Mme Françoise Gatel. Ce n’est pas ce que nous disons !
M. Emmanuel Capus. On a dit également que le conflit d’intérêts constituait le cancer de nos institutions. Nous rencontrons donc une difficulté pour établir le périmètre de cet article. Il me semble que ce texte n’est pas prêt, raison pour laquelle je m’abstiendrai.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Jusqu’à ce point, chacun s’est abstenu de caricaturer le propos des autres, et il est important que nous puissions continuer d’avancer ainsi. Aucun d’entre nous n’a dit que les collectivités territoriales ne constituaient pas un sujet.
Notre collègue Arnaud Bazin l’a rappelé, les mécanismes de contrôle, de régulation, de transparence et d’information des collectivités territoriales diffèrent de ceux de la plupart des administrations de l’État.
Par ailleurs, comme Mmes Gatel et Assassi l’ont souligné, nous ne voulons pas que la question des collectivités territoriales se résume à une simple référence au code général des collectivités territoriales. Nous voulons mener un travail d’expertise et, surtout, une réflexion avec les élus locaux, qui administrent ces collectivités.
Je le redis, si cette proposition de loi prenait en compte les collectivités territoriales, elle deviendrait en partie incompréhensible. Que deviendrait, par exemple, l’article 8 ? Mais je sais, monsieur le ministre, que vous allez me répondre qu’il faut, de toute façon, réécrire cet article.
Nous devons veiller à préserver la cohérence trouvée par la commission. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces quatre amendements.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre. Je veux rebondir sur le dernier point évoqué : que faisons-nous pour les établissements publics, pour lesquels vous n’avez fait référence à aucun seuil, dans le cadre d’un certain nombre de mesures, à commencer par celles de l’article 8 ?
S’agissant des seuils, je comprends bien le syndrome de la page blanche, monsieur Reichardt. Simplement, la rédaction que nous avons choisie est celle qui a été adoptée par votre assemblée dans le cadre de la loi de 2013 relative à la transparence de la vie publique. J’espère que ce rappel lèvera vos appréhensions en la matière.
Monsieur Bazin, l’un de vos arguments me paraît quelque peu circulaire : selon vous, il faut laisser de côté les collectivités territoriales, faute d’une bonne connaissance de leur recours aux services des cabinets de conseil. Mais les articles 3, 4 et 8 de la proposition de loi permettront justement une meilleure transparence, en listant le recours aux prestations des cabinets de conseil.
Enfin, d’après vous, les enjeux déontologiques de l’État, dont le champ d’action est plus large, diffèrent de ceux d’un certain nombre de collectivités. Je ne peux partager un tel argument : les collectivités territoriales agissent sur la vie quotidienne des Français, qu’il s’agisse du logement, de l’action sociale ou du transport. En la matière, les enjeux de déontologie sont tout aussi présents que pour ce qui relève de l’action de l’État.
Je persiste à émettre un avis favorable sur ces amendements.
M. le président. Mes chers collègues, dans la mesure où nous sommes d’accord pour finir ce texte cette nuit, je vous rappelle que nous avons pris trois quarts d’heure pour examiner six amendements.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Le seuil de 10 000 habitants correspond à un premier jet. Puis, l’ayant estimé trop bas, nous l’avons fixé à 100 000 habitants.
Je retire les amendements nos 1 rectifié et 45 rectifié au profit de l’amendement n° 44.
M. le président. Les amendements nos 1 rectifié et 45 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mmes Muller-Bronn et Bonfanti-Dossat, MM. Guerriau, Meurant, Bonneau, Belin, Charon, Bouchet et Chauvet, Mme Dumont, MM. Houpert et Joyandet, Mmes Goy-Chavent et Noël et M. H. Leroy, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié est retiré.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Muller-Bronn, MM. Belin et Bonneau, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet, Chauvet, Charon et Chasseing, Mme Dumont, MM. Guerriau, Houpert et Joyandet, Mme Goy-Chavent, MM. Meurant et H. Leroy et Mme Noël, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Le conseil pour le pilotage des décisions prises au préalable par l’État et les autorités publiques ;
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
L’amendement n° 20, présenté par Mme Duranton, MM. Patriat, Richard, Mohamed Soilihi, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer les mots :
et en gestion des ressources humaines
La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Cet amendement a pour objet d’exclure du champ d’application de la loi les prestations de conseil en gestion des ressources humaines.
