M. Mickaël Vallet. Raté !
Mme Nathalie Goulet. … une circulaire a été publiée le matin même de l’audition de la ministre pour limiter le recours des ministères aux cabinets de conseil. Même si elle était insuffisante, elle attestait de la gêne du Gouvernement face aux effets de nos auditions publiques.
Je dirai à présent un mot sur le périmètre du texte. Sur ce sujet, je suis prise d’une double sincérité franchement centriste. (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
Il est évident que la question des collectivités locales se pose. Il n’y a pas de volonté de notre part de l’éviter. Mais pour les régions, les départements, les grandes métropoles et les intercommunalités, le recours à des cabinets de conseil est un sujet à part entière. Or il n’a pas été traité par la commission d’enquête – pas une seule audition n’a porté sur cette question – et les associations d’élus n’ont pas été consultées. De notre point de vue, il est inacceptable d’intégrer les collectivités locales dans ce dispositif sans qu’elles aient été entendues. C’est pourquoi notre groupe s’abstiendra sur les amendements ayant pour objet d’étendre le périmètre du texte aux collectivités.
Notre commission d’enquête a clairement défini le périmètre de ses travaux, sur lequel la proposition de loi est calquée. Monsieur le ministre, mes chers collègues, les collectivités locales constituent un véritable sujet, je vous l’accorde. Monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous charger quelques parlementaires d’une mission flash sur ce sujet ? On pourrait également se pencher sur la question importante des centrales d’achat.
J’évoquerai à présent le recours à des cabinets d’avocats pour des prestations de conseil. Le Conseil national des barreaux s’est vanté sur les réseaux sociaux d’avoir obtenu d’être exclu du périmètre de contrôle. Voici leur tweet mortifère : « Nous venons de faire modifier la proposition de loi sur l’encadrement des cabinets dits “de conseil”. Cette proposition sénatoriale prévoyait d’englober dans son périmètre les prestations de conseil juridique. »
Monsieur le ministre, nous avons eu le même type d’irritants lors de la discussion de directives européennes. Alors que les cabinets d’avocats montent des pyramides pour faire de l’optimisation, voire de la fraude fiscale, sujet cher à mes collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, particulièrement à Éric Bocquet, il est évident qu’il faut les faire entrer dans les dispositifs légaux. (Mme Éliane Assassi et M. Éric Bocquet approuvent.)
Sur ce sujet, il faut travailler avec les bâtonniers, il faut intervenir dans le domaine réglementaire, afin d’accroître la transparence.
Ainsi, on ne peut pas consulter un cabinet d’avocat sur le projet de loi d’orientation des mobilités en ignorant totalement quels intérêts il défend par ailleurs, ceux de Vélib’ ou d’une autre société par exemple, au risque de faire face à une situation de conflit d’intérêts. Ce sujet est extrêmement important et il faut le traiter : comme je l’ai dit, le conflit d’intérêts est le pire cancer de la vie publique.
L’article 8 accorde de nouveaux pouvoirs à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et va à mon avis provoquer quelques remous. Pour ma part, je considère qu’il s’agit d’une bonne disposition.
Un autre problème a également été soulevé au cours des travaux de la commission d’enquête : toutes ces prestations de conseil ne sont absolument pas coordonnées ni par France stratégie ni par le Haut-Commissariat au plan. Ce défaut d’articulation nous a laissés un tantinet songeurs…
Le rapport s’appuie sur 7 300 documents et fourmille de chiffres : 41 millions d’euros ont été versés à McKinsey pour 68 commandes lors de la crise sanitaire ; 485 000 euros pour effectuer une étude, je l’ai évoquée, sur la réduction du délai de traitement des demandes d’asile – on sait que cela n’a pas du tout fonctionné ! –, 169 440 euros pour la mise à disposition d’un agent de liaison entre l’État et Santé publique France et cinq mois d’études. Tout cela n’est pas du tout raisonnable !
