Mme Angèle Préville. La directive européenne prévoit, à ses articles 5 et 8, la protection des facilitateurs, définis comme « une personne physique qui aide un auteur de signalement au cours du processus de signalement dans un contexte professionnel et dont l’aide devrait être confidentielle ».
La loi issue du vote de l’Assemblée nationale le 17 novembre 2021 étend également ce statut aux personnes morales à but non lucratif qui assistent un lanceur d’alerte.
Il s’agit d’une avancée très importante, et vitale. Les ONG et syndicats jouent un rôle important afin d’aider les lanceurs d’alerte ou de lancer l’alerte en leur lieu et place pour leur permettre de rester anonymes, mais ils restent exposés juridiquement.
Pour que ces personnes morales puissent continuer à assister les lanceurs d’alerte, une protection adéquate doit leur être accordée.
En commission, la possibilité de protéger les personnes morales facilitatrices d’alerte a été supprimée et le champ de la protection a été restreint aux seules personnes physiques.
Or les représailles dont les personnes morales facilitatrices d’alerte peuvent faire l’objet sont nombreuses.
Depuis la réforme du code pénal de 1994, ces personnes sont ainsi responsables pénalement des actes de leurs représentants en vertu de l’article 121-2 du code pénal. Qu’il s’agisse de vol d’informations, de recel de secret professionnel, ou encore d’intrusion dans un système informatique, les dispositions pénales susceptibles d’être utilisées pour dissuader les personnes morales d’aider un lanceur d’alerte sont multiples.
Nous seulement un tel état de fait met en danger les lanceurs d’alerte, mais il risque également de les dissuader de travailler avec les associations, ce qui est en contradiction avec l’esprit de la directive de 2019 qui vise à libérer la parole et à favoriser la révélation et le signalement des atteintes à l’intérêt général.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié.
Mme Maryse Carrère. Il s’agit d’un amendement du groupe du RDSE, identique à celui qui vient d’être défendu.
Je tiens simplement à signaler que l’argumentaire de Mme la rapporteure pour justifier le retour en arrière de la commission a consisté à mettre en avant le risque que le régime de protection des lanceurs d’alerte soit détourné de sa finalité initiale par des officines qui chercheraient à déstabiliser les administrations ou les entreprises françaises.
C’est sans doute vrai, madame la rapporteure, mais ça l’est sans doute tout autant pour l’ensemble des dispositifs juridiques. Un tel danger ne devrait pas suffire à légitimer un recul ; il devrait au contraire nous pousser à trouver des solutions pour que le dispositif le plus protecteur des libertés s’applique et que ces détournements soient empêchés.
M. le président. L’amendement n° 42, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
physique
insérer les mots :
et morale à but non lucratif
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à reconnaître aux personnes morales la possibilité de disposer du statut de facilitateur.
Les personnes morales sont responsables pénalement des actes de leurs représentants. Les poursuites engagées sur ce fondement autorisent les personnes visées par une alerte à procéder à une enquête permettant d’identifier les sources de cette alerte relayée par une association.
De telles poursuites, que l’on peut qualifier de « procédures bâillons », sont souvent lancées pour assécher les finances des associations. Elles compromettent la capacité des organisations à aider les lanceurs d’alerte et les exposent à des mesures de représailles. Les associations sont de ce fait dissuadées de les soutenir.
Protéger les associations est primordial si l’on veut que, en pratique, le droit de divulguer des informations ne soit pas purement déclaratif et, au contraire, bien concret dans ce pays.
Je précise que cet amendement a été élaboré de concert avec la Maison des lanceurs d’alerte.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 26 est présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 68 est présenté par Mme Benbassa.
L’amendement n° 73 est présenté par M. Haye.
Tous trois sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Après le mot :
physique
insérer les mots :
ou toute personne morale de droit privé à but non lucratif
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 26.
M. Éric Bocquet. Nous débattons ici de la directive européenne du 23 octobre 2019 et de sa transposition.
Or cette directive prévoit, dans ses articles 5 et 8, une protection des facilitateurs définis comme des personnes physiques qui aident un auteur de signalement au cours du processus de signalement dans un contexte professionnel et dont l’aide devrait être confidentielle.
Or l’exposition juridique des facilitateurs d’alerte, qui vient d’être évoquée par nos collègues, est très concrète. Elle n’est absolument pas virtuelle, puisqu’elle peut aller du refus d’agrément – une association comme Anticor y a été confrontée – à une baisse de subventions, en passant par des procédures bâillons – Greenpeace et Sherpa ont subi ce type de pratiques –, et parfois même des poursuites pénales.
