce que vous avez fait vous-même dans le cadre de l’accord-cadre de la DITP. Cette mesure ne doit donc pas soulever de difficultés particulières. Nous avons besoin de connaître les intérêts de ceux qui interviennent.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Arnaud Bazin. En outre, si l’acheteur qui sera le destinataire de cette déclaration d’intérêt ne s’estime pas suffisamment armé pour en juger, il pourra se retourner vers la HATVP : c’est prévu, même si je doute que les cas soient très nombreux.
Nous souhaitons donc maintenir le dispositif tel qu’il a été proposé.
M. le président. Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 est adopté.)
Article 11
I. – Tout prestataire de conseil communique à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, par l’intermédiaire d’un téléservice :
1° Les actions de démarchage ou de prospection réalisées auprès des administrations mentionnées au I de l’article 1er ;
2° Les actions menées au profit des personnes morales relevant des catégories mentionnées à l’article 238 bis du code général des impôts, en précisant le montant des dons et versements du prestataire, les ressources humaines qu’il a mobilisées et les contreparties qu’il a reçues.
II. – La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique détermine, pour la mise en œuvre du I :
1° Le modèle, le contenu, les modalités et le rythme des déclarations ;
2° Les modalités de publication des informations correspondantes, sous forme électronique, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par Mme Duranton, MM. Patriat, Richard, Mohamed Soilihi, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 6
Rédiger ainsi ces alinéas :
II. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis public de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, précise :
1° Le rythme et les modalités des communications prévues au I du présent article, ainsi que les conditions de publication des informations correspondantes ;
2° Les modalités de présentation des actions du prestataire de conseil.
La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Cet amendement a pour objet de renvoyer à un décret en Conseil d’État pris après avis public de la HATVP la définition des modalités de publication des informations relatives aux actions de démarchage, de prospection et de mécénat.
Le dispositif que nous proposons d’adopter s’inspire de celui qui a été prévu par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
J’insiste à mon tour sur le fait que ce décret d’application sera rendu après avis public de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Un travail conjoint sera donc mené pour en élaborer la rédaction.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Nous avons confiance dans le Gouvernement, mais prévoir un décret d’application présente toujours un risque.
Il n’est qu’à raviver ce souvenir un peu délicat : le président de la HATVP rappelle souvent que, si la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin 2, est bien écrite, le décret qui a été pris en application l’a complètement dévitalisée. Ce problème persiste depuis plus de cinq ans.
Il serait bon d’éviter de reproduire les mêmes erreurs.
Mme Éliane Assassi. Oui !
M. le président. Je mets aux voix l’article 11.
(L’article 11 est adopté.)
Article 12
I. – La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’assure du respect des règles déontologiques fixées par la présente section et par les articles 2 et 5.
La Haute Autorité peut se saisir d’office ou être saisie par :
1° L’administration bénéficiaire de la prestation de conseil ;
2° Une organisation syndicale de fonctionnaires ;
3° Le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat ;
4° Les associations agréées par la Haute Autorité dans les conditions prévues au deuxième alinéa du II de l’article 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
II. – La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique peut se faire communiquer, sur pièces, par l’administration bénéficiaire de la prestation de conseil, le prestataire ou les consultants, toute information ou tout document nécessaire à l’exercice de sa mission. Elle peut entendre ou consulter toute personne dont le concours lui paraît utile.
La Haute Autorité peut également procéder à des vérifications sur place, dans des locaux professionnels ou des locaux affectés au domicile privé, sur autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
La visite s’effectue sous l’autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l’a autorisée, en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant qui peut se faire assister d’un conseil de son choix ou, à défaut, en présence de deux témoins qui ne sont pas placés sous l’autorité des personnes chargées de procéder au contrôle.
Seuls peuvent être opposés à la Haute Autorité le secret de la défense nationale, de la conduite de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l’État, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes ou de la sécurité des systèmes d’information.
III. – Lorsque la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique constate un manquement aux règles déontologiques fixées par la présente section ou par les articles 2 ou 5, elle :
1° Adresse au prestataire ou au consultant concerné une mise en demeure, qu’elle peut rendre publique, de respecter les obligations auxquelles il est assujetti, après l’avoir mis en état de présenter ses observations ;
2° Avise l’administration bénéficiaire et, le cas échéant, lui adresse des observations.
M. le président. L’amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Le prestataire de conseil ;
II. – Alinéas 8 et 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre. Cet amendement a deux objets.
D’une part, il s’agit de supprimer la possibilité de saisine de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique par une organisation syndicale. Cette disposition prévue dans le texte me gêne, parce qu’en l’état du droit aucune organisation syndicale ne peut saisir une autorité administrative indépendante. Ce texte créerait donc un précédent. J’ai un respect absolu pour les organisations syndicales, mais je ne crois pas qu’il revienne aux représentants syndicaux de saisir la HATVP sur les cabinets de conseil. Les organisations syndicales ont pour mission de protéger les agents de la fonction publique, de défendre leurs droits et leurs intérêts. Cette possibilité de saisine reviendrait à dévoyer leur rôle.
