Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Jacques Grosperrin, Mme Victoire Jasmin.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
indemnité inflation et bouclier tarifaire
M. Stéphane Piednoir ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Stéphane Piednoir.
rapport rte et avenir du mix énergétique français
M. Jean-Pierre Moga ; Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement ; M. Jean-Pierre Moga.
M. Fabien Gay ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Xavier Iacovelli ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Mme Sabine Van Heghe ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
usages des pesticides dans les zones agricoles
M. Henri Cabanel ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Henri Cabanel.
Mme Sophie Taillé-Polian ; Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture ; Mme Sophie Taillé-Polian.
stratégie européenne « farm to fork »
M. Franck Menonville ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Alexandra Borchio Fontimp ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie ; Mme Alexandra Borchio Fontimp.
situation de la papeterie chapelle darblay
M. Didier Marie ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie ; M. Didier Marie.
dysfonctionnement de bloctel à la suite de la nomination d’un nouveau président
M. Hugues Saury ; M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises ; M. Hugues Saury.
respect des normes par les plateformes de vente en ligne
M. François Bonneau ; M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises ; M. François Bonneau.
M. Jean Bacci ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
risque d’ingérence étrangère et référendum en nouvelle-calédonie
M. Mickaël Vallet ; M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer ; M. Mickaël Vallet.
Mme Martine Berthet ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Martine Berthet.
prévention de l’insuffisance cardiaque
Mme Évelyne Perrot ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; Mme Évelyne Perrot.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
3. Candidatures à une commission mixte paritaire
4. Accélération de l’égalité économique et professionnelle. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
Mme Laurence Garnier, rapporteure de la commission des affaires sociales
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 17 rectifié de Mme Raymonde Poncet Monge. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles 1er bis, 2 et 3 – Adoption.
Amendement n° 29 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Amendement n° 7 rectifié bis de Mme Colette Mélot. – Rejet.
Amendement n° 8 rectifié bis de Mme Colette Mélot. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 62 rectifié de Mme Guylène Pantel. – Devenu sans objet.
Amendement n° 87 de M. Xavier Iacovelli. – Devenu sans objet.
Amendement n° 18 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Devenu sans objet.
Amendement n° 48 de Mme Martine Filleul. – Devenu sans objet.
Amendement n° 49 de Mme Martine Filleul. – Rejet.
Amendement n° 30 de Mme Laurence Rossignol. – Adoption.
Amendement n° 88 de M. Xavier Iacovelli. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 19 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 20 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 43 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 41 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 21 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Retrait.
Amendement n° 71 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 64 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 100 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 58 rectifié de Mme Guylène Pantel. – Rejet.
Amendement n° 65 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 42 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 59 rectifié de Mme Guylène Pantel. – Rejet.
Amendement n° 92 de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Amendement n° 22 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 101 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
L’article demeure supprimé.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 34 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Adoption de l’article.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion
Amendement n° 52 de Mme Martine Filleul. – Rejet.
Amendement n° 66 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 83 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 68 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 54 de Mme Martine Filleul. – Rejet.
Amendement n° 35 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
Amendement n° 80 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.
Amendement n° 95 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 25 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 89 de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Amendement n° 36 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Amendement n° 96 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 98 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 37 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Amendement n° 99 rectifié de la commission. – Adoption.
Amendement n° 61 rectifié de Mme Guylène Pantel. – Rejet.
Amendement n° 81 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 12 rectifié bis de M. Olivier Henno. – Retrait.
Amendement n° 97 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 39 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Amendement n° 72 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 90 de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 55 rectifié de Mme Martine Filleul. – Retrait.
Amendement n° 1 rectifié de Mme Laure Darcos. – Retrait.
Amendement n° 40 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 75 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 27 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Adoption.
Amendement n° 28 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Retrait.
Amendement n° 4 rectifié octies de Mme Annick Billon. – Adoption.
Amendement n° 5 rectifié decies de Mme Annick Billon. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 44 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 45 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Article 9 (suppression maintenue)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Jacques Grosperrin,
Mme Victoire Jasmin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’appelle chacun de vous à être attentif au respect des uns et des autres, ainsi qu’à celui du temps de parole.
indemnité inflation et bouclier tarifaire
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le ministre délégué aux comptes publics, je m’interroge : faut-il y voir l’horizon d’un agenda électoral prochain ou un effet du réchauffement climatique ? Toujours est-il que, cette année, Noël tombe en octobre. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans la droite ligne du « quoi qu’il en coûte » jupitérien, il n’est quasiment pas une seule journée sans annonce gouvernementale dûment accompagnée d’un chèque à destination d’une partie de nos concitoyens.
Chèque énergie, bouclier tarifaire, indemnité inflation : en l’espace de deux mois, vous avez ajouté près de 12 milliards d’euros de dépenses supplémentaires à un déficit public qui s’élève déjà pourtant à plus de 3 000 milliards d’euros, c’est-à-dire 45 000 euros par Français.
Je n’ignore pas que ces mesures sont bienvenues dans les foyers français, en particulier chez ceux qui ont l’habitude de gérer leur budget à l’euro près, mais vous n’éteindrez pas leur mécontentement à coups de mesures ponctuelles. Les Français sont lucides, ils ne sont pas dupes, s’agissant, notamment, du poids de cette dette et de la bombe à retardement que celle-ci représente.
Alors, monsieur le ministre, face à cette multiplication d’aides ponctuelles, pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement a une stratégie de dépenses publiques ? Plus difficile : quelle sera sa méthode pour assainir les comptes publics ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Piednoir, vous interrogez le Gouvernement sur deux points.
S’agissant, tout d’abord, de sa réaction face à l’augmentation des prix de l’énergie, vous avez raison de la rappeler, car nous l’assumons totalement. Nous avons d’abord mis en œuvre un chèque énergie spécifique pour les 5,8 millions de foyers les plus fragiles, à hauteur de 100 euros en plus du chèque énergie habituel, afin de faire face à l’augmentation du prix du gaz et de l’électricité.
Nous avons ensuite proposé à l’Assemblée nationale, qui l’a adopté, un bouclier tarifaire permettant de limiter à 4 % l’augmentation du prix de l’électricité pendant tout l’hiver, mais aussi de plafonner les prix du gaz au tarif du mois d’octobre, afin de protéger le pouvoir d’achat des ménages.
Enfin, face à une inflation plus générale, nous déployons une indemnité inflation de 100 euros pour environ 40 millions de Français, de la manière la plus simple qui soit, puisqu’elle n’aura pas à être demandée et que tout Français gagnant moins de 2 000 euros net par mois en bénéficiera.
Ces mesures sont des mesures de protection du pouvoir d’achat et d’accompagnement de la reprise, face à une tension inflationniste liée à cette reprise économique française, européenne et mondiale. Elles sont utiles, et vous avez vous-même rappelé qu’elles étaient bienvenues pour les ménages concernés.
Pour ce qui concerne les finances publiques, lorsque nous avons répondu à la crise, nous avons fait le choix du « quoi qu’il en coûte », ce qui s’est traduit par une dégradation du déficit à hauteur de 9,1 % en 2020.
Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, qu’après toutes les annonces que vous avez rappelées, après toutes les décisions bienvenues pour les Français qu’a annoncées le Président de la République, le déficit public de la France en 2022 sera limité à 5 %. C’est encore beaucoup, certes, mais vous conviendrez avec moi que c’est presque la moitié du déficit exceptionnel de 2020, lié à la crise.
Quant à la dette, nous craignions qu’elle n’atteigne 120 % du PIB. Elle sera finalement limitée à 114 %, en raison, notamment, de la qualité et de la force de la reprise économique.
Nous avons proposé, avec Bruno Le Maire, de revoir le niveau de croissance à 6,25 %. C’est par la croissance, par l’activité, par la richesse produite que nous saurons faire face à cette crise et amortir la dette liée à cette période exceptionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le ministre des déficits publics (Sourires ironiques et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.), vous répondez à une partie de ma question, mais vous ne répondez pas sur le fond, sur les mesures structurelles, sur les renoncements coupables durant les deux derniers quinquennats, du fait de majorités que vous incarnez vous-même parfaitement, sur la réforme de l’État, sur la politique énergétique de notre pays. Il s’agit là de mesures de long terme et je ne vois pas, dans votre réponse, d’équivalent en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
rapport rte et avenir du mix énergétique français
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour le groupe Union Centriste (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – Mme Toine Bourrat applaudit également.)
M. Jean-Pierre Moga. Lundi dernier, RTE (Réseau de transport d’électricité) a publié son étude prospective très attendue, dans laquelle le gestionnaire de réseau propose six scénarios de mix électrique pour que la France parvienne à la neutralité carbone en 2050.
Nous espérons que le Gouvernement ne tardera pas à prendre des décisions pour notre avenir et notre indépendance énergétique, et je sais, madame la ministre, que vous êtes particulièrement sensible à ce sujet.
Toutefois, ces scénarios se fondent sur la stratégie nationale bas-carbone, laquelle prévoit une baisse de 40 % des besoins énergétiques français entre aujourd’hui et 2050, ce qui apparaît comme extrêmement ambitieux. RTE mise sur une hypothèse de poursuite de la croissance de 1,3 % à partir de 2030, ce qui se traduirait par une croissance du PIB d’au moins 30 % d’ici à 2050.
Dans ces conditions, pour que la consommation d’énergie baisse dans les proportions requises par les scénarios RTE, nous devrions gagner près de 70 % d’efficacité énergétique. C’est colossal, et bien supérieur aux gains observés au cours des trente dernières années.
Dès lors, madame la ministre, estimez-vous que cette approche conduisant la France à retrouver son niveau de consommation d’énergie de la fin des années 1960 est plausible ? Comment pourrons-nous concrètement y parvenir ? Quelles décisions, fondées sur les conclusions de ce rapport, avez-vous prévu de prendre ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Moga, RTE a effectivement publié ce lundi un rapport très important, qui nous indique plusieurs chemins possibles pour atteindre la neutralité carbone de notre production électrique en 2050. Ces travaux confirment qu’il est possible d’atteindre cet objectif tout en maîtrisant la facture des Français ; c’est une excellente nouvelle.
Permettez-moi de saluer le travail de concertation très important mené sur deux ans, dont est issu ce rapport.
Ce dernier nous indique également quelques constantes importantes. Il est fondé sur une diminution de la consommation d’énergie de 40 % entre aujourd’hui et 2050. Dans le même temps, parce que nous allons décarboner notre mode de vie et sortir de notre dépendance aux fossiles, nous allons électrifier nos usages. La consommation d’électricité va ainsi augmenter de 15 % à 60 % d’ici à 2050, selon les scenarii, en fonction de notre degré de réindustrialisation et de l’évolution des modes de vie.
Il faut donc bien distinguer la diminution de la consommation d’énergie en général et l’augmentation de la consommation d’électricité.
Votre question porte sur le caractère crédible de cette diminution de 40 % de la consommation d’énergie. C’est cette donnée qui fonde notre stratégie nationale bas-carbone ; elle est ambitieuse, mais elle est dans la ligne des trajectoires européennes et elle peut être atteinte grâce à une efficacité énergétique accrue.
Ce défi mobilisera bien sûr nos savoir-faire. Mais nous agissons déjà concrètement et je citerai deux exemples.
Sur la rénovation des bâtiments, MaPrimeRénov’ permet de faire des économies d’énergie significatives : 800 000 dossiers auront été déposés cette année.
Sur le parc automobile, nous avons octroyé, depuis le début du quinquennat, 400 000 bonus écologiques et 860 000 primes à la conversion finançant l’achat de véhicules propres et moins consommateurs.
Les scenarii de RTE nous donnent donc la possibilité d’atteindre une électricité décarbonée dans une stratégie d’efficience énergétique.
M. Bruno Belin. Pas une seule fois vous n’avez prononcé le mot « nucléaire » !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Moga. Premièrement, madame la ministre, il me semble, mais vous n’en avez pas parlé, que le nucléaire est une partie de la solution, et non un problème. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, RDSE et Les Républicains.)
Deuxièmement, nous devons défendre notre modèle au niveau européen, notamment en ce qui concerne la taxonomie.
Troisièmement, vous pouvez compter sur le Sénat, en particulier sur sa commission des affaires économiques, pour être une force de proposition pragmatique et sérieuse pour l’avenir de notre indépendance énergétique ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, RDSE et Les Républicains.)
harcèlement scolaire (i)
M. le président. La parole est M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, le 5 octobre dernier, la jeune Dinah, 14 ans, s’est suicidée. Nous adressons toute notre solidarité à sa famille ainsi que nos plus sincères condoléances. Un enfant qui se donne la mort, c’est un drame pour la République et c’est un échec collectif.
Nous devons faire en sorte que de tels drames ne se reproduisent pas.
Dinah était à un âge où l’on quitte l’enfance, où les projets et les rêves d’avenir se construisent, un âge où la socialisation est fondamentale ; un âge où, pour ces raisons mêmes, l’on est particulièrement fragile.
Il appartient au parquet de Mulhouse d’apporter des réponses quant à la responsabilité de ce drame, mais il semble que Dinah ait été victime de harcèlement scolaire. Aujourd’hui, plus de 700 000 élèves sont susceptibles de subir cela. On sait l’extrême difficulté, pour ces victimes, de parler, de peur d’être incompris, ou de devoir subir des représailles. Elles doivent être accompagnées et trouver une oreille attentive.
Le lancement, sur votre initiative, du programme pHARe de lutte contre le harcèlement à l’école porte-t-il de premiers résultats ? Ce programme sera-t-il suffisant ? Il nous semble également vital d’enrayer la disparition progressive des personnels médico-sociaux des établissements.
Je ne peux parler ici de ce sujet difficile, très délicat, teinté d’une émotion forte, sans évoquer les raisons de ces violences. Celles-ci sont sans doute multiples et complexes, mais je ne peux m’empêcher de m’interroger : la banalisation, voire l’acceptation, des discours de haine, d’intolérance et de racisme, particulièrement dans l’arène politico-médiatique, déteint partout, y compris à l’école. Ces problèmes se posent également sur les réseaux sociaux, lesquels, on le sait, ne font guère d’effort pour les modérer.
Ce n’est pas une fatalité ; il nous appartient, collectivement, de prendre nos responsabilités.
L’éducation de nos enfants, leur émancipation dans de bonnes conditions, est fondamentale ; ils sont notre avenir et l’avenir de notre pays. (Applaudissements des travées du groupe CRCE jusqu’à celles du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Fabien Gay, je vous remercie de votre question et je salue la dignité avec laquelle vous l’avez formulée.
Ce sujet, en effet très grave, nous renvoie à quelque chose qui est devenu structurel : le suicide adolescent de façon générale et les enjeux liés au harcèlement.
S’agissant de l’affaire qui nous occupe, c’est-à-dire le suicide de Dinah, il faut en effet attendre de savoir ce qui sera établi.
D’une manière plus générale, notre stratégie sur le sujet doit être détaillée. Le point le plus important est la prévention. Celle-ci suppose une mobilisation de tous les adultes – vous l’avez très bien dit et je souscris totalement à la conclusion de votre question –, parce que nous sommes tous responsables du climat que nous avons créé dans la société. Nous parler entre nous de façon apaisée, c’est aussi une façon de contribuer à la résolution de ce problème.
Le monde adulte donne l’exemple, mais il doit aussi être formé. C’est pour cela que la formation des professeurs, initiale comme continue, est essentielle. Depuis la loi pour une école de la confiance, nous avons systématisé la prévention du harcèlement dans la formation initiale, nous le faisons maintenant dans la formation continue ; c’est l’enjeu du programme pHARe que vous avez cité, parmi d’autres.
Il faut aussi former les élèves. Cela renvoie à beaucoup d’enjeux, mais le programme pHARe prévoit aussi la formation d’élèves qui seront des ambassadeurs contre le harcèlement dans leur établissement.
Vous m’avez demandé si cela marchait. La généralisation de ce dispositif date de cette rentrée, mais il y a eu une expérimentation dès l’année dernière, dont les premiers résultats sont très encourageants. Rappelons que ce programme a été conçu en s’inspirant notamment des pays scandinaves et des meilleures pratiques mondiales.
Il comporte donc plusieurs volets. Pour ce qui concerne les élèves, d’une part, et les professeurs, d’autre part, la formation est efficace. C’est toutefois surtout le cas s’agissant de la lutte contre le harcèlement. Nous devons être plus efficaces contre le cyberharcèlement. Je serai amené à m’exprimer de nouveau sur ce point.
Il s’agit donc d’une stratégie comportant plusieurs volets. Je suis ouvert à toutes les propositions pour aller plus loin dans cette cause essentielle. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
harcèlement scolaire (ii)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, elle avait 14 ans. Dans la nuit du 4 au 5 octobre, après deux années d’humiliations quotidiennes, dues à son orientation sexuelle, elle a mis fin à ses jours, comme dix-huit autres victimes de harcèlement scolaire depuis le début de l’année.
Elle s’appelait Dinah, et je veux dire à sa famille notre soutien et nos condoléances. Aucun mot, rien, ne pourra apaiser la douleur ; aucun mot n’apaise la perte d’un enfant.
Ce que nous pouvons faire, en revanche, c’est agir avec la plus grande détermination pour que de telles tragédies n’en appellent pas d’autres.
Le harcèlement scolaire, véritable fléau de notre société, touche 700 000 élèves, victimes de remarques humiliantes, d’insultes, de menaces, de violences physiques et psychologiques, entraînant des blessures parfois indélébiles.
Le cyberharcèlement, lié à la montée en puissance des réseaux sociaux où tout est permis, où, « au fond, rien n’est grave », où l’on oublie l’humain derrière l’écran, accentue ce phénomène.
Monsieur le ministre, le Gouvernement agit, vous l’avez dit, comme le démontre la loi de 2019 pour une école de la confiance, qui consacre le droit à une scolarité sans harcèlement, reconnaissant ainsi la gravité de cette violence et ses conséquences sur l’enfant.
J’ai également à l’esprit le programme pHARe de lutte contre le harcèlement à l’école et les 10 000 élèves volontaires devenus des ambassadeurs du combat contre le harcèlement.
J’en veux enfin pour preuve la directive du 30 septembre dernier visant à mieux accompagner les élèves transgenres, qui a, par ailleurs, fait l’objet de caricatures malheureuses et de polémiques infondées.
La lutte contre le harcèlement scolaire, parce qu’elle est intimement liée à notre conception du respect de l’autre, de la réussite éducative, de l’égalité et de l’acceptation des différences, est au cœur de notre projet républicain.
Elle passe, bien sûr, par la formation de la communauté éducative dans son ensemble, mais aussi par un partenariat avec les acteurs associatifs, qui se mobilisent chaque jour pour prévenir, pour sensibiliser, pour libérer la parole des enfants, afin de rompre l’insupportable chaîne du silence.
Nous le savons, la mobilisation de la société dans son ensemble est essentielle. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelle sera la réponse du Gouvernement afin d’endiguer ce phénomène qui détruit des vies ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Iacovelli, j’ai commencé à l’indiquer, il y a en effet plusieurs leviers sur lesquels nous devons avancer.
J’ai évoqué la formation des professeurs et celle des élèves ; vous insistez sur le cyberharcèlement, qui est, par définition, une question internationale, qui engage notamment les réseaux sociaux. Rappelons que tous les pays du monde sont confrontés à cette question : il est donc très important de faire des comparaisons internationales sur ce sujet.
À l’occasion du G7 que nous présidions, nous avons fait de ce thème le sujet d’une conférence internationale, qui s’est tenue à l’Unesco l’an dernier, à la demande de la France. La semaine prochaine aura lieu au Mexique la conférence suivante, visant à définir une stratégie partagée à l’échelle mondiale.
Concrètement, nous devons faire pression sur les plateformes de réseaux sociaux pour que les règles du jeu évoluent ; c’est pourquoi j’ai convoqué ces dernières il y a trois semaines, avant ce dernier drame, pour les entendre sur les responsabilités qu’elles sont prêtes à prendre dans les temps à venir, à l’échelle française, mais avec un impact à l’échelle internationale.
Les premiers engagements que l’on voit poindre seraient, tout d’abord, de faire réellement respecter l’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 13 ans, de mener une analyse des algorithmes pour éviter l’addiction aux réseaux sociaux et un certain nombre de logiques délétères qui y sont liées. Ces plateformes pourraient également réagir beaucoup plus vite lorsque des contenus haineux ou du cyberharcèlement sont signalés. Enfin, il a été question de faire évoluer les règles aux échelles nationale et internationale.
Ces pistes sont ouvertes, je leur ai demandé de se responsabiliser et de revenir avec des propositions. Nous serons extrêmement exigeants, il y va de l’intérêt de tous. Même les responsables des plateformes le reconnaissent : ils ont, eux aussi, des enfants.
Cela relève, monsieur le sénateur, ainsi que votre collègue l’a dit, d’une responsabilité collective, et les dirigeants mondiaux commencent à en prendre conscience. Nous allons donc aussi avancer sous cet angle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
harcèlement scolaire (iii)
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, le sujet que je souhaite aborder nous touche tous, comme l’indiquent les questions qui s’enchaînent.
Dinah allait avoir 15 ans. Elle voulait devenir Présidente de la République, elle avait tout l’avenir devant elle. Elle est pourtant la dix-neuvième victime, cette année, d’un long harcèlement en raison de son orientation sexuelle, de sa couleur de peau et de ses bonnes notes. Nous avons, bien sûr, une pensée pour les siens.
Ces événements tragiques nous révoltent tous. Je vous sais mobilisé sur la question, monsieur le ministre, mais il y a encore des lacunes dans les politiques mises en place.
La mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, que j’ai eu l’honneur de présider aux côtés de la rapporteure Colette Mélot et de tous les groupes politiques de notre assemblée, a unanimement proposé trente-cinq mesures claires et immédiatement applicables.
Son rapport a mis en évidence le besoin urgent de renforcement des moyens mis en œuvre. Les enfants doivent à tout moment pouvoir se livrer à un adulte de confiance, qui donnera suite, et tous les adultes d’un établissement doivent être à même de détecter les signaux faibles.
Un renforcement des personnels médico-sociaux, des temps d’échanges dédiés et réguliers, l’utilisation des espaces numériques de travail pour communiquer avec les enfants sur le sujet sont des exemples de dispositifs faciles et rapides à développer.
L’inaction des plateformes de réseaux sociaux en la matière est inadmissible et scandaleuse. Nous attendrons une réponse à ce sujet. Ce devra être une des priorités de la présidence française de l’Union européenne à compter du 1er janvier prochain.
Nous sommes conscients, sur toutes les travées, qu’il est urgent de stopper ce fléau, qui fait encore de trop nombreuses petites victimes.
