Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Esther Benbassa, M. Pierre Cuypers.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
déclarations du président de la république
M. Bruno Retailleau ; M. Jean Castex, Premier ministre ; M. Bruno Retailleau.
respect des français non vaccinés
M. Hervé Marseille ; M. Jean Castex, Premier ministre.
mesures sanitaires et sociales fracturant la société
Mme Cathy Apourceau-Poly ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Cathy Apourceau-Poly.
emplois et accompagnement des entreprises
M. Julien Bargeton ; Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
M. Bernard Jomier ; M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement ; M. Bernard Jomier.
Mme Nathalie Delattre ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
stratégie vaccinale du gouvernement et gestion du service public de l’hôpital
M. Guillaume Gontard ; M. Jean Castex, Premier ministre ; M. Guillaume Gontard.
M. Daniel Chasseing ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
traitement des enfants face à la covid-19
Mme Christine Lavarde ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Christine Lavarde.
place de l’agriculture dans la présidence française du conseil de l’union européenne
M. Franck Montaugé ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Franck Montaugé.
M. Daniel Gremillet ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie ; M. Daniel Gremillet.
accueil des écoliers d’enseignants non remplacés
M. Arnaud de Belenet ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ; M. Arnaud de Belenet.
M. Cédric Perrin ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
situation à la frontière entre la russie et l’ukraine
M. Jean-Yves Leconte ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Catherine Dumas ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; Mme Catherine Dumas.
impact du prix de l’énergie sur les collectivités locales
M. Jean-Michel Arnaud ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Jean-Michel Arnaud.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
3. Candidature à une délégation sénatoriale
4. Communication relative à une commission mixte paritaire
5. Adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée. – Adoption d’une proposition de résolution
Discussion générale :
M. Christian Cambon, auteur de la proposition de résolution
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Clôture de la discussion générale.
Texte de la proposition de résolution
Adoption de la proposition de résolution.
M. Christian Cambon, auteur de la proposition de résolution
6. Défense extérieure contre l’incendie : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires. – Débat sur les conclusions d’un rapport d’information de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation
Ouverture du débat :
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État
M. Pascal Martin ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
Mme Céline Brulin ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Guy Benarroche ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Éric Gold ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Lucien Stanzione ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Didier Rambaud ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Alain Marc ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Daniel Laurent ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Jean-Marie Mizzon ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Michel Houllegatte ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Jean-Baptiste Blanc ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Lucien Stanzione ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
Mme Isabelle Raimond-Pavero ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Isabelle Raimond-Pavero.
Mme Agnès Canayer ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Agnès Canayer.
M. Gilbert Favreau ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Jean-Claude Anglars ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
Conclusions de la conférence des présidents
8. Oubliés du Ségur de la santé et investissements liés au Ségur à l’hôpital. – Débat organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain
Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain
Mme Laurence Cohen ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; Mme Laurence Cohen.
Mme Élisabeth Doineau ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
Mme Véronique Guillotin ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
M. Jean-Luc Fichet ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; M. Jean-Luc Fichet.
M. Dominique Théophile ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
M. Franck Menonville ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
Mme Annie Delmont-Koropoulis ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; Mme Annie Delmont-Koropoulis.
Mme Raymonde Poncet Monge ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
Mme Annick Jacquemet ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
Mme Émilienne Poumirol ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
Mme Alexandra Borchio Fontimp ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
Mme Victoire Jasmin ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
M. Bruno Belin ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; M. Bruno Belin.
Mme Martine Berthet ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; Mme Martine Berthet.
M. Laurent Somon ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
M. Cyril Pellevat ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
Mme Michelle Meunier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain
Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Esther Benbassa,
M. Pierre Cuypers.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de vous renouveler mes vœux les meilleurs.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres, ainsi qu’à celui du temps de parole.
déclarations du président de la république
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, j’aurais préféré vous souhaiter la bonne année. Je le fais tout de même, mais vous comprendrez que, depuis cette interview du Président de la République, aussi sidérante que désolante, les mots d’Emmanuel Macron sont dans tous les esprits.
Ces mots, je ne les prononcerai pas. Je ne les prononcerai pas ici, au Sénat ; je ne les prononcerai pas, parce qu’ils n’ont pas droit de cité dans notre conversation civique. (Murmures appuyés sur les travées du groupe RDPI.)
Aucune urgence sanitaire ne justifie des propos d’une telle brutalité, d’une telle indignité.
M. Xavier Iacovelli. Et Sarkozy alors ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Aucune nécessité épidémique ne légitime qu’un président de la République aille jusqu’à dénier à ses propres compatriotes la qualité de concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier ainsi que MM. Vincent Capo-Canellas et Hervé Maurey applaudissent également.)
Monsieur le Premier ministre, celui qui vous parle est vacciné. J’ai voté – vous le savez – le passe sanitaire.
Mes chers collègues, je voterai le passe vaccinal, malgré ces provocations calculées, malgré le piège qui nous est tendu.
M. Jean-François Husson. C’est une honte !
M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, je vous interroge : dans une France qui est tellement facturée, morcelée, « archipélisée », pensez-vous qu’il faille en rajouter, encore, en division, en discorde ?
Alors que notre débat public est de plus en plus pollué par la violence,…
M. Vincent Segouin. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. … pensez-vous qu’il faille recourir à la violence verbale, qui est une autre forme de violence ?
Vous avez été maire, il y a si peu. Je voudrais maintenant interroger l’homme que vous êtes, cher Jean Castex (Exclamations sur les travées du groupe RDPI.).
Maire, auriez-vous utilisé ces mots-là, avec ce sens-là ? Telle est ma question. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, permettez-moi d’abord de vous souhaiter, très chaleureusement et très sincèrement, ainsi qu’à l’ensemble du Sénat, une bonne année.
Évidemment, je ne suis pas tout à fait surpris de votre question. (Exclamations amusées.) Si vous le voulez bien, je vais me placer au fond du sujet. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais oui !
Cher président, comme moi, vous aimez l’histoire. Vous savez bien que ces termes, que vous ne voulez pas prononcer, l’ont déjà été par… (Protestations et quelques huées sur les mêmes travées. – M. Laurent Burgoa fait un signe de dénégation.) Mais oui !
Au fond, quel est le sujet ?
Il s’agit de la politique que nous conduisons pour faire face à la crise sanitaire. Au moment où notre pays est confronté de nouveau – ai-je besoin de le rappeler au Sénat ? – à une vague d’une forte ampleur, au moment où nos hôpitaux et nos soignants sont confrontés – vous le savez – à une situation extrêmement difficile, oui, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons une difficulté – nous ne cessons de le dire – avec celles et ceux de nos concitoyens qui ne sont pas vaccinés. (Protestations et interpellations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Oui, nous avons l’impérieuse nécessité – nous le faisons depuis des mois – de faire progresser la vaccination dans ce pays. (Exclamations sur de nombreuses travées.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous braquez les non-vaccinés ! La situation est encore pire !
M. Jean Castex, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs je vous entends, mais, comme vous – je n’en doute pas –, je vais sur le terrain.
Vous avez bien voulu faire allusion, cher président Retailleau, à mes anciennes fonctions de maire : quand, comme vous, je me rends très régulièrement dans les services de soins critiques, ce qu’a dit le Président de la République,…
Mme Sophie Primas. C’est indigne !
M. Jean Castex, Premier ministre. … je l’entends partout. (Protestations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais bien sûr que oui ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Vous le savez, il y a une forme d’exaspération de nos concitoyens (Protestations continues sur les travées du groupe Les Républicains.) à se voir imposer un certain nombre de contraintes, alors que d’autres font le choix de s’en affranchir, avec toutes les conséquences que cela a.
Cher président Retailleau, un point m’a agréé dans votre question : vous avez dit que vous voteriez le projet de loi. Les propos du Président de la République s’inscrivent en parfaite cohérence avec ce que nous faisons (Protestations vives et indignées sur les travées du groupe Les Républicains.) – et vous le savez ! –, c’est-à-dire pousser à la vaccination et responsabiliser toujours davantage celles et ceux de nos concitoyens qui s’y refusent.
C’est capital, y compris pour contrer l’exaspération légitime de ceux – ils sont immensément nombreux – qui font l’effort de se conformer aux règles de la vie civique.
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas le cas du Président de la République !
M. Jean-François Husson. On n’insulte pas les Français !
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, nous proposons un texte qui va dans ce sens, qui transformera le passe sanitaire en passe vaccinal. Je constate avec regret que l’on a l’air de se servir de tout motif pour en retarder l’examen. (Bronca sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylviane Noël martèle son pupitre.)
Cher président, il faut que nous reprenions la marche des choses. Ce texte est un outil majeur – ce n’est pas le seul – pour lutter contre cette pandémie qui galope. (Protestations continues sur les travées du groupe Les Républicains, qui couvrent la voix de M. le Premier ministre.)
Je le dis au Sénat : nous avons besoin de ce texte et je ne comprends pas les obstructions au fond.
M. Roger Karoutchi. Nous ne parlons pas du texte !
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président du Sénat, j’ai consulté les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat. Un consensus – non pas global et certes assorti de nuances – s’est dégagé. Nous devons le capitaliser, parce que l’orientation est bonne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ne confondez pas : le fond est capital. J’ai besoin, la France a besoin de ce texte pour faire progresser la vaccination ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Bernard Fialaire et Olivier Cadic applaudissent également. – Huées sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, vous avez répondu à côté de ma question.
Il y a quelques jours, dans une grande émission de télévision, Emmanuel Macron est venu nous dire, la main sur le cœur et la larme à l’œil, qu’il avait changé, qu’il avait compris les Français et qu’il avait appris à les aimer.
Un gros travail reste à faire. Ces mots-là ne sont pas un dérapage de plus, ils sont un outrage de trop ! (Bravo ! et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de La Provôté, M. Hervé Maurey, Mme Angèle Préville et M. Hussein Bourgi applaudissent également.)
respect des français non vaccinés
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Hervé Marseille. Monsieur le Premier ministre, à mon tour, je voudrais vous présenter mes vœux. Le Gouvernement en a bien besoin, en ce début d’année compliqué… (Rires.)
Il est vrai que, chaque fois qu’il a fallu prendre des mesures difficiles, le Sénat a répondu présent.
M. Jean-François Husson. Très juste !
M. Hervé Marseille. Nous avons fait nos observations et nos critiques ; nous avons, bien entendu, formulé des propositions – quelquefois, souvent même, en vain. Mais nous avons voté l’état d’urgence, le confinement, le couvre-feu, le passe sanitaire.
Comme l’indiquait à l’instant Bruno Retailleau, nous nous apprêtons, pour beaucoup d’entre nous, à aborder le texte portant sur le passe vaccinal avec le même état d’esprit : pour vous faire part de notre opinion, de nos critiques, de nos propositions, mais également – c’est mon intention – pour voter ce passe vaccinal.
Malheureusement, depuis quelques heures, l’exposé des motifs a changé. Dans l’exposé des motifs tel que je l’ai relu, il est question de protéger la population ; il n’y est pas employé un autre verbe, qui consiste à montrer du doigt, à stigmatiser une partie de la population française. (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Il est vrai que le Président parle souvent à la première personne. Mais il y a un Gouvernement ; il y a un Parlement ; et ce dernier, que nous constituons pour partie, n’a pas pour vocation à « ennuyer » une partie de la population française.
Il est regrettable que 10 % de la population française ne soit pas vaccinée.
M. Hervé Marseille. Cela étant, ces personnes n’ont enfreint aucune loi, aucun règlement.
C’est une solidarité, c’est un problème moral, c’est un devoir que l’on peut s’assigner à soi-même vis-à-vis des autres, mais il n’y a pas de règle qui imposerait que l’on soit vacciné.
Dès lors, monsieur le Premier ministre, je vous le demande : la politique que vous conduisez – car c’est bien vous qui en avez la charge et nous qui devons la voter – évolue-t-elle ? Prend-elle une autre direction ?
On montre du doigt une partie de la population, alors que le Président est, normalement, celui qui garantit l’union nationale et le rassemblement. Lorsque des actes de terrorisme sont perpétrés, lorsque l’on se bat au Sahel, lorsque des discussions ont lieu en Nouvelle-Calédonie, le Président est l’homme du rassemblement, il est le dernier recours.
Le Gouvernement que vous conduisez modifiera-t-il sa politique pour passer d’une règle qui consiste à « tester, tracer et isoler » à une règle qui consiste à « ennuyer » les Français ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Marseille, la politique du Gouvernement est constante. (Exclamations et rires sur les travées du groupe Les Républicains.) J’ajouterai : elle est cohérente.
Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention. J’ai entendu également la réplique du président Retailleau à ma réponse.
Mais je m’interroge : qui outrage la Nation ? Qui fracture la Nation ? (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Qui conduit, dans nos services d’urgence, les soignants à faire des choix éthiques dramatiques ?
Mme Laurence Cohen. Qui a fermé des lits ?
M. Jérôme Bascher. À sa liberté !
M. Jean Castex, Premier ministre. … à la loi, excusatoire. Non, monsieur le président Marseille, elle ne se conforme pas à ses devoirs de citoyens. (Protestations continues sur les travées du groupe Les Républicains.)
Être citoyen, c’est aussi avoir des devoirs. Et de le leur rappeler, c’est tout ce que nous faisons. Nous continuerons, cher président, à faire progresser la vaccination, à « aller vers » ces personnes. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cela produit d’ailleurs des résultats. Vous avez observé, avant même que vous ne le votiez – et j’espère bien que vous le voterez –, que l’annonce du passe vaccinal a relancé les primo-vaccinations.
Mme Sophie Primas. Et alors ?
M. Jean Castex, Premier ministre. On parle beaucoup, à bon droit, des doses de rappel, mais il ne faut pas oublier – vous le savez comme moi – les primo-vaccinations.
Nous approchons les 92 % de primo-vaccinés, c’est un record mondial. (Exclamations teintées d’ironie sur des travées du groupe Les Républicains.) Oui, c’est un record mondial !
Vous prétendez accompagner ma politique. Je me souviens, pour ma part, de toutes les critiques continûment émises sur la politique conduite par le Gouvernement pour gérer cette crise sanitaire. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary. Il ne faut pas injurier les Français !
M. Jean Castex, Premier ministre. À un moment donné, il faut appeler un chat un chat, responsabiliser nos concitoyens et nous donner, ensemble, les moyens de lutter contre cette pandémie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Emmanuel Capus, Pierre Médevielle et Pierre Louault applaudissent également.)
mesures sanitaires et sociales fracturant la société
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le secrétaire d’État, le peuple mérite autre chose que des insultes, des menaces de mise au ban de la citoyenneté ou des incitations à la fracturation, au clivage, à la haine.
Ce peuple, que le président Macron méprise tant, subit sans cesse des injustices graves.
Je vais vous en donner un exemple.
Alors que le variant omicron frappe notre pays, vous avez fait le choix de maintenir l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2022, du forfait de 19,60 euros aux urgences. Ce droit d’entrée, en pleine pandémie, est un non-sens sanitaire, qui va pénaliser de nombreux citoyens.
Aujourd’hui, 9 millions de personnes vivent au-dessous du seuil de pauvreté ; 3,8 millions de personnes sont sans mutuelle. Elles n’ont pas les 20 euros dans leur poche, monsieur le ministre !
La priorité n’est-elle pas de lutter contre les déserts médicaux ? Le cœur du problème est là : l’impossibilité, pour nos concitoyens, d’obtenir un rendez-vous avec un médecin, notamment le soir et le week-end, les amène aux urgences.
Vous préférez fermer des lits, des services et aggraver les déserts médicaux. Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous abandonner cette mesure antisociale par nature ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’adresse à mon tour tous mes vœux au Sénat en cette nouvelle année.
Madame la sénatrice Apourceau-Poly, vous soulevez un certain nombre de points, en réponse auxquels le Gouvernement a pris – en réalité vous le savez très bien, puisque cela a donné lieu à un certain nombre de textes que nous avons débattus ici même – un certain nombre de mesures.
Les tensions sur l’hôpital sont évidemment réelles ; elles le sont depuis de nombreuses années ; elles ont été amplifiées, évidemment, par la crise du covid. Au-delà des grandes déclarations, il est important, à un moment donné, d’objectiver la situation, afin de prendre les mesures les plus adéquates.
C’est ce qu’a fait le ministre Olivier Véran, lorsqu’il a annoncé une grande enquête sur les tensions RH et capacitaires. Les fermetures de lits que vous évoquez ne sont pas qu’une question de matériel ; c’est aussi une question de personnel.
Cette étude, réalisée en fin d’année dernière auprès de 1 100 établissements, a fait état, hors chirurgie, d’une baisse globale du capacitaire de l’ordre de 5 %, mais avec une part importante des services de médecine, de soins de suite et de réadaptation (SSR) et de psychiatrie, qui présentent un taux élevé.
En chirurgie, la baisse du nombre de lits que vous évoquiez est un peu plus significative.
Mme Éliane Assassi. Et le forfait urgences ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. J’y viens, madame la présidente, mais ce n’est pas le seul aspect qui a été évoqué dans la question.
Cette situation a été compensée par le développement soutenu de l’ambulatoire, qui demande selon moi à être encore poursuivi dans les semaines et les mois à venir.
Nous avons une préoccupation importante au sujet des services d’urgences pédiatriques. Vous avez vu qu’en Seine-Saint-Denis, notamment, un service d’urgences pédiatriques a dû être suspendu au regard de la situation RH.
Mais depuis le début de l’année, nous continuons à soutenir les soignants, grâce notamment au doublement de la majoration des heures supplémentaires du temps de travail et grâce à la mobilisation collective du public, du privé et de l’ambulatoire.
Quant au forfait patient urgences, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, il va simplifier la participation des patients et la gestion administrative des services d’urgence par les soignants. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Cette réforme a été élaborée avec les associations de patients ; elle se fera à participation constante, sans reste à charge supplémentaire pour les patients.
Je vous rappelle également les autres actions structurelles qui ont été menées, notamment dans le cadre du Ségur de la santé : les 30 milliards d’euros d’investissement pour l’hôpital, dont les 19 milliards d’euros en faveur de l’investissement courant,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. … la loi Rist, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), etc. ; bref, l’ensemble des mesures qui répondent aux problématiques que vous avez soulevées. (M. Julien Bargeton applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le secrétaire d’État, une fois de plus, vous noyez le poisson en répondant à côté.
Votre politique et vos discours renforcent les divisions entre nos concitoyens, alors que la priorité devrait être la solidarité.
Comme vous venez de l’indiquer, vous remplacez le ticket modérateur de 7,90 euros par un forfait de 19,60 euros, qui s’appliquera désormais à tous, y compris aux malades en affection de longue durée.
Vous allez créer deux catégories de malades : ceux qui auront les moyens de se soigner et ceux qui ne les auront pas et qui vont renoncer aux soins.
Inévitablement, ces retards de prise en charge vont aggraver leurs pathologies. Ces femmes et ces hommes viennent-ils saper la solidité du système de santé ? Sont-ils des irresponsables ? Ne seraient-ils plus des citoyens ?
Lorsqu’un pays traverse une crise comme celle que nous connaissons, il est du devoir des responsables politiques de garantir l’unité et la cohésion de la Nation, en respectant les citoyens et leur représentant élus.
Ce n’est pas la voie que votre président a choisie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST. – Mme Esther Benbassa et M. Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.)
emplois et accompagnement des entreprises
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur de nombreuses autres travées.)
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, à mon tour de vous adresser mes meilleurs vœux, ainsi qu’à l’ensemble de notre assemblée, aux collaborateurs, aux administrateurs, aux huissiers, à tous les personnels du Sénat qui sont là pour nous et, bien sûr, au Gouvernement, à qui je souhaite une excellente année 2022. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Une demi-année !
M. Julien Bargeton. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Elle porte sur la proportion, dans les recrutements, entre les contrats à longue durée et les contrats à durée déterminée.
Au début de la crise, on nous annonçait une catastrophe sur le plan de l’emploi, les projections faisant état de pas moins de 230 000 destructions d’emplois.
Nous en sommes loin. Ces destructions ne se sont pas produites. Au contraire, le taux de chômage s’établit à 8 % – le plus bas depuis quinze ans – et le taux d’emploi à 66 %, un niveau tout à fait inédit.
Ces chiffres sont connus. Il y a un chiffre moins connu, celui de la hausse des contrats à durée indéterminée, qui étaient, en novembre 2021, au nombre de 420 000. Ce niveau est supérieur à celui de 2006 – il n’avait donc pas été atteint depuis très longtemps – et dépasse même celui des contrats courts.
De tels résultats peuvent s’expliquer, sans doute, par l’augmentation de l’activité des femmes. La loi visant à accélérer l’égalité professionnelle encouragera encore, d’ailleurs, ce mouvement.
Mais il y a d’autres explications : l’embellie économique que nous connaissons, le soutien aux entreprises, les mesures ciblées pour les jeunes, par exemple, mais aussi la réforme de l’assurance chômage, avec la désincitation aux contrats courts et la préférence pour les contrats plutôt longs.
Ma question est donc double, madame la ministre : considérez-vous ce mouvement comme conjoncturel – nous retrouverions alors à l’avenir le rythme précédent – ou pensez-vous qu’il est structurel ?
Comment encourager, encore, cette tendance favorable, en particulier aux contrats à longue durée ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Je voudrais, à mon tour, présenter tous mes vœux à l’ensemble des sénatrices et sénateurs.
Monsieur le sénateur Bargeton, je vous remercie de mettre en lumière les excellents résultats de notre pays en matière d’emploi et de chômage. (Exclamations ironiques à gauche comme à droite.) Nous devrions tous nous en réjouir.
Vous avez tout à fait raison : ces chiffres sont le fruit, non pas du hasard, mais des réformes d’ampleur que nous avons menées depuis quatre ans et demi et des mesures de protection inédites que nous avons prises face à la crise, notamment l’activité partielle.
Pour pérenniser ces résultats, il faut investir dans l’avenir et c’est ce que nous faisons.
L’avenir, ce sont d’abord les jeunes. En réformant l’apprentissage et en y investissant massivement, nous avons révolutionné l’entrée dans le monde du travail. Avec le contrat d’engagement jeune, nous disons à chacun qu’il peut être accompagné pour trouver sa place sur le marché du travail.
L’avenir, c’est aussi la formation de tous. Avec le succès incontestable de Mon compte formation, nous disons aux Français : osez ! C’est ainsi que nous lèverons l’un des verrous du marché du travail dans notre pays, celui de l’adaptation des compétences et des reconversions professionnelles.
L’avenir, c’est également de dire aux demandeurs d’emploi de longue durée que le chômage n’est pas une fatalité. C’est pourquoi nous avons doté le plan de réduction des tensions de recrutement de 1,4 milliard d’euros, en plus des 15 milliards d’euros du plan d’investissement dans les compétences.
Au-delà, nous voulons valoriser le travail. Il émancipe et il permet de trouver sa place dans la société. C’est pourquoi il doit toujours payer plus que l’inactivité.
Monsieur le sénateur, vous avez justement rappelé, à ce propos, l’importance de la réforme de l’assurance chômage. C’est bien l’ensemble de ces réformes qui nous permet, malgré près de deux ans de crise, de présenter aujourd’hui des résultats exceptionnels en matière d’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
obligation vaccinale
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Permettez-moi de présenter à chacun et aux membres du Gouvernement tous nos vœux pour cette nouvelle année.
Monsieur le Premier ministre, oui, plaçons-nous au fond du sujet. Votre gestion de la vague actuelle est un échec, car vous avez trop laissé circuler le virus – et je dois dire que c’est très réussi.
Depuis six mois, nous avons porté deux propositions fondamentales pour réduire la circulation du virus.
Premièrement, la vaccination de toutes et tous, posée comme un principe simple, clair et solidaire : celui de l’obligation vaccinale universelle. C’est un devoir envers les autres, c’est un devoir envers les soignants, qui sont de nouveau submergés, entre désespoir et colère.
Avoir refusé une position de principe forte et courageuse pour que le chef de l’État se livre maintenant à une surenchère verbale provocatrice signe un échec.
Deuxièmement, la nécessité de réduire fortement la circulation du virus chez les enfants, dans les écoles. Or vous avez choisi, depuis l’automne, de laisser circuler le virus, avec des protocoles improbables, qui déstabilisent les écoles. Nous n’oublions pas que, alors que les cas flambaient au mois de novembre, votre ministre de l’éducation a même osé alléger le protocole.
Monsieur le Premier ministre, nous vous proposons d’adopter une stratégie plus respectueuse des Français.
Allez-vous instituer, sans vous déguiser et comme le défend maintenant votre prédécesseur, l’obligation vaccinale universelle et alors accepter de débattre, dans l’apaisement, dans le respect du Parlement, des moyens de contrôle et, parmi ces moyens – pourquoi pas ? – d’un passe vaccinal, dont nous sommes prêts à débattre des modalités ?
Allez-vous cesser de mener dans les écoles une politique inefficace et qui désempare les parents ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Cathy Apourceau-Poly, Marie-Claude Varaillas et Esther Benbassa applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Bernard Jomier, il y a un an, jour pour jour, nous comptions dans notre pays 23 000 personnes vaccinées et 60 % des Français déclaraient ne pas souhaiter se faire vacciner.
Un an plus tard, jour pour jour, nous en sommes à plus de 90 % de Français – 53 millions – qui ont reçu au moins une première injection, parce que nous avons pris les mesures que nous jugions les plus efficaces pour élargir notre couverture vaccinale.
Évidemment, lorsque l’on cherche à prendre des mesures, un débat et des réflexions ont lieu sur les différentes mesures possibles. Certains pays dans le monde ou en Europe – l’Autriche, l’Allemagne, la Grèce – ont fait le choix de mettre en place une obligation vaccinale légale et d’infliger une amende aux personnes qui seraient contrôlées et qui ne seraient pas vaccinées.
A-t-on constaté dans ces pays une hausse des vaccinations après l’annonce de ces obligations ? La réponse est non. Regardez les courbes : ces annonces n’ont pas entraîné de hausse des vaccinations chez les citoyens.
Le Gouvernement a pris un autre chemin, celui de l’incitation très forte, avec le passe sanitaire et – nous l’espérons très rapidement – avec le passe vaccinal.
Qu’avons-nous constaté après la mise en place du passe sanitaire ? Une hausse très forte de la vaccination des Français. Qu’avons-nous constaté après l’annonce du passe vaccinal ? Une hausse très forte des primo-injections : nous en sommes, me semble-t-il, à 40 000, soit le double du chiffre du mois de décembre.
Ce qui nous guide, c’est tout simplement l’efficacité en vue d’élargir notre couverture vaccinale. Et ce que nous constatons, c’est que notre choix d’en passer par le passe sanitaire et, demain, par le passe vaccinal, est la solution la plus efficace pour élargir cette couverture vaccinale, laquelle nous permet tout de même aujourd’hui, malgré un nombre de cas important, de tenir et de vivre le plus normalement possible.
Reprenons les chiffres : il y a un an, jour pour jour, il y avait dix fois moins de cas. Et pourtant, il y avait 30 % de personnes hospitalisées en plus. Et pourtant, il y avait un couvre-feu dans le pays ; les restaurants, les bars, les théâtres et les cinémas étaient fermés.
C’est grâce à cette couverture vaccinale très large que nous pouvons aujourd’hui tenir dans ces conditions. C’est grâce au passe sanitaire et, demain, au passe vaccinal, que nous atteignons cette couverture très large. Nous continuons donc à suivre cette stratégie, car elle a porté ses fruits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la réplique.
M. Bernard Jomier. Monsieur le secrétaire d’État, nous ne disposons pas de suffisamment de temps pour débattre de manière approfondie, mais – non ! – le passe vaccinal n’a pas entraîné de hausse des primo-vaccinations.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Si !
M. Bernard Jomier. Le compteur reste à un niveau extrêmement bas.
Pour être efficace, il faut tenir un langage de vérité et de clarté, qui soit compréhensible par l’ensemble des Français. Dans ce cadre, l’obligation vaccinale est un principe très simple de solidarité ; ne pas l’avoir approuvée entraîne une confusion générale, qui amène le ministre des solidarités et de la santé à parler d’obligation déguisée et le Président de la République à se livrer à une surenchère regrettable ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe Les Républicains.)
friches de vignes
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE vous présente ses meilleurs vœux.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Aléas climatiques, taxes, confinements, couvre-feux, déconsommation, etc., les années se suivent et se ressemblent pour la filière viticole, qui ne voit plus le bout des difficultés et des crises qui la touchent.
L’une des conséquences visibles de cette situation est la multiplication des vignes en friche, abandonnées par leurs exploitants, qui ne parviennent plus à tirer un revenu décent de la culture de leurs parcelles. Chacune d’entre elles constitue un foyer potentiel pour la prolifération de maladies et de ravageurs de la vigne, comme la cicadelle, porteuse de la flavescence dorée.
Pour éviter le dépérissement du vignoble, il est parfois indispensable de traiter ou, si la maladie est déjà présente, d’arracher ces vignes. Mais, alors que traitement et arrachage sont obligatoires dans certains cas d’un strict point de vue réglementaire, il n’existe aucun moyen de contraindre ou de sanctionner un propriétaire qui ne prendrait pas les mesures rendues nécessaires par la situation sanitaire de ses parcelles.
Les syndicats viticoles des vignobles touchés sont inquiets, car les chiffres sont en hausse pratiquement partout. C’est le cas dans le Bordelais, où les services de l’État, en partenariat avec la fédération des grands vins, l’interprofession et les acteurs locaux de la vigne et du vin, ont commencé à constituer sur un territoire de préfiguration, le Blayais, un diagnostic chiffré pour mesurer l’ampleur de la tâche.
À l’heure où le recensement agricole montre la diminution constante du nombre de viticulteurs en France, pointant le risque de voir nos paysages viticoles se désagréger, il est indispensable de donner à nos vignerons les moyens de continuer à exercer leur métier, mais aussi de sanctionner les manquements, lorsqu’ils sont avérés.
Cependant, l’État lui-même est aujourd’hui dans l’incapacité de savoir à qui appartiennent certaines de ces parcelles à l’abandon, vecteurs de problématiques pour les voisins, d’autant plus s’il s’agit de pépinières viticoles, comme pour les communes.
Monsieur le ministre, que prévoyez-vous de mettre en place pour accompagner les viticulteurs français, préserver l’état sanitaire du vignoble et, plus globalement, assurer la survie de celui-ci ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Yves Bouloux et René-Paul Savary applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Nathalie Delattre, votre question me permet de rappeler notre engagement commun au service du secteur vitivinicole, qui est une partie de notre patrimoine culturel, territorial et gastronomique et qu’il nous faut absolument accompagner.
Vous m’interrogez sur la multiplication de ce qu’on appelle les vignes laissées en friche. C’est un sujet important de préoccupation partout sur notre territoire, parce que ces friches ont un impact territorial, mais aussi sanitaire, puisque des maladies peuvent ainsi se répandre dans les vignobles qui se situent aux alentours.
Que devons-nous faire devant ce phénomène ?
Tout d’abord, il faut traiter le problème à la racine, si j’ose dire, c’est-à-dire accompagner l’ensemble des producteurs vitivinicoles pour qu’ils puissent faire face à ce type de situation.
Vous le savez, nous avons déjà connu des situations compliquées et l’année 2021 a clairement été une année noire pour le vignoble français. Nous avons toujours été au rendez-vous pour apporter des solutions aux crises successives qu’a connues la filière : la taxe Trump, les conséquences de l’épidémie due au covid, l’incroyable épisode de gel du printemps dernier… Sur ce dernier point, le Gouvernement, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, est en train de déployer des solutions de manière très dynamique et avec beaucoup de détermination.
Ensuite, il faut lutter contre les maladies en question, notamment la flavescence dorée que vous avez évoquée. Un plan de lutte contre le dépérissement a déjà été établi avec les professionnels. Nous avons aussi rénové en 2021 le cadre réglementaire pour que nous soyons mieux armés contre la flavescence dorée. Ce cadre réglementaire a d’ailleurs donné lieu dans votre département, madame la sénatrice, à des textes d’application qui vont le plus loin possible.
Ce cadre fixe une obligation d’arrachage, mais vous avez eu raison de souligner qu’il est parfois difficile d’identifier les propriétaires.
Pour conclure, je veux vous dire que j’étudierai avec la plus grande attention les propositions qui pourraient m’être faites pour aller encore plus loin sur ce sujet, que ce soit de la part du Sénat ou des professionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
stratégie vaccinale du gouvernement et gestion du service public de l’hôpital
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, je vous adresse tout d’abord mes meilleurs vœux, des vœux de concorde, car plus que jamais il faut rassembler les hommes et les femmes de ce monde pour faire face à la pandémie et, au-delà, au dérèglement climatique.
Nous sommes fatigués par deux années de pandémie : le système de santé est exsangue ; la société est fracturée comme rarement dans notre histoire ; la situation, en Guadeloupe notamment, est des plus tendues ; la situation économique et sociale est précaire et explosive.
La bête immonde se nourrit de la peur, de la colère et de la frustration. Dans ce contexte, votre responsabilité et celle du Président de la République sont plus grandes que jamais.
Pourtant, les propos parus dans Le Parisien laissent voir un homme qui ne parvient plus à exercer sa fonction et qui trépigne d’impatience d’en découdre dans l’arène électorale. Il s’égare dans la division avec des propos puérils, indignes de sa fonction. L’heure n’est pourtant pas à la joute, d’autant moins que vous avez choisi de conserver, malgré la campagne présidentielle, la présidence française du Conseil de l’Union européenne.
Monsieur le Premier ministre, merci de rassurer la représentation nationale et de nous préciser en quoi votre stratégie sanitaire ne consiste pas uniquement à « emmerder les non-vaccinés » ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Gontard, j’ai déjà répondu à cette question, qui m’a été posée par d’autres présidents de groupe, mais vous me donnez l’occasion de préciser de nouveau la stratégie sanitaire et vaccinale poursuivie inlassablement par le Gouvernement.
Nous sommes confrontés à une nouvelle vague dans cette crise et nous savons que la vaccination est la première arme dont nous disposons. Je veux le répéter, parce qu’à la faveur des derniers événements chacun a pu voir, de nouveau, certains responsables se déployer dans les médias pour dire que, à l’hôpital, en particulier dans les services de soins critiques, il y aurait davantage de vaccinés que de non-vaccinés ou pour mettre en avant le fait que les vaccinés peuvent aussi contracter le virus, ce qui est exact.
La réalité, c’est que la vaccination protège : on a vingt fois plus de risques de se retrouver en soins critiques si on n’est pas vacciné !
Avec le nouveau projet de loi et le renforcement des mesures de freinage, nous continuons sur la ligne pragmatique, cohérente et équilibrée que nous avons adoptée depuis le début de cette pandémie.
Je l’ai toujours dit, la lutte contre la pandémie dépend des mesures législatives et gouvernementales que chacun d’entre nous, à sa place respective, adopte, mais elle repose aussi sur la responsabilité civique individuelle de tous. Je crois qu’il est important de le rappeler comme il est important de dire combien, depuis le début de cette crise, nos concitoyens ont été responsables, notamment en se faisant massivement vacciner.
Cher président Gontard, je vous le dis, nous continuerons inlassablement d’agir dans cette direction ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, il n’y a aucun doute sur le fait que la vaccination protège, mais vous n’avez plus de stratégie sanitaire et les propos déplorables du Président de la République sont un écran de fumée pour cacher cette impasse. Vous atteignez les limites de la contrainte et vous n’êtes pas capable de convaincre et d’aller vers les publics les plus éloignés du vaccin.
La Seine-Saint-Denis, les quartiers nord de Marseille, les outre-mer ne sont pas des repères d’irresponsables auxquels il faut ôter le statut irrécusable de citoyen. Ce sont les territoires les plus pauvres de la République et leur retard de vaccination est votre échec !
Pour en finir avec la pandémie, le sujet n’est pas uniquement la vaccination de 4 millions de Français ; il s’agit surtout de vacciner encore 4 milliards d’êtres humains ! Soyez à la hauteur de ce moment historique et profitez de la présidence française du Conseil de l’Union européenne pour obtenir – enfin ! – la levée des brevets sur les vaccins ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
application à tous les établissements sociaux et médico-sociaux de la revalorisation des salaires prévue par le ségur de la santé
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Daniel Chasseing. J’adresse mes meilleurs vœux au Gouvernement et à tous mes collègues.
La crise que nous vivons a révélé de la précarité dans le secteur sanitaire et médico-social. Le Ségur de la santé a permis une avancée dans la revalorisation salariale des soignants des hôpitaux et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ; elle a été reçue avec satisfaction, mais de nombreux professionnels de l’accompagnement souffrent encore d’un manque de reconnaissance.
Les foyers occupationnels et les foyers d’hébergement, qui sont gérés par les départements, n’ont reçu aucune information sur les revalorisations annoncées le 8 novembre par M. le Premier ministre. (Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, le conteste.)
Au sein des maisons d’accueil spécialisées et des IME (instituts médico-éducatifs), structures financées toutes deux par les ARS (agences régionales de santé), les personnels administratifs, hôteliers et d’entretien et les éducateurs spécialisés sont exclus des mesures de revalorisation, alors que, dans les Ehpad, la totalité du personnel bénéficie de la prime mensuelle de 183 euros net.
L’aide sociale à l’enfance et les maisons de l’enfance à caractère social ne bénéficient, quant à elles, d’aucune mesure de revalorisation.
Aussi, les directeurs de certaines associations gérant plusieurs structures sont dans une situation particulièrement compliquée, puisqu’ils sont confrontés à des iniquités salariales très difficiles à justifier auprès des employés et des syndicats.
Les salariés sont de plus en plus nombreux à vouloir changer d’établissement pour bénéficier de meilleures conditions de travail. La conférence des métiers et de l’accompagnement social et médico-social, annoncée pour le 15 janvier, a été reportée.
Madame la ministre, pour un principe d’équité, tous les employés d’établissements financés par les ARS ou les départements devraient bénéficier d’une revalorisation salariale financée par l’État. Pourriez-vous nous préciser votre feuille de route pour répondre aux demandes d’équité salariale de l’ensemble des personnels des secteurs sociaux et médico-sociaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Nadia Sollogoub et M. Bernard Buis applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à mon tour de vous présenter mes meilleurs vœux.
Monsieur le sénateur Daniel Chasseing, le Ségur de la santé s’articule autour de deux leviers : l’investissement dans les infrastructures, plus de 9 milliards d’euros pour les hôpitaux publics et les Ehpad ; l’attractivité des métiers et des salaires.
Le premier périmètre qui a été défini en termes d’attractivité correspond à un engagement de 8 milliards d’euros par an en faveur des soignants, soit 183 euros par mois pour les personnels des Ehpad.
La mission conduite par M. Laforcade a permis, en février, d’obtenir une première extension pour les structures rattachées aux établissements publics de santé et les Ehpad relevant de la fonction publique hospitalière. Un deuxième accord d’extension est intervenu en octobre pour les soignants des structures publiques non rattachées à un établissement public. Tous les personnels non médicaux des établissements financés par l’assurance maladie bénéficient de cette revalorisation.
Au 1er janvier de cette année, 66 000 professionnels du secteur du handicap et de l’accompagnement sont désormais concernés. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a étendu cette revalorisation aux résidences autonomie. Au total, 10 milliards d’euros sont ainsi mobilisés.
Mais nous ne nous arrêtons pas là. Le Premier ministre a annoncé l’organisation prochaine d’une conférence des métiers et de l’accompagnement social et médico-social, dont l’ambition est la suivante : fixer un cap et une méthode partagée avec toutes les parties prenantes pour apporter dans les meilleurs délais la meilleure réponse.