D’autre part, il s’agit d’écarter la mise en place d’un pouvoir de contrôle sur place de l’ensemble des salariés des cabinets de conseil qui serait accordé à la HATVP. Là encore, cette disposition créerait un précédent et une inégalité devant la loi, puisque ce pouvoir de contrôle n’existe ni pour les ministres ni pour les parlementaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Sueur, M. Vallet, P. Joly, Montaugé et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En cas d’opposition et après mise en demeure préalable, le président de la Haute Autorité peut saisir la commission des sanctions qui statue sur le bien-fondé du motif invoqué. Lorsque le secret de la défense nationale est invoqué, celle-ci saisit pour avis la commission du secret de la défense nationale dans le cadre de l’article L. 2312-1 du code de la défense.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. En cas de refus à la suite d’une demande de communication de pièce ou de documents de la HATVP, il est proposé que cette instance puisse saisir la commission des sanctions, qui a notamment été mise en place à cette fin.
Je remercie Mme la rapporteure d’avoir formulé des suggestions très judicieuses pour améliorer cet amendement dont la rédaction était à l’origine imparfaite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Défavorable, par cohérence avec la position du Gouvernement. (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 12, modifié.
(L’article 12 est adopté.)
Article 13
I. – Est passible d’une amende administrative le fait, pour les prestataires de conseil et les consultants :
1° De ne pas respecter les exigences fixées à l’article 2 ou de ne pas mettre fin à un conflit d’intérêts au sens du second alinéa du I de l’article 9 ;
2° De proposer, de réaliser ou d’accepter une prestation de conseil à titre gracieux, à l’exclusion des actions menées au profit des personnes morales relevant des catégories mentionnées à l’article 238 bis du code général des impôts ;
3° De ne pas adresser la déclaration d’intérêts prévue à l’article 10 de la présente loi ou d’omettre de déclarer une partie substantielle de ses intérêts ;
4° De ne pas communiquer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique les informations sur les actions de démarchage, de prospection et de mécénat, mentionnées à l’article 11 ;
5° D’entraver l’action de la Haute Autorité en refusant de lui communiquer toute information ou pièce utile à l’exercice de sa mission, quel qu’en soit le support, sous réserve de la préservation des secrets mentionnés au dernier alinéa du II de l’article 12, ou en transmettant des informations mensongères.
Le montant de l’amende mentionnée au premier alinéa du présent I ne peut excéder 15 000 € par manquement constaté pour une personne physique et 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent pour une personne morale. Son montant est proportionné à la gravité des manquements constatés ainsi qu’à la situation financière de la personne physique ou morale sanctionnée.
II. – Les amendes administratives prévues au I sont prononcées par la commission des sanctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans les conditions fixées à l’article 19-1 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Leur produit est recouvré comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.
La commission des sanctions de la Haute Autorité peut également :
1° Rendre publiques les amendes administratives prononcées, aux frais de l’intéressé ;
2° En cas de faute professionnelle grave, exclure l’intéressé de la procédure de passation des contrats de la commande publique, pour une durée maximale de trois ans.
M. le président. L’amendement n° 38, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende, le fait :
1° De ne pas respecter les exigences des dispositions des articles 10 et 11 ;
2° D’entraver l’action de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en refusant de lui communiquer toute information ou pièce utile à l’exercice de sa mission, quel qu’en soit le support, sous réserve de la préservation des secrets au sens du II de l’article 12.
Les personnes physiques coupables de l’une des infractions prévues au présent article encourent également l’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, dans les conditions prévues à l’article 131-34 du code pénal.
Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal de l’une des infractions prévues au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, la peine prévue au 5° de l’article 131-39 du même code.
La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre. Je présenterai dans le même temps cet amendement, ainsi que l’amendement n° 39 sur l’article 14 et l’amendement n° 40 sur l’article 15, puisqu’ils forment un tout.
Le débat dépasse ici, à mon sens, le périmètre de la proposition de loi telle qu’elle nous est soumise. La question du rôle de la HATVP renvoie aux débats sur la loi relative à la transparence de la vie publique ou sur la loi Sapin 2, qui portaient justement sur cette question, ainsi que sur celle du pouvoir que nous donnions à la Haute Autorité de transparence pour la vie publique.
Adopter les articles 13, 14 et 15 reviendrait à remettre fondamentalement en cause la façon dont a été pensée la HATVP pour les cas spécifiques des cabinets de conseil. Il est en effet question des régimes de sanctions. Le législateur s’est déjà penché sur la question du bon régime de sanctions applicables aux représentants d’intérêts ; il a admis une exception, celle de permettre à la HATVP d’effectuer des contrôles sur place, chez les représentants d’intérêt. Malgré cette exception, un pouvoir de sanction pénale a été réaffirmé, qui ne relevait pas de la HATVP, puisqu’il ne s’agissait pas d’un pouvoir de sanction administrative.
Ce nouveau pouvoir de sanction spécifique pour les seuls cabinets de conseil constituerait, selon moi, une dissonance par rapport au rôle de la HATVP et au droit élaboré par le législateur.
