M. le président. Mon cher collègue, je vous demanderai, pour vos prochaines interventions, de porter correctement votre masque : il doit couvrir le nez et le menton.
La parole est à Mme Christine Herzog, sur l’article.
Mme Christine Herzog. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) a la compétence d’instaurer une taxe sur son domaine routier et autoroutier depuis le 1er janvier 2021, afin de contrer la taxe allemande qui a renvoyé les flux de camions vers l’Alsace et le sillon rhénan français.
Cela règle un problème propre à la CEA, et je comprends et soutiens la réaction des Alsaciens face à ce problème. Toutefois, je ne vois pas comment le trafic des camions venant d’Allemagne se déporterait vers la Moselle, obligeant les transporteurs à effectuer un détour de plus de 150 kilomètres…
La création d’une taxe sur les transporteurs routiers aura un fort impact sur les transporteurs de tout le Grand Est et sera discriminante envers leurs travailleurs.
Je tiens à attirer votre attention, mes chers collègues, sur le danger que peut représenter cette taxe pour l’économie locale de la région Grand Est. (M. Claude Kern et Mme Laurence Muller-Bronn applaudissent.)
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour un rappel au règlement.
Mme Pascale Gruny. Je voudrais rappeler la règle sanitaire : les masques doivent couvrir le nez et le menton.
Comme vous le savez, mes chers collègues, les tests PCR se pratiquent dans le nez, ce qui montre bien l’importance de couvrir aussi ce dernier pour éviter la projection de gouttelettes.
Les micros n’appartiennent pas individuellement à chaque sénateur ; nous les partageons.
La vaccination n’empêche pas la transmission du virus, et je vous invite à observer les taux de contaminations, de cas graves ou de décès – ils remontent !
Personne n’a envie de reconfiner le pays, et chacun, en particulier dans cet hémicycle, doit faire preuve de responsabilité. Faisons partout attention les uns aux autres ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot et Mme Martine Filleul applaudissent également.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Article 1er (suite)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements et de trois sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Jacquin, Todeschini et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé et Houllegatte, Mme Préville, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dès la ratification de l’ordonnance mentionnée à l’article 1er, est instituée une taxe applicable aux véhicules de transports de marchandises qui utilisent l’autoroute A31.
Un décret détermine le régime juridique et les conditions d’application de cette taxe.
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Je voudrais tout d’abord dire que je ne comprends pas notre collègue Reichardt : en effet, en 2019, en sous-amendant, sur l’initiative d’un sénateur alsacien, l’un de ses amendements, nous sommes parvenus à un accord quasiment unanime pour étendre l’écotaxe à la Lorraine.
La Collectivité européenne d’Alsace a des droits, et nous ne sommes pas contre le fait qu’elle puisse créer une écotaxe, mais, comme le disait Jacques Fernique tout à l’heure, le trafic insupportable de poids lourds sur l’A35 provient d’un déport en provenance de l’Allemagne consécutif à la mise en place d’un péage.
Une collègue alsacienne a tenté de nous expliquer qu’un nouveau déport de trafic n’aurait pas lieu chez nous, sur l’A31, en raison des Vosges, mais Olivier Jacquin a très bien montré que les Vosges n’arrêteront pas ce déport, puisque le trafic vient de Mannheim. Or, à partir de Mannheim, le parcours le plus court passe non pas par Strasbourg et Mulhouse, mais par Forbach et Metz, puis par l’A31.
Si l’on passe par le Luxembourg, c’est un peu plus long, mais les transporteurs du nord de l’Europe ont bien compris le bénéfice qu’ils peuvent tirer d’un tel parcours : le carburant coûte nettement moins cher dans ce pays…
Quand un transporteur choisit un itinéraire, il regarde bien sûr la distance, mais il prend aussi en compte le temps de travail des chauffeurs. Or ce n’est pas ce qui coûte le plus cher, puisque ces entreprises font largement appel à des chauffeurs bulgares, roumains, polonais ou encore lituaniens, dont le salaire est faible – 300 euros en moyenne en Roumanie, 350 en Bulgarie, 900 en Pologne ou en Lituanie… Voilà la réalité !
