PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Motion d’ordre

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 154

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en l’état, nous allons examiner sur l’article 1er soixante-dix amendements en discussion commune, ce qui pose incontestablement un problème d’intelligibilité des débats.

La commission propose donc de scinder cette discussion afin de réduire le nombre d’amendements de cette discussion. Ainsi les amendements nos 18 et 54 rectifié bis visant à supprimer le passe vaccinal pourraient faire l’objet d’une discussion commune séparée. L’amendement n° 200 tendant à rétablir la version votée par l’Assemblée nationale serait examiné seul. Enfin, les amendements nos 182 rectifié, 6 rectifié et 77 rectifié tendant à réviser les conditions de sortie du dispositif feraient l’objet d’une autre discussion commune.

Ces modifications contribueraient, me semble-t-il, à la clarté des débats.

M. le président. Je suis saisi par la commission d’une demande d’examen séparé des amendements nos 18 et 54 rectifié bis, de l’amendement n° 200 et des amendements nos 182 rectifié, 6 rectifié et 77 rectifié.

Il n’y a pas d’opposition… ?

Il en est ainsi décidé.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique

Motion d'ordre
Dossier législatif : projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique
Article additionnel avant l'article 1er - Amendements n° 33 rectifié et n° 149

Avant l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 154, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute nouvelle modification de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire est conditionnée à la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport étayant les impacts concrets et positifs de la politique choisie et menée sur la propagation de l’épidémie de covid-19.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Par cet amendement, nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement, avant même la mise en œuvre du présent projet de loi, un rapport sur les bénéfices – ou l’absence de bénéfices – de la mise en œuvre du passe sanitaire.

On voit aujourd’hui que le vaccin protège notamment des formes les plus graves de la covid-19, mais qu’il n’empêche pas la circulation du virus.

En outre, on voit aussi que les vérités d’hier ne sont pas celles d’aujourd’hui. Ainsi l’affirmation selon laquelle le virus circulerait assez peu dans les écoles est-elle démentie par la situation quelque peu chaotique que vivent l’ensemble de nos établissements scolaires.

Pour progresser dans le débat, il nous semble utile que le Gouvernement s’engage à faire un bilan des mesures d’ores et déjà mises en œuvre. Chacun de nos concitoyens pourra ainsi juger de leurs bénéfices en termes de santé publique, car seul cet objectif doit aujourd’hui guider notre action.

Dans le contexte tendu qui a pu présider parfois à ce débat, il serait de bon augure que le Gouvernement envoie, en accédant à cette demande, le signe d’une gestion plus collective de la crise sanitaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La loi prévoit déjà la remise obligatoire d’un rapport mensuel.

Cet amendement tend à empêcher le Gouvernement de proposer des modifications législatives sans se fonder au préalable sur un rapport.

Or il suffit de consulter l’étude d’impact qui a été préparée en vue de l’examen du présent projet de loi pour constater à quel point l’obligation constitutionnelle de joindre une étude d’impact à tout projet de loi a été elle-même vidée de sa substance.

M. Loïc Hervé. C’est regrettable !

M. Philippe Bas, rapporteur. Je comprends la motivation de nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, mais nous ne pouvons multiplier les rapports, qui sont déjà nombreux.

Chaque semaine, le président du Sénat reçoit, d’ailleurs, un descriptif de l’évolution de la situation sanitaire. Nous ne pouvons subordonner la présentation d’un projet de loi – une prérogative gouvernementale dès lors que le texte a été adopté en conseil des ministres – à la remise d’un rapport au Parlement. Cela n’est pas dans l’ordre de nos institutions.

Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Véran, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 154.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 154
Dossier législatif : projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique
Article 1er (début)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Jomier, Sueur et Kanner, Mme Lubin, M. Leconte, Mmes Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche et Marie, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, M. Assouline, Mme Blatrix Contat, M. Bouad, Mmes Briquet et Carlotti, MM. Chantrel, Cozic, Féraud, Jacquin, Lurel, Mérillou, Michau et Montaugé, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le I de l’article L. 3111-2 du code de la santé publique est complété par un 12 ainsi rédigé :

« 12° Contre le SARS-CoV-2. »

II. – Le II de l’article 93 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 n’est pas applicable au I du présent article.