Monsieur le ministre, quand comptez-vous mettre en œuvre nos propositions ? Quels moyens d’envergure entendez-vous déployer pour réagir, et réagir vite ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Cathy Apourceau-Poly et Vanina Paoli-Gagin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Sabine Van Heghe, je vous remercie à votre tour de faire en sorte que cette question soit aujourd’hui fortement évoquée ; je vous remercie également pour le travail accompli sous votre présidence, avec la rapporteure Colette Mélot.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’ai évidemment lu votre rapport et je suis en accord avec chacune de ses trente-cinq propositions. Je l’ai dit, je suis évidemment ouvert à assurer leur mise en œuvre. À l’Assemblée nationale, le député Erwan Balanant a également fait des propositions.
Je le répète, cela vaut d’abord pour la représentation nationale, mais aussi, de façon générale, pour l’ensemble de la société : nous sommes ouverts à tout ce qui permet de faire des progrès sur ce sujet.
Nous ne partons pas de zéro : un travail important est mené depuis dix ans sur ces questions et a permis des avancées.
S’agissant d’un sujet que vous soulevez, après le sénateur Gay, celui des soins psychologiques, rappelons les annonces récentes du Président de la République concernant la pédopsychiatrie, notamment la généralisation des maisons d’adolescents, à raison d’une par département, ou la mise en place de consultations psychologiques gratuites.
Tout cela intervient dans un contexte mondial dans lequel tous les pédiatres relèvent une montée du malaise adolescent, liée, notamment, aux confinements. Nous sommes également touchés par cela, même si nous en avons heureusement moins souffert que d’autres. Nous devons donc y travailler, mais le sujet a, encore une fois, une dimension mondiale.
Il est important que nous sachions actionner tous les leviers. Le programme pHARe de lutte contre le harcèlement à l’école nous place maintenant aux avant-postes d’une politique très volontariste à l’échelle internationale.
Nous devons être extrêmement réactifs. C’est pourquoi chaque recteur est aujourd’hui mobilisé sur cette question ; je le leur ai dit à de très nombreuses reprises ces derniers temps. Nous allons étoffer les équipes d’intervention extérieure des rectorats vers les établissements, lorsque ces phénomènes se produisent, et les établissements sont évalués, dès maintenant, sur l’enjeu du climat scolaire.
Pour conclure, je voudrais dire que la question de l’engagement des adolescents, notamment à partir du collège, dans des causes d’intérêt général fait aussi partie de la solution, parce que nous devons développer des logiques de fraternité et de non-violence dans nos établissements. Cela passe aussi par les aspects positifs de l’engagement de nos élèves. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
usages des pesticides dans les zones agricoles
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
La semaine dernière, Santé publique France et l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) ont annoncé le lancement d’une vaste étude, appelée PestiRiv, pour évaluer l’exposition aux pesticides des riverains d’exploitation viticole.
Les enjeux de santé sont une priorité de notre agriculture. La filière viticole étant la plus utilisatrice de pesticides et de fongicides, PestiRiv colle bien aux objectifs de santé publique.
Que va toutefois apporter cette étude ?
Ce n’est pas la première : en juin dernier, l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) a communiqué de nouvelles données qui viennent confirmer ce que l’on sait déjà : la présomption forte d’un lien entre l’exposition professionnelle aux pesticides et six pathologies graves. On connaît aussi l’impact des perturbateurs endocriniens.
La question cruciale est donc celle de l’après.
Que ferons-nous de ces chiffres, qui vont jeter l’opprobre uniquement sur les agriculteurs ? Demain, comment l’Anses, qui est juge et partie, car elle autorise la mise sur le marché de ces produits, va-t-elle diffuser des éléments à charge ?
Monsieur le ministre, ma question est double : cette étude est-elle lancée uniquement en France ou également dans d’autres pays européens viticoles ? Comment allez-vous anticiper l’annonce de ces résultats, qui vont, une fois encore, placer les paysans au banc des accusés, alors même que ceux-ci ne font qu’utiliser des produits homologués et autorisés, et alors que la filière viticole s’inscrit depuis des années dans des démarches durables avec différents labels, bio, bien sûr, mais aussi HVE – pour haute valeur environnementale – TerraVitis, Vignerons engagés, Demeter, etc. ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Sophie Primas et Valérie Boyer ainsi que MM. Jean-Michel Arnaud et M. Laurent Somon applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Henri Cabanel, l’étude que vous mentionnez a débuté en 2018, elle est arrivée dans sa phase de déploiement et va durer trois ans ; ses résultats sont donc attendus pour 2024.
Comme toute étude scientifique, celle-ci se doit d’être objective, neutre et rigoureuse. En aucune manière elle ne doit conduire à jeter l’opprobre – pour reprendre vos propos – sur une profession.
J’y suis extrêmement attentif, pour deux raisons.
Première raison : jeter l’opprobre serait terriblement injuste.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les produits qui sont utilisés aujourd’hui par les viticulteurs ou par les agriculteurs sont d’abord validés par l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) avant que l’Anses ne permette leur mise sur le marché. Ils sont donc autorisés par les autorités sanitaires. Il faut le dire, car, parfois, certains l’oublient.
Deuxième raison : jeter l’opprobre ne serait absolument pas conforme à la réalité.
J’ai eu l’occasion de présenter ce matin en conseil des ministres les avancées sur les dynamiques d’agroécologie. Figurez-vous que la surface cultivée en bio dans notre pays a doublé depuis 2017. Nous sommes devenus le pays européen avec la plus grande surface biologique.
Le label HVE est très utilisé dans le domaine viticole. Le nombre d’exploitations qui s’y soumettent a été multiplié par vingt en trois ans et les quantités vendues de substances CMR 1, c’est-à-dire les produits les plus dangereux, ont été réduites de 93 % depuis 2017.
Après cela, certains continuent à dire que l’agroécologie ne serait pas une réalité sur le terrain !
Monsieur le sénateur, soyez certain que la science doit être là pour éclairer, pour progresser et jamais pour caricaturer. Telle devra être la ligne de conduite à suivre au moment de la publication des résultats de cette étude, en 2024. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse. Je vous ai dit tous les efforts que fournissent les agriculteurs. Comprenez cependant que nous restions très inquiets sur l’interprétation qui sera faite de cette étude.
La viticulture a particulièrement souffert : après la pandémie, elle a dû faire face à un épisode de gel, le 8 avril dernier, de sorte que l’on annonce une récolte inférieure en moyenne de 30 % à celle de l’année précédente, dans l’ensemble de la France.
Monsieur le ministre, les viticulteurs n’ont pas besoin d’être une nouvelle fois montrés du doigt ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
concentration dans les médias
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la ministre de la culture, à six mois d’une séquence électorale majeure, la situation des médias dans notre pays est extrêmement préoccupante.
Premièrement, à plusieurs reprises, le Gouvernement a pris des dispositions qui entravent le travail des journalistes. On se souvient de la loi relative à la protection du secret des affaires, en 2018, et plus récemment de la loi Sécurité globale.
Deuxièmement – le phénomène est certainement très lourd et massif –, la concentration des médias entre les mains de quelques milliardaires s’accélère. C’est un grave danger pour la démocratie. Les Français ne s’y trompent pas et vont chercher l’information ailleurs, au risque de favoriser la propagation de visions déformées, voire complotistes.
Troisièmement, les Français vont chercher ces informations sur les réseaux sociaux, qui sont eux aussi aux mains de quelques milliardaires et dont les algorithmes sont incontrôlables, ainsi que le révèlent les Facebook files.
Dans ce contexte, nous vous attendions sur divers fronts, notamment en soutien des salariés d’Europe 1, l’été dernier. Vous avez préféré soutenir la fusion de TF1 et de M6… Le Président de la République a même été jusqu’à débarquer la directrice de l’Autorité de la concurrence, il y a quelques jours, brutalement et sans explication, car elle ne semblait pas assez encline à laisser faire ce projet.
Madame la ministre, à l’heure du bilan, qu’avez-vous fait pour respecter l’engagement pris par Emmanuel Macron en 2017 de protéger l’indépendance éditoriale des médias ? Qu’avez-vous fait pour lutter contre la concentration des médias, préservant ainsi une condition essentielle pour la démocratie et un débat public apaisé ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Éric Bocquet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Madame la sénatrice, vous constatez avec justesse des phénomènes de concentration dans les médias. Outre la concurrence exacerbée qui règne habituellement, l’apparition des grandes plateformes numériques et des réseaux sociaux y participe aussi.
Nous avons besoin de champions nationaux forts pour pouvoir investir massivement dans la création, à la fois française et européenne. Les évolutions doivent toutefois se dérouler dans le respect du pluralisme et de la diversité de l’offre, qui sont d’ailleurs des principes garantis par la Constitution. Pour y veiller, nous disposons d’autorités administratives indépendantes : d’une part, l’Autorité de la concurrence ; d’autre part, le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Cependant, il nous faut bien constater – nous partageons ce diagnostic – que les textes qui assurent cette régulation sont déjà anciens et présentent des lacunes. Pour l’audiovisuel, ils ne portent que sur la diffusion hertzienne et, pour l’édition, que sur la diffusion papier.
C’est la raison pour laquelle M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, et moi-même avons mandaté les inspections de nos ministères respectifs pour dresser un diagnostic et proposer des outils de diffusion de régulation publique destinés à mieux contrôler ces phénomènes.
Madame la sénatrice, je peux vous assurer de notre détermination à nous doter d’instruments de régulation puissants,…
Voix à gauche. Quand ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. … pour faire face à ces évolutions et, plus largement, au phénomène de concentration verticale dans les médias. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.
Mme Sophie Taillé-Polian. J’avoue que je reste sur ma faim !
Madame la ministre, nous avons besoin d’une presse libre et diverse. Nous disposons certes des autorités indépendantes, mais elles ont subi quelques pressions. Nous venons d’assister au débarquement de la directrice de l’Autorité de la concurrence. Son intérim sera assuré par une personne qui doit recevoir la Légion d’honneur des mains du Président de la République !
Madame la ministre, il faut assurer l’indépendance de ces autorités et la renforcer en mettant fin, notamment, à la nomination par le Président de la République de ceux qui occupent ces hauts postes.
Il faut réformer les aides publiques pour qu’elles soient concentrées uniquement sur les grands groupes et soutenir la presse indépendante, qui souffre, qui a besoin de nous et qui est une nécessité pour la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur les travées du groupe SER.)
stratégie européenne « farm to fork »
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur les travées du groupe UC.)
M. Franck Menonville. Ma question, qui s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, porte sur la stratégie Farm to Fork.
Déclinaison du Pacte vert européen, cette stratégie vise à porter à 25 % la part de l’agriculture biologique, à l’horizon de 2030, à réduire de moitié les usages des produits phytosanitaires et, surtout, à diminuer de 10 % les surfaces cultivées sur notre continent. De nombreuses études, dont celle du Centre commun de recherche de la Commission européenne, mettent en avant les effets potentiellement négatifs de cette stratégie.
La Commission a malheureusement maintenu sa ligne directrice initiale, sans mener d’étude d’impact sérieuse. On estime les pertes de production entre 15 % et 20 %, ce qui aura des conséquences sur le revenu des agriculteurs.
De plus, l’Europe devrait faire face à une situation de dépendance alimentaire. D’exportateurs, nous pourrions devenir importateurs net.
Toujours selon la même étude, l’impact sur la lutte contre le changement climatique serait très faible. C’est un comble, car il s’agit là, bien évidemment, de l’objectif recherché !
Monsieur le ministre, ces propositions font fi de la situation géopolitique et sont à contre-courant des ambitions que nous portons pour l’agriculture européenne. Ce renoncement stratégique reviendrait à sacrifier soixante ans de politique agricole commune. Les conditions fixées ignorent les besoins actuels d’autonomie et les risques de pénurie que la crise sanitaire a pourtant mis en exergue.
Ne faisons pas à notre agriculture ce que nous avons fait à certains pans de notre industrie !
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Franck Menonville. L’agriculture doit poursuivre sa transition progressive, sans brutalité, en mobilisant la recherche et l’innovation.
Monsieur le ministre, vous aurez dans quelques semaines la lourde responsabilité de présider le conseil des ministres de l’agriculture de l’Union européenne. Quelle ligne défendrez-vous pour garantir durablement la souveraineté alimentaire de l’Europe ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, je veux tout d’abord vous dire que, dans ma vision de la politique, il n’y a pas de renoncement. Il y a toujours une volonté d’action (« C’est beau ! » sur les travées du groupe SER.), même quand la situation est difficile, comme vous l’avez très bien exprimé.
L’étude à laquelle vous faites référence, menée par le bureau d’études de la Commission européenne, doit provoquer un réveil des consciences chez toutes celles et tous ceux qui considèrent que l’on ne fait jamais assez pour la transition agroécologique.
La nouvelle politique agricole commune va tellement loin que, comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, la production diminuera de 13 % au niveau européen, tandis que les importations augmenteront de 20 % et que les deux tiers des émissions de CO2 que l’on réduira en Europe seront réimportées. Où est le sens d’une telle politique quand elle va aussi loin ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Bruno Sido applaudit également.)
Il faut aussi que le réveil des consciences porte sur la finalité de notre agriculture, dont certains oublient la mission d’abord nourricière. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, l’Europe a un rôle nourricier qu’elle doit assumer tant pour notre souveraineté que vis-à-vis du reste du monde ! Cela est d’autant plus vrai que, sous l’effet du changement climatique, les zones où la production agricole ne sera plus possible risquent de se multiplier. L’Europe doit assumer ce rôle nourricier. Il y va d’un certain nombre d’équilibres à l’international.
Avec mes collègues, notamment Clément Beaune, je vais me battre au niveau européen pour que l’étude d’impact soit réalisée, car les parlementaires européens l’ont votée. Nous nous battrons aussi pour que l’on instaure enfin des clauses miroir dans la réciprocité des échanges, car sans elles nous ne pourrons pas continuer d’avancer aussi rapidement que nos concitoyens le demandent.
La ligne que nous défendrons est extrêmement claire : il n’y aura pas de renoncement, mais il y aura une volonté de poursuivre dans la voie que j’ai tracée. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Bruno Sido applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du tourisme.
Monsieur le secrétaire d’État, « les remontées mécaniques seront accessibles sans passe sanitaire et donc sans limite de personnes », avez-vous déclaré sans ambiguïté, le 30 septembre dernier, lors d’un congrès à Chambéry. Cela n’avait pas manqué de réjouir les acteurs de la montagne, après plus d’un an d’arrêt et la perte importante de leur chiffre d’affaires.
Quelques semaines plus tard, vous changez de pied, illustrant le « en même temps » cher à votre majorité ! Vous avez déclaré, il y a quelques jours, qu’aucune décision n’était prise concernant le passe sanitaire.
Qui croire ? Le Jean-Baptiste Lemoyne qui parlait en septembre dernier, à Chambéry, devant les professionnels de la montagne, ou bien celui qui s’exprime en ce mois d’octobre, à Paris ? (Marques d’amusement sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous sommes le 27 octobre, la saison a démarré, comme vous le savez, et les professionnels ne connaissent toujours pas les conditions d’accès aux remontées mécaniques, alors que vous vous étiez engagé à leur apporter des réponses claires avant la mi-octobre.
Les maires des stations de montagne, les dirigeants des remontées mécaniques sont désabusés. Ils ont à présent besoin de savoir de manière extrêmement claire quel sera leur mode de fonctionnement.
Élue des Alpes-Maritimes, je compte dans mon département sept stations de ski, dont certaines se remettent à peine de la tempête Alex. Les professionnels qui y travaillent attendent autre chose du Gouvernement qu’un discours contradictoire.
Ils veulent savoir où vous en êtes sur la question du passe sanitaire – mais peut-être ne le savez-vous pas vous-même ? (Nouvelles marques d’amusement sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le ministre, pour vous aider à prendre votre décision, je vous rappelle que le ski est un sport d’extérieur. Lorsque l’on est skis aux pieds, casqué, ganté et souvent masqué, on reste évidemment bien plus éloigné des autres que sur une plage, dans un centre commercial ou dans une rame de métro. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Les acteurs du tourisme hivernal comptent sur cette saison pour rebondir. Ils sont las de vos atermoiements et de votre manque d’anticipation et de lisibilité – ce sont décidément les éléments caractéristiques de votre gestion de crise. Peut-être préférez-vous, une fois de plus, annoncer vos décisions aux directeurs des remontées mécaniques, quelques heures avant leur mise en application ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous définitivement nous rassurer, cet après-midi, dans l’hémicycle, quant à l’avenir de nos stations de ski ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie.
Plusieurs sénateurs Les Républicains. Sujet glissant !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie. Madame la sénatrice, je peux naturellement vous rassurer sur l’avenir de nos stations de ski, car, comme vous le savez, depuis dix-huit mois, le Gouvernement agit matin, midi et soir, pour que le tourisme français reste debout malgré les conditions extrêmement difficiles qu’a imposées la crise sanitaire.
Cela vaut en particulier pour la montagne puisque, sous l’égide de M. le Premier ministre, nous avons mis en place un plan d’urgence de 6 milliards d’euros visant à indemniser les remontées mécaniques et les commerces. Un dispositif a également été prévu en faveur des moniteurs de ski.
Quant au plan Avenir montagne, contractualisé avec les régions, il prévoit de dégager 300 millions d’euros d’investissements. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Madame la sénatrice, j’en viens à l’objet précis de votre question. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) Je crains que vous ne m’ayez pas écouté attentivement, ni à l’occasion du congrès des domaines skiables de France – vous n’y étiez pas, me semble-t-il – ni à l’occasion de mes déclarations à l’ANEM (Association nationale des élus de la montagne), la semaine dernière, puisque j’ai eu à cœur d’avoir un dialogue nourri avec les élus et les acteurs de la montagne.
Des stations ont ouvert, comme le glacier de Tignes et les Deux Alpes. À ce stade, le protocole ne prévoit pas de passe sanitaire. Néanmoins, comme je l’ai toujours dit, nous devons être vigilants quant à l’évolution de l’épidémie. Le passe sanitaire est la solution qui permet de maintenir ouvert un certain nombre d’activités, comme on l’a constaté l’été dernier en pleine quatrième vague.
Par conséquent, à la demande des professionnels, nous mènerons une concertation dans les prochains jours. Nous souhaitons leur donner de la visibilité, dès le début du mois de novembre, afin qu’ils puissent s’adapter et surtout que la saison soit réussie. Nous avons pour seul mot d’ordre que la montagne française soit de retour cet hiver. Nous y mettons les moyens, y compris sous la forme de campagnes de promotion. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour la réplique.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le secrétaire d’État, je regrette que vous n’ayez pas saisi cette opportunité pour rassurer les professionnels de nos stations de ski et pour leur envoyer un message clair.
Ma question était simple ; votre réponse aurait dû l’être tout autant ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation de la papeterie chapelle darblay
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Didier Marie. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Le 15 octobre dernier, le groupe finlandais UPM a annoncé son choix de céder le site de Chapelle Darblay, à Grand-Couronne, en Seine-Maritime.
L’avenir de ce site n’est pas une affaire locale. L’usine est la dernière en France à être en capacité de produire du papier 100 % recyclé. Elle dispose d’une puissance de recyclage de 480 000 tonnes par an, soit la collecte effectuée auprès de 24 millions de Français, dans un périmètre de 400 kilomètres incluant l’Île-de-France.
Le projet retenu par UPM, celui du groupement Samfi-Paprec, comprend une activité de tri des déchets sans recyclage, l’utilisation d’une chaudière biomasse et l’hypothétique mise en place, d’ici trois à cinq ans, d’une unité de production d’hydrogène.
Une offre alternative, portée par Veolia et Fibre Excellence, a été écartée. Pourtant, celle-ci prévoit la production de 400 000 tonnes de cartons d’emballage, dont la demande explose, à partir des papiers et cartons usagés, collectés en France. Elle permet la préservation du site industriel, des machines, des compétences et recrée 250 emplois. Elle utilise la voie fluviale et constitue un projet cohérent d’économie circulaire. Elle a le soutien des syndicats, qui ont fait preuve de responsabilité dans ce dossier, et des élus locaux.
La métropole Rouen Normandie entend faire valoir son droit de préemption.
Madame la ministre, il faut préserver l’outil industriel et éviter le démantèlement des machines. Comment le Gouvernement compte-t-il intervenir et appuyer la démarche de la collectivité ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Éric Bocquet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Marie, Bruno Le Maire et moi-même suivons la situation de Chapelle Darblay avec la plus grande attention. Nous avons pour unique boussole de redévelopper le maximum d’emplois industriels sur ce site, qui a fermé il y a presque deux ans et où les 228 salariés qu’il comptait ont arrêté de travailler. Cette boussole, je le sais, est aussi celle des élus du territoire, des représentants du personnel et des anciens salariés.
Grâce à notre mobilisation, le site a été maintenu en l’état pendant deux ans, ce qui a permis la recherche de repreneurs. Deux solutions portées par des grands groupes français ont émergé, ce qui est une très bonne nouvelle.
La première solution, portée par Samfi-Paprec, a été déposée l’été dernier. La deuxième, portée à ce stade uniquement par Veolia, a été remise il y a deux semaines.
Après avoir examiné ces offres, UPM a choisi celle de Samfi-Paprec. Avec Bruno Le Maire, j’ai regretté que le groupe finlandais n’ait pas retardé sa décision pour réexaminer en détail les deux offres.
Le droit de préemption que la métropole Rouen Normandie souhaite exercer relève de sa propre compétence. Je peux toutefois vous confirmer que nous serons au rendez-vous pour accompagner toute solution de nature à maximiser le nombre d’emplois industriels recréés dans des activités au service de la transformation environnementale.
Nous l’avons déjà fait dans le secteur du papier-carton, pour le site Fibre Excellence de Tarascon, il y a quelques mois, et pour celui de Norske Skog à Golbey, ou bien en sécurisant le site d’Alizay, situé à une vingtaine de kilomètres de Grand-Couronne, qui fabriquera du papier carton recyclé.
Nous ferons de même pour recréer de l’emploi industriel à Chapelle Darblay, comme j’ai eu l’occasion de le redire, ce matin, à Nicolas Mayer-Rossignol, président de la métropole Rouen Normandie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.
M. Didier Marie. Madame la ministre, depuis l’arrêt des machines, 480 000 tonnes de papier ont été envoyées à l’étranger, incinérées ou enfouies. Dans sa présentation du plan France 2030, le Président de la République a insisté sur la nécessité d’investir dans le recyclage et il a fait de l’économie circulaire une priorité.
L’initiative de la métropole Rouen Normandie doit donc être appuyée par le Gouvernement. Des instructions doivent être données pour éviter le démantèlement du site. Des discussions doivent être de nouveau engagées avec UPM pour que l’offre alternative soit sérieusement examinée.
La réindustrialisation du pays et le développement de l’économie circulaire nécessitent que le Gouvernement passe des paroles aux actes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
dysfonctionnement de bloctel à la suite de la nomination d’un nouveau président
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub et M. Olivier Cigolotti applaudissent également.)