Il est normal de parler de la santé des Alsaciens et de l’environnement, mais le secteur de l’autoroute A31 entre Metz et Luxembourg est l’un des plus pollués de France et le plus encombré en termes de trafic. Dans ces conditions, tout transfert, même de peu de camions, sera extrêmement pénalisant.
On nous a d’ailleurs fourni quelques estimations : il y aura un camion de plus toutes les dix secondes entre six heures du matin et dix heures du soir !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Marc Todeschini. Si l’on ne met pas l’écotaxe en place en même temps en Alsace et en Lorraine, un transfert de trafic aura lieu nécessairement, et les transporteurs du nord de l’Europe prendront l’habitude de passer par l’A31, qui est déjà hypersaturée.
M. le président. Le sous-amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Amendement n° 1, alinéa 3
Remplacer les mots :
l’autoroute A31
par les mots :
les sections gratuites de l’autoroute A31 et des routes nationales à 2 x 2 voies existant sur le territoire des quatre départements de l’ancienne région Lorraine
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les sous-amendements nos 19 rectifié et 18 rectifié.
M. le président. Le sous-amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Amendement n° 17, alinéa 3
Après le mot :
utilisent
insérer les mots :
les sections gratuites de
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. Notez que je porte mon masque sur le nez, monsieur le président ! (Exclamations.)
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Ce n’est pas un exploit ! C’est tout simplement normal…
M. le président. C’est seulement le règlement, monsieur Masson.
M. Jean Louis Masson. Grâce à cela, mes sous-amendements seront sans doute adoptés…
Il s’agit ici, non pas vraiment d’améliorer l’amendement n° 1 rectifié, que de toute manière je ne voterai pas, mais d’apporter un peu de cohérence à ce qui nous est proposé.
Un partisan de l’amendement n° 1 rectifié a dit lui-même tout à l’heure que la question se posait non pas seulement pour l’A31, mais aussi pour la route nationale 4 à deux fois deux voies qui est déjà surchargée de camions – c’est d’ailleurs tout à fait vrai, les gens ne voulant pas passer par l’A4 qui est à péage.
Il y a donc un ensemble de problèmes qu’il faut traiter globalement, et mes sous-amendements ont simplement pour objet d’apporter un peu de cohérence au cas où, par malheur, l’amendement n° 1 rectifié serait adopté…
J’ai écouté les partisans de cet amendement, et j’ai l’impression que, pour eux, c’est la région Grand Est qui va gérer l’écotaxe qu’ils proposent. Dans ce cas, il ne faut absolument pas voter cet amendement !
J’appelle solennellement tous mes collègues à ne pas voter, j’y insiste, une telle extension de l’écotaxe tant que nous n’aurons pas, au niveau de la Lorraine, une collectivité responsable et cohérente qui soit capable de gérer un tel projet aussi bien que le fera la Collectivité européenne d’Alsace.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mme Belrhiti et MM. Mizzon, Gremillet et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dès la ratification de l’ordonnance mentionnée à l’article 1er, est instaurée une taxe applicable aux véhicules de transports de marchandises qui utilisent l’autoroute A31.
Un décret fixe le régime et les conditions d’application de cette taxe.
La parole est à Mme Catherine Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. Je rejoins mon collègue de Moselle, Jean-Marc Todeschini, car nous sommes sur la même ligne pour défendre cette écotaxe. Comme lui, je pense qu’elle doit être mise en place en même temps en Moselle et en Alsace, pour éviter un déport de trafic.
La mise en œuvre de cette taxe sur le seul territoire alsacien aura pour principale conséquence le déport d’une partie du trafic sur l’autoroute de Lorraine A31, déjà saturée par un flux continu de poids lourds et cause de multiples nuisances – pollution sonore, émissions de gaz à effet de serre, congestion routière, etc. C’est déjà la réalité que nous connaissons aujourd’hui !
Même si la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets permet au Gouvernement de légiférer par ordonnances, durant un délai de deux ans, pour permettre aux régions de mettre en place des contributions spécifiques sur le transport routier de marchandises, il faut agir sans attendre, pour que, dans l’intervalle, l’État puisse instaurer une taxe poids lourds sur l’autoroute A31.
J’ai beaucoup de mal à comprendre que cette logique ne soit pas partagée par l’ensemble des sénateurs mosellans.
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Guillotin et MM. Mizzon, Nachbar, Husson et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dès la ratification de l’ordonnance mentionnée à l’article 1er, est instituée une taxe applicable aux véhicules de transports de marchandises qui utilisent l’autoroute A31.
Un décret détermine le régime juridique de cette taxe.
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. J’ajouterai ma voix à celle de mes collègues Jean-Marc Todeschini et Catherine Belrhiti pour dire qu’il est absolument indispensable que cette écotaxe soit mise en place en même temps sur l’A35 et sur l’A31.
Je ne reprendrai pas les arguments qui ont été clairement énoncés tout à l’heure et j’invite tous ceux qui sont opposés à cette disposition à venir constater ce qui se passe aujourd’hui sur l’A31 : il suffit d’observer les flux de camions et de voitures et de mesurer les trajets que les travailleurs frontaliers ont à accomplir.
C’est une simple mesure d’équité territoriale ! Et j’invite vivement tous mes collègues à voter ces amendements, dont les dispositions vont dans le même sens.
Quant au procès d’intention contre la région Grand Est, il n’y a, à mon sens, aucune raison de le soulever ici ce soir.
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par MM. Jacquin, Todeschini et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé et Houllegatte, Mme Préville, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 relative aux modalités d’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d’Alsace est ainsi modifiée :
1° À l’article 1er, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « et la région Grand Est sur les réseaux routiers et autoroutiers du sillon lorrain la traversant peuvent » ;
2° Au 2° de l’article 2, au premier alinéa des articles 3 et 4, aux articles 9, 11 et 15, au cinquième alinéa de l’article 17, au premier alinéa des articles 23 et 24, au dernier alinéa de l’article 27, au deuxième alinéa de l’article 33, au premier alinéa de l’article 50, au dernier alinéa de l’article 51, au troisième alinéa de l’article 52, au premier alinéa des articles 53 et 56, après les mots : « la Collectivité européenne d’Alsace », sont insérés les mots : « et de la région Grand Est sur les réseaux routiers et autoroutiers du sillon lorrain la traversant » ;
3° Au dernier alinéa de l’article 8, au premier alinéa des articles 20 et 21, au a de l’article 27, au premier alinéa des articles 34 et 41, au premier alinéa et au 5° de l’article 49, au premier alinéa de l’article 52, aux premier et dernier alinéas de l’article 54, au dernier alinéa de l’article 58, à l’article 59 et au dernier alinéa de l’article 61, après les mots : « la Collectivité européenne d’Alsace », sont insérés les mots : « et la région Grand Est sur les réseaux routiers et autoroutiers du sillon lorrain la traversant » ;
4° Au premier alinéa de l’article 29, à l’article 35 et au premier alinéa de l’article 48, après les mots : « la Collectivité européenne d’Alsace », sont insérés les mots : « et par la région Grand Est sur les réseaux routiers et autoroutiers du sillon lorrain la traversant » ;
5° Au dernier alinéa des articles 33 et 49, après les mots : « la Collectivité européenne d’Alsace », sont insérés les mots : « et à la région Grand Est pour les réseaux routiers et autoroutiers du sillon lorrain la traversant » ;
6° Au premier alinéa de l’article 51, après les mots : « la Collectivité européenne d’Alsace », sont insérés les mots : « et dans la région Grand Est sur les réseaux routiers et autoroutiers du sillon lorrain les traversant » ;
7° Au deuxième alinéa de l’article 52 et au dernier alinéa de l’article 53, après les mots : « la Collectivité européenne d’Alsace », sont insérés les mots : « et de la région Grand Est sur les réseaux routiers du sillon lorrain la traversant ».
II. – Aux 11° et 12° de l’article L. 330-2 du code de la route, dans la rédaction résultant de l’article 55 de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 relative aux modalités d’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d’Alsace, après les mots : « la Collectivité européenne d’Alsace », sont insérés les mots : « et la région Grand Est sur les réseaux routiers et autoroutiers du sillon lorrain la traversant ».
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Avec la ratification de ces ordonnances, la CEA va pouvoir instaurer une taxe kilométrique sur les poids lourds en transit sur son réseau routier. Je m’en félicite, monsieur Reichardt, et je rejoins mon collègue Todeschini qui vous a rappelé votre vote d’il y a deux ans – on comprend mal aujourd’hui votre réaction…
Cette taxe va – enfin ! – permettre, notamment, de contrer le report du trafic de poids lourds, mais force est de constater que les territoires limitrophes risquent d’en faire les frais, comme nous l’avons dit.
Par ailleurs, monsieur Masson, au travers de l’amendement n° 1 rectifié, nous proposons que l’écotaxe soit perçue non pas par la région Grand Est, mais par l’État.
Pour en revenir à cet amendement de repli, nous proposons que l’écotaxe soit étendue à la région Grand Est pour le réseau routier et autoroutier du sillon lorrain.
M. le président. Le sous-amendement n° 20, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Amendement n° 4, alinéas 4 à 11
Remplacer les mots :
la région Grand Est
par les mots
toute collectivité ou tout groupement de collectivités dont le territoire correspond à celui de l’ancienne région Lorraine
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Si l’amendement n° 4 était modifié par mon sous-amendement, il serait tout à fait acceptable, puisque je propose de confier l’écotaxe non pas à la région Grand Est, mais à toute collectivité ou tout groupement de collectivités dont le territoire correspond à celui de l’ancienne région Lorraine.
Si ce sont les Lorrains qui gèrent l’écotaxe pour la Lorraine, je suis d’accord. Mais je ne le suis pas si c’est la région Grand Est – une chienlit, je l’ai dit ! – qui est chargée de le faire !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Anglars, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je rappelle que la commission n’est pas fermée au principe de mettre en place une taxe sur les axes du sillon lorrain. Elle est toutefois défavorable à ces amendements et sous-amendements, et cela pour trois principales raisons.
Tout d’abord, la loi Climat et résilience prévoit la possibilité pour les régions volontaires de mettre en place cette taxe – nous en avons largement débattu. Il appartiendra donc à la région Grand Est de se saisir de cette possibilité, si elle le souhaite, une fois que les routes lui auront été transférées.
Ensuite, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation… Il semble en effet important pour la région Grand Est, comme l’a fait la CEA, de prendre le temps d’élaborer son dispositif en coconstruction avec les services de l’État. Une telle démarche doit s’inscrire dans un calendrier défini, qui en garantira le succès.
Enfin, en ce qui concerne les amendements nos 1 rectifié, 3 rectifié bis et 17 rectifié, il n’est pas conforme à la Constitution, en particulier à son article 34, de renvoyer à un décret le régime et les conditions d’application d’une taxe. Un certain nombre de modalités relèvent du domaine de la loi : l’assiette, les taux et les modalités de recouvrement.
S’agissant de l’amendement n° 4, sa rédaction laisse penser que la région Grand Est pourrait instituer une taxe sur des voies dont elle n’est pas propriétaire actuellement. Ces axes relèvent, pour l’heure du moins, de l’État ; il est donc prématuré de donner une suite favorable à cette proposition.
Voilà les raisons qui expliquent l’avis défavorable de la commission sur les amendements nos 1 rectifié, 3 rectifié bis, 17 rectifié et 4. Par cohérence, l’avis est également défavorable sur les sous-amendements nos 19 rectifié, 18 rectifié et 20.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en préambule, je vous prie d’excuser mon retard lors la reprise de la séance ; celui-ci est dû, disons-le ainsi, à un défaut de coordination…
Sur le fond, je formulerai trois remarques.
Tout d’abord, la quasi-totalité des textes réglementaires liés à la mise en place de la Collectivité européenne d’Alsace est en cours ou en finalisation de rédaction.
