M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. J’entends bien évidemment les intentions des auteurs de ces amendements.
Toutefois, mesdames les sénatrices, l’extension de cette obligation aux collectivités territoriales de plus de 5 000 habitants me semble prématurée. Les plans d’action d’égalité professionnelle sont encore en cours de déploiement. Attendons le premier bilan du dispositif qui devrait intervenir, selon les dispositions de l’article 4 du décret n° 2020-528 du 4 mai 2020, en fin d’année 2021.
Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
M. le président. L’amendement n° 92, présenté par MM. Iacovelli, Lévrier et Théophile, Mmes Havet et Cazebonne, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le septième alinéa de l’article 6 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par une phrase ainsi rédigée : « La situation comparée repose sur des indicateurs élaborés selon des modalités et une méthodologie définies par décret. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Ce que nous demandons aux entreprises privées, nous devons également l’attendre du secteur public. Il nous revient, en tant que législateurs, de faire de ces attentes des réalités.
Cet amendement tend à mettre en place des indicateurs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, élaborés selon des modalités et des méthodologies définies par décret. Ce dispositif permettra d’objectiver et de mesurer annuellement les résultats obtenus par les administrations publiques en matière d’égalité professionnelle.
Ces indicateurs, issus du rapport social unique (RSU) prévu à l’article 9 bis A, constitueront un véritable outil de parité dans la fonction publique. Ce corollaire de l’index de la parité dans la fonction publique est essentiel. Si nous portons cet amendement, qui pose les bases légales nécessaires à la mise en œuvre rapide de ces indicateurs, c’est parce que l’information est clef pour renforcer la représentation des femmes et parce que le secteur public se doit d’être exemplaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Cet amendement, qui tend à prévoir l’élaboration d’indicateurs afin d’encadrer les données relatives à l’égalité femmes-hommes du rapport social unique, lequel sert de base à l’élaboration du plan d’action pour l’égalité dans la fonction publique, est pleinement satisfait par le droit en vigueur.
D’une part, la loi du 13 juillet 1983 prévoit que les plans d’action sont élaborés sur la base des données issues du RSU.
D’autre part, l’article 9 bis A de cette même loi prévoit que le RSU intègre l’état de la situation comparée des femmes et des hommes, lequel comprend des indicateurs synthétiques relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dont les modalités sont fixées par décret.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le dispositif proposé pose opportunément les bases légales préalables à la mise en place d’indicateurs issus du RSU, afin d’objectiver et de mesurer annuellement les résultats obtenus par les administrations publiques en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Ces dispositions répondent également à une demande très forte des organisations syndicales et des associations des femmes de la fonction publique pour davantage de transparence sur l’égalité professionnelle dans le secteur public, à l’instar de ce que prévoit l’index pour le secteur privé.
Il s’agit d’un point de départ et d’objectivation essentiel pour accélérer réellement l’égalité professionnelle et économique dans la fonction publique, qui constitue l’une des priorités de la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin.
Bien que l’article 9 bis A du statut général de la fonction publique précise le contenu du RSU, l’élaboration d’un véritable baromètre de l’égalité professionnelle, qui consoliderait au sein d’un même outil toutes les données en la matière, à l’instar de l’index du secteur privé, permettrait de renforcer largement la lisibilité et la comparabilité des données entre administrations.
En outre, il convient de préciser que ce baromètre ne représente pas une charge pour les collectivités puisqu’il s’agit de données existantes.
Le Gouvernement est donc pleinement favorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par M. Henno, Mmes Vermeillet et Vérien, M. Canévet, Mmes Férat et Perrot, M. Prince, Mme Guidez, M. P. Martin, Mmes Billon, Létard et Doineau, MM. Vanlerenberghe et S. Demilly, Mme Herzog et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au neuvième de l’article 6 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, après les mots : « d’élaboration du plan d’action », sont insérés les mots : « , la non-mise en œuvre du plan, ».