M. Hugues Saury. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Le démarchage téléphonique peut être un véritable fléau et confiner au harcèlement.
C’est la raison pour laquelle le système concessif nommé « Bloctel » a été mis en service en 2016. Plus de 4 millions de foyers y ont recours, pour environ 11 millions de numéros de téléphone. Malgré des critiques liées au contournement du dispositif, 350 milliards de numéros ont été traités, et 13 milliards d’appels bloqués depuis son lancement.
La DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a lancé l’appel d’offres et attribué le marché pour renouveler la concession. Depuis quatre ans, et contractuellement jusqu’à mai 2021, la société Opposetel avait la charge de ce service. Avec plus de cinq mois de retard, la société Wordline a finalement été désignée pour une durée de cinq années.
Le service est devenu inaccessible, puis est passé en mode dégradé et sera maintenu tel jusque dans le courant du mois de novembre, selon les indications qui figurent sur le site de Bloctel depuis le 1er octobre dernier.
Cette dégradation a d’abord pour conséquence que nos concitoyens sont dans l’impossibilité de s’inscrire pour bénéficier du service. Ensuite, il semblerait que les consommateurs inscrits sur cette liste constatent une recrudescence d’appels intempestifs. Enfin, les entreprises qui adhèrent au dispositif et paient un abonnement ne parviennent plus, quant à elles, à identifier les numéros qui leur sont interdits et risquent, dès lors, de se voir infliger une sanction pouvant aller jusqu’à 75 000 euros d’amende.
Monsieur le ministre, comment expliquez-vous cette négligence ? Quand le service sera-t-il fiable et totalement opérant ? Quelles garanties pouvez-vous apporter aux entreprises dans cette situation de non-droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Stéphane Demilly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Monsieur le sénateur Saury, je veux tout d’abord vous assurer de la détermination du Gouvernement à protéger les consommateurs dans leur vie quotidienne.
Cette mobilisation s’applique en particulier à la lutte contre les sollicitations téléphoniques indésirables. Le démarchage téléphonique non sollicité est un désagrément majeur pour nos concitoyens, parfois dérangés plusieurs fois par jour. Je suis, comme vous, pleinement conscient de l’attente extrêmement forte des Français dans ce domaine.
Pour améliorer le service tant pour les consommateurs que pour les entreprises, un nouveau prestataire a été récemment retenu à l’issue d’un appel d’offres. Mis en place depuis le 1er octobre dernier, ce nouveau prestataire modernise le service pour proposer davantage de fonctionnalités à un coût nettement plus limité pour les entreprises, en particulier les plus petites.
Ce changement de prestataire et les travaux de modernisation en cours ont une incidence logique, mais temporaire sur le service, même si tout est fait pour qu’elle reste la plus limitée possible.
M. François Bonhomme. C’est inefficace !
M. Alain Griset, ministre délégué. Dès le début de l’opération, les consommateurs inscrits sur Bloctel ont continué d’être couverts par le service, puisque leurs numéros avaient été retirés des listes de démarchage traitées au mois de septembre. Le 8 octobre dernier, les entreprises effectuant du démarchage téléphonique ont de nouveau pu soumettre leurs listes au nouveau prestataire. Par conséquent, pour les consommateurs inscrits sur Bloctel, la situation est revenue à la normale depuis bientôt trois semaines. (M. François Bonhomme le conteste.)
Depuis le 25 octobre, il est de nouveau possible de s’inscrire pour protéger son numéro. Les services de la DGCCRF sont en contact régulier avec les associations de consommateurs et les entreprises du secteur pour les tenir informées en toute transparence de l’avancée des travaux.
Monsieur le sénateur, je peux vous assurer que les services de la DGCCRF sont totalement mobilisés pour faire, par ailleurs, cesser le démarchage abusif.
M. François Bonhomme. La fiche du ministre date de 2017 !
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour la réplique.
M. Hugues Saury. Monsieur le ministre, je vous remercie pour ces informations, qui se veulent rassurantes. Permettez-moi toutefois de vous faire remarquer que, en l’espace de quatre mois, nos concitoyens ont eu à pâtir de deux appels d’offres qui ont été lancés par l’État. Le premier concernait la distribution des tracts électoraux (Exclamations approbatrices sur les travées du groupe Les Républicains.), le second porte sur Bloctel.
Vous avancez des arguments pour expliquer ces dysfonctionnements, mais, une fois encore, le constat reste que le défaut de pilotage politique, associé à la lourdeur administrative, conduit à la légèreté du résultat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
respect des normes par les plateformes de vente en ligne
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonneau. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Le 15 octobre, la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a rendu un troisième rapport concernant la conformité aux normes françaises et européennes des produits vendus sur les principales plateformes de vente en ligne.
Une nouvelle fois, le rapport est accablant. Sur 129 produits testés, 60 % présentent une anomalie et 32 % sont même dangereux. La totalité des dispositifs médicaux testés présentaient un défaut. Serions-nous impuissants à protéger nos concitoyens ?
La DGCCRF indique qu’elle a immédiatement fait retirer les produits concernés de la vente en ligne. C’est une goutte d’eau dans un océan d’impunité !
Sur 15 adaptateurs électriques, 13 présentent un danger de choc électrique pour le consommateur. Combien de produits, qui sont aujourd’hui vendus en ligne, présentent un risque, en particulier pour les enfants ?
Le problème est aussi économique, car une concurrence déloyale s’installe entre les charlatans qui œuvrent on line et les commerçants de nos territoires qui paient des loyers, des charges sociales, des taxes foncières et qui respectent les normes.
Les commerces, touchés durant la crise sanitaire, ne peuvent pas continuer d’être concurrencés par des plateformes qui menacent la sécurité des consommateurs et qui profitent de l’ampleur des flux pour inonder notre pays de produits dangereux et non conformes.
Monsieur le ministre, face au constat que la DGCCRF a établi depuis plus de deux ans, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour que les produits vendus sur internet respectent les mêmes normes que ceux que l’on trouve dans les magasins ? Comment ferez-vous pour imposer des sanctions dissuasives ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Monsieur le sénateur Bonneau, la question que vous soulevez est extrêmement importante. La sécurité des produits est un enjeu majeur de protection de nos concitoyens.
J’étais il y a quelques jours, avec Cédric O, en visite dans les services de la DGCCRF, qui ont réalisé un travail remarquable sur ces sujets. J’y ai découvert le « musée des horreurs » qu’ils ont constitué au cours de leur dernière enquête. Il s’agit, par exemple, de bijoux fantaisie qui contiennent trop de métaux lourds, de chargeurs de téléphone susceptibles de déclencher des incendies, ou encore de peluches mettant en danger la vie des enfants.
Les places de marché en ligne sont une formidable opportunité pour de nombreuses PME, notamment françaises. Le revers de la médaille est qu’en développant ce modèle économique on facilite l’accès à notre marché national de vendeurs implantés dans des pays tiers, qui ne sont pas toujours au fait des règles européennes de protection des consommateurs.
Le Gouvernement est très engagé pour faire évoluer les règles qui s’appliquent à ces opérateurs au niveau européen. Nous œuvrerons pendant la présidence française de l’Union européenne, pour que les spécificités des places de marché en ligne soient prises en compte, en particulier dans le cadre du Digital Services Act et du règlement général de la sécurité des produits.
J’espère que nous pourrons faire adopter ces nouveaux dispositifs. Il n’y a pas de raison de tolérer en ligne ce que nous n’accepterions jamais dans les commerces physiques. Ce principe est fondamental. L’équité de traitement entre toutes les formes de commerce sera d’ailleurs au centre de la réflexion que nous aurons lors des Assises du commerce, qui se tiendront à Bercy en décembre prochain, comme l’a annoncé le Président de la République.
La DGCCRF exerce une vigilance constante pour suivre l’état du marché et faire retirer les produits dangereux.
Monsieur le sénateur, soyez assuré de la totale détermination du Gouvernement, en particulier de Bruno Le Maire et Cédric O, pour avancer vite et fort sur cette question. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour la réplique.
M. François Bonneau. Monsieur le ministre, nous ne pouvons que nous réjouir des mesures à venir. Cependant, il faut qu’elles viennent rapidement. N’attendons pas que les accidents graves se multiplient pour prendre des dispositions adaptées à la situation. La vente de produits non conformes ne cesse de croître dans notre pays et l’on en voit tous les effets délétères. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
prévention des feux de forêt
M. le président. La parole est à M. Jean Bacci, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Duffourg applaudit également.)
M. Jean Bacci. Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement a lancé, le 19 octobre dernier, les Assises de la forêt et du bois, sous l’égide de quatre ministères. La biodiversité devient un enjeu primordial et la décarbonation, un principe directeur des orientations budgétaires.
Nous craignons néanmoins que la lutte contre les incendies n’ait été oubliée. Pourtant, les conséquences des méga-feux sont considérables. L’incendie du Var a ravagé 7 000 hectares en quatre jours, produisant 325 000 tonnes de CO2, l’équivalent de six mois d’émissions dans les transports de l’agglomération marseillaise. Ce sont 650 000 tonnes de CO2 que la forêt ne stockera pas pendant les vingt premières années de sa régénération.
Il est important de pouvoir démultiplier les actions de prévention des collectivités territoriales, qu’il s’agisse du Pidaf (plan intercommunal de débroussaillement et d’aménagement forestier) ou du PPFCI (plan de protection des forêts contre les incendies), par une nouvelle réglementation et un financement complémentaire de l’État.
Le projet de loi de finances pour 2022 ne semble pas à la hauteur de l’enjeu. Au contraire, le contrat d’objectifs et de performance État-ONF (Office national des forêts) entraîne la disparition de 500 agents. En outre, au-delà de la confiscation de la DGF (dotation globale de fonctionnement), 30 millions d’euros supplémentaires seront demandés aux communes forestières entre 2023 et 2025.
Alors que la guerre du feu requiert des moyens aériens en adéquation avec la recrudescence des incendies sur le pourtour méditerranéen, notre flotte de Canadair est vieillissante. Son renouvellement est possible dans le cadre d’une commande collective permettant la réouverture des chaînes de production. L’Europe pourrait se doter alors d’une flotte d’appui aux pays méditerranéens, avant que l’inéluctable changement climatique n’affecte aussi des territoires plus septentrionaux.
Dans le cadre de la troisième convention des maires de la région Sud, j’ai fait part au président de la commission du développement régional du Parlement européen de cette nécessité de constituer une force d’intervention européenne.
Monsieur le Premier ministre, fort de ces constats, je souhaite vous poser deux questions. Le Gouvernement est-il prêt à intégrer la problématique du feu dans le cadre des Assises de la forêt et du bois, et à soutenir les collectivités dans la mise en œuvre des actions de prévention ? La présidence française de l’Union européenne peut-elle permettre d’engager la mise en place d’une flotte aérienne européenne de bombardiers d’eau, qui complétera et renforcera la nôtre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Vous nous interpellez, monsieur le sénateur Jean Bacci, sur la stratégie de lutte contre les incendies, notamment dans le cadre des Assises de la forêt et du bois, que nous venons effectivement d’ouvrir, avec Julien Denormandie et Agnès Pannier-Runacher, et qui nous occuperont pendant plusieurs mois. Je vous le confirme dès maintenant, nous aborderons bien évidemment la question des feux de forêt dans ce cadre.
Différents sujets seront effectivement examinés, du changement climatique aux réserves biologiques des espaces forestiers, à la dimension économique de la filière bois ou encore à la question, que vous avez mentionnée, des territoires dramatiquement touchés par ces incendies.
Mais nous n’avons évidemment pas attendu ces Assises pour agir. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous avons mené cet été une campagne de communication autour de la prévention, étant rappelé, comme vous le savez, que les comportements individuels sont à l’origine de 90 % des départs de feux et que la moitié d’entre eux sont dus à des imprudences. Il faut sans cesse le dire et alerter sur ce point.
Avec le ministre de l’intérieur, nous renforçons également les moyens de détection, en développant des systèmes plus efficaces pour faire remonter sans délai les premiers signaux de départs de feu et limiter la propagation.
Avec le ministre de l’agriculture, nous travaillons à rendre plus effectives les obligations légales de débroussaillement. Son ministère travaille aussi à la réalisation d’une cartographie nationale pour évaluer la sensibilité de la végétation forestière.
Nous attendons des Assises qu’elles nous permettent d’examiner la question de la résilience des forêts face au changement climatique. Celui-ci nous laisse effectivement craindre des événements de plus en plus nombreux et de plus en plus violents, dont il faudra protéger les biens et le milieu naturel. Un guide sera d’ailleurs prochainement publié sur la façon de rendre les bâtiments, notamment agricoles, plus résistants au feu.
Enfin, monsieur le sénateur, et je vous rejoins sur ce point, il faut une coopération internationale. Le nombre d’incendies que nous avons connus cet été à l’échelle européenne nous y invite. Malheureusement, le déplacement, de plus en plus fréquent, des incendies du sud au nord nous impose de nous organiser et de coopérer au niveau international. (M. François Patriat applaudit.)
risque d’ingérence étrangère et référendum en nouvelle-calédonie
M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Mickaël Vallet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, il s’écrit actuellement en Nouvelle-Calédonie un chapitre politique majeur. À la suite de l’accord de Nouméa, signé par Lionel Jospin dix ans après les accords de Matignon conclus par Michel Rocard – vos prédécesseurs –, deux référendums se sont tenus et ont montré l’attachement de la Nouvelle-Calédonie à la République française.
Le troisième référendum est prévu le 12 décembre prochain.
Nous savons tous que ce scrutin se tiendra dans un contexte international et régional tendu.
Considérons d’abord le contexte international. Nous assistons depuis plusieurs années à la multiplication d’opérations de déstabilisation électorale de grande ampleur : référendum sur l’indépendance de l’Écosse en 2014, présidentielle états-unienne de 2016, alertes récentes d’une ancienne employée de Facebook, pour ne citer que ces trois exemples. Ces attaques contre le libre arbitre des citoyens sont des maux mondiaux, que l’on ne peut ignorer, surtout dans le climat de tension que connaît la zone indo-pacifique.
J’en viens ainsi au contexte régional. L’Indo-Pacifique est en proie à de très fortes tensions. Les prises de position américaines récentes contre la puissance chinoise et les retournements d’alliances dont la France a fait les frais placent ce scrutin référendaire dans un environnement que l’on ne peut ignorer. Ne doutons pas que l’ensemble des puissances régionales s’y intéressent de très près.
Nous souhaiterions donc connaître, monsieur le Premier ministre, votre appréciation s’agissant des risques d’ingérence étrangère dans cette campagne référendaire. Nous souhaiterions également que vous nous précisiez les moyens mis en œuvre pour y faire face. Enfin, pouvez-vous nous indiquer les mesures prises par votre gouvernement pour assurer un bon déroulement du vote, afin de garantir une légitimité irréprochable à ce scrutin ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Votre constat est juste, monsieur le sénateur Vallet, les circonstances ont bien changé depuis 1988, année où les accords de Matignon-Oudinot avaient été scellés dans le cadre d’une guerre froide, qui, au fond, regardait peu le Pacifique Sud. L’accord de Nouméa avait lui aussi été signé dans une tout autre ambiance : à l’époque, les pays de la zone tournaient leur regard plus vers la Polynésie française, et nos essais nucléaires, que vers la Nouvelle-Calédonie.
Le contexte a d’autant plus changé que, on le voit bien, le caractère restreint du corps électoral et la faiblesse de l’écart – 9 000 voix – entre le « oui » et le « non » lors du deuxième référendum rendent cette question des risques d’ingérence et de manipulations étrangères, qu’elles soient étatiques ou qu’elles ne le soient pas, si l’on considère par exemple des entreprises ou des organisations non gouvernementales, particulièrement prégnante. Donc, bien sûr, nous y sommes vigilants et je vais répondre très directement à vos interrogations.
Au préalable, permettez-moi de saisir l’occasion pour indiquer que les préparatifs en vue de ce scrutin du 12 décembre prochain se poursuivent : sécurisation des bureaux de vote, mise à jour des listes électorales – bientôt achevée –, ouverture des bureaux de vote délocalisés, possibilité pour celles et ceux qui souhaitent établir des procurations de le faire, etc.
Nous continuons donc de travailler à l’organisation de ce référendum, avec, bien sûr, une inconnue qui demeure, mais qui donne lieu à une surveillance de chaque jour : la situation sanitaire. En effet, comme vous le savez, la covid-19 est malheureusement entrée, voilà quelques semaines, sur le territoire et des mesures de freinage sont toujours en cours. Nous serons donc amenés, dans les semaines à venir, sous l’autorité du Premier ministre, à clarifier cette situation sanitaire.
J’en viens aux ingérences, qui sont de deux natures.
S’agissant des ingérences conventionnelles, classiques, nous avons deux points de vigilance particuliers : le dossier du nickel, évidemment, et la question des « antivax », qui peuvent faire l’objet de récupérations ou d’instrumentalisations venues de l’étranger. Ces sujets sont surveillés et documentés par les services de l’État compétents en la matière.
La vraie nouveauté dans le cadre de ce référendum, ce sont bien sûr les réseaux sociaux et la surveillance numérique. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) s’est doté d’un service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, dit Viginum, qui nous permettra de s’essayer à cette question dans le cadre du scrutin, et nous en tirerons aussi des conclusions pour l’élection présidentielle. L’autorité judiciaire sur place à Nouméa sera également amenée à surveiller le référendum de près.
Pour ma part, je me tiens à la disposition du Sénat pour répondre, dans les semaines et les jours à venir, à l’ensemble des interrogations de la représentation nationale sur cette question des ingérences, à laquelle il est difficile de répondre en deux minutes seulement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, sur l’article.
M. Mickaël Vallet. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir fait montre d’un accord autour de la préoccupation, qui, je pense, est partagée sur l’ensemble des travées de cette assemblée, d’organiser un scrutin irréprochable. Comme vous, nous voulons pouvoir acter le résultat d’un scrutin qui aura bien été dans les mains de l’électeur, lequel demeure souverain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
loup
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Duffourg applaudit également.)
Mme Martine Berthet. Ma question s’adresse à Mme la ministre Barbara Pompili, dont je regrette l’absence, car la colère gronde chez les éleveurs.
Depuis quelques semaines, ceux-ci interpellent de nouveau, manifestent, proposent, cherchent en vain à être entendus. Ils sont effectivement sûrs d’une chose : ils ne pourront refaire une saison comme celle qu’ils viennent de vivre, avec des attaques de loups incessantes sur des territoires de plus en plus étendus.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Martine Berthet. Cette année, au-delà des habituelles brebis et chèvres, ce sont déjà une centaine de vaches et de veaux qui ont été victimes du prédateur dans mon seul département, ainsi que des chevaux, ânes et chiens. Que dire quand des agriculteurs n’ont pas d’autre choix que d’achever eux-mêmes le travail du loup sur des animaux qu’ils ont élevés avec soin ? Est-ce du bien-être animal ? Est-ce du bien-être au travail ?
L’entêtement de Mme la ministre à gaspiller de l’argent public – les indemnisations coûtent de plus en plus cher –, à être dans ce contresens écologique est incompréhensible.
Protection, « quoi qu’il en coûte », d’une espèce ; disparition de combien d’autres ? Il n’y a plus un seul mouflon en Haute Maurienne depuis que les loups s’y sont installés. On peut aussi parler de la flore surpiétinée dans les enclos de nuit…
Le Gouvernement élabore une loi Climat et résilience qui favorise le consommer local et durable, ce que nous appelons de nos vœux, et il empêche en même temps nos éleveurs de produire laitages et viandes.
Leurs demandes sont simples : un comptage contradictoire, la responsabilité en justice de l’État pour les chiens qui leur sont imposés et des autorisations de tirs de défense simple systématiques en zone de présence permanente (ZPP) ? Quand seront-ils entendus ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Puisque vous m’interpellez avec la ministre Barbara Pompili, madame la sénatrice Berthet, sachez que nous sommes pleinement mobilisées sur ces questions au quotidien, sur la recherche d’un équilibre entre, d’un côté, la préservation d’une espèce strictement protégée au titre de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, dite convention de Berne, et de la directive Habitats-faune-flore, et, de l’autre, les activités pastorales, lesquelles sont bien évidemment tout à fait indispensables à la vitalité de nos territoires.
Nous accordons une très grande considération à ces prédations dont l’impact est fort – personne ici n’ignore ni ne doute du caractère terriblement marquant que peut avoir une attaque de bétail pour celui ou celle qui l’a subie.
C’est pourquoi nous devons agir, toujours avec raison, dans ce souci de nos éleveurs, de nos territoires et de la biodiversité, et dans le respect du cadre national existant. Vous le connaissez, madame la sénatrice, il s’agit du groupe national Loup et du plan national d’actions du même nom, ainsi que des comités départementaux, qui doivent prévoir des mesures au plus près, de l’effarouchement aux prélèvements éventuels.
Ces mesures doivent effectivement constituer des réponses adaptées, rapides et territorialisées. Nous y travaillons. Parce que le comportement des prédateurs, la topographie des territoires ou encore le type d’élevages sont extrêmement variables, il nous faut utiliser, au bon moment, un dispositif qui soit le plus agile et le plus adapté. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Les résultats obtenus montrent une stabilisation de la prédation, voire une légère baisse au cours des deux dernières années.
M. Loïc Hervé. Ce n’est pas vrai !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Par ailleurs, l’État est tout à fait présent aux côtés des agriculteurs et des éleveurs pour l’indemnisation des pertes liées à ces attaques. C’est un impératif, mais ce n’est évidemment pas suffisant. (Murmures accentués sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous avons donc demandé, en réponse à une attente exprimée par le Président de la République, à ouvrir le sujet du comptage. Comme vous le savez, c’est un sujet déterminant : nous devons nous accorder sur ces chiffres et objectiver les situations. (Murmures redoublés sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous entamons également une réflexion sur le sujet des chiens de troupeaux. Nous devons – c’est essentiel – clarifier le statut juridique et améliorer les dispositifs d’accompagnement. (Murmures prolongés, tandis que l’on imite le hurlement du loup sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous voulons avancer rapidement. Le ministre de l’agriculture s’est rendu la semaine dernière en Haute-Savoie. Le préfet coordonnateur a rassemblé autour de lui tous les préfets dédiés…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … pour maintenir ce pastoralisme dans nos territoires, tout en respectant et en assurant la préservation d’une espèce essentielle aux équilibres des écosystèmes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Tout ça pour ça !
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.
Mme Martine Berthet. Ces promesses n’ont que trop duré, madame la secrétaire d’État : il y a urgence !
Nous voulons protéger nos agriculteurs, nos AOP (appellations d’origine protégée) et IGP (indications géographiques protégées), qui sont la reconnaissance de leur travail de qualité.