Ensuite, comme l’a rappelé M. le rapporteur, la loi Climat et résilience permet à une région volontaire de mettre en place une contribution poids lourds à l’échelle de la région.
Enfin, le projet de loi relatif à la différenciation, à la décentralisation, à la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit « 3DS », en cours d’examen par le Parlement, permettra le transfert de gestion à ces régions.
Ainsi, pour des axes qui subiraient des reports de trafic, comme ceux qui ont été évoqués ce soir, un mécanisme permettra de mettre en place une contribution poids lourds à l’échelle de la région. Je présenterai par la suite des amendements de suppression de certains articles pour maintenir l’équilibre du texte.
C’est pour ces raisons que le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements et sous-amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. À mon tour de féliciter mes collègues alsaciens de leur initiative et de leur persévérance. Si j’avais été Alsacien, et si j’en avais eu le talent, j’aurais agi de même.
Seulement, je ne suis pas Alsacien. Je suis dans un département voisin qui voit le problème différemment : la solution apportée au niveau de l’axe autoroutier alsacien crée, à l’inverse, un préjudice – je pèse mes mots – pour les territoires limitrophes.
On ne peut pas y rester insensible. Il faut être naïf pour croire que le trafic vient seulement d’Allemagne : les poids lourds qui circulent sur l’A35 ou l’A31 viennent du nord de l’Europe – du Danemark, des autres pays scandinaves, mais aussi des pays baltes – ; c’est donc un problème global. Le trafic se déportera forcément sur l’A31, d’autant que le carburant est notoirement moins cher au Luxembourg. Tout concourt donc à ce qu’il en soit ainsi.
Comme l’a souligné Jean-Marc Todeschini, cet axe est déjà hypersaturé et l’exaspération, dont il a aussi été question, est ressentie de la même manière qu’en Alsace : les Lorrains n’en peuvent plus de ce trafic insupportable. Ils veulent que l’on trouve une solution. À mon sens, celle-ci réside dans les amendements proposés par Olivier Jacquin, Catherine Belrhiti et Véronique Guillotin, qu’évidemment je soutiens.
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, pour explication de vote.
M. Christian Klinger. Je comprends l’inquiétude de nos amis de Lorraine, mais, ce soir, la discussion porte sur un projet de loi de ratification d’ordonnances relatives aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace. Dans le fond, mes chers collègues, vous avez raison d’être inquiets, mais vous êtes hors périmètre. (M. Olivier Jacquin s’exclame.)
M. Jean-Marc Todeschini. On a le droit d’amender !
M. Christian Klinger. Bien sûr ! Reste que le périmètre du texte, c’est l’Alsace. Vous êtes donc hors sujet.
Soyez rassurés, toutefois. L’Alsace est une terre d’expérimentation. Elle fera donc le travail pour vous, en essuyant peut-être les plâtres, parce que la mise en place n’est pas aussi facile que cela.
En même temps – c’est terrible d’utiliser une telle expression ! (Sourires.) –, la loi Climat et résilience a donné aux régions frontalières la possibilité de mettre en œuvre cette mesure.
« L’Alsace, terre d’expérimentation » : c’est un bon sujet d’étude, à condition que nous restions bien dans le périmètre de la CEA.
Je le répète, vous avez le droit d’amender, mais c’est hors sujet. (M. Claude Kern applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour explication de vote.
Mme Christine Herzog. Je rejoins les propos de Jean-Marie Mizzon : les Mosellans ne demandent pas à être traités comme les Alsaciens dans ce texte. Comme le fait remarquer M. Klinger, on est hors sujet : la seule solution pour régler le problème de l’A31, c’est de faire l’A31 bis – c’est tout !
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Dans la discussion générale, j’ai vanté le travail très intéressant accompli, notamment dans cet hémicycle, lors des débats sur le projet de loi Climat et résilience. Au regard de l’habilitation initiale des ordonnances, ces amendements n’auraient pas été recevables, mais le travail accompli, en particulier à l’article 32, a changé la nature des choses.