III. – À compter du 1er avril 2022, le refus de se soumettre ou de soumettre ceux sur lesquels on exerce l’autorité parentale ou dont on assure la tutelle à l’obligation de vaccination prévue au 12 du I de l’article L. 3111-2 du code de la santé publique est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. Cette contravention peut faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du code de procédure pénale. Si une telle infraction est verbalisée à plus de trois reprises au cours d’une période de trente jours, l’amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Cet amendement vise à poser, dès le début de l’examen de ce texte, un cadre principiel : l’obligation universelle de vaccination.

Un large consensus se dégage : la vaccination est un devoir. C’est un devoir envers les soignants et notre système hospitalier, car il est parfaitement établi que la vaccination protège particulièrement efficacement – et heureusement – des formes graves, qui sont à l’origine de la surcharge de nos hôpitaux. C’est un devoir des uns envers les autres, car si nous voulons prémunir collectivement notre société contre les conséquences de l’épidémie et viser une circulation virale à bas bruit, sans menacer nos libertés ni nous contraindre, nous devons être vaccinés.

Passer du devoir à l’obligation nous semble, en l’espèce, une évidence, du fait justement de ces répercussions collectives.

Par ailleurs, nous devons aux Français un langage de vérité et de rassemblement et pour ce faire nous devons appliquer le même principe à tout le monde et l’énoncer clairement.

Loin des postures politiques et des manipulations, il s’agit d’affirmer clairement et simplement la volonté du législateur.

Enfin, je conclurai rapidement en complétant mon intervention en discussion générale. Le principe de vaccination collective est un principe durable, qui nous permet d’anticiper, sur la durée, la gestion de la circulation du virus. Cette gestion doit s’accompagner d’une adaptation des moyens de contrôle, qui sont nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. L’amendement n° 149, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La vaccination pour les enfants de moins de 12 ans n’est pas obligatoire.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Nous l’avons vu, la vaccination est une arme importante pour combattre ce virus.

Nous sommes plus interrogatifs, en revanche, sur l’obligation vaccinale pour les moins de 12 ans. En effet, nous ne disposons ni du recul nécessaire ni d’un bilan exact et suffisamment exhaustif nous permettant de tirer toutes les conséquences de cette mesure.

Le monde médical n’est d’ailleurs pas unanime sur ce sujet. Lors de son audition, le professeur Jean-François Delfraissy nous a indiqué que les pédiatres étaient plutôt partagés sur cette indication.

S’il nous semble important que les enfants ayant des comorbidités soient vaccinés, nous pensons en revanche que la vaccination des autres devrait reposer uniquement sur le volontariat, c’est-à-dire en réalité sur la décision de leurs parents, telle qu’elle est prévue par la loi.

Par ailleurs, en l’état actuel des connaissances – je le dis avec prudence et humilité tant la situation peut évoluer –, les enfants de moins de 12 ans développent, heureusement, très peu de formes sévères.

Le choix de ne pas les vacciner pourrait donc ne pas entraîner de pression supplémentaire sur les hôpitaux, la crainte de cette pression étant un argument souvent avancé par ceux qui défendent cette vaccination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. Je connais et reconnais là la constance du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’agissant de l’obligation vaccinale. Sa position a au moins le mérite de la clarté.

Nous avons eu l’occasion de débattre d’une telle obligation, monsieur le président Kanner, en particulier à l’occasion de l’examen de votre proposition de loi, au mois d’octobre dernier. Je ne suis pas loin de me rapprocher de votre position.

M. Patrick Kanner. Faites encore un petit effort !

Mme Laurence Rossignol. Rejoignez-nous ! (Sourires.)

Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. Certes, nous reconnaissons, comme vous, l’intérêt majeur de la vaccination, mais qui dit obligation vaccinale dit contrôle et sanctions.

Par conséquent, cette mesure est très difficile à mettre en œuvre. C’est la raison pour laquelle la commission y est défavorable.

