M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Mes chers collègues, je vous demande un peu de patience et d’attention, car je crois qu’il importe de bien clarifier les choses.

L’article 6 de la loi Sapin II définit la notion de lanceur d’alerte et fixe les conditions de fond permettant de bénéficier du régime de protection des lanceurs d’alerte. Ces conditions sont relatives à l’identité du lanceur d’alerte, à ses motivations, à la nature des informations révélées ou divulguées, à la manière dont le lanceur d’alerte en a eu connaissance et au degré de certitude que ces informations fournissent sur les violations visées.

En ce qui concerne les motivations du lanceur d’alerte, notre commission a approuvé le choix fait par l’Assemblée nationale de supprimer le critère lié au caractère désintéressé de l’alerte, critère qui laisse une marge d’appréciation excessive au juge, ainsi que l’avaient souligné les députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix dans leur rapport d’information.

Note commission a également accepté que les informations révélées puissent fournir seulement des soupçons raisonnables qu’une violation a été commise, alors que le droit en vigueur exige que celle-ci soit manifeste.

En revanche, notre commission a apporté deux modifications au texte de l’Assemblée nationale.

En premier lieu, nous avons considéré que l’application du régime de protection, en particulier l’irresponsabilité pénale et civile des lanceurs d’alerte qui portent atteinte à des secrets protégés ou violent une obligation de discrétion ou de confidentialité, ne se justifiait que si les faits signalés ou divulgués présentaient un degré de gravité suffisant.

La commission a donc fait le choix de maintenir cette condition de gravité exigée par la loi Sapin II, sauf évidemment dans le champ matériel d’application de la directive du 23 octobre 2019.

Je rappelle que ce choix était conforme à une recommandation du Conseil d’État, qui, dans son avis sur la proposition de loi, avait invité le législateur, avant de supprimer la condition tenant au caractère « grave et manifeste » des violations signalées ou d’introduire la référence à la notion « d’informations sur les violations » dans l’ensemble du champ couvert par les dispositions nationales, à évaluer l’impact de telles mesures, notamment en ce qui concerne les risques de détournement du dispositif de protection.

En second lieu, alors que la loi Sapin II inclut dans le régime de l’alerte le signalement ou la divulgation de faits constitutifs d’une menace ou d’un préjudice pour l’intérêt général, notre commission s’est inspirée des termes de la directive en substituant à ces formules une référence aux actes ou omissions allant gravement à l’encontre des objectifs poursuivis par les règles de droit.

Sans emporter de conséquences majeures sur le fond, cette modification était motivée par le respect de la séparation des pouvoirs : dans une démocratie, il appartient non pas aux tribunaux, mais au peuple et à ses représentants de déterminer ce qui relève ou non de l’intérêt général, ce qu’ils font en édictant des règles de droit.

Nous ne pouvons pas nous plaindre sans cesse d’une dérive vers le gouvernement des juges et laisser les tribunaux apprécier seuls, sans se référer aucunement à des règles de droit, les conditions dans lesquelles il est justifié de s’affranchir des règles communes, en particulier des secrets protégés par la loi ou des obligations légales de confidentialité.

Mes chers collègues, j’ai bien entendu vos avis dans la discussion générale. Je lis la presse comme vous, mais je crois qu’il ne faut pas prendre tout ce qu’on y lit pour argent comptant. Faut-il céder au chant des sirènes, un professeur ou des associations très médiatiques en fussent-ils l’origine ? Je ne le pense pas.

J’estime qu’il faut se référer au droit. Or, contrairement à ce qui a été avancé, cette seconde modification n’aurait pas entravé l’action des lanceurs d’alerte de bonne foi.

De nombreux orateurs ont cité les cas d’Antoine Deltour et d’Irène Frachon. Je les reprendrai à mon tour pour essayer de vous convaincre.

Les révélations de M. Deltour sur les pratiques d’évasion et d’optimisation fiscale de certaines multinationales sont à l’origine du scandale LuxLeaks. Non seulement la lutte contre la fraude fiscale, mais aussi l’évasion et l’optimisation fiscale sont des objectifs constants du législateur, mais la lutte contre l’évasion fiscale est un objectif de valeur constitutionnelle, et la lutte contre l’optimisation fiscale est un objectif reconnu par le Conseil constitutionnel comme pouvant justifier des atteintes au principe d’égalité.

Les révélations de M. Deltour auraient donc été couvertes par le régime de l’alerte tel que défini par la commission des lois.

