M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis tentèrent d’endiguer la progression communiste partout où ils le pouvaient, via la politique dite de containment.
Occupée par les forces japonaises depuis le début du XXe siècle, la Corée, libérée par les Alliés, a fait l’objet d’une partition Nord-Sud.
En 1950, la Corée du Nord a tenté de remettre en cause ce partage et s’est lancée dans une offensive pour envahir la Corée du Sud. Sous l’égide de l’ONU, les États-Unis et leurs alliés sont alors venus au secours de Séoul. Les Soviétiques et les Chinois, quant à eux, ont soutenu Pyongyang.
Après trois ans de guerre et plusieurs centaines de milliers de morts, le conflit s’est stabilisé autour de la ligne du 38e parallèle. La signature d’un armistice a sanctuarisé cette partition. Depuis près de soixante-dix ans, cette ligne divise la péninsule en deux, séparant des milliers de familles.
Cependant, la coexistence des deux Corées n’est guère pacifique. Ainsi, Christian Cambon nous a rappelé que la paix n’a jamais été signée.
En 2006, la Corée du Nord a testé pour la première fois une arme nucléaire. Elle a procédé depuis à plusieurs essais nucléaires et balistiques, menaçant la sécurité de la péninsule et de toute la région.
L’arme nucléaire sanctuarise le régime marxiste du Nord, qui entretient l’idée d’une menace d’invasion du Sud. C’est à cette condition que ce régime, d’un autre temps, parvient à se maintenir, tandis que sa population est opprimée.
Le grand leader lui-même a reconnu récemment des tensions sur l’approvisionnement alimentaire et appelé ses compatriotes à se préparer à des temps difficiles. Nul doute que soixante-dix années de dictature les y auront bien préparés !
Cette guerre, qui n’a jamais pris fin, pèse comme une épée de Damoclès sur la sécurité et la prospérité de la région. Tous les acteurs concernés ont intérêt à ce que les tensions prennent fin et que la péninsule coréenne cesse enfin d’être l’une des plus dangereuses poudrières de la planète.
La présidence Trump a été marquée par un regain des tensions. Après avoir menacé de faire pleuvoir un « feu » et une « fureur » inouïs sur le régime de Pyongyang en 2017, le quarante-cinquième président des États-Unis a cru, l’année suivante, pouvoir mettre un terme au conflit par la voie de la négociation. Le monde a suivi avec beaucoup d’attention la rencontre historique des deux chefs d’État en juin 2018. Les espoirs ont cependant été de courte durée, puisque la série des rencontres s’est achevée par celle de Hanoï en 2019, sans aucune avancée concrète.
La pandémie a aggravé la situation, dans la mesure où elle a provoqué une crise économique, dont tous les effets ne nous sont pas encore connus, mais qui a déjà significativement réduit les échanges internationaux.
Que la Corée du Nord se referme sur elle-même n’est pas une bonne nouvelle pour la paix. Notre vieux continent européen a réussi depuis la fin du dernier conflit mondial à tenir en respect le spectre de la guerre. Nous sommes persuadés que la préservation de la paix en Europe doit beaucoup à la construction européenne et au développement des échanges.
Actuellement, la Corée du Nord est soumise à de sévères sanctions économiques, justifiées par le développement illégal de son programme nucléaire. Il est dans l’intérêt de chacun de l’encourager à renoncer à cet arsenal par le renforcement des échanges économiques.
Selon Montesquieu, « l’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels. » La construction de l’Union européenne prouve l’efficacité de ces principes, et ce depuis le début de la guerre de Corée.
La proposition de résolution de Christian Cambon nous engage à œuvrer pour la paix entre les deux Corées.
Je salue cette initiative, soutenue par la Corée du Sud, en espérant que les assemblées des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne suivront le même chemin.
Le groupe Les Indépendants votera donc avec enthousiasme cette proposition. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et RDPI. – M. Christian Cambon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons une proposition de résolution présentée par Christian Cambon concernant la fin de la guerre de Corée.
Beaucoup de choses ont d’ores et déjà été dites par les orateurs qui m’ont précédé, notamment par l’auteur de ce texte et par ma collègue Catherine Dumas, dont je salue le travail au sein du groupe d’amitié France-Corée du Sud.