Enfin, je rappelle, concernant l’amendement n° 149, que les enfants ne sont pas soumis à l’obligation vaccinale, cette dernière concernant uniquement les personnels soignants.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Véran, ministre. Nous nous rejoignons sur l’objectif, pas forcément sur les moyens. Il n’y a sur ce sujet ni conflit idéologique ni, d’ailleurs, de fossé infranchissable entre les positions de chacun.

La question de l’obligation vaccinale est totalement légitime dans le débat public. Pour autant, sa mise en œuvre requiert au préalable un certain nombre de conditions qui ne nous semblent pas réunies.

L’obligation vaccinale signifie – on le sait – pour les tout-petits qui ne seraient pas vaccinés, l’impossibilité d’accéder à la crèche, à la halte-garderie, aux services d’une assistante maternelle ou encore à l’école.

Pour les soignants, on le sait aussi, elle signifie l’interdiction d’exercer en établissement de santé, sauf à présenter un certificat de vaccination.

L’obligation vaccinale s’applique également pour effectuer certaines démarches individuelles. Ainsi, si vous souhaitez vous rendre en Guyane, vous devez être vacciné contre la fièvre jaune et présenter un certificat qui en atteste, en d’autres termes un « passe vaccination ».

C’est bien le choix que nous avons fait : un système de passe qui conditionne l’accès à certains lieux et qui tienne compte, de plus, des facteurs de risques de transmission du virus. L’intérêt médical exige en effet de réduire les risques de contamination dans les établissements recevant du public concernés.

Par ailleurs, qui dit obligation dit contrôle et qui dit contrôle dit sanctions.

Comptez-vous mettre en place des contrôles dans la rue ? Exigerez-vous des passants qu’ils présentent un certificat de vaccination, faute de quoi vous leur infligeriez une amende ?

Faudra-t-il instituer un fichier national des personnes non vaccinées, susceptibles d’être visitées par des agents dotés du pouvoir de police ? Je ne suis pas certain, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous voteriez cette mesure ! Le montant de l’amende sera-t-il de 50, de 100 ou de 200 euros ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Lisez au moins l’amendement !

M. Olivier Véran, ministre. Quelles sanctions financières comptez-vous appliquer aux familles précaires, parmi lesquelles on trouve aussi des personnes non vaccinées ? (Murmures sur les travées du groupe SER.)

Bref, nous avons estimé, en faisant preuve d’ouverture d’esprit – vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne vous opposons pas un « non » mordicus sur cette question –, que le passe vaccinal emportait des conséquences favorables et qu’il nous permettrait d’aller dans la direction que nous souhaitons suivre et qui est la même que la vôtre : atteindre un taux de vaccination de 100 %.

Le passe vaccinal constitue à la fois une incitation très forte à se faire vacciner – à défaut, l’accès aux bars, aux restaurants, etc., n’est plus possible – et un outil de réduction des risques. Les études démontrent en effet qu’un schéma vaccinal complet entraîne une réduction des contaminations, y compris avec le variant omicron.

Tel est le dispositif que nous avons choisi. Je le répète : nous ne considérons nullement le fait de se poser d’autres questions comme illégitime ou inapproprié. Simplement, le principe de réalité nous semble clairement pencher du côté du passe vaccinal.

Madame la sénatrice Laurence Cohen, la vaccination obligatoire des enfants n’étant pas envisagée par le Gouvernement, il ne nous semble pas nécessaire de l’exclure expressément, en tout cas pas dans ce texte.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, vous vous demandez comment contrôler le respect d’une éventuelle vaccination obligatoire ; or le contrôle, c’est le passe vaccinal !

M. René-Paul Savary. Ce que vous proposez, c’est en fait un contrôle sans l’obligation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. André Reichardt applaudit également.) Notre raisonnement n’est pas plus incohérent que le vôtre. La question mérite discussion.

Je tiens par ailleurs à rappeler que, contrairement à ce qui a été dit, la vaccination a très largement fait la preuve non seulement de sa capacité à diminuer les complications – tout le monde est d’accord sur ce point –, mais aussi à limiter, certes de façon moindre, la transmission du virus.

C’est la raison pour laquelle il est important de prendre un certain nombre de dispositions.