Je vous rappelle que beaucoup d’opérateurs interviennent dans ce secteur – l’État, les départements, les partenaires sociaux, etc. Devant l’éclatement conventionnel, qui complexifie la question, nous avons missionné l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) afin de transformer ce secteur essentiel à la solidarité nationale et à la cohésion sociale, qui a été oublié pendant beaucoup trop longtemps. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
traitement des enfants face à la covid-19
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Gouverner c’est prévoir ! Permettez-moi de dire que, durant les derniers jours, c’est plutôt un manque d’anticipation qui s’est fait jour…
C’est en lisant la presse dimanche matin, grâce à une interview du ministre de la santé, que les Français ont découvert les nouvelles mesures d’isolement.
Lundi matin, c’est de nouveau en lisant la presse que les parents d’élèves, les enseignants et les directeurs d’école ont pris connaissance du nouveau protocole sanitaire.
Mardi matin, c’est en écoutant une interview de Gabriel Attal à la radio que ces mêmes enseignants ont pris connaissance du fait qu’ils auraient l’obligation d’accueillir les enfants des personnels soignants, lorsque les classes seraient fermées.
Mais rien n’a été dit à ce jour pour les enfants de moins de 3 ans. Interrogés, les représentants de l’ARS indiquent que le protocole en vigueur depuis le 15 décembre continue de s’appliquer.
Cela crée une véritable incompréhension dans les familles : comment expliquer qu’un enfant de 3 ans scolarisé en classe de maternelle revient à l’école s’il est cas contact, à partir du moment où il prouve qu’il a un test négatif, et que ce même enfant, toujours âgé de 3 ans, mais accueilli dans un établissement de petite enfance, doit subir une « quarantaine » de 17 jours ?
J’ai trouvé une note de la direction générale de la santé datée du 2 janvier qui ne définit qu’une catégorie, les enfants de moins de 12 ans, quel que soit leur statut vaccinal. Cette note précise que le protocole à suivre est celui qui est en vigueur dans les écoles maternelles et élémentaires…
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous faire preuve d’un peu de bon sens et éclairer les familles sur ce qui va advenir des enfants de moins de 3 ans ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
MM. Christian Cambon et Jean-François Husson. Cela ne va pas être facile…
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice, le bon sens, une certaine forme d’humilité (Murmures appuyés à droite comme à gauche.) et le pragmatisme sont ce qui guide le Gouvernement depuis le début de cette crise sanitaire il y a deux ans.
Ce qui nous guide aussi depuis deux ans, c’est le souci d’assurer au maximum la continuité dans la scolarité de nos enfants et dans l’accueil des plus jeunes. Cela constitue d’ailleurs une fierté et un honneur pour notre pays !
En tout cas, nous avons toujours veillé à assurer une concertation avec les différents acteurs concernés, notamment ceux du secteur de la petite enfance, pour tenir compte des spécificités de chaque enfant et de son âge.
Vous l’avez évoqué, un nouveau cadre a été présenté dimanche par le ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l’éducation nationale avec un protocole quand l’enfant est positif et un autre quand l’enfant est cas contact. Si l’enfant est cas contact, il peut rester en classe, si ses parents sont en mesure de présenter le résultat négatif d’un test PCR ou antigénique au jour J, puis d’un autotest à J+2 et J+4. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. C’est d’un simple…
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Or les autotests nasopharyngés sont interdits pour les enfants de moins de 3 ans. Vous comprenez donc bien, madame la sénatrice, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il est nécessaire d’adapter, pour les enfants de moins de 3 ans, les protocoles qui ont été décidés pour les enfants plus âgés. Il nous faut aussi adopter des règles simples pour nos concitoyens.
C’est ce que nous sommes en train de faire. Vous avez raison, ce protocole n’est pas encore finalisé.
Mme Pascale Gruny. Quelle anticipation !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Nous y travaillons en concertation avec les représentants des crèches et des assistantes maternelles – elles sont évidemment concernées. Ce protocole sera finalisé d’ici à la fin de la semaine ; il sera alors transmis à l’ensemble des parties prenantes, qui ont été informées de ce calendrier. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. C’est poussif !
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Je vous remercie pour ces informations, monsieur le secrétaire d’État. Je suis certaine que les parents des 450 000 enfants accueillis dans un établissement pour la petite enfance seront heureux d’en prendre connaissance… Les élus locaux, qui sont en première ligne pour répondre à la détresse de ces parents, le seront certainement eux aussi.
M. Jean-François Husson. Eh oui…
Mme Christine Lavarde. Je voudrais surtout partager avec vous la seconde partie de l’adage : gouverner, c’est prévoir ; ne rien prévoir, c’est courir à sa perte ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
place de l’agriculture dans la présidence française du conseil de l’union européenne
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Franck Montaugé. Dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe, dont l’Union européenne va se doter pour répondre aux enjeux de la transition climatique, la taxinomie – ou taxonomie – européenne permet aux différents secteurs économiques d’avoir accès à des taux d’emprunt préférentiels sur les marchés financiers.
Cette taxinomie sera donc un levier structurant pour soutenir les investissements importants qui sont nécessaires pour atteindre nos objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030 et de neutralité carbone en 2050.
Pour l’agriculture française, qui aura un rôle majeur à jouer, les enjeux sont considérables pour financer à des coûts minimisés les investissements qui s’inscrivent dans la stratégie dite « de la ferme à la fourchette », laquelle constitue le volet agricole du Pacte vert pour l’Europe.
Monsieur le ministre, alors que la présidence française du Conseil de l’Union européenne s’ouvre, ma question sera triple.
Premièrement, quelle est l’ambition politique de la France en matière de finance durable de l’agriculture ? Allez-vous proposer et négocier des critères auprès de la Commission européenne pour que les investissements des agriculteurs français soient éligibles à cette finance durable ?
Deuxièmement, si tel est le cas, pouvez-vous nous donner des exemples concrets pour que les agriculteurs qui nous écoutent en soient informés ? Quelles filières y auront accès ? Les services environnementaux auxquels je suis attaché seront-ils, par exemple, concernés ?
Troisièmement, le plan stratégique national français, dont nous ne connaissons officiellement pas grand-chose à ce jour, intégrera-t-il ce sujet, qui conditionne en partie la compétitivité durable de l’agriculture française ? Si oui, quel calendrier envisagez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Guy Benarroche applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Franck Montaugé, je répondrai oui de manière globale à l’ensemble de vos questions, parce que, pour nous, la politique agricole européenne doit inclure un volet financier en faveur des transitions, notamment en termes d’investissements – j’insiste sur ce point. J’ai toujours considéré que les transitions ne pouvaient pas se faire par injonction, mais qu’elles devaient être soutenues par des investissements.
Je vais prendre un exemple très concret : le carbone. Dans le cadre du plan stratégique national et de la politique agricole commune, nous mettons d’ores et déjà en œuvre de nombreux outils de financement et d’investissement en faveur des transitions, mais la question du carbone, qui est très intéressante et complexe, va au-delà de cette politique.
Soit nous passons par le schéma habituel de l’injonction, en « ordonnant » à nos agriculteurs de limiter leurs émissions, soit, au contraire, dans l’esprit de ce que vous proposez, monsieur le sénateur, nous créons un cadre pour valoriser le carbone afin que nos agriculteurs s’engagent sur la voie de sa captation. C’est cette seconde solution qui me semble la plus intéressante.
En tout cas, la France s’est fixé trois priorités au niveau européen en ce qui concerne l’agriculture.
Tout d’abord, nous voulons réaffirmer l’engagement politique de l’Union européenne en faveur de l’agriculture. La politique agricole commune a 60 ans et certains États essaient de la remettre en cause. Il nous faut donc créer un momentum politique autour des politiques agricoles. C’est essentiel, parce que la première des souverainetés est de pouvoir nourrir son propre peuple.
Ensuite, nous voulons avancer sur la question de la réciprocité des normes. Plus personne ne peut comprendre que nous importions des produits qui ne respectent pas nos propres normes.
Enfin, nous devons agir sur la question du carbone, ce qui fait écho à votre question. C’est pour moi le point principal sur lequel nous devons agir.
Pour conclure, je veux vous indiquer que le plan stratégique national a été adressé fin décembre à la Commission européenne et qu’il sera publié dans les tout prochains jours.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre. Elle est intéressante, mais vous n’avez pas répondu à la question centrale que je vous posais : les investissements des agriculteurs français entreront-ils dans la taxinomie – ou taxonomie – européenne afin d’avoir accès à des prêts bonifiés ? J’ajoute que cette même question concerne d’autres secteurs économiques comme le nucléaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
taxonomie verte européenne
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. C’est avec une réelle anxiété que nous avons pris connaissance du projet d’acte délégué sur la taxonomie verte proposé par la Commission européenne, car il est en retrait par rapport à la résolution adoptée par le Sénat le 7 décembre 2021.
L’énergie nucléaire serait assimilée non pas à une activité durable, mais à une activité transitoire. Elle serait mise sur le même plan que le gaz naturel. C’est une complète aberration en ce qui concerne le climat, car les émissions sont sans commune mesure : selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique), une centrale nucléaire émet 6 grammes de CO2 par kilowattheure, contre 418 grammes pour une centrale à gaz. C’est aussi un sérieux revers vis-à-vis de notre partenaire allemand.
L’énergie nucléaire serait soumise à une information spécifique, ne garantissant pas la neutralité technologique avec les autres énergies décarbonées. Elle ne serait intégrée que dans un an, alors que la taxonomie est applicable depuis le 1er janvier : comment justifier un tel décalage ? Les rénovations de centrales seraient éligibles jusqu’en 2040 et leur construction jusqu’en 2045, alors que tous les scénarios démontrent que les besoins d’investissement vont bien au-delà de 2045.
Ce statut transitoire est un non-sens au regard de l’objectif cardinal visé par la taxinomie : l’atteinte de la neutralité carbone.
Aussi, madame la ministre, ma question est simple : quelle est la position du Gouvernement sur ce projet ? Que compte-t-il faire pour obtenir un statut, une information, un délai et des conditions plus favorables pour l’énergie nucléaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Gremillet, il y a quelques mois, j’avais pris l’engagement devant votre assemblée d’œuvrer avec mes collègues Bruno Le Maire, Barbara Pompili et Clément Beaune pour l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie européenne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est désormais chose faite ! C’est très exactement ce qui vient de se passer, car le texte aujourd’hui proposé par la Commission européenne – il n’est pas encore adopté, je le rappelle – précise très clairement que le nucléaire est une énergie bas-carbone et sûre, ce qui nous donne les outils de financer nos projets dans le cadre de la finance durable.
C’est une étape décisive pour la filière nucléaire et ses 220 000 professionnels.
Mme Sophie Primas. Non !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. C’est une étape décisive pour notre mix énergétique, dans lequel le nucléaire garantit une énergie stable, bon marché et accessible.
C’est une étape décisive pour notre indépendance énergétique.
On voit bien aujourd’hui, alors que les prix du gaz et de l’électricité croissent, la protection que nous donne l’énergie nucléaire. Je rappelle aussi que les deux derniers sites européens de production d’aluminium sont situés en France. C’est du fait de cet avantage que nous avançons. (M. François Bonhomme et Mme Sophie Primas s’exclament.)
Nous poursuivons la stratégie du Président de la République pour une transition écologique. Notre avenir énergétique repose sur deux jambes : les énergies renouvelables et le nucléaire. Nous investissons massivement dans ces deux secteurs.
M. François Bonhomme. En décalage !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Ainsi, nous avons dédié 470 millions d’euros dans le plan France Relance à la modernisation de notre tissu industriel et 1 milliard d’euros dans le plan France 2030 aux technologies les plus innovantes – je pense aux SMR (Small Modular Reactors), sur lesquels le Président de la République s’est engagé.
M. François Bonhomme. Et la question !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous disposons donc aujourd’hui de tous les moyens pour financer la transition nucléaire avec des financements privés. Enfin, il est faux de dire que la mise en place est décalée d’un an. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas une réponse !
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.
M. Daniel Gremillet. Madame la ministre, je suis désolé de vous dire qu’une énergie considérée comme transitoire n’est pas qualifiée de la même manière en termes de financements. Vous le savez parfaitement !
Ce statut transitoire est une véritable provocation pour l’indépendance énergétique de la France, alors que nos choix en la matière font partie de la colonne vertébrale de l’Union européenne. Il dissuadera les financeurs de s’engager dans la filière nucléaire.
Comment voulez-vous inciter les chercheurs et les jeunes à s’engager dans une filière transitoire ?
Cela pèsera lourdement sur la compétitivité de notre économie et le pouvoir d’achat des ménages.
Où est le retour en grâce du nucléaire annoncé à l’automne par le Président de la République ? La présidence française du Conseil de l’Union européenne commence bien mal ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
accueil des écoliers d’enseignants non remplacés
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le ministre, le protocole appliqué depuis lundi s’efforce de rendre l’école plus agile et réactive à la situation.
Une disposition, cependant, pose problème : elle impose, en niveau 3, qu’en l’absence d’un professeur non remplacé les enfants ne sont plus répartis dans les autres classes ; ils ne sont tout simplement plus accueillis à l’école.
Pour reprendre le choix lexical du moment, cette règle « emmerde » tous les parents, vaccinés ou non.
Pour chaque absent, vingt-cinq familles apprennent à huit heures vingt qu’elles doivent garder leur enfant ; la vie des familles est précarisée, la continuité pédagogique et sociale rompue. Les parents, assignés à résidence, ne pouvant travailler, l’économie est perturbée, sans que la covid en soit nécessairement la cause.
Pour exemple, voici un cas non pas d’école, mais bien réel. Un professeur n’a pas été remplacé hier, et vingt-cinq familles ont été impactées. Parmi elles, une assistante maternelle, qui, en conséquence, garde ses propres enfants et plus celui d’un enseignant, lequel reste donc à la maison et n’est, à son tour, pas remplacé, ce qui donne vingt-cinq autres familles impactées… C’est sans fin !
Avec 10 % d’absents aujourd’hui, potentiellement 30 % à la fin du mois, le phénomène va s’amplifier.
Monsieur le ministre, je comprends l’intention de limiter le brassage. Cependant, les mêmes enfants sont mélangés en dehors de l’école, en famille, lors des activités associatives. Ils le sont aussi sur les temps périscolaire, malgré les règles de zonage, d’horaires, malgré les tentatives de maintien en groupes « classe » mis en place par les collectivités.
Quoi qu’il en soit, la répartition dans les autres classes est traçable. Bien sûr, le remplacement de chaque professeur absent demeurerait la meilleure solution. Néanmoins, ce n’est pas nouveau, peu d’absents sont remplacés, et toujours avec un temps de latence. Les recrutements que vous avez engagés porteront au mieux le taux de 9 % à 15 % des effectifs. C’est loin de répondre au problème posé immédiatement par le protocole.
Je vous sais soucieux de maintenir la continuité pédagogique et l’école ouverte. Alors, monsieur le ministre, quand allez-vous supprimer cette règle de non-accueil à l’école des enfants dont les professeurs absents ne sont pas remplacés ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question, qui a plusieurs mérites, dont celui d’aller directement sur un vrai sujet de débat, au demeurant assez technique : faut-il le brassage des élèves lorsque le professeur est absent ?
À l’arrière-plan de votre question, il y a aussi un descriptif de la situation lorsque les professeurs ne sont pas remplacés. De ce point de vue, il est très important de souligner les inconvénients qui seraient survenus si nous n’avions pas eu, depuis le début, une grande politique de l’école ouverte.
Je vous le rappelle, parmi les grands pays occidentaux, la France est le pays qui a maintenu le plus les écoles ouvertes, ce qui doit être un objet de fierté pour nous tous ici, et pour l’ensemble du pays, ainsi qu’un motif de reconnaissance pour les professeurs, directeurs d’école, chefs d’établissements, et tous les personnels, y compris des collectivités locales, que je salue, parce que nous savons tous que c’est dur pour eux, comme c’est dur pour les parents d’élèves.
Est-ce que je vais nier que le mois de janvier sera difficile ? Bien sûr que non ! Le mois de janvier est et sera difficile. Les situations que vous décrivez sont bien réelles et très compliquées.
Est-ce que nous sommes démunis pour ce qui est des remplacements ? C’est le principal sujet. Vous avez évoqué des chiffres, que je voudrais préciser. Heureusement, le conseil scientifique ne prévoit pas qu’il y aura 30 % d’absents : ce taux correspond à l’addition des cas de malades et des cas contacts. Or, comme vous le savez, ce n’est pas du tout le même sujet.
Il est impossible de dire quel sera le pic d’absences, mais il ne devrait pas dépasser normalement 15 %. En tout cas, nous déployons actuellement des moyens pour aller au-delà des 9 % de moyens de remplacement, c’est-à-dire aux alentours de 12 % à 15 %.
Le taux d’absence cette semaine, tel que nous pouvons le constater, est de 7 %, donc nous sommes en ce moment en mesure de remplacer, avec, bien entendu, des exceptions. Il y en a, je le reconnais, mais nous sommes bel et bien en situation de mener cette politique de l’école ouverte, qui correspond au désir de tous, des professeurs, des élèves, des parents d’élèves et de l’ensemble du pays. Soyons fiers de cette politique !
Alors, est-ce qu’il faut éviter de brasser les élèves ? C’est ce que nous avons décidé, et, si nous faisions l’inverse, on nous accuserait ici d’avoir des pratiques dangereuses. Quoi que l’on fasse, il y a ceux qui trouvent que l’on en fait trop et ceux qui trouvent que l’on n’en fait pas assez.
Cette position d’équilibre tient compte des recommandations des autorités sanitaires, mais je suis prêt à la reconsidérer, dans un dialogue avec lesdites autorités, au fil de cette crise. Aujourd’hui, en tout cas, c’est la règle qui nous permet d’avoir et l’école ouverte et la sécurité sanitaire maximale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour la réplique.
M. Arnaud de Belenet. Merci, monsieur le ministre, de cet effort de pédagogie, mais j’espère qu’au moins vous élargirez très vite la dérogation octroyée aux soignants à l’ensemble des parents qui travaillent. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
place de la france en afrique
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Perrin. Monsieur le président, je vous adresse, ainsi qu’au Gouvernement et à l’ensemble de nos collègues, mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année, des vœux de bienveillance et de tolérance envers tous les Français. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Sans jamais avoir été une colonie britannique, le Gabon vient d’annoncer, par la voix de son président, son adhésion en 2022 au Commonwealth.
Le Gabon se tourne vers un autre monde, à savoir la sphère anglophone. Il n’est pas le seul à se détourner de nous. À l’heure du Brexit, ils sont nombreux à souhaiter s’ouvrir à de nouveaux partenaires, qu’ils jugent plus intéressants et plus flexibles en matière économique, géopolitique et de développement : le Cameroun, le Rwanda, le Gabon, que j’ai cité, le Togo et, peut-être demain, le Maroc, qui se sentirait, selon un ancien ambassadeur marocain, « étriqué » dans la francophonie.
Monsieur le ministre, l’Hexagone perd du terrain, notamment au profit de l’influence britannique à travers l’organisation du Commonwealth et des accords commerciaux de libre-échange plus avantageux.
Un autre phénomène, bien plus inquiétant encore, témoigne de l’affaiblissement de la France : il s’agit, bien sûr, de l’irruption de la société militaire privée russe Wagner au Mali, comme dans beaucoup d’autres pays en crise.
Comment expliquer que les autorités de transition à Bamako lui accordent aujourd’hui davantage leur confiance pour assurer leur sécurité qu’à la France, qu’elle avait pourtant appelée à son secours voilà dix ans ?
Comment expliquer que Wagner arrive à faire oublier ses échecs cuisants et ses exactions dans d’autres États africains, pendant que se répand un sentiment anti-français de plus en plus fort dans la zone sahélienne ?
Des décennies d’interventions sous mandats juridiques internationaux et des décennies d’aide au développement pour maintenir la paix et éviter des affrontements communautaires sanglants sont aujourd’hui balayées par une diplomatie d’observation.
J’en viens à ma question : monsieur le ministre, quelle est la stratégie du Gouvernement pour réinvestir le « champ informationnel », que vous avez vraisemblablement délaissé, voire oublié ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. François Bonneau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Cédric Perrin, je ne partage pas votre point de vue. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Depuis plusieurs mois, les seules initiatives majeures qui ont été prises à l’égard de tout le continent africain, avec les Africains, viennent de la France. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je vais vous le démontrer, mais vous le savez bien, puisque j’en parle régulièrement avec vous à la commission des affaires étrangères du Sénat.
D’abord, le 18 mai dernier, le Président de la République a réuni à Paris une très grande partie des chefs d’État africains, anglophones, francophones ou lusophones, pour aborder avec eux le plan de relance économique pour l’Afrique et permettre la mobilisation de 100 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux en faveur de l’Afrique. Jamais cela n’aurait été possible sans la France.
Nous avons également pris des initiatives pour lutter avec les Africains contre la pandémie : je pense non seulement aux dons, mais aussi à la création des hubs de production au Cap, en Afrique du Sud, et au Sénégal ; je pense aussi à la collaboration avec AVAT, qui est le Covax de l’Union africaine. La France est à la manœuvre dans ce domaine.
Enfin, il y a la Coalition pour le Sahel, qui concerne le développement, la stabilité, mais aussi la sécurité de la zone sahélienne. Vous évoquez l’aventure de Wagner. Je rappelle d’ailleurs, et vous le savez, que le service de Wagner, s’il se met en place définitivement, est un service payant. Or je ne suis pas sûr que les Maliens soient déjà au courant. En tout cas, les voisins le savent et combattent avec nous contre l’arrivée de Wagner en Afrique occidentale. C’est aussi pour cette raison que nous allons engager ce new deal avec l’Afrique, sous la présidence française de l’Union européenne, les 17 et 18 février prochains à Bruxelles. Je vais également réunir les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne, en présence de M. Moussa Faki, le président de la Commission de l’Union africaine, la semaine prochaine.
La France est respectée, la France est reconnue, la France est attendue en Afrique ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Yves Leconte. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Les 9 et 10 janvier prochains à Genève, de hauts responsables de la Russie et des États-Unis discuteront de la sécurité en Europe. Ils parleront de notre sécurité, sans que nous soyons présents… Depuis plusieurs semaines, nous assistons à une montée des tensions et à une augmentation des mouvements aux frontières de l’Ukraine, dont la Russie a déjà violé l’intégrité territoriale.
Depuis de nombreux mois, Moscou a bloqué les initiatives du format « Normandie », lancé sur l’initiative de la France et de l’Allemagne en juin 2014 pour trouver une issue à la guerre à l’est de l’Ukraine. Ce format ne mobilisait que des Européens.
Aujourd’hui, le président de la Fédération de Russie pose des conditions nouvelles censées être indispensables à la sécurité de son pays.
Il pose des conditions qui portent atteinte au droit de chaque État européen de définir par lui-même sa politique étrangère et sa politique de sécurité.
Il pose des conditions qui violent le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Il pose des conditions à un moment où les évolutions constatées à l’intérieur de son pays inquiètent de nombreux observateurs.
Dans quelques jours, Moscou et Washington parleront de nous sans nous. Nous voilà donc revenus à l’avant-1989, à cette Europe de Yalta, cette Europe divisée, cette Europe mise sous tutelle, que nous ne voulons pas revoir.
Pendant des années, du président Charles de Gaulle au président François Mitterrand, notre politique étrangère n’a eu de cesse de vouloir sortir l’Europe de ses fractures et de ses dépendances, de rendre à chaque peuple européen sa liberté. En 1989, les peuples européens ont gagné le droit de dire : « Rien sur nous sans nous ! » Ce droit constitue le fondement de notre indépendance stratégique.
Nous ne pourrons rien construire en Europe si un seul pays ne dispose pas de sa totale liberté. Nous ne pourrons rien construire si ce droit est violé.
Monsieur le ministre, alors que commence la présidence française du Conseil de l’Union européenne, comment envisagez-vous de défendre cette autonomie stratégique, un objectif majeur affiché par le Président de la République, alors qu’un retour en arrière majeur se profile ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Leconte, je partage votre diagnostic, ou du moins ses prémisses, sur le moment stratégique qui se déroule en ce moment.
Vous l’avez rappelé, mais je pense que la Haute Assemblée en est bien informée, dans les jours qui viennent, nous allons entrer dans une séquence majeure, avec, simultanément, un dialogue entre les États-Unis et la Russie à Genève, une discussion entre la Russie et l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) à Bruxelles, et une discussion au sein de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) à Vienne. Dans les deux derniers cas, les Européens seront parties prenantes.
Préalablement à ces rencontres, la Russie a déposé sur la table sa conception des paramètres de la sécurité européenne. Face à cela, nous devons avoir, à mon sens, trois réactions.
Premièrement, nous ne devons pas refuser la discussion avec la Russie.
Ce dialogue peut contribuer à renforcer notre sécurité, mais il doit se faire sur la base de paramètres que nous jugeons pour nous pertinents et qui sont conformes à nos intérêts collectifs de sécurité.
Or plusieurs des propositions russes ne sont pas compatibles avec les principes fondamentaux de la sécurité et de la stabilité européennes, auxquels vous faisiez allusion, et qui étaient ceux de l’accord d’Helsinki de 1975. Cela nous ramène loin en arrière, mais il est toujours en vigueur et la Russie l’a signé. Nous devons être vigilants sur ce point et faire en sorte que nos conceptions sur la stabilité stratégique en Europe soient partagées avec nos partenaires européens.
Cependant, j’y insiste, il faut parler avec la Russie et dire ce que nous pensons, c’est-à-dire arriver à la table des négociations avec nos propres éléments et non pas ceux imposés par la Russie.
Deuxièmement, les Européens doivent être pleinement impliqués.
Monsieur le sénateur, je partage votre point de vue, la sécurité européenne ne saurait se discuter sans leur pleine implication. Tel sera d’ailleurs le sujet des premières réunions des ministres des affaires étrangères et des ministres de la défense, qui vont se tenir conjointement à Brest la semaine prochaine, dans le cadre de cette séquence, pour affirmer notre position.
Enfin, troisièmement, le dialogue avec la Russie ne doit pas nous faire oublier la fermeté nécessaire que nous devons manifester sur la crise ukrainienne : nécessité de la discussion en format « Normandie », ce que chacun reconnaît, sauf la Russie aujourd’hui – les États-Unis sont bien sur cette position ; mise en œuvre des accords de Minsk ; menace de conséquences massives s’il y avait une nouvelle atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Telle est notre position. Elle est claire et elle va être répétée au sein de toutes les instances internationales dans les jours qui viennent.
réforme du corps diplomatique
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Dumas. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, la réforme voulue par le Président de la République et visant à supprimer les grands corps de l’État au profit d’un corps unique d’administrateurs de l’État vient de connaître son premier développement avec la création de l’Institut national du service public.
Cette réforme va s’appliquer au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et elle inquiète légitimement nos diplomates : 800 d’entre eux sont concernés par la disparition progressive des corps de conseiller des affaires étrangères et de ministre plénipotentiaire à partir de 2023.
Aujourd’hui issus de l’ENA, voire du prestigieux et sélectif concours d’Orient, ces serviteurs de l’État embrassent cette carrière par vocation, pour servir la France à l’étranger. Le métier de diplomate n’est pas celui de préfet ou d’inspecteur général des finances : être diplomate, c’est posséder des compétences de négociation, une expérience sur le terrain acquise au fil des années et des postes.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer le maintien du concours du cadre d’Orient, qui fait la réputation du plus vieux service diplomatique au monde, et nous préciser si les ambassadeurs seront toujours nommés sur votre proposition ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question.
Je suis totalement d’accord avec vous, l’engagement des diplomates est un vrai choix de vie. La diplomatie, c’est un métier nécessitant des compétences rares, qui se construisent dans la durée. Il faut avoir conscience de cela pour mettre en œuvre les réformes nécessaires dans le cursus de carrière des diplomates. Aussi, j’ai veillé à pouvoir articuler les priorités de la réforme de la haute fonction publique, souhaitée par le Président de la République, avec ces nécessités. J’ai obtenu sur ces orientations le soutien plein et entier du Premier ministre.
Madame la sénatrice, je peux donc vous confirmer que le concours d’Orient, qui restera une voie d’accès directe et spécifique au Quai d’Orsay, sera maintenu. Le ministère en maîtrisera les modalités d’organisation et les lauréats continueront à être recrutés en raison de leur profil spécialisé, s’insérant dans une filière professionnelle clairement identifiée.
Par ailleurs, la revalorisation des parcours et des carrières des agents qui ont rejoint le ministère comme secrétaire des affaires étrangères sera renforcée.
En outre, le Premier ministre a bien voulu garantir que les conseillers des affaires étrangères ou ministres plénipotentiaires actuels qui feraient le choix de ne pas devenir des administrateurs de l’État ne seraient pas pénalisés dans leur carrière.
Enfin, il a bien voulu reconnaître la possibilité pour les agents ayant fait le choix de la diplomatie, quel que soit leur statut ou leur concours, de pouvoir faire toute leur carrière au Quai d’Orsay s’ils le souhaitent.
Voilà les engagements qui ont été pris. Ils sont en cohérence avec la réforme voulue par le Président de la République et ils préservent les métiers de la diplomatie. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.
Mme Catherine Dumas. Je vous remercie, monsieur le ministre, mais je veux vous redire notre grande inquiétude, largement partagée sur toutes les travées de cet hémicycle. Nous en parlions d’ailleurs encore ce matin en commission.
Si cette réforme est mal faite, nous pourrions dériver vers une politisation des nominations d’ambassadeurs, comme cela se produit dans certains pays. Des postes diplomatiques prestigieux risqueraient d’être occupés par des non-diplomates, ce qui, bien entendu, n’est pas souhaitable.
Nous possédons le deuxième réseau diplomatique au monde, un monde aujourd’hui en plein vertige, les crises internationales se multipliant. Il n’est vraiment pas opportun d’affaiblir la France dans de telles circonstances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Kern applaudit également.)
impact du prix de l’énergie sur les collectivités locales
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre chargé des comptes publics, depuis plusieurs mois, le marché de l’énergie est en tension. Pour l’électricité, alors que le mégawattheure coûtait 69 euros au printemps dernier, il a atteint 168 euros le 5 octobre dernier, et plus encore dans les mois qui ont suivi.
Face à la volatilité des prix, le Gouvernement a mis en place un bouclier tarifaire à destination des particuliers : le fameux chèque inflation de 100 euros.
En revanche, aucune mesure n’a été prise pour soutenir les communes et les intercommunalités. Si ces dernières ont jusqu’alors été préservées par ces mouvements de marché grâce à des contrats pluriannuels à prix fixes, nombre d’entre elles renouvellent actuellement les contrats avec les fournisseurs d’électricité et ont pu constater l’envolée des coûts.
Par exemple, dans mon département des Hautes-Alpes, la communauté de communes de Champsaur-Valgaudemar, qui exploite un centre aquatique, a vu le prix du mégawattheure passer de 52 euros à 400 euros, le coût annuel s’envolant de 180 000 euros à 840 000 euros. C’est évidemment intenable !
Cette situation est d’une gravité exceptionnelle pour les finances des collectivités territoriales et la qualité des services dus à nos populations. Les citoyens et contribuables subissent un double préjudice : des fermetures forcées d’équipements publics et des hausses de prélèvements obligatoires lorsque les fermetures administratives sont impossibles, pour des raisons d’hygiène publique par exemple. Je pense aux stations d’épuration ou de traitement des eaux.
Ma question est la suivante : face à l’augmentation non maîtrisable du coût de l’énergie et à son impact sur les budgets des collectivités territoriales, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour soutenir ces dernières ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Arnaud, j’apporterai deux points de réponse à votre question.
Tout le monde sait que le secteur de l’énergie connaît une inflation importante, que vous avez rappelée chiffres à l’appui. Cela se matérialise pour un grand nombre de consommateurs par des augmentations importantes des tarifs, partout en Europe et dans le monde.
Le Gouvernement a pris un certain nombre de dispositions. Vous avez rappelé l’indemnité inflation, mais le bouclier tarifaire que nous avons mis en œuvre ne se résume pas à cette seule indemnité.
Le principal outil de protection des consommateurs – je reviendrai évidemment sur les collectivités –, c’est une baisse temporaire de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) à partir du 1er février 2022, en application de la loi de finances pour 2022. Les collectivités locales, lorsqu’elles sont consommatrices finales d’énergie bénéficieront de cette baisse, comme elles bénéficient, en tant que consommatrices, des possibilités données par le dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) de bénéficier d’une électricité significativement moins chère que sur les autres marchés européens.
Nous allons en tout cas veiller à ce que les collectivités puissent vraiment bénéficier de cette baisse temporaire de la TICFE, de manière à amortir une partie de l’augmentation des prix de l’énergie.
Votre question me permet aussi de souligner combien il a été utile, pendant toute cette période de crise que nous traversons, de préserver les ressources des collectivités.
C’est ce qui avait guidé nos choix lorsque nous avons mis en place un filet de protection en matière de recettes fiscales et domaniales en 2020, et en matière de recettes fiscales en 2021.
De la même manière, c’est ce qui a guidé nos choix lorsque nous avons mis en place pour 2020, avec une reconduction pour 2021 actée grâce à un amendement voté à l’Assemblée nationale, des dispositifs de compensation de pertes de recettes pour les régies, une compensation appuyée sur la baisse de l’épargne brute, ce qui permettra aussi d’apporter des réponses à des régies fortement concernées par l’augmentation de l’électricité.
Nous restons évidemment très vigilants. Les collectivités, comme l’ensemble des acteurs – particuliers, industriels, acteurs économiques –, connaissent des difficultés liées à l’augmentation du prix de l’énergie et nous mettons en œuvre des mesures, que je viens de détailler, pour un coût qui pourra représenter entre 12 milliards et 15 milliards d’euros par an. Vous admettrez avec moi que c’est considérable. (M. Didier Rambaud applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.
M. Jean-Michel Arnaud. Je vous remercie de ces éléments de réponse, monsieur le ministre.
Cela étant, la notion de bouclier tarifaire mériterait d’être précisée, parce que, dans la pratique, les collectivités qui sont en train de négocier, en particulier avec l’opérateur historique EDF, ne voient pas les conséquences de cette orientation gouvernementale. En effet, ce dernier continue à leur proposer des tarifs à moyen et long termes totalement rédhibitoires, menaçant le maintien des équipements publics de proximité auxquels nos concitoyens ont légitimement droit. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 12 janvier, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Candidature à une délégation sénatoriale
M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale à la prospective a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
5
Adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée
Adoption d’une proposition de résolution
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de résolution appelant le Gouvernement à œuvrer à l’adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Christian Cambon (proposition n° 231 rectifié).
Mes chers collègues, je vous rappelle que le port du masque est obligatoire dans l’hémicycle, y compris pour les orateurs s’exprimant à la tribune, conformément à la décision adoptée par la conférence des présidents le 1er décembre dernier. J’invite par ailleurs chacune et chacun à veiller au respect des gestes barrières.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Christian Cambon, auteur de la proposition de résolution.
M. Christian Cambon, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à remercier le président du groupe Les Républicains, M. Bruno Retailleau, d’avoir permis l’inscription rapide de ce projet de résolution à l’ordre du jour de notre assemblée.
Je sais également toute l’attention que portent à ce dossier le président du Sénat, Gérard Larcher, et notre collègue Catherine Dumas, présidente du groupe d’amitié France-Corée du Sud.
Alors, pourquoi avoir pris l’initiative de cette proposition de résolution ? Deux raisons l’expliquent.
D’une part, le Sénat trouve ainsi aujourd’hui une nouvelle occasion de montrer son engagement pour la paix et pour la résolution de ce que l’on appelle souvent les « conflits gelés », ces dossiers si complexes et douloureux qu’ils ont fini par sembler inextricables.
D’autre part, si nous avons une ambition indo-pacifique, c’est bien au travers de sujets concrets comme celui-ci que nous devons donner l’image d’une France pleinement actrice des dossiers de cette région du monde.
Un retour en arrière s’impose pour éclairer nos débats.
C’est sous la bannière de l’Organisation des Nations unies (ONU) que la France, alors par ailleurs engagée en Indochine, a participé à la guerre de Corée. Le 25 juin 1950, les forces de la Corée du Nord avaient franchi le 38e parallèle pour envahir le Sud. L’Union soviétique boycottait alors le Conseil de sécurité des Nations unies, en raison de la non-reconnaissance de la République populaire de Chine par celles-ci, Taïwan occupant alors le siège chinois au Conseil. C’est ce qui a permis l’adoption sans opposition de la résolution 83 du Conseil de sécurité, qui appelait les membres des Nations unies à apporter à la République de Corée toute l’aide nécessaire pour faire cesser l’agression.
C’est ainsi qu’a été autorisée l’intervention militaire en Corée, qui s’est déroulée de juin 1950 à juillet 1953.
La France y a pris toute sa part, en tant que membre fondateur de l’ONU et membre permanent du Conseil de sécurité. Elle a immédiatement envoyé un bâtiment de guerre prélevé sur nos forces maritimes d’Extrême-Orient, l’aviso La Grandière, distingué en 1952 d’une citation présidentielle de la République de Corée. Notre pays a également pourvu à la formation d’un contingent de forces terrestres : le bataillon français de l’ONU, constitué de 1 017 volontaires venus tant de régiments d’active que des réserves, et placé sous le commandement du fameux lieutenant-colonel Monclar.
Compte tenu des relèves et des pertes, la France a fourni en trois ans un contingent total de 3 421 hommes aux forces des Nations unies en Corée. Il convient de se souvenir que le bataillon français de l’ONU en Corée a déploré 300 tués et disparus, ainsi que 1 350 blessés. Il a reçu deux citations présidentielles de la République de Corée, trois citations présidentielles des États-Unis, et a été cité cinq fois à l’ordre de l’armée française. Nous pouvons aujourd’hui rendre hommage à la mémoire de ces hommes qui se sont battus pour préserver la liberté et pour faire cesser l’agression. Leur souvenir est présent ; leur mort nous engage et nous oblige !
La guerre de Corée a causé d’immenses destructions à la péninsule coréenne et a entraîné sa partition, qui perdure aujourd’hui encore. Les combats se sont interrompus le 27 juillet 1953, mais il ne s’agit que d’un armistice : la guerre n’a pas pris fin officiellement.
Une alliance militaire a été signée entre les États-Unis et la Corée du Sud en 1953, aux termes de laquelle 29 000 soldats des forces armées des États-Unis demeurent stationnés en Corée du Sud ; des exercices militaires bilatéraux se tiennent régulièrement afin de faire face à une éventuelle attaque nord-coréenne.
Cette situation, qui dure depuis près de soixante-dix ans, constitue de fait un obstacle à la négociation d’un traité de paix.
Il y a donc lieu de promouvoir et de soutenir l’adoption par les parties au conflit d’une déclaration de fin de la guerre de Corée : une telle déclaration représenterait une nouvelle étape franchie sur le chemin de la paix.
À cette fin, la présente proposition de résolution invite le Gouvernement à prendre les initiatives diplomatiques nécessaires dans cette perspective.
L’adoption de cette proposition aurait aussi pour effet d’apporter notre soutien à nos amis coréens, et ce de plusieurs manières.
Premier point : ce serait un témoignage de soutien à la Corée du Sud dans sa difficile relation avec la Corée du Nord.