Cette commission d’enquête apporte une grande plus-value au travail parlementaire et républicain qu’effectue la Haute Assemblée. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque la commission d’enquête a été créée, puis lorsqu’elle a rendu ses conclusions, le Gouvernement s’est montré « aussi suffisant qu’insuffisant », pour reprendre les mots de Talleyrand. (M. Éric Bocquet sourit.)
À l’époque, monsieur le ministre, votre prédécesseure avait fait fi de nos remarques. Je me souviens aussi d’avoir entendu à la radio un jeune et sémillant porte-parole du Gouvernement estimer que cette enquête avait été conduite par une rapporteure « communiste » !
M. Fabien Gay. C’est vrai !
M. Jérôme Bascher. Il oubliait que ce rapport avait été adopté à l’unanimité par le Sénat et donc par des collègues siégeant sur toutes les travées.
Mme Françoise Gatel. Eh oui !
M. Jérôme Bascher. Ce n’est pas grave, ce n’était qu’une erreur de plus…
Cette erreur, vous n’avez cessé de tenter de la corriger, comme mes collègues l’ont rappelé : publication d’une circulaire le jour de l’audition de la ministre par la commission d’enquête, d’un rapport et maintenant d’un « jaune budgétaire »… Vous courez après tout cela sans paraître très à l’aise.
Rassurez-vous, monsieur le ministre : nous sommes là non pour accuser les uns ou les autres, mais pour faire notre travail de parlementaires, en lien tant avec l’exécutif qu’avec l’administration, qui va donc devoir se priver un petit peu des cabinets de conseil.
Rassurez-vous, le Sénat n’est absolument pas contre le recours à des cabinets de conseil, notamment dans le secteur informatique, car c’est un domaine dans lequel on apprend en conduisant de nombreux projets. La conduite d’un seul projet informatique important dans une administration ne permet pas un tel apprentissage. En revanche, dans d’autres secteurs, mes chers collègues, nous disposons de la haute fonction publique.
Nicole Duranton a indiqué que les Allemands ont davantage recours que nous aux cabinets de conseil, mais il faut prendre en compte le fait que la haute fonction publique allemande n’est pas du tout la même que la haute fonction publique française !
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Jérôme Bascher. Manquons-nous, en France, de hauts fonctionnaires de qualité ? Je ne le pense pas ! Combien d’anciens préfets s’ennuient-ils aujourd’hui au Conseil supérieur de l’appui territorial et de l’évaluation (CSATE) ? Combien de personnes recycle-t-on à l’inspection générale des affaires sociales (Igas) ou à l’inspection générale des finances (IGF), dont des anciens ministres très compétents ?
Le Président de la République lui-même a supprimé l’ENA en expliquant qu’il serait bien que des gens d’expérience travaillent dans les corps d’inspection. Cela tombe bien, nous en avons ! Mais on ne les utilise pas…
Lors de la RGPP, nous avons beaucoup eu recours à tous les corps d’inspection, qui n’ont peut-être jamais eu autant de travail. Il a bien fallu alors bénéficier de temps en temps de l’expérience des cabinets de conseil ! Mais oui, il faut utiliser les hauts fonctionnaires.
Certes, je comprends que le rapport ne plaise pas tellement à la DITP, qui se trouve dans la même situation qu’une préfecture.
Les préfets représentent l’État dans les territoires, mais ne s’occupent ni de l’éducation nationale, ni des agences régionales de santé (ARS), ni du ministère des finances et des directions départementales des finances publiques (DDFiP). Pour la DITP, c’est la même chose : elle croit centraliser, mais des dépenses sont faites partout, comme la commission d’enquête l’a révélé.
On le voit, beaucoup reste à faire, monsieur le ministre, mais je ne doute pas de votre bonne volonté. Vous l’avez compris, nous sommes là non pour vous embêter, mais pour mieux faire fonctionner l’administration française.
Certains collègues ont parlé des collectivités locales. Il ne faut tout de même pas exagérer : eu égard à l’état des finances locales, je ne suis pas sûr qu’il y soit fait beaucoup appel à des cabinets de conseil pratiquant de tels honoraires !