Monsieur le ministre, vous pratiquez la politique du « en même temps ». Vous instaurez le contrôle sans dire l’obligation. Votre politique serait sûrement plus lisible si elle ne reposait pas sur des mesures faites de bric et de broc et si elle était très claire pour les Français. Or les difficultés actuelles sont le fruit de décisions qui ne sont pas suffisamment claires.

Par ailleurs, les décisions ne doivent pas être prises, selon moi, uniquement en fonction du seul critère d’âge. Vous avez ainsi retenu la vaccination des enfants à partir de l’âge de 12 ans. Pour freiner davantage la diffusion du virus, il conviendrait de prendre en compte le critère de l’entrée au collège. En effet, un certain nombre d’enfants n’ont pas atteint l’âge de 12 ans à leur entrée au collège. Les lycéens, pour lesquels la vaccination n’est que conseillée, sont déjà largement vaccinés. Nous pourrions envisager de cibler l’ensemble des collégiens, quel que soit leur âge.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le ministre, votre argumentation m’étonne quelque peu.

Comme vient de le rappeler notre collègue, la vaccination produit des effets positifs à long terme : elle protège des formes graves de la maladie, elle réduit, bien qu’imparfaitement, les contaminations et permet également, par conséquent, de lutter contre l’embolie de notre système de santé.

Vous nous dites qu’il existe d’autres manières d’atteindre ces objectifs que de poser le principe de l’obligation vaccinale.

Puisque nous considérons, au sein du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, que la vaccination est un acte citoyen, il est logique de poser le principe de l’obligation vaccinale. Comment voulez-vous faire admettre que la vaccination est une obligation citoyenne si vous n’instaurez pas l’obligation vaccinale ?

La question du contrôle est différente et elle ne se pose qu’ensuite.

Monsieur le ministre, les Français sont des citoyens, non des hamsters de laboratoire que l’on stimulerait pour atteindre des objectifs. Vous ne pouvez pas exiger d’eux qu’ils vous présentent un QR code avant d’aller en discothèque ou au restaurant sans leur avoir dit, au préalable, qu’être citoyen dans la situation actuelle, c’est remplir un certain nombre de conditions, parmi lesquelles figure la vaccination.

C’est la raison pour laquelle nous posons le principe de l’obligation vaccinale. Elle est une solution de long terme ; elle est aussi la seule manière d’ériger la vaccination en acte citoyen et d’aller jusqu’au bout. C’est par la conviction que nous y arriverons. Le contrôle peut venir ensuite, mais ce n’est pas parce qu’on ne convainc pas qu’on doit contrôler.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, en deux jours, vous avez extrapolé à deux reprises sur un éventuel triptyque vaccin obligatoire-contrôle-sanctions.

Comme si, vous, ministre de la santé, ignoriez – je ne le crois pas un seul instant – que votre prédécesseure a rendu onze vaccins obligatoires pour les enfants, qu’elle les a inscrits dans le code de la santé publique et qu’elle a supprimé toute sanction en cas de non-vaccination.

En revanche, il existe une contrainte : ces vaccins sont indispensables pour l’inscription en crèche ou à l’école. Il est donc possible de rendre un vaccin obligatoire sans prévoir de sanctions. Il suffit de rendre la vaccination nécessaire pour accéder à un certain nombre de lieux socialisés.

C’est ce que nous proposons. Nous ne proposons ni sanctions pénales ni sanctions civiles, mais une restriction de la fréquentation d’un certain nombre de lieux sociaux.

Nous sommes favorables à l’obligation vaccinale, car selon les études de Santé publique France, le taux de vaccination est plus élevé en milieu urbain qu’en milieu rural, il est plus élevé dans les classes favorisées ou supérieures et il est plus faible chez les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS), l’ex-couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C).

La non-vaccination n’est pas qu’une affaire d’excités complotistes, elle est aussi une affaire de classe, de classe sociale et de classe socioculturelle. Monsieur le ministre, vous y apportez – et le Président de la République nous en donne tous les sous-titres – une réponse de classe, en décrétant que ceux qui ne seront pas vaccinés n’iront pas au restaurant, au café ou au cinéma et ne prendront pas le TGV.