En septembre 2021, le gouvernement de Pyongyang a une nouvelle fois repoussé la proposition du président Moon Jae-in d’une déclaration officielle de la fin de la guerre de Corée, en posant comme préalable la fin de la « politique hostile » des États-Unis. Les tentatives de reprise des discussions entre les deux Corées sont régulièrement interrompues par les velléités de Pyongyang de se doter de l’arme nucléaire, voire d’un arsenal balistique de longue portée dont il tente de démontrer la réalité au travers d’essais volontairement spectaculaires. La Corée du Nord fait valoir ses positions ; alors, affirmons les nôtres, en faveur de la fin de la guerre et de la dénucléarisation de la péninsule coréenne !
Tel est bien le deuxième point où la parole de la France est attendue par nos amis coréens. La dénucléarisation de la péninsule ne sera sans doute pas possible tant que la fin de la guerre ne sera pas déclarée. Nous sommes tous d’accord sur le fait que cette dénucléarisation doit être la plus large, la plus vérifiable et la plus sûre possible. C’est l’un des buts de cette proposition de résolution, telle que nous l’avons rédigée en lien avec nos collègues et amis coréens. Ce texte vient donc appuyer les objectifs des résolutions des Nations unies.
Le troisième apport de cette proposition est enfin de témoigner de notre capacité à nous coordonner avec nos collègues coréens, qui sont eux-mêmes en train d’élaborer un texte visant à soutenir une telle déclaration de fin de la guerre. C’est bien en réponse à la demande qu’ils ont exprimée à cette fin lors d’une récente rencontre que cette proposition de résolution vous est présentée ce jour, comme des propositions similaires le sont dans différents parlements occidentaux. Abondance d’initiatives parlementaires, qui plus est concertées, ne nuit pas ! Alors que le régime de la Corée du Nord tente régulièrement d’isoler les initiatives de la Corée du Sud, il est essentiel que nous affirmions notre solidarité et notre soutien sans faille et indéfectible à la démocratie coréenne.
Par ailleurs, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette affaire concerne aussi les intérêts de la France. En effet, tout le monde aura bien compris que le sujet est indo-pacifique. À l’heure où la France comme l’Union européenne entendent mettre en œuvre une politique indo-pacifique, il est essentiel que nous le traduisions par des actes. Nos positions diplomatiques ne peuvent se limiter à l’affirmation d’ambition sans traduction concrète. Une diplomatie, ce sont des paroles, mais ce sont aussi des actes. Monsieur le ministre, je sais que nous nous rejoindrons sur ce point.
Enfin, il convient de rappeler que la France n’est pas partie directe à l’armistice signé à Panmunjom le 27 juillet 1953 entre la Corée du Nord et la Chine, d’une part, et l’Organisation des Nations unies, d’autre part. Il paraît donc peu probable que la France soit partie à la signature d’une déclaration de fin de la guerre. En revanche, il est ici proposé que nous agissions pour la reconnaissance par la communauté internationale, et notamment par les Nations unies, de cette déclaration de fin de guerre. De même, la France, qui dialogue avec tous – c’est une de nos grandes forces –, est invitée à engager une conversation avec les parties susceptibles de signer cette déclaration de fin de guerre : Corée du Nord, Corée du Sud, États-Unis et Chine. Nous avons là un rôle à tenir en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et en tant que nation de l’Indo-Pacifique.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà donc l’objet de cette proposition de résolution. Je pense que son adoption adressera un signal fort d’intérêt pour la Corée du Sud et de soutien à cette nation. Elle traduira aussi le caractère concret de notre engagement dans la zone indo-pacifique.
S’impliquer dans cette zone, ce n’est pas seulement défendre les intérêts directs de notre pays, ses territoires ou ses eaux : c’est aussi renouveler l’engagement de la France pour le droit international, pour le respect des frontières, pour le respect du droit de la mer et, finalement, pour la paix. Oui, même lorsque la situation paraît figée, la paix mérite que l’on remette inlassablement l’ouvrage sur le métier, pour tenter d’avancer. C’est tout l’esprit de la proposition de résolution que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, INDEP et RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Catherine Dumas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureuse, en tant que présidente du groupe d’amitié France-Corée du Sud, que notre assemblée examine aujourd’hui cette proposition de résolution appelant le Gouvernement à œuvrer à l’adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée.
Je voudrais tout d’abord saluer l’ambassadeur de la République de Corée, Son Excellence M. Yoo Dae-jong, qui est présent dans nos tribunes.
Je tiens aussi à remercier Christian Cambon, par ailleurs président de la commission des affaires étrangères, d’avoir déposé cette proposition de résolution, ce qui nous permet d’avoir un débat sur ce sujet que nous connaissons sans doute assez mal, alors que nous avons compté parmi les acteurs de ce conflit : soixante et onze ans après l’éclatement de cette « guerre oubliée » – pour reprendre l’expression très parlante qui a cours aux États-Unis –, qui a en tête que les combats ne sont que provisoirement suspendus et que la péninsule coréenne est officiellement toujours en état de guerre ? La convention d’armistice signée de façon temporaire le 27 juillet 1953 reste aujourd’hui appliquée, en attendant que s’y substitue un régime de paix.
A-t-on encore bien à l’esprit le terrible bilan de ce conflit, le premier conflit international à avoir éclaté après la Seconde Guerre mondiale, qui a inauguré la période de glaciation de la Guerre froide ? On déplore pourtant plus de 800 000 morts parmi les militaires coréens, nordistes et sudistes confondus, des dizaines de milliers parmi les forces de l’ONU qui sont alors intervenues, mais aussi 2 millions de victimes civiles et 3 millions de réfugiés. La péninsule coréenne a été dévastée par les combats et les deux Corées, soixante-huit ans après la signature de la convention d’armistice, continuent de vivre dans l’appréhension l’une de l’autre ; les tensions entre elles restent chaque jour palpables.
Les enjeux liés à la continuation d’un conflit non officiellement terminé sont donc omniprésents ; notre groupe d’amitié l’a très fortement ressentie, presque physiquement, lorsque nous nous sommes rendus en Corée du Sud au mois de septembre dernier, à l’invitation de l’Assemblée nationale de la République de Corée.
Vivette Lopez, Olivier Jacquin, Catherine Procaccia et moi-même, qui présidais la délégation, avons en effet été frappés par la sensibilité du sujet en Corée du Sud : alors que nous avons tendance à voir la situation actuelle comme un produit de l’histoire qui se serait figé avec le temps, cette situation reste vécue par la population et les dirigeants sud-coréens comme un enjeu existentiel. Je veux dire par là que les Coréens du Sud ont le sentiment que leur avenir, leur existence future en dépendent.
Notre visite de la DMZ, la zone démilitarisée séparant les deux Corées, qui constitue en réalité l’un des endroits où le degré de tension entre deux États est le plus élevé sur la planète, a permis à notre délégation d’éprouver pleinement cette dimension si prégnante dans la société coréenne d’aujourd’hui.
L’état de guerre qui perdure et la coexistence avec leur voisin nord-coréen constituent pour les Sud-Coréens une plaie ouverte ; elles les placent sous une véritable épée de Damoclès.
Mais notre délégation a pu prendre la mesure lors de son déplacement en Corée d’un autre point saillant : un attachement très fort à la France et une gratitude profonde envers notre pays pour son rôle durant la guerre de Corée.
Comme l’a rappelé Christian Cambon, notre pays a en effet répondu à l’appel des Nations unies en envoyant en Corée près de 3 500 soldats volontaires au sein du bataillon français de l’ONU, qui a combattu aux côtés des troupes coréennes et américaines.
En témoignage de ces hauts faits d’armes, nous avons visité le cimetière du mémorial des Nations unies en Corée, situé à Busan, la deuxième ville du pays. Au cours d’une cérémonie extrêmement émouvante, notre délégation a déposé une gerbe dans le carré français du cimetière, qui compte 46 tombes individuelles.
Cet appui de la France à l’armée sud-coréenne nous a été constamment rappelé lors de nos rencontres officielles, nos amis sud-coréens l’ayant sans doute beaucoup plus à l’esprit que nous-mêmes.
Ce fut le cas lors de notre rencontre avec mon homologue, le président du groupe d’amitié interparlementaire Corée-France, M. Jung Sung-ho, et des membres de ce groupe.
Cet attachement historique à la France nous donne une légitimité particulière pour intervenir dans ce dossier, et ce d’autant plus que d’autres éléments plus contemporains s’y ajoutent, comme il a été rappelé par M. Cambon.
Ce contexte étant posé, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui me semble aller dans le bon sens, qui est aussi le sens de l’histoire : celui de la conversion d’une convention d’armistice précaire et réversible en un état de paix durable à travers la conclusion d’un véritable traité de paix entre les belligérants.
En se prononçant pour une déclaration officielle de la fin de la guerre de Corée, notre assemblée enverra un signal politique à un moment où celui-ci est plus que jamais nécessaire, du fait du nouveau refroidissement des relations entre les deux Corées, mais aussi entre la Corée du Nord et les États-Unis, qui jouent bien sûr un rôle central dans ce dossier.
À l’heure où le dialogue entre les principaux acteurs du conflit stagne, il paraît utile de rappeler l’horizon vers lequel les efforts et la concertation doivent porter, à savoir le rétablissement d’une paix durable sur l’ensemble de la péninsule coréenne.
Cet objectif a d’ailleurs été plusieurs fois proclamé par les deux belligérants principaux, lors des sommets intercoréens de 2000, 2007 et 2018.
Le président sud-coréen, M. Moon Jae-in, l’a encore rappelé devant l’assemblée générale des Nations unies il y a quelques mois à peine, le 21 septembre dernier.
Par ailleurs, des assemblées parlementaires de certains pays – la Corée du Sud elle-même, mais aussi les États-Unis et le Royaume-Uni – ont pris des initiatives en ce sens, certes de natures diverses et à des degrés d’avancement inégaux.
S’il nous faut donc œuvrer en faveur de la reconnaissance de la fin de la guerre de Corée, encore faut-il que ce processus respecte certaines conditions, que je crois bon de rappeler ici.
Tout d’abord, notre pays, qui a pris part au conflit et qui est présent auprès du commandement des Nations unies, devra, même s’il n’a pas été signataire de la convention d’armistice, être associé d’une façon ou d’une autre aux futures négociations du traité de paix.
Ensuite, il importe de veiller au maintien en place du commandement des Nations unies, doté d’un nouveau commandant depuis cet été. Cette structure a en effet joué un rôle majeur, sous mandat de l’ONU, pour mettre en œuvre l’accord d’armistice et veiller aux conditions du maintien de la paix entre les deux Corées.
Enfin et surtout, l’objectif de dénucléarisation que mentionne la proposition de résolution devra être aligné sur les objectifs onusiens en la matière, propres à garantir un démantèlement complet, vérifiable et irréversible des programmes nord-coréens.
Pour conclure, sous réserve de ces quelques conditions d’interprétation du texte qui nous est soumis aujourd’hui, je voterai donc en faveur de son adoption.
Il est en effet temps, pour reprendre les propos attribués à Cicéron, que les armes le cèdent à la toge et que les Coréens, du Sud comme du Nord, puissent vivre sur la même péninsule dans une paix et une prospérité pleinement retrouvées et durablement garanties. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, INDEP et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le XXIe siècle est tourné vers l’Asie : à l’heure où la Chine vise les grands sommets, que seuls les États-Unis connaissaient jusqu’alors, le sujet qui nous occupe aujourd’hui ne doit pas nous laisser indifférents. En effet, c’est sur ce continent où les poids lourds démographiques et économiques se côtoient que la paix devra être protégée avec le plus de détermination dans les années qui viennent.
Pourtant, près de soixante-dix ans après la fin des opérations militaires sur la péninsule coréenne, ce conflit est loin d’être gelé sur le tracé du 38e parallèle : les programmes d’armement nord-coréens se poursuivent, comme le rappelle le lancement par Pyongyang d’un premier missile supposément hypersonique, le 19 octobre dernier. Il s’agirait d’un missile mer-sol balistique stratégique, ou SLBM, l’un de ces missiles lancés depuis un sous-marin dont veut s’équiper Pyongyang. Notre débat se tient d’ailleurs alors qu’un nouveau tir de missile balistique a été opéré ce matin même par la Corée du Nord. Son voisin du Sud n’est pas en reste quant aux technologies militaires de pointe : Séoul testait également son premier SLBM en septembre dernier.
Souvenons-nous également de la crise de 2018 : à la suite de l’essai nucléaire de Pyongyang et du lancement d’un missile de longue portée, Donald Trump, alors président des États-Unis, avait envisagé des frappes préventives sur la Corée du Nord pour faire cesser son programme nucléaire.
Le moment d’espoir qui avait accompagné la reprise du dialogue après cette crise avait été décrit à l’époque comme un renversement radical et historique par la Corée du Sud. Nous sommes loin de cet optimisme aujourd’hui ! Depuis le sommet de Hanoï, en 2019, où les talents de diplomate de Donald Trump n’ont permis aucune avancée dans les négociations, le dialogue est en suspens et avec lui les espoirs d’apaisement. Tristes vœux de Nouvel An que ceux de Kim Jong-un, qui déclarait le 1er janvier vouloir encore renforcer ses capacités de défense nationale !
Je suis donc convaincu qu’il serait irresponsable de ne pas nous mobiliser pour encourager toutes les parties à la guerre de Corée à s’accorder enfin sur une déclaration de paix. Nous voterons donc bien évidemment en faveur de cette proposition de résolution.
Cette position est par ailleurs motivée par l’inquiétude qui est la nôtre face à la militarisation actuelle de la zone indo-pacifique et aux stratégies croissantes de contestation de la Chine dans cette zone, qui sont partie intégrante du problème coréen.
Retrouver le chemin de la table des négociations ne se fera bien sûr pas d’un claquement de doigts. Si nous entendons les dirigeants nord-coréens affirmer leur ouverture à la reprise du dialogue, nous savons que les demandes qu’ils adressent aux États-Unis comme condition de cette reprise sont irréalistes, car la question nucléaire reste le sujet de dissensions majeures. Le programme de développement des capacités nucléaires nord-coréennes, qui semblait ralenti depuis le dialogue de 2018, a été l’un des points d’achoppement ayant mené à l’échec des négociations de 2019 ; l’arrêt temporaire d’un complexe nucléaire produisant du plutonium, qui constituait une première avancée, semble désormais appartenir au passé si l’on en croit les alertes émises par l’Agence internationale de l’énergie atomique au mois d’août dernier.
La reprise de ces activités d’enrichissement nucléaire à destination militaire constitue une violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ; elle menace toute la région, notamment le Japon, dont il convient de rappeler qu’il est l’un de nos principaux partenaires stratégiques en Asie et dans l’Indo-Pacifique.
Nous devons donc continuer à porter avec détermination notre souhait de voir les parties à la guerre de Corée se retrouver autour de la table des négociations ; nous devons tout particulièrement le faire auprès des pays amis que sont la Corée du Sud et les États-Unis. Nos amis états-uniens doivent faire face à leurs responsabilités et démontrer une vraie volonté politique d’arriver à une déclaration de paix, qui pourrait constituer un signal encourageant pour l’arrêt du programme nucléaire de la Corée du Nord.
Ce début d’année 2022 est une occasion inespérée de voir se réaliser ce souhait, alors que le président sud-coréen Moon Jae-in, très attaché au rapprochement avec la Corée du Nord, arrive à la fin de son mandat et que le régime nord-coréen fait face sans vaccin à une pandémie non maîtrisée, mais aussi à une récession sans précédent accompagnée d’une énième crise alimentaire.
En cette année qui verra la première conférence du traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) et la dixième conférence du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), il est nécessaire d’œuvrer à la résolution de ce dernier vestige de la Guerre froide pour donner davantage de force au mouvement mondial pour le désarmement nucléaire.
C’est donc tout naturellement que les écologistes invitent le Gouvernement français à agir en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est soumise sur l’initiative de Christian Cambon est la bienvenue.
Il est en effet plus que jamais nécessaire d’abaisser le niveau persistant des tensions entre les deux Corées, ainsi qu’entre la Corée du Nord et les États-Unis, dans une région indo-pacifique elle-même sous tension, et d’ouvrir enfin la voie à un traité de paix définitif pour toute la péninsule coréenne.
Il est grand temps, dans cette région et partout ailleurs, de franchir de nouvelles étapes pour progresser significativement sur la voie de la dénucléarisation du monde.
Il est donc bienvenu de demander aux autorités de notre pays de prendre des initiatives politiques en vue d’instaurer une paix durable entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, assorties de mesures de réduction des arsenaux nucléaires. Tout nous y invite : la situation dans la région et la tension nouvelle dans le monde, alors que l’escalade militaire et nucléaire est repartie de plus belle.
Entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, nous le savons, la paix n’a jamais été scellée. Depuis près de soixante-dix ans, la péninsule coréenne est coupée en deux, son peuple écartelé. Dix millions de familles restent séparées par la frontière. Les plaies d’un conflit qui a fait cinq millions de morts et de blessés et six millions et demi de réfugiés ne sont pas refermées. Un traité de paix marquerait un pas historique.
Depuis 2017, les discussions ont repris, mais les dirigeants nord et sud-coréens successifs et les dirigeants états-uniens ont soufflé tour à tour le chaud et le froid, laissant un temps espérer l’avancée du dialogue, envoyant à d’autres moments des signaux d’alerte et d’escalade. Nous assistons alternativement à des réchauffements et à des coups d’arrêt. Au total, la région reste une inquiétante poudrière.
Est-il possible de progresser réellement vers une paix durable ?
Oui, les avancées enregistrées justifient de reprendre l’initiative. Durant sa campagne électorale, le président sud-coréen Moon Jae-in s’est appuyé sur une politique de la main tendue.
L’échéance olympique de 2018 à Pyongyang avait permis des échanges de lettres et – image symbolique ! – la création d’une équipe commune de hockey sur glace.
Le sommet intercoréen et la déclaration de Panmunjom, soutenue quelques mois plus tard par la déclaration coréo-états-unienne de Singapour, ont ouvert des perspectives.
Enfin, la réouverture des canaux diplomatiques entre le nord et le sud au mois de juillet dernier mérite d’être soulignée.
Toutefois, malgré ces marqueurs forts, les zones d’ombre restent elles aussi majeures.
Le sommet de Hanoï en 2019 entre Donald Trump et Kim Jong-un a montré que la tension demeurait forte entre Pyongyang et Washington. Les États-Unis veulent plus que le seul démantèlement du complexe de Yongbyon. Pyongyang ne peut accepter le renvoi à des discussions ultérieures de la suspension des sanctions internationales.
Surtout, la reprise de la course aux armements, au sud comme au nord, est inquiétante. L’escalade très rapide dans la péninsule coréenne atteint un point critique.
Séoul s’est engagé dans une politique de développement balistique, a mené des exercices d’ampleur avec les États-Unis, lesquels sont censés prévenir une improbable invasion terrestre par le nord, et fait désormais partie du cercle très fermé des pays disposant d’avions de chasse supersoniques.
La Corée du Nord n’est pas en reste. Pyongyang souhaite développer son arsenal nucléaire, multiplie les démonstrations en la matière et augmente ses capacités balistiques. L’entrée de la Corée du Nord dans le club des pays nucléaires accroîtrait tous les dangers, mais toute tentative de dissuasion nécessiterait un cercle vertueux de paix et de désarmement mutuel.
Il est donc grand temps de reprendre l’initiative, comme le propose l’auteur de cette proposition de résolution.
Le contexte s’y prête. La prochaine conférence d’examen des parties au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) sera ainsi l’occasion de prendre cette initiative.
Par ailleurs, la déclaration conjointe que viennent de publier les chefs d’État des cinq puissances nucléaires du Conseil de sécurité des Nations unies est un encouragement.
On peut bien sûr la juger formelle, voire hypocrite, à l’heure où ces cinq puissances ont toutes engagé des frais de modernisation de leurs arsenaux nucléaires, y compris la France, qui aura dépensé 37 milliards d’euros pour moderniser le sien au terme de la loi de programmation militaire.
Nous y voyons plutôt le résultat de la poussée en faveur du traité sur l’interdiction des armes nucléaires, que ces puissances ont certes refusé de signer au nom de leur attachement au TNP, mais qui a le mérite de placer lesdites puissances face à leurs responsabilités : elles se doivent d’appliquer enfin son volet relatif à la dénucléarisation, lequel a jusqu’ici été largement laissé en friche.
Il faut aujourd’hui passer de la parole aux actes. Les urgences de la planète appellent le désarmement nucléaire. La péninsule coréenne n’est évidemment pas la seule concernée, mais sa dénucléarisation constituerait un signal fort et un encouragement à réduire les arsenaux nucléaires dans le monde entier.
M. le président. Il faut conclure.
M. Pierre Laurent. Pour toutes ces raisons, nous voterons cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Christian Cambon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier Christian Cambon, qui nous donne l’occasion, grâce au dépôt de cette proposition de résolution, d’aborder un sujet important pour la zone indo-pacifique.
En 1950, après une série d’incidents et de fortes tensions à la frontière, la Corée du Nord envahit la Corée du Sud. Cette invasion déclenche une guerre par procuration entre les deux puissances nucléaires de l’époque, les États-Unis et la Chine, et provoque le premier grand bouleversement de la guerre froide. Celle que l’on appelle désormais la « guerre oubliée » fera environ un million de victimes militaires, deux millions de victimes civiles et de très nombreux disparus.
Le 27 juillet 1953, la Corée du Nord, les États-Unis et la Chine signent un accord d’armistice.
La Corée du Sud s’opposant au maintien de la partition en deux de la Corée n’a ni accepté l’armistice ni signé de traité de paix. C’est la raison pour laquelle, en dépit de la fin des combats, la guerre n’a diplomatiquement et officiellement jamais pris fin. Les espoirs de réconciliation ont brièvement été entretenus en 2000, puis de nouveau en 2018, avant de finalement tourner court.
Aujourd’hui, États-Unis, Chine, Corée du Nord et Corée du Sud ont conjointement affiché leur volonté, sur le principe et sur une base théorique, de déclarer la fin de la guerre de Corée.
De l’aveu même du président sud-coréen, le cessez-le-feu en vigueur depuis près de soixante-dix ans n’offre pas un cadre stable pour le pays.
C’est la raison pour laquelle la France et l’Union européenne doivent soutenir et promouvoir toutes les initiatives visant à favoriser la conclusion d’un traité de paix, nécessaire dans une région du monde soumise à de nouveaux équilibres.
Un tel accord permettrait notamment la création d’une véritable zone démilitarisée, des discussions sur la dénucléarisation ou la redéfinition de certaines frontières maritimes, qui restent floues par endroits.
L’ancrage géographique des deux Corées les place au cœur de l’Indo-Pacifique, nouveau centre de gravité stratégique mondial. Et parce que les défis sécuritaires, économiques, technologiques et environnementaux qui s’y présentent sont aussi les nôtres, la France et l’Union européenne ont, dans cette région, des intérêts et des valeurs à défendre, et des partenariats à construire.
La montée en puissance et les revendications territoriales de la Chine, exprimées de façon chaque fois plus appuyée, l’intensification de la compétition sino-américaine ou encore les tensions à la frontière sino-indienne modifient les équilibres régionaux.
À cela s’ajoutent des menaces transnationales persistantes, telles que la piraterie, le terrorisme, les trafics en tout genre, ainsi que les conséquences désastreuses du dérèglement climatique, dont les effets peuvent déjà se faire sentir en matière de sécurité.
Toutes ces évolutions ont des répercussions directes sur l’ensemble de la zone, y compris sur les territoires français.
La Corée du Sud et la France pourraient, dès lors, envisager de coopérer dans l’Indo-Pacifique en contribuant à apaiser les tensions dans la région et à maintenir un équilibre, tout en préservant leurs propres intérêts nationaux.
Dans le contexte de récente redistribution des alliances dans la région – je pense en particulier à l’accord Aukus (Australia-United Kingdom-United States) –, la Corée du Sud et la France auraient intérêt à engager un dialogue en vue de coopérer dans l’Indo-Pacifique, ce qui permettrait d’accroître la confiance mutuelle et la convergence stratégique.
Aussi le groupe Union Centriste votera-t-il pour cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Christian Cambon, François Patriat et Joël Guerriau applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. André Guiol.
M. André Guiol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, guerre sans fin, orpheline de la guerre froide, l’interminable crise coréenne attire régulièrement l’attention de la communauté internationale.
Depuis toujours, les dirigeants nord-coréens successifs soufflent le chaud et le froid sur la péninsule, au gré des variations de leur activité militaro-diplomatique.
Entre la brève lune de miel que l’on a connue sous l’ère Trump et l’ère nucléaire sans complexe, la Corée du Nord reste un abcès ouvert, pansé de temps en temps, mais jamais complètement refermé.
L’absence depuis 1953 d’un véritable traité de paix entre la République de Corée et la Corée du Nord est-elle propice à la poursuite des tensions ? Autrement dit, l’adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée serait-elle de nature à améliorer les choses ?
À l’évidence, la réponse ne peut être que nuancée, compte tenu de la complexité d’une situation géopolitique sur laquelle plane encore aujourd’hui l’ombre des grandes puissances, les États-Unis, la Chine et la Russie. Hier comme aujourd’hui, celles-ci maintiennent sous différentes formes, y compris militaires, leur présence dans la zone.
Si l’on ne peut ignorer les ambitions de grandeur de la dynastie Kim pour son pays, force est aussi de constater que la péninsule reste un pion dans la région, comme elle l’a toujours été au cours du XXe siècle. En effet, on connaît le principal ressort du déclenchement de la guerre en 1950 : la lutte pour la domination dans la région entre les forces communistes et les démocraties libérales.
L’enjeu a-t-il évolué depuis ? Si nous sommes heureusement sortis de la guerre froide, les luttes d’influence demeurent, ce qui n’est pas sans susciter des inquiétudes.
Aujourd’hui, on le sait, les États-Unis ont déplacé leurs intérêts stratégiques vers la zone Asie-Pacifique. Washington cherche non seulement à y préserver ses intérêts économiques, mais également à contenir la menace chinoise dans la région. Grâce au traité de défense conclu avec Séoul, la menace nord-coréenne offre une fenêtre stratégique au Pentagone pour surveiller la Chine.
Dans ces conditions, dans le contexte d’un bras de fer stratégique, quel crédit accorder aux offres de pourparlers que l’administration Biden a faites l’été dernier au dirigeant nord-coréen ?
Quoi qu’il en soit, le tir de missile hypersonique effectué à la fin du mois de septembre par Pyongyang a miné le terrain et constitué clairement une fin de non-recevoir.
Peut-on également compter sur le dialogue intercoréen ? Depuis les jeux Olympiques d’hiver de 2018 en Corée du Sud, ce dialogue existe, mais il a produit peu d’effets à ce stade.
Pour l’heure, en espérant que tous les acteurs impliqués prennent les engagements nécessaires à la mise en œuvre d’un véritable dialogue, sans arrière-pensées, le RDSE partage la volonté de Christian Cambon de promouvoir et de soutenir l’adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée.
Tout d’abord, nous le devons au peuple coréen. J’ajoute que nous le devons plus encore à celui du nord, qui, au-delà d’avoir en commun avec celui du sud la peur d’une escalade aux frontières du pays, doit en plus faire face à une situation économique très dégradée, laquelle n’est pas sans conséquence d’un point de vue humanitaire. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, près de quatre Nord-Coréens sur dix souffrent actuellement de malnutrition.
Par conséquent, monsieur le ministre, la question de l’allégement du régime de sanctions internationales doit se poser, alors que la pandémie accentue l’isolement de la Corée du Nord. Et je ne parlerai pas du déséquilibre entre le coût humain très élevé des sanctions et leurs faibles effets sur le programme nucléaire nord-coréen.
À cet égard, les cinq grandes puissances nucléaires ont prôné lundi dernier l’objectif d’« un monde exempt d’armes nucléaires », pour reprendre la formule de la présidence française. C’est une bonne chose, bien entendu, mais la situation nord-coréenne constitue un obstacle à la réalisation de ce vœu. Aussi le texte de la proposition de résolution prend-il encore un peu plus de relief. En effet, la « dénucléarisation complète de la péninsule coréenne » doit être une préoccupation majeure de la communauté internationale.
Enfin, mes chers collègues, la proposition de résolution s’inscrit tout simplement dans la tradition de défense de la paix et des droits de l’homme chère à la France. Fidèle à ses valeurs, notre pays ne peut se contenter, pour la péninsule coréenne, d’un simple et fragile cessez-le-feu.
Le groupe RDSE votera donc cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Christian Cambon et François Patriat applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, madame la présidente du groupe d’amitié France-Corée du Sud, chère Catherine Dumas, monsieur le vice-président, cher Olivier Jacquin, nous voici réunis pour examiner une proposition de résolution, déposée sur l’initiative de Christian Cambon, et invitant le Gouvernement à travailler avec les deux Corées pour que ces pays puissent, selon les termes de la déclaration commune du 27 avril 2018, adopter une déclaration de la fin de la guerre de Corée et entamer un dialogue en vue de la signature d’un traité de paix.
Le texte que nous examinons aujourd’hui enjoint également la France de soutenir les efforts internationaux en faveur d’une dénucléarisation complète de la péninsule coréenne.
Selon les informations communiquées par Christian Cambon lors de la réunion du bureau de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, des initiatives similaires seraient en préparation dans plusieurs parlements européens, ainsi qu’au Sénat américain. Il est en effet urgent aujourd’hui de faire entendre la voix de la paix et du dialogue entre les deux Corées, en créant les conditions d’un véritable système de sécurité collective en Asie du Nord-Est, l’une des régions les plus militarisées du monde.
Revenons sur les faits. Le 25 juin 1950, l’armée nord-coréenne franchit le 38e parallèle marquant la division de la péninsule entre le Nord et le Sud. La guerre, qui s’internationalise avec le soutien des États-Unis au Sud et de la Chine au Nord, fera entre deux et quatre millions de morts.
Un armistice fragile a été signé le 27 juillet 1953, mais il n’a jamais été suivi d’un traité de paix. De nombreux attentats, des infiltrations et des affrontements, la plupart provoqués par Pyongyang, ont menacé le cessez-le-feu. Le Nord a placé à plusieurs reprises ses troupes en état de guerre.
Malgré les tensions, les deux pays n’ont jamais complètement interrompu leur dialogue. Depuis des décennies, les deux Corées enchaînent des phases de confrontation et de rapprochement. En 2000 et 2007, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il a tenu à Pyongyang deux sommets historiques avec les dirigeants du Sud.
L’année 2018 fut celle du dégel. Les jeux Olympiques d’hiver organisés en Corée du Sud ont contribué à la tenue d’un premier sommet à Singapour entre le président Donald Trump et Kim Jong-un. Le second, organisé à Hanoï, a, lui, tourné court.
Cet apaisement précaire jusqu’en février 2019 entre les États-Unis et la Corée du Nord ne s’est traduit par aucune avancée notable concernant la dénucléarisation de la péninsule coréenne, priorité numéro 1 des Américains.
Les tentatives de reprise des discussions entre les deux parties sont régulièrement interrompues ou empoisonnées par les velléités de Pyongyang de se doter de l’arme nucléaire et d’un arsenal balistique de longue portée, qu’il exhibe lors d’essais spectaculaires. Les États-Unis ont toujours fixé comme préalable à la fin de la guerre le renoncement par la Corée du Nord à son programme nucléaire militaire.
Le nouveau président des États-Unis, Joe Biden, a fait le choix d’ignorer l’épouvantail nord-coréen pour se concentrer, autant que possible, sur sa priorité absolue : contenir la menace chinoise dans la sphère Asie-Pacifique.
En marge de la reprise du dialogue avec les États-Unis, Kim Jong-un a renoué les liens avec la Chine, qui avaient pâti des purges de personnalités jugées trop pro-Pékin et de l’imposition des sanctions de l’Organisation des Nations unies. Ce rapprochement s’est concrétisé par la visite du président Xi Jinping à Pyongyang en 2019.
Le déclenchement de l’épidémie de covid-19 a aggravé la donne : dès janvier 2020, la Corée du Nord s’est barricadée derrière ses frontières, surveillées par l’armée, qui a reçu l’ordre de tirer à vue sur toute personne essayant de passer. Officiellement, la Corée du Nord n’a enregistré aucun cas de covid-19. Les experts en doutent, nous aussi.
Les deux Corées ont multiplié les gestes d’apaisement au cours de l’année 2018, instaurant un climat de détente qui a été entériné par la signature, le 27 avril 2018, d’une déclaration commune, à l’issue du premier sommet intercoréen organisé depuis onze ans.
Dans cette déclaration, les présidents sud et nord-coréens assuraient vouloir instaurer une paix durable et signer un traité de paix dans le courant de l’année. À cette occasion, les deux présidents ont également affirmé s’engager en faveur d’« une péninsule coréenne non nucléaire ». Ils ont convenu de cesser toute activité hostile sur terre, dans les mers et dans les airs et ont fait part de leur volonté de transformer la zone démilitarisée qui sépare les deux pays en une zone de paix.
Cette déclaration a ouvert la voie à un processus de paix, de dénucléarisation, et à une réflexion sur la situation des familles séparées.
Les enjeux diplomatiques sont d’importance, car un rapprochement pourrait favoriser une reprise du dialogue entre les États-Unis et la Corée du Nord. Pour l’instant, une telle perspective – Christian Cambon l’a dit – reste pour le moins incertaine.
En effet, si en octobre dernier Pyongyang s’est dit prêt à envisager de nouvelles discussions, les États-Unis continuent de poser la fin du programme nucléaire militaire nord-coréen comme préalable. À cette incertitude s’ajoute la prochaine élection présidentielle en Corée du Sud, qui verra le départ du président sortant, lequel ne peut se représenter.
En revanche, ce qui est certain, c’est l’urgence, ressentie par la Corée, du Nord comme du Sud, de relancer le dialogue intercoréen.
Les dirigeants de ces deux pays sont pris par le temps. Le mandat non renouvelable du président sud-coréen, dont le rapprochement Nord-Sud était l’un des engagements électoraux, le cheval de bataille de sa politique, s’achèvera en mars 2022. Quant à Kim Jong-un, il a surtout un besoin urgent d’aide pour faire face à la crise alimentaire qui s’aggrave dans son pays. Dans l’immédiat, la priorité pour la Corée du Nord est d’obtenir au plus vite une assistance alimentaire et médicale de la part de Séoul, afin de contrebalancer sa dépendance à l’égard de la Chine.
Dans ces conditions, les deux pays auraient tout intérêt à mettre un terme à l’état de guerre qui les oppose depuis 1953.
Je regrette que la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui soit l’initiative d’un groupe politique, et non celle de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat dans son ensemble, et ce en raison d’un problème de calendrier, comme nous l’a expliqué Christian Cambon. Le plus important est toutefois que nous débattions de ce texte.
La France, protagoniste de la guerre de Corée, membre du Conseil de sécurité de l’ONU, n’est pas directement concernée par un tel traité de paix. Toutefois, elle exprime le souhait que les pourparlers à six, entre les deux Corées, les États-Unis, la Chine, la Russie et le Japon, reprennent.
Alors que les tensions ne font que s’accroître dans la péninsule coréenne, l’adoption par la représentation nationale de la présente proposition permettrait d’adresser un message fort de paix, de confiance et de sérénité aux différentes parties.
Je partage donc le sentiment d’urgence exprimé par notre collègue Christian Cambon : il est nécessaire de se saisir de la question coréenne et de tout faire pour tenter d’instaurer la paix dans la péninsule.
Aussi le groupe socialiste votera-t-il ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, RDPI, UC et Les Républicains – M. Christian Cambon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier Christian Cambon de nous donner l’occasion de nous saisir de la question de la paix et de la stabilité dans la péninsule coréenne.
Le retour récent d’un transfuge nord-coréen – il était passé au sud – ayant réussi à pénétrer la Corée du Nord par la voie terrestre n’a pas manqué de nous rappeler que l’état de guerre est toujours en cours dans cette région du monde. Le processus de pacification est gelé depuis plus de soixante-dix ans déjà, après un dernier échec en 2019, à Hanoï.
Comme cela a déjà été rappelé, la guerre de Corée a pris fin en 1953 avec la conclusion d’un armistice visant à assurer une cessation complète des hostilités jusqu’à ce qu’un règlement pacifique final soit conclu.
Or la question du règlement final de ce conflit est restée en suspens. En l’absence d’un traité de paix pérenne, l’impasse militaire explique que, officiellement, ces deux pays soient restés en guerre au cours des soixante-dix dernières années. Cette situation a justifié la dialectique de la peur et de la surenchère, ainsi que la course effrénée à l’armement.
La ligne de front de la guerre est toujours la zone démilitarisée, ou DMZ, une zone frontalière ultrafortifiée, où les protagonistes sont lourdement armés, et qui divise les deux Corées. D-M-Z : ces trois lettres symbolisent l’empêchement de la stabilité et de la paix dans la péninsule, déchirent bien des familles et hantent les Coréens, inquiets d’une possible reprise des hostilités, telle une épée de Damoclès.
Dans ce contexte, le groupe RDPI salue les efforts et l’engagement du président sud-coréen, M. Moon Jae-in, qui persiste à faire du dossier intercoréen sa priorité. Au mois de septembre dernier, devant les Nations unies, il a ainsi relancé son action. Par la suite, au mois de décembre, il a annoncé que les deux Corées, ainsi que les États-Unis et la Chine, avaient accepté « en principe » de déclarer officiellement la fin de la guerre de Corée. Washington et Séoul ont déclaré s’être mis d’accord sur un projet de déclaration le 29 décembre dernier.
Ainsi, lorsqu’il a présenté ses vœux pour la nouvelle année, le président Moon Jae-in a réaffirmé sa détermination à chercher une « voie irréversible vers la paix » et appelé à reprendre le dialogue et la coopération avec la Corée du Nord.
On espérait donc, en raison de ces derniers développements, que l’année 2022 serait l’aube d’une nouvelle ère de paix et de prospérité, avec, enfin, une déclaration de fin de la guerre entre les deux Corées.
Malheureusement, le lancement ce matin même par Pyongyang d’un projectile non identifié, qui pourrait être un missile balistique, a fait l’effet d’une douche froide. Ce nouvel essai survient en guise de réponse à la proposition de Washington, depuis l’arrivée au pouvoir du président Biden, de reprendre les négociations. Pyongyang indique ainsi qu’il ne changera pas de position et qu’il revient plutôt à Washington d’évoluer.
Jusqu’à présent, la Corée du Nord avait soufflé le chaud et le froid. Alors qu’elle avait qualifié la fin de la guerre d’objectif « admirable », elle a freiné tout progrès tant que Washington et Séoul n’auront pas revu leur « politique d’hostilité ». Pour autant, elle n’a pas mis fin à ses tests balistiques et à sa course à l’armement.
Alors que l’on attendait des signes d’ouverture de la part de Kim Jong-un, son allocution devant le Parti du travail n’a nullement éclairé la communauté internationale sur ses intentions, ni sur les relations intercoréennes, ni même sur les négociations en matière de dénucléarisation avec les États-Unis. Il s’est contenté d’indiquer que, selon lui, « l’environnement militaire de plus en plus instable dans la péninsule coréenne et la situation internationale exigent le renforcement des capacités de défense nationale » du pays et la poursuite de son programme d’armement, sans mentionner Washington.
Tout ceci est amèrement regrettable.
Nous tenons à adresser une pensée toute particulière de solidarité aux habitants de la Corée du Nord, qui vivent aujourd’hui les dures conséquences de décennies de pénurie alimentaire.
Cette pénurie constante découle certes des effets économiques des sanctions internationales, mais aussi du fait que la Corée du Nord continue de faire de son armement une priorité.