Nous considérons que ces prestations, à l’instar de l’aide au recrutement, ne relèvent pas du conseil stratégique, mais visent essentiellement à répondre aux besoins pratiques des administrations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. La commission est défavorable à cet amendement.
Les projets de restructuration et de transformation peuvent comprendre un volet relatif aux ressources humaines. Ainsi, l’adoption de cet amendement conduirait à affaiblir la portée de la loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. L’adoption de cet amendement conduirait à déplumer considérablement le texte. Les recours aux cabinets de conseil sont très nombreux pour tout ce qui concerne les recrutements, les évaluations et les ressources humaines au sens large.
Il est essentiel que tout cela reste dans le périmètre de la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Pour illustrer mon propos, permettez-moi de vous renvoyer, mes chers collègues, à la page 244 du rapport de la commission d’enquête, qui décrit une prestation de Citwell, en accompagnement aux ressources humaines : « Aide au recrutement d’un analyste opérationnel à Santé publique France, SPF, qui entrera en fonction le 23 septembre 2020 : identification de profils, recueil de CV, prise de contact et proposition de profils à SPF ; réalisation des entretiens avec SPF ; matrice de synthèse des candidats short listés. »
Il s’agit donc de sujets délicats et pointus engageant des politiques régaliennes de l’État, ce qui n’est pas du tout neutre.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 29 est présenté par M. Segouin.
L’amendement n° 30 rectifié est présenté par MM. Longuet et Capus.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
Ils ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Muller-Bronn, MM. Anglars et Bonneau, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Belin, Bouchet, Charon et Chauvet, Mmes Dumont et Goy-Chavent, MM. Houpert, Joyandet et Meurant, Mme Noël et MM. H. Leroy et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Le conseil pour le déploiement opérationnel d’outils de communication ;
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié est retiré.
L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme Muller-Bronn, MM. Bonneau et Belin, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet et Chasseing, Mme Dumont, MM. Charon, Chauvet et Guerriau, Mme Goy-Chavent, MM. Houpert, Joyandet, H. Leroy et Meurant et Mme Noël, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
5° Le conseil pour l’application et l’exécution opérationnelle des politiques décidées par l’État et les autorités publiques ;
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié est retiré.
L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Muller-Bronn, M. Belin, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonneau, Bouchet, Chasseing, Charon et Chauvet, Mmes Dumont et Goy-Chavent, MM. Guerriau, Houpert, Joyandet, H. Leroy et Meurant et Mme Noël, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
, une prestation de conseil s’inscrivant dans un périmètre d’exécution et de déploiement des stratégies préalablement décidées par l’État et les autorités publiques
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié est retiré.
L’amendement n° 21, présenté par Mme Duranton, MM. Patriat, Richard, Mohamed Soilihi, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer les mots :
à titre individuel
par les mots :
en qualité d’indépendant
La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Cet amendement vise à préciser la définition des consultants au sens de la loi.
L’article 1er prévoit l’inclusion, dans la catégorie des consultants, des « personnes physiques qui s’engagent à titre individuel avec l’administration bénéficiaire pour réaliser une prestation de conseil ».
Si les termes « qui s’engagent » renvoient assurément aux personnes physiques ayant passé un contrat avec l’administration bénéficiaire, les termes « à titre individuel » sont beaucoup plus ambigus et sources de difficultés d’interprétation. Une lecture extensive de ces termes pourrait, par exemple, conduire à inclure, dans la définition des consultants, les agents contractuels de droit public ou les vacataires recrutés pour assurer des tâches ponctuelles relevant des prestations de conseil.
De tels agents sont en effet des personnes physiques, qui s’engagent à titre individuel avec leur administration d’emploi. Or il convient de ne pas inclure les ressources humaines internes à l’administration dans le champ d’application.
Dans un souci de clarté et d’intelligibilité, nous proposons de substituer aux termes « à titre individuel » les termes « en qualité d’indépendant ». Les agents de l’administration recrutés par contrat seraient ainsi clairement exclus du champ d’application de la loi, alors que les personnes physiques exerçant des activités de consultance au profit d’une administration, sans être employées ni par celle-ci ni par un cabinet de conseil, seraient soumises au respect de la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Dans le cadre de cet article, les termes « à titre individuel » s’entendent par contraste avec les personnes qui interviennent au travers d’une personne morale. Nous souhaitons donc en rester à la rédaction proposée par la commission : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Il me semble que la visée de l’amendement n’est pas dénaturée par l’expression « à titre indépendant ».