Monsieur le ministre, ma mère me disait de ranger ma chambre avant de dire que celle de mon frère était mal rangée. Avant de donner des conseils aux collectivités locales, occupez-vous donc de l’administration centrale. Commencez par ranger votre chambre avant d’aller voir chez les autres ! Cela me paraît de bonne politique.
La question de la souveraineté et des données est un sujet très important pour moi. Si les conseillers de McKinsey se font payer si cher, c’est parce qu’ils ont des bases de données incroyables qu’ils mettent à disposition de leurs clients – cela n’empêche pas le cabinet d’« oublier » de payer ses impôts. Or ces données sont stockées aux États-Unis.
Mme Cécile Cukierman. Oui !
M. Jérôme Bascher. Les lois américaines s’appliquent donc sur des données françaises qui peuvent être sensibles, mais que l’on ne peut plus surveiller.
En conclusion, je pense que, avec cette proposition de loi, comme dirait le Président de la République, l’abondance est terminée pour les cabinets de conseil ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet.
M. Mickaël Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon camarade Jean-Pierre Sueur vous ayant exposé la position du groupe socialiste sur les grandes lignes du texte, je me concentrerai pour ma part sur l’article 7, qui impose aux cabinets de conseil travaillant pour l’État de bien vouloir, s’il vous plaît, employer la langue française dans leurs échanges avec l’administration et dans leurs documents.
Cet article est la traduction de l’une des recommandations de cette commission d’enquête, à laquelle j’ai participé avec plaisir. Grâce à elle, nous avons pu mesurer ce qui se passe dans les coulisses de ces marchés publics où, diapositive après diapositive, les cabinets offrent des solutions adéquates que les administrations ne sauraient trouver par elles-mêmes.
Pour mieux me faire comprendre par l’écosystème qui nous occupe et qui nous écoute peut-être, j’aurais pu dire que j’ai fait partie du board de la commission qui a mesuré, behind the scene, comment slide après slide les consultants juniors et seniors d’un même practice font des « propales » pour offrir les bons feedbacks et les key learnings à leurs prospects publics.
Mes chers collègues, si comme moi vous n’entendez rien à ce sabir, rassurez-vous : la commission d’enquête a annexé à son rapport un glossaire du vocabulaire dont les cabinets de conseil inondent leurs clients – j’en remercie d’ailleurs la présidente Éliane Assassi. En revanche, inquiétez-vous de la situation qui a rendu ce glossaire malheureusement indispensable.
Lors de son audition, le PDG de La Poste a indiqué que le recours trop systématique aux cabinets de conseil faisait courir le risque d’un « nouveau conformisme », passant par la langue et conduisant à un appauvrissement de la pensée. Ce « globish », qui n’est même pas de l’anglais, est en réalité un instrument de formatage. Nombreux sont les fonctionnaires et les citoyens à en concevoir une souffrance certaine.
La France a un rapport à la puissance publique et à l’administration qui lui est propre ; Villers-Cotterêts n’est pas Wall Street. Or ce rapport ne peut être appréhendé par ces cadres de pensée d’outre-Atlantique. Ceux-ci correspondent parfaitement à la culture anglo-saxonne ; c’est une grande culture, mais ce n’est pas la nôtre et elle ne nous permet pas de développer souverainement notre propre vision de l’action publique.
La légère modification de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite Toubon, proposée dans ce texte ne saurait être résumée à une approche passéiste consistant à regretter le bon vieux temps de l’imparfait du subjonctif ou de la marine à voile.
Ce n’est pas non plus la recherche d’une langue pure, car une langue figée est une langue finie, fantasme morbide que je laisse aux réactionnaires. On doit accepter, avec gourmandise, l’intégration des mots étrangers ou nouveaux, lorsqu’ils recouvrent mieux que n’importe quel autre terme une réalité que notre langue ne décrit pas.