Dernièrement, la pénurie alimentaire s’est aggravée à la suite de la fermeture des frontières en réaction à la pandémie de covid-19. Pour la première fois, face à la plus importante récession que son pays a connue au cours des vingt dernières années, le dirigeant nord-coréen, dans son allocution du Nouvel An, a fait de la situation alimentaire et du développement économique ses priorités.
Dans ces conditions, nous formons le vœu que la Corée du Nord fasse véritablement de ces questions sa priorité et qu’elle fasse un pas décisif vers la paix, la stabilité et la prospérité de la péninsule coréenne, pour le seul bénéfice de sa population.
En dépit des derniers mauvais signaux, il est hors de question de baisser les bras. Compte tenu des tensions croissantes dans l’Indo-Pacifique, aboutir à la paix dans cette région constituerait un véritable espoir pour la paix et la stabilité mondiales.
Nous formons donc le vœu qu’un pas soit fait en 2022 vers la normalisation des relations intercoréennes et que la France, monsieur le ministre, y contribue autant que possible. Pour ces raisons, nous voterons la proposition de résolution.
Nous espérons sincèrement que les Coréens du Nord et du Sud auront un jour la chance d’éprouver le même bonheur que celui qu’ont connu les Allemands lors de la chute du Mur de Berlin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Christian Cambon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis tentèrent d’endiguer la progression communiste partout où ils le pouvaient, via la politique dite de containment.
Occupée par les forces japonaises depuis le début du XXe siècle, la Corée, libérée par les Alliés, a fait l’objet d’une partition Nord-Sud.
En 1950, la Corée du Nord a tenté de remettre en cause ce partage et s’est lancée dans une offensive pour envahir la Corée du Sud. Sous l’égide de l’ONU, les États-Unis et leurs alliés sont alors venus au secours de Séoul. Les Soviétiques et les Chinois, quant à eux, ont soutenu Pyongyang.
Après trois ans de guerre et plusieurs centaines de milliers de morts, le conflit s’est stabilisé autour de la ligne du 38e parallèle. La signature d’un armistice a sanctuarisé cette partition. Depuis près de soixante-dix ans, cette ligne divise la péninsule en deux, séparant des milliers de familles.
Cependant, la coexistence des deux Corées n’est guère pacifique. Ainsi, Christian Cambon nous a rappelé que la paix n’a jamais été signée.
En 2006, la Corée du Nord a testé pour la première fois une arme nucléaire. Elle a procédé depuis à plusieurs essais nucléaires et balistiques, menaçant la sécurité de la péninsule et de toute la région.
L’arme nucléaire sanctuarise le régime marxiste du Nord, qui entretient l’idée d’une menace d’invasion du Sud. C’est à cette condition que ce régime, d’un autre temps, parvient à se maintenir, tandis que sa population est opprimée.
Le grand leader lui-même a reconnu récemment des tensions sur l’approvisionnement alimentaire et appelé ses compatriotes à se préparer à des temps difficiles. Nul doute que soixante-dix années de dictature les y auront bien préparés !
Cette guerre, qui n’a jamais pris fin, pèse comme une épée de Damoclès sur la sécurité et la prospérité de la région. Tous les acteurs concernés ont intérêt à ce que les tensions prennent fin et que la péninsule coréenne cesse enfin d’être l’une des plus dangereuses poudrières de la planète.
La présidence Trump a été marquée par un regain des tensions. Après avoir menacé de faire pleuvoir un « feu » et une « fureur » inouïs sur le régime de Pyongyang en 2017, le quarante-cinquième président des États-Unis a cru, l’année suivante, pouvoir mettre un terme au conflit par la voie de la négociation. Le monde a suivi avec beaucoup d’attention la rencontre historique des deux chefs d’État en juin 2018. Les espoirs ont cependant été de courte durée, puisque la série des rencontres s’est achevée par celle de Hanoï en 2019, sans aucune avancée concrète.
La pandémie a aggravé la situation, dans la mesure où elle a provoqué une crise économique, dont tous les effets ne nous sont pas encore connus, mais qui a déjà significativement réduit les échanges internationaux.
Que la Corée du Nord se referme sur elle-même n’est pas une bonne nouvelle pour la paix. Notre vieux continent européen a réussi depuis la fin du dernier conflit mondial à tenir en respect le spectre de la guerre. Nous sommes persuadés que la préservation de la paix en Europe doit beaucoup à la construction européenne et au développement des échanges.
Actuellement, la Corée du Nord est soumise à de sévères sanctions économiques, justifiées par le développement illégal de son programme nucléaire. Il est dans l’intérêt de chacun de l’encourager à renoncer à cet arsenal par le renforcement des échanges économiques.
Selon Montesquieu, « l’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels. » La construction de l’Union européenne prouve l’efficacité de ces principes, et ce depuis le début de la guerre de Corée.
La proposition de résolution de Christian Cambon nous engage à œuvrer pour la paix entre les deux Corées.
Je salue cette initiative, soutenue par la Corée du Sud, en espérant que les assemblées des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne suivront le même chemin.
Le groupe Les Indépendants votera donc avec enthousiasme cette proposition. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et RDPI. – M. Christian Cambon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons une proposition de résolution présentée par Christian Cambon concernant la fin de la guerre de Corée.
Beaucoup de choses ont d’ores et déjà été dites par les orateurs qui m’ont précédé, notamment par l’auteur de ce texte et par ma collègue Catherine Dumas, dont je salue le travail au sein du groupe d’amitié France-Corée du Sud.
Nous voterons en faveur de cette proposition, et ce pour trois raisons.
La première tient à l’histoire : nous devons nous rappeler l’implication de la France dans cette région, qui s’est traduite par l’engagement et le sacrifice des soldats français volontaires dans le bataillon français de l’ONU. Nous devons honorer leur mémoire et continuer à jouer un rôle dans cette zone en participant à l’établissement d’une paix durable. Pour ce faire, nous devons nous saisir des instruments diplomatiques et internationaux qui contribueront à une réconciliation acceptable par tous.
La deuxième raison a trait à l’actualité géopolitique. En dépit de la fin des hostilités, le 27 juillet 1953, la péninsule coréenne ne bénéficie pas d’une paix pleine et entière. La stabilité relative des relations entre la République populaire démocratique de Corée et la Corée du Sud repose sur une convention d’armistice signée par les commandants des trois parties aux négociations de paix : celui des forces des Nations unies, celui de l’Armée populaire de la République démocratique de Corée, devenue Corée du Nord, et celui de l’Armée des volontaires du peuple chinois.
Or le regain des tensions et les démonstrations de puissance récurrentes des États de la région fragilisent fortement un processus de paix inachevé. Ne serait-il pas temps de trouver un prolongement à un armistice qui dure depuis près de soixante-dix ans ?
À l’heure où les États reprennent leur course aux armements, notamment aux armes de destruction massive, qui n’a rien à envier à celle de la guerre froide, il nous faut aborder le difficile et délicat sujet du nucléaire militaire : cette question doit redevenir une priorité dans les agendas diplomatiques.
La Corée du Nord fut un temps partie au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Sa « sortie » du TNP et la poursuite de son programme militaire, accompagnée de plusieurs essais, ont contribué à une escalade des plus dangereuses pour la sécurité mondiale.
Cependant, l’histoire a – tragiquement ! – démontré les limites de la politique d’isolement diplomatique des nations.
Aussi semble-t-il opportun que la France puisse, d’une part, prendre une nouvelle initiative au sein des différentes instances et enceintes internationales destinées à promouvoir le désarmement nucléaire, afin de relancer le dialogue avec la Corée du Nord et, d’autre part, donner un nouvel élan à l’action internationale pour la paix, en favorisant l’émergence de nouveaux instruments juridiques liant les deux pays, car les deux sommets qui se sont tenus en 2018 n’ont pas produit les résultats escomptés.
Alors que la France exerce la présidence de l’Union européenne, son implication pourrait favoriser une mobilisation plus large et une concertation fondée sur le renouveau. C’est aussi, à mon sens, l’occasion de faire la démonstration de la singularité française, respectueuse de toutes les parties et du multilatéralisme.
Troisième raison, enfin : il est nécessaire de se mobiliser en faveur des populations coréennes, de part et d’autre de la DMZ. Ces dernières années, la France a su établir diverses coopérations, tant scientifiques qu’économiques et culturelles, qui constituent des leviers indispensables pour créer les conditions d’une paix pérenne. Cette proposition de résolution invite le Gouvernement à y ajouter un volet supplémentaire, le volet diplomatique.
Enfin, mes chers collègues, au-delà des États et des armes, il y a des êtres humains, des générations au Nord et au Sud qui méritent que nous nous mobilisions pour la paix. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Christian Cambon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme Olivier Cigolotti l’a indiqué, le cessez-le-feu en vigueur depuis soixante-dix ans n’offre pas un cadre stable aux relations entre les deux Corées et les pays parties à la guerre de Corée.
La France a tout intérêt à soutenir les initiatives en faveur de l’adoption d’une déclaration de fin de la guerre, gage de stabilité dans une région stratégique.
Lors de la dernière visite d’État du président sud-coréen Moon Jae-in, la relation bilatérale entre nos pays s’est renforcée, ce qui a donné lieu à une déclaration conjointe.
Cette dernière reposait sur quatre principes : le dialogue sur les grandes questions internationales ; le développement de la coopération en matière de diplomatie, de sécurité et de défense ; l’approfondissement des relations économiques ; enfin, le développement des échanges et de la coopération dans les domaines des sciences, de l’enseignement, de la culture et des sports. Ces principes ont été réaffirmés lors du dialogue stratégique qui s’est déroulé en mai 2019 entre les ministres des affaires étrangères français et coréen.
L’adoption d’une déclaration de fin de la guerre permettrait également d’aborder la question de la dénucléarisation de la péninsule coréenne, condition d’une paix pérenne.
En effet, si la question du nucléaire chinois prend de l’ampleur, compte tenu des diverses avancées technologiques de la Chine, celle du nucléaire nord-coréen reste préoccupante.
La détente relative que Donald Trump et Kim Jong-un avaient tenté d’instaurer après leur première rencontre à Singapour, en juin 2018, n’a en effet pas permis de faire avancer le dossier de la dénucléarisation dans la région.
La Corée du Nord n’a certes pas réalisé de nouveaux essais nucléaires depuis septembre 2017, mais elle a testé à plusieurs reprises le lancement d’engins susceptibles de transporter des ogives nucléarisées.
Plus inquiétant encore, le 13 décembre dernier, un rapport publié par le Congressional Research Service, agence fédérale dépendant du Congrès des États-Unis, alertait sur le fait que la Corée du Nord continuait de faire progresser ses programmes d’armement nucléaire et de missiles malgré les sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies et les efforts diplomatiques de haut niveau, et soulignait que les récents essais de missiles balistiques et les défilés militaires suggéraient que le régime poursuivait la mise en place d’une force de frappe nucléaire conçue pour échapper aux systèmes régionaux de défense antimissile.
Enfin, en août dernier, l’Agence internationale de l’énergie atomique indiquait que les Nord-Coréens avaient relancé leur réacteur nucléaire de Yongbyon, situé à environ 90 kilomètres au nord de Pyongyang, qui était à l’arrêt depuis décembre 2018. Il s’agit d’un signal préoccupant pour l’équilibre de la zone indo-pacifique.
Dans cette région qui concentre sept des dix budgets en matière de défense les plus importants du monde, l’aggravation des déséquilibres stratégiques et militaires constitue une menace globale qui, de ce fait, pourrait avoir des répercussions directes en France et en Europe.
Le groupe Union Centriste votera donc en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Christian Cambon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de résolution, qui appelle le Gouvernement à œuvrer à l’adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée, est une bonne initiative, dont l’exécutif apprécie l’esprit et la méthode. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour remercier Christian Cambon d’avoir été à l’origine de ce débat.
Pour des raisons qui tiennent d’abord à notre histoire, la France accorde une importance toute particulière à la situation dans la péninsule coréenne.
Nombre d’entre vous l’ont rappelé, ce conflit n’a jamais trouvé de conclusion depuis l’armistice signé le 27 juillet 1953. Beaucoup de nos compatriotes y ont pris part : plus de 3 000 soldats ont combattu au sein du bataillon français intégré aux forces onusiennes, aux côtés de soldats issus de seize autres pays. Près de 300 de nos militaires ont même perdu la vie durant les combats meurtriers qui se sont déroulés entre 1950 et 1953, en particulier lors de la bataille de Crèvecœur à l’automne 1951.
Mme Dumas rappelait tout à l’heure l’émotion qui l’a saisie lors de son passage, avec une délégation du groupe d’amitié France-Corée du Sud, dans la DMZ. J’ai moi aussi éprouvé cette émotion lorsqu’en février 2019 je me suis rendu dans la zone démilitarisée puis ai rencontré des vétérans coréens du bataillon français. J’ai même ressenti une émotion supplémentaire, dans la mesure où ce bataillon comprenait près de 500 militaires issus de mon département. Un monument a du reste été érigé à leur mémoire dans la petite commune de Lauzach, puisque, pour une large part, ils en étaient originaires.
Cet engagement historique emporte certes des devoirs, mais aussi des droits ou, en tout cas, une responsabilité.
Si nous suivons de près ce dossier, c’est aussi parce que les activités illicites menées par la Corée du Nord constituent toujours une menace de premier ordre pour la paix et la sécurité mondiales.
Pyongyang a poursuivi ces derniers mois le développement de ses programmes nucléaire et balistique, en violation des résolutions du Conseil de sécurité.
Dans le domaine nucléaire, le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique, publié en août dernier, fait état d’une reprise, après plusieurs années d’arrêt, de l’activité des installations de Yongbyon. Il s’agit du principal site nucléaire du pays, où se situe un réacteur permettant de produire du plutonium de qualité militaire.
En parallèle, la Corée du Nord a effectué en septembre et en octobre 2021 – il y a donc très peu de temps – cinq séries de tirs de missiles, toutes préoccupantes, mais dont deux attirent plus particulièrement notre attention.
Le 28 septembre dernier, quelques jours après une nouvelle proposition de déclaration de la fin de la guerre de Corée par le président Moon Jae-in, lors de la 76e session de l’Assemblée générale des Nations unies, le régime nord-coréen a annoncé avoir réussi un test de tir de missile intégrant un planeur hypersonique, qui constitue une nouvelle génération de missile dont seul un nombre très restreint d’États disposent aujourd’hui.
Le 19 octobre, la Corée du Nord a également tiré un missile balistique mer-sol depuis un sous-marin, ce qui est une première, poursuivant ainsi ses efforts en vue de la création d’une composante nucléaire sous-marine.
En posant les jalons d’un renforcement significatif et continu des forces nucléaires nord-coréennes, cette séquence a confirmé la priorité que continue d’accorder le régime à l’amélioration et au renforcement de la crédibilité de ses arsenaux d’armes de destruction massive.
D’ailleurs, les sénateurs Gontard et Patriat l’ont mentionné tout à l’heure : aujourd’hui même, les provocations continuent. Quand je dis « aujourd’hui », je parle bien de ce jour même : les autorités sud-coréennes et japonaises viennent d’annoncer un nouveau tir de projectile effectué par la Corée du Nord, qui semble s’apparenter à un tir de missile balistique. Au moment où je vous parle, des vérifications sont en cours pour en déterminer la nature exacte.
En tout cas, face à une telle attitude, nous sommes tous mobilisés autour d’un objectif très clair : le retour rapide, et en toute bonne foi, de la Corée du Nord à la table des négociations, lesquelles sont destinées à obtenir la dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible du pays, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité. J’y insiste : dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible !
À ce titre, la mise en œuvre par l’ensemble de la communauté internationale de l’ensemble des sanctions décidées par le Conseil de sécurité demeure aujourd’hui, faute de mieux, l’instrument fondamental dont nous disposons pour lutter contre la prolifération nucléaire et balistique nord-coréenne.
Je tiens aussi à évoquer la situation des droits de l’homme en Corée du Nord, qui est particulièrement inquiétante.
En témoigne le dernier rapport du secrétaire général des Nations unies sur la question, qui dresse un constat accablant sur la violation de ces droits. Avec nos partenaires européens, nous avons réagi à la publication de ce rapport : en décembre dernier, le Conseil de l’Union européenne a ainsi adopté une décision prorogeant jusqu’en 2022 les mesures prises en mars dernier, dans le cadre du nouveau régime transversal des sanctions européennes en matière de droits de l’homme.
Je souhaite également parler de la situation humanitaire en Corée du Nord, même si son suivi est rendu particulièrement difficile par l’absence de données fiables émanant des autorités nord-coréennes sur la propagation du coronavirus dans le pays, et par la fermeture totale des frontières depuis le début de la pandémie.
Cette fermeture nous a d’ailleurs conduits à restreindre notre dispositif diplomatique à Pyongyang – il existe, même si nous n’avons pas d’ambassadeur en Corée du Nord. Il en va de même des ONG françaises qui portaient assistance à la population, qui ont dû se retirer du territoire nord-coréen. Le contexte n’est donc pas particulièrement séduisant…
J’en viens maintenant à la proposition de résolution.
Ce texte se rapporte à une initiative que le président de la République de Corée, M. Moon Jae-in, a prise en septembre dernier devant l’Assemblée générale des Nations unies, et qui visait l’adoption d’une déclaration de fin de la guerre dans la péninsule coréenne. Cette initiative a fait suite à d’autres actions menées en 2007, 2018 et 2019.
Un projet de communiqué est en cours de négociation, selon les informations dont nous disposons. Nous n’avons pas été sollicités à ce sujet jusqu’à présent mais, comme le Président de la République l’a fait savoir lors d’échanges avec le président Moon Jae-in, la France est favorable à toute initiative visant à apaiser les tensions dans la péninsule coréenne, dans le respect des résolutions du Conseil de sécurité.
Nous considérons en effet que le dialogue intercoréen ainsi que le dialogue entre la Corée du Nord et les principaux pays concernés par cette situation sont indispensables, non seulement pour garantir une paix durable, mais aussi pour préserver la stabilité internationale.
L’esprit constructif que vous avez adopté pour élaborer cette proposition de résolution, monsieur Cambon, est au rendez-vous. Vous appelez le Gouvernement à œuvrer en faveur de la reprise du dialogue : sachez que ce vœu est largement partagé, et ce d’autant plus que toutes les initiatives en ce sens s’inscrivent dans notre stratégie indo-pacifique. Il s’agit en effet d’un élément clé pour renforcer la sécurité, ainsi que notre présence dans cette zone, et d’un acte d’affirmation politique.
Au-delà de ces principes, c’est à la lumière des dispositions précises que prévoira le communiqué en cours de discussion que le gouvernement français adoptera sa position définitive. Je souligne à cet égard l’importance de nos exigences en matière de démantèlement des programmes nucléaires et, en particulier, de dénucléarisation. Pour lever toute ambiguïté, nous entendons que les termes même employés dans les résolutions du Conseil de sécurité soient repris, à savoir un démantèlement « complet », « vérifiable » et « irréversible ».
Depuis septembre 2020, l’Assemblée nationale de la République de Corée travaille également à la rédaction d’un projet de texte de même nature, qui n’a pas encore été adopté.
Pour arrêter sa position définitive, dont vous percevez l’esprit, le Gouvernement examinera là encore avec la plus grande attention les termes dans lesquels se prononcera in fine la représentation parlementaire de la République de Corée.
Compte tenu de ces différents éléments, le Gouvernement choisit de s’en remettre à la sagesse du Sénat. C’est la force de la diplomatie parlementaire, à laquelle vous tenez tant, monsieur Cambon, que de mobiliser, d’anticiper et de tracer un chemin. (M. Christian Cambon acquiesce.) C’est ce que vous faites en organisant ce débat et en proposant l’adoption de cette proposition de résolution.
Dans la période qui s’ouvre, sachez que vous pouvez compter sur mon ministère pour continuer à soutenir le rapprochement intercoréen et favoriser à la fois les échanges avec la Corée du Sud et le dialogue entre toutes les parties. Nous poursuivrons nos efforts pour apaiser les tensions dans la péninsule coréenne et préserver la stabilité et la sécurité internationales. (Applaudissements.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution appelant le gouvernement à œuvrer à l’adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Considérant la guerre qui a impliqué les Forces des Nations unies et seize pays, notamment la République française, les États-Unis et la République populaire de Chine, à partir du 25 juin 1950 ;
Considérant que ce conflit majeur, conclusion d’une escalade d’affrontements dans la péninsule coréenne, découle largement du contexte de la guerre froide qui s’est développé après la fin de la Seconde Guerre mondiale ;
Considérant le bilan tragique des combats qui ont fait de la péninsule coréenne un champ de ruines (plus de 5 millions de morts et de blessés, 6,5 millions de réfugiés, des centaines de milliers d’orphelins et plus de 10 millions de familles séparées) ;
Considérant la signature le 27 juillet 1953 d’une convention d’armistice « en vue d’établir un armistice qui assurera la cessation complète des hostilités et de tous actes de guerre en Corée jusqu’à ce qu’intervienne un règlement pacifique définitif du conflit coréen » par le commandant en chef des Forces des Nations unies, d’une part, et le commandant suprême de l’Armée populaire coréenne de la République populaire démocratique de Corée (« Corée du Nord ») et le commandant des Volontaires du peuple chinois, d’autre part ;
Considérant le caractère provisoire, et par conséquent instable de cette convention d’armistice qui ne suspend que temporairement les combats, ne met pas officiellement fin à la guerre et n’aboutit pas à un règlement pacifique et définitif de la situation, ce qui induit que, soixante-huit ans après la signature de la convention d’armistice, la péninsule coréenne reste en proie aux tensions, aux confrontations militaires répétées et à une inutile course aux armements ;
Considérant la persistance de fait et de droit de l’« état de guerre » qui constitue une menace de confrontations militaires, qui suscite la peur des populations de la République de Corée, dite « Corée du Sud », et de la Corée du Nord, qui compromet la liberté et les droits humains et qui favorise une course aux armements infinie dont les conséquences négatives pèsent sur la paix mondiale ;
Considérant l’absence de traduction concrète de la déclaration des dirigeants de la Corée du Sud et de la Corée du Nord du 27 avril 2018, à l’issue du Sommet intercoréen de Panmunjom, qui envisageait de « procéder à la déclaration de fin de guerre en vue de remplacer la convention d’armistice par un traité de paix afin d’instaurer un régime de paix pérenne » ;
Considérant le soutien apporté par les dirigeants des États-Unis et de la Corée du Nord, lors du Sommet de Singapour du 12 juin 2018, à la déclaration de Panmunjom, prévoyant « d’établir de nouvelles relations pour la paix et la prospérité d’après l’aspiration des peuples des deux pays » ;
Considérant l’importance que revêtirait une déclaration de fin de guerre constatant « la fin officielle et définitive de la guerre de Corée » pour la communauté internationale ;
Considérant qu’une telle déclaration ouvrirait la voie à l’instauration d’une paix favorisant la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne au profit d’une coexistence pacifique ;
Invite le Gouvernement à prendre les initiatives diplomatiques pour inciter les pays parties à la guerre de Corée (la Corée du Sud, la Corée du Nord, les États-Unis et la Chine) à adopter une « déclaration de la fin de la guerre de Corée » mettant officiellement fin à l’état de guerre et instaurant un régime de paix dans la péninsule coréenne ;
Appelle le Gouvernement à soutenir cette « déclaration de la fin de la guerre de Corée » et à participer à sa reconnaissance par la communauté internationale y compris les Nations unies ;
Invite le Gouvernement à travailler avec les pays parties à la guerre de Corée pour entamer le dialogue en vue de la signature d’un traité de paix qui remplace la convention d’armistice ;
Invite le Gouvernement à soutenir les efforts déployés par les pays du monde, y compris la Corée du Sud, pour la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne et l’instauration d’une paix pérenne.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
(La proposition de résolution est adoptée à l’unanimité.) – (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est des moments dans la vie d’un élu où l’on peut ressentir une légitime fierté pour le travail que l’on a accompli. Tel est bien le sentiment que je souhaite partager avec vous en cet instant.
Le Sénat, une fois de plus, agit pour la paix. Pour ce faire, il s’est saisi de toutes les procédures et de tous les moyens dont il dispose pour montrer la voie à suivre.
Je vous remercie, monsieur le ministre, et je remercie l’ensemble du Gouvernement, pour avoir soutenu cette proposition de résolution dans les termes qui viennent d’être rappelés.
Je suis persuadé que cette initiative, que nous sommes la première assemblée du monde occidental à voter, sera suivie par d’autres, du reste pas n’importe lesquelles, puisqu’un travail sur le sujet est actuellement en cours au Congrès américain, ainsi que dans les parlements britannique et allemand. Je suis évidemment très fier que le Sénat ait adopté ce texte, et je tiens à partager cette fierté avec vous tous, au-delà des appartenances politiques des uns et des autres.
Une résolution ne permet certes que de formuler des recommandations, mais nous savons d’expérience les effets que les résolutions du Sénat peuvent avoir. C’est pourquoi, mes chers collègues, je tiens à vous exprimer ma très grande gratitude et ma reconnaissance pour avoir fait ce geste en faveur de la paix. (Applaudissements.)
6
Défense extérieure contre l’incendie : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires
Débat sur les conclusions d’un rapport d’information de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, sur les conclusions du rapport d’information Défense extérieure contre l’incendie : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour un rappel au règlement.
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Madame la secrétaire d’État Bérangère Abba, je vous souhaite la bienvenue au Sénat.
Comme vous le savez, les débats d’initiative sénatoriale traitent de sujets importants. Ils constituent un espace de dialogue très constructif entre les sénateurs et le Gouvernement, dès lors que toutes les conditions sont réunies.
Madame la secrétaire d’État, mon propos ne vous vise pas personnellement, mais il sera franc et direct. N’hésitez surtout pas à transmettre ce message à vos collègues.
Nous allons débattre aujourd’hui d’enjeux très importants.
Le débat que nous allons avoir résulte d’une saisine de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation par le président du Sénat lui-même, qui fait suite aux remarques de très nombreux élus, notamment de communes rurales, partout en France.
Ceux-ci nous ont fait part de difficultés graves, voire insolubles : en raison des obligations et des dépenses onéreuses induites par les politiques publiques en matière de défense extérieure contre l’incendie (DECI), non seulement les finances de certaines communes sont mises à mal, mais elles risquent de s’effondrer. Dans certains cas, l’absence de DECI peut même bloquer la construction de nouvelles habitations.
Nos collègues Hervé Maurey et Franck Montaugé, que je salue, ont conduit avec une grande rigueur un excellent travail d’évaluation des nouvelles normes en matière de DECI. Leur travail s’accompagne d’une liste de propositions, saluées par de nombreux maires de tous les départements de France, qui attendent du Gouvernement la mise en œuvre d’un plan d’action.
La défense extérieure contre l’incendie relève de la compétence des collectivités locales, mais aussi du ministère de l’intérieur et du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Madame la secrétaire d’État, ne voyez aucune insolence – tout au plus un peu de naïveté – dans mes propos : je vous avoue que le lien entre la biodiversité, domaine dont vous êtes chargée, et la défense contre l’incendie m’avait totalement échappé.
Aussi, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. … au nom de nos collègues rapporteurs, au nom de tous les maires et de tous les élus ici présents, permettez-moi de vous faire part de mon incompréhension, voire de mon étonnement – pour ne pas dire davantage –, de constater l’absence incongrue de représentants de ces deux ministères au banc du Gouvernement cet après-midi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour un rappel au règlement.
Mme Céline Brulin. Madame la secrétaire d’État, je veux à mon tour vous faire part de notre étonnement. Durant un instant, avant que – heureusement ! – vous nous rejoigniez, nous avons même cru qu’aucun membre du Gouvernement ne serait présent pour débattre avec nous !
Mon intervention ira dans le même sens que celle de Françoise Gatel : le lien entre la défense extérieure contre l’incendie et la défense de la biodiversité – cette question, tout à fait noble au demeurant, doit évidemment constituer une priorité – n’est pas évident à nos yeux.
Dans leur rapport, nos collègues Franck Montaugé et Hervé Maurey se sont fait l’écho des immenses difficultés rencontrées par de très nombreux maires, notamment sur les plans financier et foncier. Ils soulignent aussi le fait que la DECI requiert des débits d’eau importants – nous y reviendrons sans doute au cours du débat.
Comme on vient de le rappeler, pas moins de quatre ministres ou secrétaires d’État avaient l’occasion, cet après-midi, d’apporter des réponses concrètes et utiles aux questions que nous allons poser.
Madame la secrétaire d’État, sans vous faire offense, je crains que vous ne soyez pas en mesure de nous donner ces réponses.
M. Daniel Laurent. Tout à fait !
Mme Céline Brulin. Il y va pourtant du développement des communes, de la délivrance des permis de construire, pour ne citer que cet exemple, et, plus largement, du crédit de la parole publique. Le travail de nos collègues prend appui sur les préoccupations des élus locaux, qui, parce qu’elles sont concrètes et urgentes, appellent des solutions rapides. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, UC et Les Républicains.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie pour cet accueil chaleureux ! (Sourires.)
Je porte aujourd’hui la parole du Gouvernement : c’est une faculté offerte, comme vous le savez, à chacun de ses membres. En l’occurrence, je suis présente à la demande de Marlène Schiappa, qui est retenue auprès du Président de la République, et de Jacqueline Gourault, qui, en raison d’engagements pris depuis très longtemps, ne pouvait pas répondre favorablement à votre invitation.
La réponse du Gouvernement est évidemment primordiale et attendue. En tant qu’ancienne élue locale et ancienne parlementaire, je comprends bien vos préoccupations. Dans mon territoire, la Haute-Marne, je travaille de longue date sur ces sujets. J’ai d’ailleurs préparé avec beaucoup de soin notre débat et me réjouis de nos échanges à venir.
M. le président. Dans le débat, la parole est à M. Hervé Maurey, rapporteur de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui a demandé ce débat.
M. Hervé Maurey, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État – je suis moi aussi étonné de vous voir au banc du Gouvernement, ce qui ne m’empêche évidemment pas de vous saluer –, mes chers collègues, ce débat sur la défense extérieure contre l’incendie, qui nous réunit cet après-midi, est organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation dans le prolongement du rapport Défense extérieure contre l’incendie : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires que Franck Montaugé et moi-même avons présenté en juillet dernier.
Ce rapport fait suite à une saisine de la délégation par le président du Sénat.
Il est tout d’abord nécessaire de rappeler que la loi du 17 mai 2011 a substitué à la réglementation nationale en matière de défense extérieure contre l’incendie le principe d’une réglementation départementale, établie par le préfet en concertation avec les élus locaux, l’objectif étant de répondre aux spécificités des différents territoires.
Dix ans après l’adoption de cette loi, force est de constater que cette réforme, souhaitée par les élus, notamment par l’Association des maires de France, n’a pas répondu à leurs attentes.
Elle a, au contraire, provoqué un large mécontentement des maires, qui s’explique en grande partie par le caractère inégal et souvent très insatisfaisant de la concertation prévue par le décret de 2015. Selon l’enquête que nous avons menée, 70 % des maires considèrent que la concertation n’a pas été satisfaisante, et 81 % d’entre eux estiment que leur territoire n’est que partiellement couvert au regard des nouvelles normes.
Selon les informations transmises par les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), près d’une habitation sur trois ne serait pas bien protégée contre le risque incendie, ce qui concernerait entre 6 et 7 millions de nos concitoyens – ce chiffre est colossal !
Autre point négatif de la mise en œuvre de la réforme, la DECI est dépourvue de toute étude d’impact préalable. Il en résulte que la plupart des règlements ne répondent pas, ou insuffisamment, aux spécificités infradépartementales et à la différence de dangerosité entre les agglomérations, les bourgs, les centres-bourgs, les hameaux, ou les maisons isolées. Surtout, ils ne tiennent pas compte des capacités financières des communes.
De nombreux maires nous ont fait part des difficultés auxquelles ils sont confrontés. Ils se trouvent dans l’obligation de renoncer à des investissements importants pour leur commune, sur lesquels ils s’étaient pourtant engagés lors de leur campagne électorale, en raison du coût de la mise en conformité avec le règlement départemental de défense contre l’incendie. Ce sont parfois en effet des investissements de plusieurs centaines de milliers d’euros qui sont demandés à de toutes petites communes.
Je citerai l’exemple de la commune des Bottereaux, située dans le département de l’Eure, qui compte 380 habitants et dispose d’un budget d’investissement de 210 000 euros. Les travaux de mise en conformité s’y élèveraient – j’emploie le conditionnel à dessein – à 3,6 millions d’euros ! Je n’ai pas besoin d’en dire davantage.
Aux aspects financiers s’ajoutent parfois des contraintes techniques liées au débit du réseau, qui ne permet pas l’installation d’une borne, ou au manque de disponibilité de terrains pour l’installation d’une réserve d’eau. Cette situation conduit de nombreux maires à refuser toute autorisation d’urbanisme, enclenchant ainsi un cercle vicieux de baisse de population – et donc de ressources – et de fermeture des classes.
À l’heure où la revitalisation des territoires ruraux s’impose comme une priorité et où des crédits importants sont consacrés à cet objectif, les règlements départementaux de défense extérieure contre l’incendie (RDDECI) viennent trop souvent nuire aux actions menées en ce domaine.
Tels sont les éléments que je souhaitais évoquer dans le temps qui m’était imparti. Je laisse à mon collègue Franck Montaugé le soin de présenter nos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-Claude Anglars applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, rapporteur de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
M. Franck Montaugé, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission d’information conduite par Hervé Maurey et moi-même, avec le soutien matériel de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que je tiens à saluer, a permis de dresser, avec un recul de près d’une décennie, un premier bilan de la défense extérieure contre l’incendie.
Toutefois, ce bilan doit être, selon nous, complété par un audit national de la DECI conduit par l’État. Cette recommandation a d’ailleurs été accueillie favorablement par le ministre de l’intérieur lorsque nous lui avons présenté notre rapport le 7 décembre dernier.
Pour l’avenir, un meilleur suivi des dépenses des communes en matière de défense contre l’incendie pourrait être envisagé en détaillant l’instruction M14 de manière à faire apparaître clairement le poste de dépenses afférant à cette charge.
Il nous paraît aussi nécessaire de faire précéder les décisions relatives au règlement départemental d’une étude d’impact, afin de mesurer les conséquences financières de ces décisions sur les communes et de mieux prendre en compte les autres solutions possibles. Je pense par exemple aux bâches et autres points d’eau naturels pouvant être utilisés dans un cadre contractuel maîtrisé – cela renvoie d’ailleurs à la problématique plus générale de l’eau en milieu rural.
Il faut en outre insister sur la nécessité d’une méthodologie de concertation, exigeante et précise, des acteurs de la défense extérieure contre l’incendie. Jusqu’à présent, la concertation a trop souvent été plus formelle que réelle. Le périmètre des acteurs concernés comprend certes les partenaires institutionnels et les organisations d’élus, mais il doit s’élargir à l’ensemble des maires.
L’une des principales barrières à la mise en conformité des communes, en particulier les plus petites d’entre elles dans les zones rurales, est son coût. C’est pourquoi un soutien budgétaire significatif de l’État s’impose. Doté de 10,5 milliards d’euros, le plan France Relance est, à cet égard, une occasion à saisir. Selon nos calculs, il faudrait 1,2 milliard d’euros pour couvrir les investissements sur trois ans.
La dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) pourrait également être davantage mobilisée. Actuellement, ce n’est pas le cas dans tous les départements. Le recours à cette dotation devrait être généralisé dans chaque département, pour des montants pouvant aller jusqu’à 100 % du coût du projet à financer, en fonction de critères à définir avec les maires.
Après avoir ainsi répondu à l’urgence, il sera nécessaire de faire un bilan, dans trois ans, de cette mobilisation accrue de la DETR et du financement par le plan France Relance, et de réfléchir à une source de financement plus pérenne.
Les normes en matière de défense extérieure contre l’incendie doivent désormais être figées, et ce après avoir intégré les moyens des SDIS dans les arbitrages à rendre.
Il faut en effet choisir des solutions garantissant une répartition optimale des coûts entre les SDIS et les communes. De même, il convient d’élaborer des règles distinctes et proportionnées à la réalité du risque et à la nature du projet. Pour y parvenir, une approche infradépartementale fine est requise. Cette démarche résultera nécessairement d’une révision des schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR).
Mais tout ne relève pas nécessairement de la puissance publique. Les dispositifs d’autoprotection ont ainsi probablement un rôle important à jouer dans le domaine de la défense extérieure contre l’incendie. En France, la culture du risque est peu répandue et inégalement diffusée. Il est surprenant que l’obligation d’installation d’un détecteur de fumée, effective depuis 2015, soit si peu respectée et qu’elle ne fasse que très rarement, voire jamais, l’objet d’un rappel. Le renforcement de l’autoprotection doit favoriser, en retour, l’assouplissement des règles imposées aux communes.
Enfin, dans cette approche rénovée, le numérique et les innovations technologiques offrent des pistes intéressantes d’optimisation de la défense contre l’incendie.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voici le large cadre dans lequel s’inscrit notre débat de ce jour. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains. – M. Alain Marc applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous présenter mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année, qui débute une fois encore dans un contexte sanitaire des plus complexes, lequel donne lieu à des débats indispensables, comme celui qui nous réunit aujourd’hui.
Je vous prie de nouveau de bien vouloir excuser l’absence de Marlène Schiappa et de Jacqueline Gourault.
Je suis très honorée d’aborder devant vous la question de la défense extérieure contre les incendies, dont le nombre et la violence augmenteront du fait du réchauffement climatique. Le Gouvernement a à cœur de travailler à la prévention des risques liés à ces incendies. Le développement de la culture du risque et l’amélioration de la gestion des ressources en eau, qui font partie du champ de compétences du ministère de la transition écologique, y contribueront.
En août dernier, à la suite d’un déplacement dans le Var, j’ai pu constater les ravages du feu dans la plaine des Maures, une réserve naturelle nationale malheureusement dévastée cet été. Cela nous a conduits à reconsidérer la question de l’entretien de certains espaces naturels protégés en vue de prévenir les incendies.
Votre rapport, messieurs les sénateurs Maurey et Montaugé, nous conduit à juste titre à nous interroger sur le fondement même de la politique de défense extérieure contre l’incendie. Il convient ainsi d’assurer la disponibilité d’une quantité d’eau suffisante sur l’ensemble du territoire, tout en donnant la priorité à la sauvegarde des hommes et des zones habitées. Le domicile des Français doit être protégé, et les sapeurs-pompiers doivent pouvoir intervenir avec des moyens en eau suffisants pour éteindre les incendies, rapidement et en toute sécurité.
La DECI relève de la compétence des maires et des présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elle s’inscrit dans le prolongement des politiques de l’eau et d’aménagement du territoire.
Le rapport insiste sur la nécessité d’adapter la réponse en matière de DECI à la réalité des territoires et aux contextes locaux et de prendre en compte les obligations qui pèsent sur les collectivités, autrement dit les besoins, les moyens et les préoccupations de chacun. Nous poursuivons donc le même objectif : un cadre doit certes être défini au niveau national, mais il convient de laisser aux acteurs du territoire le choix des moyens pour y parvenir.
Plusieurs principes ont présidé à l’élaboration du décret de 2015, parmi lesquels la déconcentration, l’équilibre entre les règles de la DECI et les moyens des SDIS, ou encore le principe d’une concertation menée au plus près des contextes locaux.
