M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Mes chers collègues, je vais devoir suspendre la séance pendant un quart d’heure, dans l’attente de l’arrivée de M. le ministre délégué chargé des transports. (Exclamations.)
M. Jean-Marc Todeschini. Il a déjà démissionné ? (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures trente, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
9
Compétences de la Collectivité européenne d’Alsace
Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l’article 13 de la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des transports, mes chers collègues, ce texte me semble très pertinent.
Je m’associe pleinement à la démarche de nos collègues alsaciens, qui sont enfin parvenus à obtenir, ou du moins à être sur point d’obtenir, la création d’une écotaxe. En effet, sous l’appellation de « taxe transit » se cache en réalité une écotaxe qui avait été débaptisée à la suite du mouvement des « bonnets rouges ».
L’écotaxe est une bonne chose. On peut d’ailleurs se demander – nos débats porteront sur ce point dans un instant – pourquoi elle ne pourrait pas être étendue aux départements voisins. En tant que sénateur du département de la Moselle, je serais favorable à une telle mesure, si elle correspondait à une logique administrative territoriale cohérente.
Deux éléments ne me conviennent pas dans le système actuel.
Premièrement, pour aménager l’autoroute A31 en autoroute A31 bis, c’est-à-dire pour l’élargir, il est proposé de la transformer en autoroute à péage. En d’autres termes, on veut rendre payante une autoroute gratuite, déjà financée par les contribuables mosellans.
Les instigateurs de l’écotaxe auraient pu prévoir – c’eût été la moindre des choses – que la taxe finance l’aménagement de l’A31 existante, plutôt que de créer un nouveau péage. En effet, deux péages vont coexister : celui qui financera l’aménagement de l’A31 et l’écotaxe. C’est une aberration complète !
Deuxièmement, encore faudrait-il qu’il existe une collectivité d’une taille ou d’une configuration correspondant à l’enjeu. Or nous avons été englués, contre notre volonté, dans une région Grand Est à l’étendue tentaculaire, sorte de monstre administratif.
Les partisans de l’écotaxe proposent en réalité de mettre en place une taxe qui sera finalement, directement ou indirectement, à la solde et entre les mains de cette région, dont la représentativité est nulle et qui ne correspond à rien du tout. Si nous acceptions le fonctionnement souhaité par certains, nous pourrions même en arriver à ce que la région Grand Est mette la main sur l’écotaxe alsacienne, ce qui serait tout de même complètement fou !
Dans la vie, il faut faire des choix. Personnellement, je suis favorable à l’extension de l’écotaxe au sillon mosellan, c’est-à-dire à la Lorraine, à la condition qu’elle soit gérée par une collectivité lorraine et uniquement lorraine.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. J’en termine, monsieur le président.
Cette collectivité pourrait être soit une euro-région Lorraine, sur le modèle de l’euro-région Alsace, soit la région Lorraine rétablie dans son ancien fonctionnement, qui était tout à fait satisfaisant, et certainement bien davantage que peut l’être celui de la région Grand Est.
Je siège au Conseil régional du Grand Est, donc j’en sais quelque chose !
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « L’abus d’ordonnances pervertit la démocratie représentative ».
M. André Reichardt. C’est vrai !
M. Olivier Jacquin. Tel est le titre de la tribune cosignée par Patrick Kanner et Jean-Pierre Sueur dans Le Monde du jour, daté du mercredi 17 novembre. Il faut dire que le Gouvernement excelle particulièrement dans cette pratique.
Comme l’écrivent les signataires, « la crise sanitaire ne saurait justifier que l’on dépasse les trois cents ordonnances depuis le début du quinquennat ». Pis, seulement 21 % d’entre elles, soit un cinquième, sont ratifiées !
Réjouissons-nous que ce soit le cas de l’ordonnance qui nous occupe. Nous le devons cependant à la prise de conscience par le Gouvernement de la nécessité de faire voter des dispositions supplémentaires, hors du champ d’habilitation. C’est, en l’espèce, le cas de l’article 4 bis de la troisième ordonnance, qui devient présentement, dirons-nous, un ajout salutaire pour les droits du Parlement.
Cette écotaxe poids lourds est donc sur le point d’être créée au profit de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA). À entendre l’intervention de M. le secrétaire d’État tout à l’heure, le Gouvernement se vante, à cette occasion, d’un nouvel acte de décentralisation et de différenciation.