Nous voulons protéger nos paysages pour la sécurité de nos concitoyens et le maintien de notre économie touristique.
Nous voulons protéger l’ensemble de notre biodiversité, et non pas une seule espèce, qui compte plus à vos yeux que la détresse de nos éleveurs et de leurs familles. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
prévention de l’insuffisance cardiaque
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Évelyne Perrot. Ma question s’adressait à M. le ministre de la santé, mais je suis ravie de vous la poser, madame la ministre chargée de l’autonomie.
Une page de la presse locale de mon département m’a interpellée. Elle rapporte que l’insuffisance cardiaque est la première cause d’hospitalisation après 65 ans. Ce mal insidieux, qui touche un Français sur cinq, doit être dépisté le plus tôt possible pour éviter une aggravation de la maladie. Si l’insuffisance cardiaque n’est pas traitée, elle entraîne la mort dans 50 % des cas.
On estime que 1 % à 2 % de la population française est concernée, soit 1,4 million de personnes. À titre de comparaison, c’est autant que la maladie d’Alzheimer. Aujourd’hui, on meurt moins du cancer du sein que d’une insuffisance cardiaque. Nous savons que cette maladie touche plus les femmes que les hommes.
Les hospitalisations pour insuffisance cardiaque aiguë sont au nombre de 160 000 et on peut comptabiliser 70 000 décès à l’échelle d’une année. Pourtant, le grand public ignore encore largement cette affection.
Il y a urgence à organiser un dépistage précoce de la maladie et à créer une filière de soins spécifiques. Nous devons absolument en connaître les signes sans les banaliser. Il est de notre devoir de communiquer au grand public cette information.
Madame la ministre, cela est-il une priorité de santé publique ? Si oui, tous les hôpitaux sont-ils dotés d’un service de cardiologie ? Tout le monde connaît le plan Alzheimer, le plan Cancer… À quand, madame la ministre, le plan Insuffisance cardiaque ? (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Vous avez raison, madame la sénatrice Évelyne Perrot, l’insuffisance cardiaque est un enjeu majeur de santé publique et, croyez-le, c’est un sujet sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années.
Il s’agit d’abord de repérer toutes les pathologies qui mènent à des insuffisances cardiaques. Ces pathologies sont liées à plusieurs facteurs de risque, désormais clairement identifiés.
Mais c’est par la prévention, et uniquement par elle, que nous atteindrons notre but.
Une politique en la matière reposera sur la maîtrise des facteurs de risque identifiés. Plus de quarante mesures dans le cadre de la stratégie nationale de santé 2018-2022 et du plan national Priorité prévention ont ainsi été consacrées pour les contenir. Il s’agit, par exemple, de soutenir l’activité physique et sportive durant le temps scolaire et en dehors de celui-ci – ce n’est pas le ministre de l’éducation qui me contredira –, mais également en milieu professionnel, où cette activité est en développement. Il s’agit aussi d’améliorer la lutte contre le tabac – nous l’élargissons dans le cadre du PLFSS – ou encore de réduire la consommation de sel de 30 % à l’horizon de 2025.
Par ailleurs, le ministère de la santé et l’assurance maladie développent également une politique de repérage et de prise en charge précoces des pathologies cardiaques. La Haute Autorité de santé intervient sur des recommandations de bonnes pratiques pour améliorer la prise en charge des personnes à risque de maladies cardiovasculaires en médecine de premier recours. Ainsi, nous avons inscrit le repérage du risque cardiovasculaire dans les politiques de formation continue des soignants, afin que les médecins sachent mieux accompagner les personnes à risque.
À titre d’exemple, nous valorisons également un projet expérimental de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris, l’AP-HP, qui permet une meilleure coordination des intervenants à l’usage de la télésurveillance, l’optimisation thérapeutique par transfert de compétences, etc.
Je citerai aussi le projet As de cœur, qui permet le développement de l’activité physique adaptée pour les patients insuffisants cardiaques et qui est développé dans de nombreux territoires.
Nous souhaitons enfin lancer très prochainement une mission sur les mobilités actives, qui ont des incidences…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. … tant sur la prévention de la perte d’autonomie que sur la prévention du risque d’insuffisance cardiaque.
L’attention du Gouvernement ne s’est donc jamais relâchée sur ce sujet et soyez assurée, madame la sénatrice, que nous allons continuer ainsi. (M. Ludovic Haye applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour la réplique.
Mme Évelyne Perrot. Merci pour ces informations positives, madame la ministre. Cela étant, les symptômes ne sont pas connus du grand public et il faut absolument communiquer sur ce point. Je remercie de ce fait la presse locale et, surtout, le docteur Jérôme Costa, dont le très bon article a, je l’espère, sensibilisé la population et peut vous alerter. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 3 novembre 2021, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’adoption ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
4
Accélération de l’égalité économique et professionnelle
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle (proposition n° 592 [2020-2021], texte de la commission n° 53, rapport n° 52).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs et les sénatrices, je me réjouis de prendre la parole aujourd’hui devant vous pour évoquer une proposition de loi qui laissera – j’en ai l’intime conviction – une empreinte indélébile dans le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Pour consolider les acquis, pour réparer les injustices, pour réduire les inégalités, chaque mesure et chaque voix comptent.
En effet, au pays de l’égalité, il est insupportable que les femmes, qui représentent la moitié de l’humanité, restent victimes de discriminations, de violences et de préjugés qui les empêchent de s’accomplir.
En tant que responsables politiques, nous avons donc l’impérieuse responsabilité de faire de l’égalité – en l’occurrence, de l’égalité économique et professionnelle – une réalité concrète et effective.
Alors qu’un vent de conservatisme s’est levé sur l’Europe et sur le monde, mettant en péril les droits des femmes, pourtant conquis de haute lutte – un vent qui ne s’arrête pas aux frontières de l’Hexagone –, nous devons au contraire accélérer.
Avancer plus vite sur le chemin de l’égalité constitue justement l’antidote face à la montée des radicalités et des relativismes, car il est des combats qui rehaussent une nation tout entière, des combats qui doivent tenir lieu d’horizon : le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes est de ceux-là.
Avant d’aborder plus en détail le texte qui nous réunit, permettez-moi de rappeler quelques chiffres.
À poste équivalent et à compétences égales, l’écart salarial entre les femmes et les hommes atteint 9 % dans notre pays. Pas moins de 78 % des emplois à temps partiel, qui sont majoritairement subis, sont occupés par des femmes. Par ailleurs, les femmes ne représentent que 30 % des dirigeants d’entreprises et à peine 12 % des créateurs de start-up dans le secteur d’avenir qu’est la tech. Elles touchent des retraites inférieures de 42 % en moyenne à celles que perçoivent les hommes.
Ces inégalités ne sont plus acceptables, alors que les femmes ont été et sont encore en première ligne face à la triple crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons.
Rétablir l’égalité, ce n’est donc pas leur accorder une faveur.
Rétablir l’égalité, ce n’est pas leur accorder la charité.
Rétablir l’égalité, c’est réparer une injustice que rien ne saurait justifier, une injustice hier tolérée, mais devenue aujourd’hui intolérable, une injustice que les femmes ne doivent plus accepter.
Non, les femmes ne doivent pas accepter d’être moins bien payées ! Non, il n’est pas acceptable que les métiers pourtant essentiels occupés par les femmes soient les moins reconnus et les moins valorisés ! Non, les femmes ne doivent pas accepter d’être absentes de la table où se prennent les décisions ! Aujourd’hui, il n’y a plus ni excuse ni prétexte.
Oui, nous avons besoin de tous les talents pour redresser notre économie. Oui, nous avons besoin que les femmes soient présentes dans les filières scientifiques et dans les métiers d’avenir des nouvelles technologies. Et oui, face aux inégalités et aux discriminations, c’est toute cette assemblée et toute notre société qui doivent faire bloc !
Car l’égalité ne se décrète pas. Elle ne jaillit pas d’un claquement de doigts dans une société qui demeure, à maints égards, patriarcale et sexiste. Elle se construit pas à pas, notamment grâce à la loi.
La proposition de loi qui nous réunit ce soir embrasse un large spectre de l’égalité économique entre les femmes et les hommes.
De l’aide aux familles monoparentales jusqu’à la place des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises, en passant par l’entrepreneuriat féminin et la création de viviers de talents dans l’enseignement supérieur, ce texte s’adresse à toutes les femmes de notre pays et à toutes les générations.
Permettez-moi de commencer mon propos par l’article 7 de ce texte, qui fait l’objet de toutes les attentions.
Aujourd’hui, les comités de direction des entreprises du SBF 120 ne comptent que 25 % de femmes. Alors que les femmes sont aussi formées, compétentes et ambitieuses que les hommes, comment expliquer cette disparité si importante ?
Si l’on m’avait dit il y a trente ans, lorsque j’ai débuté ma carrière professionnelle, qu’en 2021 on ne compterait qu’une seule femme parmi les dirigeants des quarante plus grandes entreprises françaises, je n’y aurais pas cru une seule seconde. Il s’agit là d’une véritable anomalie.
C’est pourquoi je suis favorable aux mesures contraignantes visant à accélérer l’accession des femmes aux postes stratégiques dans les entreprises.
Les quotas ne sont antinomiques ni avec la méritocratie ni avec la reconnaissance des compétences et des talents. Ils sont au contraire des accélérateurs de cette méritocratie.
La loi du 27 janvier 2011, dite « loi Copé-Zimmermann », dont nous avons fêté les dix ans cette année, est l’illustration concrète que les quotas fonctionnent. Grâce à elle, la France est devenue championne d’Europe en matière de féminisation des conseils d’administration de ses grandes entreprises. Il s’agit là d’une fierté collective, qui fait rayonner notre pays au-delà de ses frontières. Mais nous devons aujourd’hui aller plus loin pour transformer durablement notre société et la rendre enfin plus inclusive.
Nous devons parallèlement continuer à mettre en œuvre des dispositifs permettant de traiter à la racine les mécanismes qui reproduisent les inégalités. C’est l’objet de plusieurs autres articles de cette proposition de loi ; je m’en réjouis.
Au cours de ma vie antérieure en entreprise, j’ai pu constater que l’un des obstacles majeurs à la progression des carrières des parents est l’accès à une solution de garde pour les enfants. C’est un fait établi, en particulier pour les familles monoparentales, qui sont à 85 % composées d’une femme avec enfants : rappelons que 700 000 d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté.
Sur l’initiative d’Adrien Taquet, le Gouvernement a réduit le coût des assistantes maternelles, notamment pour les femmes seules avec enfants, en augmentant de 30 % le montant du complément de mode de garde.
En outre, nous renforçons, avec les collectivités territoriales, le soutien à la création de nouvelles places de crèches dans les quartiers défavorisés.
L’article 4 de la présente proposition de loi soutient clairement les familles monoparentales en leur réservant des places en crèche afin de leur permettre de trouver un emploi, de créer une activité, ou encore de participer aux actions d’accompagnement professionnel.
L’article 3, dans le même esprit, favorise utilement l’accès à des dispositifs de formation professionnelle pour les bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant dès la fin de leur droit à cette prestation. J’y souscris pleinement, car il est essentiel d’aider les femmes qui se trouvent éloignées de l’emploi à la suite de leur maternité.
Je veux terminer mon propos par un point qui me tient particulièrement à cœur, l’entrepreneuriat des femmes.
Toutes les femmes ne veulent évidemment pas entreprendre, mais il est indispensable que celles qui le souhaitent ne soient pas bloquées par des préjugés sexistes et que leur liberté d’entreprendre ne soit pas entravée par des stéréotypes de genre d’un autre temps.
Les femmes font ainsi face à des biais lorsqu’elles souhaitent accéder à un financement pour créer et faire grandir leur entreprise : aussi, les entrepreneures ont 30 % de moins de chances que les hommes de voir leur demande de financement aboutir. C’est pourquoi j’ai récemment renouvelé avec Bpifrance l’accord-cadre relatif à la promotion et au financement de l’entrepreneuriat féminin dans les territoires. En effet, il est crucial d’aider nos entrepreneures, car elles créent de l’activité et de l’emploi et contribuent directement à l’émancipation économique des femmes.
L’article 8 de cette proposition de loi vise le même but. Il assigne des objectifs de mixité à la politique de soutien à la création et au développement d’entreprises de Bpifrance, notamment dans la composition des comités de sélection des projets, ainsi que dans les équipes dirigeantes des projets retenus.
Comme vous le voyez, les acteurs publics sont donc extrêmement engagés sur ce sujet.
Mesdames, messieurs les sénateurs et sénatrices, le temps de l’égalité concrète et effective est venu. Les nouvelles générations nous le demandent.
De très nombreuses concertations ont contribué à l’élaboration de ce texte ; il est équilibré, de manière à accompagner le monde économique dans cette démarche de progrès vers la parité.
Comme l’attente est très grande sur cet enjeu, le Gouvernement soutient la proposition de loi de la députée Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale ; il a donc choisi la procédure accélérée pour la faire adopter.
Je salue le travail accompli par le Sénat et notamment par votre rapporteure, Mme Laurence Garnier, que je tiens à remercier ; je veux aussi saluer le rôle essentiel joué par votre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, présidée par Mme Annick Billon.
Selon les mots de Victor Hugo, une moitié de l’humanité ne saurait demeurer « hors de l’égalité ». C’est tout l’objet de nos débats d’aujourd’hui. Je vous prie donc de saisir cette occasion et d’apporter votre soutien à ce texte qui n’ôte de droits à personne, mais qui fera grandir notre société tout entière ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Laurence Rossignol applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Laurence Garnier, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a dix ans, nos prédécesseurs votaient la loi Copé-Zimmermann.
La France est désormais au premier rang mondial pour la présence des femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises. Nous pouvons en être fiers.
L’objectif est maintenant, au travers de la proposition de loi de la députée Marie-Pierre Rixain, de franchir une nouvelle étape en permettant aux femmes de prendre toute leur place dans les instances dirigeantes des entreprises. C’est un nouveau pan entier de l’économie que nous rendrons plus mixte et plus équitable.
Il reste beaucoup de progrès à faire, puisque les femmes ne représentent aujourd’hui que 35 % des cadres de l’ensemble des entreprises – j’insiste sur ce taux – et que leur rémunération est inférieure de 16 % à celle des hommes. Personne ne peut se contenter de cette situation et l’aspiration au changement est réelle.
Au cours de mon travail sur cette proposition de loi, beaucoup d’hommes m’ont dit qu’ils avaient hâte que les femmes prennent toute leur place dans les instances dirigeantes des entreprises, qu’ils jugent eux-mêmes trop masculines.
J’aborde donc ce texte avec la conviction que l’égalité entre les femmes et les hommes n’est ni un combat pour les femmes elles-mêmes ni a fortiori un combat des femmes contre les hommes, mais un progrès permettant d’améliorer le fonctionnement de l’ensemble de la société.
Pour en venir au détail de ce texte, son premier volet vise à favoriser l’égalité salariale. Depuis 2019, les entreprises doivent publier un index de l’égalité professionnelle, qui comporte cinq indicateurs. Celles qui n’atteignent pas un score de 75 sur 100 doivent prendre des mesures correctrices ; une pénalité financière est prévue au bout de trois ans. Cet index est à nos yeux un levier efficace en faveur d’une meilleure égalité salariale, même s’il est encore trop tôt pour en évaluer pleinement les effets. C’est pourquoi la commission considère qu’il convient d’en conserver le périmètre actuel, de manière à mesurer dans le temps les progrès réalisés.
En revanche, on peut déjà constater que, derrière les scores affichés, les performances des entreprises sont très variables selon les indicateurs – je pense notamment à l’indicateur relatif au retour de congé maternité –, d’où l’intérêt d’une publication séparée de chacun des indicateurs, tel que cela est prévu à l’article 6. Les entreprises qui n’atteignent pas le score global de 75 sur 100 devront également définir et rendre publics des objectifs de progression pour chaque indicateur.
J’en viens au deuxième volet du texte, à savoir le partage des postes à responsabilité. La loi Copé-Zimmermann n’a pas eu d’effet sur les postes décisionnels à l’intérieur de l’entreprise. Concrètement, les femmes représentent 46 % des membres des conseils d’administration des grandes entreprises, mais seulement 19 % des membres des comités exécutifs et des comités de direction.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, notre objectif est d’appliquer le principe des quotas aux postes à responsabilité au sein des entreprises. En 2027, les instances dirigeantes et les cadres dirigeants des entreprises de plus de 1 000 salariés devront comporter au minimum 30 % de femmes ; cette proportion montera à 40 % en 2030. Dès aujourd’hui, les entreprises doivent recruter, accompagner et former ces femmes afin de disposer de leurs compétences et de leurs talents. Ce sont elles qui composeront les comités de direction et les comités exécutifs de demain.
Les entreprises auront ensuite deux ans pour se mettre en conformité avec leurs obligations. Le cas échéant, elles devront s’acquitter d’une pénalité financière pouvant atteindre 1 % de la masse salariale.
La commission considère que cet équilibre est à la fois réaliste et ambitieux, tant sur le seuil de salariés inscrit dans le texte que sur les quotas fixés et le calendrier retenu. Je vous proposerai donc de conserver cet équilibre.
Concernant la publication des écarts de rémunération sur le site du ministère du travail, la commission propose qu’elle soit effective dans cinq ans, c’est-à-dire au moment de l’entrée en vigueur des premiers quotas.
Le troisième volet du texte porte sur l’entrepreneuriat, qui fait l’objet d’un constat unanime, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre : les projets développés par des femmes rencontrent très souvent – trop souvent ! – des difficultés de financement.
L’objet de l’article 8 est de remédier à cette situation en s’appuyant sur la banque publique d’investissement Bpifrance, devenue aujourd’hui un acteur majeur du financement des entreprises ; depuis 2014, son action doit être orientée prioritairement en faveur de l’entrepreneuriat des femmes.
Aux termes de cette proposition de loi, Bpifrance devra en outre rechercher un équilibre hommes-femmes parmi les bénéficiaires de ses actions, d’une part, et au sein de ses comités d’investissement, d’autre part. La commission a énoncé plus clairement l’objectif chiffré de 30 % de femmes au sein des comités d’investissement, tout en fixant l’échéance de 2025 pour y parvenir.
Enfin, les financements de Bpifrance seront conditionnés à la publication, par les entreprises bénéficiaires, de l’index de l’égalité professionnelle. La commission a prévu une entrée en vigueur différée de cette disposition afin de ne pas pénaliser les entreprises concernées, notamment les plus petites d’entre elles, à savoir celles qui comptent entre cinquante et deux cent cinquante salariés, pour lesquelles l’index ne s’applique que depuis 2020.
Au-delà de ces sujets liés à l’entreprise, la proposition de loi concerne aussi d’autres aspects de l’égalité professionnelle : l’autonomie financière des femmes, la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle, ainsi que l’égalité des chances dans le système éducatif.
En matière d’autonomie financière, la commission a apporté des précisions aux articles 1er et 2, qui prévoient l’obligation de verser le salaire, ainsi qu’une liste de prestations sociales, sur un compte bancaire dont le salarié ou le bénéficiaire de ces aides est titulaire ou cotitulaire. Elle a également adopté l’article 1er bis, qui permet l’exercice du « droit au compte » afin de permettre à des femmes victimes de violences de s’extraire de l’emprise financière de leur conjoint.
S’agissant de la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle, les femmes en congé parental auront accès, aux termes de l’article 3, à des actions de formation, dans l’objectif de favoriser la reprise d’une activité professionnelle à l’issue de cette interruption : on sait que beaucoup de femmes éprouvent des difficultés majeures à revenir à leur activité professionnelle à l’issue de ce congé destiné à leur permettre d’éduquer leurs enfants.
L’article 4, quant à lui, rend accessibles aux enfants de familles monoparentales les places de crèche aujourd’hui réservées aux enfants de parents en insertion sociale et professionnelle. La commission a approuvé ces mesures.
En revanche, elle a réécrit l’article 3 bis relatif au télétravail pour les femmes enceintes. Dans sa rédaction initiale, cet article prévoyait un droit à douze semaines de télétravail avant le début du congé maternité. Il nous a semblé que cela risquait d’éloigner davantage encore les femmes de l’entreprise, mais aussi de créer des inégalités entre les femmes dont le métier peut être exercé à distance et celles pour lesquelles cela est impossible. La commission propose que ce sujet fasse partie des négociations sociales et soit intégré dans les accords sociaux d’entreprise ou dans les chartes sur le télétravail.
Le texte aborde aussi l’égalité des chances dans l’enseignement supérieur, en se fondant sur l’idée que c’est en amont de l’entreprise qu’il faut former un vivier de femmes susceptibles d’accéder à tous les métiers. La commission a approuvé l’article 5, qui oblige les établissements de l’enseignement supérieur à publier des indicateurs sur l’égalité entre hommes et femmes pour chacune de leurs formations. Elle a également approuvé les mesures visant à renforcer la parité des jurys de concours et de sélection, ainsi que la publication d’indicateurs sur l’égalité au sein des établissements de recherche.
Enfin, la commission a supprimé du texte les précisions sur la lutte contre les stéréotypes de genre dans l’enseignement secondaire et dans ses liens avec l’enseignement supérieur, considérant que toutes ces dispositions étaient déjà satisfaites par le droit en vigueur.
En conclusion, mes chers collègues, il apparaît que cette proposition de loi comporte plusieurs outils pour améliorer la place des femmes dans l’entreprise et dans la société.
Le Président Jacques Chirac avait l’habitude de dire que le degré de civilisation d’une société se mesure à la place qu’y occupent les femmes. Cette jolie phrase signifie non seulement que la place laissée aux femmes reflète la qualité d’une vie en société, mais aussi – et c’est ma conviction ! – qu’elle y contribue fortement.
La commission vous propose donc d’adopter ce texte, en formant le vœu qu’il fasse avancer notre société tout entière. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales et Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.)
Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis que notre assemblée examine aujourd’hui cette proposition de loi déposée par mon homologue, Mme Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, qui est présente dans nos tribunes et que je salue. Nos deux délégations ont travaillé parallèlement, en bonne intelligence, sur le sujet important de l’accès des femmes aux responsabilités au sein des entreprises.
Je tiens à remercier sincèrement notre rapporteure Laurence Garnier, qui a été à l’écoute des préoccupations de notre délégation et avec qui nous avons pu échanger afin d’améliorer encore cette proposition de loi.
Il s’agit d’un texte majeur. Dix ans après la loi Copé-Zimmermann, qui a introduit des quotas de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance, il est en effet nécessaire de franchir une étape supplémentaire. Le moment est venu de faire entrer les femmes dans tous les cercles du pouvoir économique.
Dans leur rapport d’information paru en juillet dernier, Parité en entreprise : pour de nouvelles avancées, dix ans après la loi Copé-Zimmermann, nos collègues Martine Filleul, Joëlle Garriaud-Maylam et Dominique Vérien ont montré que les quotas ont fonctionné, mais qu’ils n’ont pas eu l’effet de ruissellement attendu.