Depuis cette réforme, le cadre législatif et réglementaire, défini dans le code général des collectivités territoriales, repose sur une approche territorialisée et pragmatique de la DECI. Le volume des débits et l’espacement des points d’eau sont désormais fixés dans le cadre du règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie, élaboré par les SDIS après consultation des maires. Ces règlements sont ensuite arrêtés par le préfet du département, après avis du conseil d’administration du SDIS. Les règles sont donc applicables dans chaque territoire, mais peuvent et doivent être adaptées localement.
Partout, nous devons rechercher cet équilibre entre les moyens mobiles des SDIS et les ressources communales. Le référentiel national de la DECI se contente de fournir un cadre méthodologique, car l’essentiel du travail doit être réalisé au niveau départemental.
Les communes et les EPCI peuvent mettre en place des schémas communaux ou intercommunaux, qui déterminent les objectifs de couverture des risques dans les territoires et définissent les équipements à mettre en place prioritairement pour satisfaire à l’ensemble des exigences du RDDECI. Les SDIS peuvent évidemment apporter leur concours aux collectivités territoriales pour élaborer ces documents.
Dans votre rapport, messieurs les sénateurs, vous insistez à juste titre sur l’esprit de la réforme, c’est-à-dire l’indispensable adaptation de la DECI aux besoins des territoires, et sur la nécessité, pour les élus locaux, de s’en imprégner. La concertation avec les élus, pourtant obligatoire pour l’élaboration du RDDECI, a été insuffisante dans certains départements.
Vous formulez vingt et une propositions pour améliorer la situation.
En effet, bien que la loi prévoit d’adapter localement les objectifs de la politique de sécurité anti-incendie, force est de constater – je vous rejoins sur ce point – que des difficultés de mise en œuvre, en cours d’identification par les services du ministère de l’intérieur, existent dans certains départements, pour l’essentiel en Seine-Maritime, en Charente, dans l’Eure et le Gers.
Dans ces territoires, les règles, bien que définies localement, sont considérées par certains élus comme trop sévères, inapplicables ou entraînant des dépenses d’équipement exorbitantes. Si le règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie n’est pas mis en œuvre, le développement des communes peut effectivement être entravé. Nous avons à cœur de résoudre ces difficultés.
Les questions posées par ces élus sont légitimes et rejoignent les préoccupations du Gouvernement : il faut viser l’élaboration d’un dispositif souple, concerté et adapté aux situations locales. Le dispositif doit permettre de concilier le maintien, voire le renforcement de la sécurité de nos concitoyens et des sapeurs-pompiers, et la maîtrise des dépenses, qui doivent être proportionnelles aux besoins. Il reste des progrès à réaliser dans ces domaines.
Je ne remets évidemment pas en cause la nécessité de ce mécanisme décentralisé de définition des règlements départementaux de défense extérieure contre l’incendie. La sécurité des populations et des sapeurs-pompiers prime toute autre considération – je sais que vous me rejoignez sur ce point.
La législation actuelle doit donc continuer à s’appliquer, d’autant que des marges de manœuvre existent bel et bien localement et qu’elles ont été utilisées de manière satisfaisante dans de nombreux départements, conformément au droit en vigueur.
Nous devons cependant surmonter les blocages persistants en prévoyant une révision de ces règlements, découlant d’une concertation véritablement fructueuse, seule capable de mettre fin aux ultimes tensions.
Dans la mesure où il partage plusieurs constats établis par la mission sénatoriale, le Gouvernement convient qu’il est nécessaire d’ajuster certains aspects de ce cadre réglementaire, notamment en vue d’adapter la DECI aux effets du réchauffement climatique, comme la recrudescence des incendies dans les espaces naturels et agricoles.
Aussi, nous avons identifié quatre axes de progrès à court terme.
Premièrement, il convient d’harmoniser les pratiques des SDIS en encourageant la diffusion des bonnes pratiques et leur appropriation par l’ensemble des services.
Deuxièmement, et parallèlement aux travaux de votre mission d’information, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), qui dépend du ministère de l’intérieur, a entrepris d’établir un état des lieux exhaustif en matière de DECI dans tous les départements. L’objectif est d’identifier avec précision les éventuelles difficultés rencontrées sur le terrain et de formuler des propositions pour y remédier. Cette démarche approfondie répond, me semble-t-il, aux préoccupations formulées par votre mission.
Troisièmement, nous encourageons les élus qui sont confrontés à ces difficultés à les signaler au préfet de département, idéalement avant le 31 mars prochain, de sorte que les travaux du Gouvernement en tiennent compte.
Quatrièmement, le ministère de l’intérieur a commandé un rapport d’audit à l’inspection générale de la sécurité civile pour la fin du premier trimestre de l’année 2022. Il s’agit d’établir s’il existe un lien – et, le cas échéant, dans quelle proportion – entre le durcissement des règles régissant la DECI au niveau local et l’évolution des politiques d’équipement des collectivités territoriales durant les cinq dernières années.
M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État, car votre temps de parole est écoulé.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je conclurai, monsieur le président, en ajoutant que le projet de loi 3DS (projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale) prévoit la remise d’un rapport évaluant la mise en œuvre de ces règles.
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Pascal Martin.
M. Pascal Martin. Je remercie vivement notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, en particulier sa présidente Françoise Gatel, d’avoir permis au Sénat de se saisir de la question de la défense extérieure contre l’incendie en lui consacrant une mission d’information. J’adresse toutes mes félicitations à ses rapporteurs, Hervé Maurey et Franck Montaugé, pour le travail qu’ils ont réalisé.
Les représentants des territoires que nous sommes savons à quel point ce sujet est important et sensible localement. Celui-ci me tient particulièrement à cœur, non seulement en tant qu’élu local, mais aussi en tant qu’ancien colonel de sapeurs-pompiers professionnels.
Les difficultés d’application de la nouvelle réglementation sur la DECI sont récurrentes et perdurent. Ainsi, la rigidité des normes complexifie ou rend impossible la délivrance de permis de construire par les maires, malgré une demande croissante. Un budget totalement consacré au financement de la DECI anéantit par ailleurs toute prospective communale durant un mandat.
La problématique de la DECI est très bien résumée dans l’intitulé de la mission d’information et du présent débat : il s’agit d’assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires.
Pour la plupart des communes rurales, où le bâti est diffus et l’habitat morcelé, les obligations imposées par les règlements départementaux de DECI sont très souvent source d’insatisfaction, compte tenu des contraintes urbanistiques, financières et juridiques qu’ils induisent. En résumé, la politique actuelle est en partie inadaptée aux réalités locales.
Aussi, madame la secrétaire d’État, pourquoi ne pas envisager une évolution réaliste et pragmatique de la réglementation ? Je pense notamment à la modulation des distances entre les points d’eau et les zones d’habitation. Ne faudrait-il pas également reconnaître de nouveaux points d’eau naturels tels que la Seine ?
Enfin, ne pourrait-on pas recourir à de nouveaux matériels performants et très fiables comme les motopompes flottantes, qui sont légères et facilement manœuvrables, et qui assurent un débit compris entre 30 et 60 mètres cubes par heure ?
Madame la secrétaire d’État, que pouvez-vous répondre à ces nombreux maires ruraux qui nous interpellent pour nous dire que les règles en matière de DECI paralysent leur action, et qu’ils ne disposent pas des moyens financiers pour faire face à leurs obligations ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Martin, vous soulignez à juste titre qu’en matière de DECI le pragmatisme doit guider l’action publique. Nous en sommes convaincus tout autant que vous.
La diversité des habitats, des distances, des coupures géographiques et la présence naturelle de réserves d’eau doivent s’accorder avec les moyens des services d’incendie et de secours et le réseau des casernes de sapeurs-pompiers. La situation de chaque département et de chaque commune est différente.
Le règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie (RDDECI) est un document synthétique ayant vocation à guider les collectivités. Cela étant, le Gouvernement partage votre constat : ses dispositions doivent s’appliquer de la manière la plus souple possible. Les règles ne sauraient être identiques sur l’ensemble du territoire national.
Je le redis, le dialogue, la concertation, la coconstruction sont possibles à chaque instant, et ce d’autant plus que le Gouvernement s’engage à ce que, dans les prochains mois, les préfets soient à l’écoute de tous les élus qui souhaiteraient porter à leur connaissance des difficultés de mise en œuvre constatées au niveau territorial. Les remarques des élus permettront d’éclairer les travaux conduits par les services du ministère de l’intérieur, ainsi que l’examen du projet de loi 3DS par le Parlement.
Les RDDECI sont amenés à évoluer régulièrement, selon une approche pragmatique permettant d’adapter les moyens aux besoins, tout en gardant la sécurité des Français et des sapeurs-pompiers comme priorité.
M. François Bonhomme. Ça commence bien, vous ne répondez pas à la question !
Mme Agnès Canayer. Ça promet !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Madame la secrétaire d’État, quelles consignes le Gouvernement entend-il donner aux préfets pour que la loi de 2011 soit respectée et que les règlements départementaux ne soient pas la copie conforme du règlement national, mais bien le reflet d’une prise en compte des réalités de terrain que vous venez d’évoquer ?
Dans le projet de loi 3DS, le Sénat a introduit un article prévoyant la remise, d’ici juillet 2022, d’un rapport visant à évaluer la mise en œuvre des règlements départementaux et leurs conséquences en matière financière, d’urbanisme et de développement.
Les communes doivent-elles attendre les conclusions de ce rapport pour engager leurs investissements ?
La question se pose avec plus d’acuité encore dans un département comme le mien, la Seine-Maritime, où le préfet, pour satisfaire nos demandes, vient de consentir à une révision du règlement départemental. Les communes doivent-elles maintenir leurs investissements ou faire une pause en attendant la révision des RDDECI ?
Envisagez-vous, comme le préconise le rapport de nos collègues, de comparer les moyens des SDIS aux coûts exorbitants supportés actuellement par les communes, afin de retenir la solution la moins onéreuse ?
La loi de 2011 étend les compétences des communes. Or l’article 72-2 de la Constitution prévoit que toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence une hausse des dépenses des collectivités locales doit s’accompagner d’un transfert de ressources équivalentes. Dès lors, quel soutien l’État entend-il accorder aux communes ? Je rappelle que les propositions formulées par le Sénat à ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances ont été rejetées par votre majorité à l’Assemblée nationale.
Enfin, la définition actuelle des zones urbaines, qui découle de l’emplacement des panneaux d’entrée et de sortie de ville, n’est pas pertinente à nos yeux, certains bourgs étant aujourd’hui moins denses que des hameaux. Cette définition emporte pourtant des conséquences très importantes pour les communes rurales, puisqu’en découle l’appréciation du seuil de discontinuité de l’habitat, dont la distance est fixée à 200 mètres.
Envisagez-vous de substituer aux critères de définition actuels celui de la densité du bâti, plus pertinent, et d’introduire de la souplesse dans l’évaluation de ces distances ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. La réponse va être intéressante !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Merci pour votre question, madame la sénatrice Brulin, car c’est effectivement tout l’objet de la révision des règlements départementaux de DECI.
Nous avons récemment insisté, et nous le referons très prochainement, sur la nécessité de relancer les concertations à l’échelon local, de remettre l’ouvrage sur le métier dès que nécessaire, avec un véritable esprit d’ouverture, dans le cadre de la révision régulière des RDDECI qui, je le répète, est prévue.
Les communes disposeront rapidement de la visibilité que vous appelez de vos vœux, puisque notre rapport sera publié en juillet 2022. Cela étant, elles peuvent dès à présent solliciter leur préfet de département, afin d’exposer précisément leurs besoins et leurs projets d’investissement.
Mme Céline Brulin. Mais que doivent-elles faire en attendant ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Concrètement, elles doivent solliciter leur préfet, qui sera tout à fait sensible et à l’écoute… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, c’est la secrétaire d’État qui a la parole !
M. François Bonhomme. Nous sommes obligés de l’interpeller, monsieur le président !
M. le président. Veuillez laisser Mme Abba s’exprimer !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. S’agissant de l’évaluation des moyens des SDIS, l’audit que le Gouvernement a demandé à l’inspection générale de la sécurité civile pour le premier trimestre 2022, sur la base d’un panel de départements, devrait nous permettre de comparer les moyens techniques engagés et, sans doute, de dégager des solutions alternatives susceptibles d’être généralisées.
M. François Bonhomme. Autrement dit, on réfléchit !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Mes chers collègues, dans cette assemblée qui représente les territoires, nous connaissons tous l’importance des services de défense extérieure contre l’incendie.
Le débat, proposé aujourd’hui fort à propos par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, porte bien son nom : il s’agit de traiter de l’équilibre entre les enjeux territoriaux et la protection des personnes.
Je souhaiterais évoquer deux sujets.
Le premier concerne la gestion des réseaux d’eau.
Actuellement, les modifications apportées sur un réseau d’eau, à savoir l’extension géographique ou la dilatation, c’est-à-dire l’augmentation de sa capacité, sont gérées au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Ces évolutions se font parfois – souvent ! – en bonne entente. Pour autant, la coconstruction avec les élus manque de la souplesse nécessaire, au regard notamment de la réforme adoptée. Hélas, nous connaissons déjà, ici ou là, des conflits, parfois même judiciarisés, entre collectivités et SDIS au sujet de l’insuffisance des moyens alloués à la DECI.
Le Gouvernement envisage-t-il une modification de la réglementation afin de prévoir, lorsque les gestionnaires des réseaux d’eau passent de nouveaux contrats ou modifient le fonctionnement de leur régie, une clause de concertation obligatoire garantissant une meilleure prise en compte, non seulement des besoins en eau pour la défense contre l’incendie des territoires, mais aussi de la réalité à laquelle sont confrontés les élus, en particulier – nous l’avons évoqué – en matière de construction ?
Ma seconde préoccupation résulte d’une problématique que je rencontre souvent dans mon département. Elle est peut-être légèrement hors sujet, mais je vais tout de même y consacrer quelques secondes. Il s’agit du débroussaillage.
Souvent, des problèmes, à la fois pratiques et financiers, apparaissent quand un particulier ne satisfait pas à ses obligations en la matière. Un voisin peut alors se voir transférer cette obligation, source de dépenses dont le recouvrement n’est pas évident pour les petites communes. L’obligation de débroussaillage crée de nombreuses difficultés de développement, dans un cadre sécurisé, pour les territoires ruraux les moins riches.
Le Gouvernement entend-il apporter des solutions à cette situation, afin d’éviter que les communes aient à choisir entre leur équilibre financier et la sécurisation de leur territoire ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. S’agissant du rôle des acteurs de la DECI dans la gestion des réseaux d’eau, la première des priorités, je le redis, est celle de la sécurité, d’abord, la sécurité des personnes et, a fortiori, celle des sapeurs-pompiers.
Je vous rejoins, monsieur le sénateur Benarroche, sur le fait qu’il est absolument essentiel de travailler à l’harmonisation des pratiques permettant à nos sapeurs-pompiers de bénéficier de moyens suffisants pour intervenir avec succès lors des opérations de lutte contre les incendies.
Cela étant, il faut aussi rappeler que le maintien en conditions opérationnelles et le contrôle des réseaux d’eau relèvent bien de la compétence eau et assainissement, laquelle est exercée à titre obligatoire par les EPCI. Il s’agit bien d’une compétence distincte de la DECI, qui, elle, est placée sous l’autorité du maire. Néanmoins, les communes peuvent transférer à tout moment leur compétence en matière de DECI à l’intercommunalité, sauf en cas d’exercice de cette compétence à titre obligatoire, comme c’est le cas pour les métropoles.
La loi indique clairement que, lorsque l’approvisionnement des points d’eau destinés à la DECI nécessite de recourir à un réseau de distribution d’eau, cette gestion ne relève pas des sapeurs-pompiers, même si ces derniers figureront toujours parmi les premiers conseillers techniques des élus locaux et des collectivités en la matière.
Par ailleurs, vous vous interrogez sur la possibilité de transférer les pouvoirs de police spéciale de la DECI aux syndicats d’eau. Cette solution ne me semble pas pertinente. En effet, la compétence en matière d’eau et d’assainissement relèvera de tous les EPCI à fiscalité propre en 2026. Contrairement à ces EPCI, tous les syndicats d’eau ne sont pas armés pour exercer un tel pouvoir de police, qui, comme vous le savez, renvoie à de lourds enjeux et s’inscrit dans un cadre juridique sensible.
Si le transfert de ces pouvoirs de police spéciale était envisagé, il me semblerait tout à fait indispensable de le conditionner au transfert de la compétence DECI au syndicat mixte concerné. Il devrait par ailleurs relever du régime des transferts facultatifs, et non automatique. L’opération résulterait alors de l’initiative des communes, sous réserve de l’accord de l’ensemble des maires des communes membres de l’EPCI et du président du syndicat.
M. le président. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. L’une des principales difficultés auxquelles les élus se heurtent en matière de défense extérieure contre l’incendie, telle que cette politique est mise en œuvre aujourd’hui, réside dans le fait que les règles sont complexes et insuffisamment adaptées aux territoires.
L’enquête de nos rapporteurs fait apparaître que de nombreux maires nouvellement élus reconnaissent ne pas être en mesure de s’approprier la matière et de porter une appréciation sur cette politique à l’échelle de leur territoire, par manque de compétences techniques.
Il y a donc, d’un côté, la complexité des règles qui vient empêcher, presque de fait, une appréciation décentralisée de la DECI par les élus locaux et, de l’autre, la rigidité du cadre normatif qui vient bloquer fondamentalement toute démarche de différenciation. À cela, il faudrait ajouter les difficultés budgétaires qu’occasionne ce service dans les territoires ruraux.
Face à toutes ces contraintes qui tiennent les élus locaux en échec, il existe un régime de responsabilité particulièrement exigeant, parfois confus, mêlant responsabilité administrative de la commune et responsabilité personnelle du maire.
Chacun sait que, depuis les années 1990, le juge administratif a cessé de requérir une faute lourde pour engager la responsabilité administrative d’une autorité publique. Cela vaut pour l’autorité communale en cas de sinistre lié à la défaillance des services de lutte contre l’incendie.
Nos administrations locales font donc face à un régime particulièrement pointilleux, quand bien même, comme l’a souligné le rapporteur public Vincent Villette dans ses conclusions sur l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 18 décembre 2020, chacun connaît la difficulté intrinsèque de l’action des maires en raison du caractère « périlleux » propre à la DECI.
Dans ces conditions, madame la secrétaire d’État, quel régime juridique pourriez-vous imaginer afin de ne pas faire peser une charge trop lourde sur nos élus locaux, qui apparaissent de plus en plus isolés ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Effectivement, une des principales difficultés auxquelles font face les maires pour mettre en œuvre la réforme de la DECI est celle de l’appropriation – en particulier nouvellement élus – des nouvelles règles en vigueur.
Nous avons fait le choix de laisser les acteurs de terrain décider par eux-mêmes des moyens permettant d’assurer une défense contre l’incendie adaptée à la réalité des territoires. Je vous sais, mesdames, messieurs les sénateurs, sensibles à ce type de démarche locale et ancrée dans la réalité de terrain. Ce vécu, c’est évident, diffère selon que l’on se trouve en zone urbaine, semi-urbaine ou rurale.
Comme vient de l’indiquer M. Gold, les maires ont dans ce cadre une responsabilité à la fois personnelle et administrative. Si le juge administratif a effectivement adopté une position très restrictive sur la question de la faute personnelle, la responsabilité administrative des élus demeure.
À cet égard, la meilleure manière de se protéger et de protéger les intérêts de la commune est sans doute d’avancer vers la réalisation d’un schéma communal ou intercommunal de DECI. Dans ce cadre, l’intercommunalité sera en mesure d’apporter un soutien technique essentiel aux maires, notamment ceux des communes rurales.
M. François Bonhomme. N’importe quoi ! Parfaite langue de bois !
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione.
M. Lucien Stanzione. Nos débats au sujet de l’excellent rapport de nos collègues Hervé Maurey et Franck Montaugé concernant la défense extérieure contre l’incendie démontrent, une fois de plus, que les réponses et solutions en la matière passent par une approche strictement territoriale, tenant compte de la particularité de chaque département et de chaque commune, ainsi que de leur capacité contributive.
Pour ma part, je voudrais revenir sur la question du volontariat.
Le manque d’effectifs de sapeurs-pompiers volontaires est réel et pose un véritable problème dans de nombreux départements.
Le Parlement a adopté à l’automne la proposition de loi, dite Matras, visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels. Celle-ci prévoyait l’instauration d’une bonification sous la forme d’une validation de trois trimestres supplémentaires d’activité au bout de dix ans d’engagement.
Mais ce dispositif a été amendé par l’Assemblée nationale, la réforme des retraites n’ayant pu aboutir. Cette bonification a été remplacée par un renforcement de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR). Or la revalorisation des montants de cette prestation n’est prévue que par voie réglementaire.
Mes questions sont donc simples, madame la secrétaire d’État. Où en sont les discussions entre l’État et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France à ce sujet ? Quelles propositions concrètes entendez-vous présenter ?
Il est urgent d’aboutir à un dispositif progressif permettant de fidéliser et de récompenser les sapeurs-pompiers volontaires.
Je vous rappelle à ce sujet que, devant le congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, qui s’est tenu à Marseille, le Président de la République a indiqué vouloir reprendre l’idée d’une bonification de la retraite des sapeurs-pompiers volontaires, au titre de la solidarité nationale, dans le cadre du travail préparatoire à la prochaine réforme des retraites.
Sans attendre celle-ci, il faut progresser dans la voie de la fidélisation et de la reconnaissance des services rendus. Les femmes et les hommes concernés le méritent amplement !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, votre question nous éloigne quelque peu du cœur de ce débat. Elle n’est pas pour autant totalement dénuée de lien avec la DECI, puisqu’elle concerne la capacité offerte à tous nos sapeurs-pompiers, qu’ils soient volontaires ou professionnels, d’intervenir dans les meilleures conditions de sécurité.
Le modèle de sécurité civile français, ce modèle auquel nous sommes tous très attachés – comme nous avons eu l’occasion de l’affirmer lors de l’examen de la proposition de loi Matras récemment votée par le Parlement –, compte 200 000 sapeurs-pompiers volontaires. Ni salariés ni fonctionnaires, ces derniers ne bénéficient d’aucune pension de retraite.
Le Président de la République s’est donc engagé – et c’est aussi le souhait de nos concitoyens – à attribuer à ces sapeurs-pompiers volontaires, à l’issue de leur engagement, une allocation annuelle via la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance, et ce pour récompenser leur action au service de la Nation.
Le versement de cette rente annuelle, dont le montant varie selon la durée de l’engagement, est soumis à des conditions que vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs : atteinte de la limite d’âge et accomplissement d’un minimum de vingt années de service.
Lors du congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, qui s’est tenu en novembre dernier, le Président de la République a annoncé une revalorisation de cette prestation, dont le financement – vous le savez tous très bien ici – est partagé entre les SDIS et l’État.
Un travail est donc en cours, en lien avec les financeurs des SDIS, pour définir les modalités de cette revalorisation et sa traduction budgétaire.
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Je tiens d’abord à vous dire, madame la secrétaire d’État, que votre présence ne me choque pas. Une biodiversité en bon état, c’est moins de risque incendie ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je voudrais saluer le travail réalisé par nos collègues Hervé Maurey et Franck Montaugé. Leur rapport nous invite à réfléchir sur la défense extérieure contre l’incendie. Il s’agit là d’un danger majeur, qui n’est pas nouveau, mais qui devrait s’accroître dans les années à venir, selon les experts, d’où la nécessité, effectivement, de travailler au maintien d’une biodiversité en bon état.
Une défense efficace exige préparation et moyens adéquats. Messieurs les rapporteurs, vous préconisez à ce titre de « faire émerger une “culture du risque” », notamment en sensibilisant les populations au risque d’incendie. Je partage entièrement cet objectif, mais je m’interroge sur la mise en œuvre concrète de votre proposition. Comment lutter contre la multiplication des incendies, alors que le nombre de sapeurs-pompiers volontaires diminue et que ceux qui s’engagent le font sur des périodes beaucoup plus courtes que leurs prédécesseurs ?
La récente loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dont notre collègue député Fabien Matras était à l’origine, semble apporter une première réponse, qui pourrait bien se révéler très utile, à travers la création de réserves citoyennes des services d’incendie et de secours, ouvertes aux citoyens de plus de seize ans.
Concrètement, dans quelle mesure ces réserves citoyennes peuvent-elles contribuer à faire émerger une culture du risque en France ? Surtout, madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement compte-t-il suivre la mise en place des réserves citoyennes, qu’il s’agisse des missions qui leur seront confiées ou de leur organisation ?
Ces réserves pourraient, je le crois, devenir des relais indispensables dans la prévention et la lutte contre les incendies, en complément, bien entendu, du remarquable travail réalisé par nos sapeurs-pompiers volontaires au quotidien.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. En matière de participation citoyenne, nous devons rechercher la plus large mobilisation possible, en soutien aux sapeurs-pompiers, qui demeurent, évidemment, les plus compétents pour intervenir dans la lutte contre les incendies.
Au-delà de la revalorisation du volontariat, objectif que visait la loi Matras, il faut identifier et promouvoir des ressources parallèles – non pas alternatives, mais complémentaires – à l’échelon communal pour garantir et sécuriser cette mobilisation.
Je citerai tout comme vous les réserves mises en place dans le cadre des plans intercommunaux de sauvegarde, désormais obligatoires, mais aussi les réserves de sapeurs-pompiers, dispositif de soutien permettant aux sapeurs-pompiers à la retraite de rester mobilisés, également consacré par la loi.
Les réserves des services d’incendie et de secours, telles que la loi Matras les instaure, permettront aux SDIS qui le souhaitent de véhiculer, à travers les réservistes, des messages de prévention et de sécurité contre les incendies.
Conformément au nouvel article L. 724-14 du code de la sécurité intérieure, les réservistes pourront soutenir les services dans le cadre d’actions de sensibilisation, de préparation à la crise et d’appui logistique.
Enfin, le ministère de l’intérieur a lancé une initiative en collaboration avec la réserve civique. Par le biais du site internet www.jeveuxaider.gouv.fr, il s’agit, là aussi, de mobiliser des volontaires, souvent plus jeunes.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. La réforme de 2011 semble ne pas avoir véritablement répondu aux attentes des élus ruraux, qui regrettent que cette transformation de la politique de défense incendie n’ait pas apporté une réponse mieux adaptée à la réalité des territoires.
Le coût de la mise aux normes de la défense incendie a souvent dépassé la capacité financière de nombreuses petites communes rurales, les obligeant à renoncer à des projets d’investissement futurs, faute de ressources suffisantes.
En effet, le coût de l’installation des bornes d’incendie ou celui de la révision des réseaux d’eau représente une somme considérable pour de modestes budgets communaux.
De même, l’obligation d’une distance maximale entre les points de raccordement au réseau d’eau et les habitations porte atteinte à l’attractivité des petites communes. Désormais, toute nouvelle construction doit se situer à moins de 200 mètres d’une borne incendie, cette distance étant portée à 400 mètres si l’habitation est isolée.
Cette contrainte nuit à la capacité des communes à délivrer des permis de construire. Elle entrave ainsi l’installation de nouveaux habitants, indispensable au dynamisme, voire à la survie de ces territoires, au moment même où ceux-ci retrouvent une vraie attractivité.
Progressivement, les élus se sont aperçus que la mise en conformité avec les normes de défense incendie constituait une entrave au développement et à la revitalisation des territoires ruraux. Il apparaît donc primordial d’accompagner les communes dans cet effort. Pourquoi, madame la secrétaire d’État, ne pas créer ou recréer des retenues collinaires dans les endroits les plus isolés ?
Une des préconisations des rapporteurs consiste à affecter 1,2 milliard d’euros sur trois ans à la défense incendie dans le cadre du plan France Relance. Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement envisage-t-il d’apporter un soutien très significatif à toutes ces communes, afin, d’une part, de les aider à répondre à l’impératif de défense incendie et, d’autre part, de faciliter leurs projets en matière d’urbanisme ?
M. François Bonhomme. Très bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Avec cette question, nous revenons à la problématique du cadre réglementaire et de cette circulaire de 1951 qui ne donnait plus du tout satisfaction.
Effectivement, l’adoption en 2017 des règlements départementaux de défense extérieure contre l’incendie a sans doute ouvert les yeux de certains élus sur la nécessaire mise aux normes des équipements, mise aux normes qui n’avait pas toujours été correctement anticipée. À certains endroits, cela a engendré une forme de raidissement dans l’instruction des autorisations d’occupation des sols et une certaine incompréhension : là où l’on s’attendait à des assouplissements, le nouveau régime a pu être vécu comme une somme de contraintes.
La mise en œuvre de ce nouveau régime – dont l’application, je le rappelle, ne pose pas de difficulté dans une majorité de départements – doit reposer sur une véritable concertation. J’insiste sur le fait que cette concertation peut s’engager à chaque instant, les élus pouvant se tourner vers les préfets et les SDIS, principaux acteurs de la mise en œuvre de ces dispositions.
Il faut continuer de veiller à l’application locale de ces règles, adaptée aux contextes territoriaux, tout en réfléchissant à l’adoption de mesures alternatives qui pourraient constituer des réponses appropriées au regard des moyens disponibles.
La dernière partie de votre question, monsieur le sénateur Marc, nous renvoie à la problématique des usages partagés.
Vous avez notamment mentionné les retenues collinaires ; cette composante de la gestion et du partage de la ressource fait l’objet, au sein de mon secrétariat d’État, d’une attention toute particulière.
Le décret relatif à la gestion quantitative de la ressource en eau et à la gestion des situations de crise liées à la sécheresse doit donner plus de visibilité aux acteurs locaux et prévoir, justement, ce partage des usages en fonction des priorités et des besoins. Le cadre existe, et les réflexions sont en cours, dans un contexte contraint, puisque les ressources en eau baisseront dans les décennies à venir.
M. François Bonhomme. Et le plan France Relance alors ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Laurent. La défense extérieure contre l’incendie, dans la mesure où elle peut conduire à des contraintes disproportionnées par rapport aux risques et entraîner des coûts de mise aux normes très importants pour les budgets des communes rurales, constitue un sujet prégnant dans nos territoires.
Ainsi, quand la commune ne dispose pas de terrains, elle doit acquérir du foncier pour l’installation des bâches, dont la durée de vie excède à peine dix ans.
Si un accompagnement financier permettant d’alléger la facture est possible via la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, ou l’aide des conseils départementaux, il n’en demeure pas moins que, pour certaines communes, la mise en conformité prendra plusieurs années, au détriment de projets structurants. Quelles seront en outre les conséquences en termes de responsabilité des maires en cas d’incendie d’une construction dans une zone ne répondant pas aux caractéristiques du règlement départemental ?
À titre d’exemple, en Charente-Maritime, pour une intercommunalité regroupant 129 communes, 25 millions d’euros sont nécessaires pour l’installation de 2 500 bâches. Des projets d’urbanisme sont bloqués en raison d’une règle qui impose une distance minimale entre le point d’eau et l’habitation, obérant la dynamique de nos territoires ruraux.
Dans leurs conclusions, les rapporteurs, que je salue, regrettent que la réforme de la DECI n’ait pas tenu ses promesses, et qu’elle ait engendré des obligations accrues et inadaptées aux réalités locales, avec des conséquences fâcheuses sur l’attractivité et le développement des communes rurales.
Le rapport préconise une évaluation, département par département, des conséquences de la réforme, et une révision des règlements départementaux de défense extérieure contre l’incendie incluant une étude d’impact, pour tenir compte de ses conséquences financières pour les communes. J’y souscris.
Le 19 janvier 2021, dans le cadre d’une séance de questions orales, Mme Marlène Schiappa m’avait répondu que le ministère de l’intérieur envisageait de réaliser une évaluation dans le courant de l’année 2021. J’augure, malheureusement, que nous sommes toujours au même stade…
Ma question sera simple, madame la secrétaire d’État : quand allez-vous solliciter les préfets pour démarrer cette évaluation préalable indispensable à la révision des règlements départementaux ? Quant aux préfets, ils appliquent tout simplement les règlements départementaux ; ils attendent donc votre impulsion ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Vous m’interpellez spécifiquement, monsieur le sénateur Daniel Laurent, au sujet de votre territoire de Haute Saintonge…
M. Daniel Laurent. Pas seulement !
M. Pierre Cuypers. C’est partout pareil !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Il me semble néanmoins que, sur la question des bâches, le cas que vous avez exposé est assez spécifique, monsieur le sénateur. C’est en tout cas ce que nous a indiqué le préfet de Charente-Maritime, que vous avez saisi. Je vous remercie d’ailleurs de l’avoir fait : c’est la démarche à suivre – et à poursuivre, en collaboration étroite avec ses services.
Le règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie de Charente-Maritime, adopté en 2017, comme dans la majeure partie des départements, a permis des avancées notables, qu’il convient tout de même de souligner. Je citerai notamment les 663 nouveaux points d’eau créés, une réflexion départementale très avancée et la mise en œuvre d’un outil numérique mutualisé permettant de renforcer l’harmonisation entre les collectivités, les concessionnaires et le SDIS, et d’améliorer la couverture opérationnelle.
Il faut saluer ces évolutions, qui sont le fruit d’un travail important sur le plan technique et en matière de concertation locale. Celles-ci ne se restreignent pas à l’installation systématique de bâches. Comme vous le savez, les préoccupations des élus portent aussi sur l’emprise foncière et l’intégration paysagère, qui posent diverses difficultés, d’où la nécessité d’une concertation au plus près du terrain pour trouver des solutions alternatives adaptées.
Je relaierai de nouveau votre message auprès du préfet de Charente-Maritime, monsieur le sénateur. (M. Pierre Cuypers s’exclame.)
Les règlements départementaux ne sont pas immuables, j’y insiste, et la réflexion est toujours en cours. À ce titre, le rapport d’évaluation qui sera remis au Parlement en juillet 2022 permettra de franchir une nouvelle étape. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Laurent. Vous n’avez pas répondu à ma question !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Le décret du 27 février 2015 relatif à la défense extérieure contre l’incendie a réorganisé en profondeur la compétence DECI, mais il a aussi modifié les règles de contrôle des points d’eau.
Désormais, seuls les points d’eau naturels et artificiels restent de la compétence des SDIS, du fait de la nécessité de disposer de pompes qu’eux seuls sont en capacité de déployer.
En revanche, il revient aux communes de contrôler les poteaux et bouches d’incendie. Certaines d’entre elles, heureusement en nombre très réduit, ne le font pas, et les SDIS n’ont aucun pouvoir pour les y contraindre. Ils ne peuvent que relancer inlassablement les maires.
Madame la secrétaire d’État, comment s’assurer que toutes les communes prennent leurs responsabilités en matière de contrôle des points d’eau ?
Plus globalement, certaines communes, souvent rurales, ne disposent pas des moyens financiers pour mettre en œuvre leur schéma de défense extérieure contre l’incendie.
Dès lors, ne faudrait-il pas leur dédier une enveloppe spécifique, qui serait fonction, par exemple, de leur potentiel financier ? Cette enveloppe permettrait au moins que l’État finance une part des besoins de ces communes pauvres, sur le modèle du dispositif imaginé par le Sénat pour les ponts. Faute d’un tel mécanisme, le statu quo et l’inaction peuvent prévaloir indéfiniment.
Le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place une aide spécifique pour favoriser la mise en œuvre des schémas de défense extérieure contre l’incendie dans les communes dont le potentiel financier est le plus faible ?
M. François Bonhomme. Voilà une question précise !
M. Jean-Marie Mizzon. Il y a même deux questions ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. S’agissant du premier point évoqué, monsieur le sénateur Mizzon, le contrôle du bon fonctionnement des poteaux d’incendie et, d’une manière générale, de tous les équipements de défense contre l’incendie relève de la compétence du maire ou, en cas de transfert de cette compétence, de celle du président de l’EPCI. Ce pouvoir de police spéciale vient compléter le pouvoir de police générale du maire en matière de prévention et de lutte contre les incendies.
Je rappelle que le SDIS, s’il n’a ni la compétence ni la responsabilité du contrôle effectif des équipements, peut tout à fait, au titre de son rôle de conseiller technique du maire, aider celui-ci dans ses démarches d’acquisition et de maintien en conditions opérationnelles des matériels.
Il me semble donc que le maire dispose de tous les moyens nécessaires pour faire un choix éclairé et rendre ses arbitrages.
S’agissant de la problématique des investissements, la DETR peut parfaitement être mobilisée si la commission locale le juge nécessaire et prioritaire.
M. François Bonhomme. Belle esquive !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. La DETR est une enveloppe fixe et ne peut pas servir à tout le monde. Telle qu’elle est configurée, elle n’est déjà pas suffisante pour satisfaire l’ensemble des demandes. Élargir le périmètre de la DETR, c’est affaiblir encore les territoires ! C’est pourquoi je proposais une enveloppe dédiée et spécifique, comme cela a été prévu dans d’autres domaines.
Par ailleurs, vous semblez prêter aux préfets, madame la secrétaire d’État, des initiatives qu’ils prennent très souvent. Il faudrait peut-être, depuis Paris, encourager encore davantage cette culture de l’initiative sur le terrain.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Jean-Michel Houllegatte. La DECI est un sujet de préoccupation pour de très nombreux maires, ainsi que pour une large part de la population dans les territoires ruraux.
Si les enjeux sont techniques, tout le monde est capable de saisir les contraintes de fond : d’une part, assurer la sécurité des personnes et des biens, en adéquation, bien sûr, avec les normes en vigueur ; d’autre part, disposer de moyens humains, techniques et financiers à mobiliser.
Un des outils nécessaires à la réussite de cette politique publique est la concertation.
Cette concertation doit permettre de concilier les deux contraintes : celle des normes, en les adaptant au plus juste aux réalités du terrain pour apporter la meilleure réponse possible, et celle des coûts, afin de limiter ceux-ci aux dépenses réellement efficaces. Il s’agit de rechercher par le dialogue un consensus qui s’avère nécessaire et de sortir ainsi de l’arbitraire et de la dictature des normes.
Il s’agit aussi de partager et de diffuser une culture du risque et, peut-être, de ses conséquences, notamment en termes de biodiversité, par le biais de la problématique des incendies de forêt – on a pu en voir un exemple concret en Australie l’année dernière.
Le travail de nos rapporteurs fait ressortir les avancées significatives que permet cette concertation. Il met aussi en relief un certain nombre de retards et d’incompréhensions.
Ma question est simple : quelles leçons tirez-vous de la manière dont l’État a mené la concertation avec les élus locaux, notamment quant aux moyens censés permettre aux préfectures et, plus généralement, aux services déconcentrés de l’État d’être des interlocuteurs à la hauteur des attentes des élus locaux ?
En outre, que pensez-vous des propositions du rapport, à savoir instaurer une méthodologie précise et exigeante de concertation et faire précéder d’une étude d’impact les décisions relatives aux règlements départementaux ?
Enfin, y a-t-il lieu selon vous d’introduire dans le projet de loi 3DS des critères de différenciation permettant une déclinaison encore plus adaptée aux spécificités locales ? (M. Lucien Stanzione applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Houllegatte, c’est là tout l’objet de ce projet de loi, quel que soit l’intitulé retenu – 3DS ou 4D –, selon l’hémicycle où l’on se trouve. Ce texte assure une forme de différenciation évidente par la prise en compte des particularismes locaux.
La loi de 2011 prévoyait justement que le RDDECI soit adapté, précisé et donc réécrit en fonction des spécificités et des contextes territoriaux.