À cet égard, je tiens à citer les propos qu’avait tenus devant cet hémicycle, en 2019, notre ancien collègue Jacques Bigot, alors sénateur du Bas-Rhin. Ils sont explicites : « Mes chers collègues, si nous réussissons à donner aux Alsaciens ce département avec quelques compétences nouvelles qui seront peut-être utiles pour d’autres départements frontaliers, nous aurons réussi. Ayons donc ce débat sur la décentralisation au lieu de nous battre sur un nom qui va tromper les Alsaciens ; je pense qu’il faut leur dire la vérité. Ce que nous avons réussi est un pas, un petit pas. Mais le grand pas que nous devons à tous les Français, c’est une vraie décentralisation ; celle-là, nous ne l’avons pas ! »
Monsieur le ministre, je regrette que ce nouvel acte majeur de décentralisation dont nous avons besoin ne nous soit pas apporté par la loi 3DS.
De même, je déplore l’instrumentalisation politique de cette fusion des départements alsaciens par le Premier ministre Jean Castex et les propos fracassants qu’il a tenus, en janvier 2021, à Strasbourg. Ces propos, je dois le dire, ont nui à la cohésion du Grand Est.
Venons-en à cette Arlésienne de l’écotaxe, à ce feuilleton parlementaire fait d’hésitations, voire d’errances gouvernementales, et qui n’est malheureusement pas clos.
La demande alsacienne est plus que légitime. Nos voisins allemands ont mis en place une écotaxe en 2005. Depuis lors, le côté français du Rhin s’est trouvé saturé d’une noria de camions privilégiant un axe voisin gratuit.
Je tiens à saluer très sérieusement la persévérance des collègues parlementaires qui, depuis seize ans, se battent pour parvenir enfin à un résultat tangible. Je les félicite d’autant plus que, depuis quatre ans que je suis sénateur, c’est le huitième texte de loi dans lequel je propose un dispositif similaire pour la Lorraine, sans résultat tangible, à l’exception de l’amendement de Jean-Marc Todeschini, visant à approuver l’écotaxe, que nous avions voté ici à l’unanimité, en 2019.
Oui, cette écotaxe alsacienne est nécessaire et légitime. Je salue MM. les rapporteurs Jean-Claude Anglars et Stéphane Le Rudulier, ainsi que leurs commissions respectives, pour la qualité de leur travail : c’est une vraie démonstration de l’utilité du travail parlementaire, lorsqu’il est pris en considération.
Mes chers collègues, vous avez entendu tout à l’heure les nombreux apports de notre assemblée à ce texte. Lors de cette séance, nous pouvons encore y apporter d’ultimes améliorations, par exemple en anticipant également sur la future directive Eurovignette. Cette dernière permettra de taxer les véhicules utilitaires légers (VUL) de plus de 2,5 tonnes qui sont utilisés pour le transport pour compte d’autrui, une calamité qui prolifère et qui permet le détournement de la réglementation, afin de s’affranchir du chronotachygraphe et des limitations de tonnage en zone urbaine.
Dès l’examen du texte en commission, notre groupe a mis en garde contre le risque de faire payer le conducteur lorsque le propriétaire du véhicule fait défaut. Il n’y a aucune raison que les salariés soient les victimes collatérales de sociétés-écrans cherchant à contourner la loi pour ne pas payer les péages.
Surtout, ce texte n’anticipe pas les risques de report du trafic sur l’axe voisin du sillon lorrain, lui aussi déjà saturé, tout le monde en convient.
Au nord de Metz, vers Luxembourg, on dénombre ainsi plus de 100 000 véhicules par jour, comme en Alsace. Il en est de même pour les poids lourds, avec plus de 10 000 véhicules par jour, comme en Alsace autour de Strasbourg. L’A31 est véritablement saturée, en particulier de Nancy au Luxembourg, tant et si bien que son élargissement par une troisième voie est nécessaire sur ce tronçon.
Au sein du Gouvernement, on ergote sur le risque de report de trafic du sillon rhénan, l’A35, au sillon lorrain, l’A31. Le report de trafic de l’Allemagne vers l’Alsace a été désastreux et grave. Entre la Lorraine et l’Alsace, il est avéré et évident.