Nous voterons en faveur de cette proposition, et ce pour trois raisons.
La première tient à l’histoire : nous devons nous rappeler l’implication de la France dans cette région, qui s’est traduite par l’engagement et le sacrifice des soldats français volontaires dans le bataillon français de l’ONU. Nous devons honorer leur mémoire et continuer à jouer un rôle dans cette zone en participant à l’établissement d’une paix durable. Pour ce faire, nous devons nous saisir des instruments diplomatiques et internationaux qui contribueront à une réconciliation acceptable par tous.
La deuxième raison a trait à l’actualité géopolitique. En dépit de la fin des hostilités, le 27 juillet 1953, la péninsule coréenne ne bénéficie pas d’une paix pleine et entière. La stabilité relative des relations entre la République populaire démocratique de Corée et la Corée du Sud repose sur une convention d’armistice signée par les commandants des trois parties aux négociations de paix : celui des forces des Nations unies, celui de l’Armée populaire de la République démocratique de Corée, devenue Corée du Nord, et celui de l’Armée des volontaires du peuple chinois.
Or le regain des tensions et les démonstrations de puissance récurrentes des États de la région fragilisent fortement un processus de paix inachevé. Ne serait-il pas temps de trouver un prolongement à un armistice qui dure depuis près de soixante-dix ans ?
À l’heure où les États reprennent leur course aux armements, notamment aux armes de destruction massive, qui n’a rien à envier à celle de la guerre froide, il nous faut aborder le difficile et délicat sujet du nucléaire militaire : cette question doit redevenir une priorité dans les agendas diplomatiques.
La Corée du Nord fut un temps partie au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Sa « sortie » du TNP et la poursuite de son programme militaire, accompagnée de plusieurs essais, ont contribué à une escalade des plus dangereuses pour la sécurité mondiale.
Cependant, l’histoire a – tragiquement ! – démontré les limites de la politique d’isolement diplomatique des nations.
Aussi semble-t-il opportun que la France puisse, d’une part, prendre une nouvelle initiative au sein des différentes instances et enceintes internationales destinées à promouvoir le désarmement nucléaire, afin de relancer le dialogue avec la Corée du Nord et, d’autre part, donner un nouvel élan à l’action internationale pour la paix, en favorisant l’émergence de nouveaux instruments juridiques liant les deux pays, car les deux sommets qui se sont tenus en 2018 n’ont pas produit les résultats escomptés.
Alors que la France exerce la présidence de l’Union européenne, son implication pourrait favoriser une mobilisation plus large et une concertation fondée sur le renouveau. C’est aussi, à mon sens, l’occasion de faire la démonstration de la singularité française, respectueuse de toutes les parties et du multilatéralisme.
Troisième raison, enfin : il est nécessaire de se mobiliser en faveur des populations coréennes, de part et d’autre de la DMZ. Ces dernières années, la France a su établir diverses coopérations, tant scientifiques qu’économiques et culturelles, qui constituent des leviers indispensables pour créer les conditions d’une paix pérenne. Cette proposition de résolution invite le Gouvernement à y ajouter un volet supplémentaire, le volet diplomatique.
Enfin, mes chers collègues, au-delà des États et des armes, il y a des êtres humains, des générations au Nord et au Sud qui méritent que nous nous mobilisions pour la paix. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Christian Cambon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme Olivier Cigolotti l’a indiqué, le cessez-le-feu en vigueur depuis soixante-dix ans n’offre pas un cadre stable aux relations entre les deux Corées et les pays parties à la guerre de Corée.
La France a tout intérêt à soutenir les initiatives en faveur de l’adoption d’une déclaration de fin de la guerre, gage de stabilité dans une région stratégique.
Lors de la dernière visite d’État du président sud-coréen Moon Jae-in, la relation bilatérale entre nos pays s’est renforcée, ce qui a donné lieu à une déclaration conjointe.
Cette dernière reposait sur quatre principes : le dialogue sur les grandes questions internationales ; le développement de la coopération en matière de diplomatie, de sécurité et de défense ; l’approfondissement des relations économiques ; enfin, le développement des échanges et de la coopération dans les domaines des sciences, de l’enseignement, de la culture et des sports. Ces principes ont été réaffirmés lors du dialogue stratégique qui s’est déroulé en mai 2019 entre les ministres des affaires étrangères français et coréen.
L’adoption d’une déclaration de fin de la guerre permettrait également d’aborder la question de la dénucléarisation de la péninsule coréenne, condition d’une paix pérenne.
En effet, si la question du nucléaire chinois prend de l’ampleur, compte tenu des diverses avancées technologiques de la Chine, celle du nucléaire nord-coréen reste préoccupante.
La détente relative que Donald Trump et Kim Jong-un avaient tenté d’instaurer après leur première rencontre à Singapour, en juin 2018, n’a en effet pas permis de faire avancer le dossier de la dénucléarisation dans la région.
La Corée du Nord n’a certes pas réalisé de nouveaux essais nucléaires depuis septembre 2017, mais elle a testé à plusieurs reprises le lancement d’engins susceptibles de transporter des ogives nucléarisées.
Plus inquiétant encore, le 13 décembre dernier, un rapport publié par le Congressional Research Service, agence fédérale dépendant du Congrès des États-Unis, alertait sur le fait que la Corée du Nord continuait de faire progresser ses programmes d’armement nucléaire et de missiles malgré les sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies et les efforts diplomatiques de haut niveau, et soulignait que les récents essais de missiles balistiques et les défilés militaires suggéraient que le régime poursuivait la mise en place d’une force de frappe nucléaire conçue pour échapper aux systèmes régionaux de défense antimissile.
Enfin, en août dernier, l’Agence internationale de l’énergie atomique indiquait que les Nord-Coréens avaient relancé leur réacteur nucléaire de Yongbyon, situé à environ 90 kilomètres au nord de Pyongyang, qui était à l’arrêt depuis décembre 2018. Il s’agit d’un signal préoccupant pour l’équilibre de la zone indo-pacifique.
Dans cette région qui concentre sept des dix budgets en matière de défense les plus importants du monde, l’aggravation des déséquilibres stratégiques et militaires constitue une menace globale qui, de ce fait, pourrait avoir des répercussions directes en France et en Europe.
Le groupe Union Centriste votera donc en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Christian Cambon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de résolution, qui appelle le Gouvernement à œuvrer à l’adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée, est une bonne initiative, dont l’exécutif apprécie l’esprit et la méthode. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour remercier Christian Cambon d’avoir été à l’origine de ce débat.
Pour des raisons qui tiennent d’abord à notre histoire, la France accorde une importance toute particulière à la situation dans la péninsule coréenne.
Nombre d’entre vous l’ont rappelé, ce conflit n’a jamais trouvé de conclusion depuis l’armistice signé le 27 juillet 1953. Beaucoup de nos compatriotes y ont pris part : plus de 3 000 soldats ont combattu au sein du bataillon français intégré aux forces onusiennes, aux côtés de soldats issus de seize autres pays. Près de 300 de nos militaires ont même perdu la vie durant les combats meurtriers qui se sont déroulés entre 1950 et 1953, en particulier lors de la bataille de Crèvecœur à l’automne 1951.
Mme Dumas rappelait tout à l’heure l’émotion qui l’a saisie lors de son passage, avec une délégation du groupe d’amitié France-Corée du Sud, dans la DMZ. J’ai moi aussi éprouvé cette émotion lorsqu’en février 2019 je me suis rendu dans la zone démilitarisée puis ai rencontré des vétérans coréens du bataillon français. J’ai même ressenti une émotion supplémentaire, dans la mesure où ce bataillon comprenait près de 500 militaires issus de mon département. Un monument a du reste été érigé à leur mémoire dans la petite commune de Lauzach, puisque, pour une large part, ils en étaient originaires.
Cet engagement historique emporte certes des devoirs, mais aussi des droits ou, en tout cas, une responsabilité.
Si nous suivons de près ce dossier, c’est aussi parce que les activités illicites menées par la Corée du Nord constituent toujours une menace de premier ordre pour la paix et la sécurité mondiales.