Je n’ose imaginer quelle aurait été votre réaction si nous avions suivi la démarche inverse en renforçant le dispositif descendant que nous connaissions précédemment, le cadre national ne s’adaptant alors en aucun cas aux considérations locales.
Tel est le sens de la démarche menée depuis 2011. À l’évidence, ce changement majeur provoque des résistances et inspire des craintes : je l’entends. Les acteurs concernés, en particulier les élus locaux, doivent encore s’approprier ces nouveaux outils, afin de mobiliser les financements. J’y insiste : ces derniers existent, et ils existent largement.
Pour avoir participé à de nombreuses commissions DETR, je peux relayer auprès de vous les regrets exprimés par beaucoup de préfets : un certain nombre d’enveloppes reviennent au budget de l’État faute d’avoir été totalement dépensées.
Bien sûr, je suis tout à fait à votre écoute. Je suis évidemment preneuse de toute proposition pour remédier à ces problèmes. C’est d’ailleurs tout l’objet de ce débat et tout l’intérêt de ce rapport : nous alerter quant aux besoins qui apparaissent, quant aux projets pour lesquels les crédits font défaut.
Il faut bel et bien financer ces travaux. Quand ils font l’objet d’un consensus et d’une véritable concertation, quand leur nécessité relève de l’évidence, ils doivent pouvoir aboutir. D’ailleurs, c’est déjà souvent le cas dans les faits.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la secrétaire d’État, le 6 décembre dernier, la cour administrative d’appel de Marseille a rendu un arrêt enjoignant au maire de Murs, commune de 419 habitants située dans mon département, de procéder à l’installation du ou des points d’eau nécessaires aux services d’incendie et de secours, de sorte qu’ils puissent assurer la défense extérieure contre l’incendie d’une parcelle.
Lesdits travaux doivent être menés dans un délai de six mois à compter de la notification de l’arrêt. En outre, cette injonction a été assortie d’une astreinte de 100 euros par jour de retard.
Cette décision fait suite à la requête de propriétaires demandant l’installation de ces points d’eau.
En vertu de l’article L. 2213-32 du code général des collectivités territoriales, « le maire assure la défense extérieure contre l’incendie ». J’épargne au Sénat la lecture des dispositions qui suivent. Quoi qu’il en soit, cet article phare du code général des collectivités territoriales est impossible à appliquer en l’état. Les précédents orateurs l’ont dit et redit : à l’impossible, nul n’est tenu.
La cour administrative d’appel a jugé infondé l’argument selon lequel ces dépenses ne seraient pas supportables par la commune : à son sens, elles n’obèrent pas ses marges de manœuvre sur les autres projets communaux, qui n’en sont pas moins attendus par la population.
Si cet arrêt faisait jurisprudence, si, demain, toutes les communes rurales de mon département et même de France – on l’a bien compris, c’est tout notre pays qui est concerné – connaissaient le même sort, la ruralité, déjà en souffrance, subirait de énièmes complications.
Pour la seule commune de Murs, cinquante propriétaires pourraient exiger les mêmes travaux, pour un montant de 20 000 euros chacun.
Cet exemple le prouve : il est grand temps de réformer les textes régissant la défense extérieure contre l’incendie, pour que l’on tienne enfin compte des spécificités locales de manière équilibrée et proportionnée. Nos collègues Hervé Maurey et Franck Montaugé insistent sur ce point dans leur excellent rapport.
Madame la secrétaire d’État, quel soutien votre gouvernement entend-il donner aux élus locaux, qui sont dans l’impossibilité de mettre en œuvre ce grand principe du code général des collectivités territoriales ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Blanc, c’est tout l’objet de cette réforme : ne pas imposer un format identique partout, mais au contraire adapter la réglementation en fonction des besoins, des urgences, des nécessités et des moyens.
Je le répète, vous avez tout loisir de mobiliser vos préfets,…
M. François Bonhomme. La réponse universelle !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … vos présidents de conseil d’administration de service d’incendie et de secours (Casdis)… (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Céline Brulin. Ils ne répondent pas !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … et, plus largement, tous les acteurs et les élus compétents afin de revoir ce format.
Nous possédons déjà l’outil dont nous avons besoin, d’une part, pour mener les concertations, d’autre part, pour adapter les réponses aux besoins et aux moyens des territoires.
Ces moyens doivent être pleinement mobilisés, a fortiori dans les départements du sud-est de la France, qui, de longue date, sont soumis à un risque d’incendie tout à fait considérable – je pense en particulier aux feux de forêt.
Dans ces territoires, la dotation des SDIS a d’ailleurs été revue en conséquence. Ainsi, le déploiement de véhicules de lutte contre les feux de forêt doit permettre de répondre, au moins en partie, à l’exigence de couverture du risque incendie des habitations isolées.
M. Hervé Maurey. Et si le préfet de département ne fait rien ?
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione.
M. Lucien Stanzione. Madame la secrétaire d’État, je ne reviendrai pas sur la situation de la commune de Murs, bien qu’elle soit située dans mon département : mon collègue Jean-Baptiste Blanc l’a déjà évoquée et je l’en remercie.
Cela étant, ma question est elle aussi de nature financière. Elle porte plus précisément sur l’accompagnement des communes, des départements, des établissements publics de coopération intercommunale et des SDIS.
Dans un contexte financier toujours plus contraint pour les collectivités territoriales, les communes doivent assumer de très lourdes charges budgétaires.
Le rapport dont nous débattons souligne avec force l’impact financier des travaux de mise aux normes, lequel excède souvent les capacités financières de nombreuses communes rurales, EPCI, départements ou SDIS.
De fait, un soutien budgétaire de l’État s’impose, en particulier pour les collectivités les plus petites et les plus fragiles financièrement. Ne pourrait-on pas leur affecter cette aide, que les rapporteurs de la mission évaluent à 1,2 milliard d’euros, dans le cadre du plan France Relance ?
En outre, pourquoi ne pas généraliser l’éligibilité des dépenses dédiées à la défense extérieure contre l’incendie à la DETR augmentée ?
Pouvez-vous nous donner une réponse concrète et précise sur ces deux points ? J’espère aussi que le Gouvernement va intervenir en faveur de la commune de Murs, dans le département de Vaucluse !
M. François Bonhomme. Une réponse concrète et précise !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Mesdames, messieurs les sénateurs, concrètement et précisément, je suis tout à fait preneuse des noms des préfets qui ne seraient pas à l’écoute de vos considérations et, plus encore, d’exemples de dossiers DETR restés lettre morte faute de crédits.
Nous sommes véritablement là pour cela ; ce rapport est fait pour cela (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.), et j’en remercie de nouveau ses auteurs.
En la matière, personne n’entend détourner le regard. Personne ne souhaite renoncer à tel ou tel dispositif du fait d’un prétendu manque de moyens. Il s’agit évidemment d’investissements urgents et nécessaires, pour ne pas dire impératifs.
Ce rapport nous permettra d’éclairer des situations concrètes, précises, circonstanciées et localisées. Je le répète, c’est son rôle même. Je le dis non seulement en mon nom, mais aussi au nom de mes collègues ministres de l’intérieur et de la cohésion des territoires : ces situations précises et circonstanciées trouveront une réponse concrète, financée et techniquement détaillée.
M. Lucien Stanzione. Dès demain !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Enfin, les crédits DETR peuvent tout à fait être mobilisés en faveur de ces projets.
Quant aux financements prévus dans la cadre du plan France Relance, ils ne visaient pas spécifiquement l’investissement au titre de la défense extérieure contre l’incendie. Toutefois, vous le savez, les agences de l’eau participent à l’amélioration de ces dispositifs, via l’interconnexion des réseaux et la mobilisation de cette ressource. Elles contribuent ainsi à l’amélioration globale de la lutte contre l’incendie et de la couverture de ce risque.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Madame la secrétaire d’État, ma question rejoint celles de mes collègues, qu’il s’agisse des enjeux financiers ou de la consultation des élus.
Le rapport très fouillé de nos collègues Hervé Maurey et Franck Montaugé se fait l’écho des préoccupations de nombreux élus ruraux. Ces derniers estiment que leur voix ne porte pas assez dans la concrétisation de cette politique cruciale.
Pourtant, c’est précisément la problématique des zones rurales qui a justifié, en 2009, le premier encadrement législatif de la DECI.
L’article 6 du règlement national prévoit bien la consultation des « acteurs concernés » en amont de l’élaboration du règlement départemental. Malheureusement, le périmètre retenu varie dans les faits d’un département à l’autre.
Non seulement cette relative confusion nuit à la lisibilité de la politique de défense extérieure contre l’incendie, mais elle constitue une source de frustration pour les élus locaux. En effet, ces derniers peuvent éprouver un sentiment d’abandon, a fortiori dans des territoires où il est difficile d’assurer la protection des zones urbanisées contre l’incendie.
Je peux citer le cas d’une commune qui avait sollicité le soutien financier de l’État pour l’installation de points d’eau. Le département avait été conduit à relayer cette demande. De semblables démarches pourraient être, sinon évitées, du moins anticipées, par une plus large consultation ou par l’élaboration d’études d’impact.
Dès lors, que compte faire le Gouvernement pour élargir la consultation des élus locaux sur ces questions et, surtout, anticiper les difficultés susceptibles de survenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. Pierre Cuypers. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Raimond-Pavero, je ne peux bien sûr que vous rejoindre. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Il est en effet nécessaire d’associer le plus grand nombre d’acteurs. Au-delà des élus et des experts, il faut entendre toute personne à même de nous éclairer sur l’adaptation de la DECI au contexte local.
En outre, on pourrait élargir la consultation des élus locaux en vue de l’élaboration et de la révision des règlements départementaux.
Je rappelle que ces documents sont préparés par les conseils d’administration des SDIS, non seulement parce que leur technicité exige l’expertise de ces services, mais aussi parce qu’ils ont un impact budgétaire évident sur eux.
Toutefois, ce travail intervient après une phase de concertation avec les associations départementales. En outre, vous le savez aussi bien que moi, un certain nombre de maires, de présidents d’EPCI et de conseillers départementaux siègent au sein des conseils d’administration des SDIS. Ce sont là autant d’élus associés à l’avis censé éclairer la décision et l’approbation définitives du préfet.
En tout état de cause, la concertation locale doit avoir lieu. Si elle ne s’est pas déroulée de manière satisfaisante, elle peut et doit être rouverte. Je le répète : dans les mois qui viennent, nous accompagnerons avec beaucoup de volontarisme toute démarche des élus auprès des préfets de département, toute interpellation de leur part pour éclairer véritablement ces situations locales.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour la réplique.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Madame la secrétaire d’État, nous entendons vos assurances quant à la consultation des élus, et nous espérons que vous saurez prendre en compte les propositions du Sénat.
Vous le comprendrez aisément : nos inquiétudes demeurent, car la mandature actuelle s’est jusqu’ici révélée décevante pour nos collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Canayer. Madame la secrétaire d’État, chaque rencontre avec les maires vient le confirmer : la DECI est au cœur de leurs préoccupations. Pourtant, je ne suis pas sûre que le Gouvernement ait pris conscience de cet enjeu local.
Vous pouvez constater que trois sénateurs de mon département, siégeant dans différents groupes, ont tenu à être présents pour ce débat. Il s’agit en effet d’un sujet crucial pour les élus locaux et pour les communes de la Seine-Maritime.
Entre les particularités géographiques de hameaux et de bourgs plus denses, les contraintes de la loi Littoral, celles de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN) et celles de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui s’ajoutent à celles de la DECI, nos élus locaux se sentent littéralement coincés.
Comment adapter les règlements en vigueur ? Je sais déjà ce que vous allez me répondre : les élus peuvent mener des concertations et les préfets sont en mesure de réviser ces documents.
En Seine-Maritime, le préfet a dit qu’il allait revoir le règlement départemental à la marge, après consultation d’un groupe de travail où doivent siéger le président de l’association des maires ruraux et le président de l’association des maires du département.
À mon sens, il ne s’agit pas d’une véritable concertation, mais bien d’un moyen détourné permettant d’appliquer les principes que vous martelez depuis tout à l’heure.
Existe-t-il une circulaire définissant les modalités de cette concertation ? Si tel est le cas, peut-on avoir communication de ce texte ?
Les départements sont eux aussi parties prenantes de la DECI, car ils financent pour une large part les services départementaux d’incendie et de secours. Comment le Gouvernement entend-il les accompagner, afin qu’ils puissent donner aux SDIS les moyens d’action dont ils ont besoin et, ainsi, alléger la charge pesant sur les communes ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Canayer, vous m’interrogez sur le rôle que pourrait jouer l’État pour aider les départements à financer les SDIS.
Pour ce qui est des moyens à mobiliser, on pense évidemment, en premier lieu, à la DETR.
Nous nous sommes engagés à trouver des ressources adaptées, afin de renforcer les équipements dont disposent aujourd’hui les SDIS. Cet engagement a réellement mobilisé les partenariats existants : un certain nombre de tours de table budgétaires ont eu lieu et les plans de financement doivent être couverts en intégralité.
Vous le constatez : la mise en œuvre des règlements départementaux de DECI fait l’objet d’une réflexion spécifique. Plusieurs préfets ont d’ores et déjà proposé aux commissions départementales d’élus compétentes une nouvelle répartition de la DETR, par exemple pour rendre éligibles les travaux de création de points ou de réserves d’eau. Dans cette optique, les taux de financement seraient eux aussi fixés en concertation avec les élus locaux.
Cet espace est réputé exister. À l’évidence, tel n’est pas réellement le cas selon vous : votre département souffrirait de difficultés à relancer les débats et les concertations locales.
Nous sommes là pour répondre à ce besoin : l’inspection générale de la sécurité civile a été missionnée à cette fin. Elle doit être force de proposition pour parvenir à la nécessaire adéquation entre les besoins et les moyens. C’est là une question d’équilibre.
M. François Bonhomme. Et la circulaire sur les modalités de la concertation ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Bien sûr, le Gouvernement rappellera aux préfets ce qu’il leur signale dès aujourd’hui, par ma voix, dans cet hémicycle : la nécessité de rouvrir le dialogue partout où les élus le jugeront nécessaire.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.
Mme Agnès Canayer. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie pour votre réponse. Mais, pour savoir précisément comment cette concertation sera mise en œuvre, nous avons besoin du texte de la circulaire.
Mes collègues et moi-même pouvons vous transmettre toutes nos interventions auprès du préfet depuis 2017, pour faire évoluer le règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie. Aujourd’hui, nous en restons à la politique des petits pas : nous avançons même avec une lenteur extrême à cause d’une vision par trop descendante.
En Seine-Maritime, la DETR couvre 20 % de ces financements. Vous connaissez le fonctionnement des commissions compétentes en la matière : les élus y sont peu entendus et, en définitive, c’est comme bien souvent l’État qui décide. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Eh oui !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Favreau. Jusqu’en 2011, la DECI était mal connue des élus. Elle était avant tout connue des pompiers, qui appliquaient les circulaires en vigueur en se fiant aux pratiques de la profession.
La loi de 2011 l’a prouvé : ce sujet est beaucoup plus complexe qu’on ne le pense généralement. D’ailleurs, le décret d’application n’a été publié qu’en 2015, soit quatre ans plus tard, et il a montré que, dans la réalité, la mise en place de la DECI posait plusieurs problèmes.
Pour ma part, je m’en tiendrai aux seuls problèmes de la concertation avec les élus et de l’élaboration du schéma communal ou intercommunal de DECI.
Le décret prévoyait un délai de deux ans pour élaborer le règlement départemental : ce point n’a pas posé de difficulté et une grande partie des règlements ont été publiés en 2017.
La principale difficulté, qui n’a guère été évoquée aujourd’hui, c’est à mon sens l’élaboration du schéma communal, censé faire le point de la situation sur le terrain.
Aux termes du décret, la réalisation des schémas communaux reste une simple option pour les communes. À mon avis, c’est une erreur et même l’erreur majeure. J’ai lu attentivement le rapport de nos collègues : si l’on se réfère aux réponses des maires concernés, 71 % des communes ne se sont toujours pas dotées de ce schéma.
Je me suis entretenu à plusieurs reprises avec des pompiers : ils m’ont convaincu que cette question pouvait être réglée. La concertation, dont on a beaucoup parlé aujourd’hui, devrait être étendue à l’élaboration de ce schéma.
À ce jour, dans mon département des Deux-Sèvres, 138 schémas communaux ont été élaborés pour un total de 256 communes. Les documents établis sont tout à fait révélateurs des difficultés rencontrées sur le terrain, et ce travail est mené de manière très pragmatique.
Madame la secrétaire d’État, ma question est la suivante : ne serait-il pas intéressant de rendre obligatoire l’élaboration du schéma de DECI dans les communes ou les EPCI compétents, dans un délai raisonnable à déterminer ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Favreau, vous l’avez rappelé à juste titre : la DECI était, hélas, encore mal connue des élus locaux lorsque la loi de 2011 puis son décret d’application ont imposé ces réflexions locales. C’est pourquoi elles sont parfois restées très éloignées des besoins et des attentes.
La concertation locale est nécessaire et elle est réputée exister. Toutefois – j’entends votre propos –, vous ne trouvez pas cet espace suffisant et vous souffrez du manque de dialogue.
Voilà pourquoi vous proposez une concertation obligatoire avant la définition de ces projets.
Mon sentiment, c’est qu’un tel impératif serait avant tout source de rigidité. Or nous voulons défendre la souplesse et l’adaptabilité des projets aux réalités locales, qui sont aussi un gage de maturité du dispositif en vigueur.
J’ajoute que les Casdis permettent d’ores et déjà de rassembler tous les élus concernés autour de ces réflexions. Vous aurez donc du mal à me convaincre de la pertinence d’une telle rigidification du dispositif : il ne me paraît pas judicieux de rendre cette consultation obligatoire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars.
M. Jean-Claude Anglars. Tout d’abord, je tiens à saluer le travail accompli par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et en particulier par nos collègues Hervé Maurey et Franck Montaugé, auteurs de ce rapport d’information relatif à la DECI.
Un diagnostic était nécessaire sur le sujet et leurs travaux apportent une vision claire de la situation de la défense extérieure contre l’incendie, dix ans après sa réforme. C’est un élu qui, pendant quinze ans, a présidé un SDIS qui vous le dit !
Ce rapport énonce vingt propositions pertinentes, qui, autour de cinq axes, visent à parvenir à une défense extérieure contre l’incendie équilibrée et proportionnée.
Madame la secrétaire d’État, ma question porte plus particulièrement sur l’accompagnement des communes et les possibles financements des schémas communaux ou intercommunaux permettant de trouver des solutions locales adaptées pour améliorer la DECI.
Je tiens à le préciser : à mon sens, il est préférable que la défense extérieure contre l’incendie reste une compétence des communes, car elle relève des pouvoirs de police confiés aux maires.
La question du financement a été largement évoquée par mes collègues. Chaque fois, vous avez répondu en insistant sur la DETR. Or, on le sait, dans la plupart des départements, l’enveloppe de cette dotation ne saurait suffire.
Ma question est simple : les rapporteurs préconisent la création d’une ressource complémentaire pour permettre aux communes de réaliser ces investissements sans mobiliser de manière excessive la DETR. Dans quelle mesure le Gouvernement compte-t-il suivre les recommandations et propositions de ce rapport d’information ou, du moins, s’en inspirer ?
Si vous voulez des idées de mécanismes financiers, nous pouvons vous en proposer. Dans d’autres domaines, nous avons trouvé des solutions, par exemple pour développer la fibre.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Anglars, une telle proposition – rendre éligibles d’office ces projets à la DETR – me semble contraire à la logique de cette dotation : dans ce cadre, les élus locaux fixent eux-mêmes leurs priorités pour leur territoire, dans le cadre des commissions départementales.
Au titre de la DTER, certaines de ces commissions ont jugé utile et même nécessaire de financer en priorité la défense contre l’incendie, car il fallait procéder à un rattrapage.
À cet égard, nous faisons nôtre le diagnostic établi par un certain nombre de territoires, qui souffraient d’un défaut d’investissement, notamment en faveur de l’installation de bornes et de poteaux incendie. C’est précisément ce manque d’investissement que nous cherchons aujourd’hui à pallier.
Dans le même temps, les dotations aux collectivités territoriales bénéficient d’un effort particulier, pour ne pas dire historique. Je n’ai pas besoin de vous rappeler les moyens exceptionnels consacrés à la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), à la DETR, à la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID) et au fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT), et ce pour la sixième année consécutive. Au total, plus de 2 milliards d’euros supplémentaires ont été accordés en autorisations d’engagement. Les crédits du plan France Relance ont aussi abondé de nombreux projets dans nos territoires.
On ne peut donc pas dire que les collectivités territoriales souffrent actuellement d’un manque de financements et de moyens.
Le Sénat le sait : cet effort de redynamisation des territoires, ces moyens spécifiques dont les collectivités territoriales peuvent aujourd’hui disposer doivent nous permettre, entre autres choix, entre autres priorités, de financer ces projets et de réaliser ces programmes. D’ailleurs, la DSIL augmente encore en 2022.
Ces ressources considérables permettront de financer d’autres projets encore, dans le cadre des programmes de lutte contre l’incendie, en complément des moyens précédemment évoqués.
Conclusion du débat
M. le président. Pour conclure ce débat, la parole est à Mme la présidente de la délégation.
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien peur que vous ne me trouviez définitivement désagréable. Toutefois, soyez-en assurée, mes propos ne vous visent en aucun cas personnellement.
Avant tout, je tiens de nouveau à remercier nos collègues Franck Montaugé et Hervé Maurey, dont vous avez lu l’excellent rapport. (Mme la secrétaire d’État le confirme.) En réponse à de vrais problèmes, ils proposent de vraies solutions.
Vous avez pu mesurer l’ampleur et la précision des questions posées par mes collègues : elles émanent de toutes les travées et viennent de tous les départements.
Pour ma part, je ne peux pas m’empêcher de faire un détour par la Bretagne. (Sourires.) Dans mon département d’Ille-et-Vilaine, qui n’est pas spécialement rural, il s’agit d’un grave sujet de préoccupation pour quatre-vingts maires. Je pense plus particulièrement à quarante d’entre eux, qui, je l’espère, n’ont pas écouté un mot de notre débat d’aujourd’hui. Si tel est le cas, ils auront trouvé nos échanges totalement lunaires !
À l’évidence, nous ne nous sommes pas compris. Ce débat n’est pas le passe-temps d’un mercredi après-midi. Notre délégation et, plus précisément, nos deux collègues rapporteurs travaillent sur ce sujet depuis 2020 !
Vous faites valoir que les élus ne se sont pas approprié cette réforme. Mais certains règlements sont entrés en vigueur en 2016 ou en 2017, c’est-à-dire très récemment !
S’y ajoute la révision des plans locaux d’urbanisme (PLU) : soit. Mais vous ne prenez pas la mesure de ce dont nous parlons.
M. François Bonhomme. Très bien !
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. En matière de défense contre l’incendie, la loi assigne aux maires de toutes les communes de France, y compris les communes rurales, des responsabilités immenses. S’il y a un problème, c’est leur responsabilité qui est mise en cause. Excusez du peu !
En outre, si ce ne sont pas les maires qui décident, ce sont eux qui paient. Or, au Sénat, nous avons un principe : qui décide paie.
M. François Bonhomme. Bravo !
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. En tout cas, le Gouvernement, le Parlement, l’État ne sauraient dire aux maires : « Concertez-vous. Appelez votre préfet et, s’il ne bouge pas, dénoncez-le au ministre. »
Madame la secrétaire d’État, soyons sérieux deux minutes ! Ce que nous demandons, avec les rapporteurs, c’est qu’une injonction soit adressée à tous les préfets de France. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER.)
Voici ce qu’il faut leur dire : il est nécessaire de procéder à l’évaluation des dispositions mises en œuvre, à la révision de ces schémas et, dans tous les départements de France, au recensement exhaustif des points d’eau.
Quand on me dit qu’une maison a brûlé alors qu’une piscine se trouvait à proximité, parce que les pompiers n’ont pas osé abîmer le liner, je réponds que l’on marche sur la tête !
Je le répète, soyons sérieux. Gardons à l’esprit que les maires doivent assumer d’immenses responsabilités. Vous avez également pu constater que les sénateurs connaissent leur sujet.
Je le sais pour avoir participé à des réunions, animées par mon collègue Hervé Maurey, avec des maires de mon département : si nous avions prononcé devant eux certains des propos que j’ai pu entendre, aucun d’entre nous n’aurait tenu ne serait-ce qu’une heure.
Madame la secrétaire d’État, je vous le demande avec beaucoup de fermeté et de conviction : prenez la mesure du sujet. En effet, nous sommes ici pour porter la voix des élus et nous sommes responsables des moyens que nous donnons aux maires pour assumer les responsabilités que nous leur confions.
Dès demain matin, il vous appartiendra d’adresser des injonctions aux préfets. Ce n’est pas aux élus d’aller leur demander de bien vouloir s’occuper de cette question. Le préfet ne bougera pas si la demande n’émane que d’une seule commune.
Les préfets doivent donc se charger de régler ce problème. Vous devez également mettre en demeure les présidents des conseils d’administration des SDIS. Il faut ensuite procéder à des évaluations et proposer des solutions. Avançons sur le sujet : vous nous trouverez toujours à vos côtés.
Quant aux financements, madame la secrétaire d’État, arrêtons de plaisanter avec la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ! Je veux bien tout entendre, mais, comme mon collègue Jean-Marie Mizzon l’a expliqué, on y met tout dans cette dotation. C’est l’auberge espagnole ! On nous dit que les financements sont importants mais, en réalité, ils servent à tout…
Madame la secrétaire d’État, la DETR n’est pas destinée à financer la défense incendie. Il s’agit d’une dotation d’équipement des territoires ruraux ayant vocation à financer les écoles, ainsi que d’autres équipements indispensables.
Si nous mobilisons toute l’enveloppe, nous n’y arriverons pas. Et pendant ce temps, les maires ne feront rien.
Madame la secrétaire d’État, au-delà de la responsabilité très lourde que vous avez confiée aux maires – que nous leur avons également confiée d’ailleurs –, vous oubliez que vous avez vous-même une responsabilité dans le déclin des communes.
Ce gouvernement ne peut prétendre défendre la ruralité et la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, alors que des communes – je peux citer plusieurs exemples dans mon département – ne peuvent plus construire une seule maison, car elles ne disposent ni de terrains où mettre leurs bâches à incendie ni de moyens financiers. Celles-ci seront tenues demain de fermer des classes et des écoles.
M. Hervé Maurey. Eh oui !
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. L’enjeu est double : la responsabilité des maires et la survie de notre ruralité.
De grâce, madame la secrétaire d’État, faites le nécessaire ! Je vous remercie sincèrement d’avoir été présente aujourd’hui. Pardonnez-moi d’avoir été aussi claire, mais plus on est clair, mieux on se comprend.
Je pense que, dès demain matin, vous ferez le nécessaire pour transmettre ce message et pour que nous puissions sortir de cette situation, sachant que mes collègues ont présenté des propositions très positives. Vous êtes donc très attendue. Merci, madame la secrétaire d’État, et merci, mes chers collègues ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, SER et CRCE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur les conclusions du rapport d’information Défense extérieure contre l’incendie : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Conférence des présidents
Mme la présidente. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie ce jour, sont consultables sur le site internet du Sénat.
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE SÉNATORIALE
Lundi 10 janvier 2022
À 17 heures et le soir
- Proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Max Brisson, Pierre Ouzoulias et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 303, 2021-2022 ; demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 6 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 10 janvier à 16 h 30
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 10 janvier à 11 heures
- Proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée, présentée par M. Jean-Noël Cardoux et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 314, 2021-2022) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 7 janvier à 17 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 10 janvier à 17 heures
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 10 janvier à 11 heures
Mardi 11 janvier 2022
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique (procédure accélérée ; texte A.N. n° 4587 ; demande du Gouvernement)
Ce texte sera envoyé à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 10 janvier à 11 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : lundi 10 janvier après-midi
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 11 janvier à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 10 janvier à 15 heures
Mercredi 12 janvier 2022
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 12 janvier à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique (procédure accélérée ; texte A.N. n° 458 ; demande du Gouvernement)
Jeudi 13 janvier 2022
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
- Proposition de loi relative au port du casque à vélo et dans le cadre d’autres moyens de transport, présentée par M. François Bonneau et plusieurs de ses collègues (texte n° 761, 2020-2021)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 10 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 12 janvier matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 12 janvier à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à la création d’une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid-19 (texte n° 229, 2021-2022)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 10 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 12 janvier matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 12 janvier à 15 heures
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 25 janvier 2022
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Débat sur les agences de l’eau (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 24 janvier à 15 heures
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d’accueil sur le territoire français (texte n° 178, 2021-2022)
Ce texte sera envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 10 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 12 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 20 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 25 janvier matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 24 janvier à 15 heures
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 1er février 2022
L’ordre du jour de cette semaine sera déterminé ultérieurement.
Prochaine réunion de la Conférence des Présidents : mercredi 12 janvier 2022 à 18 heures
Mme la présidente. En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.
8
Oubliés du Ségur de la santé et investissements liés au Ségur à l’hôpital
Débat organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, sur le thème « Les oubliés du Ségur de la santé – investissements liés au Ségur à l’hôpital ».
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le port du masque est obligatoire dans l’hémicycle, y compris pour les orateurs s’exprimant à la tribune, conformément à la décision de la conférence des présidents.
J’invite par ailleurs chacune et chacun d’entre vous à veiller au respect des gestes barrières.
Dans le débat, la parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe auteur de la demande.
Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le personnel hospitalier doit de nouveau faire face à une vague de contaminations liée à l’épidémie de covid-19, nous saluons l’engagement de tous ceux et celles qui prennent soin de nos malades et des plus fragiles dans l’atmosphère angoissante qui est celle de notre pays.
C’est l’ensemble du secteur du soin qui appelle le Gouvernement à prendre ses responsabilités.
Le 25 mars 2020, à Mulhouse, le Président de la République avait annoncé un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières dans les hôpitaux. Cependant, la santé, ce n’est pas seulement l’hôpital.
Or le Gouvernement a ciblé comme seuls bénéficiaires de ce plan de revalorisation, le fameux « Ségur de la santé », certaines catégories de personnel employées par l’hôpital stricto sensu. Il a ainsi créé des différences de traitement entre les professionnels du soin.
Les nombreux exclus du Ségur ont vécu ces annonces comme un manque de considération à leur égard.
Ces professionnels du soin sont nombreux et divers : ils sont infirmiers, éducateurs, assistants sociaux, aides-soignants, agents administratifs, psychologues, puéricultrices, intervenants éducatifs, sages-femmes, ou encore ambulanciers. Ils travaillent dans des structures aux statuts variés : associations, fondations, entreprises privées, collectivités territoriales.
Prendre soin des Français, c’est aussi prendre soin de publics divers : des personnes fragiles, âgées, handicapées, des enfants en danger.
Au gré des sollicitations plus ou moins fortes de chacune de ces catégories, le Gouvernement a ajouté de nouveaux bénéficiaires au Ségur en procédant par touches successives.
Or plusieurs catégories de salariés non soignants des secteurs social et médico-social sont toujours exclues du Ségur de la santé.
Concernant le secteur de l’aide à domicile, par exemple, un amendement adopté dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 est venu compenser le coût de l’avenant 43 à la convention collective de la branche.
Cet avenant n’est pas totalement satisfaisant, puisqu’il concerne uniquement les salariés du secteur associatif. Les agents des centres communaux d’action sociale (CCAS) et des centres intercommunaux d’action sociale (CIAS), ou encore les salariés du secteur privé, dont les rémunérations ne peuvent être augmentées, s’en trouvent donc toujours exclus. Les structures sont contraintes de réduire le service faute de ressources pour faire face à la situation.
Le surcoût de cette mesure pour les départements s’élèverait à 75 millions d’euros en 2021. Bien que compensé par l’État à hauteur de 70 %, via la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), le reste à charge est trop élevé pour les départements et décrié par certains d’entre eux.
Pour Marie-Reine Tillon, présidente de l’Union nationale de l’aide à domicile, il est hors de question de revoir à la baisse le montant négocié pour revaloriser la convention collective de la branche. Il faut donc trouver les ressources correspondantes.
En juillet 2021, la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa) alertait les pouvoirs publics sur l’insuffisance des dotations pour l’année 2020. Fin 2021, les garanties de complément promises par le Gouvernement étaient toujours attendues. (Mme la ministre déléguée le conteste.)
Les dotations ne couvriraient qu’entre 50 % et 70 % des besoins pour l’année, mettant les employeurs en difficulté financière.
Depuis plusieurs mois, le secteur médico-social alerte également le Gouvernement sur ses graves difficultés de recrutement, qui s’expliquent en partie par les disparités de traitement que le Ségur a créées.
Ce manque de personnel aboutit à des plans d’aide réduits et à des refus de prise en charge de personnes âgées, notamment à domicile. Nous saluons néanmoins les annonces faites en cette fin d’année, qui visent à étendre les revalorisations salariales accordées lors du Ségur de la santé aux professionnels du secteur du handicap, mesure qui concernera 20 000 soignants.
Alors qu’il faudra plus de 90 000 infirmiers et plus de 200 000 aides-soignants dans les prochaines années pour accompagner les 5 millions de Français de plus de 85 ans, comment faire face à cette situation ?
Les professionnels du soin attendaient avec intérêt la conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social qui devait se tenir avant le 15 janvier 2022, d’après les annonces du Premier ministre, mais elle a été reportée.
Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur la tenue de cette conférence et les orientations que proposera le Gouvernement, sur les compensations financières versées aux employeurs mis en difficulté, ainsi que sur l’extension à tous les personnels du soin des revalorisations salariales du Ségur de la santé ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, alors que nous faisons face – comme vous l’avez rappelé – à une cinquième vague épidémique, qui demande des efforts massifs à nos soignants, il paraît plus pertinent que jamais de faire le point sur les actions menées par le Gouvernement pour les soutenir dans le cadre du Ségur de la santé.
Je le souligne d’entrée de jeu : après plus de dix ans de sous-investissement dans les ressources humaines et les structures de l’hôpital public, le Ségur de la santé est de loin le plus important plan de soutien à notre système de soins jamais proposé par une majorité présidentielle.
Cette ambition, c’est d’abord celle du Président de la République qui a pris à Mulhouse, le 25 mars 2020, l’engagement devant la Nation entière d’un plan massif d’investissement.
Le Gouvernement a concrétisé cette promesse en permettant à l’hôpital de prendre un nouveau départ fondé sur la concertation, en juillet 2020, de l’ensemble des acteurs de santé, ainsi que sur les enseignements tirés de la crise sanitaire.
Le Ségur de la santé s’articule autour de quatre grandes priorités : revaloriser les métiers et les carrières de ceux qui soignent ; définir une nouvelle politique d’investissement massive ; simplifier le quotidien et l’organisation des équipes de santé ; enfin, fédérer les acteurs de santé dans les territoires au service des usagers.
Commençons par les carrières des personnels soignants, des médecins et des professionnels de santé. La première urgence à laquelle nous nous sommes attelés était de reconnaître et de revaloriser leurs compétences.
À travers les accords du Ségur signés par le Premier ministre le 13 juillet 2020, nous sommes parvenus ensemble à une revalorisation d’ampleur : une hausse des rémunérations de plus de 1,5 million de personnels de santé pour 8 milliards d’euros par an.
Dès décembre 2020, les personnels non médicaux et les sages-femmes de la fonction publique ont au moins bénéficié d’une revalorisation socle de 183 euros par mois. Je dis bien « au moins », puisque, depuis octobre 2021, nous avons également revalorisé les grilles des personnels soignants, médico-techniques et du secteur de la rééducation.
Aides-soignants, infirmiers spécialisés ou non, cadres de santé, kinésithérapeutes, manipulateurs radio, ergothérapeutes, psychomotriciens, et j’en passe : tous sont concernés.
Parlons concrètement : le Ségur de la santé représente ainsi pour un infirmier de la fonction publique une revalorisation de 290 euros net en début de carrière, 335 euros après cinq ans de carrière, et 530 euros en fin de carrière.
Les personnels médicaux ne sont pas en reste : nous avons fusionné les quatre premiers échelons de rémunération et amélioré leur fin de carrière en créant trois nouveaux échelons. Nous avons également mis en place des primes managériales pour les chefs de service et de pôle ou encore revalorisé leur indemnité d’engagement de service public exclusif. Leurs carrières seront ainsi plus dynamiques et plus attractives.
Concernant l’avenir de notre système de santé, nous avons revalorisé les indemnités de stage des étudiants en santé et des internes pour accompagner les vocations.
Surtout, loin de l’idée selon laquelle il y aurait des « oubliés » du Ségur de la santé, nous avons choisi, de manière responsable, de répondre aux problèmes spécifiques des professions concernées par une perte d’attractivité – et nous parlons bien du secteur de la santé. Toutes les professions ne sont pas concernées de la même manière par ce phénomène ni au même moment.
C’est donc sur le fondement avéré de la perte d’attractivité des métiers que nous avons étendu à plusieurs reprises les revalorisations prévues, au-delà de l’ambition initiale, notamment à des personnels non médicaux.
Le Premier ministre a confié dès l’automne 2020 à Michel Laforcade la mission de mener une réflexion et d’engager des négociations relatives à l’extension des revalorisations du Ségur aux professionnels paramédicaux des secteurs proches des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Dès lors, deux protocoles ont été signés avec les organisations syndicales. Depuis le 1er octobre 2021, l’intégralité des personnels non médicaux des structures sanitaires et médico-sociales financées par l’assurance maladie bénéficie des 183 euros net mensuels supplémentaires.
Depuis le 1er janvier, ils ont été rejoints par les personnels des structures médico-sociales publiques et privées non lucratives qui interviennent dans le secteur du handicap ou des soins à domicile.
Je le répète : nous avons cherché à donner l’ampleur la plus large possible à l’ambition initiale du Ségur de la santé.
Parallèlement, deux autres chantiers sont en cours. Le premier concerne l’attractivité des métiers du social, le second l’harmonisation du cadre conventionnel du secteur privé non lucratif, c’est-à-dire des conditions de travail de tous les salariés des nombreuses et belles associations qui œuvrent dans le champ des solidarités et de la santé.
Ces deux chantiers sont distincts du Ségur de la santé et méritent d’être menés dans un cadre spécifique.
Le Premier ministre a fixé ce cadre à travers une conférence des métiers qui devra réunir tous les partenaires sociaux, mais aussi tous les financeurs, au premier rang desquels figurent, outre l’État, les départements ainsi que d’autres entités.
La tenue de cette conférence a été retardée par le contexte sanitaire, mais elle aura lieu dans les prochaines semaines. Sa préparation a été confiée à deux experts, MM. Jean-Philippe Vinquant et Benjamin Ferras, membres de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS).
Notre objectif est d’apporter des améliorations concrètes aux professionnels du secteur social et médico-social, tout en assurant une révision en profondeur des conditions d’exercice de leurs métiers et du déroulement de leurs carrières.
Pour en revenir au Ségur de la santé, il représente des efforts considérables pour rendre les carrières des soignants plus attractives et témoigner de la reconnaissance de la Nation à leur égard, efforts qui ont culminé à près de 10 milliards d’euros de dépenses depuis la signature des accords en juillet 2020.
L’attractivité de ces professions tient également à la possibilité, pour ceux qui les exercent, de travailler avec les moyens nécessaires à la réalisation de leurs missions et d’avoir confiance en la pérennité de leurs établissements de proximité. Le Ségur de la santé investit donc massivement dans les structures, pour améliorer les conditions de travail des soignants.