Quant à Irène Frachon, les faits qu’elle a eu le courage de révéler concernant la commercialisation du Mediator, dont les laboratoires Servier connaissaient les effets toxiques, ont été reconnus par le tribunal correctionnel de Paris comme constitutifs des délits de tromperie aggravée, d’homicide involontaire et de blessures involontaires.

Il s’agit donc non pas seulement d’actes allant à l’encontre des objectifs fixés par la loi, mais d’actes illégaux, et même pénalement réprimés, qui entrent à ce titre pleinement dans le régime de l’alerte.

J’espère que ces précisions auront dissipé vos craintes, chers collègues.

Néanmoins, je suis sensible aux critiques qui ont été formulées. Leurs auteurs ont en effet indiqué que les modifications que nous avons apportées au texte peuvent affecter l’intelligibilité de la loi pour un lecteur non averti et, surtout, compliquer la tâche des organisations comme les administrations, les entreprises, etc., qui devront mettre en place des canaux de signalement interne et déterminer quels signalements entrent ou non dans le champ du régime légal de l’alerte.

Je conçois en effet que cela puisse paraître complexe, et c’est pourquoi, afin d’apaiser les débats, je vous propose de revenir à la définition de la notion du lanceur d’alerte prévue par le texte de l’Assemblée nationale, tout en maintenant certains garde-fous sur lesquels je reviendrai.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur les amendements nos 72 rectifié et 66 rectifié quater identiques à son amendement n° 94.

L’objet des amendements identiques nos 2 et 25 est proche de celui l’amendement de la commission. Toutefois, ces amendements visent à réintroduire une formulation ambiguë du texte de l’Assemblée nationale dans la suite de l’article. Nous avions donc supprimé cette formulation relative aux secrets qui échappent au régime de l’alerte.

En conséquence, je demande la rectification de ces amendements afin de les rendre identiques à l’amendement n° 94 de la commission. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Les amendements nos 37, 67, 1, 21 rectifié et 41 ont pour objet d’inclure parmi les lanceurs d’alerte des personnes morales à but non lucratif, ce qui ne me paraît pas du tout opportun. En effet, nous ne pouvons pas ignorer le risque que des associations de façade aux mains de puissances étrangères ou de puissances d’argent se constituent à seule fin de lancer des alertes tous azimuts pour déstabiliser les administrations et les entreprises françaises.

L’amendement n° 38 a un double objet.

Il vise en premier lieu à supprimer la condition précisant que le lanceur d’alerte ne doit percevoir aucune contrepartie financière directe. Si la directive ne prévoit pas expressément un tel critère, elle exige néanmoins la bonne foi du lanceur d’alerte, ce qui serait incompatible avec la perception d’une rémunération.

En second lieu, l’amendement vise à substituer à l’exigence de bonne foi une condition précisant que le lanceur d’alerte doit avoir des motifs raisonnables de croire que les faits qu’il signale sont véridiques au moment du signalement.

Une telle condition est plus restrictive, car, en droit, la notion de bonne foi recouvre à la fois la croyance en la véracité de ce que l’on allègue et l’absence d’intention de nuire. Or les considérants de la directive font expressément référence à l’exigence de bonne foi.

S’agissant de l’amendement n° 39, celui-ci deviendrait sans objet si l’amendement n° 94 de la commission était adopté.

Enfin, les amendements nos 3 et 40 visent à étendre le régime de protection des lanceurs d’alerte aux personnes qui porteraient atteinte au secret des délibérations judiciaires ou encore au secret de l’enquête et de l’instruction.

Je suis assez étonnée, madame Vogel, parce que ce n’est pas la commission des lois du Sénat qui a introduit cette disposition, mais bien l’Assemblée nationale.

Ces exceptions sont expressément prévues par la directive. D’ailleurs, à la lecture de l’objet de l’amendement, il me paraît que nous sommes d’accord sur le fond.

Dans la mesure où il existe des exceptions, légales ou jurisprudentielles, aux différents secrets visés ici, les divulgations qui entrent dans le champ de ces exceptions sont couvertes par le régime de l’alerte. La nouvelle rédaction du II du présent article proposée par la commission lève toute ambiguïté sur ce point.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune, à l’exception des amendements nos 2 et 25 sous réserve de leur rectification, et des amendements nos 66 rectifié quater, 72 rectifié, 94 et 95.