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. La loi du 13 juillet 1983 prévoit des pénalités en cas d’absence d’élaboration ou de non-renouvellement du plan d’action. Nous proposons d’ajouter également le cas du défaut de mise en œuvre du plan.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Les auteurs de cet amendement souhaitent que la pénalité prévue en cas de défaut d’élaboration d’un plan d’action pour l’égalité dans la fonction publique s’applique également en cas d’absence de mise en œuvre dudit plan.
Je partage tout à fait l’intention, mais je suis plus dubitative quant à l’applicabilité du dispositif. J’aimerais donc connaître l’avis du Gouvernement sur cette question.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le décret d’application du 4 mai 2020, qui définit les modalités d’élaboration et de mise en œuvre des plans d’action pour l’égalité professionnelle, impose que le plan comporte des objectifs à atteindre, des indicateurs de suivi et un calendrier de mise en œuvre.
En outre, si le plan d’action ne comporte pas l’ensemble de ces éléments, le décret prévoit que l’autorité compétente met en demeure l’employeur de se mettre en conformité dans un délai fixé. À défaut, la pénalité pour non-élaboration du plan est applicable.
Dès lors, la distinction ne me semble pas utile : avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5.
L’amendement n° 15 rectifié, présenté par Mmes de Cidrac et Billon, M. Belin, Mmes Belrhiti, Berthet et Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Bouloux, Mme Bourrat, M. Brisson, Mmes Chauvin et L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Dumont, F. Gerbaud et Gosselin, M. Grand, Mmes Gruny, Guidez, Herzog et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade et MM. Laugier, D. Laurent, Lefèvre, Longeot, P. Martin et Moga, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du sport est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 131-16-1, il est inséré un article L. 131-16-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-16-2. – Les fédérations délégataires édictent les règlements propres à assurer le respect de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ayant conclu avec les associations et sociétés mentionnées aux articles L. 121-1 et L. 122-1 soit un contrat de travail régi par les articles L. 222-2-1 à L. 222-2-9, soit un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement.
« Le principe énoncé au premier alinéa s’applique pour un même travail ou pour un travail de valeur égale.
« Constitue une rémunération au sens du présent article le salaire et tous les autres avantages et accessoires payés au salarié ou à la personne ayant conclu un contrat mentionné au premier alinéa, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par les associations ou sociétés mentionnées au premier alinéa en raison d’une activité sportive ou d’entraînement.
« Sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux ou activités qui exigent des salariés ou des co-contractants un ensemble comparable de compétences professionnelles et sportives consacrées par un titre, un diplôme ou un apprentissage dans les centres de formation relevant d’une association sportive ou d’une société sportive, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
« Les règlements mentionnés au premier alinéa déterminent les conditions dans lesquelles l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes s’applique aux prix en argent ou en nature remis à l’issue des manifestations sportives mentionnées aux articles L. 331-1 et L. 331-5. » ;
2° L’article L. 222-2-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les associations et sociétés sportives mentionnées aux articles L. 121-1 et L. 122-1 assurent, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale et dans les conditions fixées par les règlements mentionnés à l’article L. 131-16-2, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. » ;
3° Au second alinéa de l’article L. 331-5, les mots : « à l’article L. 131-16 et » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 131-16 et L. 131-16-2, ».
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Les dispositions de cet amendement, porté par notre collègue Marta de Cidrac, reprennent l’article 1er de la proposition de loi, lauréate de la 24e édition du Parlement des enfants, visant à renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes dans le sport, rédigée par la classe de l’école de Canto Perdrix 2 de Martigues.
Cet amendement vise à insérer dans le code du sport un nouvel article posant le principe de l’égalité de rémunération des sportives et des sportifs, les fédérations délégataires étant chargées d’édicter des règlements destinés à en garantir le respect par les associations et sociétés sportives placées sous leur autorité.
Ce principe d’égalité des rémunérations s’applique également aux prix en argent ou en nature remis à l’issue des manifestations sportives organisées par les personnes physiques ou morales de droit privé autres que les fédérations sportives.