En revanche, lorsque le mot existe en français et, surtout – j’arrive au point essentiel –, lorsqu’il est parfaitement entendu de tous les citoyens, il doit être employé, afin que les gens se comprennent entre eux. C’est un impératif démocratique tout autant qu’un refus de l’entre soi.
Une récente étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) sur le sujet rappelle l’« attachement manifeste à la langue, qui se décline à travers l’expression de la nécessité de services publics exemplaires sur le sujet ».
C’est ce qui est exprimé dans l’article 7 de la présente proposition de loi, dans un contexte dans lequel les gouvernements ne respectent, et de longue date, ni la loi Toubon, ni les dispositions réglementaires prises en application de celle-ci, ni les circulaires primo-ministérielles, qui s’imposent pourtant à l’administration. Les « Choose France », « French Tech », « Business France », « France Connect », « French Impact », start-up nation, bottom-up et autres clusters sont autant d’agressions, qui creusent le fossé entre le peuple et ses représentants ; il faut en avoir conscience. Quand on est payé par le contribuable, on le sert dans sa langue et cela vaut tant pour l’administration que pour ses dirigeants et ses prestataires !
En février dernier, l’Académie française a publié un rapport sous-titré Pour que les institutions françaises parlent français ; nous en sommes rendus là… En juin dernier, le ministre québécois de la langue française en visite à Paris nous invitait avec émotion à ne pas laisser son gouvernement seul dans cette bataille ; nous devons l’entendre !
Nous avons ici une occasion, rare, de renforcer utilement la loi Toubon : saisissons-la, monsieur le ministre !
D’aucuns inscriraient sur leur slide de conclusion que c’est now or never qu’il faut réaffirmer ces principes linguistiques, mais, avec l’audace dont nous savons faire preuve au Sénat, sur toutes les travées, nous pouvons dire, beaucoup plus clairement, que c’est maintenant ou jamais ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE et GEST et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer l’initiative des auteurs de cette proposition de loi, Éliane Assassi et Arnaud Bazin. On a pu en mesurer la nécessité lors des travaux de la commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, à laquelle j’ai eu l’honneur de participer.
C’est donc avec la conviction de la nécessité de cet encadrement que j’ai cosigné cette proposition de loi. Je tiens également à saluer le travail de la rapporteure du texte, Cécile Cukierman.
Je ne développerai pas les risques que l’emprise des cabinets de conseil peut faire peser sur la démocratie et sur la légitimité des responsables publics ; chacun les connaît désormais. Au moment de fatigue démocratique forte que connaît notre pays et où le lien de confiance entre les pouvoirs publics et nos concitoyens est pour le moins distendu, il convient de compléter notre arsenal législatif pour encadrer ces pratiques, en définir le périmètre, en piloter l’intervention, les rendre transparentes et protéger les données de l’administration.
Je me bornerai, dans le temps qui m’est imparti, à aborder deux aspects de ce texte : l’interdiction des prestations réalisées à titre gratuit, déjà abordée par Arnaud Bazin, et la protection des données.
J’ai beaucoup insisté, lors des auditions de la commission d’enquête et lors de la réunion d’examen de son rapport, sur le problème majeur que constituent les interventions dites pro bono. Ces prestations, dénuées de tout fondement juridique, peuvent correspondre à une stratégie de « pied dans la porte », en vue de développer un réseau d’influence auprès des décideurs politiques et de l’administration, voire d’orienter des politiques publiques.
Je me réjouis donc que le texte pose le principe de l’interdiction des prestations à titre gratuit. L’équilibre proposé, par lequel on autorise des missions réalisées dans la cadre du mécénat d’entreprise au profit de certains organismes ou œuvres d’intérêt général, me semble bon. Il conviendra bien entendu d’en évaluer la mise en œuvre et la portée, afin de s’assurer qu’il n’y a pas de dérives et que ces organismes d’intérêt général ne sont pas privés par ailleurs de cette ressource.