On peut débattre de ce qui serait le plus dissuasif. Pour ma part, je considère que les sanctions pénales, qui sont définies par la loi, sont dissuasives.
J’entends parfois que la HATVP serait démunie de ce pouvoir de sanction et que son rôle serait de fait inopérant. Ce n’est pas vrai : la HATVP a déjà transmis des éléments au procureur de la République : 178 dossiers ont ainsi été transmis à la justice depuis 2014, donnant lieu à 28 condamnations effectives et définitives pour des ministres et des parlementaires. Ce pouvoir est donc pleinement effectif et le dispositif déjà prévu n’est pas du tout inopérant ; bien au contraire, il me semble largement dissuasif.
L’amendement n° 39 à l’article 14 est un amendement de suppression, en cohérence avec ce que je viens d’indiquer : je suis contre la création d’un régime de sanctions, donc contre la création d’une commission des sanctions.
L’amendement n° 40 à l’article 15 est quant à lui un amendement de cohérence avec le droit européen. Le dispositif de sanctions pénales prévoit déjà des mécanismes d’exclusion des marchés publics et des mises en cohérence avec les mécanismes existants d’auto-apurement prévus par les textes européens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 38.
Ce n’est pas qu’une question de procédure : nous pensons que la sanction administrative sera, en la matière, bien plus efficace, car plus rapide dans son application, par rapport à une sanction pénale qui prend beaucoup plus de temps. Nous demeurons favorables à la création d’une commission des sanctions.
Les cabinets de conseil constituent un cas spécifique. L’objectif est non pas de généraliser le dispositif à d’autres champs, mais de garder le périmètre initial prévu par cette proposition de loi. C’est pourquoi nous souhaitons maintenir la création d’une commission des sanctions au sein de la HATVP, réservée à ces seuls acteurs.
Par voie de conséquence, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 39 et 40 déposés respectivement aux articles 14 et 15. Je précise que, dans le respect du droit européen, l’article 15 prévoit un mécanisme de régulation, en s’appuyant sur une collaboration « active », qui reprend la disposition de la directive, entre, d’une part, la HATVP et, d’autre part, l’administration qui a bénéficié de la prestation de conseil.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. L’amendement n° 38 vise à supprimer des sanctions, par exemple lorsqu’un cabinet de conseil réalise une prestation pro bono ou qu’il utilise le logo de l’administration, ce qui est bien évidemment inacceptable à nos yeux.
M. le président. L’amendement n° 31, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer le mot :
total
par le mot :
consolidé
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’adjectif « total » permet un parallélisme des formes avec la rédaction de l’article 20 de la loi de 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés créant la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Cet adjectif est également utilisé pour définir le montant de la sanction pécuniaire, puisqu’il est question de « chiffre d’affaires annuel total ».
Cette modification rédactionnelle créerait donc une difficulté.
Mme Nathalie Goulet. Je retire cet amendement !
M. le président. L’amendement n° 31 est retiré.
Je mets aux voix l’article 13.
(L’article 13 est adopté.)
Article 14
Après l’article 19 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, il est inséré un article 19-1 ainsi rédigé :
« Art. 19-1. – I. – La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique comprend une commission des sanctions, qui peut prononcer les amendes et sanctions administratives prévues à l’article 13 de la loi n° … du … encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques.
« II. – La commission des sanctions est composée de trois membres, dont :
« 1° Un membre du Conseil d’État ou du corps des conseillers de tribunaux administratifs et cours administratives d’appel, en activité ou honoraire, désigné par le vice-président du Conseil d’État ;
« 2° Un magistrat de la Cour de cassation ou des cours et tribunaux, en activité ou honoraire, désigné par le premier président de la Cour de cassation ;
« 3° Un magistrat de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes, en activité ou honoraire, désigné par le premier président de la Cour des comptes.
« L’écart entre le nombre de femmes et d’hommes ne peut pas être supérieur à un.
« Des suppléants sont nommés selon les mêmes modalités.
« Le président de la commission des sanctions est élu par ses membres.
« III. – Les membres titulaires et suppléants de la commission des sanctions sont nommés pour une durée de six ans, non renouvelable.
« Ils ne peuvent pas être membres du collège ou des services de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Ils sont soumis aux incompatibilités et aux obligations déclaratives prévues au IV de l’article 19.
« IV. – La commission des sanctions est saisie par le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, après la mise en demeure mentionnée au III de l’article 12 de la loi n° … du … encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques.
« Aucune amende ou sanction administrative ne peut être prononcée sans que l’intéressé ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment appelé.
« Un représentant du collège de la Haute Autorité peut présenter des observations pour le compte de celle-ci.
« La commission des sanctions délibère hors la présence de l’intéressé ou de son représentant et du représentant du collège de la Haute Autorité. Elle statue par décision motivée à la majorité de ses membres. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« V. – La commission des sanctions établit son règlement intérieur, qui précise ses règles de fonctionnement, les procédures applicables devant elle et les conditions dans lesquelles elle peut être assistée de rapporteurs. »