C’est très bête, mais tous ceux dont je viens de parler ne vont déjà pas au restaurant ou cinéma – il n’y en a pas dans leur quartier – et ils ne prennent pas non plus le TGV !

Monsieur le ministre, le choix que vous faites de refuser la vaccination obligatoire revient à refuser de protéger les plus vulnérables de notre société, la vaccination étant susceptible de les prémunir contre les formes graves de la maladie.

C’est là une raison suffisante pour rendre la vaccination obligatoire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.

M. Thierry Cozic. Monsieur le ministre, si vous me le permettez, je paraphraserai Winston Churchill, pour qui « la grande leçon de la vie, c’est que parfois, ce sont les fous qui ont raison ». En octobre dernier, c’est bien de fous que l’on nous qualifiait lorsque nous proposions la vaccination obligatoire pour tous.

Force est de constater, aujourd’hui, que les événements nous donnent raison. Nous avions raison bien avant vous, monsieur le ministre, vous qui étiez défavorable à notre proposition de loi.

Le présent projet de loi arrive bien trop tard. Si vous nous aviez écoutés à l’automne dernier, nous n’en serions pas là. La cacophonie que ce texte a provoquée à l’Assemblée nationale est symptomatique du désordre ambiant.

Alors que le président candidat non déclaré vient de prendre la présidence tournante de l’Europe, il peut désormais s’appuyer sur les mesures prises par nos voisins européens. Certains d’entre eux, comme l’Autriche ou l’Italie, se sont en effet engagés sur le chemin de la vaccination obligatoire.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avait raison bien avant tout le monde, en étant le seul – je ne l’oublie pas et cela a été rappelé – à défendre une mesure aussi responsable que nécessaire.

Monsieur le ministre, si le Président de la République n’avait pas fait preuve de toute la verticalité qui lui sied depuis le début de son mandat, il aurait pu constater que notre proposition n’avait pour but que de protéger nos concitoyens.

Nous voilà donc aujourd’hui réduits à débattre d’un texte qui semble n’être que l’antichambre d’une obligation vaccinale déguisée, destinée à apaiser le pays et à éviter des bavardages intempestifs.

Il est grand le temps de passer à l’obligation vaccinale.

Monsieur le ministre, vous avez raté le coche il y a trois mois ; par cet amendement, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vous donne l’occasion de corriger cette erreur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Mon explication de vote porte sur l’amendement n° 149 et sur la vaccination des enfants de moins de 12 ans.

J’ai bien entendu l’argument de Mme la rapporteure et de M. le ministre : cette vaccination n’étant pas envisagée, il n’y a pas lieu d’en exclure le principe dans la loi.

Notre groupe souhaite néanmoins ouvrir le débat sur cette question. Puisque l’ancienne ministre de la santé Agnès Buzyn a rendu obligatoires, il y a quelques années, onze vaccins pour les enfants, cette éventualité existe bel et bien.

Monsieur le ministre, nous souhaitions attirer votre attention sur cette question. J’ai le sentiment que la vaccination obligatoire des enfants de moins de 12 ans n’est pas, pour l’heure, dans les cartons du Gouvernement. Nous allons donc retirer notre amendement, mais le débat reste ouvert.

Pour notre part, nous faisons confiance aux pédiatres et souhaitons que la vaccination des enfants se passe le mieux possible, même si – on le sait – la pédiatrie est spécialité qui se raréfie dans les territoires.

M. le président. L’amendement n° 149 est retiré.

La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. On peut le dire, notre pays va mal.

Selon un sondage publié il y a deux ou trois jours dans Le Parisien, plus de la moitié de nos concitoyens sont prêts à supprimer le financement des hospitalisations des personnes non vaccinées. C’est une atteinte extraordinaire à notre modèle social.

Si le pays va mal, monsieur le ministre, c’est – nous le croyons – en raison de la politique anxiogène et incompréhensible que vous menez depuis de nombreux mois.

Voilà plus de six mois que nous réclamons l’obligation vaccinale universelle, d’amendement en amendement, de proposition de loi en proposition de loi, de comité de liaison parlementaire en comité de liaison parlementaire.