Le deuxième sujet sur lequel je veux insister est la protection des données de l’administration. S’il est essentiel d’éviter toute confusion entre le consultant et l’administration dans l’action publique, comme le prévoit le texte, il est également crucial de s’assurer que les données de l’administration utilisées par les cabinets de conseil sont protégées. Je parle bien sûr des utilisations ayant une finalité autre que l’exécution de la mission.
Il me paraît équilibré de confier le contrôle de la suppression de toutes ces données à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), sans obligation d’aviser le prestataire avant une éventuelle vérification sur place. Ce recours à la Cnil, sous le contrôle éventuel du juge des libertés et de la détention, me semble relever, comme le recours à la HATVP, mobilisée pour éviter tout conflit d’intérêts, du bon usage de nos autorités indépendantes.
Cette proposition de loi est exemplaire, comme le montrent les nombreuses réactions du Gouvernement aux travaux de la commission d’enquête, en particulier la publication, déjà évoquée, de la circulaire insuffisante de janvier 2022. Elle comprend bien d’autres volets qui feront avancer nos pratiques démocratiques, grâce à l’action du Parlement. L’examen détaillé du texte permettra de souligner chacune de ces avancées, dont je me réjouis par avance, notamment en matière de transparence et de proportionnalité.
Éclairer les décisions, oui, car, plus que jamais, nous avons besoin de dialogue et d’expertise pour nous accorder sur le diagnostic avant d’engager une action ; mais orienter les décisions par des scénarios priorisés et bâtis par les cabinets sur des chemins « prébalisés », non ! Nous non plus ne devons pas être dépossédés, comme certains dans notre société actuelle.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE et SER.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à l’examen du texte de la commission.
proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques
Chapitre IER
Définir les prestations de conseil
Article 1er
I. – La présente loi régit les prestations de conseil réalisées par les prestataires et les consultants pour les administrations bénéficiaires suivantes :
1° L’État et ses établissements publics ;
2° Les autorités administratives et publiques indépendantes ;
3° Les établissements publics de santé.
II. – Sont des prestations de conseil au sens de la présente loi :
1° Le conseil en stratégie ;
2° Le conseil en organisation des services et en gestion des ressources humaines ;
3° Le conseil en informatique, à l’exclusion des prestations de programmation et de maintenance ;
4° Le conseil en communication ;
5° Le conseil pour la mise en œuvre des politiques publiques, y compris leur évaluation ;
6° Le conseil juridique, financier ou en assurance, à l’exclusion des prestations réalisées par les professionnels mentionnés à l’article 56 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, par les experts-comptables et par les commissaires aux comptes.
III. – Sont des prestataires de conseil au sens de la présente loi les personnes morales de droit privé qui s’engagent avec l’administration bénéficiaire pour réaliser une prestation de conseil ou qui réalisent une prestation de conseil pour l’administration bénéficiaire en qualité de sous-traitants.
IV. – Sont des consultants au sens de la présente loi les personnes physiques qui s’engagent à titre individuel avec l’administration bénéficiaire pour réaliser une prestation de conseil ou qui exécutent les prestations de conseil pour le compte des prestataires ou d’autres consultants.
V. – Les prestataires de conseil et les consultants ne prennent aucune décision administrative.
Ils proposent plusieurs scénarios aux administrations bénéficiaires, s’appuyant sur des informations factuelles et non orientées.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, sur l’article.
Mme Laurence Muller-Bronn. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier mes collègues pour le travail remarquable et inédit qu’ils ont accompli ; la commission d’enquête du Sénat sur ce sujet a permis de révéler l’omniprésence des cabinets de conseil au cœur de l’État et leur influence sur des décisions stratégiques, notamment dans des domaines régaliens.
J’avais déposé des amendements visant à exclure du champ des prestations de conseil la dimension stratégique de l’État, afin de prévenir l’affaiblissement de celui-ci, l’abandon de sa souveraineté et de ses compétences. J’ai bien conscience des difficultés rédactionnelles et techniques que posent mes amendements, aussi ai-je accepté de les retirer.
Néanmoins, il faut le souligner, la vie quotidienne des Français est de plus en plus envahie par des recommandations de cabinets internationaux de conseil, qui préconisent des stratégies uniformes partout dans le monde, dans des domaines aussi importants que la santé, l’éducation, la justice ou l’énergie.
À titre d’exemple, l’omniprésence du cabinet McKinsey pendant la crise sanitaire illustre les dérives que cette proposition de loi doit encadrer. Qu’il s’agisse du confinement, des tests PCR, des campagnes vaccinales ou encore des aides « covid », McKinsey a piloté toutes les étapes de la stratégie sanitaire. D’autres pays ont décliné les mêmes politiques et ont appliqué les mêmes scénarios, tirés des recommandations de ce cabinet.
Il est urgent de mettre fin à la stratégie du copier-coller, qui nous entraîne finalement de crise en crise ; il est urgent de mettre fin à la déresponsabilisation des décideurs ; il est urgent, enfin, de retrouver une stratégie relevant du courage politique et protégeant les intérêts de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par Mme Duranton, MM. Patriat, Richard, Mohamed Soilihi, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
dont les dépenses de fonctionnement constatées dans le compte financier au titre de l’avant-dernier exercice clos sont supérieures à 60 millions d’euros
II. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Cet amendement a pour objet d’instaurer un seuil à partir duquel les établissements publics de l’État entrent dans le champ d’application de la proposition de loi.
Il est nécessaire de ne pas faire peser une charge déraisonnable sur les entités de taille réduite, pour lesquelles, du reste, les enjeux sont limités. Parmi ces entités figurent notamment les chambres départementales d’agriculture, la majorité des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), certaines écoles de formation de la fonction publique, certains musées de taille réduite et certains établissements publics fonciers.
Concrètement, nous proposons de limiter le champ d’application de la présente proposition de loi aux établissements publics nationaux dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 60 millions d’euros par an, seuil qui correspond à celui des avances obligatoires versées aux PME dans le cadre d’un marché public par certains établissements publics de l’État.
Avec ce seuil, seuls les plus gros établissements publics de l’État entreraient dans le champ d’application de la proposition de loi ; je pense notamment à la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), à Voies navigables de France, à l’Union des groupements d’achats publics (Ugap) ou encore à Météo-France.
Notre amendement tend également à supprimer l’alinéa 4, qui est redondant avec l’alinéa 2, puisque les établissements publics de santé sont une catégorie d’établissements publics de l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Ainsi que je l’ai laissé entendre dans mon propos liminaire, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, non pas parce que la question du seuil doit être balayée du revers de la main, mais parce que nous ne disposons pas des éléments nécessaires pour déterminer précisément quels établissements, parmi ceux que vous citez, seraient concernés par le seuil de 60 millions que vous proposez.
Par ailleurs, si ce seuil de 60 millions d’euros est effectivement connu, il conviendrait d’en étudier plus avant la pertinence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Cet amendement comporte deux dispositions.
Je ne m’attarde pas sur la seconde, qui a une dimension essentiellement légistique, les établissements publics de santé étant effectivement déjà inclus dans la catégorie des établissements publics de l’État.
J’insisterai davantage sur le I de l’amendement, qui vise à fixer un seuil. Cette disposition va dans le bon sens, puisqu’elle favorise l’effectivité et la proportionnalité du texte, en concentrant l’application de la proposition de loi sur les établissements qui sont, non seulement les plus exposés au risque que l’on cherche à éviter et sur lesquels doit porter notre effort de prévention, mais également les plus capables d’intégrer la contrainte administrative qu’engendrera ce texte.
Cette mesure ne soustraira pas du champ de la proposition de loi les établissements visés par les auteurs de celle-ci – je pense notamment à l’Ugap, à Pôle emploi, aux universités ou aux gros établissements publics de santé. Elle permettra d’inclure les 500 plus gros établissements publics de l’État, ce qui correspond bien à la visée de la proposition de loi.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.