Je citerai un chiffre : au niveau national, le volet investissement du Ségur représente 19 milliards d’euros, dont 6 milliards d’euros issus du plan France Relance. C’est une somme colossale par rapport aux plans d’investissement précédents, qui équivaut à l’addition des plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012, à laquelle il faut encore ajouter 50 % du montant total de ces deux plans.
J’insiste sur ce point pour couper court aux critiques qui peuvent nous être adressées : c’est plus que lors des trois précédents quinquennats réunis ! C’est aussi une somme nécessaire pour répondre aux ambitions que nous nous sommes fixées.
Pour transformer notre système de santé dans les territoires, le Ségur prévoit 9 milliards d’euros d’aides visant à favoriser la réalisation de projets structurants pour les établissements sanitaires et médico-sociaux, impliquant la construction de nouveaux bâtiments ou encore la rénovation de chambres d’hospitalisation pour améliorer le confort des patients.
Enfin, le Ségur c’est aussi 2 milliards d’euros pour le numérique en santé.
En mars 2021, le Premier ministre, le ministre des solidarités et de la santé et moi-même avons lancé la stratégie nationale d’investissements en santé à Cosne-Cours-sur-Loire, avec le parti pris déterminé d’une déconcentration des enveloppes et d’une forte dimension territoriale, pour être au plus près des besoins en santé de nos bassins de vie.
L’action des agences régionales de santé (ARS) a évolué : la réforme s’est caractérisée par un changement de méthode et de vitesse sans précédent par rapport à ce qui se faisait auparavant. Il a ainsi été demandé aux ARS de mener en un temps record des concertations territoriales avec l’ensemble des acteurs de santé et des élus impliqués, pour définir les besoins selon une logique non pas d’établissements, mais de territoires de santé.
Avec cette méthode, le seuil d’éligibilité des projets au niveau national est passé de 50 millions d’euros à 150 millions d’euros. Les projets sont désormais accompagnés pour éviter tout effet couperet après de longues années de mobilisation des acteurs locaux. Enfin, le délai d’instruction est passé de cinq à trois ans.
Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, j’ai malheureusement épuisé mon temps de parole. Je profiterai donc de l’occasion qui m’est donnée de répondre à vos questions pour parachever mon propos.
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, depuis le début de la crise sanitaire, tous les personnels des secteurs de la santé et du médico-social sont mobilisés pour assurer la prise en charge des patients. À cette occasion, ils nous alertent sur les difficultés systémiques auxquelles ils se heurtent.
Bien avant cette pandémie, ils remettaient déjà en cause les politiques de restriction budgétaire menées depuis près de vingt ans. Confronté à l’ampleur de leur mobilisation, votre gouvernement a été contraint d’organiser un Ségur de la santé. Dont acte !
Un an et demi après, c’est l’insatisfaction générale qui règne. Nous constatons, en prime, une division des personnels selon leur catégorie socioprofessionnelle, car vous en avez exclu certains du bénéfice des mesures du Ségur. En conséquence, les démissions et les départs de l’hôpital se succèdent.
Ce Ségur, quoi que vous en disiez, madame la ministre, n’a rien changé au profond malaise du monde de la santé : il ne répond ni au manque d’attractivité de ces professions ni à la dégradation de leurs conditions de travail.
Quant aux investissements, qui consistent essentiellement en la reprise d’une partie de la dette hospitalière, ils sont conditionnés à un retour à l’équilibre et, donc, à de nouvelles suppressions de postes.
La crise sanitaire a démontré la nécessité de former davantage de personnels dans les secteurs de la santé et du médico-social.
Madame la ministre, quel plan de formation et de reconnaissance des métiers le Gouvernement envisage-t-il ?
Sur les 15 000 recrutements prévus dans le cadre du Ségur de la santé, nous savons que 7 500 d’entre eux seulement correspondraient à des créations de postes, l’autre moitié correspondant à des postes vacants. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice, c’est parfaitement votre droit de parler des oubliés du Ségur, puisque c’est le thème du débat qui nous réunit ce soir.
Pour autant, je voudrais insister sur deux points.
En premier lieu, le Ségur a tout de même permis de revaloriser immédiatement les rémunérations de 1,5 million de personnes, dont 600 000 par l’attribution d’un complément de traitement indiciaire (CTI). À cela, il faut ajouter la hausse des rémunérations de 70 000 professionnels de santé à la suite des accords Laforcade et celle de 66 000 autres personnels soignants après les derniers efforts que nous venons de consentir.
En second lieu, je rappelle que, grâce à la réforme de l’avenant 43 à la convention collective de la branche de l’aide à domicile, dont aujourd’hui on voudrait se plaindre, ce sont 210 000 personnes supplémentaires qui ont obtenu une revalorisation salariale ; elles le méritaient depuis très longtemps, et cela n’avait pas été fait jusqu’à présent.
Alors, bien sûr, certains continueront de ne parler que de ceux que l’on a oubliés mais, au total, sachez que les hausses de rémunérations décidées par le Gouvernement profitent à 1,86 million de personnels de santé et médico-sociaux.
Par ailleurs, nous allons bientôt lancer un nouveau plan pour renforcer l’attractivité des métiers de la santé : c’est l’axe 2 du Ségur de la santé.
Nous suivons de très près l’avancée des négociations et attendons des réponses rapides, notamment sur les moyens à engager. Ce volet relatif à la mise en œuvre de mesures sur la sécurisation des organisations et des environnements de travail prévoit notamment l’instauration d’une prime d’engagement collectif de 100 euros net par mois pour promouvoir la participation des agents aux projets hospitaliers.
Le Gouvernement a souhaité accompagner les établissements dans le recrutement de 15 000 personnels soignants, dans la rénovation des organisations de travail en incitant au dialogue social dans chaque établissement. Nous avons consacré 1 milliard d’euros à cet axe majeur, qui réaffirme la place du dialogue social à l’hôpital.
Une instruction a été transmise aux directeurs généraux des ARS et aux directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux le 10 septembre dernier pour préciser les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle étape du Ségur.
Il leur est notamment demandé d’orienter prioritairement les personnels nouvellement recrutés vers les métiers les plus en tension : infirmiers diplômés d’État, aides-soignants des équipes de suppléance, en particulier pour les soins critiques, infirmiers en pratique avancée et infirmiers intervenant en psychiatrie.
Les établissements de santé ont entamé les discussions avec les organisations syndicales pour partager leur diagnostic. Le prochain diagnostic dressé en matière de ressources humaines permettra d’affiner le fléchage des premiers recrutements prévus et financés à ce titre en 2021.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, si vous aviez tout fait parfaitement, il n’y aurait pas ce mécontentement et ce malaise !
M. Bruno Belin. Tout à fait !
Mme Laurence Cohen. Vous savez très bien que vos mesures sont insuffisantes : on estime à 100 000 les besoins en personnels dans les hôpitaux, à 300 000 sur trois ans ces mêmes besoins dans les Ehpad, et à 100 000 le besoin en aides à domicile. C’est cet effort qui vous est demandé aujourd’hui !
Pourquoi le personnel formé au printemps dernier n’a-t-il pas été réembauché à la rentrée de septembre ? Le maintien de ces agents aurait pu empêcher que les établissements se retrouvent sous tension et, surtout, soient contraints de déprogrammer des soins et des opérations, comme c’est le cas aujourd’hui.
Vous exigez toujours plus des personnels soignants, mais, en réalité, vous ne les écoutez pas ! Quand allez-vous enfin améliorer leurs conditions de travail ? Quand allez-vous enfin entendre leurs demandes ? Quand allez-vous arrêter cette politique qui les pousse, parce qu’ils y sont extrêmement malheureux, à quitter l’hôpital ?
Le Sénat a créé une commission d’enquête sur la situation de l’hôpital : si vous entendiez les personnels, toutes catégories confondues, vous constateriez qu’ils sont extrêmement mécontents et qu’ils reprochent au Gouvernement de ne pas les écouter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Madame la ministre, l’axe 2 du Ségur de la santé prévoit 19 milliards d’euros d’investissement, un montant évidemment très élevé.
Je rappelle toutefois que, dès la fin de l’année 2019, avant la crise sanitaire donc, il était prévu de verser 13 milliards d’euros aux hôpitaux et, plus accessoirement, aux établissements médico-sociaux pour les aider à investir. En réalité, votre annonce repose pour une large part sur la réaffectation d’une enveloppe existante.
Vos annonces, madame la ministre, m’amènent à m’interroger. Comment toutes ces mesures vont-elles être déclinées dans les territoires ? Le Ségur de la santé est certainement une très bonne chose – je ne le remets pas en cause –, mais il a suscité beaucoup d’incompréhension et de questionnements.
Quels sont les axes prioritaires définis par le Conseil national de l’investissement en santé (CNIS) ? Sur le fondement de quels critères – est-ce, par exemple, au regard de l’écosystème local et des inégalités territoriales ? – les a-t-il fixés ? Ce sont là des questions que tout le monde se pose.
Quel bilan dressez-vous des contrats liés aux investissements courants, dont le terme était fixé au 31 décembre 2021 ? Quel échéancier prévoyez-vous pour la consommation des crédits dédiés aux investissements tant courants que structurants ? Nous aimerions tous le connaître, car nous avons tous besoin d’un carnet de route pour répondre aux sollicitations qui nous sont adressées.
Alors que la situation des hôpitaux appelle une réponse urgente, vous nous avez dit avoir changé de méthode et accéléré. Mais l’échéance du 31 décembre 2028 ne suggère-t-elle pas que le Gouvernement garde une réserve financière pour une prochaine mandature ?
Enfin, sur quelle base décidez-vous de la répartition territoriale des crédits d’investissement prévus par le Ségur de la santé ?
Ce sont autant de questions que se posent tous les élus de nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la rapporteure générale des affaires sociales, j’espère que vous le comprendrez, je ne pourrai pas répondre à toutes vos questions en deux minutes. (Sourires.) Je vais donc essayer de me concentrer sur l’essentiel.
Vous m’interrogez sur la mise en œuvre concrète des mesures issues du Ségur de la santé.
Nous avons tout d’abord défini des priorités nationales et élaboré des indicateurs précis, avant de transférer aux ARS la gestion des enveloppes budgétaires destinées aux différents territoires, et ce pour tenir compte au plus juste des besoins sur le terrain.
Pour les Ehpad, par exemple, les besoins ont réellement été définis en concertation avec les acteurs locaux et les élus. Je peux vous le garantir parce que, partout où je suis allée, et même si l’on peut observer des différences d’un département à l’autre, j’ai pu constater combien le dialogue avait été efficace. Vous l’admettrez, il s’agit d’une méthode nouvelle.
En réalité, nous avons décidé d’engager un véritable plan Marshall. Évidemment, cela ne se fait pas en six jours ni en six semaines ou en six mois : c’est un plan pluriannuel, dont les mesures vont se décliner dans les territoires durant trois ans.
En 2021, une première enveloppe a été débloquée, et des crédits ont tout de suite pu être mobilisés. Nous nous sommes rendus dans toutes les régions pour expliquer notre méthode, annoncer le montant de la dotation régionale, et définir, en lien avec les ARS, les priorités parmi celles que les agences avaient négociées au niveau local.
Nous avons suivi la même démarche s’agissant des investissements. Nous consacrons 19 milliards d’euros à la modernisation du système de santé. Cet engagement concerne aussi le numérique, les petits équipements et les équipements du quotidien.
À cela, il faut ajouter la reprise de la dette des hôpitaux par l’État, pour un montant qui est loin d’être insignifiant.
Ce plan Marshall permettra aux territoires d’investir massivement là où les besoins existent. Je peux attester que, dans certains territoires – je pense en particulier au bassin minier du Nord-Pas-de-Calais et à l’hôpital de Lens où le service de pneumologie a fermé –, on est très heureux du déblocage de cette enveloppe, très souvent annoncée, mais jamais accordée. Aujourd’hui, c’est fait !
Aussi, nous devrions collectivement nous féliciter de ce plan d’investissement, dont la déclinaison dans les territoires, qui découle systématiquement de concertations locales, est – je le répète – en cours.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Madame la ministre, ma question fait suite à un courrier envoyé mi-décembre à votre ministre de tutelle, Olivier Véran.
Ce courrier, comme presque toutes mes sollicitations du reste, n’a pas encore fait l’objet d’une réponse mais, comme je suis optimiste et persévérante, je vais réitérer ma demande.
Comme c’est le cas dans le reste du pays, l’état du système de santé du territoire nord-lorrain suscite des inquiétudes profondes et durables, aggravées par la crise conjoncturelle liée à l’épidémie de covid-19.
Dans ce contexte, vous avez pris des mesures très attendues par les acteurs de terrain, notamment la revalorisation des salaires des soignants et un investissement massif dans les hôpitaux, qui font l’objet de notre débat d’aujourd’hui.
La stratégie régionale des investissements en santé dans la région Grand Est nous a été dévoilée en décembre par le ministre des solidarités et de la santé. Elle apporte des nouvelles rassurantes à la majeure partie des hôpitaux de Meurthe-et-Moselle.
Pour autant, dans le cadre de ces premières annonces, un hôpital a été totalement oublié : celui de Mont-Saint-Martin. Cet établissement privé à but non lucratif joue pourtant un rôle indispensable dans cette zone frontalière avec le Luxembourg et la Belgique, où les indicateurs sanitaires, sociaux, en termes de circulation virale et de taux de vaccination, sont toujours moins bons que les moyennes nationale et départementale.
La gestion des ressources humaines y est d’une complexité sans pareille, les personnels soignants étant attirés par les salaires et les conditions de travail bien plus favorables que l’on trouve au Luxembourg.
Les investissements dans ce territoire sont donc indispensables : il faut renforcer l’attractivité de l’hôpital auprès des soignants et, in fine, répondre aux besoins de la population.
Madame la ministre, pouvez-vous lever les inquiétudes qui minent les acteurs de cet établissement, les élus locaux et la population, et les assurer de la mobilisation de crédits en faveur de cet hôpital, lequel assure des missions de service public essentielles ?
Le cas de cet hôpital n’est pas isolé, puisque certains établissements de santé sont encore en attente des crédits annoncés. Comment allez-vous gérer les crédits non consommés – leur montant représenterait 40 % du montant total des crédits prévus dans le cadre du Ségur ? De quelle lisibilité disposerons-nous à ce sujet, et dans quel délai ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Guillotin, je vous rassure d’emblée, le centre hospitalier de Mont-Saint-Martin n’a été ni négligé ni oublié, et ne le sera pas davantage dans l’avenir. Bien au contraire, il fait l’objet d’une attention toute particulière de l’ARS, s’agissant en particulier des difficultés auxquelles il est confronté.
Cet hôpital devrait percevoir prochainement tous les types de crédits qu’il est possible d’obtenir dans le cadre du Ségur : des investissements du quotidien, une aide à la restauration de ses capacités financières et une aide structurelle pour un projet encore en cours d’instruction.
Comme vous l’avez expliqué, l’hôpital de Mont-Saint-Martin souffre en effet d’un manque d’attractivité en raison de la proximité du Luxembourg ; c’est une problématique que l’on rencontre un peu partout dans votre territoire.
L’ARS du Grand Est soutient cet hôpital, même s’il s’agit d’un établissement privé : il facilite ainsi ses démarches en matière de ressources humaines, auprès de la préfecture notamment, lorsqu’il tente de recruter des professionnels de santé en provenance de l’étranger.
Sur le plan financier, l’ARS a soutenu cet établissement par le passé et va continuer à le faire. L’hôpital a reçu 1,4 million d’euros au titre du soutien à l’investissement et 650 000 euros au titre du soutien à l’exploitation sur la période 2017-2019. Il faut y ajouter la hausse de 2 millions d’euros de la dotation annuelle de fonctionnement de l’hôpital pour son activité psychiatrique, et le déblocage d’une aide exceptionnelle de 1 million d’euros en 2020.
Au total, ce sont donc plus de 5 millions d’euros supplémentaires dont a bénéficié l’hôpital de Mont-Saint-Martin au cours des quatre dernières années, hors Ségur de la santé.
Dans le cadre du Ségur, l’établissement perçoit 160 000 euros pour son « assainissement financier » et 346 000 euros pour les investissements du quotidien. Je vous concède que ces montants ne figuraient pas dans le dossier de presse.
Comme vous l’espériez, dans ce même cadre, un projet d’investissement lancé par l’hôpital est en cours d’instruction par l’ARS. Il est bien identifié, et son coût est estimé à 13,5 millions d’euros.
Pour rappel, dans la région Grand Est, les annonces ministérielles de décembre dernier ne portaient que sur 40 % de l’enveloppe des investissements majeurs prévus dans le cadre du Ségur de la santé.
En fait, il reste 180 millions d’euros à la disposition des hôpitaux. Or, je le répète, aucun établissement pouvant prétendre à une aide ne sera oublié. L’argent est là, nous avons débloqué les moyens nécessaires et nous tiendrons nos engagements. Vous n’aurez donc pas longtemps à attendre, madame la sénatrice : l’ARS poursuit le travail avec l’établissement que vous évoquiez.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Madame la ministre, le 22 novembre dernier, je recevais à ma permanence une délégation, unique en son genre, d’un collectif rassemblant des employeurs et des syndicats de l’économie sociale et solidaire en Bretagne. Ceux-ci s’étaient mobilisés en nombre dans tout le département du Finistère pour demander une revalorisation salariale de l’ensemble des professionnels du secteur médico-social et social.
En effet, seuls les personnels travaillant dans des établissements relevant du financement de l’assurance maladie peuvent bénéficier des augmentations de rémunération prévues par le Ségur de la santé, ce qui exclut de fait une grande partie des métiers éducatifs, administratifs et de support.
Cette restriction crée d’importantes iniquités au sein d’un même établissement, voire d’une même équipe, puisque les professionnels ne perçoivent pas tous le même traitement, malgré des fonctions et des qualifications analogues. Les employeurs nous indiquent rencontrer des difficultés de recrutement inédites : les départs se multiplient et les personnels s’orientent vers des secteurs mieux valorisés. Certains services ont même déjà dû fermer.
Cette situation menace gravement la capacité des établissements de santé à mener à bien leur mission. Au-delà du Ségur, c’est la faiblesse structurelle des salaires, la dégradation des conditions de travail et le manque de considération pour le secteur social et médico-social qui sont aujourd’hui en cause.
Alors que l’ensemble des personnels continuent de faire preuve d’un professionnalisme et d’un dévouement sans faille, madame la ministre, allez-vous rétablir une égalité de traitement entre les personnels, en annonçant une revalorisation salariale pour tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Jean-Luc Fichet, je n’ai pas bien compris de quel collectif vous me parliez : défend-il les professionnels du secteur du handicap, ceux du secteur de l’aide à domicile, ou encore d’autres secteurs ?
Si vous me parliez de l’aide à domicile, l’État a d’ores et déjà fait en sorte de revaloriser les salaires des personnels dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Après négociation, sachez que les départements contribuent à la mise en œuvre de cette mesure à hauteur de 50 %.
Si, en revanche, vous évoquiez la situation d’autres catégories de personnels, par exemple ceux qui travaillent dans les établissements de santé privés à but lucratif, la situation est différente.
En effet, ces entreprises devront, tout comme l’État et les départements pour le secteur public, faire les efforts financiers nécessaires pour revaloriser leurs salariés. À leur demande, nous avons d’ailleurs mis en place un tarif national de référence destiné à garantir une égalité tarifaire sur l’ensemble le territoire, et ce afin de ne pas remettre en cause leur modèle économique.
Je pense aussi aux professionnels de santé relevant de la fonction publique territoriale, qu’elle soit départementale ou communale, s’agissant des centres communaux d’action sociale (CCAS). Là encore, la négociation s’impose : les collectivités, à leur tour, devront produire un effort financier si elles veulent que l’État les accompagne.
Nous n’excluons personne. Les revalorisations salariales s’étendent progressivement aux différents secteurs, par étapes successives. N’oublions pas qu’à l’origine le Ségur de la santé visait exclusivement la revalorisation des métiers de la santé.
Je fais partie de celles et ceux qui, dès le départ, ont plaidé pour une revalorisation des salaires des aides à domicile, lesquelles n’étaient pas considérées comme faisant partie des personnels soignants stricto sensu. Leurs revendications étant légitimes, nous avons – je le redis – engagé un nouveau plan d’aide dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Comme vous le savez, à la suite de la mission Laforcade, nous avons permis à d’autres professionnels du secteur médico-social de bénéficier de ces revalorisations, et nous allons continuer dans ce sens.
La situation des personnels que vous mentionnez sera revue, monsieur le sénateur : nous comptons étudier une à une toutes les catégories qui n’ont pas encore obtenu de hausse de salaire, car les secteurs sous tension méritent toute notre attention.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour la réplique.
M. Jean-Luc Fichet. Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse. Je faisais référence à un collectif unique en son genre, puisqu’il regroupe des employeurs et des syndicats de l’économie sociale et solidaire.
Le médico-social comprend évidemment le secteur du handicap, mais aussi le secteur de l’aide à domicile, dans lequel on constate quotidiennement que les conditions de travail sont très dures et les salaires très faibles.
Vous l’avez dit, il nous faudra lancer des concertations pour aboutir, ensemble, à des solutions. Il y a urgence : il faut agir avant que ces secteurs se retrouvent sans personnel compétent pour assurer des tâches très difficiles au quotidien.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Hier après-midi, le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Guadeloupe, M. Gérard Cotellon, et son directeur général adjoint, M. Cédric Zolezzi, ont été agressés sur leur lieu de travail.
Une telle violence n’a pas sa place en démocratie, encore moins dans l’enceinte d’un hôpital. Permettez-moi de leur exprimer à nouveau mon amitié et de leur apporter tout mon soutien.
Madame la ministre, sur les 14,5 milliards d’euros d’investissement prévus dans le cadre du Ségur de la santé pour les établissements de santé, plus de 1 milliard d’euros sera consacré aux outre-mer. Cette somme permettra d’améliorer la trésorerie des établissements, de les désendetter, au moins partiellement, et les aidera à assurer leurs investissements courants. Elle s’ajoute aux financements déjà engagés pour combler le retard que l’offre de soins en outre-mer a accumulé par rapport à celle de l’Hexagone.
En juillet 2020, le ministre des solidarités et de la santé avait évoqué la possibilité d’organiser un Ségur propre aux outre-mer. Vous le savez, cette proposition n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd : les hospitaliers ultramarins sont en effet nombreux à réclamer – c’était le cas encore récemment – un traitement spécifique pour nos territoires, et une plus grande autonomie sanitaire.
L’isolement géographique des outre-mer justifie, selon les conclusions du rapport de nos collègues Jean-Michel Arnaud et Roger Karoutchi, « un dimensionnement de l’offre de soins au moins équivalent à celui de l’Hexagone », notamment en ce qui concerne les capacités en soins critiques.
La refonte du coefficient géographique et des modes de financement des hôpitaux ultramarins est la clef de cette autonomie ; elle permettra de réduire le nombre d’évacuations de patients vers l’Hexagone et les frais exorbitants que celles-ci emportent, mais également de constituer des pôles d’excellence.
Un rapport sur la question a été récemment remis au Parlement ; le ministre a indiqué que la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) y travaillait également.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous informer de l’avancée de vos travaux sur le sujet ? Pouvez-vous également nous dire si un Ségur des outre-mer a une chance de voir le jour ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Théophile, permettez-moi de vous remercier pour le soutien que vous apportez au directeur général du CHU de Guadeloupe, Gérard Cotellon, et à ses équipes. Les violences dont ils ont été la cible sont inacceptables, surtout dans le climat actuel ; nous devons afficher un front uni pour condamner ces actes commis à l’encontre de ceux qui assurent le fonctionnement des hôpitaux au service de la population. Comme vous, je les condamne avec la plus grande fermeté.
Pour en revenir à votre question, l’agenda du Gouvernement n’a pas permis d’ouvrir une fenêtre propice à une discussion de type Ségur ad hoc, pour laquelle, d’ailleurs, nous ne disposons d’aucun mandat financier.
Je me dois néanmoins de rappeler que les outre-mer peuvent pleinement bénéficier de l’ensemble des mesures du Ségur, notamment les mesures de revalorisation salariale.
Par ailleurs, nous savons que les départements et régions d’outre-mer (DROM) ont besoin d’investissements importants. Ils en bénéficieront, et ce au-delà même des vastes chantiers en cours, comme celui du CHU de Pointe-à-Pitre. Ainsi, nous avons décidé de consacrer, dans le cadre du Ségur, plus de 1 milliard d’euros d’investissement en outre-mer, en plus des opérations déjà engagées.
Afin de s’adapter aux spécificités du territoire, le ministre de la santé a engagé une réflexion avec les ARS concernées pour envisager le desserrement de certaines contraintes, et pour donner davantage de souplesse et une certaine liberté, notamment, là où les dispositions métropolitaines ne paraissent pas adaptées.
S’agissant du coefficient géographique, nous avons fait le choix de l’objectivité. Nous avons confié à la Drees la mission d’élaborer une méthode statistique robuste sur la base de laquelle nous pourrons actualiser les coefficients géographiques que vous venez d’évoquer. Un rapport devrait être remis au moment de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme il était prévu.
Vous le voyez, malgré le contexte, nous restons mobilisés. Nous sommes aux côtés des Antilles pour œuvrer à la mise en place d’un plan global, permettant de garantir un égal accès aux soins des Français en outre-mer et en métropole.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Le 8 novembre dernier, le Gouvernement annonçait l’extension des revalorisations salariales du Ségur de la santé à 20 000 soignants supplémentaires, notamment les salariés des établissements pour personnes handicapées financés par les départements. Cette hausse de 183 euros par mois entend répondre aux difficultés de recrutement dans le secteur médico-social.
Ce secteur est actuellement confronté à une pénurie de personnel : les disparités de traitement entre salariés entraînent une fuite des compétences vers des secteurs mieux rémunérés ou déjà revalorisés.
À titre d’exemple, dans mon département de la Meuse, l’activité d’une association de parents gestionnaires d’établissements et de services pour personnes en situation de handicap, qui emploie 450 accompagnants, est réduite du fait du grand nombre de postes vacants – 40 postes équivalents temps plein à ce jour.
Certes, les annonces gouvernementales constituent une réponse nécessaire et appréciée, mais elles demeurent insuffisantes. En se limitant aux soignants et aux personnels paramédicaux, elles excluent des professionnels pourtant indispensables à l’accompagnement des personnes en situation de handicap, tels que les éducateurs spécialisés, les personnels administratifs, les agents de sécurité.
Comme l’a indiqué M. le Premier ministre, « l’accompagnement des personnes en situation de handicap ne se résume pas aux soins ».
De plus, cette situation sape les droits fondamentaux des personnes en situation de handicap : ruptures d’accompagnement dues aux arrêts de service, problèmes de sécurité, restriction des activités essentielles à leur vie quotidienne, obligeant parfois les familles à prendre le relais.
Madame la ministre, envisagez-vous d’étendre à l’ensemble du personnel des établissements médico-sociaux du secteur du handicap les mesures salariales prévues par le Ségur de la santé et les accords Laforcade – et dans l’affirmative, à quelle échéance ? Quel accompagnement proposeriez-vous dans ce cas aux départements ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Franck Menonville, votre question porte sur l’action du Gouvernement dans le champ du handicap.
Depuis le mois de novembre 2021, près de 20 000 soignants de ce secteur ont pu bénéficier d’une revalorisation de leur rémunération.
Vous venez d’évoquer les personnels travaillant dans le domaine de l’accompagnement social, c’est-à-dire une catégorie de professionnels directement rémunérés par les départements. Vous le comprendrez, leur revalorisation salariale nécessiterait un autre accord que celui de l’État, en l’occurrence celui des départements.
À cet égard, sachez que je procède méthodiquement : je rencontre tous les présidents de département les uns après les autres, et je peux vous dire que, maintenant que l’avenant 43 à l’accord de branche a été agréé et financé, partout où des ajustements seront nécessaires, nous étudierons l’éventualité d’une hausse des salaires.
Beaucoup d’autres avancées ont été obtenues : la création des « dotations qualité », par exemple, permettra un meilleur accompagnement des malades et des personnes fragiles à domicile. À chaque fois, il est cependant nécessaire de discuter avec les départements.
Les personnels que vous défendez, monsieur le sénateur, n’ont jamais autant profité d’aides de l’État. Ils se situent néanmoins en marge du Ségur de la santé, même s’ils demandent légitimement à bénéficier d’une hausse de leurs rémunérations – il n’y en a pas eu depuis très longtemps dans ce secteur.
Mathieu Klein, président du Haut Conseil du travail social (HCTS), est en train de préparer un Livre vert, à la demande du ministre des solidarités et de la santé, pour nous permettre d’envisager une revalorisation, tout à fait légitime, de ces personnels. Une telle mesure doit cependant faire l’objet, je le redis, d’une concertation avec les départements.
Compte tenu des circonstances que nous connaissons, la tenue de la conférence des métiers du secteur médico-social, qui était annoncée pour le 15 janvier prochain, a été quelque peu retardée. Elle aura pour vocation première de revoir et de remettre à plat ce sujet, en lien avec les départements et tous les financeurs concernés, y compris les gestionnaires des établissements pour personnes handicapées – cela va de soi.
Cette réflexion, qui doit s’engager dans le cadre d’un calendrier partagé, n’est pas neutre financièrement ; il faudra donc évaluer le niveau d’effort de chacun. C’est pourquoi nous avons demandé à deux membres de l’IGAS de participer à ce travail de concertation. Nous sommes en train d’établir une feuille de route qui nécessitera divers aménagements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Madame la ministre, nous attendons vraiment des informations précises de votre part sur le calendrier de la réforme. Pour l’instant, tout cela est très vague. Or les personnes qui attendent une revalorisation salariale ont besoin de choses concrètes.
Les personnels éducatifs, par exemple, participent, comme les soignants, à l’accompagnement des personnes en situation de handicap dans tous les actes de la vie quotidienne. Il faut donc vraiment penser à eux.
S’agissant de l’hôpital public, les praticiens hospitaliers en milieu de carrière se sentent aussi oubliés par le Ségur de la santé, en raison de la non-application de la nouvelle grille aux praticiens nommés avant le 1er octobre 2020. Cette mesure est très mal vécue par les praticiens hospitaliers et fait l’objet de plusieurs milliers de recours individuels.
Quelque 330 commissions médicales d’établissement (CME) ont adopté une motion demandant l’application de cette nouvelle grille à tous. Ce dossier est à ce jour bloqué au niveau de votre ministère, alors que les représentants du secteur vous ont fait parvenir des propositions claires et efficaces pour fidéliser les praticiens hospitaliers.
Ce ne serait que justice de leur donner satisfaction, compte tenu de tous les efforts réalisés depuis plus de deux ans dans un hôpital sous tension.
Madame la ministre, pouvez-vous m’assurer que vous reverrez ce dossier avec toute l’attention qu’il mérite ? Nous devons à ces professionnels de santé toute notre reconnaissance.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Delmont-Koropoulis, vous m’interrogez sur les mesures prises en faveur des praticiens hospitaliers, notamment la revalorisation de leur rémunération qui est attendue.
Je rappelle qu’un accord a été signé le 13 juillet avec les organisations syndicales représentatives des médecins et la Fédération hospitalière de France (FHF), qui ont opté pour cette méthode et ce calendrier.
Cet accord majoritaire a permis la fusion des quatre premiers échelons de la grille, et ce afin d’améliorer l’attractivité de l’hôpital public – ce qui est aujourd’hui une nécessité – notamment auprès des jeunes professionnels de santé. Comme vous le souligniez, madame la sénatrice, ce sont effectivement les nouveaux entrants qui bénéficient de cette refonte des grilles. Sachez toutefois que la réforme concerne plus de 15 000 praticiens et correspond à un effort du Gouvernement de l’ordre de 90 millions d’euros.
Par ailleurs, le Gouvernement s’est engagé à reconnaître les fonctions managériales des médecins à l’hôpital par l’instauration d’une prime de chef de service, d’une prime de chef de pôle, et la revalorisation de l’indemnité des présidents de commission médicale d’établissement. Près de 25 000 praticiens bénéficient de ces primes managériales depuis novembre 2021 ; cela représente un engagement de plus de 80 millions d’euros.
Au-delà du Ségur de la santé, le Gouvernement a pris des engagements en juillet dernier pour améliorer l’attractivité des carrières des personnels hospitalo-universitaires : amélioration des rémunérations, mais aussi de la gestion des parcours professionnels, ou encore respect de l’égalité femmes-hommes dans l’accès à ces carrières.
Au total, l’engagement du Gouvernement pour attirer et fidéliser des personnels non médicaux à l’hôpital représente un effort de près de 500 millions d’euros par an.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour la réplique.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Madame la ministre, je vous demande une nouvelle fois d’examiner les propositions des représentants du secteur, car il importe que tout le monde profite de la refonte de la grille.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, mon intervention fait écho à une question d’actualité qui vous a été posée cet après-midi.
En effet, les difficultés persistent. Si nous donnons l’impression de nous répéter depuis dix-huit mois, c’est que nous estimons qu’il importe de combler les trous dans la raquette ; c’est la conséquence d’une réponse du Gouvernement qui n’a pas été systémique, de la mise en œuvre de mesures qui n’ont pas concerné l’ensemble des professionnels de la même manière.
Force est de constater qu’à l’issue du Ségur de la santé et des accords Laforcade demeure un double problème de cohérence et de périmètre quant aux revalorisations prévues.
Il y a d’abord un problème de cohérence, car les négociations ont toutes été menées en silo, sans tenir compte des liens et des interactions entre tous les métiers de la santé, santé qu’il faut entendre, au sens de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), comme un état complet de bien-être physique, mental et social.
À ce cloisonnement s’ajoute un problème de périmètre, car ces revalorisations excluent de fait une grande partie du secteur social, par exemple le champ de la protection de l’enfance dont nous avons récemment débattu.
Éducateurs spécialisés, moniteurs d’enseignement ménager, éducateurs de jeunes enfants (EJE), techniciens de l’intervention sociale et familiale (TISF), psychologues, cadres de service éducatif et social : tous se sont mobilisés pour renforcer les dispositifs auprès des plus vulnérables durant les confinements successifs, assurer la continuité des actions de protection de l’enfance et faire face aux conséquences toujours en cours de la crise sanitaire et sociale.
À l’heure où une conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social est annoncée – elle est finalement reportée –, et où une mission est confiée à l’IGAS pour faire converger les conventions collectives du secteur, ma question est précise, madame la ministre : le Gouvernement compte-t-il remédier avant la fin de son mandat, soit plus d’un an et demi après le début du Ségur, aux inégalités de traitement entre les professionnels de la santé, au sens de l’OMS, ainsi qu’aux dysfonctionnements induits par les distorsions d’attractivité au détriment, bien entendu, des oubliés des accords, qui, une fois de plus, sont principalement des travailleurs sociaux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Poncet Monge, comme vous l’avez indiqué, votre question a trait au travail social. Il s’agit, vous en conviendrez, d’une catégorie différente de la santé, même si vous englobez le travail social dans la définition de l’OMS – je partage d’ailleurs votre point de vue, car j’ai moi-même participé, en tant que présidente du Haut Conseil du travail social, à la valorisation et la redéfinition de cette catégorie.
Aujourd’hui, on considère les professionnels du travail social comme des oubliés du Ségur de la santé, alors qu’ils n’entrent pas, à proprement parler, dans le périmètre de ces accords. En effet, comme je l’ai rappelé lors de mon propos liminaire, le Ségur concernait la santé au sens strict du terme.
Cela étant, nous avons ensuite étendu la réflexion à d’autres secteurs dont les revendications sont également légitimes. Nous en sommes désormais à examiner la situation des travailleurs sociaux, qui depuis longtemps déplorent la perte de sens et de lisibilité de leurs métiers du fait d’un travail en silo. Nous avons donc mené un travail sur les formations, en y intégrant notamment un tronc commun, et nous nous sommes efforcés de remédier à cette perte de motivation.
S’agissant des revalorisations salariales, il n’appartient pas au Gouvernement d’en décider, du moins sans concertation avec les employeurs des travailleurs sociaux, qu’il s’agisse des départements ou d’autres catégories d’employeurs. En effet, les travailleurs sociaux relèvent d’une catégorie spécifique de la fonction publique territoriale, et ils suivent une formation qui est, elle aussi, spécifique.
Une telle concertation ne peut se concevoir que dans le cadre d’une conférence sociale, ce qui justifie la remise au préalable du travail de clarification que nous avons demandé à l’IGAS.
Je suis d’autant plus à l’aise pour l’évoquer que les personnes qui ont été missionnées sont les mêmes qui m’ont aidée à rédiger mon rapport sur le travail social à l’époque où j’occupais d’autres fonctions. En tant que président du Haut Conseil du travail social, Mathieu Klein chapeaute les travaux sur ce livret vert qui nous sera remis prochainement.
Dans mon département – je suis moi-même conseillère départementale –, nous commençons à réfléchir à cette revalorisation, mais cela s’annonce très complexe en termes de financement.
En tout état de cause, madame la sénatrice, je le répète, tout cela se décidera dans le cadre de la conférence sociale que j’évoquais.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Jacquemet.
Mme Annick Jacquemet. Madame la ministre, le sujet du Ségur de la santé est important pour tous les départements. Étant pour ma part élue du Doubs, j’ai pris attache avec la présidente du département et avec le directeur général des services, afin de disposer de remontées de terrain quant à l’application des mesures prises dans le cadre du Ségur de la santé.
Pour l’heure, seuls les personnels soignants travaillant dans des établissements et services de santé relevant du financement de l’assurance maladie sont concernés par ces revalorisations salariales.
Or ces professionnels côtoient au quotidien des personnels socio-éducatifs, administratifs et techniques, et leurs échanges révèlent des disparités de rémunérations qui aggravent les tensions au sein des équipes et suscitent un sentiment d’injustice, d’incompréhension et de colère.
Madame la ministre, comment entendez-vous assurer une cohérence de rémunération entre les salariés d’une même entité ? Par quels moyens envisagez-vous d’instaurer le nécessaire dialogue entre les organismes financeurs de ces structures, l’État, les ARS, les départements et, plus largement, les collectivités et les associations ?
Par ailleurs, la même disparité salariale existe entre les personnels des structures associatives et publiques. Quelles dispositions nationales d’harmonisation comptez-vous prendre pour éviter la fuite des travailleurs d’un secteur vers l’autre ?
Enfin, les départements souhaitent disposer des modalités concrètes et d’un calendrier précis pour éviter toute disparité entre départements, structures employeuses et différentes catégories de personnels.
Pour conclure, tout en saluant les mesures de revalorisation salariale, je tiens à ajouter que la question du bien-être au travail ne doit pas être oubliée. La gestion des établissements est désormais financière avant d’être organisationnelle. Un métier attractif suppose certes une reconnaissance salariale, mais également un cadre d’exercice qui permette de se sentir bien au travail.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Annick Jacquemet, vous m’interrogez vous aussi sur le calendrier. Je vous remercie pour cette question qui me permet de rappeler ce que j’ai expliqué concernant ces différentes catégories de professionnels du médico-social et du champ social qui ont des employeurs différents, et relèvent donc de conventions différentes.
Depuis les accords du Ségur, nous sommes allés d’extension en extension et avons même élargi le périmètre prévu initialement.
S’agissant des aides à domicile, le calendrier a été fixé au travers de l’avenant 43 : l’accord est entré en vigueur en octobre 2021, si bien que la revalorisation est effective depuis la fin de l’année. Les aides à domicile ont pu constater la hausse de leurs salaires dès le 1er novembre dans les départements qui se sont engagés dans cette démarche.