Pyongyang a poursuivi ces derniers mois le développement de ses programmes nucléaire et balistique, en violation des résolutions du Conseil de sécurité.
Dans le domaine nucléaire, le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique, publié en août dernier, fait état d’une reprise, après plusieurs années d’arrêt, de l’activité des installations de Yongbyon. Il s’agit du principal site nucléaire du pays, où se situe un réacteur permettant de produire du plutonium de qualité militaire.
En parallèle, la Corée du Nord a effectué en septembre et en octobre 2021 – il y a donc très peu de temps – cinq séries de tirs de missiles, toutes préoccupantes, mais dont deux attirent plus particulièrement notre attention.
Le 28 septembre dernier, quelques jours après une nouvelle proposition de déclaration de la fin de la guerre de Corée par le président Moon Jae-in, lors de la 76e session de l’Assemblée générale des Nations unies, le régime nord-coréen a annoncé avoir réussi un test de tir de missile intégrant un planeur hypersonique, qui constitue une nouvelle génération de missile dont seul un nombre très restreint d’États disposent aujourd’hui.
Le 19 octobre, la Corée du Nord a également tiré un missile balistique mer-sol depuis un sous-marin, ce qui est une première, poursuivant ainsi ses efforts en vue de la création d’une composante nucléaire sous-marine.
En posant les jalons d’un renforcement significatif et continu des forces nucléaires nord-coréennes, cette séquence a confirmé la priorité que continue d’accorder le régime à l’amélioration et au renforcement de la crédibilité de ses arsenaux d’armes de destruction massive.
D’ailleurs, les sénateurs Gontard et Patriat l’ont mentionné tout à l’heure : aujourd’hui même, les provocations continuent. Quand je dis « aujourd’hui », je parle bien de ce jour même : les autorités sud-coréennes et japonaises viennent d’annoncer un nouveau tir de projectile effectué par la Corée du Nord, qui semble s’apparenter à un tir de missile balistique. Au moment où je vous parle, des vérifications sont en cours pour en déterminer la nature exacte.
En tout cas, face à une telle attitude, nous sommes tous mobilisés autour d’un objectif très clair : le retour rapide, et en toute bonne foi, de la Corée du Nord à la table des négociations, lesquelles sont destinées à obtenir la dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible du pays, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité. J’y insiste : dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible !
À ce titre, la mise en œuvre par l’ensemble de la communauté internationale de l’ensemble des sanctions décidées par le Conseil de sécurité demeure aujourd’hui, faute de mieux, l’instrument fondamental dont nous disposons pour lutter contre la prolifération nucléaire et balistique nord-coréenne.
Je tiens aussi à évoquer la situation des droits de l’homme en Corée du Nord, qui est particulièrement inquiétante.
En témoigne le dernier rapport du secrétaire général des Nations unies sur la question, qui dresse un constat accablant sur la violation de ces droits. Avec nos partenaires européens, nous avons réagi à la publication de ce rapport : en décembre dernier, le Conseil de l’Union européenne a ainsi adopté une décision prorogeant jusqu’en 2022 les mesures prises en mars dernier, dans le cadre du nouveau régime transversal des sanctions européennes en matière de droits de l’homme.
Je souhaite également parler de la situation humanitaire en Corée du Nord, même si son suivi est rendu particulièrement difficile par l’absence de données fiables émanant des autorités nord-coréennes sur la propagation du coronavirus dans le pays, et par la fermeture totale des frontières depuis le début de la pandémie.
Cette fermeture nous a d’ailleurs conduits à restreindre notre dispositif diplomatique à Pyongyang – il existe, même si nous n’avons pas d’ambassadeur en Corée du Nord. Il en va de même des ONG françaises qui portaient assistance à la population, qui ont dû se retirer du territoire nord-coréen. Le contexte n’est donc pas particulièrement séduisant…
J’en viens maintenant à la proposition de résolution.
Ce texte se rapporte à une initiative que le président de la République de Corée, M. Moon Jae-in, a prise en septembre dernier devant l’Assemblée générale des Nations unies, et qui visait l’adoption d’une déclaration de fin de la guerre dans la péninsule coréenne. Cette initiative a fait suite à d’autres actions menées en 2007, 2018 et 2019.