Une protection adéquate doit donc être accordée aux personnes morales si l’on veut qu’elles puissent continuer à assister les lanceurs d’alerte.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 68.
Mme Esther Benbassa. Les personnes qui prennent l’initiative de s’engager dans un processus de signalement se trouvent généralement confrontées à des obstacles complexes à franchir : comment trouver le bon canal pour effectuer un signalement par exemple ? Quel cadre juridique faut-il respecter ?
Ajoutons à ces interrogations les représailles, les conséquences financières, psychologiques et familiales qui pèsent sur les lanceurs d’alerte et entravent leur action.
Surmonter ces difficultés relève de l’exploit. Il est donc nécessaire d’accorder aux syndicats et associations le statut de facilitateur, afin de leur permettre d’accompagner légalement une personne dans le processus de signalement, tout en leur garantissant une protection.
La directive européenne de 2019 prévoit d’accorder ce statut aux seules personnes physiques. En l’étendant aux personnes morales à but non lucratif, nos collègues députés ont fait preuve d’une réelle sagesse.
À l’inverse, en supprimant cette disposition, la commission des lois du Sénat s’incline devant la puissance des lobbys, soucieux de préserver les règles d’un capitalisme dominé par l’intérêt économique au détriment de notre intérêt général.
En privant les syndicats et associations d’un tel cadre juridique et de son régime de protection, elle expose ces organisations aux représailles et aux menaces. Elle supprime une aide indispensable à celles et à ceux qui sont tentés de se lancer dans un processus de signalement, au point d’en condamner certains à l’isolement et, donc, au silence.
Cet amendement vise à rétablir la version du texte adoptée par l’Assemblée nationale et à étendre le statut de facilitateur aux personnes morales à but non lucratif.
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour présenter l’amendement n° 73.
M. Ludovic Haye. Nous arrivons à un point essentiel.
Comme cela a été dit, l’Assemblée nationale avait prévu que les personnes morales de droit privé à but non lucratif puissent se voir accorder le statut de facilitateur.
Or la commission des lois a supprimé cette possibilité, en reconnaissant toutefois la nécessité de trouver un meilleur équilibre en séance. Nous constatons, hélas ! qu’aucun ajustement rédactionnel n’a manifestement été envisagé en vue de la séance, mais nous espérons sincèrement, madame le rapporteur, que vous l’envisagerez ultérieurement dans le cadre de la navette.
Nous souhaitons pour notre part revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale, car celle-ci répond à un objectif de protection de certaines catégories de personnes morales qui s’exposent en apportant aux lanceurs d’alerte une aide qui peut être déterminante.
La version du texte proposée par nos collègues députés procède d’un équilibre qui a été largement soutenu, tout d’abord parce que les personnes morales visées ne pourront pas elles-mêmes lancer des alertes, ensuite parce que les précisions apportées par les députés en commission visent justement à éviter que les mesures de protection accordées aux facilitateurs ne puissent être détournées de leur finalité originelle et profiter à des entreprises ou des fonds.
Enfin, bien sûr, pour que les lanceurs d’alerte bénéficient des protections prévues par la loi, ils doivent respecter un certain nombre de conditions, notamment avoir agi sans contrepartie financière et de bonne foi, et avoir recouru aux canaux de signalement prévus par la loi.
Il me semble que la pluralité des auteurs des amendements déposés sur le sujet, ainsi que le tâtonnement qui a conduit notre commission à restreindre la catégorie des facilitateurs, démontre tout l’intérêt de revenir à l’équilibre adopté à l’unanimité, je le rappelle, par nos collègues députés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Monsieur le président, permettez-moi de prendre de nouveau un peu de temps pour expliquer la position de la commission.
Cette série d’amendements vise à accorder aux personnes morales à but non lucratif, à savoir notamment les associations et les syndicats, le statut protecteur de facilitateur, ce qui correspond effectivement à ce que prévoyait le texte de l’Assemblée nationale.
La commission des lois, quant à elle, a fait un autre choix qui repose, je le rappelle tout de même, sur les amendements de sénateurs issus de trois groupes différents, dont votre propre groupe, monsieur Haye.
Il me semble que le débat sur ce sujet s’est mal engagé et qu’il est devenu de fait assez confus. La portée de notre divergence avec l’Assemblée nationale ne doit pas être exagérée.
Si une personne morale, telle qu’une association, assiste un lanceur d’alerte dans ses démarches, elle est protégée indirectement par les dispositions qui protègent le lanceur d’alerte lui-même, qu’elle bénéficie ou non du label de facilitateur.
Je rappelle en effet que la protection des lanceurs d’alerte repose pour l’essentiel sur trois séries de dispositions : tout d’abord, une irresponsabilité pénale en cas d’atteinte à un secret protégé ; ensuite, une irresponsabilité civile dans le cas où, en signalant ou en divulguant des informations, le lanceur d’alerte aurait manqué à une obligation contractuelle de discrétion ou commis une faute ayant causé des dommages ; enfin, l’interdiction de certaines mesures de représailles.
Sur le plan pénal, toute personne physique ou morale qui assiste un lanceur d’alerte ayant porté atteinte à un secret protégé pourrait être considéré comme un complice.
Or, en l’application d’un principe général de droit pénal, il n’y a pas de complicité lorsque l’infraction principale n’est pas constituée. L’irresponsabilité pénale du lanceur d’alerte profite donc aux personnes qui l’assistent, qu’elles aient ou non le statut de facilitateur.
Sur le plan civil maintenant, et plus particulièrement sur le plan de la responsabilité civile extracontractuelle, le même raisonnement doit être tenu. Il est irréaliste de penser qu’un tribunal puisse juger qu’une faute, susceptible d’engager la responsabilité de son auteur, a été commise du seul fait qu’il a aidé un lanceur d’alerte à accomplir les démarches que la loi autorise.
Reste l’interdiction des mesures de représailles.
Pour l’essentiel, les mesures de représailles interdites ne peuvent viser que des personnes physiques : une personne morale ne peut pas être licenciée, ni rétrogradée ou mutée.
C’est du reste la raison pour laquelle la directive du 23 octobre 2019 ne prévoit d’accorder le statut de facilitateur, qui permet donc de bénéficier de l’ensemble des protections offertes aux lanceurs d’alerte, qu’aux personnes physiques – vous l’avez vous-même rappelé en citant les termes de la directive. Y ajouter les personnes morales ou certaines d’entre elles ne changerait pas grand-chose.
Malgré tout, le débat a été brouillé par les inquiétudes suscitées par d’autres dispositions, en particulier la rédaction très extensive prévue par les députés concernant l’irresponsabilité pénale des lanceurs d’alerte et des facilitateurs. Des craintes très vives sont apparues quant au risque que le texte de l’Assemblée nationale puisse aboutir à protéger des associations qui sont aujourd’hui passibles de poursuites pénales en raison de leurs agissements, et qui doivent le rester, notamment lorsqu’elles violent des domiciles privés.
C’est pourquoi, comme je l’ai expliqué tout à l’heure, la commission a préféré revenir, à titre conservatoire, à une stricte transposition de la directive en réservant le statut de facilitateur aux seules personnes physiques. Pour ce faire, elle a adopté, je le redis, trois amendements identiques présentés par des collègues de trois groupes différents, celui de l’Union Centriste, celui des Indépendants et celui du RDPI.
Même si j’estime que la portée de ce choix ne doit pas être surévaluée, j’émets un avis défavorable sur ces six amendements qui visent à revenir à la définition de facilitateur d’alerte figurant dans le texte de l’Assemblée nationale. Il ne me paraît pas nécessaire de surtransposer la directive sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Le Gouvernement soutient l’extension de la définition du facilitateur aux personnes morales de droit privé, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, cette disposition a fait l’objet d’un très large accord à l’Assemblée nationale.
Ensuite, le Gouvernement considère que la personne morale, même si elle n’a pas vocation à être elle-même lanceur d’alerte, joue un rôle particulièrement important pour rompre l’isolement de celui-ci et l’accompagner.
En outre, elle risque de faire l’objet de représailles : je pense en particulier au non-renouvellement d’un contrat ou à l’interruption du versement de subventions. Il est donc important et même primordial de la protéger, ce que vise le statut de facilitateur.
Enfin, pour éviter un détournement de la mesure, l’extension du statut de facilitateur doit évidemment rester limitée aux seules personnes morales à but non lucratif.
Le Gouvernement pense qu’il s’agit du bon équilibre. C’est pourquoi j’émettrai un avis favorable sur les amendements identiques nos 26, 68 et 73, qui tendent à revenir à la version exacte du texte de l’Assemblée nationale.
Pour m’inscrire dans une vision plus large encore, je serai également favorable aux amendements identiques nos 5 et 22 rectifié ainsi qu’à l’amendement n° 42, qui visent le même objectif.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je n’ai pas été convaincu par votre démonstration, madame la secrétaire d’État.
Le versement d’une subvention, vous l’ignorez sans doute, relève de la décision d’un organe délibérant, lequel peut à tout instant choisir, sans avoir à le justifier – cela n’a donc aucun lien avec le sujet dont nous débattons –, de le suspendre. Le vote d’une subvention par une assemblée délibérante est donc un droit et non une obligation, comme vous le suggériez.
Je suppose qu’il s’agit d’une erreur de votre part, madame la secrétaire d’État, ou d’une erreur qui figurait dans les fiches rédigées à votre intention.
Autre erreur, un contrat est le fruit de l’accord entre deux parties. Quand l’une d’entre elles le dénonce, le droit des contrats s’applique. Aussi, votre démonstration n’est-elle en aucun cas valable.
Je ferai en conséquence confiance à la commission.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je pense au contraire que la réintroduction des personnes morales à but non lucratif dans la définition des facilitateurs est cruciale.
Les propos de Mme la secrétaire d’État sont parfaitement justes : quand on écoute les lanceurs d’alerte parler des difficultés auxquelles ils ont été confrontés durant leur parcours, les questions de l’isolement, particulièrement dur à vivre, et de l’accompagnement – vers qui se tourner pour trouver un appui ? – reviennent souvent.
En conséquence, les associations, la dimension collective prennent une place particulièrement importante. Il est donc nécessaire d’étendre la protection applicable aux lanceurs d’alerte aux associations qui peuvent à la fois les accompagner et les aider à combattre cet isolement.
Dernière remarque, j’ai entendu Mme la rapporteure nous expliquer que ce que nous proposons ne changerait rien, car le régime de protection s’applique déjà aux personnes morales à but non lucratif. Si cela ne change rien, autant adopter nos amendements alors ! Ainsi, les choses seraient parfaitement claires : les personnes morales doivent pouvoir bénéficier d’une protection, tout simplement parce qu’elles sont parties prenantes du dispositif de signalement.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je souhaiterais vous livrer le témoignage d’une association très connue, qui m’a récemment confié qu’on lui faisait quotidiennement parvenir de nombreuses images de mauvaises pratiques, voire de délits, et ce depuis des endroits très divers et sans qu’elle les sollicite.
Or cette association tient absolument à protéger ses sources pour qu’elles ne soient pas elles-mêmes exposées à des mesures de rétorsion.
Il arrive en effet que certains lanceurs d’alerte, bien qu’ils fassent en sorte de respecter les dispositions de la loi Sapin II, en informant leur supérieur hiérarchique, voire la police ou les autorités, de ce qu’ils ont découvert, se heurtent à un mur et à l’indifférence. Dans ce cas, il faut qu’ils puissent se tourner vers des facilitateurs, ces associations très connues qui leur permettent d’être enfin entendus.
Ces signaux d’alerte permettent d’avancer : il est par conséquent indispensable que des personnes morales puissent les accompagner et les soutenir.
Limiter la liberté d’expression conduit à étouffer le signalement et à faire perdurer dysfonctionnements et infractions.
Pour toutes ces raisons, je voterai naturellement ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Après avoir attentivement écouté le long argumentaire de Mme le rapporteur, je vous indique que nous allons soutenir la position de la commission.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Je souhaite réagir à vos propos, madame la rapporteure. Vous nous dites qu’étendre le statut de facilitateur aux personnes morales ne changerait rien. Pour ma part, je pense le contraire.
Guillaume Gontard a souligné que les associations permettaient de rompre l’isolement et la solitude dans laquelle se retrouvent les lanceurs d’alerte. Les facilitateurs peuvent aussi préserver l’anonymat des personnes divulguant des informations, et se substituer à elles éventuellement dans une action en justice. Elles assurent ainsi la protection des lanceurs d’alerte. C’est pourquoi je trouve qu’il est important de tenir compte de ces personnes morales.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 22 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26, 68 et 73.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 43, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
personnes physiques
insérer le mot :
tiers
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement technique vise à mieux transposer dans notre droit les dispositions de la directive européenne de 2019, notamment son article 4, qui prévoit : « Les mesures de protection des auteurs de signalement s’appliquent également, le cas échéant, aux facilitateurs [et] aux tiers qui sont en lien avec les auteurs de signalement […] »
Vous le voyez, cette directive ne restreint pas le dispositif aux seules personnes physiques, tout simplement parce que les mesures de représailles peuvent aussi concerner les représentants d’associations, comme ce fut le cas lors de la condamnation de l’association Alerte aux Toxiques. Je rappelle que la porte-parole de cette association, Valérie Murat, a été condamnée par le tribunal de Libourne à verser 125 000 euros pour dénigrement de la filière viticole, après avoir publié une analyse révélant la présence de résidus de pesticides dans des vins certifiés à haute valeur environnementale.