En revanche, l’expression « à titre individuel » est particulièrement ambiguë. Il serait tout de même extrêmement dommageable que les agents contractuels entrent dans la définition de la proposition de loi.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes Muller-Bronn et Bonfanti-Dossat, MM. Bonneau, Belin, Bouchet, Charon et Chauvet, Mme Dumont, MM. Guerriau, Joyandet et H. Leroy, Mme Goy-Chavent, M. Meurant, Mme Noël et M. Houpert, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
ni stratégique
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.
L’amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Muller-Bronn et Bonfanti-Dossat, MM. Bonneau, Belin, Bouchet, Charon et Chauvet, Mme Dumont, M. Guerriau, Mme Goy-Chavent, MM. Houpert, Joyandet, H. Leroy et Meurant, Mme Noël et M. Chasseing, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer les mots :
aux administrations bénéficiaires, s’appuyant sur des informations factuelles et non orientées
par les mots :
et projections fondés sur des données chiffrées et sourcées ainsi que sur des estimations factuelles
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn.
Mme Laurence Muller-Bronn. Cet amendement a pour objet de s’assurer que l’expertise sous-traitée par l’État aux cabinets de conseil repose sur de réelles compétences.
Le rapport de la commission du Sénat, ainsi que l’enquête publiée par deux journalistes, intitulée Les infiltrés, ont révélé le manque de rigueur et le caractère parfois désinvolte et inutile des travaux et livrables rendus par les consultants.
Ainsi, dans le cadre des recommandations de McKinsey pour la campagne sur la quatrième dose de vaccination, l’unique scénario portait sur 100 % d’adhésion. Quant au scénario de réduction des coûts sociaux avec la baisse de 5 euros de l’APL, l’aide personnalisée au logement, on voit ce qu’il en reste aujourd’hui. Autre exemple, l’invention des masques grand public a été une décision publicitaire et non une décision émanant d’une autorité sanitaire.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Je remercie notre collègue Laurence Muller-Bronn d’avoir retiré un certain nombre d’amendements. En effet, même si nous avions salué l’état d’esprit qui avait présidé à leur rédaction, ils allaient presque à l’encontre du but recherché.
La commission est défavorable à l’amendement n° 8 rectifié, qui relève d’un degré de précision qui ne semble pas utile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. L’ensemble des prestations de conseil ne repose pas forcément et systématiquement sur des données chiffrées. L’adoption de cet amendement poserait donc un problème d’application : avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les cabinets de conseil indiquent aux administrations les différents scénarios de projet qu’ils ont décidé d’exclure et expliquent les raisons pour lesquelles ces scénarios de projet n’ont pas été retenus.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Le présent amendement vise à renforcer la lutte contre l’influence indue des cabinets de conseil sur les décisions publiques.
Il semble important que ces cabinets indiquent aux administrations les nombreuses pistes envisagées lors de la construction d’un projet, afin que les consultants n’aient pas de marge de manœuvre disproportionnée dans le choix du scénario proposé.
Ainsi, les auteurs du présent amendement demandent que les prestataires et consultants soient par principe obligés de proposer l’ensemble des scénarios envisagés et de motiver leur décision d’abandon de l’un ou l’autre de ces mêmes scénarios, ce qui paraît constituer une garantie supplémentaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Même si nous en mesurons le sens, l’adoption de cet amendement rendrait complètement inopérant l’application de l’article 1er.
En effet, la liste des scénarios non retenus pourrait devenir illimitée. Si la volonté des auteurs de l’amendement est d’aller vers plus de transparence et une meilleure justification de ce qui est retenu par rapport à ce qui ne l’est pas, les dispositions proposées risqueraient davantage de bloquer les processus que d’assurer une plus grande transparence.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 28, présenté par Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ils n’effectuent pas d’action de représentation d’intérêts, au sens de l’article 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, au nom de tiers, au sens de l’article 18-3 de la même loi.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à créer une incompatibilité légale formelle entre les cabinets de conseil, qui contractualisent avec l’État, et les cabinets d’affaires publiques, qui contractualisent auprès de clients privés pour exercer en leur nom des activités de représentation d’intérêts auprès des décideurs publics.
La commission d’enquête parlementaire – je pense notamment à l’audition du président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – a bien démontré que les cabinets de conseil intervenant auprès de l’État, n’étant pas des représentants d’intérêts au sens propre, n’étaient pas inscrits au répertoire de la HATVP, sauf rare exception.
Le risque, à défaut de garanties légales réaffirmées, serait évidemment qu’un cabinet de conseil se prévale de sa mission auprès de l’État pour vendre à ses clients privés une influence supposée ou réelle, ce qui serait constitutif d’un avantage indu et même, dans certains cas, d’un délit pénal de trafic d’influence.
Il apparaît donc nécessaire et utile d’établir légalement que les cabinets de conseil qui contractualisent avec l’État ont l’interdiction d’effectuer auprès des pouvoirs publics toute action de représentation d’intérêts au nom de tiers.
Je précise bien évidemment que cette interdiction n’exclurait pas du tout la possibilité que ces cabinets effectuent des actions de représentation d’intérêts en leur nom propre ou via leurs associations professionnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. La question de la représentation d’intérêts, que vous soulevez, peut être réglée dans le cadre créé par la proposition de loi en matière de conflit d’intérêts des cabinets de conseil.
Un prestataire qui utiliserait la mission de conseil qu’il effectue auprès d’une administration pour faire de la représentation au profit d’un autre client serait de fait en situation de conflit d’intérêts, donc punissable par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Il ne nous semble donc pas opportun d’introduire dans le texte la précision d’une incompatibilité générale entre ces professions : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Sueur, M. Vallet, P. Joly, Montaugé et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le bureau de chaque assemblée parlementaire détermine les règles applicables aux prestations de conseil réalisées à son bénéfice par les prestataires et consultants mentionnés à l’article 1er de la présente loi. Ces règles sont rendues publiques.
L’organe chargé, au sein de chaque assemblée, de la déontologie parlementaire s’assure du respect de ces règles par les prestataires et les consultants. Il peut se faire communiquer toute information ou tout document nécessaire à l’exercice de sa mission.
Lorsqu’il est constaté un manquement aux règles déterminées par le bureau, l’organe chargé de la déontologie parlementaire saisit le président de l’assemblée concernée. Celui-ci peut adresser au prestataire ou consultant concerné une mise en demeure, qui peut être rendue publique, de respecter les obligations auxquelles il est assujetti, après l’avoir mis en état de présenter ses observations.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Dès lors que la série de mesures contenue dans ce texte apparaît bénéfique pour l’ensemble des services de l’État, il est logique qu’elle s’applique aussi aux assemblées parlementaires. Je ne vois pas pourquoi il en irait autrement.
Il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause l’indépendance des assemblées parlementaires. De même que la loi qui a établi un cadre pour les activités de représentation d’intérêts s’applique au Sénat dans les conditions fixées en toute indépendance par le bureau du Sénat, nous souhaitons que les dispositions de la présente proposition de loi s’appliquent au Sénat comme à l’Assemblée nationale selon les modalités qui seront définies et mises en œuvre par le bureau de chaque assemblée, dont, précisément, il s’agit de préserver l’indépendance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. En l’état, rien n’empêche le bureau de chaque assemblée parlementaire de mettre en place ses propres règles en l’absence de base légale. Il nous semble un peu prématuré d’imposer par amendement une telle extension de la présente proposition de loi aux chambres parlementaires : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Au nom de la séparation des pouvoirs, avis de sagesse, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre II
En finir avec l’opacité des prestations de conseil
Article 2
I. – Les consultants sont tenus d’indiquer leur identité et le prestataire de conseil qui les emploie dans leurs contacts avec l’administration bénéficiaire et les tiers avec qui ils échangent pour les besoins de leurs prestations. Ils ne peuvent se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine de l’administration bénéficiaire.
II. – Le prestataire et les consultants ont l’interdiction d’utiliser tout signe distinctif de l’administration bénéficiaire ou des tiers mentionnés au I dans leurs relations avec ceux-ci et sur les documents qu’ils produisent pour le compte de l’administration bénéficiaire.
III. – Lorsqu’un document a été rédigé avec la participation, directe ou indirecte, de consultants, l’administration bénéficiaire y mentionne cette information, précise la prestation de conseil réalisée et le cadre contractuel dans lequel s’inscrit ladite prestation.
IV. – (Supprimé) – (Adopté.)
Article 3
Le Gouvernement remet au Parlement, le premier mardi d’octobre de chaque année, un rapport relatif au recours aux prestations de conseil au sens de l’article 1er.
Il comprend la liste des prestations de conseil réalisées au cours des cinq dernières années, à titre onéreux ou dans le cadre d’actions menées au profit des personnes morales relevant des catégories mentionnées à l’article 238 bis du code général des impôts.
Pour chacune de ces prestations, la liste indique, sous réserve du secret de la défense nationale, de la conduite de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l’État, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes ou de la sécurité des systèmes d’information :
1° La date de notification de la prestation et sa période d’exécution ;
2° Le ministère ou l’organisme bénéficiaire ;
3° L’intitulé et la référence de l’accord-cadre auquel se rattache la prestation, le cas échéant ;
4° L’intitulé et le numéro d’identification du marché, l’intitulé et le numéro du lot et, lorsque la prestation se rattache à un accord-cadre, le numéro du bon de commande ou du marché subséquent ;
5° L’objet résumé de la prestation ;
6° Le montant de la prestation ;
7° Le nom et le numéro de système d’identification du répertoire des établissements du prestataire et de ses éventuels sous-traitants ;
8° Le groupe de marchandise auquel se rattache la prestation au sens de la nomenclature des achats de l’État.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. On ne saurait sous-estimer l’importance de l’amendement déposé par le Gouvernement à cet article : il acte le recul du Gouvernement quant à la transparence des prestations de conseil. Il faut d’ailleurs le replacer dans son contexte, qui a été évoqué lors de la discussion générale : nous sommes dans une situation où, par exemple, un journal, Le Monde, est obligé d’aller devant le tribunal administratif pour obtenir des informations…
En pratique, les ministères ne répondent pas aux sollicitations des journalistes : ils refusent de communiquer les documents demandés. Ils perdent devant la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), mais jouent la montre – ils savent que les procédures judiciaires engagées prennent des mois, voire des années, et qu’ils seront « tranquilles » dans l’intervalle… C’est ainsi que les choses se passent, notamment pour le rapport McKinsey sur l’avenir du métier d’enseignant, que le Gouvernement refuse toujours de publier.
D’une manière générale, nous assistons à un retour de l’opacité depuis que la commission d’enquête a achevé ses travaux. L’amendement présenté par le Gouvernement vise, sous des airs techniques, à supprimer au moins quatre garanties de transparence prévues par notre texte.
Première garantie : la publication des bons de commande. Ces documents sont bel et bien communicables, en vertu d’un principe rappelé par la Cada ; pour qu’ils puissent être transmis, il suffira de biffer le nom du fonctionnaire en charge, ce qui ne me semble pas insurmontable à l’heure du numérique…
Nous demandons aussi, deuxièmement, l’établissement d’une cartographie des ressources humaines (RH) des ministères, afin que l’État puisse mieux mobiliser ses compétences internes et moins recourir aux consultants extérieurs, ainsi que, troisièmement, l’inclusion des informations relatives aux prestations de conseil dans le rapport social unique des administrations concernées, document transmis aux représentants du personnel, afin que ces derniers puissent en débattre.
Nous souhaitons, quatrièmement, que les données rendues publiques fassent l’objet d’une consolidation sur cinq ans. Le Gouvernement, quant à lui, propose que cette durée soit réduite à deux ans et que l’information ainsi retracée soit décentralisée au niveau de chaque établissement public, ce qui reviendrait à la rendre éparse. Les établissements publics sont certes autonomes sur le plan administratif, mais ils sont rattachés à l’État via leur ministère de tutelle.
Le Gouvernement propose également d’ajouter des exceptions à la transparence afin d’éviter la publication de certains documents – je n’y reviens pas dans le détail, il y a déjà été fait référence. Les informations basiques – objet résumé des prestations de conseil, montant – dont nous demandons la communication ne sont pas couvertes par le secret des affaires. Au regard des règles de la commande publique, elles devraient d’ailleurs déjà faire l’objet d’une publication. Elles recoupent la liste dont la commission d’enquête a préconisé la publication sans que cela soulève de difficultés.
Le Gouvernement ne saurait donc se cacher derrière le secret des affaires pour refuser cette publication : une telle position serait à la fois juridiquement infondée et démocratiquement contestable.