Monsieur le président, je demande que les amendements identiques nos 66 rectifié quater, 72 rectifié et 94 soient mis aux voix par priorité.

M. le président. Je suis donc saisi par la commission des lois d’une demande de priorité de vote des amendements identiques nos 66 rectifié quater, 72 rectifié et 94.

Aux termes de l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité formulée par la commission ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Avis favorable.

M. le président. La priorité est ordonnée.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des amendements en discussion commune ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement rejoint un certain nombre des arguments denses et précis exposés par Mme la rapporteure. Mon propos sera donc plus bref.

L’objectif de ce texte n’est ni de créer un statut du lanceur d’alerte ni de modifier les protections légitimes dont bénéficient les associations et les syndicats.

L’objet de ce texte est de protéger les hommes et les femmes qui lancent des alertes contre les représailles dont ils peuvent faire l’objet, car ces représailles sont, hélas ! une réalité.

Pour les protéger efficacement, le texte prévoit une extension des mesures de protection aux facilitateurs, c’est-à-dire à ceux qui accompagnent ces hommes et ces femmes qui sont exposés à un risque de représailles.

Les facilitateurs et les familles des lanceurs d’alerte bénéficieront ainsi des mêmes protections que les lanceurs d’alerte.

En revanche, permettre aux personnes morales de lancer directement une alerte serait en réalité contre-productif. Outre le risque d’abus que pourrait entraîner une telle extension du statut de lanceur d’alerte, celle-ci pourrait en effet priver le lanceur d’alerte, dissimulé derrière la personne morale, de la protection qui lui est due en tant que personne physique. Le Gouvernement est donc défavorable à cette extension.

À l’issue des travaux menés par Mme la rapporteure, le rétablissement de la définition du lanceur d’alerte adoptée par l’Assemblée nationale a été accepté par la commission.

Le Gouvernement s’en félicite, et demande le retrait de l’ensemble des amendements en discussion commune, sur lesquels, à défaut, il émettra un avis défavorable, à l’exception des amendements nos 66 rectifié quater, 72 rectifié, 94 et 95 de Mme la rapporteure, de Mme Morin-Desailly et de M. Haye, sur lesquels il émet un avis favorable.

En effet, la rédaction que ces amendements visent à rétablir est une rédaction d’équilibre qui permet d’atteindre l’objectif premier de ce texte, c’est-à-dire la protection, par une transposition de la directive, des femmes et des hommes qui sont des lanceurs d’alerte.

M. le président. Madame Préville, acceptez-vous la suggestion de Mme le rapporteur de rectifier votre amendement pour le rendre identique aux amendements nos 66 rectifié quater, 72 rectifié et 94 ?

Mme Angèle Préville. Oui, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 2 rectifié, dont le libellé est désormais identique à celui des amendements nos 66 rectifié quater, 72 rectifié et 94.

Monsieur Bocquet, acceptez-vous de faire de même ?

M. Éric Bocquet. Non, monsieur le président, je souhaite maintenir l’amendement n° 25 dans sa rédaction actuelle, car j’estime que le texte de la commission, même s’il est amendé dans le sens qui a été indiqué, marque un recul par rapport à la loi Sapin II. Si les dispositions prévues par cette loi ne sont pas idéales, elles constituent néanmoins une avancée.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Mes collègues cosignataires de l’amendement n° 66 rectifié quater et moi-même nous félicitons de la position prise par notre rapporteur, dont je salue encore une fois le travail.

En effet, la modification de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale aurait eu pour conséquence une complexification du droit.

En tant que pays des droits de l’homme, nous nous devons de poser un cadre protecteur pour les lanceurs d’alerte, car protéger les lanceurs d’alerte, c’est aussi protéger notre population.

De ce point de vue, la rédaction proposée est tout à fait satisfaisante, cher Éric Bocquet.

M. le président. Je mets aux voix, par priorité, les amendements identiques nos 2 rectifié, 66 rectifié quater, 72 rectifié et 94.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 37, 67, 1, 21 rectifié, 25, 41, 38 et 39 n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° 95.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 3 et 40 n’ont plus d’objet.

L’amendement n° 20 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Billon et M. Longeot, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

avocat

insérer les mots :

ou dont l’obtention résulte d’une infraction pénale autonome

La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier. Certaines associations et certains militants ont recours à des pratiques pénalement répréhensibles – violation de domicile, dégradation de biens privés, entrave à l’exercice de la liberté du travail – pour obtenir des images, des vidéos ou des enregistrements audio.