Cette question ne relève pas du détail : c’est pourquoi nous proposons une transcription littérale des dispositions de la directive européenne dans le droit français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La proposition de loi prévoit d’étendre le bénéfice des mesures de protection des lanceurs d’alerte « aux personnes physiques en lien avec un lanceur d’alerte, et qui risquent de faire l’objet de mesures de représailles dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de leur employeur, de leur client ou du destinataire de leurs services ».
Le présent amendement a pour objet de substituer à la notion de « personnes physiques » celle de « tiers », afin d’inclure les personnes morales. Ce dispositif est donc différent, puisqu’il accole le mot « tiers » à ceux de « personnes physiques ».
Quoi qu’il en soit, je n’y suis pas favorable. Même si sa formulation n’est pas très explicite, la directive vise clairement les personnes physiques : elle cite l’exemple de collègues ou de proches de l’auteur du signalement, qui risquent de faire l’objet de mesures de représailles.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Par défaut, le Gouvernement sera favorable à cet amendement, puisque les précédents amendements concernant les facilitateurs n’ont pas été adoptés par votre assemblée.
De fait, les proches des lanceurs d’alerte, qu’il s’agisse des collègues qui les accompagnent ou d’une association qui apporte son aide, doivent être protégés, car ils risquent de faire l’objet des mêmes représailles.
La position du Gouvernement est très claire sur le sujet : il n’est pas favorable à ce que les personnes morales puissent être reconnues comme lanceurs d’alerte ; en revanche, l’isolement dont souffre un lanceur d’alerte doit évidemment être rompu. Cela participe de l’accompagnement social que nous souhaitons voir figurer dans ce texte et de la protection qui lui est due.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rétablir le 4° dans la rédaction suivante :
« 4° Toute organisation syndicale de salariés ou de fonctionnaires représentative au niveau national ou au niveau de l’entreprise, de l’établissement ou de l’administration concernés ou toute association agréée peut effectuer pour son compte un signalement ou une divulgation. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Je serai bref, puisque ma précédente intervention vaut présentation de cet amendement, qui a trait à la question de la préservation de l’anonymat du lanceur d’alerte.
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toute organisation syndicale de salariés ou de fonctionnaires représentative au niveau national ou au niveau de l’entreprise, de l’établissement ou de l’administration concernés ou toute association agréée effectue peut effectuer pour son compte un signalement ou une divulgation.
« Les conditions de délivrance et de retrait de l’agrément susmentionné sont fixées par décret en Conseil d’État, compte tenu notamment de l’objet de l’association concernée et de sa représentativité. »
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Emboîtant le pas des législations modèles en la matière, la directive européenne du 23 octobre 2019 a étendu le statut de lanceur d’alerte à d’autres acteurs du processus de signalement, en particulier les facilitateurs et les tiers, autrement dit les collègues et la famille, ouvrant ainsi la voie à une protection étendue à toute personne liée au processus lancé par un lanceur d’alerte.
Les auteurs de la présente proposition de loi suivent cette évolution en créant, à l’article 5, une immunité pénale élargie pour les lanceurs d’alerte, et en protégeant les personnes morales facilitatrices d’alerte.
Toutefois, cette protection n’est étendue qu’aux personnes morales offrant une assistance juridique aux lanceurs d’alerte, et non à celles qui permettent aux lanceurs d’alerte de rester anonymes en relayant pour leur compte une alerte.
Le présent amendement tend à remédier à cette situation en permettant à certaines catégories de facilitateurs de diffuser une alerte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Ces deux amendements visent à octroyer le bénéfice du régime de protection à certaines catégories de personnes morales qui effectueraient un signalement ou une divulgation pour le compte d’un lanceur d’alerte, personne physique.
Les personnes morales concernées seraient soit des syndicats représentatifs, soit des associations spécialement agréées par le Gouvernement.
Je dois avouer que ce dispositif s’inspire fortement de l’amendement que j’avais proposé initialement à la commission et que j’ai retiré au bénéfice des trois amendements de suppression que j’évoquais en donnant l’avis de la commission sur l’amendement n° 73 de M. Haye. En y réfléchissant, je me demande si ce n’était pas une fausse bonne idée.
En cas de contentieux, la personne morale concernée serait contrainte pour établir sa qualité de facilitatrice et échapper à une condamnation de dévoiler l’identité du lanceur d’alerte, personne physique pour le compte de laquelle elle a agi. La protection de l’anonymat du lanceur d’alerte serait donc fragile et temporaire.
Cela étant, nous discuterons tout à l’heure d’un autre amendement relatif à l’anonymat des lanceurs d’alerte, qui me paraît satisfaire pour une large part l’objectif que vous cherchez à atteindre.
C’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir me faire confiance et de retirer vos amendements, faute de quoi j’y serai défavorable.