Un projet de communiqué est en cours de négociation, selon les informations dont nous disposons. Nous n’avons pas été sollicités à ce sujet jusqu’à présent mais, comme le Président de la République l’a fait savoir lors d’échanges avec le président Moon Jae-in, la France est favorable à toute initiative visant à apaiser les tensions dans la péninsule coréenne, dans le respect des résolutions du Conseil de sécurité.
Nous considérons en effet que le dialogue intercoréen ainsi que le dialogue entre la Corée du Nord et les principaux pays concernés par cette situation sont indispensables, non seulement pour garantir une paix durable, mais aussi pour préserver la stabilité internationale.
L’esprit constructif que vous avez adopté pour élaborer cette proposition de résolution, monsieur Cambon, est au rendez-vous. Vous appelez le Gouvernement à œuvrer en faveur de la reprise du dialogue : sachez que ce vœu est largement partagé, et ce d’autant plus que toutes les initiatives en ce sens s’inscrivent dans notre stratégie indo-pacifique. Il s’agit en effet d’un élément clé pour renforcer la sécurité, ainsi que notre présence dans cette zone, et d’un acte d’affirmation politique.
Au-delà de ces principes, c’est à la lumière des dispositions précises que prévoira le communiqué en cours de discussion que le gouvernement français adoptera sa position définitive. Je souligne à cet égard l’importance de nos exigences en matière de démantèlement des programmes nucléaires et, en particulier, de dénucléarisation. Pour lever toute ambiguïté, nous entendons que les termes même employés dans les résolutions du Conseil de sécurité soient repris, à savoir un démantèlement « complet », « vérifiable » et « irréversible ».
Depuis septembre 2020, l’Assemblée nationale de la République de Corée travaille également à la rédaction d’un projet de texte de même nature, qui n’a pas encore été adopté.
Pour arrêter sa position définitive, dont vous percevez l’esprit, le Gouvernement examinera là encore avec la plus grande attention les termes dans lesquels se prononcera in fine la représentation parlementaire de la République de Corée.
Compte tenu de ces différents éléments, le Gouvernement choisit de s’en remettre à la sagesse du Sénat. C’est la force de la diplomatie parlementaire, à laquelle vous tenez tant, monsieur Cambon, que de mobiliser, d’anticiper et de tracer un chemin. (M. Christian Cambon acquiesce.) C’est ce que vous faites en organisant ce débat et en proposant l’adoption de cette proposition de résolution.
Dans la période qui s’ouvre, sachez que vous pouvez compter sur mon ministère pour continuer à soutenir le rapprochement intercoréen et favoriser à la fois les échanges avec la Corée du Sud et le dialogue entre toutes les parties. Nous poursuivrons nos efforts pour apaiser les tensions dans la péninsule coréenne et préserver la stabilité et la sécurité internationales. (Applaudissements.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution appelant le gouvernement à œuvrer à l’adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Considérant la guerre qui a impliqué les Forces des Nations unies et seize pays, notamment la République française, les États-Unis et la République populaire de Chine, à partir du 25 juin 1950 ;
Considérant que ce conflit majeur, conclusion d’une escalade d’affrontements dans la péninsule coréenne, découle largement du contexte de la guerre froide qui s’est développé après la fin de la Seconde Guerre mondiale ;
Considérant le bilan tragique des combats qui ont fait de la péninsule coréenne un champ de ruines (plus de 5 millions de morts et de blessés, 6,5 millions de réfugiés, des centaines de milliers d’orphelins et plus de 10 millions de familles séparées) ;
Considérant la signature le 27 juillet 1953 d’une convention d’armistice « en vue d’établir un armistice qui assurera la cessation complète des hostilités et de tous actes de guerre en Corée jusqu’à ce qu’intervienne un règlement pacifique définitif du conflit coréen » par le commandant en chef des Forces des Nations unies, d’une part, et le commandant suprême de l’Armée populaire coréenne de la République populaire démocratique de Corée (« Corée du Nord ») et le commandant des Volontaires du peuple chinois, d’autre part ;