Cet amendement, qui vise à introduire davantage d’égalité dans le sport, fait écho aux préconisations de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes lors de la coupe du monde féminine de football de 2019.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Je partage bien évidemment la volonté des auteurs de cet amendement d’assurer l’égalité de rémunération entre sportifs et sportives.
Toutefois, dès l’instant où les sportifs sont employés par des personnes privées, le droit du travail leur est applicable, en particulier le principe de non-discrimination et celui d’une rémunération égale pour des travaux égaux.
Je ne mesure pas parfaitement l’intérêt de créer un droit spécifique pour les sportifs. Pour autant, certains prix et gains remis dans le cadre de compétitions peuvent conduire à s’interroger sur l’opportunité de mettre en place un dispositif dédié.
La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement sur ces questions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le ministère chargé des sports est particulièrement engagé pour renforcer ce principe d’égalité, et Roxana Maracineanu travaille sur ce dossier depuis plusieurs années. Ces derniers mois, l’accès à la pratique et aux fonctions d’encadrement ou de direction, ainsi que la prévention de toutes les formes de violence, de discrimination ou de sexisme ordinaire ont été au cœur de toutes ses batailles.
En ce qui concerne les conditions de rémunération des sportives et des sportifs, les clubs employeurs et les fédérations sportives sont déjà soumis aux conditions du code du travail imposant à tout employeur d’assurer, pour un même travail, de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. Ce principe interdit bien évidemment toute discrimination de salaire fondée sur le sexe.
En outre, dans les clubs et fédérations d’au moins cinquante salariés, l’employeur doit également publier chaque année l’index de l’égalité femmes-hommes.
Enfin, les conditions de rémunération et de statut relèvent de la négociation collective entre les partenaires sociaux de la branche – convention nationale du sport, accords collectifs par discipline, voire même accords d’entreprise – et non des règlements des fédérations.
Le ministère chargé des sports œuvre aux côtés des syndicats de sportives professionnelles, notamment la Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs (Fnass), pour renforcer la structure des divisions professionnelles féminines et les accompagner vers la mise en place d’accords collectifs par discipline.
Par conséquent, je suis défavorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je voudrais tout d’abord remercier notre collègue d’avoir déposé cet amendement.
Dans un contexte où la défiance envers la représentation politique et parlementaire est forte, il est important de soutenir le travail des équipes enseignantes et des jeunes qui agissent en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Mon collègue député Pierre Dharréville avait d’ailleurs déposé, le 3 novembre 2020, cette proposition de loi rédigée par la classe de Canto Perdrix 2 de Martigues.
Le sport est aussi marqué par une lente évolution des mentalités de la société. En 2024, la France accueillera les jeux Olympiques. Dès lors, notre pays se doit d’être précurseur dans la lutte contre les stéréotypes dans tous les sports. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons que nous réjouir de porter au débat cette proposition de loi, écrite par des enfants, pour faire avancer l’égalité et les droits des femmes.
En 2017, l’Insee a publié une enquête sur les pratiques physiques et sportives, qui révélait les inégalités persistantes entre femmes et hommes aussi bien en termes de temps consacré au sport que de disciplines pratiquées. L’activité sportive révèle des inégalités de genre, notamment chez les jeunes : seulement 33 % des femmes de 16 à 24 ans pratiquent un sport une fois par semaine, soit 12 % de moins que les hommes. C’est pourquoi cet amendement me semble important.
J’entends bien, madame la ministre, les raisons qui vous poussent à refuser cet amendement. Je sais aussi votre enthousiasme pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes. Vous nous dites que beaucoup de choses ont été faites : certes, les choses avancent, mais nous sommes encore loin de l’égalité. Tout coup de pouce peut aider ! C’est tout le sens de cet amendement, que notre groupe votera.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Choquée par cette différence de traitement entre les femmes et les hommes lors du fameux Paris-Roubaix, j’avais cosigné cet amendement. Toutefois, j’entends les arguments de Mme la rapporteure et de Mme la ministre. N’oublions pas que la présente proposition de loi porte sur l’égalité économique et professionnelle.
J’ai été approchée par beaucoup d’associations. En tant que vice-présidente de la délégation aux droits des femmes, je défends aussi l’égalité hommes-femmes. Mais veillons à ne pas tout confondre : nous risquons de mettre le couteau sous la gorge des collectivités territoriales.
J’essaie de faire la part des choses, même si ce n’est pas toujours évident – de temps en temps, j’aimerais pouvoir voter avec certaines personnes de ma délégation. Il me semble vraiment important, mes chers collègues, de nous concentrer sur l’objet de ce texte.
Il nous faudra sûrement évoquer ces questions avant 2024 pour développer le mécénat en faveur des activités sportives des femmes et attirer davantage de public, mais pas dans ce texte.
J’avais signé cet amendement de manière symbolique, mais je suivrai l’avis de la rapporteure.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Comme l’a souligné sa vice-présidente, Laure Darcos, un esprit consensuel règne généralement au sein de notre délégation. Les désaccords que nous pouvons avoir sur cet amendement n’y changeront rien.
N’ayant pas reçu mandat pour le retirer, je vais le maintenir. La ministre n’a répondu que partiellement aux propositions de Marta de Cidrac, qui ne visaient pas uniquement les salaires, mais aussi les prix.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5.
Article 5 bis A
À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, après le mot : « est », sont insérés les mots : « publié au plus tard six mois après le dernier jour de l’exercice au titre duquel il est élaboré et ». – (Adopté.)
Article 5 bis
Après la deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 313-1 du code de l’éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle comprend également des contenus relatifs à l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu’à la prévention et à la sensibilisation aux stéréotypes de genre. »
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
ainsi qu’à la prévention et à la sensibilisation aux stéréotypes de genre
par les mots :
, à la prévention et à la sensibilisation aux stéréotypes de genre ainsi qu’à une égale répartition des tâches domestiques
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Dans un couple hétérosexuel, les femmes consacrent en moyenne deux fois plus de temps aux tâches ménagères que les hommes. Cette proportion est encore plus en défaveur des femmes en situation précaire.
L’écart ne se réduit pratiquement pas. En quinze ans, le temps de travail domestique journalier des hommes n’a augmenté que de sept minutes, et souvent sur les tâches les moins désagréables : la cuisine plutôt que le balayage ; le week-end plutôt que le soir après le travail…
Beaucoup de femmes de mon âge se demandent pourquoi nous en sommes encore là. À ce rythme, si rien n’est fait, il faudra deux siècles pour parvenir à l’égalité dans la répartition des tâches ménagères. D’où vient une telle lenteur ?
Nous avons aujourd’hui un premier élément de réponse : l’article 4 ter issu des travaux de l’Assemblée nationale permettait la reconnaissance, par les pouvoirs publics, de la mission des associations familiales luttant contre les stéréotypes de genre et les inégalités de répartition des travaux domestiques. Cette disposition, qui ne représente pas grand-chose, était sans doute trop révolutionnaire…
Il est pourtant évident que les inégalités professionnelles et économiques trouvent en partie leur fondement dans l’inégale répartition des tâches domestiques. De même, si nous voulons réellement offrir des perspectives de carrière et d’indépendance économique égales selon les genres, il est tout aussi évident que nous devons sensibiliser les parents à la question de ces stéréotypes, qui sont au cœur des inégalités.
Cet amendement vise donc simplement à rétablir un strict minimum, c’est-à-dire à faire clairement de la lutte contre les stéréotypes de genre et les inégalités de travaux domestiques l’un des objectifs du code de l’action sociale et des familles. S’il devait être rejeté, les femmes de mon âge auront au moins un début de réponse à leurs questions… (Marques d’agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. L’article 5 bis prévoit que la formation des conseillers d’orientation devra comprendre des contenus relatifs à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les stéréotypes de genre, ce qui me paraît tout à fait essentiel.
Ces conseillers de l’éducation nationale ont pour mission première d’orienter les jeunes vers le choix de leur métier. Nous sommes là au cœur de cette proposition de loi : c’est ce travail en amont qui permettra aux jeunes, notamment aux jeunes filles, de se diriger vers le métier qu’ils désirent.