Je prendrai deux exemples : sur l’axe Paris-Strasbourg, vous avez le choix entre l’autoroute A4, payante, et, quelques dizaines de kilomètres au sud, la nationale 4, gratuite. Résultat : 17 % de poids lourds sur l’A4 et 35 % sur l’axe gratuit plus au sud.
De plus, les transporteurs sont équipés de GPS professionnels, qui permettent d’estimer le coût du trajet en fonction du salaire horaire du chauffeur et du prix du carburant. Ainsi, l’attraction luxembourgeoise joue un rôle important dans les décisions des transporteurs.
Deuxième exemple : pour vous rendre de Francfort à Dijon, Google Maps vous propose deux choix, avec un écart de temps de dix minutes entre les deux ; un premier itinéraire, via le sillon lorrain, et un second, via le sillon rhénan.
C’est pourquoi, en 2019, nous avions quasiment validé, dans cet hémicycle, le principe selon lequel l’écotaxe devait être mise en place concomitamment en Alsace et en Lorraine. Mais les députés En Marche ont retiré cette disposition, appuyés par le Gouvernement.
Mes chers collègues, réaffirmons notre position ! Avec Jean-Marc Todeschini, nous avons déposé un amendement tendant à mettre en place dès maintenant, au profit de l’État, une écotaxe en Lorraine. Je salue mes collègues Guillotin, Mizzon et Belrhiti, qui, dans une démarche transpartisane, nous ont rejoints au service de l’intérêt général.
Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre ! En effet, la loi Climat et résilience, que nous avons examinée ici même en juillet dernier, a reconnu la situation difficile de nos territoires, en donnant la faculté aux régions frontalières qui subiraient des effets de bord de mettre en place une écotaxe.
Je salue le travail de la commission mixte paritaire, notamment de son rapporteur, Philippe Tabarot. Cependant, pour qu’une telle écotaxe puisse être mise en place, il faut au préalable que la disposition afférente de la loi 3DS soit validée à l’Assemblée nationale, puis que cette loi soit promulguée, puis qu’elle soit appliquée, puis que la région Grand Est s’attribue effectivement la compétence et, enfin, qu’elle l’applique.
Les Lorrains ne veulent pas attendre seize ans l’issue d’un tel parcours du combattant ni subir ses aléas. Comme le dit l’adage, « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Il faut agir dès maintenant.
L’autre intérêt de mettre en place l’écotaxe lorraine dès maintenant au profit de l’État serait de faciliter la décision d’enclencher les travaux de modernisation de cet axe saturé.
En conclusion, le fameux principe de différenciation, dont la logique a présidé à l’écriture de la loi Alsace et de la loi 3DS, ne saurait être opposé aujourd’hui à la Lorraine. Il faut agir maintenant pour ne pas prendre du retard demain.
J’ai d’ailleurs en ma possession, monsieur le ministre, une centaine de motions signées par des communes de Meurthe-et-Moselle (M. Olivier Jacquin brandit une liasse de feuilles.), représentant près de la moitié des habitants du département – un nombre équivalent vient de Moselle, département que représente Jean-Marc Todeschini. Ces motions demandent la mise en place rapide de l’écotaxe. Permettez-moi au passage de saluer certains de ces élus, qui sont présents dans nos tribunes.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe SER réservera son vote au sort de ses amendements, tout particulièrement de ceux qui tendent à insérer des articles additionnels après l’article 1er.
Jetzt langt’s ! Cela signifie, monsieur le ministre – vous n’étiez pas là tout à l’heure pour entendre la traduction de Jacques Fernique –, « maintenant, ça suffit » ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à saluer les maires qui nous regardent, mais aussi les maires du département du Haut-Rhin qui sont présents dans les tribunes.
Voilà à peine plus de deux ans, je m’exprimais ici même pour défendre et soutenir le souhait des Alsaciens et de leurs élus de donner une traduction institutionnelle à leur désir d’Alsace.
L’Alsace souhaitait écrire une nouvelle page de son histoire, dans laquelle elle serait en capacité de mettre pleinement à profit ses spécificités, qu’elles soient linguistiques, géographiques ou encore culturelles.
Aujourd’hui, au travers de la ratification de ces trois ordonnances, il nous est proposé de poursuivre un peu plus l’écriture de cette histoire. Il s’agit notamment de valider le cadre dans lequel la Collectivité européenne d’Alsace sera en mesure de mettre en place une redevance poids lourds.
En conformité avec l’esprit de différenciation cher au Président de la République, la CEA pourra alors appréhender un peu plus son caractère frontalier et en tirer les conséquences.
Ce projet de loi répond surtout à une attente forte de la part des Alsaciens, qui ont vu depuis 2005, à la suite de la mise en place de la LKW-Maut, le trafic routier de marchandises en provenance d’Allemagne s’accroître considérablement.
Moi-même élue de ce territoire bordé par les trois frontières, je suis témoin des kilomètres de bouchons qui s’accumulent tous les jours sur l’A35 à la frontière suisse, en raison des camions qui cherchent à ne pas s’acquitter de la taxe allemande.
S’agissant essentiellement de véhicules en transit, ce report de flux, non seulement ne génère aucune retombée économique positive pour le territoire, mais contribue largement à l’engorgement du trafic, est source de pollution atmosphérique et sonore, met en péril la sécurité des automobilistes et accélère l’usure des infrastructures. Il était donc plus que temps d’agir !
L’idée d’une telle taxe n’est pourtant pas nouvelle, puisque déjà en 2005 un amendement du député Yves Bur en prévoyait la mise en œuvre à titre expérimental. Alors que cette taxe fut finalement abandonnée en 2013, en même temps que le projet national d’écotaxe, la CEA, grâce à l’important travail de coconstruction mené par ses élus avec le Gouvernement, sera prochainement en mesure, quant à elle, de faire aboutir ce projet.
Alors que l’on parlait de disparition de l’Alsace, je veux dire ma fierté de voir celle-ci faire figure de précurseur dans le cadre d’un dispositif que certaines régions souhaitent déjà étendre à l’ensemble de leur territoire. D’ailleurs, la loi Climat et résilience, promulguée le 22 août dernier, prévoit en son article 137 d’étendre aux collectivités volontaires la mise en œuvre d’une telle taxe.
Les ordonnances dont nous sommes aujourd’hui saisis, fruits d’un processus échappant largement aux logiques partisanes, traduisent les aspirations d’un territoire et de ses habitants. Aussi, le groupe RDPI s’exprimera en faveur de leur ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’entrée me féliciter que nous soyons saisis d’un projet de loi de ratification des ordonnances prises sur le fondement de l’article 13 de la loi du 2 août 2019.
En effet, et les sénateurs en fonction en 2019, même s’ils ne sont pas très nombreux ce soir, s’en souviennent, je suis de ceux qui doutaient vivement à l’époque que les ordonnances prévues par cet article 13 soient prises un jour et a fortiori qu’elles soient ratifiées.
Une taxe touchant les poids lourds en transit avait déjà été votée pour l’Alsace par le Parlement en 2005, contre l’avis du Gouvernement, mais celle-ci n’était jamais entrée en application faute des décrets d’application nécessaires.
Chat échaudé craint l’eau froide, dit-on… C’est la raison pour laquelle j’avais déposé un amendement lors du débat sur le projet de loi ayant abouti à la loi du 2 août 2019 pour inscrire en dur, comme on dit, dans le texte le principe et les modalités de cette taxe. Cet amendement avait recueilli l’assentiment de la commission des lois et il avait été voté par le Sénat, mais il fut ensuite rejeté à l’Assemblée nationale.
Aujourd’hui, que faut-il penser des ordonnances que l’on nous propose de ratifier ? Ce sont bien entendu des textes techniques, et la première interrogation à cet égard est de savoir ce qu’en pensent celles et ceux qui auraient à les mettre en œuvre, à savoir les élus de la Collectivité européenne d’Alsace et de l’Eurométropole de Strasbourg. C’est bien sûr ce qu’ont fait les rapporteurs des commissions concernées par le texte et les sénateurs alsaciens, dont je suis.
Globalement, on peut dire que les textes qui nous sont soumis vont dans la bonne direction, monsieur le ministre. Des demandes complémentaires formulées par la Collectivité européenne d’Alsace ont été prises en compte par les rapporteurs et adoptées par les commissions concernées.
Certes, d’autres amendements, chers Jean-Claude Anglars et Stéphane Le Rudulier, ont été jugés inopportuns par la Collectivité européenne d’Alsace, mais adoptés en commission. Finalement, l’essentiel est acquis : à mon sens, l’important est que l’on avance sur le fond et que cette taxe poids lourds puisse enfin voir le jour au plus vite.
Oui, que cette taxe poids lourds soit mise en œuvre au plus vite, c’est cette exigence, mes chers collègues, qui doit guider aujourd’hui le Sénat dans son appréhension du texte.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues lorrains, en particulier mosellans, il me semble qu’il ne faut pas profiter de ce projet de loi pour ouvrir, d’une façon ou d’une autre, le débat sur l’extension de la taxe à d’autres territoires, notamment au sillon lorrain. (M. Olivier Jacquin s’exclame.)
Bien entendu, je puis tout à fait comprendre, mes chers amis lorrains, en particulier mosellans, que vous souhaitiez disposer d’un dispositif identique à celui qui sera mis en œuvre en Alsace,…
M. Olivier Jacquin. Vous aviez voté dans ce sens !
M. André Reichardt. … mais ce n’est pas l’heure ce soir.
Il s’agit aujourd’hui, je le répète une nouvelle fois, de répondre au plus vite à une difficulté ancienne, qui prend de plus en plus d’acuité dans le fossé rhénan, née de la création de la LKW-Maut en Allemagne en 2005, qui a entraîné le transfert de tout le trafic poids lourds international de l’A5 allemande vers l’A35 en Alsace. Nous, sénateurs alsaciens, comme tous les Alsaciens, sommes aptes à en juger.
Les Alsaciens attendent donc depuis 2005 et ils souhaitent que l’on ne perde plus de temps ! Dès lors, comprenez-le, tout ce qui risque, j’y insiste, de retarder encore la mise en œuvre du dispositif nécessaire à la résolution de ce problème est dangereux. Et si je puis me permettre, mes chers amis lorrains, les Alsaciens sont heureux d’ouvrir la voie et ils seront tout particulièrement heureux que le sillon lorrain les suive. Ainsi, dès lors que nous serons saisis d’un texte identique, personnellement, je le voterai avec enthousiasme !
Enfin, mes chers collègues, que penser de l’article 1er octodecies, introduit sur l’initiative des rapporteurs, qui prévoit une concertation avec les collectivités territoriales limitrophes en amont de la création de cette taxe ?
À titre personnel, je ne pense pas qu’il était totalement nécessaire d’inscrire dans la loi un dispositif de concertation qui fonctionne déjà au quotidien. À ma connaissance, les deux départements alsaciens n’ont jamais refusé la concertation ou le débat avec leurs voisins. Lorsque j’étais conseiller régional, vice-président et, un moment, président du conseil régional d’Alsace, en aucun cas, nous n’avons mégoté ou refusé une discussion avec les départements voisins qui appartenaient à l’époque à la région Lorraine – la Champagne-Ardenne était naturellement beaucoup plus éloignée…
Pour autant, puisque les commissions ont fait droit à ces amendements des rapporteurs, et sous la réserve explicite que cette concertation ne retarde pas la mise en œuvre de la taxe, pourquoi s’y opposer ?
Je terminerai en remerciant vivement nos rapporteurs, Jean-Claude Anglars et Stéphane Le Rudulier, de leur écoute et du travail qu’ils ont réalisé sur un dossier dont leurs origines géographiques ne les rapprochaient pas particulièrement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après en avoir été les demandeurs, puis les acteurs, allons-nous enfin, ce soir, être les spectateurs d’un retour à un fonctionnement normal de l’infrastructure routière que constitue l’A35 ?
C’est en tout cas ce que nous, élus alsaciens, appelons de nos vœux. Voter en faveur de l’ordonnance qui instaure une contribution spécifique pour les transporteurs routiers permettra de répondre à une demande forte de la part de nombreux élus du territoire, que je salue, d’usagers et de riverains.
Maire de Rixheim jusqu’en 2020, je connais parfaitement le sujet, puisque cette autoroute est tangente à ma commune, et il n’est pas exagéré de dire que la situation est devenue insupportable et dangereuse, avec des ralentissements, des bouchons et de nombreux accidents en tout genre.
Bien sûr, le constat ne date pas d’hier, mais la situation s’aggrave d’année en année. Depuis 2005, date de mise en place en Allemagne de la LKW-Maut, taxe poids lourds qui avait été votée en 2002 par le Bundestag sous l’impulsion du gouvernement Schröder, les transporteurs préfèrent éviter l’autoroute A5 allemande : ils choisissent de modifier leur trajet et de bifurquer vers l’autoroute alsacienne située à seulement quelques kilomètres à vol d’oiseau.
C’est l’effet de bord de cette taxe instituée outre-Rhin qui a contribué à la saturation de notre réseau autoroutier. Depuis plus de quinze ans, nous, élus locaux, souhaitons l’instauration d’une redevance poids lourds pour lutter contre cette inflation du trafic autoroutier.
Depuis sa création, la Collectivité européenne d’Alsace a la capacité légale de mettre en place une taxe sur les poids lourds, l’ordonnance du 26 mai 2021 en fixant les modalités d’application et laissant une certaine latitude à l’exécutif local, avec une liberté de définir le réseau taxé, les tarifs ou encore l’organisation.
L’idée générale des élus est bien de cibler le transport transfrontalier de marchandises qui passe par notre territoire sans y livrer véritablement de produits. Il faut absolument éviter trop de reports de l’Allemagne et de la Suisse vers la France.
Cette taxe poids lourds ne doit pas être vécue comme une arme fiscale pénalisant nos transporteurs routiers ou les utilisateurs de camions côté alsacien. Elle doit permettre au contraire une meilleure répartition des flux de poids lourds. Elle doit permettre également de construire de nouvelles infrastructures et d’accélérer la transition durable. Elle doit permettre enfin de passer à une flotte de camions plus propres roulant notamment au gaz naturel véhicule (GNV) et, je l’espère, dans un avenir proche, à l’hydrogène.
Cette contribution permettra à terme de favoriser l’émergence d’une flotte de camions moins polluants, plus vertueux, et soutiendra l’émergence du fret ferroviaire et fluvial.
Quoi qu’il en soit, nous sommes tous favorables ici à l’instauration de cette taxe, fruit d’une étroite concertation entre la Collectivité européenne d’Alsace, le Gouvernement et les élus locaux.
Vous le voyez, mes chers collègues, cette initiative, qui n’est pas une fin en soi, mais bien un projet pilote, comme l’a rappelé André Reichardt, est appelée à terme à être appliquée là où elle sera nécessaire, y compris en Lorraine. C’est une initiative qui va dans le bon sens. C’est un projet cohérent et pragmatique, qui doit résoudre la difficile équation de désengorger notre autoroute tout en prenant soin de ne pas pénaliser nos acteurs économiques locaux. Ce projet permet de travailler concrètement à la mise en place de solutions de rechange durables et responsables.
L’Alsace répondra donc présent ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l’article 13 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la collectivité européenne d’alsace
Article 1er
L’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 relative aux modalités d’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d’Alsace est ratifiée.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.
M. Jean Louis Masson. Tout à l’heure, j’ai commencé mes explications, mais, en tant que non-inscrit, je n’ai pas beaucoup de temps de parole. Je vais donc continuer maintenant…
Mme Pascale Gruny. Mais en portant votre masque correctement !
M. Jean Louis Masson. Il n’y a personne devant moi, chère collègue !
Si nous avions eu, en Lorraine, l’équivalent de la Collectivité européenne d’Alsace, nous aurions certainement pu participer à ce projet et instaurer une écotaxe. Si nous ne l’avons pas, il ne sert à rien de faire une crise de jalousie à nos collègues alsaciens !
Plutôt que de faire une fixette et de répéter que les Alsaciens vont nous créer des problèmes, il faut nous interroger : qui est responsable de cette situation ? Eh bien, ce sont ceux qui, en Lorraine, n’ont ni défendu la région Lorraine ni proposé la création d’une euro-région Lorraine ! En tout cas, ce ne sont certainement pas nos excellents collègues alsaciens…
Les Alsaciens gèrent leurs problèmes. Si nous, Lorrains, sommes incapables de faire de même, nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous-mêmes !
La région Grand Est – j’en fais partie – est une véritable chienlit, une foire d’empoigne ; c’est incroyable ! Si certains Lorrains veulent rester dans une telle situation, tant mieux pour eux, mais qu’ils ne viennent pas se plaindre ensuite ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Christine Herzog et M. Claude Kern applaudissent également.)