Vous-même, ou M. Castex, nous avez toujours répondu par la négative, avec parfois – je ne vous le cache pas – un brin d’ironie tout à fait regrettable.

Vous vous êtes opposé à la vaccination obligatoire et voilà qu’à présent vous vous étonnez qu’il reste des non-vaccinés. Vous leur faites porter, d’ailleurs, la responsabilité des problèmes de l’hôpital.

Le Président de la République nous explique qu’il a préféré l’incitation à l’obligation. J’ignorais que, pour convaincre, il fallait « emmerder » les récalcitrants ; j’ignorais que, pour convaincre, il fallait décider seul, dans le huis clos d’un conseil de défense ; j’ignorais que, pour convaincre, il fallait désigner des boucs émissaires et nourrir la division, dans une logique cynique de calcul électoral.

Monsieur le ministre, mieux vaut le consentement par la pédagogie que l’autorité brutale ; au temps pour moi – peut-être me suis-je égaré, je suis de l’ancien monde !

Nous ne sommes pas opposés au passe vaccinal encadré. Nous préférons simplement l’obligation vaccinale, qui revient à faire reposer non pas sur les non-vaccinés, mais sur l’État, une obligation de faire.

Monsieur le ministre, en conclusion, si les Français ne sont pas encore convaincus aujourd’hui, ce n’est pas à eux qu’il faut s’en prendre, mais à ceux qui n’ont pas su se montrer convaincants. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, ce projet de loi – nous en convenons tous – n’est pas un texte d’urgence. Plus exactement, il ne permet plus de faire face à l’urgence ou à ce qui se passe sous nos yeux. Il est désormais trop tard.

Ce texte est donc censé prévoir. Or prévoir est précisément ce que nous vous proposons de faire depuis six mois.

L’équation est simple, monsieur le ministre : soit la vaccination est obligatoire et des interdictions et des sanctions peuvent être décidées – c’est le cas pour d’autres vaccins –, soit elle n’est pas obligatoire et, dans ce cas, il est difficile d’interdire et de sanctionner.

Soit le Gouvernement croit à la vaccination obligatoire, soit il n’y croit pas, mais prévoir une obligation déguisée n’est pas suffisant. On ne peut pas prévoir l’outil – le passe vaccinal – sans l’obligation vaccinale, qui est la finalité.

Monsieur le ministre, il est peut-être enfin temps de voter cet amendement et de rattraper le temps perdu. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. J’ai écouté avec beaucoup d’attention votre intervention, monsieur le ministre.

Rappelez-vous que, lorsque votre prédécesseure a sollicité notre appui pour étendre la vaccination obligatoire, ceux qui étaient contre cette disposition – je vous invite à relire les comptes rendus des débats de l’époque – ont avancé à peu près les mêmes arguments que ceux que vous venez vous-même de nous opposer.

En ce qui nous concerne, nous avons soutenu, en responsabilité, cette proposition, parce que nous considérons que la politique sanitaire doit être au service des Français. Il ne peut pas être question d’adopter des postures sur ce type de sujet !

Trois ans après, le résultat est là : le taux de vaccination des enfants, qui stagnait autour de 85 %, ce qui nous empêchait d’éradiquer certaines maladies, a grimpé au-dessus de 90 %. Les infectiologues confirment que ces maladies sont en voie d’éradication.

Laurence Rossignol a rappelé que le contrôle et la sanction sont de véritables questions, mais que celles-ci sont directement liées au principe. Avec le passe vaccinal sans obligation, vous inventez le contrôle sans le principe, l’outil sans la valeur qui le légitime, ce qui est choquant d’un point de vue politique, mais aussi à l’égard des Français.

On l’a entendu, vous êtes proche, monsieur le ministre, de tenir un discours de vérité, mais vous êtes contraint par la voie qui a été choisie depuis des mois.

Pour ma part, j’appelle chacun à se prononcer en conscience et j’invite la majorité sénatoriale à défendre cette valeur simple de l’obligation vaccinale, comme René-Paul Savary vient de le faire.

Ne vous inquiétez pas, monsieur le ministre, nous débattrons ensuite du contrôle et, si elle est nécessaire, de la sanction. Ce débat sera alors complètement apaisé et transparent pour les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)