À l’origine, le Gouvernement voulait une écotaxe façon puzzle, c’est-à-dire dans toutes les régions, même en Bretagne. La commission mixte paritaire – j’ai félicité M. Tabarot à cet égard – a trouvé une rédaction extrêmement subtile et originale – à l’évidence, je vous l’apprends, monsieur Klinger ! –, qui consiste à prévoir la possibilité d’étendre le principe de l’écotaxe aux régions frontalières qui seraient soumises à des reports de trafic. Tout le monde avait alors bien en tête l’A31 !
C’est la raison pour laquelle j’ai félicité M. le rapporteur de ne pas avoir restreint le périmètre de dépôt des amendements. Vous vous trompez de périmètre, monsieur Klinger. On est en train de faire la loi et des règles juridiques s’appliquent au droit d’amendement. Si les amendements que nous avons déposés avaient été hors sujet, M. le rapporteur les aurait déclarés irrecevables, comme il l’a fait pour d’autres. Aussi, de nouveau, je salue son attitude.
Toutefois, monsieur le rapporteur, vous indiquez que la loi Climat et résilience permettra la mise en place de l’écotaxe. Or, comme je l’ai mentionné, les risques et les aléas liés à une telle démarche nécessitent d’abord que la loi 3DS soit adoptée, promulguée et appliquée, ensuite que la région Grand Est se saisisse de cette compétence. Elle déclare qu’elle le fera. Nous verrons le moment venu. Reste que je tiens d’ores et déjà à saluer ses élus, qui manifestent le souhait de s’engager.
Vous comprenez bien, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, que ces délais sont beaucoup trop longs. Nos amis alsaciens le savent, eux qui ont été à plusieurs reprises proches d’avoir l’écotaxe, avant, à chaque fois, qu’elle ne leur passe sous le nez.
C’est l’esprit de responsabilité qui nous anime. La différenciation, si elle s’applique sur l’axe rhénan, allemand et alsacien,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Olivier Jacquin. … doit s’appliquer aussi sur l’A35 et l’A31.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Monsieur Jacquin, vous évoquez le nombre de fois où les Alsaciens ont été proches de la taxe poids lourds, avant qu’elle ne leur passe sous le nez. Je suis désolé de vous dire que ce que vous êtes en train de proposer ce soir risque précisément d’avoir les mêmes conséquences !
M. Olivier Jacquin. Pourquoi ?
M. André Reichardt. Parce qu’il est clair que votre projet n’est pas aussi mûr que le nôtre !
Il n’est qu’à voir vos discussions autour de l’A31 et de l’A31 bis. Je ne connais pas ces dossiers, mais je sais qu’un travail important doit être réalisé pour examiner dans quelle mesure une taxe poids lourds peut frapper ou non les transporteurs routiers, notamment internationaux, qui empruntent le sillon lorrain. Si nous votions ces amendements, une étude complémentaire devrait nécessairement être menée, sans assurance sur les délais de réalisation.
Mes chers collègues, chat échaudé craint l’eau froide : nous avons connu par le passé ce type de contretemps avec la taxe Bur.
Pour notre part, nous souhaitions pouvoir bénéficier au plus vite de ce dispositif pour ouvrir la voie. Je vous l’assure, en aucun cas nous n’avons la volonté de nous opposer aux exigences des Lorrains concernant le sillon lorrain. Nous ne cherchons pas à reproduire ici la guerre des rustauds : ce n’est pas l’Alsace contre la Lorraine !
Nous voulons que l’Alsace avance sur ce dossier, de sorte que vous puissiez profiter à l’avenir de son expérience. Rien d’autre !
Qui plus est, les reports que vous craignez ne sont pas certains. Quand j’emprunte l’A35, je vois des pavillons hongrois ou tchèques ; je ne suis donc pas persuadé que les camions viennent exclusivement de Mannheim, ils viennent de Stuttgart, de Munich, etc.
Nous ne demandons rien d’autre que de lancer une étude sur ce sujet. Mes chers collègues, soyez sincèrement convaincus de notre bonne volonté.