Cette mission constitue d’ores et déjà un enjeu essentiel et formidable. Je ne suis pas favorable à l’inscription d’une disposition relative à l’égale répartition des tâches domestiques dans les missions des conseillers de l’éducation nationale, dont le champ d’action est particulièrement vaste. Cette question ne relève pas de leurs fonctions, même si je suis favorable à une égale répartition des tâches domestiques.
Pourquoi ne pas inscrire aussi la lutte contre les violences faites aux femmes, qui me semble encore plus essentielle ? Ce type de démarche peut nous mener très loin ; nous n’en finirions pas.
Laissons les conseillers d’orientation se concentrer sur leurs missions, à savoir l’orientation des jeunes, et notamment des jeunes femmes : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. À la rentrée scolaire de 2017, Jean-Michel Blanquer a créé un corps unique de psychologues de l’éducation nationale.
L’annexe de l’arrêté du 26 avril 2017 définit très précisément la liste des connaissances et des compétences professionnelles que les psychologues de l’éducation nationale doivent avoir pour exercer leur métier.
Je veux vous rassurer, madame la sénatrice : ce référentiel de connaissances et de compétences prévoit déjà un objectif de réussite de tous les élèves dans une indispensable complémentarité de la mission d’enseignement et de l’action éducative de l’école. Les élèves et les étudiants peuvent également bénéficier d’un accompagnement spécifique dans l’élaboration de leur projet d’avenir et d’un conseil en orientation, notamment en créant les conditions qui favorisent leur capacité à se distancier des stéréotypes professionnels, qu’ils soient sociaux ou de genre.
La formation initiale des psychologues de l’éducation nationale s’appuie sur ce référentiel de connaissances et de compétences. Elle comprend aussi une unité d’enseignement sur les thèmes du genre, de la scolarité, de l’orientation et du travail, dont les objectifs sont de développer la capacité d’analyse des causes et des effets de la division sexuée et de l’orientation du travail, d’être en mesure de questionner le rôle de l’école, des politiques, des procédures et des pratiques de l’éducation à l’orientation. Il s’agit aussi de développer la réflexion sur le rôle de psychologue de l’éducation nationale et sur les pratiques qui peuvent être mises en œuvre pour contribuer à la « désexuation » de l’orientation et du travail.
J’espère vous rassurer, madame la sénatrice, en vous montrant que nous ne négligeons absolument pas le travail que nous avons à faire en direction des jeunes générations. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Nous voterons cet amendement, même s’il n’est pas purement législatif et normatif, mais plutôt incitatif et pédagogique, car rien ne fonctionne bien à l’éducation nationale.
Je suis ravie que M. Blanquer soit content de lui – c’est sûrement préférable pour son état psychologique –, mais quant à nous, nous ne sommes pas du tout contents !
Les matières évoquées par Mme Vogel devraient être intégrées aux cours d’éducation à la vie affective et sexuelle. Un partage équilibré des tâches ménagères est aussi un facteur de relations respectueuses au sein d’un couple !
À cet égard, il semblerait que l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ait récemment rendu un rapport dressant un bilan dramatique des cours d’éducation à la vie sexuelle et affective. Je saisis l’occasion pour en demander officiellement au Gouvernement la publication.
Comme rien ne va, tout est bon à prendre, et notamment l’amendement de Mme Vogel.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. J’entends ce que vous dites, madame la sénatrice. Sachez que je suis intimement convaincue que la culture de l’égalité s’enseigne dès l’école.
Mais je suis également convaincue qu’empiler les lois ne nous aidera pas à avancer. Nous disposons déjà de nombreux textes… Mieux vaut nous concentrer sur l’application des lois en vigueur et travailler sur la formation et la sensibilisation.
Encore une fois, nous avons suffisamment de dispositifs, de lois, de règlements pour aller plus loin et développer l’éducation à l’égalité entre les filles et les garçons dès l’école.
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.