Le présent amendement vise à soustraire ces informations du régime de l’alerte défini dans l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016. L’article 21 de la directive 2019/1937 exclut d’ailleurs les informations dont l’obtention ou l’accès constituent une infraction pénale autonome de la protection du lanceur d’alerte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La rédaction que cet amendement vise à introduire répond à une préoccupation tout à fait légitime.

Il s’agit de faire en sorte que le régime de protection des lanceurs d’alerte ne soit pas détourné de son objet par des personnes physiques ou des associations qui, au nom de l’intérêt général tel qu’elles le conçoivent, n’hésitent pas à faire intrusion dans des domiciles privés ou des locaux professionnels pour y prendre des documents ou y capturer des images dans le but de les diffuser sur internet.

La commission, qui partage entièrement l’objectif visé, a retenu une solution différente, qui consiste, afin de lever l’ambiguïté du texte de l’Assemblée nationale, à écrire expressément dans la loi que l’irresponsabilité pénale dont bénéficient les lanceurs d’alerte ne s’étend pas aux atteintes à la vie privée réprimées par le code pénal, lesquelles comprennent aussi bien la violation de domicile stricto sensu que l’intrusion irrégulière dans des locaux professionnels.

La rédaction de la commission vous donnant donc satisfaction, chère collègue, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Il n’y a pas lieu d’indiquer que sont exclues du régime de protection des lanceurs d’alerte les personnes qui auraient obtenu des informations par la commission d’infractions pénales.

Toutefois, afin de répondre à la préoccupation que vous exprimez, madame la sénatrice, le Gouvernement présentera un amendement tendant à clarifier l’article L. 122-9 du code pénal en indiquant de manière explicite que seules les informations obtenues de manière licite permettent aux lanceurs d’alerte qui les utilisent de bénéficier de la protection prévue par le présent texte.

Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.

Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la rapporteure, madame la secrétaire d’État, je vous remercie de vos explications et je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 20 rectifié est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 4 est présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 58 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 5

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation, les faits couverts par le secret de la défense nationale peuvent faire l’objet d’une alerte au sens du présent article lorsque les conditions suivantes sont remplies :

« a) Il existe un risque de danger grave et imminent pour l’intérêt général ;

« b) L’étendue de la divulgation ou du signalement est raisonnablement nécessaire pour démontrer l’existence d’un tel risque, et proportionnée au dommage causé à l’impératif de préservation de la sécurité nationale ;

« c) Le lanceur d’alerte a des motifs impérieux de croire que la divulgation porte sur un tel risque ;

« d) Le lanceur d’alerte a tenté de procéder à une divulgation protégée par le biais de procédures internes ou auprès de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, ou avait des motifs impérieux de croire qu’une telle saisine n’est pas de nature à remédier au risque mentionné au a).

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 4.

M. Jean-Yves Leconte. La loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement encadre le statut du lanceur d’alerte lorsque les faits concernés sont soumis au secret de la défense nationale. Ainsi, un agent des services spécialisés de renseignement « qui a connaissance, dans l’exercice de ses fonctions, de faits susceptibles de constituer une violation manifeste du [code de la sécurité intérieure] peut porter ces faits à la connaissance de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ».

La procédure spécifique prévue par le code de la sécurité intérieure pour le signalement de tels faits étant toutefois assez lourde, nous proposons par cet amendement de la simplifier afin de permettre aux lanceurs d’alerte d’être plus rapidement et plus sûrement protégés lorsque les faits qu’ils souhaitent signaler sont couverts par le secret de la défense nationale.

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 58.

Mme Mélanie Vogel. J’abonderai dans le sens de mon collègue Jean-Yves Leconte.

Le 21 novembre dernier, ce qu’on a appelé les Egypt Papers ont été publiés par le média spécialisé Disclose. Ils révélaient un scandale d’État concernant la vente d’armes et de technologies de surveillance à l’Égypte.

En effet, l’exécutif savait que les armes et les technologies de surveillance utilisées par notre pays au nom de la lutte contre le terrorisme bafouaient les droits humains. La France s’est rendue complice de l’utilisation de ces renseignements par le régime égyptien pour traquer des trafiquants et des contrebandiers à la frontière avec la Libye.

Cette affaire nous rappelle que le contrôle de l’action militaire de la France, qu’elle soit intérieure ou extérieure, est un impératif démocratique.

Avec la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, le législateur a juridiquement encadré le statut du lanceur d’alerte dans le domaine de la défense nationale. La procédure retenue, lourde et décourageante pour les lanceurs d’alerte, n’est pas applicable dans les faits. Elle comprend notamment de trop nombreuses étapes sans saisine directe de la justice.

Le présent amendement a donc pour objet de permettre aux lanceurs d’alerte qui révèlent des faits couverts par le secret de la défense nationale d’échapper aux poursuites pénales dans un cadre strictement défini et encadré.

M. le président. L’amendement n° 34, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation, les faits couverts par le secret de la défense nationale peuvent faire l’objet d’une alerte au sens de l’article 6 de la présente loi lorsque les conditions suivantes sont remplies :

« a) Il existe un risque de danger grave et imminent pour l’intérêt général ;

« b) L’étendue de la divulgation ou du signalement est raisonnablement nécessaire pour démontrer l’existence d’un tel risque, et proportionnée au dommage causé à l’impératif de préservation de la sécurité nationale ;

« c) Le lanceur d’alerte a des motifs impérieux de croire que la divulgation porte sur un tel risque ;

« d) Le lanceur d’alerte a tenté de procéder à une divulgation protégée par le biais de procédures internes ou auprès de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, ou avait des motifs impérieux de croire qu’une telle saisine n’est pas de nature à remédier au risque mentionné au a) »

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Cet amendement tend à compléter l’article 1er de manière à instaurer une défense d’intérêt public permettant aux lanceurs d’alerte d’échapper, sous certaines conditions, aux poursuites pénales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Ces amendements visent à créer un droit d’alerte sur des informations couvertes par le secret de la défense nationale.

S’il n’est pas interdit de mener une réflexion à ce sujet, les dispositifs proposés sont inaboutis et, en outre, beaucoup trop laxistes, puisqu’ils permettraient dans certains cas que des informations couvertes par le secret de la défense nationale soient divulguées sans signalement préalable des faits visés à une quelconque autorité.

Il n’est pas souhaitable d’affaiblir à ce point la protection de secrets nécessaires pour sauvegarder les intérêts supérieurs de la Nation. L’avis est défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Le code de la défense et de la sécurité intérieure prévoit un traitement particulier des informations classifiées et couvertes par le secret de la défense nationale. Il définit également le rôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Le Gouvernement est convaincu que ces dispositions doivent être conservées et protégées.

L’exclusion des faits, informations ou documents couverts par le secret de la défense nationale du champ de l’alerte correspond au droit positif. Elle est par ailleurs conforme à la directive européenne que le présent texte transpose. Le Gouvernement estime que ce dernier n’a pas vocation à remettre en cause l’équilibre existant pour les faits relevant du secret de la défense nationale.

L’avis est donc défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 58.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte
Article additionnel après l'article 2 - Amendement  n° 46

Article 2

Après l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il est inséré un article 6-1 ainsi rédigé :

« Art. 6-1. – Les articles 10-1, 12, 12-1, les II et III de l’article 13, les articles 13-1 et 14-1 de la présente loi et l’article L. 911-1-1 du code de justice administrative s’appliquent également, le cas échéant, aux :

« 1° Facilitateurs, entendus comme toute personne physique qui aide un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation dans le respect des articles 6 et 8 ;

« 2° Personnes physiques en lien avec un lanceur d’alerte, au sens des mêmes articles 6 et 8, et qui risquent de faire l’objet de l’une des mesures mentionnées au I de l’article 10-1 dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de leur employeur, de leur client ou du destinataire de leurs services ;

« 3° Entités juridiques contrôlées, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, par un lanceur d’alerte au sens des articles 6 et 8 de la présente loi, pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans un contexte professionnel ;

« 4° (Supprimé) »

M. le président. L’amendement n° 78, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

, les articles 13-1 et

par les mots :

et l’article

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Cet amendement de précision rédactionnelle vise simplement à supprimer la référence à l’article 13-1 de la loi Sapin II.

Il paraît en effet inutile de préciser que la peine complémentaire de publication du jugement prévue par le présent article est applicable aux facilitateurs, dès lors que ces derniers entrent dans le champ de l’infraction pour laquelle cette peine est encourue.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 78.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 5 est présenté par MM. Durain et Marie, Mmes Préville et de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 22 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux, Bilhac et Fialaire.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Après le mot :

physique

insérer les mots :

ou morale à but non lucratif

La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 5.