Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous allons retirer notre amendement, qui n’a de toute manière aucune chance d’être adopté, mais le problème reste entier.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie des précisions que vous avez apportées. Mais, dans mon intervention, j’avais aussi soulevé un autre élément qui me paraît extrêmement important : les salariés concernés ont été oubliés dans le cadre du Ségur de la santé. Leurs revendications sont fortes et parfaitement justifiées. J’attire donc votre attention pour qu’ils puissent bénéficier d’un rattrapage.
Mme le président. L’amendement n° 780 est retiré.
Article 38 bis (nouveau)
I. – L’État peut autoriser, pour une durée de deux ans et à titre expérimental, dans trois régions, la prise en charge par l’assurance maladie des traitements du sevrage tabagique par des substituts nicotiniques qui sont dispensés sans ordonnance par les pharmaciens d’officine.
II. – Les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation ainsi que les territoires concernés sont déterminés par décret. Celui-ci précise notamment les traitements concernés, les honoraires de dispensation, définis par la convention nationale prévue à l’article L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale, que le pharmacien perçoit ainsi que les conditions d’évaluation de l’expérimentation. En particulier, des territoires différents de ceux mentionnés au I du présent article peuvent être sélectionnés en tant que contrôles, aux fins d’évaluation.
III. – Un rapport d’évaluation est réalisé par le Gouvernement au terme de l’expérimentation et transmis au Parlement.
Mme le président. L’amendement n° 936 rectifié bis, présenté par Mme Poumirol, M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier et Rossignol, M. Antiste, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, MM. Chantrel, Durain, Gillé, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Leconte, Lurel, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mme Préville, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal, Tissot, Vaugrenard, Stanzione, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement vise à supprimer l’article 38 bis, qui a pour objet d’expérimenter la prise en charge du sevrage tabagique par les substituts nicotiniques lorsqu’ils sont dispensés par les pharmaciens d’officines sans ordonnance.
Une telle mesure semble viser une nouvelle fois à pallier le manque de médecins sur notre territoire. À notre sens, il n’est pas raisonnable de démédicaliser le sevrage tabagique. La consultation antitabac n’est pas une simple prescription de patch ou de gomme.
De plus, l’idée selon laquelle le prescripteur serait aussi le vendeur est contraire à un principe fondamental de médecine, avec un risque de dérive. Nous avons pu l’observer pour les examens radiologiques, en nette progression depuis que les radiologues sont autorisés à prescrire eux-mêmes les examens qu’ils peuvent pratiquer.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’oppose à une telle mesure et propose de supprimer l’article 38 bis.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. En permettant la prise en charge par l’assurance maladie des substituts nicotiniques délivrés sans ordonnance en officine, l’expérimentation envisagée dans l’article pourrait contribuer à diminuer la prévalence du tabagisme dans certaines régions, notamment dans les quatre où celle-ci reste supérieure à la moyenne nationale : Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie, Hauts-de-France et Grand Est.
Je n’ai qu’un seul regret vis-à-vis de cet article : l’expérimentation porte sur trois régions seulement, et non sur les quatre où le tabagisme est plus élevé que dans le reste du pays.
La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. J’entends les arguments de Mme la rapporteure. Cela étant, cet article pose deux questions.
Premièrement, il prévoit des honoraires de dispensation pour le pharmacien au-delà du prix de vente du produit. Cela indique bien que l’on comprend la nécessité d’un acte autre que la dispensation, en l’occurrence un diagnostic. Le sevrage tabagique ne consiste pas à faire une ordonnance à un patient pour un produit ; cela consiste à faire une consultation incluant un diagnostic. D’ailleurs, le test de Fagerström, qui est classiquement utilisé, permet de voir quelle est la part de la dépendance physique, comportementale, et d’analyser en fonction de cela la réponse à apporter à la personne souhaitant arrêter le tabac. On imagine – mais il faudrait sans doute le préciser – que le pharmacien va effectuer une telle démarche. À mon sens, présenter un dispositif de ce type dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, même sous forme d’expérimentation, revient à modifier clairement les frontières de la répartition des actes et des démarches entre les professionnels de santé.
Deuxièmement, nous nous opposons de manière constante à l’élargissement du domaine dans lequel celui qui prescrit est celui qui effectue l’acte. Je regrette par exemple que ce soit le cas chez les médecins. En commission, notre ancien rapporteur général évoquait la pertinence des actes. Désormais, il n’en est plus question. C’est un sujet qui revient occasionnellement avant de disparaître de nouveau… Ne nous voilons pas la face : si la radiologie fait partie des disciplines où il y a le plus d’actes inutiles, c’est précisément parce que celui qui prescrit l’acte est aussi celui qui l’effectue. Notre opposition à une telle extension est donc également motivée par des considérations d’économie de la santé.
Mme le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Les arguments qui sont avancés peuvent très bien s’entendre.
Tout est affaire de confiance. On peut effectivement être prescripteur et appliquer ensuite le traitement. Mais l’élément essentiel est – c’est le même principe que pour les prescriptions directes par des paramédicaux, sujet dont nous débattrons ensuite – que le prescripteur soit sûr du diagnostic. C’est là toute la difficulté.
Or, dans le cas de la prescription de substituts nicotiniques, un pharmacien peut être sûr du diagnostic si la personne veut s’en sortir. Alors, pourquoi pas ? C’est une expérimentation. Faisons-nous confiance aux pharmaciens ? Nous faisons bien confiance aux paramédicaux, qui peuvent poser des diagnostics et faire des traitements. Sont-ils bien formés ? J’ai tout de même tendance à penser que le pharmacien, lui, est bien formé. Il connaît les patients. Il les voit régulièrement. Je serais assez favorable à une expérimentation là où le taux de tabagisme est particulièrement élevé.
Car, dans la lutte contre le tabagisme, il faut tout essayer. C’est la raison pour laquelle je me suis intéressé au tabac chauffé ; voyons ce que cela donnera. Mais si nous n’essayons rien, les gens continueront de fumer. Expérimentons, et nous ferons le point ensuite.
Mme le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. Je crois également qu’il faut prendre des précautions, notamment dans la délivrance des dérivés nicotiniques. Je pense en particulier aux éventuelles conséquences sur le plan cardiaque. Il faudra avoir la certitude que les pharmaciens délivrant des dérivés nicotiniques connaissent les patients et soient bien au fait de leur traitement. Peut-être serait-il utile de le préciser ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 936 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 38 bis.
(L’article 38 bis est adopté.)
Article 39
I. – Après l’article L. 162-16-3-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-16-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-16-3-2. – Pour les médicaments remboursables par les régimes obligatoires d’assurance maladie, le directeur de l’organisme d’assurance maladie compétent peut, sur la base des éléments transmis par l’entité légale gérant le répertoire national de vérification des médicaments, prononcer à l’encontre des pharmaciens titulaires d’officine, après les avoir mis en mesure de présenter leurs observations, une pénalité financière en cas de manquement à l’obligation de désactivation de l’identifiant unique prévue à l’article 25 du règlement délégué (UE) 2016/161 de la Commission du 2 octobre 2015 complétant la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil en fixant les modalités des dispositifs de sécurité figurant sur l’emballage des médicaments à usage humain.
« Le montant de cette pénalité ne peut être fixé à une valeur inférieure à 350 euros ni excéder, en cumulé, 10 000 euros par année civile.
« Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité, de la durée et de la réitération éventuelle des manquements.
« La pénalité est recouvrée par les organismes mentionnés à l’article L. 213-1 du présent code désignés par le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Les deux premiers alinéas de l’article L. 137-3 et l’article L. 137-4 sont applicables au recouvrement de cette pénalité. Son produit est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie. Le recours formé contre la décision prononçant cette pénalité est un recours de pleine juridiction.
« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. »
II. – Jusqu’au 31 janvier 2022, la pénalité prévue à l’article L. 162-16-3-2 du code de la sécurité sociale ne peut être prononcée qu’en cas d’absence totale de connexion au répertoire national de vérification des médicaments et son montant cumulé ne peut excéder 350 euros.
Mme le président. L’amendement n° 540 rectifié, présenté par Mme Berthet, MM. Belin, Savary et Bonne, Mme Bourrat, MM. Brisson, Burgoa, Cambon et Charon, Mmes Chauvin et Delmont-Koropoulis, MM. B. Fournier, Genet et Gremillet, Mme Gruny, MM. Klinger, Lefèvre, Mandelli, de Nicolaÿ, Pellevat, Piednoir et Pointereau, Mme Puissat et M. Saury, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans l’éventualité où les produits de santé mentionnés au 20° de l’article L. 5311-1 du code de la santé publique ne permettent pas aux pharmaciens de répondre sans surcoût aux exigences mentionnées aux I et au II, les pénalités financières ne peuvent leur être appliquées. Dans ce cas, elles pourront être imputables aux éditeurs des produits de santé mentionnés au 20° de l’article L. 5311-1 précité dans des conditions définies par arrêté.
La parole est à M. Bruno Belin.
M. Bruno Belin. Cet amendement a été déposé sur l’initiative de notre collègue Martine Berthet.
La réglementation relative à la sérialisation est devenue obligatoire pour tous les pharmaciens. Concrètement, il s’agit du fait de scanner le QR code de toutes les boîtes relevant d’une prescription.
Cependant, certains éditeurs de logiciels n’ont toujours pas adapté leur outil à la législation. Les pharmaciens ne peuvent donc pas se soumettre à une telle obligation. Cette éventualité doit être envisagée par le législateur, et des pénalités financières doivent s’appliquer aux éditeurs de logiciels non conformes.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Certains pharmaciens peuvent effectivement être confrontés au manque de réactivité de leur éditeur de logiciel pour adapter le logiciel et leur permettre de se connecter aisément au répertoire national de vérification des médicaments.
Toutefois, l’article 39 prévoit bien la possibilité pour le pharmacien d’officine de présenter, dans le cadre d’une procédure contradictoire, ses observations au directeur de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). À cette occasion, il pourra faire valoir les éventuelles impossibilités techniques auxquelles il est confronté pour se connecter et indiquer ainsi qu’il a demandé à l’éditeur d’adapter en conséquence son logiciel d’aide à la dispensation. Je pense que les éditeurs de logiciels n’ayant pas fait évoluer leur système sont connus des autorités. Et la procédure contradictoire permettra aux pharmaciens d’officine qui ne pourraient pas se connecter de faire valoir cet élément.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Monsieur Belin, l’amendement n° 540 rectifié est-il maintenu ?
M. Bruno Belin. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 540 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 39.
(L’article 39 est adopté.)
Chapitre IV
Renforcer l’accès aux soins et les actions de prévention en santé
Article 40
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 4342-1 est ainsi modifié :
a) Après le deuxième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au deuxième alinéa, l’orthoptiste peut, sans prescription médicale et sans être placé sous la responsabilité d’un médecin :
« 1° Réaliser un bilan visuel et prescrire des verres correcteurs et des lentilles de contact oculaire, selon les modalités et les conditions de réalisation fixées par un décret en Conseil d’État pris après avis de l’Académie nationale de médecine.
« L’orthoptiste ne peut renouveler, le cas échéant en l’adaptant, une prescription précédente de verres correcteurs ou de lentilles de contact oculaire réalisée par un médecin ophtalmologiste ou par un orthoptiste qu’à la condition qu’un bilan visuel ait été réalisé préalablement par un médecin ophtalmologiste, dans des conditions fixées par décret ;
« 2° Réaliser chez l’enfant le dépistage de l’amblyopie et celui des troubles de la réfraction, selon des critères d’âge fixés par décret. » ;
b) (nouveau) Au dernier alinéa, le mot : « septième » est remplacé par le mot : « onzième » ;
2° L’article L. 4362-10 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « médicale » est remplacé par les mots : « , par un médecin ou un orthoptiste, » ;
b) Les deuxième et troisième alinéas sont ainsi modifiés :
– le mot : « médicales » est supprimé ;
– sont ajoutés les mots : « ou de l’orthoptiste » ;
c) (nouveau) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les opticiens-lunetiers ne peuvent adapter et renouveler les prescriptions initiales de verres correcteurs et de lentilles de contact oculaire délivrées en application du 1° de l’article L. 4342-1 qu’à la condition qu’un bilan visuel ait été réalisé préalablement par un médecin ophtalmologiste, dans des conditions fixées par décret. »
Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je ne cache pas mon inconfort face aux mesures d’accès direct à différentes filières médicales inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nous n’entendons pas nier les difficultés d’accès aux soins ayant motivé de telles dispositions. Nous sommes tous conscients des délais inacceptables auxquels nombre de nos concitoyens font face pour obtenir un rendez-vous avec un médecin généraliste ou spécialiste. Mais la méthode du Gouvernement est critiquable à un double titre.
D’abord, les mesures en question ont trait aux conditions d’exercice des professionnels de santé. Or le Conseil constitutionnel a déjà considéré par le passé que de telles dispositions n’avaient pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale si leur incidence directe sur l’équilibre des comptes sociaux n’était pas établie. Le Gouvernement est donc directement responsable de cette entorse au champ organique des lois de financement de la sécurité sociale, et l’Assemblée nationale n’a pas manqué de s’engouffrer dans la brèche en introduisant plusieurs articles additionnels. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est transmis contient pas moins de six articles organisant un accès direct à différentes professions de santé, la plupart par voie d’expérimentation. Or aucune de ces dispositions n’a fait l’objet d’une concertation avec les représentants des professionnels concernés.
Ensuite, sur le fond, l’accumulation dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale de dispositifs d’accès direct met à mal la notion de parcours de soins coordonnés et met plus largement en question la place du médecin traitant dans ce parcours. Or supprimer l’étape de la consultation médicale préalable n’est pas nécessairement la clé d’un accès optimal aux soins. Faciliter l’accès aux soins, d’accord, mais pas à n’importe quel prix ! La qualité et la pertinence des soins doivent rester cardinales dans l’organisation des parcours.
C’est à cette exigence que tendent à répondre les amendements proposés par la commission sur les différents articles que nous allons examiner.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. La question qui nous est posée est fondamentale pour l’accès aux soins. Mais, au regard du problème posé, nous ne sommes pas certains que la réponse apportée soit la bonne.
Nos concitoyennes et nos concitoyens ont de plus en plus de difficultés pour obtenir des rendez-vous chez les généralistes ou chez les spécialistes. Nous en sommes toutes et tous conscients ici.
Pour rappel, la délégation aux droits des femmes vient de remettre un rapport indiquant que treize départements en France n’ont pas de gynécologue médical.
Dès lors, comment gère-t-on la pénurie ? Est-ce une bonne idée de confier certaines missions aux professions paramédicales ? Pour notre part, nous sommes favorables à la reconnaissance des compétences de ces dernières. Mais n’est-ce pas d’abord une façon de gérer la pénurie alors que nous savons pertinemment que le manque de médecins est dû en partie à des années de numerus clausus ? Quelles seront les conséquences à long terme ? Ne va-t-on pas assister à une médecine à deux vitesses et créer davantage d’inégalités ?
J’en viens plus spécifiquement à l’article 40 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Honnêtement, au sein de notre groupe, nous ne savons pas si, d’un point de vue médical, autoriser les orthoptistes à réaliser des bilans visuels, à dépister chez l’enfant l’amblyopie, à prescrire des lentilles et des verres correcteurs, missions exercées jusqu’ici par des ophtalmologistes, est la bonne solution. Est-ce que cela ne peut pas au contraire entraîner certains risques, compte tenu de la différence dans le nombre d’années d’études ?
Disons-le tout net, il existe un lobby médical qui refuse toute nouvelle compétence aux professions paramédicales.
La question de l’accès direct étant primordiale, peut-être devrions-nous réfléchir davantage, plus globalement, et non profession par profession ? Et cela relève moins d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale que d’un texte sur la santé.
En tout cas, nous avions déposé un amendement pour demander a minima une expérimentation, à l’instar de ce qui est proposé dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour d’autres professions : orthophonistes, masseurs-kinésithérapeutes, etc. Malheureusement, comme de nombreux autres, notre amendement a été déclaré irrecevable : le fait de passer à une expérimentation en lieu et place d’une généralisation tombe, nous a-t-on dit, sous le coup de l’article 40 de la Constitution ; je serais ravie qu’un membre de la commission des finances veuille bien nous en expliquer la raison…
Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
Mme Marc Laménie. L’article 40, qui vise à améliorer l’accès à la filière visuelle, suscite de vives craintes chez la grande majorité des ophtalmologistes français. Ceux que nous avons pu rencontrer dans nos départements et territoires respectifs sont en effet particulièrement inquiets.
Les études pour devenir ophtalmologiste, qui durent douze ou treize années, requièrent beaucoup de compétence et d’engagement.
Il est indispensable de préserver l’excellence médicale en matière de santé visuelle. Il est également important d’effectuer de meilleurs dépistages du glaucome en Europe. Cela relève aussi de la compétence des ophtalmologistes.
Les examens de la réfraction que les orthoptistes réalisent sont sous le contrôle et la responsabilité des ophtalmologistes. Il ne s’agit en aucun cas d’un bilan visuel.
Les risques sont donc réels. En dix ans, le nombre d’orthoptistes a progressé de 60 %, contre 1 % seulement pour les ophtalmologistes. Cela pose un réel problème en termes de santé.
J’ai cosigné l’amendement de suppression de l’article qui sera présenté dans quelques instants par notre collègue Jean Sol. Bien que je sois presque systématiquement d’accord avec la commission, en l’occurrence, je voterai en faveur des amendements de suppression.
Mme le président. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, sur l’article.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Dans une lettre ouverte, l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) d’Île-de-France, qui représente 21 000 médecins libéraux, déclare :
« Le PLFSS pour 2022 contient des mesures qui morcellent nos exercices et ont été écrites et publiées sans concertation avec les représentants des médecins et des autres professions de santé concernées. […]
« Nous rappelons que nous travaillons actuellement en bonne entente et articulation avec les infirmières, les kinésithérapeutes, les orthoptistes et les sages-femmes.
« Loin d’améliorer l’accès aux soins, de tels transferts de tâches non concertés n’agissent pas sur la pénurie des médecins et des soignants. […] Ils fragilisent le périmètre de nos métiers et rendent incompréhensibles les parcours de soins pour les patients, introduisant un doute sur la pertinence des soins. […]
« Enfin, ces décisions, prises sur des arguments statistiques et non médicaux, entraînent une dégradation de la qualité des soins, responsable d’une perte de chance pour les patients et de risques juridiques pour les professions nouvellement sollicitées. »
Ces médecins demandent solennellement la suppression totale des articles 40 et 41 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Je vous engage donc, chers collègues, à voter les amendements de suppression de ces deux articles.
Mme le président. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.
M. Bernard Jomier. En introduction de la discussion de cet article, mais également de tous les articles qui portent sur les rapports entre les professions de santé, je veux dire combien la méthode du Gouvernement est contre-productive.
L’année dernière, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement avait décidé de reporter les négociations de la convention médicale à l’après-élection présidentielle. Nous nous y étions alors opposés, en expliquant que, compte tenu du nombre de sujets à traiter, il était souhaitable que le temps de la négociation puisse avoir lieu.
Durant le processus d’élaboration du PLFSS, le ministère a indiqué à plusieurs organisations professionnelles de la santé que le texte ne contiendrait aucun élément relatif aux rapports entre les professions de santé dans ce texte.
Or, lors de la première lecture devant l’Assemblée nationale, des amendements du Gouvernement et du rapporteur général sont brutalement venus procéder à des modifications. C’est prendre les choses à l’envers, et ce n’est pas admissible.
On voit le résultat : nous assistons à un débat dans lequel les uns accusent les autres de « corporatisme » qui leur répondent en les accusant de « lobbying », des termes repris au sein de cet hémicycle par le ministre de la santé lui-même, il y a quelques jours.
Ce n’est pas ainsi, en faisant preuve d’autoritarisme mal placé, que l’on avance. On avance en respectant d’abord le temps des discussions entre les différentes professions de santé. Ensuite, dans l’hypothèse où ces discussions n’aboutissent pas à des dispositifs satisfaisants ni pour notre population ni en termes d’accès aux soins – et en la matière, le conservatisme n’a pas sa place –, le Parlement intervient et légifère.
Vous faites l’inverse. Vous semez le désordre et la confusion entre les professions de santé, vous semez la discorde : c’est une erreur. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, sur l’article.
Mme Nadia Sollogoub. Si l’on sent bien que les différentes dispositions de l’article 40 visent à libérer du temps médical – c’est, en effet, une manière de pallier le manque de praticiens –, permettez-moi de rappeler l’existence d’une ancienne disposition de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite loi Buzyn, créant le dispositif des assistants médicaux.
La loi prévoyait de créer 4 000 postes d’assistants médicaux et d’évaluer le dispositif au bout de trois ans.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Absolument !
Mme Nadia Sollogoub. C’était également une manière très intéressante de libérer du temps médical. Mais avec seulement 1 700 postes créés à ce jour, il semblerait que le dispositif ne fonctionne pas aussi bien que prévu. Serait-il possible de l’évaluer et de réfléchir à des pistes d’amélioration ou à sa montée en puissance ?
L’accès direct à certaines professions crée visiblement des remous. N’y a-t-il pas d’autre moyen de libérer du temps médical ?
S’agissant des assistants médicaux, la contractualisation permet la prise en charge d’un plus grand nombre de patients. Seuls certains praticiens y ont toutefois accès. Ne pourrait-on pas élargir le dispositif ?
Mme le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, sur l’article.
Mme Victoire Jasmin. Je suis très favorable à la suppression de cet article, car je suis une « victime ». Si je vois encore un peu aujourd’hui, c’est en effet, je le crois, grâce aux ophtalmos, car j’ai souffert de nombreux problèmes visuels durant les vingt ou trente dernières années.
Je ne peux que rejeter les dispositions proposées. Le manque d’ophtalmos et les déserts médicaux – qui sont réels – ne sauraient justifier que l’on fasse n’importe quoi. On ne peut pas « ubériser » la médecine ; on ne peut pas « ubériser » l’ophtalmologie !
En Guadeloupe particulièrement, il est très difficile d’obtenir un rendez-vous.
Croyez-vous que des professionnels comme les orthoptistes, même s’ils sont formés, mais à la rééducation, seront en capacité de remplacer un ophtalmo ?
En milieu hospitalier, il existe déjà des possibilités d’habilitation entre ophtalmos et orthoptistes, qui permettent à ces derniers de travailler.
On ne peut pas non plus permettre aux orthoptistes de prendre des initiatives auxquelles le contenu de leur formation ne les prépare pas du tout.
La santé, et la santé visuelle, sont importantes. Je le répète, mon expérience personnelle me fait dire que si je vois encore un peu, c’est grâce aux ophtalmos : les orthoptistes ne seraient pas parvenus au même résultat.