Alors que les femmes représentent 46 % des membres de conseils d’administration et de surveillance des entreprises du SBF 120 – les 120 plus grosses entreprises cotées françaises –, elles ne représentent que 22 % des membres des comités exécutifs et des comités de direction de ces entreprises. Pis encore, 12 % de ces comités ne comptent pas la moindre femme !
La parité est encore plus limitée dans les instances de gouvernance et de direction des entreprises à petite capitalisation boursière et des entreprises non cotées.
Forte de ces constats, notre délégation avait formulé des recommandations afin d’étendre les obligations de parité et de mixité et de renforcer le contrôle du respect des obligations existantes.
Nous soutenons donc pleinement les dispositions de la proposition de loi en la matière, en particulier son article 7, qui introduit des quotas de femmes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes des entreprises de plus de 1 000 salariés.
Néanmoins, nous souhaiterions que le calendrier retenu soit accéléré. Il faut cesser de repousser les échéances. La loi Copé-Zimmermann a prouvé que le vivier de femmes compétentes était bien là.
Nous avions aussi formulé des recommandations afin de soutenir la création d’entreprises par des femmes. En effet, aujourd’hui encore, les demandes de crédit bancaire des femmes entrepreneures sont rejetées deux fois plus souvent que celles des hommes ; en outre, elles reçoivent des financements deux fois et demie inférieurs à ceux des hommes.
De même, le baromètre Sista sur les conditions d’accès au financement des femmes dirigeantes de start-up indique que les équipes masculines représentent 85 % des start-up financées et 90 % des fonds levés en 2020.
Les organismes publics, à commencer par Bpifrance, doivent se montrer exemplaires. L’application d’objectifs de mixité à Bpifrance prévue à l’article 8 nous semble essentielle.
Je souhaite que ce texte puisse être rapidement voté et mis en œuvre. Nous veillerons à sa bonne application. Le Sénat et, notamment, sa délégation aux droits des femmes peuvent s’enorgueillir du contrôle de l’application des lois : l’année dernière, nous avons ainsi dressé le bilan de la loi Copé-Zimmermann et de la loi du 13 avril 2016 sur la prostitution.
Enfin, j’aimerais dresser quelques perspectives pour les années à venir. Je pense qu’il nous faudra nous pencher à nouveau sur l’index de l’égalité professionnelle. C’est un excellent outil qui a permis à de nombreuses entreprises de prendre conscience de certains dysfonctionnements. Ainsi, 13 % des entreprises n’appliquent pas encore l’augmentation de salaire au retour de congé maternité qui est pourtant prévue par la loi depuis 2006.
Nous sommes convenus qu’il est encore trop tôt pour modifier les indicateurs au sein de cet index, que toutes les entreprises doivent s’approprier, mais il faudra y réfléchir.
Je pense notamment à un indicateur permettant de mettre en lumière la surreprésentation des femmes parmi les 10 % des rémunérations les plus basses, ou encore à un autre sur le nombre de pères qui utilisent pleinement leur congé paternité, dont je souhaiterais d’ailleurs allonger la durée, notamment pour ce qui est des jours obligatoires. En effet, c’est dès les premiers jours de l’enfant que se répartit la charge parentale.
En attendant ces discussions futures, je me réjouis d’entamer l’examen de cette proposition de loi. Le Sénat s’honorera de voter ce texte, qui marque une étape importante pour la progression de la place des femmes et des responsabilités qui leur reviennent au sein de nos entreprises. Il faut enfin faire exploser le plafond de verre de la direction opérationnelle des entreprises ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, SER, GEST et RDSE.)
M. François Bonhomme. Bravo !
M. le président. Avant de donner la parole à M. Guillaume Chevrollier, je tiens à mon tour à saluer la présence dans nos tribunes de Mme Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale.
Vous avez la parole, mon cher collègue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’aimerais tout d’abord saluer le travail de la commission des affaires sociales et celui de Laurence Garnier, rapporteure de cette proposition de loi qui vise à accélérer l’égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes.
Je veux également saluer l’action de la délégation aux droits des femmes du Sénat, qui alimente abondamment nos réflexions sur ces sujets si importants.
L’égalité entre les femmes et les hommes était censée être une grande cause du quinquennat, madame la ministre, et non pas seulement de ses derniers mois… Mais cette proposition de loi a le mérite de nous faire réfléchir sur l’amélioration de la place des femmes dans l’entreprise. Son périmètre est par nature limité ; pourtant, elle touche un sujet qui aurait mérité qu’on s’y attarde longuement : comment bâtir une économie qui prenne en compte les différences entre les femmes et les hommes ?
Il existe en effet une différenciation fondamentale, la maternité, laquelle impacte forcément, de manière concrète, la vie des femmes. Abolir cette différence n’a pas de sens ; il faut l’accepter et réfléchir en profondeur pour bâtir une économie soucieuse de cette différence : je pense en particulier à l’impact du congé parental sur la carrière professionnelle de la mère de famille.
Au XXIe siècle, il est regrettable de devoir légiférer, d’imposer des quotas et des mesures coercitives pour que cette égalité soit effective. Mais il est vrai que, s’agissant de la vie politique, l’instauration de quotas a donné des résultats et a permis sa féminisation.
Je suis pour la méritocratie : ne devrait-on pas choisir un employé selon ses compétences personnelles, selon ses mérites, plutôt que selon son sexe ou son origine ethnique ? Aucune femme n’a envie d’être nommée à un poste uniquement parce qu’elle est une femme : la compétence opérationnelle doit primer.
Nous ne pouvons douter des progrès réalisés en matière d’égalité. La délégation sénatoriale aux droits des femmes a d’ailleurs publié un rapport dressant le bilan de dix ans d’application de la loi Copé-Zimmermann, lequel constate une évolution positive depuis la mise en œuvre de ce texte. Ainsi, la France se situe au premier rang mondial en termes de féminisation des conseils d’administration des grandes entreprises, avec une proportion de 46 % de femmes en 2021.
La délégation a aussi souligné que la parité restait limitée dans les conseils d’administration des plus petites capitalisations boursières et, plus globalement, des PME. Il n’y a donc pas eu de ruissellement des instances de gouvernance vers les instances dirigeantes des entreprises, ce qui plaide pour une extension de la logique des quotas.
J’ajoute que, à poste équivalent, les femmes gagnent en moyenne 10 % de moins que les hommes.
Ces inégalités ne sont pas acceptables. Améliorer la place des femmes dans la société et dans les entreprises en favorisant leur progression et notamment leur accès à des postes à hautes responsabilités est donc une nécessité.
En outre, l’égalité femmes-hommes est une source de performances et de succès pour nos entreprises.
Cette proposition de loi permet donc d’avancer ; j’en partage bien évidemment les intentions générales. J’attire cependant l’attention sur le fait que les formalités obligatoires supplémentaires qu’elle crée pour nos entreprises inquiètent ces dernières, en tout cas certaines d’entre elles qui font d’ailleurs un certain nombre d’efforts pour maîtriser le fonctionnement de l’index Egapro introduit récemment, en 2018. Certaines entreprises sont aussi préoccupées par le cumul des sanctions. Il est donc important de trouver des solutions équilibrées, mais notre rapporteure a œuvré en ce sens.
Traiter de l’égalité par le biais de quotas est donc une réponse partielle à un problème complexe qui trouve ses origines dans la culture, dans l’orientation à l’école, dans la formation, dans la gestion des talents et dans l’évolution des carrières. Je pense aussi à la nécessité de renforcer la mixité dans les sciences, les technologies et l’ingénierie, domaines où l’on sait qu’il y a pénurie de femmes alors que les besoins de recrutement sont extrêmement importants.
Cette proposition de loi est une avancée de plus, mais il y a encore beaucoup de travail à faire pour tendre vers l’égalité professionnelle dans notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dix ans après la loi Copé-Zimmermann, le temps était venu d’une évaluation et d’une loi ambitieuse pour un beau combat : celui de l’égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce texte n’y suffira pas, mais il comporte des avancées.
Selon l’Insee, le revenu salarial net des femmes représente 71 % de celui des hommes et les mêmes inégalités se retrouvent, très aggravées, pour les retraites et le patrimoine.
Dans les entreprises, la présence des femmes diminue au fur et à mesure qu’on s’élève dans la hiérarchie et les inégalités salariales se creusent au long du parcours professionnel.
Si la France se situe aujourd’hui à la première place en Europe en matière de féminisation des conseils d’administration des grandes entreprises cotées, dépassant même le quota obligatoire, l’effet d’entraînement attendu au niveau des instances de direction des entreprises, lieux des décisions stratégiques et opérationnelles non couverts par ces obligations, s’est avéré plus que faible : les femmes représentent moins d’un cinquième des membres des comités exécutifs. Pas plus d’effet de ruissellement ici qu’en matière de richesses…
C’est le principal apport de cette proposition de loi que d’introduire au niveau des instances dirigeantes des comités de direction et des comités exécutifs, des seuils minimaux assurant à terme une répartition relativement équilibrée de chaque sexe.
Les articles relatifs à l’index de l’égalité professionnelle – extension de son champ, publicité des indicateurs, des mesures de correction et des objectifs de progression – vont dans le bon sens, mais cet outil n’est vraiment qu’une première étape que, faute de nouvelles perspectives, des entreprises risquent de considérer comme une fin en soi. Pourtant, des scores suffisants au regard des exigences légales peuvent masquer la persistance d’inégalités non questionnées, notamment dans le champ de la formation continue et des promotions, inégalités dues en partie aux biais et aux stéréotypes de genre.
Cela entretient la faible mixité de certains postes, fonctions et emplois, facteur d’inégalités structurelles dont ne rend pas compte le seul principe « à travail égal, salaire égal » – ce principe n’est d’ailleurs pas respecté, puisque l’écart est de 10 %.
S’agissant de la mesure de priorisation des places en crèche pour les familles monoparentales – de fait, des femmes –, nous y sommes favorables. Mais il faut bien dire que nous gérons seulement la pénurie alors que manquent des solutions de garde pour tous les enfants. Cela appellerait la mise en place d’un service public de la petite enfance, levier majeur pour l’égalité.
Concernant l’obligation de verser les salaires et les prestations individuelles sur des comptes dont la personne est titulaire ou cotitulaire, nous demanderons, au nom du principe de précaution, de ne pas interdire la désignation d’un tiers par mandat écrit. En effet, l’autonomie financière doit aussi être pensée avec et pour les femmes en situation de pauvreté ou de grande pauvreté. Évitons qu’une mesure positive ne devienne un obstacle de plus dans leur quotidien quand le droit à un compte bancaire est encore loin d’être effectif dans notre pays.
Ces mesures sont précieuses dans la lutte contre la violence économique au sein des couples ; rappelons combien le refus du Gouvernement d’individualiser l’allocation aux adultes handicapés (AAH) met à mal cet enjeu d’égalité !
Alors que, le temps d’une crise sanitaire, la situation des femmes a reculé et qu’ont été effacés les progrès réalisés depuis plusieurs années en France – et depuis plusieurs décennies dans le monde –, nous refusons le report de l’application des quotas ou de la publication des écarts de représentation sur le site du ministère du travail.
Enfin, refusons les échappatoires telles que les amendements tendant à lisser les seuils, et traçons une trajectoire déterminée !
Nous avons donc déposé des amendements visant à revenir sur ces mesures dilatoires comme à réaffirmer l’action dès le secondaire contre les stéréotypes de genre, qui conditionnent beaucoup d’avancées.
En revanche, nous approuvons le choix de la négociation collective pour favoriser, si possible, le télétravail des femmes enceintes douze semaines avant leur congé maternité. En effet, seul ce niveau de discussion permet d’aborder toutes les situations, notamment celles des femmes occupant des postes ne pouvant être exercés en télétravail, qui sont souvent les plus pénibles, et de s’assurer des conditions du volontariat. Le télétravail ne doit en aucun cas se substituer à l’adaptation du poste de travail par l’employeur ou à un arrêt maladie, en attendant des réformes plus ambitieuses des congés paternité et maternité. Dans ces domaines, nous croyons à la négociation collective.
Enfin, nous proposons d’aller plus loin et défendrons à cette fin des amendements tendant à sensibiliser à une répartition égale des tâches domestiques et familiales. Nous proposons également que le seuil d’application des quotas pour les instances dirigeantes soit fixé dès à présent à 250 salariés, de manière à l’aligner sur celui des conseils d’administration et de surveillance. Le temps n’a pas manqué aux entreprises pour procéder à ce ruissellement !
Aussi, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires sera particulièrement attentif à ce que la portée de ce texte déjà insuffisamment ambitieux soit renforcée ; il votera en faveur des avancées contenues dans cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, vous avez qualifié ce texte de « moment historique pour l’émancipation économique et professionnelle des femmes ».
Faut-il rappeler ici, monsieur le président, mes chers collègues, que l’égalité professionnelle est inscrite dans la loi du 13 juillet 1983, la loi Roudy ? Depuis lors, de nombreuses lois ont été votées pour garantir l’égalité des droits, dans l’entreprise, entre les femmes et les hommes. Et pourtant, rien n’a changé, ou si peu, pour la plupart d’entre elles.
La loi Copé-Zimmermann de 2011 a imposé aux entreprises de plus de 500 salariés une représentation de 40 % de femmes dans les conseils d’administration, alors qu’elles comptaient jusqu’alors pour moins de 10 %.
Dix ans après, on estime à 44,6 % la proportion d’administratrices dans les grandes entreprises.
Certes, c’est un progrès indéniable, mais ces chiffres masquent mal la réalité du quotidien de la grande majorité des femmes de notre pays.
Ainsi, l’égalité économique et professionnelle visée par la proposition de loi ne concerne qu’une minorité de femmes, celles qui exercent leur activité dans les grandes entreprises. Or 67 % des femmes travaillent dans les secteurs de l’administration publique, de l’enseignement, de la santé et de l’action sociale.
Je rappelle que 97 % des aides à domicile sont des femmes, pour lesquelles rien n’est prévu dans ce texte. Certes, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit l’instauration d’un tarif plancher à 22 euros, mais c’est largement insuffisant pour augmenter le salaire de ces femmes et cela ne résout pas la question de l’amplitude horaire très large et morcelée de leur travail pour des salaires de misère.
Cela ne prend pas plus en compte la pénibilité de leur métier.
Comment ne pas parler non plus des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et des auxiliaires de vie scolaire (AVS), qui manifestaient la semaine dernière pour demander la reconnaissance de leur travail et un statut ?
Ce texte fait totalement l’impasse sur la précarité du travail féminin, la sous-valorisation de ces métiers, ou encore l’absence de formation pour des centaines de milliers de femmes, pourtant en première ligne contre la pandémie de covid-19, qui vivent avec moins de 700 euros par mois.
Vous allez me dire que ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi ; mais alors, pourquoi lui avoir donné un tel titre ? Les mots ont un sens ! Une fois encore, ces femmes sont les grandes oubliées, les invisibles de la société.
Une proposition de loi qui ne cible qu’une minorité de femmes, cadres dans des entreprises de l’assurance ou de la finance, semble bien éloignée, madame la ministre, du moment historique pour l’égalité entre les femmes et les hommes que vous voulez y voir.
D’autant que, selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) d’avril dernier, en un an de crise sanitaire, on a perdu près de trente ans d’avancées dans le domaine de la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Ainsi, en 2021, les femmes subissent encore des rémunérations inférieures aux hommes – à poste et qualification égaux – pouvant aller jusqu’à 24 %.
Les femmes demeurent davantage touchées que les hommes par la précarité, le temps partiel et le chômage, leurs carrières sont davantage plafonnées, elles accèdent moins souvent aux postes de responsabilités.
Elles sont également plus discriminées en raison de leur genre et s’occupent davantage que les hommes des tâches domestiques et de l’éducation des enfants.
Quant au Gouvernement, qui prétend vouloir avancer sur les questions d’égalité dans l’entreprise, il vient de démanteler les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui permettaient de mettre en œuvre les mesures en faveur de l’égalité.
De même, et nous y reviendrons dans nos amendements, si la création d’un index de l’égalité est une bonne mesure, force est de constater que sa conception même en fait presque un gadget.
L’égalité professionnelle et économique va bien au-delà de cet index ; il y a urgence à adopter des mesures pour lutter contre la précarité et le temps partiel, à créer une place d’accueil pour tous les enfants de moins de trois ans et à revaloriser les métiers à prédominance féminine.
Hier, la délégation aux droits des femmes du Sénat récompensait par un prix un certain nombre de personnalités ayant fait progresser les droits des femmes. Parmi les lauréates, il y avait Marie-Jo Zimmermann ; tout en se réjouissant du rapport Rixain, elle a déclaré que la proposition de loi que nous examinons n’aurait aucune raison d’être si la loi qu’elle avait portée il y a dix ans était appliquée.
Terrible constat, alors qu’une seule femme dirige un groupe du CAC 40 et que, depuis le 1er octobre, une seule femme est P-DG ; il n’y a que dix femmes à la tête de l’une des 120 sociétés cotées au SBF 120 !
Alors que les femmes représentent 33,72 % des cadres de ces mêmes entreprises, 22,37 % seulement sont membres de leur comité exécutif.
Cette proposition de loi, à défaut de grands progrès, apporte de petites améliorations pour renforcer la parité dans l’exercice du pouvoir. Je regrette que la rapporteure Laurence Garnier l’ait affaiblie en supprimant un certain nombre de dispositions introduites par l’Assemblée nationale.
De même, je regrette que la question de l’impact des violences domestiques sur les salariés n’ait pas été considérée comme entrant dans le périmètre de cette proposition de loi.
Bref, le chemin vers l’égalité semble encore loin et nous avons le sentiment que ce texte passe à côté du cœur des inégalités entre les femmes et les hommes dans les entreprises. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et RDSE. – Mme Annick Billon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE.)
M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque mon groupe m’a proposé d’intervenir sur ce texte, je me suis posé la question suivante : est-ce la place d’un homme de plus de cinquante ans de débattre d’une proposition de loi sur l’égalité économique et professionnelle ? J’aurais pu d’ailleurs utiliser un autre terme, mais je m’en suis privé… (Sourires.)
Ma réponse est « oui », doublement « oui » : l’égalité entre les femmes et les hommes est un fait de société qui nous concerne toutes et tous, même si je dois confesser que, pour moi, cette question relève plus de la conversion que de la conviction spontanée – je suis plutôt saint Paul que saint Pierre en la matière… (Nouveaux sourires.)
C’est sans doute pour cette raison que, dans une volonté de travailler sur moi-même, j’ai récemment lu plusieurs ouvrages sur ce sujet. Je voudrais en citer un aujourd’hui, à savoir le livre passionnant de Frédéric Dabi, La fracture. Comment la jeunesse d’aujourd’hui fait sécession : ses valeurs, ses choix, ses révoltes, ses espoirs…, qui traite de l’évolution de l’opinion des jeunes depuis les années 1960. Parmi les chiffres marquants qui ont retenu mon attention, il y a celui-ci : 72 % – oui, 72 % ! – des 18-30 ans estiment qu’il est plus facile d’être un homme qu’une femme.
Ce chiffre m’a particulièrement interpellé, mais ce n’est pas tout : alors que M. Dabi était interviewé au cours de la matinale d’une grande radio du service public, une jeune femme a appelé la station et, quand les journalistes l’ont interrogée sur l’opinion qu’elle avait de la politique et de nos institutions, en lui demandant pourquoi elle ne croyait plus dans notre modèle politique et démocratique, voici ce qu’elle a répondu : « Quand j’étais petite, on m’a dit que les femmes étaient moins payées que les hommes ; je pensais que, quand je serais grande, ce problème serait réglé, parce que c’est un problème qui me paraît facile à résoudre. Et là, maintenant que je suis grande, je me rends compte que ce problème n’est toujours pas réglé. » Oups !
Alors, bien sûr, c’est simplement dit et la réalité est souvent plus complexe. Mais cela ne change pas le problème de fond. Dans ce même livre, Frédéric Dabi confirme un sentiment personnel que j’éprouve depuis longtemps : les jeunes ne sont pas dans la logique du « tous pourris » ou dans une logique générationnelle, comme on peut l’entendre ici et là ; ils sont plutôt dans une logique de défiance par rapport à l’impuissance publique. Ils veulent des résultats et j’ai pour espoir qu’avec ce texte, même si beaucoup de choses restent à faire, nous pourrons commencer à apporter des résultats en la matière.
Je souhaite saluer l’esprit du présent texte ; la loi Copé-Zimmermann a plus de dix ans aujourd’hui et il est essentiel de proposer une nouvelle loi en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Je suis heureux aussi que, sur ces questions, nous puissions trouver un consensus entre les différents groupes de notre assemblée, car l’égalité entre les sexes est un enjeu majeur.
Aujourd’hui, cela devient même, me semble-t-il, un enjeu de civilisation et notre capacité à résoudre ces injustices sera déterminante dans le regard que porteront les futures générations sur notre action.
Concernant le fond, je souhaite d’abord évoquer devant vous deux dispositions majeures de ce texte qui me tiennent particulièrement à cœur ; deux autres sujets m’ont également interpellé et inviteront des remarques de ma part.
La première disposition que je soutiens pleinement est celle qui vise à encourager l’entrepreneuriat féminin. J’ai été particulièrement marqué par un chiffre mentionné dans l’excellent rapport de notre collègue Laurence Garnier : 80 % des fonds investis dans les start-up françaises ont été dirigés vers des équipes intégralement masculines en 2020.
Ce chiffre donne à réfléchir : sommes-nous incapables, en France, d’investir dans nos talents féminins ou, pis encore, sommes-nous incapables de donner aux jeunes femmes de notre pays l’envie de s’engager dans une aventure entrepreneuriale ?
L’égalité entre les hommes et les femmes ne s’inscrit pas uniquement dans le respect des droits ou dans les postes de cadres en entreprise, mais aussi dans le lancement de projets, dans la confiance que nous donnons aux femmes qui créent leur entreprise.
Je salue donc l’article 8, relatif aux objectifs de mixité dans la politique de soutien menée par Bpifrance. J’ai aussi interrogé notre rapporteure à ce sujet, lors de la réunion de la commission des affaires sociales : il est essentiel que, demain, ces mêmes objectifs soient imposés aux banques privées et aux fonds d’investissement.
La seconde disposition que je souhaite saluer est celle qui entend favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, notamment en ce qui concerne la garde d’enfants et la parentalité. C’est entre trente et quarante ans que se forge une carrière, mais aussi que les femmes ont des enfants. Il faut donc tout faire pour leur permettre de vivre pleinement leur vie personnelle et professionnelle.
À cet égard, je partage les propos de Catherine Guillouard, présidente-directrice générale de la RATP et ancienne responsable des ressources humaines d’Air France, dans une interview sur ce sujet pour lequel elle s’est beaucoup mobilisée : « C’est en train de changer », dit-elle, ajoutant que « les entreprises sont conscientes qu’il faut changer les règles du jeu ». Elle conclut : « Je suis optimiste pour l’avenir. »
Je partage cet optimisme et j’espère que nous y contribuerons par cette proposition de loi.
Les deux remarques que je souhaite vous faire sur ce texte concernent le fond de nos débats, mais il s’agit aussi de réflexions personnelles sur notre société.
Tout d’abord, je relève qu’à l’article 7, article majeur de ce texte, il est proposé d’imposer une représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi les cadres dirigeants d’entreprise. C’est un objectif auquel, avec notre groupe, je souscris. Cependant, parmi les moyens pour y parvenir, on trouve à la page 63 du rapport de notre collègue députée Marie-Pierre Rixain une disposition qui m’interpelle : la diffusion par le ministère du travail des scores obtenus par les grandes entreprises, selon la pratique dite du « name and shame ».
Personnellement, je vous le dis, mes chers collègues, je ne soutiens pas ce type de pratique. Bien sûr, je peux en comprendre l’utilité et la capacité d’influence, mais il ne me semble pas que ce soit le rôle de l’État de mettre en avant, sur l’un de ses sites internet, des entreprises pour les faire huer, critiquer ou, pis encore, pourquoi pas, demain, les rendre victimes de violences.
Notre rôle est de les condamner, comme il est proposé dans ce texte avec la pénalité financière prévue de 1 % de la masse salariale, mais non de faire sonner une sorte d’hallali populaire contre telle ou telle entreprise.
Ma seconde alerte porte sur l’article 5. À cet égard, je soutiens pleinement la décision de notre rapporteure Laurence Garnier de supprimer les dispositions relatives à la lutte contre les stéréotypes de genre à l’école. Comme elle l’a indiqué en commission, elles sont superfétatoires, car satisfaites par le droit en vigueur.
Les représentants de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), que j’ai rencontrés la semaine dernière, m’ont expliqué que celles-ci déploient déjà sur le territoire des actions destinées à accompagner la parentalité et à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes. Il n’est donc pas nécessaire d’inscrire dans la loi les dispositions proposées alors que ces associations diffusent déjà une information sur ces stéréotypes.
Pour conclure, mes chers collègues, je souhaite saluer le travail de la présidente de la délégation aux droits des femmes, Annick Billon, ainsi que l’excellent rapport de nos collègues Martine Filleul, Joëlle Garriaud-Maylam et Dominique Vérien. J’ai moi-même déposé quelques amendements sur ce texte pour aller encore plus loin en matière d’égalité. Nous en débattrons.
En tout cas, le groupe Union Centriste votera ce texte tel qu’amendé au cours de nos travaux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si du temps a passé depuis la loi Copé-Zimmermann – dix ans, pour être précise –, le constat reste le même : à travail égal et à ancienneté égale, une femme reste toujours moins bien payée qu’un homme.
Qu’est-ce qui explique que, dans le secteur privé, une femme gagne 17 % de moins ? Il y a d’abord – et principalement – une socialisation qui, quoiqu’elle évolue, favorise encore le travail des hommes au détriment de celui des femmes, qui ont de fait des carrières plus hachées et recourent plus largement au temps partiel.
Ensuite, il y a une répartition des métiers qui fait que les femmes font le choix de carrières souvent moins bien rémunérées que celles des hommes.
Enfin, il y a une part qui reste non identifiée, qui est celle de la discrimination à proprement parler, parfois inconsciente, mais bien réelle pour les femmes qui la subissent.
S’il y a eu de récentes évolutions – je pense notamment à l’allongement du congé paternité –, certains freins persistent, notamment en matière de responsabilités.
C’est vrai aussi bien en entreprise qu’en politique : si la parité au sein des assemblées délibérantes et des exécutifs est actée, seulement 11 % des présidents d’exécutif sont des femmes.
Pour en venir à cette proposition de loi, si le travail de la commission est venu clarifier le texte sur certains points, celui-ci n’apporte pas de révolution majeure : nous sommes loin de la grande cause du quinquennat !
Au titre des déceptions, on note surtout la consécration de droits non opposables, comme cela a déjà été dit. Je pense notamment à l’article 4 sur l’accès des familles monoparentales aux modes de garde collectifs, qui ne crée pas d’obligation, malgré le manque de places dans de nombreuses villes.
Ce n’est pas un service public, me direz-vous, mais au vu de l’ampleur des places manquantes, il faudra un jour s’interroger sur la manière dont les pouvoirs publics peuvent investir ce sujet.
Au titre des dispositions ne créant pas d’obligations, nous avions une véritable interrogation sur les douze semaines de télétravail pour les femmes enceintes, prévues initialement à l’article 3 bis.
Si le dispositif pouvait être intéressant pour les femmes concernées, il comportait plusieurs risques : d’abord, celui qu’il soit très fortement proposé – pour ne pas dire imposé – à une femme et qu’il vienne remplacer le congé maternité. Ensuite, il créait une inégalité dans la mesure où toutes les femmes ne disposent pas d’emploi leur permettant de télétravailler.
Concernant l’article 1er relatif au versement des salaires et des prestations sociales de manière individualisée, nous y sommes favorables, mais nous regrettons que la majorité de l’Assemblée nationale se contredise, à en juger par son vote sur la déconjugalisation de l’AAH.
Finalement, les véritables avancées proposées à ce texte se trouvent à l’article 7, qui prévoit d’étendre l’objectif de représentation équilibrée aux instances dirigeantes d’une entreprise.
Nommer et blâmer les entreprises qui ne respecteraient pas cet impératif de 30 %, puis de 40 %, de femmes dans les instances dirigeantes est, selon nous, une nécessité. Pendant trop longtemps, nous en sommes restés à l’incitation ; il est désormais nécessaire d’agir plus intensément pour faire bouger les lignes : c’est ce qui nous est proposé à cet article 7.
Nous proposerons aussi, par voie d’amendement, de rétablir la version de l’Assemblée nationale pour que la publication des éventuels écarts se fasse un an après l’entrée en vigueur de cette loi et non pas cinq ans après, comme le propose la commission.
À cet article 7, toujours, nous proposerons également d’instaurer un plancher pour le montant des pénalités prévues en cas de non-respect des obligations de représentation de chaque sexe au sein des postes à fortes responsabilités.
Pour conclure, le groupe du RDSE, dans sa majorité, votera ce texte, conscient qu’il n’apporte pas de grandes révolutions, mais estimant qu’il représente un pas supplémentaire dans la longue marche vers l’égalité entre femmes et hommes en entreprise. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais, en avant-propos, saluer l’engagement, la détermination et la sincérité de Mme la ministre et vous dire, madame, le plaisir que nous avons – que j’ai, en tout cas – à travailler avec vous et à défendre ensemble, de concert, la cause des femmes.
Vous aurez compris, à cet instant, que je vais dire un peu moins de bien du texte que je ne viens d’en dire de vous… (Sourires.)
Cette proposition de loi est le dernier texte législatif consacré à la grande cause du quinquennat – un peu celui du rattrapage in extremis. Le Gouvernement avait en effet promis à plusieurs reprises de faire progresser l’émancipation économique des femmes ; finalement, dans ce texte, les ambitions de la majorité s’articulent autour de quelques ajustements, de quelques renforcements des dispositions d’égalité professionnelle et d’une grande mesure – disons-le – : l’instauration des quotas dans les comités exécutifs, mesure que je ne sous-estime pas et dont je ne néglige pas la portée aujourd’hui et, surtout, à l’avenir, non pas simplement pour les femmes membres de ces comités, mais aussi pour son effet « montant » dans les entreprises et la nécessité pour les dirigeants de chercher des viviers pour répondre à ces futures obligations.
Cependant, alors que les plans de relance consécutifs à la crise sanitaire auraient pu être les vecteurs d’un déploiement massif de financements facilitant l’égalité entre les femmes et les hommes – ce que nous proposions d’ailleurs avec le collectif Ensemble contre le sexisme dans l’« appel des 40 pour un plan de déconfinement antisexiste » –, cette occasion n’a pas été saisie, malheureusement.
« À l’heure actuelle, la discrimination existe toujours dans la vie professionnelle des femmes, que ce soit à l’embauche, dans la promotion ou au niveau des salaires. Cet état de fait, dont tout le monde admet l’injustice, doit cesser. S’il était bon que la loi de 1972 sur l’égalité des salaires en affirme le principe, il manquait à cette loi les moyens réels d’application des principes qu’elle pose. » Cette phrase est extraite du discours prononcé par Yvette Roudy, en 1982, pour présenter la loi sur l’égalité salariale.
Or, trente-neuf ans après – presque le temps d’une vie professionnelle –, nous sommes encore loin de l’ambition qu’elle nous avait fixée et qui reste la nôtre.
Nous avons progressé à petits pas. Les écarts de salaire ont diminué, mais ils restent très importants, de l’ordre de 20 %. Les femmes sont toujours moins bien payées que les hommes ; elles sont plus souvent à temps partiel, par choix ou non, d’ailleurs ; elles sont davantage exposées à la précarité, ce qui rend plus difficile la défense de leurs intérêts collectifs.
Mes chers collègues, nos débats me donnent l’occasion de saluer l’action victorieuse des femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignolles, qui, après vingt-deux mois de grève, ont obtenu des avancées salariales sans précédent.
Mme Annick Billon. Bravo !
Mme Laurence Rossignol. Seules dix-neuf des quatre-vingt-sept familles professionnelles sont mixtes, indiquait la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) en 2019. L’Insee précise quant à lui que cinquante et une d’entre elles sont « peu » ou « très peu féminisées », tandis que vingt-huit autres sont « plutôt » ou « très féminisées ».
Si ces informations relatives à la féminisation des branches sont capitales, c’est parce que le niveau des salaires concernés en dépend. Plus les branches sont féminisées, plus les salariés y sont sous-rémunérés. Caissières, aides-soignantes, auxiliaires de vie, agentes d’entretien, assistantes maternelles : nous parlons de toutes celles qui exercent des métiers pénibles dont le caractère indispensable est reconnu, sauf lorsqu’il s’agit d’établir la feuille de paye.
Ces mêmes salariées sont souvent à la tête de familles monoparentales. Souvent, elles doivent jongler avec des horaires décalés pour aller chercher les enfants à l’école, les aider à faire leurs devoirs et les emmener au cours de karaté ou de danse – bien entendu, les filles vont au karaté et les garçons à la danse : n’essayez pas d’enfermer mon propos dans un quelconque stéréotype de genre ! (Sourires.)
Ces inégalités se sont fortement accentuées avec le confinement. Les difficultés spécifiques des femmes pendant la crise sanitaire ont déjà été évoquées. Toutefois, rappelons que les femmes sont majoritaires dans de nombreux métiers clefs, qui ont été en première ligne de la lutte contre l’épidémie. Or l’intensification de leur charge de travail ne s’est pas accompagnée d’un allégement de leurs responsabilités familiales.
Bref, la crise sanitaire a eu des conséquences dramatiques et terribles pour les femmes. Pourtant, elles étaient paradoxalement exclues du conseil de défense, qui était, d’une certaine manière, le comité exécutif de la gestion de la crise : ce conseil, qui existe d’ailleurs toujours, ne comprenait aucune femme. Il ne comptait que des hommes. On était donc bien loin du seuil que nous nous apprêtons à imposer, à l’avenir, aux entreprises privées.
Le partage des tâches domestiques pendant le confinement a été très largement défavorable aux femmes. Au sein du foyer, elles ont moins de temps pour elles ; elles disposent moins souvent d’un espace dédié au télétravail que les hommes ; enfin, en 2021, le CESE a tiré la sonnette d’alarme en soulignant que « l’accroissement de la charge de travail domestique a conduit beaucoup de femmes à renoncer au travail rémunéré ». En outre, 43 % des salariées françaises envisagent un temps partiel, contre 32 % des hommes.
Les femmes constituent aussi la majorité des personnes en situation de précarité. Les statistiques sont implacables : avant même la crise, les femmes représentaient 53 % des personnes pauvres, 57 % des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), 70 % des bénéficiaires des aides alimentaires et 62 % des salariés au SMIC. L’amélioration de la parité dans les instances de direction ne révolutionnera pas leur quotidien : reconnaissons-le.
On ne pourra atteindre l’égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes qu’en augmentant considérablement les salaires, à commencer par le SMIC, qu’il faut rehausser de 10 % à 20 %, et en alignant les minima en vigueur dans les branches féminisées sur ceux qui s’appliquent dans les branches majoritairement masculines. Il n’y a pas d’autre solution pour augmenter les revenus des femmes à bas salaire : je le répète, en majorité, ce sont les femmes qui sont au SMIC. (M. Mickaël Vallet applaudit.)
Bien sûr, une telle mesure représente un coût. Mais il faut que le monde professionnel cesse de faire des économies sur le dos des femmes. Il est plus que temps, dirai-je même, de leur rendre l’argent !
L’égalité économique et professionnelle des femmes et des hommes est un droit. Chaque avancée législative, chaque nomination de dirigeantes au sein des instances de gouvernance des entreprises, chaque condamnation pour discrimination à l’embauche en raison du sexe, chaque mesure de rattrapage salarial est une petite victoire de plus glanée au service d’un idéal, celui de l’égalité.
En créant un quota dans les comités exécutifs, le présent texte poursuit le chemin ouvert par les lois précédentes. Nous y sommes favorables. Les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont par ailleurs déposé un certain nombre d’amendements visant à améliorer cette proposition de loi, qu’il s’agisse de renforcer les obligations paritaires des entreprises ou de faciliter l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale.
Toutefois, nous regrettons certaines modifications opérées en commission, qui atténuent fortement la portée du texte. (M. Xavier Iacovelli acquiesce.)
Les mesures de lutte contre les stéréotypes sexistes dans l’enseignement secondaire et supérieur sont amoindries. Pourtant, c’est lors de l’orientation que s’enclenchent bien des mécanismes qui privent plus tard les filles de l’accès aux domaines d’activité les plus rémunérateurs, aux emplois techniques et aux fonctions de pouvoir. La publication de l’ensemble des indicateurs de l’index égalité pour le secteur privé est de surcroît repoussée : ce n’est pas ainsi que l’on fera progresser l’égalité professionnelle.
J’ajoute que, dans ce texte, les avancées en matière d’amélioration de la place des femmes dans le milieu professionnel s’arrêtent aux frontières du secteur privé : aucune disposition n’est prévue pour le public. Or la fonction publique attend toujours des améliorations, alors que l’État employeur devrait être exemplaire. Les résultats obtenus en matière de féminisation de l’accès aux emplois d’encadrement supérieur et dirigeant s’améliorent, mais ils restent trop contrastés.
Enfin, quel que soit le volontarisme politique de cette proposition de loi, puis de son application, l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes ne sera pas atteint tant que les violences sexuelles et sexistes infligées aux femmes ne seront pas éradiquées. À ce titre, je regrette l’absence de dispositions de protection des femmes face aux violences, alors même que le monde professionnel pourrait mieux contribuer à cette cause commune.
Nous avons déploré ensemble que, sur ce sujet, nos amendements aient été déclarés irrecevables ; ils auraient permis de mieux impliquer les entreprises dans la lutte contre les violences. Les propositions ne manquent pas en ce domaine ; elles émanent notamment des syndicats.
Pour les femmes victimes de violences conjugales, ce texte aurait pu être l’occasion de créer de nouveaux congés pour événements familiaux, une dispense de préavis pour démission ou encore une protection contre le licenciement. Ce sont là des solutions pragmatiques, utiles immédiatement pour des victimes qui doivent déjà suivre un parcours difficile, mais salutaire, vers la sortie des violences.
Mes chers collègues, on ne fera pas avancer la cause des femmes en traitant séparément des violences, de l’égalité professionnelle et du partage des tâches domestiques. La domination patriarcale est systémique ; il faut l’appréhender de manière systémique ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mmes Colette Mélot, Annick Billon et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a dix ans, la loi Copé-Zimmermann imposait des quotas de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des grandes entreprises. À l’époque, il s’agissait de franchir une étape décisive dans le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette législation faisait de la France un pays avant-gardiste en la matière.
Les quotas fonctionnent, il faut le souligner. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes le certifie : dès lors qu’ils sont institués et qu’un suivi est assuré, la loi est un succès, avec 44,6 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises du CAC 40. En l’absence de quotas, les résultats sont plus faibles, avec moins de 20 % de femmes parmi les administratrices des entreprises cotées sur la plateforme Euronext Growth, par exemple.
Toutefois, dix ans après, force est de constater que les effets escomptés ne sont pas totalement satisfaisants et que de fortes inégalités perdurent dans bien des domaines.
Le constat s’impose, qu’il s’agisse des revenus – à poste égal, les femmes gagnent 10 % de moins que les hommes et seules 6 % des entreprises françaises versent des salaires égaux –, de la sécurité au travail – 30 % des Françaises ont déjà été harcelées ou agressées sexuellement sur leur lieu de travail (Mme la ministre le confirme.) –, de la formation – en 2018, les femmes ne représentaient que 34 % des bénéficiaires de contrats d’apprentissage dans le secteur privé –, du financement – elles ont 30 % de chances en moins d’être financées par les principaux fonds de capital-risque que les hommes – ou encore de l’entrepreneuriat – elles ne représentent que 27 % des dirigeants d’entreprise.
Cette réalité nous impose d’agir, comme législateur et comme citoyens. Elle nous demande, à nous, les hommes, d’être des alliés.
Face à ce constat, le Gouvernement a pris des engagements forts en matière d’égalité entre les femmes et les hommes dans un certain nombre de secteurs.
Je pense à la fonction publique, avec la loi du 6 août 2019, qui favorise l’égalité professionnelle et la prévention des discriminations, notamment en instaurant un plan pluriannuel visant à garantir l’égal accès des femmes et des hommes aux corps, cadres d’emplois, grades et emplois de la fonction publique.
Je pense à l’enseignement supérieur et la recherche, avec la loi de programmation de la recherche du 24 décembre 2020.
Je pense également au monde de l’entreprise, avec la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a créé l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce dernier exemple illustre la nécessité d’aller encore plus loin. En effet, si 70 % des entreprises ont publié leur index en 2021, seulement 56 % des entreprises affichent un score supérieur à 75. Il s’agit de passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat : si le score est inférieur à 75, l’entreprise sera tenue d’instaurer des mesures correctives dans un délai de trois ans.
Je pense, enfin, à l’allongement du congé de paternité, véritable outil au service de la justice sociale : cette mesure permet d’assurer un rééquilibrage des tâches familiales et, partant, de promouvoir l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (Mme la ministre acquiesce.), même si, à titre personnel, je souhaiterais que nous allions plus loin encore.
C’est dans ce contexte que nous examinons la proposition de loi de notre collègue Marie-Pierre Rixain, laquelle permet de franchir une étape supplémentaire, dans la continuité des réformes engagées. Son adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale envoie un message fort à la société, une note d’espoir ; elle témoigne d’un engagement total en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Le présent texte comporte un certain nombre de dispositions en ce sens.
Il améliore le droit au compte, même en cas de compte joint, pour assurer aux salariées une maîtrise de leurs revenus. Cette garantie est essentielle, notamment en cas de violences conjugales : grâce à elle, les femmes ne seront plus dépendantes financièrement de leur conjoint violent.
Aux bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant, il donne accès à des dispositifs de formation professionnelle. En parallèle, il offre aux femmes enceintes un droit au télétravail, ce qui constitue une avancée majeure.
Il améliore également la transparence de l’index de l’égalité professionnelle et permet un meilleur accès des femmes aux fonds d’investissement. Ce faisant, il tire les conséquences de la situation actuelle.
Enfin, il vise à renforcer la parité dans les instances dirigeantes, dans la continuité de la loi Copé-Zimmermann.
Je tiens à saluer le travail de la rapporteure et l’esprit qui a guidé nos votes en commission afin de préserver l’équilibre du texte.
Notre rapporteure y a apporté un certain nombre de modifications. Je pense par exemple à l’article 8, qui introduit des objectifs de mixité dans la politique de soutien à la création et au développement d’entreprises et précise l’entrée en vigueur de certaines dispositions prévues.
Cela étant, quelques points de désaccord persistent, en particulier au sujet de l’article 3 bis, qui donnait aux femmes enceintes le droit d’opter pour le télétravail dans leur dernier trimestre de grossesse.
Il s’agissait d’une réelle avancée, au regard des effets positifs du télétravail sur la néonatalité, à la fois pour la santé des mères et pour les nouveau-nés.
Mme la rapporteure souhaite privilégier l’accord collectif ou la charte au sein des entreprises en matière d’accès au télétravail, mais cette position ne nous semble pas satisfaisante. Nous proposerons donc de rétablir cette disposition, qui répond d’ailleurs à l’un des objectifs du présent texte : elle offre une indéniable flexibilité aux futures mamans en garantissant un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
À l’article 4, nous défendrons un amendement visant à reconnaître et à encadrer dans la loi les crèches à vocation d’insertion professionnelle, afin d’encourager leur création. Ces structures doivent jouer un rôle de levier pour améliorer l’accessibilité à l’emploi des parents qui en sont éloignés, à commencer par les femmes.
Madame la ministre, en tout état de cause, nous nous réjouissons de débattre aujourd’hui d’enjeux aussi centraux que ceux de l’égalité entre les femmes et les hommes, et ce au lendemain des premières assises de l’égalité économique et professionnelle, que vous avez organisées.
Les gouvernements successifs, en particulier celui-ci, ont déjà beaucoup fait ; mais il reste du chemin à parcourir pour garantir l’égalité entre les femmes et les hommes, principe d’ordre constitutionnel depuis 1946. L’adoption de cette proposition de loi permettra de réelles avancées : c’est pourquoi les élus de notre groupe la soutiendront.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2017, le Président de la République a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son quinquennat.
Le présent texte est issu de cet engagement. Il vient compléter les mesures prises par le Gouvernement à la suite du Grenelle contre les violences conjugales, comme le bracelet anti-rapprochement, par des dispositions visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle entre les hommes et les femmes.
Le constat est sans appel : à poste équivalent, les femmes gagnent en moyenne 10 % de moins que les hommes. La raison principale est le recours au temps partiel. Les emplois dont il s’agit sont occupés à 80 % par des femmes, dans une société où la répartition des rôles au sein de la famille reste inégalitaire et marquée par des stéréotypes tenaces.
Il est de la plus grande importance de faciliter autant que possible la conciliation entre l’activité professionnelle et la vie familiale des femmes, en particulier pour les familles monoparentales, tout en renforçant la féminisation des postes à responsabilités et de certaines filières pour atteindre une représentation plus équilibrée des femmes dans la société.
Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale contient d’importantes avancées favorisant l’émancipation financière et professionnelle des femmes. Il s’attaque au plafond de verre, qui ferme un certain nombre de postes à responsabilités aux femmes, en instaurant un objectif clair : atteindre, en 2030, 40 % de femmes parmi les cadres dirigeants des entreprises de plus de 1 000 salariés. La loi Copé-Zimmermann a imposé cet objectif pour les conseils d’administration des entreprises et, avec dix années de recul, nous savons que ce dispositif fonctionne.
Sur un autre plan, l’épreuve de la crise sanitaire a démontré, en généralisant le télétravail à grande échelle, qu’une autre forme d’organisation du travail était possible. Nous savons que de nombreux salariés ont apprécié les effets positifs du télétravail sur leur qualité de vie. Il a notamment limité les temps de transport et la fatigabilité associée. Ce qui est vrai pour de nombreux salariés l’est davantage encore pour les femmes enceintes et pour les jeunes parents.
Mes chers collègues, c’est la raison pour laquelle je souhaite rétablir l’article 3 bis, adopté par l’Assemblée nationale, mais supprimé par notre commission des affaires sociales. Cet article instaurait un droit au télétravail pour les femmes enceintes douze semaines avant leur congé de maternité. Pour ma part, je vous proposerai d’aller plus loin, en étendant cette possibilité après l’accouchement, seize semaines suivant la fin du congé de maternité.
Avec ces amendements, je vous proposerai d’adopter une mesure concrète qui bénéficiera à de nombreuses femmes dont les missions peuvent être effectuées à distance.
En créant un droit au télétravail, nous améliorons la qualité de vie des femmes enceintes et nous facilitons le recours à l’allaitement pour les femmes qui le souhaitent. Surtout, nous entendons favoriser la poursuite de l’activité professionnelle : les femmes ne doivent pas avoir à choisir entre l’allaitement exclusif au cours des six premiers mois, que recommande au demeurant l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et la reprise de leur travail.
Je précise que l’employeur serait en droit de refuser une demande de télétravail si les fonctions occupées par la salariée ne pouvaient pas être exercées à distance.
Ces dispositions très concrètes seraient sans conséquence sur les finances publiques ou sur les finances de l’entreprise. En revanche, elles représenteraient une avancée considérable en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes comme en matière de santé publique.
« Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de les franchir ; vous n’avez qu’à le vouloir » : dès 1791, Olympe de Gouges, première des féministes, plaçait l’émancipation des femmes au cœur de notre projet commun.
Le chemin vers l’égalité entre les hommes et les femmes est long à parcourir, mais le but visé se rapproche. Les dispositions du présent texte représentent une étape supplémentaire dans cette direction. Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront donc cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « les femmes sont une catégorie à part et ce qu’il faut arriver à faire justement, c’est qu’elles cessent de l’être ». Prononcée par Françoise Giroud, première secrétaire d’État à la condition féminine, en 1974, cette phrase est encore criante de vérité et d’actualité.
La proposition de loi examinée aujourd’hui par notre chambre vise à accélérer l’égalité professionnelle et économique entre les femmes et les hommes : c’est une grande ambition et un honorable objectif que de parvenir, par exemple, à un équilibre parfait dans la représentation des femmes au sein des instances dirigeantes.
Certains parlent de féminisation de ces instances ; pour ma part, je m’y refuse. Nous ne féminisons pas la société, nous ne faisons que rendre aux femmes la place qu’elles devraient occuper depuis bien longtemps.
Ainsi, je ne peux que saluer les avancées notables de ce texte pour lutter contre les violences économiques faites aux femmes, les accompagner lorsqu’elles sont engagées dans un parcours d’insertion professionnelle, instaurer des mécanismes de comptage des hommes et des femmes et, enfin, combattre les stéréotypes de sexe, notamment dans les établissements d’enseignement supérieur.
Membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, j’ai participé à la rédaction d’un rapport sur la parité dans les chambres et les ordres professionnels ; dix ans après la loi Copé-Zimmermann, je me félicite que la proposition émise dans ce cadre – introduire des quotas dans les comités de direction et les comités exécutifs – ait été reprise. Toutefois, le constat est sans appel : les femmes demeurent exclues des fonctions à hautes responsabilités.
On le voit clairement : l’accès des femmes à ces postes ne se fait pas au fil du temps par autorégulation des acteurs. Elle ne peut advenir qu’en étant imposée par des quotas assortis de sanctions. On le vérifie dans de nombreux cas, en particulier dans la sphère politique : là où la loi sur la parité ne s’applique pas, les femmes sont sous-représentées. Dès lors, continuons à faire évoluer nos lois pour enfin permettre une véritable représentativité de la société !
Si les quotas sont efficaces pour atteindre la parité numérique, ils ne sont pas l’unique solution pour l’égalité. Ils n’en constituent pas moins un outil indéniable au service du progrès social.
Instaurer des quotas ne revient pas à privilégier une femme au détriment d’un homme, mais au profit d’une assemblée, d’un territoire ou d’une entreprise. Les femmes sont plus diplômées, mais moins représentées, surtout lorsqu’il s’agit de postes à grandes responsabilités : ne voyez-vous pas une erreur dans l’équation ?
Mes chers collègues, vous l’aurez compris : je suis pleinement acquise à l’objet de ce texte. Bien sûr, je salue l’effort accompli par l’Assemblée nationale et par notre rapporteure, Laurence Garnier, notamment pour construire une définition claire et consensuelle des instances dirigeantes, laquelle a tant manqué par le passé.
Ces travaux permettent d’apprécier le chemin parcouru tout en mesurant celui qu’il reste à accomplir. Au total, les comités exécutifs et les comités de direction ne dénombrent que 19 % de femmes : nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un tel chiffre. S’en contenter, c’est accepter que 52 % de la population n’ait accès qu’à 19 % des postes de décision ou, en d’autres termes, que 48 % des Français monopolisent 81 % des sphères de pouvoir.
Admettre, encore et toujours, cette situation en 2021, c’est continuer à donner des gages à la discrimination. Or l’égalité, comme la liberté, ne s’accorde pas à moitié, elle doit être pleine et entière. On n’est pas à moitié égal ou à moitié libre : puisque l’organisation spontanée ne parvient pas à garantir l’égalité pleine et entière, la seule réelle, c’est le rôle de la loi de corriger ce mécanisme discriminatoire.
M. Fabien Genet. Très bien !
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Les quotas sont le seul moyen démocratique d’y parvenir, car ils produisent un effet immédiat d’égalité. C’est une pierre supplémentaire que nous nous apprêtons à poser en votant ce texte : de telles dispositions sont nécessaires à l’édifice que nous bâtissons et il est certain que nous continuerons ce combat, femmes et hommes, ensemble ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Elsa Schalck. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’égalité entre les femmes et les hommes est une priorité qui nous concerne toutes et tous : cet enjeu majeur transcende les différents pans de notre société.
De nombreuses évolutions, notamment législatives, ont déjà permis des avancées considérables, mais nous savons que le combat de l’égalité demeure un combat permanent : d’une part, rien n’est jamais acquis dans ce domaine ; d’autre part, il est indispensable d’accompagner les avancées nouvelles.
La proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, que nous examinons aujourd’hui, est un nouveau pas à saluer, et j’en remercie son auteur, le députée Marie-Pierre Rixain.
Je tiens également à souligner le travail de notre collègue rapporteur, Laurence Garnier, qui a contribué, grâce à de nombreuses auditions, à donner une portée réelle et concrète à cette proposition de loi.
Le fait d’être une femme reste le premier facteur d’inégalité dans l’environnement professionnel. Cette inégalité prend souvent racine dès la formation et l’orientation, avant de perdurer tout au long de la carrière.
Il y a dix ans, la loi Copé-Zimmermann était adoptée. En 2011, les conseils d’administration ne dénombraient que 15 % de femmes. En 2021, cette proportion est désormais de 46 %. Ainsi – les précédents orateurs l’ont rappelé –, la France occupe désormais le premier rang mondial en la matière.
Dans le même temps, il ressort d’un récent rapport de la délégation sénatoriale aux droits des femmes que la loi de 2011 n’a pas entraîné une féminisation de la gouvernance et de la direction de toutes les entreprises.
Le constat est clair : la parité reste limitée dans les conseils d’administration des plus petites entreprises non cotées de plus de 250 salariés. Les femmes accèdent moins souvent que les hommes aux comités les plus stratégiques et les plus rémunérateurs. Le plafond de verre reste malheureusement une réalité au sein des comités exécutifs et des comités de direction.
Cet état des lieux nous démontre l’utilité des quotas, qui, même s’ils demeurent des outils imparfaits, sont les seuls à même d’obtenir certains changements.
Le présent texte impose une représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi les cadres dirigeants des entreprises. En ce sens, il répond à la fois à une réalité et à un besoin.
Je salue son caractère réaliste, ambitieux et équilibré, qu’il s’agisse du seuil de 1 000 salariés inscrit dans le texte, des quotas retenus ou du calendrier prévu.
Inciter les entreprises dans un premier temps, plutôt que de les contraindre ; encourager, plutôt que de punir ; accompagner les changements, plutôt que les ordonner : tels sont les principes directeurs de ce texte.
Pour ma part, j’insisterai sur deux points qui me paraissent particulièrement importants.
Le premier, c’est le rôle clef de l’orientation. Le choix des études et d’une profession reste très sexué ; ainsi, 50 % des femmes se concentrent sur 15 % des métiers. Nous souhaitons que, demain, les femmes soient plus nombreuses parmi les cadres dirigeants ; mais encore faut-il pouvoir les orienter au mieux, les former et les inciter à prendre de telles voies professionnelles.
En renforçant l’égalité des chances dans le système éducatif et dans l’enseignement supérieur, ce texte va dans le bon sens. D’ailleurs, de nombreuses initiatives locales existent en la matière, à l’instar du prix régional pour l’égalité femmes-hommes et la mixité des métiers créé par le conseil régional du Grand Est.
Le second, c’est la nécessité de lever les freins périphériques pour accompagner les femmes vers l’emploi, assurer leur retour dans la sphère du travail et parvenir à une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale.
À cet égard, la formation continue reste un enjeu majeur. En effet, dix mois après la naissance de leur second enfant, seules 5 % des femmes ont eu accès à une formation d’au moins dix-huit heures.
La confiance des femmes en elles-mêmes est un facteur tout aussi important. Il est nécessaire d’inciter les femmes à prendre des responsabilités. À ce titre, je salue tout particulièrement trois dispositions de cette proposition de loi : l’accès à des dispositifs de formation pour les bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant ; le soutien à l’entrepreneuriat des femmes ; et l’extension de l’accès aux crèches aux familles monoparentales.
Madame la rapporteure, j’approuve la réécriture de l’article 3 bis, qui ouvrait aux salariées enceintes la possibilité de solliciter douze semaines de télétravail avant le début de leur congé de maternité. À mon sens, il s’agissait là d’une fausse bonne idée. Le télétravail doit être un outil au service de l’employeur et du salarié. Il ne doit en aucun cas conduire à creuser les inégalités.
M. Fabien Genet. C’est vrai !
Mme Elsa Schalck. La nouvelle écriture du texte, qui donne toute sa place au dialogue social au sein de l’entreprise, paraît donc plus appropriée.
Mes chers collègues, nous avons un devoir collectif : tout faire pour parvenir à une égalité réelle en donnant les mêmes chances et les mêmes possibilités aux femmes et aux hommes. C’est ce à quoi nous invite cette proposition de loi en matière professionnelle et économique.
Pour toutes les raisons que j’ai indiquées – vous l’avez compris –, les membres du groupe Les Républicains voteront cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle
Article 1er
I. – L’article L. 3241-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « dont le salarié est le titulaire ou le cotitulaire » ;
2° (nouveau) Le même premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le salarié ne peut désigner un tiers pour le recevoir. » ;
3° (nouveau) Le dernier alinéa est complété par les mots : « dont le salarié est le titulaire ou le cotitulaire ».
II. – Le I entre en vigueur un an après la publication de la présente loi.
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
ne peut désigner
par les mots :
peut désigner, par mandat écrit uniquement,
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires vise à permettre au salarié de désigner, par mandat écrit uniquement, un tiers pour recevoir son salaire.
Évidemment, nous approuvons les objectifs des premiers articles de cette proposition de loi : il faut bel et bien lutter contre la violence économique au sein du couple en assurant l’autonomie financière des femmes. Cela étant, l’interdiction de désigner un tel tiers pourrait porter préjudice aux personnes en situation de pauvreté ou de grande pauvreté.
Les associations de lutte contre la précarité, que nous avons consultées, rappellent que l’effectivité du droit au compte n’est pas toujours assurée.
De plus, l’interdiction de la désignation d’un tiers pourrait empêcher certaines pratiques vertueuses – je pense par exemple à la péréquation de salaire, pour laquelle les volontaires permanents d’ATD Quart Monde peuvent opter en s’engageant.
Il est essentiel de bien évaluer l’impact des mesures, si généreuses soient-elles, sur les plus démunis. Ainsi, comme l’a fait Mme la rapporteure en commission via un amendement déposé sur l’article 2, nous proposons d’appliquer un principe de précaution : cette désignation de tiers doit être demandée spécifiquement par mandat écrit du salarié concerné.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Ma chère collègue, la rédaction actuelle de l’article 1er n’interdit pas le versement du salaire en espèces, du moins en deçà d’un seuil de 1 500 euros. Il en est de même des prestations sociales : nous l’avons d’ailleurs explicitement précisé à l’article 2.
De plus, nous avons examiné le cas des volontaires d’ATD Quart Monde, que vous citez : tel qu’il est proposé, ce dispositif n’empêche pas la péréquation. En effet, les volontaires de cette association perçoivent leur salaire sur un compte personnel avant d’en reverser une partie.
Aussi, j’émets un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Vous l’aurez compris, madame la sénatrice, l’objectif de cet article est de protéger les femmes qui sont déjà victimes de violences. Même si j’entends les arguments que vous nous opposez, je suivrai Mme la rapporteure en émettant un avis défavorable.
M. le président. Madame Poncet Monge, l’amendement n° 17 rectifié est-il maintenu ?
Mme Raymonde Poncet Monge. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
Le I de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La détention d’un compte collectif par une personne physique mentionnée au présent article ne fait pas obstacle au droit à l’ouverture d’un compte individuel dans les conditions prévues au présent article. » – (Adopté.)
Article 2
I. – Ne peuvent pas être versées à un compte bancaire ou postal dont le bénéficiaire n’est pas titulaire ou cotitulaire les prestations mentionnées aux articles L. 5422-1 et L. 5424-25 du code du travail, aux articles L. 168-1, L. 321-1, L. 331-3, L. 331-8, L. 331-9, L. 333-1, L. 341-1, L. 351-1, L. 351-7, L. 356-1 et L. 361-1, aux 2° et 4° de l’article L. 431-1, aux articles L. 491-1, L. 622-1, L. 622-2, L. 623-1, L. 632-1, L. 634-2, L. 634-3, L. 635-1 du code de la sécurité sociale, aux articles L. 732-4, L. 732-8, L. 732-10, L. 732-10-1, L. 732-12-1 à L. 732-12-3, L. 732-18, L. 732-23, L. 732-24, L. 732-52, L. 732-54-5, L. 732-60 et L. 732-63 ainsi qu’aux 2° et 3° de l’article L. 752-3 du code rural et de la pêche maritime.
II. – Le I entre en vigueur un an après la publication de la présente loi. – (Adopté.)
Article 3
L’article L. 531-4-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les parties à la convention s’assurent de l’accès des bénéficiaires de la prestation qui ont au moins un enfant à charge à des actions de formation pendant une période de deux ans, qui débute un an avant l’expiration de leurs droits à la prestation. L’institution mentionnée au premier alinéa du présent article informe de la fin de la formation l’organisme débiteur des prestations familiales, qui poursuit le versement de la prestation jusqu’à l’expiration des droits du bénéficiaire. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La convention fixe les modalités de suivi du dispositif propres à mesurer la bonne atteinte de ses objectifs, dont le taux de bénéficiaires occupant un emploi six mois après la fin de la formation, ainsi que les modalités de publication du degré de satisfaction de ces objectifs. » – (Adopté.)
Article 3 bis
Le II de l’article L. 1222-9 du code du travail est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Les conditions dans lesquelles les salariées enceintes peuvent accéder à une organisation en télétravail. »
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 29, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mmes M. Filleul et Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 1222-9 du code du travail, il est inséré un article L. 1229-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1229-…. – Le télétravail est de droit, au moins deux jours par semaine, pour toute salariée enceinte dont les missions sont éligibles à cette forme d’organisation du travail et qui en fait la demande. Ce droit prévaut à compter du deuxième trimestre de grossesse. La liste des missions éligibles au télétravail est définie par accord de branche ou, à défaut, par accord d’entreprise. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à aller plus loin, en matière d’organisation du télétravail pour les femmes enceintes, que la rédaction initiale de l’article adoptée par l’Assemblée nationale, qui employait le verbe « pouvoir ».
Avec cet amendement, nous entendons créer un véritable droit à bénéficier du télétravail, opposable aux employeurs, pour les femmes enceintes, dans la limite de deux jours par semaine à compter du deuxième trimestre de la grossesse. Il reviendrait aux partenaires sociaux de définir les missions éligibles au télétravail.
Je pense aux femmes de mon département, l’Oise, qui pour beaucoup d’entre elles travaillent en Île-de-France : les temps de transport sont extrêmement pesants. Je n’ai pas oublié une donnée particulièrement intéressante constatée pendant la période du confinement : celle de la baisse importante des accouchements prématurés. Le fait que les femmes aient été à la maison, confinées, a fait baisser le nombre d’accouchements prématurés, ce qui montre bien le lien entre travail, déplacements et prématurité.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par Mme Mélot, MM. Malhuret, Lagourgue, Wattebled, Guerriau, Chasseing, Médevielle, Menonville, Decool et Verzelen, Mme Paoli-Gagin et M. A. Marc, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1225-17 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande, et sous réserve que ses missions puissent être exécutées hors des locaux de l’employeur, conformément à l’article L. 1222-9, la salariée bénéficie du télétravail à temps partiel ou à temps complet dans les douze semaines précédant son congé de maternité et dans les seize semaines suivant ce congé. »
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Cet amendement vise à établir un droit au télétravail pour les femmes enceintes, pendant douze semaines avant leur congé de maternité, et pour les femmes ayant accouché, pendant seize semaines suivant ce congé, afin de favoriser l’allaitement maternel durant les six premiers mois de la vie de l’enfant, comme le préconise l’Organisation mondiale de la santé.
Il s’agit d’améliorer les conditions de travail des femmes enceintes et de favoriser la poursuite du travail jusqu’au moment du congé de maternité, un mois et demi avant le terme. Ce nouveau droit me semble tout à fait justifié ; il correspond aux évolutions actuelles de la société en matière d’organisation du travail et d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des femmes.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mme Mélot, MM. Malhuret, Lagourgue, Wattebled, Guerriau, Chasseing, Médevielle, Menonville, Decool et Verzelen, Mme Paoli-Gagin et M. A. Marc, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1225-17 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande, et sous réserve que ses missions puissent être exécutées hors des locaux de l’employeur, conformément à l’article L. 1222-9, la salariée bénéficie du télétravail à temps partiel ou à temps complet dans les douze semaines précédant son congé de maternité. »
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Nous souhaitons rendre pleinement effectif le droit à l’allaitement inscrit dans le code du travail, à raison d’une heure par jour répartie entre le matin et le soir, en ouvrant un droit au télétravail jusqu’à six mois après la naissance.
Il ne s’agit pas de confondre télétravail et garde d’enfant, car les femmes auraient bien entendu la possibilité de faire garder leur enfant à domicile pendant les horaires de travail, comme cela est de plus en plus pratiqué avec le développement du télétravail.
Les femmes sont actuellement confrontées à un choix difficile entre poursuite de l’allaitement et reprise du travail, ce qui incite les jeunes mères soit à renoncer à l’allaitement exclusif les six premiers mois, soit à retarder la reprise de leur activité professionnelle. La société évolue, tout comme les modes d’organisation du travail : il nous semble que notre rôle est d’accompagner ces changements.
Cette disposition aurait un impact positif à trois égards : elle renforcerait l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en favorisant la conciliation entre travail et maternité ; elle améliorerait le niveau de santé publique puisque, je le rappelle, l’allaitement maternel est un facteur protecteur contre un certain nombre de maladies pour l’enfant et la mère ; enfin, elle constituerait une mesure de politique familiale favorisant la maternité sans pénaliser le travail.
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié, présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1225-17 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande, et sous réserve que ses missions puissent être exécutées hors des locaux de l’employeur, conformément à l’article L. 1222-9, la salariée bénéficie du télétravail dans les douze semaines précédant son congé de maternité. »
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Cet amendement tend à accorder aux femmes enceintes qui le demandent un droit au télétravail dans les douze semaines précédant le congé maternité, lorsque cela est possible.
Plusieurs études, dont une menée au Danemark et une autre en Irlande, ont en effet montré que le recours au télétravail imposé par la pandémie avait eu un effet positif sur la santé des futures mères et des futurs nouveau-nés. Le confinement a conduit à une diminution du nombre de naissances prématurées. Les chiffres restent certes approximatifs, puisque certains hôpitaux français ont estimé cette baisse à 20 % et d’autres à 15 %. Il semblerait toutefois que le télétravail permette aux futures mères de travailler dans un cadre moins bruyant et moins stressant, et de limiter les trajets qu’elles doivent sinon accomplir pour se rendre sur leur lieu de travail. Le télétravail favoriserait ainsi des grossesses plus saines et moins éprouvantes.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 73 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 86 est présenté par MM. Iacovelli, Lévrier et Théophile, Mmes Havet et Cazebonne, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1225-17 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande, et sous réserve que ses missions puissent être exécutées hors des locaux de l’employeur, conformément à l’article L. 1222-9, la salariée peut bénéficier du télétravail, dans les douze semaines précédant son congé de maternité. »
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 73.
Mme Laurence Cohen. À l’instar de mes collègues, je propose de revenir sur la disposition réécrite par Mme la rapporteure à l’article 3 bis concernant les femmes enceintes.
L’objectif initial de la disposition introduite par l’Assemblée nationale était de permettre aux femmes enceintes de bénéficier d’un droit au télétravail douze semaines avant leur congé maternité. Le bénéfice de cette forme d’organisation du travail est évident pour la santé de la salariée et de son futur bébé.
Si j’entends l’argument selon lequel il faut faire de la question du télétravail un thème central du dialogue entre partenaires sociaux, je ne crois pas que la rédaction que nous proposons pour cet article en fasse une injonction, comme le laisse entendre notre collègue Laurence Garnier dans son rapport. Nous avons en effet prévu que la salariée « peut » bénéficier du télétravail et nous précisons que cette mesure est prise sur la demande de la salariée, afin que le télétravail ne soit pas imposé.