Considérant le caractère provisoire, et par conséquent instable de cette convention d’armistice qui ne suspend que temporairement les combats, ne met pas officiellement fin à la guerre et n’aboutit pas à un règlement pacifique et définitif de la situation, ce qui induit que, soixante-huit ans après la signature de la convention d’armistice, la péninsule coréenne reste en proie aux tensions, aux confrontations militaires répétées et à une inutile course aux armements ;
Considérant la persistance de fait et de droit de l’« état de guerre » qui constitue une menace de confrontations militaires, qui suscite la peur des populations de la République de Corée, dite « Corée du Sud », et de la Corée du Nord, qui compromet la liberté et les droits humains et qui favorise une course aux armements infinie dont les conséquences négatives pèsent sur la paix mondiale ;
Considérant l’absence de traduction concrète de la déclaration des dirigeants de la Corée du Sud et de la Corée du Nord du 27 avril 2018, à l’issue du Sommet intercoréen de Panmunjom, qui envisageait de « procéder à la déclaration de fin de guerre en vue de remplacer la convention d’armistice par un traité de paix afin d’instaurer un régime de paix pérenne » ;
Considérant le soutien apporté par les dirigeants des États-Unis et de la Corée du Nord, lors du Sommet de Singapour du 12 juin 2018, à la déclaration de Panmunjom, prévoyant « d’établir de nouvelles relations pour la paix et la prospérité d’après l’aspiration des peuples des deux pays » ;
Considérant l’importance que revêtirait une déclaration de fin de guerre constatant « la fin officielle et définitive de la guerre de Corée » pour la communauté internationale ;
Considérant qu’une telle déclaration ouvrirait la voie à l’instauration d’une paix favorisant la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne au profit d’une coexistence pacifique ;
Invite le Gouvernement à prendre les initiatives diplomatiques pour inciter les pays parties à la guerre de Corée (la Corée du Sud, la Corée du Nord, les États-Unis et la Chine) à adopter une « déclaration de la fin de la guerre de Corée » mettant officiellement fin à l’état de guerre et instaurant un régime de paix dans la péninsule coréenne ;
Appelle le Gouvernement à soutenir cette « déclaration de la fin de la guerre de Corée » et à participer à sa reconnaissance par la communauté internationale y compris les Nations unies ;
Invite le Gouvernement à travailler avec les pays parties à la guerre de Corée pour entamer le dialogue en vue de la signature d’un traité de paix qui remplace la convention d’armistice ;
Invite le Gouvernement à soutenir les efforts déployés par les pays du monde, y compris la Corée du Sud, pour la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne et l’instauration d’une paix pérenne.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
(La proposition de résolution est adoptée à l’unanimité.) – (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est des moments dans la vie d’un élu où l’on peut ressentir une légitime fierté pour le travail que l’on a accompli. Tel est bien le sentiment que je souhaite partager avec vous en cet instant.
Le Sénat, une fois de plus, agit pour la paix. Pour ce faire, il s’est saisi de toutes les procédures et de tous les moyens dont il dispose pour montrer la voie à suivre.
Je vous remercie, monsieur le ministre, et je remercie l’ensemble du Gouvernement, pour avoir soutenu cette proposition de résolution dans les termes qui viennent d’être rappelés.
Je suis persuadé que cette initiative, que nous sommes la première assemblée du monde occidental à voter, sera suivie par d’autres, du reste pas n’importe lesquelles, puisqu’un travail sur le sujet est actuellement en cours au Congrès américain, ainsi que dans les parlements britannique et allemand. Je suis évidemment très fier que le Sénat ait adopté ce texte, et je tiens à partager cette fierté avec vous tous, au-delà des appartenances politiques des uns et des autres.
Une résolution ne permet certes que de formuler des recommandations, mais nous savons d’expérience les effets que les résolutions du Sénat peuvent avoir. C’est pourquoi, mes chers collègues, je tiens à vous exprimer ma très grande gratitude et ma reconnaissance pour avoir fait ce geste en faveur de la paix. (Applaudissements.)