Le financement est disponible, puisque des dispositions ont été prises immédiatement pour compenser les efforts consentis par les départements, mais le calendrier relève désormais des seules décisions départementales. Il en est de même pour le relèvement du tarif national socle et la dotation « qualité ».
Comme je l’indiquais précédemment, la légitime revalorisation salariale des autres catégories de personnels que vous citez, madame la sénatrice, exigera un travail complexe sur les grilles salariales et les conventions en concertation avec les départements. Le calendrier sera donc naturellement fixé en lien avec ces derniers.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Madame la ministre, près de deux ans après le début de la crise sanitaire, nous avons ce débat sur les oubliés du Ségur de la santé, toutes ces professions que vous avez négligées et que vous revalorisez désormais au compte-gouttes, quand leur importance pour notre système de soins vous revient en mémoire.
Au-delà de ces oubliés, je souhaite aborder avec vous, et de façon plus générale, les oublis du Ségur de la santé.
Ce dernier avait pour objectif d’améliorer et de revaloriser la carrière des personnels soignants de notre pays, mais il n’a apporté qu’une réponse partielle, seulement financière et en définitive insuffisante aux problématiques beaucoup plus globales que pose notre système de santé.
Aujourd’hui, la sécurité des patients est quotidiennement menacée. On assiste à de nombreux départs de soignants, écœurés par leurs conditions de travail. Or c’est avant tout le manque de lits, de moyens et de personnel qui est pointé du doigt.
Aujourd’hui, à l’hôpital, les considérations financières priment la qualité de la prise en charge des malades.
Les besoins spécifiques de chaque territoire ne sont pas pris en compte, si bien que, pour remédier au manque d’attractivité des carrières hospitalières, les hôpitaux doivent bien souvent faire appel à des intérimaires pour « boucher les trous », si vous me permettez cette expression. Or ces intérimaires coûtent très cher aux hôpitaux, certains percevant jusqu’à 2 500, voire 3 000 euros pour une garde de vingt-quatre heures.
Un plafonnement de ces rémunérations était prévu, mais il n’a toujours pas pu être mis en place, et pour cause : face à la pénurie de médecins, les hôpitaux, notamment les plus petits, ne peuvent pas se passer de l’intérim.
Nous nous interrogeons, madame la ministre : quand allons-nous changer de logique et faire passer l’intérêt des patients avant les intérêts financiers ? Quelle politique précise entendez-vous mettre en place pour restaurer durablement les carrières hospitalières et consolider notre système hospitalier ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Poumirol, la santé est un sujet de préoccupation majeur. En ces temps de pandémie, je ne crois pas que l’on ait fait passer la santé après des intérêts particuliers ou privés. Nous l’avons même placée au premier rang de nos priorités.
Je ne dis pas que tout va bien pour autant – vous ne m’entendrez jamais dire cela –, mais j’estime qu’il serait bon d’admettre que du chemin a été parcouru. Les chiffres le montrent, et ils sont têtus.
M. Julien Bargeton. Tout à fait !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) que nous avons créées sont un instrument de maillage des territoires. Elles proposent un mode d’exercice attractif pour les professionnels libéraux, comme le montre la dynamique de leur déploiement.
Si nous souhaitons doter les territoires des moyens de lutter contre les déserts médicaux, nous devons proposer un mode d’exercice qui attire les professionnels de santé. Or aujourd’hui, ces derniers – vous le savez comme moi – aspirent à travailler en équipe. Les jeunes ont envie de s’installer, non pas seuls en cabinet, mais dans des maisons de santé pluridisciplinaires ou des cabinets partagés. Je suis bien placée pour le savoir car, dans le territoire rural dont je suis élue, nous nous battons depuis des années pour faire avancer les choses.
Nous avons augmenté puis supprimé le numerus clausus. Instauré dans les années 1970 comme un faux levier de régulation des dépenses de santé, celui-ci est à l’origine de la pénurie de médecins que connaît notre pays aujourd’hui.
Grâce à la suppression de ce numerus clausus, plus de 10 500 étudiants de médecine suivent actuellement leur deuxième année de formation. Malheureusement, les effets de cette mesure ne se voient pas tout de suite. Nous les constaterons sur le long terme.
Nous avons également mis l’accent sur le numérique dans toutes les dimensions de la santé. La crise de la covid-19 a démontré que ce n’est pas un gadget : au contraire, le numérique a été très utile, car il a rendu possibles des modalités de prise en charge qui ont permis de maintenir l’accès des patients aux professionnels de santé. Nous sommes passés de 10 000 à 1 million de téléconsultations en quelques semaines. Nous avons tout fait pour lever les obstacles inutiles et faciliter le développement de la télésanté.
J’évoquerai enfin un autre axe d’action très important : nous sommes allés au-delà des frontières posées par les corporatismes pour pouvoir utiliser au maximum les compétences des professionnels de santé. Nous avons créé des protocoles de coopération et instauré des pratiques avancées permettant à chacun d’exercer l’intégralité de ses compétences, tout en s’affranchissant des conservatismes habituels.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Madame la ministre, la cinquième vague est là, vous le savez. Il est impossible de le nier, tout comme il est impossible d’en minorer l’importance : il n’y a qu’à observer l’afflux massif de nos concitoyens pour se faire tester, l’augmentation démesurée des contaminations dans un temps record, ou la crainte pérenne pour beaucoup que cette période extraordinaire soit vouée à devenir ce qu’il y a de plus ordinaire.
En coulisse, on voit des médecins, des urgentistes, des infirmiers, des ambulanciers, et j’en passe, épuisés et méprisés.
La cinquième vague est là. Pourtant, l’hôpital va encore plus mal qu’au début de cette pandémie. Il meurt chaque jour un peu plus au gré de l’absence de décisions fortes et courageuses.
À titre d’exemple, les professionnels médicaux et les soignants de l’hôpital d’Antibes ne cessent d’attirer mon attention sur la reconnaissance insuffisante du travail de nuit et la sous-valorisation de la permanence des soins, alors qu’ils sont au cœur de la bataille contre la covid-19, à l’exemple des services d’urgence, de réanimation ou encore de médecine.
Certes, le Ségur de la santé a débouché sur un plan d’investissement dont nous ne pouvons que nous féliciter. Toutefois, l’hôpital français souffre d’un mal plus profond que la crise n’a fait que mettre en lumière. La multiplication des plans blancs, notamment dans mon département des Alpes-Maritimes, ne saurait masquer la multiplicité des défaillances dont l’hôpital est victime.
Dès lors, plusieurs questions pourtant simples demeurent en suspens, madame la ministre.
Qu’en est-il de la formation des infirmiers, alors qu’il est essentiel de « réarmer » les lits de réanimation – encore faut-il qu’il y en ait assez ! – occupés par nos concitoyens touchés gravement par le virus ?
Comment expliquez-vous qu’en pleine pandémie ait été annoncé un retard dans la publication des décrets réformant les statuts et les conditions d’exercice des praticiens hospitaliers ? Vous n’êtes pourtant pas sans savoir combien il est nécessaire d’améliorer l’attractivité des professions médicales.
Madame la ministre, l’hôpital public va mal – nous en sommes tous conscients : les déprogrammations s’enchaînent, s’apparentant à une bombe à retardement en termes de santé publique. Ma dernière question est en conséquence très simple : que comptez-vous faire pour éviter une saturation mortifère de nos hôpitaux à chaque pic épidémique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Je vous remercie de votre question, ou plutôt de votre réquisitoire, madame la sénatrice.
Je tiens tout d’abord à remercier les professionnels de santé de l’effort continu qu’ils fournissent. Malgré les vagues successives, notre hôpital a tenu, madame, et j’y insiste. J’estime que nous devrions tous nous en féliciter.
Vous avez évoqué la question de la permanence des soins. Je rappelle que nous avons doublé les heures supplémentaires ainsi que le temps de travail additionnel pour les médecins, et que nous avons mobilisé les libéraux.
Compte tenu de l’ampleur des revalorisations salariales que je viens de mentionner, du nombre de personnes concernées – qui n’avaient pas bénéficié de hausse de salaire depuis des années –, des milliards d’euros que nous consacrons aux investissements dans l’hôpital et des reprises de dettes, ce que vous venez de dire est tout de même un peu fort de café. C’est en tout cas difficile à entendre.
Vous relevez les mauvais points sans jamais donner un signe d’espoir à des personnels qui, en ce moment, ont pourtant besoin d’être réconfortés et encouragés.
Je ne sais pas si vous les visitez, madame, mais quand je me rends dans les hôpitaux et les Ehpad, les personnels nous remercient. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Ils sont épuisés mais reconnaissants. Surtout, ils en ont assez de ce type de discours. (Mêmes mouvements.)
Au moment où nous travaillons sur l’attractivité des métiers hospitaliers, pensez-vous qu’un discours aussi misérabiliste que celui que vous tenez puisse nous aider ? Je vous assure que non, car ces personnels ont besoin d’être encouragés.
Je ne dis pas que nous avons tout fait parfaitement. Certains personnels revendiquent d’ailleurs légitimement de nouvelles améliorations. En revanche, tout ce que nous avons fait, vous ne l’aviez pas fait auparavant – je sais que vous êtes bien placée pour le savoir. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous avez tous une part de responsabilité à assumer dans le manque actuel de médecins.
En tout état de cause, cessez de mettre la responsabilité de l’ensemble des problèmes de l’hôpital sur le dos du gouvernement actuel, qui, de plus, fait face à une pandémie mondiale – ce qui, à ma connaissance, ne vous est jamais arrivé.
Je tenais à remettre les choses dans leur contexte. À ce sujet, je suis étonnée que vous n’évoquiez pas les oubliés du Ségur…
Mme la présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole, madame la ministre. J’ai pourtant été généreuse, puisque je vous ai laissé vingt-huit secondes supplémentaires, mais nous devons poursuivre le débat.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au nom de tous les élus de la Guadeloupe réunis ce jour, je souhaite exprimer mon soutien inconditionnel au directeur général du CHU de Guadeloupe et de ses collaborateurs qui ont été agressés hier soir au sein même de l’établissement public de santé. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, RDSE, RDPI, UC et Les Républicains.) Je vous remercie de votre soutien, mes chers collègues.
Madame la ministre, je concentrerai mon propos sur la situation des établissements privés à but non lucratif et le secteur associatif, particulièrement ceux qui prennent en charge les personnes en situation de handicap.
Les nombreuses vagues de la crise sanitaire en outre-mer ont mis en évidence, davantage que dans l’Hexagone, les insuffisances structurelles de l’offre de soins dans ces territoires.
En effet, les problématiques spécifiques de santé publique en outre-mer entraînent des surcoûts importants pour les établissements sanitaires et médico-sociaux. Ces difficultés se sont accentuées ces dernières années.
De ce fait, la non-revalorisation salariale de soignants et de non-soignants du secteur médico-social dans le cadre du Ségur de la santé suscite un sentiment d’abandon et crée une concurrence déloyale entre les établissements et entre les secteurs d’activité.
Cette situation est à l’origine de difficultés considérables de recrutement, particulièrement pour les employeurs privés et les associations. Elle provoque également des tensions entre les salariés du fait des différences de statut ou de convention collective, ce qui induit dans certains cas des ruptures de prise en charge pour les patients, particulièrement les personnes les plus vulnérables.
Madame la ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour rétablir une équité salariale entre les différents personnels et garantir l’égalité d’accès à une offre de soins de qualité pour les usagers dans les outre-mer ? J’attends une réponse concrète.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. C’est un vaste sujet à traiter en deux minutes…
Les accords du Ségur ont pris en compte le cas du secteur privé lucratif et non lucratif dès le départ puis au fil des évolutions successives de périmètre. Nous avons également pris en considération les secteurs que vous avez évoqués, et nous avons échangé avec les fédérations représentant les établissements concernés, notamment sur les modalités de financement.
Des mécanismes de péréquation ont été mis en place pour répartir au mieux ces financements, même si les besoins ne sont pas toujours couverts intégralement – mais dans certains cas, les moyens sont au contraire trop importants.
Quoi qu’il en soit, les enveloppes incluses dans l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour financer les mesures du Ségur sont au bon niveau pour chacun des acteurs et des secteurs. Il convient ensuite de les répartir de manière adéquate entre les établissements en fonction de l’activité sanitaire.
S’agissant des investissements, les établissements du secteur privé peuvent également en bénéficier. En revanche, aucune reprise de dettes n’est envisageable, dans la mesure où ces établissements peuvent appartenir à des fonds d’investissement.
Toutefois, les montants des enveloppes allouées pour l’investissement ne sont pas les mêmes, d’une part, parce que le secteur public est le plus important en termes d’offre de soins et, d’autre part, parce qu’il comprend les plus gros établissements. Le chantier du CHU de Pointe-à-Pitre, qui est en cours, représente par exemple un investissement de plus de 600 millions d’euros, financés à 100 % par l’État.
S’agissant des formations, comme cela était prévu dans la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, l’inspection générale des affaires sociales et l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche ont lancé une mission à l’automne 2021 pour juger de l’opportunité et définir les conditions de mise en œuvre d’une faculté de médecine de plein exercice aux Antilles. Aujourd’hui, les étudiants en médecine peuvent débuter leur premier cycle en outre-mer et y revenir en tant qu’internes, mais ils doivent effectuer leur deuxième cycle en métropole.
Les universités et les centres hospitaliers universitaires ont mené un travail sur les conditions d’enseignement et d’accueil en stage des étudiants lors de leur parcours de formation pris dans son intégralité. L’ensemble des acteurs locaux ont été auditionnés par la mission, dont les conclusions seront remises au Gouvernement dans les prochaines semaines. Ainsi, nous pourrons déterminer rapidement le calendrier de mise en œuvre de cette faculté de plein exercice aux Antilles.
Madame la sénatrice, soyez assurée de notre détermination à faire aboutir ce projet, car nous partageons votre préoccupation : les professionnels de santé doivent être formés au plus près des territoires, là où les besoins de santé sont les plus importants.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Madame la ministre, la France est malade, et pour tenter de la soigner, votre gouvernement a réuni un Ségur de la santé. Il fallait en effet pallier des décennies de carence – je vous accorde que vous n’êtes pas responsable de la situation dans son ensemble.
J’ai toutefois l’impression que l’on reproduit les mêmes erreurs, madame la ministre, car – c’est le thème de notre soirée – il y a des oubliés, il y en a même des paquets, notamment dans le secteur médico-social.
Ma question est simple, madame la ministre : où en est le fameux projet de loi Autonomie dont on a entendu parler au début du quinquennat, et que comptez-vous faire, notamment pour les Ehpad ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Belin, je vous répondrai rapidement sur le Ségur de la santé, afin d’évoquer plus longuement les Ehpad.
On parle toujours des oubliés du Ségur ; or le Ségur s’est adressé à tous ceux que l’on avait oubliés avant. À l’inverse de ce que vous semblez croire, monsieur le sénateur, le Ségur répare ces injustices. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous avez évoqué le manque de places en Ehpad, et vous m’avez interrogée sur ce que nous comptions faire.
Nous disposons de 7 500 Ehpad en France. Si l’on y ajoute les résidences autonomie, nous disposons d’environ 15 000 établissements pour personnes âgées, soit une capacité de plus de 600 000 places.
Les fédérations d’Ehpad, avec lesquelles j’échange toutes les semaines en visioconférence depuis le début de la crise sanitaire, me signalent que les établissements n’ont plus de liste d’attente, et que parfois, ils disposent de places disponibles. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Mais bien sûr !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous semblez prétendre les connaître mieux que moi, alors que je m’entretiens chaque semaine avec les représentants du secteur, non pas seulement le directeur de l’établissement qui se trouve au coin de ma rue, mais les directeurs des établissements de la France entière. Je relaie modestement leurs propos.
En revanche, les Ehpad souffrent d’un manque de soignants en raison, d’une part, de la perte d’attractivité de leur métier et, d’autre part, d’un manque cruel d’investissement. Nous sommes en train de remédier à cette situation puisque, dans le cadre du Ségur de la santé – dont je rappelle qu’il comporte également un volet investissements –, nous leur allouons une enveloppe de 2,1 milliards d’euros.
Monsieur le sénateur, aujourd’hui, ces établissements me donnent envie de fuir quand je les visite. Croyez-moi, je n’en tire aucune fierté. Certains ont été restaurés par endroits, mais sur les quinze dernières années, nous n’avons rénové au total que 20 % des établissements.
Je salue d’ailleurs le personnel qui travaille dans ces infrastructures, car bonjour la qualité ! On y trouve encore des chambres doubles, et parfois, une seule douche pour vingt-cinq résidents. Cela ne choquait personne jusqu’à présent : c’est bizarre, il a fallu une crise pour qu’on en parle… (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
En ce qui me concerne, dès ma nomination à la présidence de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en 2017, j’ai demandé la constitution d’une mission d’urgence sur les Ehpad, car je savais qu’il y avait un problème. Je n’ai pas attendu la crise sanitaire ni même le Ségur de la santé pour m’emparer de ce sujet.
Désormais, nous investissons. Nous avons identifié avec les ARS les établissements dans lesquels il était le plus urgent d’intervenir. (M. Bruno Belin manifeste son impatience en désignant sa montre.) Souhaitez-vous oui ou non que je vous réponde, monsieur Belin ?
Voix sur les travées du groupe Les Républicains. Le temps de parole est le même pour tout le monde !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Aujourd’hui, nous prenons résolument ce virage qui nous permettra de moderniser nos Ehpad et d’en ouvrir de nouveaux. Il y va de la qualité de vie au travail des soignants et de la qualité de vie des résidents et des familles.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Belin, pour la réplique.
M. Bruno Belin. Madame la ministre, vous avez cherché à revenir en arrière et tenté de faire peser sur je ne sais qui la responsabilité d’une situation que vous auriez découverte. Cela démontre bien que vous connaissiez mal le sujet. (Mme la ministre déléguée proteste.)
La météo d’hier n’intéresse personne. Ce qui compte, c’est ce que l’on va faire ou ce que vous devez faire.
M. Bruno Belin. Or vous ne faites preuve d’aucune prévoyance en matière de grand âge. (Mme la ministre déléguée s’agace.) Madame la ministre, ayez au moins la courtoisie de m’écouter !
M. Bruno Belin. Six millions d’habitants de ce pays ont plus de 80 ans, 15 % d’entre eux vivront dans la dépendance.
Aujourd’hui, aucune place n’est prévue dans aucun programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie (Priac), ni pour les personnes âgées ni pour les personnes handicapées.
M. Bruno Belin. J’y insiste, aucune création de postes n’est prévue, dans aucun Priac.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Il est prévu de créer 10 000 postes ! Vous ne savez rien.
M. Bruno Belin. Madame la ministre, il y a sur ces travées au moins trois présidents de départements qui connaissent le sujet des Ehpad aussi bien que vous.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. 10 000 postes ! Avez-vous seulement lu le projet de loi de financement de la sécurité sociale ?
M. Bruno Belin. Madame la ministre, gardez votre calme ! Votre attitude est une preuve de faiblesse, ce qui est regrettable. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Cela montre que vous ne comprenez rien et que vous ne savez rien !
M. Bruno Belin. Et puisqu’il faut aussi parler de l’hôpital ce soir, le gouvernement auquel vous appartenez a décidé d’instaurer un forfait pour les personnes qui se rendent aux urgences.
Dans les territoires ruraux, dans les territoires sans médecin – parce que vous n’avez pas encore réglé cette question –,…
M. Bruno Belin. … il serait souhaitable que ce forfait ne s’applique pas. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la ministre déléguée s’indigne.)
Madame la présidente, l’attitude de la ministre n’est pas respectueuse de notre assemblée !
M. Bruno Belin. Ça suffit !
Mme la présidente. Monsieur le sénateur, je prends acte de votre observation. (Mme la ministre déléguée redouble d’indignation.) Madame la ministre, il ne s’agit pas d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement à l’Assemblée nationale. Faisons en sorte de poursuivre dans la sérénité.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Madame la présidente, je réagissais à des commentaires que je juge inacceptables.
Mme la présidente. La parole est maintenant à Mme Martine Berthet, et à elle seule. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Martine Berthet. Madame la ministre, les accords du Ségur de la santé, signés le 13 juillet 2021, prévoient des aides, mais elles sont insuffisantes – comme cela a été souligné par les orateurs précédents – pour nos soignants, les hôpitaux et leurs investissements.
La démarche qui s’est imposée au travers de ces accords n’est pas sans contradiction. Si le volet investissements permettra à de nombreux hôpitaux de s’engager dans une rénovation plus que nécessaire de leurs infrastructures, les crédits alloués à la restauration de leurs capacités financières, pourtant tant attendus, sont à double tranchant. En effet, ils obligent contractuellement les établissements à réduire leurs dépenses sur une dizaine d’années, ce qui interdit tout nouvel emprunt.
Pour les établissements concernés simultanément par les deux dispositifs, la situation est paradoxale : le premier volet, le volet investissements, finance 80 % à 90 % du montant des travaux, tandis que le second, le volet « restauration des capacités financières » les empêche d’emprunter le reliquat nécessaire à leur réalisation.
Prenons l’exemple, dans mon département de la Savoie, du centre hospitalier de la vallée de la Maurienne.
Le montant total des investissements nécessaires à la rénovation des services de médecine – stérilisation et blocs opératoires – s’y élève à 16,5 millions d’euros. Or une aide de 14,9 millions d’euros a bien été attribuée à l’hôpital dans le cadre du Ségur – nous nous en félicitons tous –, mais il manque encore 1,6 million d’euros.
En parallèle, le centre hospitalier a signé une convention décennale avec l’ARS et s’est engagé à réduire son niveau d’endettement : il ne pourra donc pas emprunter ces 1,6 million d’euros manquants. En d’autres termes, d’un côté, on ouvre les vannes, de l’autre, on serre la vis.
Aussi, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour assouplir ces dispositifs aujourd’hui contradictoires et contre-productifs ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Berthet, la situation du centre hospitalier de la vallée de la Maurienne n’a visiblement pas été portée telle quelle – nous avons vérifié – à la connaissance de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, qui est pourtant la première interlocutrice de l’établissement sur ces sujets.
C’est bien toute la logique du Ségur de la santé que de prévoir une gestion déconcentrée des enveloppes et des prises de décisions pour s’adapter au plus près des situations que l’on observe dans les territoires.
Sur le fond, le centre hospitalier de la vallée de la Maurienne va bien recevoir – comme cela a été annoncé – 16,5 millions d’euros de la part de l’ARS, dont 14,9 millions d’euros issus du Ségur stricto sensu, pour mener à bien son projet de rénovation.
Dans la droite ligne du Ségur, il s’agit de conforter l’établissement dans son rôle, c’est-à-dire de faire en sorte qu’il propose un large accès aux soins dans un territoire assez isolé et caractérisé par une offre de premier recours qui, vous l’avez rappelé, est limitée.
Son unité de surveillance continue et son service de stérilisation centrale vont être reconstruits et son bloc opératoire réhabilité.
En parallèle, l’hôpital percevra 5,7 millions d’euros au titre de la restauration de ses capacités financières.
Cette aide est fournie dans le cadre d’une contractualisation avec l’ARS, définie par l’article 50 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 et les décrets pris pour son application. Il y est précisé que chaque établissement bénéficiaire se verra fixer, au cas par cas, une trajectoire de désendettement, afin que l’objectif de restauration durable de sa santé financière soit respecté.
Ces mesures sont prises pour que, à l’issue du Ségur, les établissements ne soient plus asphyxiés par leur dette, à la suite de nouveaux investissements insoutenables. En revanche, tous les endettements supplémentaires nécessaires à la réalisation des projets en cours d’instruction au moment de la contractualisation seront possibles.
Je tenais à vous rassurer sur ce point : l’objectif est bien de poursuivre la transformation de l’offre de soins. Nous voulons simplement que cela ne se traduise pas par une course à l’endettement, qui menacerait à long terme la réalisation des projets des établissements.
Dans le cas particulier que vous évoquez, et sans connaître les détails du dossier, je peux vous dire que tout endettement supplémentaire nécessaire à la réalisation du projet de rénovation soutenu par le Ségur sera pris en compte par l’ARS.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.
Mme Martine Berthet. Non, madame la ministre, la contractualisation avec l’ARS ne permettra pas au centre hospitalier de la vallée de la Maurienne d’emprunter les 1,6 million d’euros qui lui manquent pour réaliser ses travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Madame la ministre, c’est une alerte rouge sur les métiers des services aux personnes vulnérables que le Sénat lance aujourd’hui !
M. Pierre Cuypers. Eh oui !
M. Laurent Somon. L’exaspération laisse la place au désarroi des professionnels des secteurs médicaux et médico-sociaux face à leurs conditions de travail. Le désarroi dépasse la lancinante question des moyens, tant ces personnels sont en surtension.
La revalorisation de la discorde, à savoir le Ségur de la santé, est le coup de trop pour des professions à pied d’œuvre. À la pénurie aggravée des personnels et des moyens s’ajoutent des décisions managériales vides de sens et les discriminations injustifiées entre les professionnels qu’instaure le Ségur de la santé.
Comme l’écrit Edgar Morin, « à force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel ».
Le secteur médical, social et médico-social manifeste pour crier son désarroi devant des conditions de vie et de travail dégradées, mal reconnues ou indignes.
Ils nous le disent : « à quoi bon continuer, alors qu’on est empêché de faire correctement notre travail ?». Le travail dans ces secteurs était difficile, il tend à devenir absurde au sens camusien du terme.
Madame la ministre, le manque d’attractivité et la crise des vocations dans ce secteur se double aujourd’hui d’une fuite des personnels. Ces derniers démissionnent, sont en arrêt maladie, en invalidité, ou sont licenciés.
Les jeunes quittent les métiers du secteur en moyenne au bout d’un an, voire au cours de leur formation. Des services entiers ferment, faute de personnel pour les faire tourner. Pendant ce temps, les besoins en termes de prise en charge des patients ne sont plus assurés.
Épuisés, non reconnus à la hauteur de leurs compétences et de leur engagement pendant la crise sanitaire, les éducateurs spécialisés, les assistants familiaux, les auxiliaires de vie…
M. Laurent Somon. … des services gérés par les collectivités, les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et toutes les professions exclues du Ségur de la santé, comme les prestataires de santé à domicile (PSAD), sont obligés d’apprendre à vivre avec cette situation.
Difficile de ne pas voir les effets délétères du Ségur de la santé sur les structures qui n’ont pas été concernées par les revalorisations salariales et les personnels, lesquels perdent le sens de leur mission.
Madame la ministre, le secteur du soin, du domicile et du médico-social n’est-il plus un investissement d’avenir ? Le Gouvernement entend-il étendre les mesures de revalorisation salariale du Ségur de la santé aux « oubliés », notamment les prestataires de santé à domicile, qui comptent 32 000 collaborateurs et qui ont pris en charge 60 000 patients lors des précédentes vagues de l’épidémie de covid-19 ?
Envisagez-vous de modifier votre politique en matière de solidarité, de santé et de grand âge pour intégrer toutes les parties prenantes du parcours de soins et de prise en charge des personnes vulnérables ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Laurent Somon, je vous rappelle que, dans ce secteur du médico-social et du social que j’ai déjà évoqué à de nombreuses reprises ce soir, l’employeur est souvent la collectivité territoriale, qu’il s’agisse du département ou de la commune, par l’intermédiaire du centre communal d’action sociale (CCAS).
Ce n’est donc pas l’État qui rémunère les personnels, même s’il peut verser des aides ou contribuer à renforcer l’attractivité des métiers par une revalorisation concertée entre les acteurs. C’est du reste la raison pour laquelle nous avons prévu la tenue d’une conférence des métiers et de l’accompagnement social et médico-social.
Concernant la réforme de l’avenant 43, bien que nous ayons travaillé avec les départements, il s’en est trouvé pour affirmer qu’ils n’avaient pas été consultés. Ce sont – vous l’imaginez bien – toujours à peu près les mêmes.
Dans le même temps, d’autres départements ont saisi l’occasion pour revaloriser immédiatement les auxiliaires de vie, sans aucun problème. Pour les trois derniers mois de 2021, le financement de cette mesure est encore assuré à 70 % par l’État. À partir de cette année et pour les années suivantes, la compensation versée par l’État atteindra 50 % de la prise en charge globale.
Je précise que ce soutien sera durable car, entre-temps – c’est un fait notable –, une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée à l’autonomie a été créée : celle-ci garantira de manière pérenne la revalorisation salariale des auxiliaires de vie.
Monsieur le sénateur, les autres personnels que vous évoquez, par exemple les éducateurs spécialisés et les assistants sociaux, relèvent exclusivement, vous en conviendrez, des départements.
Vous le savez tout comme moi, la perte d’attractivité et de sens de ces métiers ne date pas d’aujourd’hui.
Il faut donc réagir et c’est, si cela peut vous rassurer, ce que nous avons fait. Ainsi, après avoir actionné tous les leviers possibles – l’insertion sociale, l’apprentissage, l’alternance –, nous constatons que, pour certaines catégories professionnelles, les formations se remplissent très vite cette année. Peut-être les personnes inscrites ne seront-elles pas fidèles ? Nous verrons. En tout cas, nous tentons par tous les moyens de restaurer l’attractivité de ces métiers.
Cela passe aussi par le travail des acteurs concernés, celui des associations notamment, qui essaient de nous aider en ce moment à parler autrement de ces métiers, notamment ceux qui sont liés au grand âge.
Parfois, il faut aussi tenter de convaincre les jeunes de l’intérêt de ces métiers. Pendant la crise sanitaire, j’ai ainsi envoyé 10 000 jeunes, au titre du service civique senior, remplir des missions dans des Ehpad ou ailleurs, en concertation avec des collectivités qui ont joué le jeu, et ce afin de rompre l’isolement social des personnes âgées, afin peut-être aussi d’attirer ces jeunes vers ces métiers du lien humain dont nous avons tant besoin. Espérons que toutes ces actions porteront leurs fruits.
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cyril Pellevat. Madame la ministre, ce débat est l’occasion pour moi de vous alerter de nouveau sur le manque structurel de soignants en Haute-Savoie et sur la nécessité d’investir et de trouver des solutions pour remédier à cette situation.
Le Ségur de la santé n’a permis de répondre que partiellement à ces enjeux. L’ensemble des professions médicales et médico-sociales sont concernées, et ce problème ne fait qu’empirer malgré les nombreuses alertes.
Aujourd’hui, le taux de vacance des postes dans mon département varie entre 15 % et 20 %. Cela s’explique par la pénibilité du métier de soignant et par son manque d’attractivité, faute de rémunération suffisante.
Si le Ségur de la santé a quelque peu amélioré cette situation, sa mise en œuvre reste incomplète, car tous les soignants ne sont pas concernés. Les mesures sont par ailleurs insuffisantes en raison de la proximité de mon département avec la Suisse, où les salaires sont trois à quatre fois plus élevés. C’est d’ailleurs ce qui explique que le taux de vacance des postes en Haute-Savoie soit plus élevé que la moyenne nationale, lequel s’établit à 5 %.
Les conséquences de ce manque de personnel sont dramatiques pour les patients et leurs familles, mais aussi pour le personnel lui-même, qui est en souffrance, car la charge de travail ne fait qu’augmenter.
Cette situation est à l’origine chez les soignants d’un véritable épuisement professionnel, entraînant des arrêts maladie et encore davantage de vacances. Je pourrais citer l’exemple de services d’urgence fermés le week-end faute de personnel.
La Haute-Savoie a été identifiée, à juste titre, comme l’un des départements où la situation est la plus précaire. Il est maintenant urgent d’agir pour pallier ce manque structurel de soignants, notamment en lançant des expérimentations et en y incluant les professions médico-sociales.
Plusieurs pistes pourraient être explorées.
Tout d’abord, une prime de vie chère pourrait être versée aux soignants. En effet, le pouvoir d’achat en Haute-Savoie est faible pour les personnes qui travaillent en France, du fait de la proximité de la Suisse.
Les revalorisations du Ségur de la santé n’ont pas permis et ne permettront pas de pallier le manque d’effectifs, les salaires suisses demeurant beaucoup plus avantageux.
Une réflexion doit donc être menée conjointement avec la Suisse, afin de déterminer les actions pouvant être mises en place pour former plus de personnel et répondre aux besoins de nos pays.
Il est également possible d’envisager une baisse des charges sociales et salariales, ce qui permettrait d’augmenter mécaniquement les salaires, et de travailler sur le coût du logement – j’ai développé ce point hier à l’occasion d’un débat sénatorial – en y associant les collectivités.
Enfin, les établissements devraient être autorisés à embaucher des apprentis en dehors des lignes budgétaires, car actuellement, les apprentis sont comptabilisés dans les effectifs, ce qui empêche tout recrutement de personnels qualifiés.
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Cyril Pellevat. Madame la ministre, envisagez-vous de débloquer des investissements en urgence et prévoyez-vous de lancer des expérimentations pour remédier au manque de personnel soignant en Haute-Savoie ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur, les pénuries de personnel médical et médico-social en Haute-Savoie sont significatives, et je peux vous assurer que le Gouvernement y est particulièrement sensible.
S’agissant des chiffres, tout d’abord, une enquête récente évaluait entre 8 600 et 13 000 le nombre de personnels soignants travaillant en Suisse, essentiellement dans les grands cantons francophones de Genève et de Vaud. Ces soignants ne viennent pas du Genevois français, mais de la France entière. Cet appel d’air est certes provoqué par les écarts de rémunération entre la Suisse et la France, mais aussi par le même phénomène de désaffection des métiers du soin, qui frappe aussi la Suisse.
Ce point est crucial et doit inspirer la nature des actions que nous allons et devons mettre en œuvre pour empêcher cette pénurie de personnel soignant.
S’agissant des mesures, nous devons concilier revalorisation salariale – nous avons bien sûr entamé cette démarche avec le Ségur de la santé –, approche globale de l’attractivité des parcours professionnels des soignants - cette question fait l’objet d’une réflexion tant au niveau national qu’au niveau local – et action diplomatique, autre instrument privilégié auquel a recours le Gouvernement – je pense à la mise en place, à la fin de l’année 2021, du premier groupe de travail en santé de l’instance de dialogue franco-genevoise.
Au niveau bilatéral, nous faisons de la mobilité transfrontalière des soignants une question politique sur laquelle les administrations centrales du ministère des solidarités et de la santé sont mobilisées. Il s’agit d’identifier les propositions susceptibles d’être adressées à nos partenaires suisses dans les prochaines semaines.
Conclusion du débat
Mme la présidente. Pour conclure ce débat, la parole est à Mme Michelle Meunier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Michelle Meunier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « ne pas soutenir le soin, c’est ruiner la solidarité qui fonde l’État de droit ». C’est par ces mots empruntés à la philosophe Cynthia Fleury que je souhaite conclure ce débat.
Si le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a choisi de consacrer cet espace de contrôle aux oubliés du Ségur de la santé, c’est qu’il lui semblait que l’urgence de la situation sanitaire ne pouvait pas laisser à l’arrière-plan la question des conditions de travail, de carrière et de rémunération dans l’ensemble du secteur élargi des soins.
L’alerte ne date pas d’hier, il est vrai. Les tensions dans les établissements sanitaires et médico-sociaux sont anciennes. Mais la crise sanitaire a mis en évidence la grande vulnérabilité de ces métiers et la grande fragilité de ces professionnels, qui risquent de raccrocher leur blouse à l’issue de la crise sanitaire, par désarroi ou par déconsidération.
Récemment, les gestionnaires d’établissements parlaient même de « point de rupture ». En dépit des accords Laforcade qui ont succédé au Ségur de la santé, en dépit des annonces gouvernementales en faveur du grand âge, notamment dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en dépit de la conférence des métiers de l’accompagnement social et du médico-social, initialement prévue pour le 15 janvier prochain et finalement reportée au premier trimestre 2022 en fonction de l’évolution de la situation sanitaire, la patience des professionnels s’amenuise et les bénéficiaires en pâtissent.
Beaucoup ici en ont témoigné, je ne développerai pas davantage.
Ce que nous souhaitons marteler, c’est que, parmi ces travailleurs de deuxième ligne essentiels figurent toujours des oubliés du Ségur : les animatrices et les animateurs de la fonction publique territoriale dans les résidences autonomie par exemple, ou encore les ambulanciers et les équipiers du SAMU dans les hôpitaux qui, auparavant alignés sur les aides-soignants, n’ont pas été reconnus comme étant au contact des patients. D’autres professionnels encore ont été cités pendant nos échanges.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour éclairer deux aspects peu évoqués jusqu’alors, en faisant, donc, deux petits pas de côté.
Le premier aspect concerne l’embauche des « faisant fonction » pour compenser les difficultés de recrutement. Ces personnes, dont le niveau de qualification est inférieur à celui qui est requis pour le poste qu’elles occupent, peuvent représenter jusqu’à un dixième des effectifs d’aides-soignants.
On assiste alors à un nivellement par le bas, à la négation même des spécificités de ces métiers du soin, qui s’apprennent et dont les compétences et aptitudes sont sanctionnées par des diplômes d’État.
Quel avenir réserve-t-on aux personnes faisant fonction d’aide-soignant ? Quelles sont les passerelles et les perspectives d’évolution ? Quel est le message envoyé aux personnels diplômés et aux rares jeunes qui se destinent à ce métier ?
L’évolution des métiers du soin a fait l’objet de nombreux rapports qui devaient servir de fondement à une réforme ambitieuse du grand âge et de l’autonomie, mais je ne remuerai pas ici le couteau dans la plaie.
Le second aspect que je souhaitais aborder a trait à la mise en place des temps de réflexion sur les pratiques professionnelles. Je suis persuadée qu’il s’agit d’une piste à creuser pour renforcer l’attrait des métiers du soin, de l’accompagnement et du médico-social.
Ces temps de réflexion sont déjà mis en œuvre dans d’autres métiers, par exemple pour les éducateurs spécialisés ou pour les assistantes sociales. Ils sont décomptés comme du temps de travail – cela va de soi – et sont supervisés.
Permettre ainsi à des professionnels, à qui la société demande beaucoup, sur lesquels nous sommes reconnaissants de pouvoir nous appuyer lorsque nos proches ont besoin d’aide, de verbaliser leurs difficultés, leurs doutes, d’extérioriser les tensions accumulées, mais aussi de partager des moments de réussite et de progrès, est une manière incontournable de valoriser leur métier.
Au-delà, je crois même que nous pourrions nous inspirer des pratiques dont Cynthia Fleury – encore elle – suggère l’application dans le secteur hospitalier. Elle propose des espaces de réflexion éthique, ouverts tant aux soignants qu’aux patients.
Bien entendu, l’aménagement des temps de travail pour inclure ces moments d’échange sur les pratiques ne pourra pas se faire à l’économie. Des embauches devront être réalisées afin que les personnels ne soient pas contraints de concentrer les tâches du « prendre soin » sur le temps professionnel restant.
Vous le voyez, madame la ministre, mes chers collègues, la désaffection des métiers du « prendre soin » n’est pas inéluctable. Des pistes sont proposées. Elles méritent autant d’attention que ces professionnels en accordent chaque jour à nos proches. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
9
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 6 janvier 2021 :
À dix heures trente :
Débat sur le thème « Le partage du travail : un outil pour le plein emploi ? » ;
Débat sur la sûreté des installations nucléaires.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinq.)
nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale à la prospective.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Daniel Gueret est proclamé membre de la délégation sénatoriale à la prospective, en remplacement de M. Cyril Pellevat, démissionnaire.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER