Mme le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Les interventions précédentes confirment que ce débat relève non pas du tout d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais de l’organisation de la santé en France.
Par ailleurs, comme l’indiquait Bernard Jomier, nous sommes en train de crisper les professionnels et de les monter les uns contre les autres. Cela n’est pas acceptable. Ces derniers viennent de vivre une crise sanitaire qui les a poussés à bout, et on met de l’huile sur le feu !
Compte tenu des difficultés rencontrées par nos concitoyens dans l’accès aux soins, je suis plutôt favorable à un partage des tâches, mais à la condition qu’il se fasse dans une totale coordination. Ce qui est fait dans les maisons de santé pluridisciplinaires, dans les centres de santé, ce qu’on organise sur le territoire aujourd’hui pour la santé en général, je souhaite qu’on le mette en place pour la santé visuelle.
Avec Catherine Deroche, nous avions défendu il y a quelques années une proposition de loi visant à améliorer la santé visuelle des personnes âgées en perte d’autonomie. Ces personnes sont captives non seulement dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), mais même aussi à leur domicile. Je ne crois pas que les choses aient beaucoup progressé dans ce domaine. Car toutes les professions autour de la santé visuelle n’ont toujours pas la capacité de s’organiser.
En résumé, je suis favorable à la coordination des soins de la santé visuelle, mais sous réserve d’une concertation entre les professionnels. Surtout, débattons-en dans une vraie loi Santé ! (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à Mme Colette Mélot, sur l’article.
Mme Colette Mélot. On peut comprendre l’objectif de cet article : améliorer l’accès aux soins. Il est vrai qu’il est très difficile, depuis quelques années, d’obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste.
Depuis 2020 cependant, date à laquelle, me semble-t-il, les orthoptistes ont été autorisés à prescrire des verres et à prolonger des prescriptions, nous observons une amélioration. Les délais se sont progressivement raccourcis. Nous pouvons penser que, dans les années à venir, nous parviendrons à améliorer la santé visuelle des Français.
Il convient donc d’encadrer le dispositif. Il faut éviter que les patients ne consultent que des orthoptistes, en prévoyant une limite dans le temps. Je défendrai d’ailleurs un amendement à l’article 40 visant à encadrer l’autorisation de prescription des verres correcteurs et des lentilles de contact, en la conditionnant au suivi régulier des patients par un médecin ophtalmologue. Il faut que les patients puissent, lorsqu’un suivi est nécessaire, consulter un médecin tous les trois ans au moins.
J’insiste, le dispositif doit être encadré. Il est aussi nécessaire de prévoir, pour les personnes qui en ont besoin, comme les enfants, la possibilité de consulter un orthoptiste.
Mme le président. La parole est à M. Bruno Belin, sur l’article.
M. Bruno Belin. Cet article est une vraie torture ! Je rejoins plusieurs des interventions précédentes, qui proviennent d’ailleurs des différentes travées de cet hémicycle.
Même si nous avons, sur ce sujet précis, un problème frontal à résoudre, on ne peut régler la question de la santé au moyen de quinze amendements, c’est-à-dire en moins de trente minutes.
Un débat sur les professions de santé et sur l’organisation de la santé en France est vraiment nécessaire. Cette demande a, d’ailleurs, fait l’objet de trois ou quatre questions au Gouvernement mercredi dernier. Sur ce point, je donne acte et raison au ministre Olivier Véran : il n’est pas responsable de la situation actuelle ni des erreurs de numerus clausus. (M. Bernard Jomier ironise.)
M. Martin Lévrier. La responsabilité est partagée.
Mme Frédérique Puissat. Il l’a défendu !
M. Bruno Belin. Nous sommes un certain nombre, ici, à être passés au travers des mailles du concours dans les années 1980. À l’époque, nous estimions que la baisse du numerus clausus diminuerait le nombre de professionnels de santé en exercice et, partant, les dépenses de l’assurance maladie. Je pourrais même vous retrouver les verbatim !
Nous faisons face à un problème national, avec une répartition territoriale hétérogène. Nous devons donc nous poser la question de l’installation des professionnels de santé. Le département pourrait être le niveau pertinent ; vous verrez alors qu’il existe peut-être des solutions ponctuelles. Car nous ne pouvons pas attendre dix ans.
Il ne faut pas, par l’intermédiaire de ces articles, sous-évaluer des actes médicaux, en en confiant certains, qui seraient de « première importance », à des spécialistes et d’autres à des personnes différentes.
Monsieur le secrétaire d’État, cet article n’apporte pas de solution ; il va créer des tensions.
Laurence Cohen a cité le travail réalisé, sous l’autorité de Mme Billon, par la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. En gynécologie, le constat est que, dans certains départements, on ne parvient même pas à faire traiter ou « sous-traiter » – le mot est terrible – les actes médicaux par des sages-femmes, car elles ne sont pas assez nombreuses.
Il faut donc une véritable loi de santé, qui rebatte les cartes, qui s’intéresse aux questions d’aménagement du territoire et qui apporte des réponses pertinentes en matière sanitaire. (Mmes Évelyne Renaud-Garabedian et Viviane Malet applaudissent.)
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ce débat n’est pas une surprise. Lorsque nous avons vu arriver les articles 40 et 41 qui avaient échappé, à l’Assemblée nationale, aux fourches caudines de l’irrecevabilité, nous savions qu’ils relevaient non pas du PLFSS, mais de l’organisation des soins.
Néanmoins, la commission des affaires sociales a choisi de les examiner plutôt que de les supprimer, comme le proposent certains de nos collègues. Ces demandes de suppression s’entendent d’ailleurs tout à fait. Je rejoins ici, monsieur le secrétaire d’État, les propos de Bernard Jomier et d’autres intervenants : lorsque nous avons demandé au directeur général de l’assurance maladie si une concertation avait été organisée sur la question, il nous a répondu par l’affirmative. En réalité, le courrier abondant, les nombreux e-mails que nous avons reçus et les échanges que nous avons pu avoir montrent bien l’absence totale de concertation sur le sujet !
Nous savons parfaitement qu’une négociation conventionnelle est en cours pour 2023, que la filière visuelle s’organise et que les dispositions proposées dans ces articles relèvent davantage d’une concertation que du PLFSS. Si nous avons choisi d’examiner ces articles, c’est parce que leur suppression aurait mis fin au débat. Mme la rapporteure a fait le choix de les encadrer au travers d’un certain nombre de propositions.
Dans les faits, la délégation d’actes à des orthoptistes se pratique sur le terrain, dans les cabinets regroupant ophtalmos et orthoptistes. Plutôt que de s’installer seuls à l’issue de leurs études, les orthoptistes préfèrent en effet exercer à proximité d’un ophtalmologiste.
Car derrière la délégation de la tâche il y a effectivement le problème de la formation et de la compétence, mais surtout celui de la responsabilité : tout acte délégué doit être assumé par celui qui l’exécute. C’est un point majeur. La formation prédispose ou non à l’exercice d’une responsabilité.
Les amendements déposés par la commission visent à pointer les difficultés soulevées par ces articles. C’est le cas en particulier de celui que présentera Corinne Imbert sur les barrières d’âge. On ne peut pas autoriser un accès direct aux orthoptistes par des enfants ou des personnes plus âgées, quand on sait que certaines pathologies oculaires ne seront pas détectées dans ces catégories d’âge.
Nous étions donc placés devant une alternative : soit supprimer les articles et stopper là le débat, soit les cadrer et mettre en exergue les difficultés posées. C’est ce dernier choix que nous avons fait, mais le Sénat décidera.
Mme le président. La parole est à M. René-Paul Savary, sur l’article.
M. René-Paul Savary. Pardonnez-moi, madame la présidente Deroche, d’intervenir après vous, mais je rongeais mon frein !
Nous traitons ici de la politique de santé, qui n’a rien à voir avec le PLFSS. C’est tout de même le ministre des solidarités et de la santé qui a mis ces articles à l’ordre du jour ; nous ne les avons pas inventés ! Néanmoins, j’observe que le ministre n’est pas présent. Cela se comprend à la lecture de la une du Dauphiné Libéré : « Véran sort le chéquier pour les hôpitaux isérois » qu’il vient visiter aujourd’hui ! (Marques d’ironie sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
M. Bernard Jomier. Il est en campagne !
M. Bruno Belin. C’est tout de même problématique !
M. René-Paul Savary. Son programme ne lui a pas permis d’être parmi nous…
Nous avons travaillé sur ces questions sans refuser le débat, et nous avons adopté une position de consensus pour le faire avancer : je le regrette un peu maintenant. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, sur l’article.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Mes chers collègues, j’entends les arguments de ceux qui d’entre vous qui souhaitent la suppression de l’article 40.
Pour autant, il convient de regarder le bénéfice-risque, dans un contexte de manque d’ophtalmologistes, en particulier dans nombre de départements où les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous sont très longs, souvent de plusieurs mois.
En Guyane par exemple, ces délais conduisent bon nombre de personnes à renoncer à consulter un ophtalmologiste, avec comme résultat des corrections visuelles qui ne sont pas, ou plus du tout, prises en charge ou adaptées.
Les conséquences de cette situation sont dramatiques et potentiellement dangereuses. Je pense, par exemple, aux automobilistes qui conduisent sans correction visuelle.
Vaut-il mieux, dès lors, s’arc-bouter sur des principes ou tenter d’améliorer la situation ?
Nous pouvons et devons choisir d’être pragmatiques. Des garde-fous supplémentaires peuvent être mis en place. Les amendements du président Patriat ou de Mme la rapporteure Corinne Imbert qui vont en ce sens seraient très utiles.
Nous aurons toujours la possibilité de tirer le bilan de la mesure et de la remettre en question, dans deux ou trois ans, si d’éventuelles difficultés devaient être constatées.
Je voterai donc contre les amendements visant à supprimer l’article 40.
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. J’apporterai, en premier lieu, quelques éléments de réponse sur la méthode, avant d’aborder le fond. Cela me permettra de justifier par anticipation l’avis défavorable du Gouvernement sur les amendements de suppression à venir.
S’agissant de la méthode, ces dispositions ont tout de même des conséquences sur les dépenses de l’assurance maladie. À cet égard, elles ont leur place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Mme Élisabeth Doineau en doute.)
Vous nous reprochez parfois de présenter, à l’occasion de l’examen de textes budgétaires, des mesures dépourvues d’impact sur les finances publiques : il est difficile de reprendre cet argument ici !
Je rappellerai que ces dispositions n’ont pas été introduites par voie d’amendement au cours des débats à l’Assemblée nationale, mais qu’elles figuraient bien dans le texte initial déposé par le Gouvernement…
M. Bernard Jomier. Une seule !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je vais en venir au fond, mais je maintiens mon propos : le dispositif d’ouverture des consultations aux orthoptistes figurait dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale initial, soumis au Conseil d’État, qui a d’ailleurs rendu son avis. Soyons précis !
Sans vouloir polémiquer, on ne peut pas tous déplorer – et j’inclus ici le Gouvernement – comme l’a fait Bruno Belin, l’existence de déserts médicaux touchant l’ensemble des professions médicales, généralistes et spécialistes et s’opposer à une mesure qui permet d’y remédier. (M. Bernard Bonne proteste.)
Monsieur Bonne, je reviendrai sur le fond dans un instant.
Monsieur Savary, le dispositif que nous proposons est encadré. Je veux bien que l’on en appelle à une grande loi Santé…
Mme Frédérique Puissat. À des Assises !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Vous avez peut-être raison, une telle loi est peut-être nécessaire. D’autres lois de santé ont d’ailleurs déjà été adoptées sous ce quinquennat, notamment sous le ministère d’Agnès Buzyn.
Nous faisons face à une urgence. L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) le rappelait dans son rapport : la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) évoquait, pour l’année 2018, des délais moyens de 80 jours pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmo ; pour 64 % des parents, les délais d’obtention d’un rendez-vous pour leurs enfants étaient considérés comme trop longs. Telle est la réalité à laquelle nous essayons de répondre.
Par ailleurs, je ne doute pas que vous ayez reçu, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres articles du PLFSS, une correspondance abondante. Néanmoins, vous ne pouvez pas affirmer – personne ne le peut, pas même les gens qui vous ont écrit – qu’il n’y a pas eu de concertation. Je suis désolé : ces personnes ne sont peut-être pas d’accord avec nous, mais elles ne peuvent pas prétendre qu’il n’y a pas eu de concertation.
Un rapport de l’IGAS sur la filière visuelle a été rendu public en janvier 2020, suivi par plus d’une année de concertation qui, bien qu’un peu perturbée par le covid, a tout de même eu lieu. L’ensemble de la filière, y compris les syndicats représentant les différentes parties prenantes, y a été associé. Je n’accuse personne de défendre telle ou telle corporation, mais on ne peut nous reprocher d’imposer une mesure non concertée. Cela n’est pas conforme à la réalité !
S’agissant du fond, je veux vous apporter quelques précisions, ce qui me permettra de ne pas défendre l’avis du Gouvernement sur les amendements à venir.
À ceux d’entre vous qui proposent de supprimer l’article 40, je rappelle que ses dispositions visent à améliorer l’accès aux soins visuels, tout en garantissant une prise en charge sécurisée pour les patients. L’article prévoit un certain nombre de garanties, sur lesquelles je reviendrai.
En plus de réduire les délais de rendez-vous, la mesure permettra de recentrer le travail des ophtalmologistes sur le traitement des pathologies oculaires complexes, comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ou le glaucome.
Pour rappel, les orthoptistes sont des professionnels de santé spécialisés dans le traitement des troubles oculaires. Ils travaillent depuis de nombreuses années en collaboration avec les ophtalmos sur ce type de missions.
M. René-Paul Savary. Pour le traitement !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Ils ont d’ailleurs souvent été formés par ces derniers. Les patients seront donc parfaitement pris en charge par ces professionnels. Ils ne seront bien évidemment pas exposés, madame Jasmin, à un quelconque risque de perte de chance.
En matière de prescription, seuls les adultes âgés de 16 à 42 ans ayant une faible correction ont vocation à être concernés par ces dispositions. Gardons-nous des confusions : ces dispositions ne concernent ni l’ensemble des patients ni l’ensemble des pathologies.
Les comparaisons internationales, dont vous avez peut-être pris connaissance au travers de différents rapports, sont à cet égard assez éloquentes. En réalité, la mesure dont nous discutons est déjà en vigueur depuis de très nombreuses années, chez l’immense majorité de nos voisins européens.
Cette nouvelle compétence d’accès direct favorisera l’installation d’orthoptistes partout en France. Elle contribuera à la lutte contre cette désertification médicale généralisée que nous regrettons, notamment – nous l’espérons – dans les zones sous-denses, où les besoins sont les plus criants.
Enfin, le décret d’application de la mesure sera concerté, là encore, avec l’ensemble des acteurs de la filière. Il tiendra bien évidemment compte des compétences des orthoptistes.
Je le répète : nous sommes vraiment convaincus de l’intérêt certain, en termes non seulement de santé publique mais aussi d’accès aux soins, des dispositions que nous vous proposons au travers de l’article 40.
Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 84 rectifié est présenté par M. Sol, Mme Chauvin, MM. Pellevat et Laménie, Mme L. Darcos, MM. Bonhomme, Lefèvre et Calvet, Mme Richer, M. Grand, Mmes Procaccia et Belrhiti, MM. B. Fournier et Bouchet, Mme Deseyne, M. Saury, Mme Muller-Bronn, M. Brisson, Mme Micouleau, M. Genet, Mme M. Mercier, MM. Favreau, Bonne et Chatillon, Mmes Borchio Fontimp et Drexler, M. Gremillet, Mme Bonfanti-Dossat et M. Meurant.
L’amendement n° 247 rectifié bis est présenté par Mme Joseph, MM. Panunzi, Cadec, Burgoa, Cambon, Hingray et Chauvet, MM. Houpert et Belin et Mme Canayer.
L’amendement n° 661 rectifié ter est présenté par Mme Renaud-Garabedian, M. Bansard, Mme Raimond-Pavero, M. D. Laurent, Mme Dumont et MM. Charon et de Nicolaÿ.
L’amendement n° 732 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Sol, pour présenter l’amendement n° 84 rectifié.
M. Jean Sol. L’article 40 du PLFSS tend à doter les orthoptistes de nouvelles compétences : prescription de lentilles de contact et de lunettes, réalisation d’un bilan visuel, dépistage chez l’enfant de l’amblyopie et troubles de la réfraction.
Or les orthoptistes, durant leurs trois années d’études contre douze pour les ophtalmologistes, ne semblent pas s’être correctement préparés à ces nouveaux actes médicaux.
Par ailleurs, il semble que les professionnels concernés par ce dispositif, et particulièrement les ophtalmos – médecins prescripteurs, faut-il le rappeler ? –, n’y aient pas été associés ou seulement partiellement.
Cela risque à mon sens de freiner la mise en œuvre de cette mesure et de créer des tensions entre des professionnels qui, pourtant, travaillaient jusqu’à présent en équipe. Cette nouveauté pourrait entraîner, en outre, des erreurs de diagnostic ou empêcher la détection de pathologies graves.
Le présent amendement prévoit donc la suppression de cet article.
Mme le président. La parole est à M. Bruno Belin, pour présenter l’amendement n° 247 rectifié bis.
M. Bruno Belin. Je présente cet amendement au nom de Mme Joseph.
L’amélioration de l’accès aux soins est un objectif salutaire et nécessaire, mais il ne doit pas se faire au détriment des patients. À cet égard, le recours aux orthoptistes pour réaliser une primo-prescription pose plus de difficultés qu’il ne résout de problèmes. Je respecte les orthoptistes, mais ils ne suivent pas la même formation que les ophtalmologues. Ils ne peuvent détecter et gérer les pathologies ophtalmologiques. Une ouverture de la primo-prescription découragerait les ophtalmologues, qui effectuent non seulement de longues études, mais poursuivent également un apprentissage tout aussi long par la suite.
Les causes de l’allongement des délais de rendez-vous auprès des ophtalmologues sont à rechercher ailleurs.
En outre, les délais se sont récemment raccourcis. D’autres mesures sont à prendre, comme l’encouragement à la création de cabinets dans les zones peu dotées.
Enfin, la médecine low cost n’est pas une solution. Nous n’avons pas envie de centres de santé sans scrupules proposant des soins au rabais, comme cela a été vu récemment.
Pour ces raisons, cet amendement tend à supprimer l’article 40.
Mme le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour présenter l’amendement n° 661 rectifié ter.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. La mesure qu’introduit le Gouvernement aujourd’hui par cet article prévoit la possibilité, pour les orthoptistes, d’effectuer la primo-prescription des lunettes et des lentilles de contact, en accès direct. Ces derniers pourront également pratiquer le dépistage des pathologies visuelles dès le plus jeune âge.
Je rappellerai à mon tour que les orthoptistes suivent une formation de seulement trois ans, principalement centrée sur la rééducation visuelle et la réalisation du bilan orthoptique. Ils ne sont formés ni pour l’analyse ni pour le diagnostic de pathologies.
Un rendez-vous avec un ophtalmologue, ce n’est pas simplement une commande de paires de lunettes. L’élargissement des prérogatives des orthoptistes pourrait conduire à une dégradation des soins en ophtalmologie. Il faut un médecin pour dépister les maladies, grâce à un examen clinique global.
Les ophtalmologues craignent, avec raison d’ailleurs, une résurgence de maladies repérées trop tardivement, avec des risques de cécité et de perte d’autonomie.
Je comprends l’objectif de cet article, monsieur le secrétaire d’État : il s’agit de réduire les délais entre une prise de rendez-vous et une prescription. Contrairement à ce que vous avez dit, je vous signale que le délai médian pour obtenir un rendez-vous était de 26 jours en 2021, contre 42 jours en 2019, soit une baisse de 38 % sur deux ans, grâce à la réorganisation de la filière visuelle.
Nous sommes donc en très bonne voie pour réduire ces délais et c’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 732.
Mme Raymonde Poncet Monge. En France, les délais avant la prise d’un premier rendez-vous peuvent constituer une perte de chance, notamment dans les déserts médicaux. Un vaste programme de renforcement de l’accès aux soins est donc nécessaire si l’on veut respecter le principe constitutionnel d’égalité d’accès aux soins.
Sur le fondement de cet argument, le Gouvernement propose que les orthoptistes puissent désormais réaliser un bilan visuel et prescrire des verres correcteurs ou des lentilles de contact à un patient, sans que ce dernier ait consulté au préalable un ophtalmologiste.
Le Gouvernement ne peut ignorer que la répartition géographique des praticiens et des orthoptistes s’avère presque superposable, du fait de leur collaboration dans la filière visuelle. En effet, les orthoptistes interviennent en aval, pour des séances de rééducation, souvent à la suite du diagnostic du spécialiste. La situation des zones sous-denses ne sera pas améliorée par cette mesure.
Par ailleurs, le Gouvernement ne peut ignorer que le premier examen de la réfraction est un examen clinique médical, qui permet au spécialiste de dépister d’éventuelles pathologies oculaires « silencieuses », asymptomatiques, à partir d’actes que ne peut réaliser l’orthoptiste. Cela est d’autant plus valable pour la prescription de lentilles de contact.
Renoncer aux spécialistes en premier recours, c’est renoncer à la prévention et risquer une dégradation du pronostic, s’il s’avère tardif.
L’orthoptiste a toute sa place, à partir de son champ de compétences, pour réaliser le suivi de la santé visuelle des patients entre des passages à intervalles réguliers chez le spécialiste.
La santé à plusieurs vitesses n’est pas la réponse qu’attendent les habitants à la pénurie de spécialistes.
J’ajoute que cette volonté du Gouvernement d’élargir le champ de compétences de cette profession paramédicale est d’autant plus étonnante que la reconnaissance de nouvelles compétences pour les sages-femmes, profession pourtant reconnue comme médicale, certes à compétences définies, fait toujours l’objet de résistances, alors même que cette reconnaissance se matérialise dans l’allongement de la formation initiale.
Le groupe écologiste demande le renvoi de ce débat à un texte sur la santé ; il n’a aucunement sa place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mme le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le masque doit couvrir le nez et le menton, sinon il ne sert à rien… En le portant correctement, vous protégez tout simplement les autres. (Applaudissements.)
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La présidente Catherine Deroche a expliqué comment la commission avait abordé l’examen de cet article.
Je ne reviendrai pas sur la forme. Sur le fond, les difficultés d’accès aux soins visuels ne peuvent pas être niées : c’est une réalité. Elles ont été longuement analysées dans un rapport de l’IGAS de 2019 paru en 2020 – vous y avez fait allusion, monsieur le secrétaire d’État –, mais l’existence d’un tel rapport ne signifie pas en soi qu’il y ait eu concertation (M. le secrétaire d’État acquiesce.), même si je veux bien vous croire sur le fait qu’elle a eu lieu ensuite.
Ces difficultés appellent des réponses pragmatiques, qui auraient mérité de faire l’objet d’une concertation plus étoffée. Surtout, cette concertation aurait dû mêler l’ensemble des professionnels concernés pour être vraiment partagée, plutôt que d’être menée de manière distincte avec, d’un côté, les ophtalmologistes, de l’autre, les orthoptistes.
Le choix de la commission a été de mieux encadrer médicalement le texte de l’Assemblée nationale, parce que cette compétence accordée aux orthoptistes pose la question du diagnostic, et pas seulement du traitement, comme c’est le cas aujourd’hui.
Les problèmes de désertification médicale et de temps médical – le cœur du sujet en fait – méritent un débat plus large, qui doit avoir lieu dans le cadre d’une nouvelle loi Santé. Deux occasions se sont d’ailleurs présentées à nous – la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé de Mme Buzyn en 2019 et la loi Rist de 2021 – et chacun voit bien que ces textes n’ont pas tout réglé, tant le sujet est vaste.
La commission a donc choisi de mieux encadrer médicalement la mesure qui nous était proposée, en améliorant la concertation avec les ophtalmologistes pour définir les modalités de mise en œuvre de l’accès direct aux orthoptistes et en apportant des garanties en termes de qualité et de pertinence des soins – c’est évidemment ce qui nous préoccupe tous.
La commission est défavorable à ces amendements de suppression pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, et notamment parce qu’elle a présenté l’amendement n° 188, dont nous discuterons – je l’espère – dans quelques instants.
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je partage naturellement le propos de Corinne Imbert qui vient de présenter la position de la commission. Je veux préciser que je ne suis pas d’accord avec l’argument que vous avez avancé, monsieur le secrétaire d’État, selon lequel cette nouvelle compétence dévolue aux orthoptistes permettra à ceux-ci de s’installer dans des déserts médicaux. Il serait illusoire de le croire car un orthoptiste s’installera toujours à proximité d’un ophtalmologiste : l’objectif de cet article est justement de faire travailler ensemble ces professionnels.