Nous avons vu que le télétravail lié au confinement a surgi dans les entreprises, contribuant à un nouveau mode de travail. S’il a pu présenter un certain nombre d’opportunités pour certains salariés, il est évident que cette pratique doit être encadrée pour éviter les dérives. En France, quelque 5 millions de salariés ont ainsi dû exercer leur métier à la maison du jour au lendemain, sans y être préparés et sans encadrement pour la très grande majorité d’entre elles et d’entre eux.
Il est vrai que certains points doivent être réglés, mais je crois qu’inscrire dans la loi un droit pour les femmes enceintes et fixer une durée serait un véritable pas en avant.
Je suis consciente que cette disposition ne réglera pas le cas de toutes les salariées qui ne peuvent, de par leur métier, prétendre au télétravail, mêmes enceintes, non plus que celui des indépendantes. Néanmoins, je pense qu’elle serait un élément positif pour les femmes enceintes. Vous pouvez d’ailleurs constater, madame la rapporteure, madame la ministre, que les amendements en ce sens proviennent de toutes les travées de notre assemblée.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 86.
M. Xavier Iacovelli. La fatigue, le stress et les difficultés de mobilité sont autant de risques qui découlent des trajets effectués par les salariées enceintes entre leur domicile et leur lieu de travail.
Une solution existe : le télétravail, que nous avons tous évoqué sur ces travées. La pandémie nous l’a prouvé, le télétravail fonctionne : il permet à celles et ceux qui en ont besoin, lorsque cela est nécessaire, de travailler depuis leur domicile sans perdre le lien avec leur milieu professionnel, sans mettre en péril leur carrière et sans affecter leur travail.
C’est pourquoi l’article 3 bis, qui prévoit le droit de télétravailler, nous apparaît important et nécessaire pour éviter que ce droit ne soit refusé aux femmes enceintes. Tel est le but de notre amendement qui s’ajoute, nous le constatons, aux amendements similaires déposés par d’autres parlementaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Mes chers collègues, de nombreux arguments, que vous avez rappelés, plaident en faveur du télétravail. Mais beaucoup d’autres peuvent également être avancés pour que la possibilité de recourir au télétravail ne soit pas gravée dans le marbre de la loi.
La durée de douze semaines pourrait, tout d’abord, ne pas être adaptée à toutes les femmes. Divers schémas sont d’ailleurs prévus dans les différents amendements : il pourrait s’agir par exemple d’une heure le matin et d’une heure le soir, mais des systèmes différents ont aussi été proposés.
Ensuite, je veux dire à Mme Cohen que j’ai prêté attention à la rédaction de son amendement, aux termes duquel l’employeur « peut » autoriser la femme qui en fait la demande à bénéficier du télétravail. Certes ! Mais on peut tout de même craindre que cela constitue une forme d’injonction déguisée. Nous avons eu un débat similaire il y a quelques années au sujet du travail dominical : votre groupe était parmi les premiers à souligner – à mon avis, à juste titre – que prévoir qu’une personne « peut » travailler le dimanche pouvait être perçu comme une injonction déguisée.
Nous considérons aujourd’hui que le dialogue social au sein de l’entreprise permettra un meilleur ajustement à la demande réelle des femmes et aux questions liées au télétravail. Je rappelle que l’accord national interprofessionnel sur le télétravail, qui a été précédé d’une négociation, n’a même pas un an. Il faut laisser le dialogue social se dérouler sur ce dossier.
La commission émet donc un avis défavorable sur les six amendements en discussion commune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Comme Mme la rapporteure vient de l’expliquer clairement, la mise en œuvre du télétravail doit s’appuyer sur le dialogue social qui a lieu au sein de l’entreprise entre les salariés et l’employeur. De nombreux accords ont d’ailleurs déjà prévu cette possibilité. Je le rappelle, l’adaptation du poste et la situation des femmes enceintes relèvent de la compétence du médecin du travail.
Quant à la capacité d’une salariée de continuer à travailler, que ce soit en présentiel ou en distanciel, elle dépend essentiellement de son état physique, sous le contrôle du médecin qui assure son suivi médical.
L’approche doit être individuelle. Je ne pense pas que légiférer sur ce sujet puisse aider les femmes – certaines pourraient même, avec les dispositifs proposés, être contraintes de télétravailler alors qu’elles auraient pu bénéficier d’un arrêt de travail.
Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.
M. le président. En conséquence, l’article 3 bis est ainsi rédigé, et les amendements nos 62 rectifié, 73, 86, 87, 18 et 48 n’ont plus d’objet.
Après l’article 3 bis
M. le président. L’amendement n° 49, présenté par Mmes M. Filleul, Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mme Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du dernier alinéa du I de l’article L. 1222-9 du code du travail, après les mots : « présent code », sont insérés les mots : « , un salarié assumant seul la charge d’un ou de plusieurs enfants ».
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. La monoparentalité, qui concerne une femme dans 85 % des cas, place celle-ci dans une situation de fragilité accrue sur le marché du travail, notamment lorsque ses enfants sont en bas âge.
Ainsi, lorsqu’ils ont moins de trois ans, seuls 41 % des enfants de foyers monoparentaux ont une mère occupant un emploi, contre 63 % des enfants vivant avec des parents en couple. Par ailleurs, les mères des foyers monoparentaux sont également celles qui supportent le plus de temps partiel subi : 47 % de celles qui ont un emploi à temps partiel souhaiteraient travailler davantage.
Afin de favoriser le maintien ou la reprise d’une activité professionnelle des salariés à la tête d’une famille monoparentale, il faut proposer des solutions. Nous considérons que le télétravail est un moyen parmi d’autres d’améliorer l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale, notamment du fait de la flexibilité qu’il permet dans l’organisation d’une journée.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons l’encourager pour les personnes assumant seules la charge d’un ou plusieurs enfants en introduisant l’obligation pour les employeurs de motiver leur refus à une demande émanant d’un salarié à la tête d’une famille monoparentale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Aux termes de cet amendement, l’employeur devrait motiver sa décision lorsqu’un salarié assumant seul la garde de ses enfants formule une demande de recours au télétravail.
Il est important de rappeler que, d’une manière générale, l’employeur qui refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à ce mode d’organisation doit motiver sa réponse. Il ne semble donc pas utile d’allonger davantage la liste des cas nécessitant un formalisme supplémentaire.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Je l’ai dit précédemment, la situation des familles monoparentales retient particulièrement notre attention. Ces salariés doivent être protégés. C’est la raison pour laquelle de nombreux accords collectifs, témoignant d’un souci de développer une politique inclusive, leur octroient déjà des droits spécifiques, comme des jours de congés supplémentaires ou la participation au titre du chèque emploi service universel (CESU) majoré.
Le dialogue social, je le redis, doit constituer un levier tout à fait essentiel pour privilégier ce type de public. Telle est l’option choisie par le Gouvernement depuis les ordonnances de 2017 ; c’est également le souhait que les partenaires sociaux ont formulé dans l’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail.
Le cadre juridique existant en matière de télétravail est suffisamment souple et complet pour permettre une plus grande diffusion de cette pratique et répondre à l’aspiration des salariés et des employeurs à repenser l’organisation de leur travail. Il n’est donc pas, à notre avis, opportun de modifier la loi au risque de perdre en lisibilité.
Par ailleurs, il faut veiller à ne pas créer des injonctions contradictoires : le télétravail n’est pas une affaire de garde d’enfant !
Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 49.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4
I. – L’article L. 214-7 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2021-611 du 19 mai 2021 relative aux services aux familles, est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
aa) (Supprimé)
a) Après le mot : « personnes », sont insérés les mots : « mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 262-9 ainsi que des personnes » ;
b) Après le mot : « professionnelle », sont insérés les mots : « , comprenant le cas échéant des périodes de formation initiale ou continue » ;
2° (Supprimé)
3° (nouveau) Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « III. – ».
II (nouveau). – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2022.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 30, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mmes M. Filleul et Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Après le premier alinéa, sont insérés six alinéas ainsi rédigés :
« II. – Sont considérés comme étant “à vocation d’insertion professionnelle” les établissements et services d’accueil des enfants de moins de six ans, mentionnés aux deux premiers alinéas de l’article L. 2324-1 du code de la santé publique, dont le projet d’établissement et le règlement intérieur prévoient l’accueil d’au moins 20 % d’enfants dont les parents sont demandeurs d’emploi et volontaires pour s’engager dans une recherche d’emploi intensive pouvant comprendre une période de formation. Cette part de leur capacité d’accueil est proposée en priorité aux personnes isolées, définies au dernier alinéa de l’article L. 262-9 du présent code, ayant la charge d’un ou de plusieurs enfants de moins de trois ans.
« Une convention passée entre au moins les ministres chargés de la famille et de l’emploi, l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail et la caisse mentionnée à l’article L. 223-1 du code de la sécurité sociale :
« 1° Précise les modalités de mise en œuvre des obligations auxquelles ces établissements et services sont soumis et, le cas échéant, les conditions dans lesquelles il peut y être dérogé ;
« 2° Définit les avantages de toute nature qui leur sont accordés le cas échéant en contrepartie ;
« 3° Précise les modalités de déclinaison locale des principes directeurs qu’elle définit au niveau national ;
« 4° Fixe les modalités de suivi du dispositif propres à mesurer la bonne atteinte de ses objectifs, dont la proportion d’enfants de personnes isolées accueillis dans ces établissements et services. »
II. – Alinéas 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à rétablir l’article 4 dans la version adoptée par l’Assemblée nationale : cette rédaction prévoyait de réserver aux familles monoparentales des places dans les crèches à vocation d’insertion professionnelle, dites « crèches AVIP ».
La commission n’a pas supprimé cette mesure par volonté d’exclure – du moins, je le souhaite ! – les familles monoparentales du bénéfice de ces places. Je sais qu’il n’existe pas de droit opposable en matière de places de crèche : la portée normative de la loi est donc limitée.
Pour autant, dès lors que ces crèches sont prévues dans le code de l’action sociale et des familles, il me paraît important de préciser que les familles monoparentales sont particulièrement concernées : les gestionnaires de crèches et les collectivités garderaient ainsi à l’esprit qu’il faut réserver quelques places en crèches AVIP aux familles monoparentales.
M. le président. L’amendement n° 88, présenté par MM. Iacovelli, Lévrier et Théophile, Mmes Havet et Cazebonne, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Après le premier alinéa, sont insérés six alinéas ainsi rédigés :
« II. – Sont considérés comme étant “à vocation d’insertion professionnelle” les établissements et services d’accueil des enfants de moins de six ans, mentionnés aux deux premiers alinéas de l’article L. 2324-1 du code de la santé publique, dont le projet d’établissement et le règlement intérieur prévoient l’accueil d’au moins 20 % d’enfants dont les parents sont demandeurs d’emploi et volontaires pour s’engager dans une recherche d’emploi intensive pouvant comprendre une période de formation. Cette part de leur capacité d’accueil est proposée en priorité aux personnes isolées, définies au dernier alinéa de l’article L. 262-9 du présent code, ayant la charge d’un ou de plusieurs enfants de moins de trois ans.
« Une convention passée entre au moins les ministres chargés de la famille et de l’emploi, l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail et la caisse mentionnée à l’article L. 223-1 du code de la sécurité sociale :
« 1° Précise les modalités de mise en œuvre des obligations auxquelles ces établissements et services sont soumis, et le cas échéant les conditions dans lesquelles il peut y être dérogé ;
« 2° Définit les avantages de toute nature qui leur sont accordés le cas échéant en contrepartie ;
« 3° Précise les modalités de déclinaison locale des principes directeurs qu’elle définit au niveau national ;
« 4° Fixe les modalités de suivi du dispositif propres à mesurer la bonne atteinte de ses objectifs, dont la proportion d’enfants de personnes isolées accueillis dans ces établissements et services. » ;
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Nous le savons, et l’Insee le rappelle dans un rapport, le taux d’emploi des femmes qui ont des responsabilités familiales est moins élevé que celui des femmes qui n’ont pas de telles responsabilités. La situation est inverse chez les hommes. L’inégalité est donc claire.
Pour remédier à cette inégalité, les crèches à vocation d’insertion professionnelle sont une solution efficace : elles permettent l’accueil des jeunes enfants de 0 à 3 ans de parents sans emploi, et l’accompagnement de ces derniers vers l’emploi ou la formation professionnelle.
Reconnaître dans la loi l’existence de ces crèches est important et nécessaire. L’Assemblée nationale a précisé que celles-ci devaient prévoir un seuil d’au moins 20 % de places pour accueillir les enfants des parents engagés dans une recherche d’emploi et appartenant à des publics ciblés, en particulier les familles monoparentales que vient d’évoquer Laurence Rossignol.
Cette précision nous apparaît pertinente. C’est pourquoi nous défendons aujourd’hui le rétablissement de cette disposition, afin non seulement d’encourager la création de ces crèches, mais également de nous assurer qu’elles pourront être un levier vers une meilleure accessibilité à l’emploi des parents qui en sont éloignés, en priorité des femmes.
En ce sens, il apparaît que ce dispositif a toute sa place dans le texte que nous examinons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. La commission a supprimé l’inscription de ce dispositif dans la loi parce que ces crèches existent déjà depuis plusieurs années. Madame Rossignol, je suis évidemment tout à fait favorable au développement de ces structures : je comprends votre objectif et je le partage, mais je ne pense pas qu’il soit utile de l’inscrire dans la loi.
À titre d’exemple, les amendements qui sont proposés tendent à figer à 20 % la proportion de places réservées, alors qu’il serait envisageable d’en prévoir davantage dans certains territoires – les crèches de certains quartiers vont déjà au-delà de ce taux.
Mme Laurence Rossignol. C’est un plancher, pas un plafond, madame la rapporteure !
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Certes, mais on figerait tout de même les choses dans la loi, alors que cela ne paraît nullement nécessaire pour permettre le développement de ces structures.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. J’entends l’avis de Mme la rapporteure, mais je suis d’accord avec les auteurs des amendements : il faut garantir une assise législative pour aller plus loin dans le déploiement des crèches AVIP sur l’ensemble du territoire.
Par conséquent, j’émets un avis favorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. J’ai bien entendu l’avis de Mme la rapporteure et je comprends ses arguments. Néanmoins, les travaux de la délégation aux droits des femmes ont mis en lumière la situation extrêmement difficile des familles monoparentales, dont le nombre va croissant. Nous avions travaillé sur ce sujet sous l’impulsion de Laurence Cohen.
Prévoir des places réservées dans ces crèches permettrait d’envoyer un signal fort à toutes ces familles qui subissent le travail précaire, des salaires moindres et des horaires hachés.
C’est pourquoi j’estime que l’on devrait rétablir l’article dans sa version initiale. Je voterai donc en faveur de ces amendements.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 88 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 4 bis
(Supprimé)
Article 4 ter
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À l’article L. 213-2 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « famille », sont insérés les mots : « , liés à la lutte contre les stéréotypes de genre et contre les inégalités de répartition des travaux domestiques ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à réintroduire dans ce texte la sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes de genre dès la grossesse et, une fois l’enfant né, durant les premiers mois de sa vie.
Si cette question semble primordiale dans la lutte contre les inégalités de sexe et de genre, les inégalités professionnelles et économiques sont aussi liées à une répartition inégale des tâches domestiques et familiales.
Je rappelle que, dans une étude portant sur le temps domestique et parental des hommes et des femmes, l’Insee a établi que les femmes consacrent chaque jour 4 heures 38 aux tâches domestiques et familiales, soit près de deux fois plus que leur compagnon.
Preuve que la société bouge peu sur ce plan, ou en tout cas beaucoup trop lentement, l’Organisation internationale du travail (OIT) estime, quant à elle, que les hommes n’ont augmenté leur part de travail domestique journalier que de sept minutes entre 1997 et 2012.
Par conséquent, cet amendement vise à rétablir l’article prévoyant de sensibiliser les parents à la lutte contre les stéréotypes de genre, en y ajoutant la lutte contre les inégalités de répartition des travaux domestiques et familiaux.
L’Union nationale des associations familiales serait défavorable à une telle mesure parce qu’elle l’appliquerait déjà. J’entends cet argument, mais le monde associatif a de tout temps été précurseur. L’aide à domicile, par exemple, a d’abord été pratiquée par les associations, avant d’être une prestation légale ou extralégale de la caisse régionale de l’assurance maladie (CRAM). Si l’UNAF le fait, c’est très bien, mais nous proposons que cette lutte contre les stéréotypes de genre et contre les inégalités de répartition des travaux domestiques soit inscrite dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. J’entends les arguments de Mme Poncet Monge. Pour autant, il nous semble que de nombreuses actions de sensibilisation pourraient relever du travail que conduisent les associations familiales. Aussi, prendre en compte le sujet de l’égale répartition du travail domestique sans évoquer celui de la lutte contre les violences faites aux femmes ne nous semble pas particulièrement pertinent.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Je veux rappeler que les missions des établissements d’information, de consultation et de conseil familial, telles qu’elles ont été modernisées en 2018, font déjà une très large place à la recherche d’une meilleure égalité entre les femmes et les hommes, objectif dont le corollaire est la lutte contre les stéréotypes de genre et a fortiori l’attention portée à la question de la répartition des charges domestiques.
Par conséquent, j’émettrai un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je veux rappeler que la loi sert à fixer des obligations et non à faire passer des messages de bonne conduite, aussi pertinents soient-ils.
Prévoir une sensibilisation à la répartition des tâches domestiques dans un texte législatif ne me semble pas d’une grande efficacité et ne contribue pas à revaloriser la loi.
Je profite de mon intervention pour dire un mot sur les amendements nos 30 et 88. Je comprends que l’on veuille réserver des places en crèche aux familles monoparentales : cela se fait déjà dans beaucoup de collectivités. Toutefois, madame la ministre, soyez vigilante sur le sujet, parce que ce sont autant de charges qu’on fait peser sur les collectivités. Les 20 % de places réservées ne pourront pas être données à d’autres familles : le taux de prise en charge par la caisse d’allocations familiales reversé aux collectivités sera réduit. J’aimerais que la CAF tienne compte des effets de la loi pour éviter de trop pénaliser financièrement les collectivités, même pour une bonne cause…
M. le président. En conséquence, l’article 4 ter demeure supprimé.
Article 5
I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° AA, 1° AB et 1° A (Supprimés)
1° BA Après l’article L. 401-2-1, il est inséré un article L. 401-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 401-2-2. – Les établissements d’enseignement scolaire disposant d’une formation d’enseignement supérieur rendent publiques des statistiques comportant des indicateurs permettant de mesurer la répartition par sexe des élèves dans les classes préparatoires aux grandes écoles.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. » ;
1° BB L’article L. 611-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À l’exception de l’accès aux formations de fonctionnaire stagiaire, lorsqu’un jury comportant trois membres ou plus est constitué pour l’accès aux formations d’enseignement supérieur dispensées par les établissements relevant d’un ou de plusieurs départements ministériels, sa composition respecte une proportion minimale de 30 % de personnes de chaque sexe. Par dérogation, pour les formations dans lesquelles la proportion d’un sexe est inférieure à 10 % de l’ensemble du personnel enseignant mentionné à l’article L. 952-1, le jury comporte au moins une personne de ce sexe. » ;
1° B L’article L. 611-5 est ainsi modifié :
a) Après le 6°, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° Veille à l’égal accès des étudiants de chaque sexe aux offres de stage et d’emploi. » ;
b) Le neuvième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce rapport précise la répartition des étudiants par sexe pour chacune des données qu’il présente. » ;
c) Après la première phrase de l’avant-dernier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elles précisent la répartition par sexe de ces taux d’insertion. » ;
1° L’article L. 612-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour chacune des formations sanctionnées par un diplôme d’études supérieures, les établissements mentionnés au troisième alinéa du présent article publient chaque année l’ensemble des indicateurs relatifs à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour réduire les inégalités, selon des modalités et une méthodologie définies par décret.
« Les conseils d’administration des établissements mentionnés au troisième alinéa délibèrent annuellement sur la politique d’égalité de l’établissement, sur la base des indicateurs relatifs à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes mentionnés au présent article. » ;
2° (Supprimé)
3° Au premier alinéa des articles L. 681-1, L. 683-1 et L. 684-1, la référence : « n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants » est remplacée par la référence : « n° … du … visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle ».
II. – Le I entre en vigueur deux ans après la publication de la présente loi.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 20, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir les 1° AB et 1° A dans la rédaction suivante :
1° AB Le deuxième alinéa de l’article L. 312-9 est complété par une phrase ainsi rédigée : « En outre, cette formation s’attache à lutter contre les stéréotypes de genre dans l’usage des outils et des ressources numériques et dans l’orientation professionnelle vers les secteurs de l’informatique et des nouvelles technologies. » ;
1° A L’article L. 332-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les formations dispensées aux élèves de collège s’attachent, notamment en ce qui concerne l’orientation et la découverte des métiers, à lutter contre les stéréotypes de genre qu’ils peuvent induire. Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’éducation nationale et du travail précise les modalités d’application du présent alinéa. » ;
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement a pour objet de rétablir des alinéas adoptés par l’Assemblée nationale et supprimés par la commission des affaires sociales du Sénat, qui prévoyaient que les formations à l’utilisation responsable des outils et des ressources numériques dispensées dans les écoles et les formations dispensées aux élèves dans les collèges, notamment concernant l’orientation et la découverte des métiers, contribuent à lutter contre les stéréotypes de genre.
En effet, la lutte contre ces stéréotypes doit être engagée dès le plus jeune âge. Agir le plus en amont possible des choix d’orientation, en luttant contre les déterminants de genre dans l’apprentissage des compétences comme dans l’orientation professionnelle, est une condition sine qua non pour atteindre la parité dans certains corps de métiers.
De plus, inscrire la lutte contre les stéréotypes de genre dans l’usage des outils et des ressources numériques, mais aussi dans l’orientation professionnelle vers les secteurs de l’informatique et des nouvelles technologies, devrait contribuer à permettre aux jeunes femmes de leur ouvrir la possibilité d’aller vers ces métiers et, plus largement, d’acquérir des compétences indispensables sur un marché du travail en mutation rapide.
Je rappelle que les métiers d’avenir, ceux que finance le plan de relance, sont des métiers dans lesquels les femmes sont très minoritaires. Il s’agit bien de lutter en amont contre les stéréotypes qui conduisent à cette situation.
M. le président. L’amendement n° 43, présenté par Mmes Monier, Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mme M. Filleul, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le 1° A ainsi rédigé :
1° A L’article L. 332-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les formations dispensées aux élèves de collège s’attachent, notamment en ce qui concerne l’orientation et la découverte des métiers, à lutter contre les stéréotypes de genre qu’ils peuvent induire. Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’éducation nationale et du travail précise les modalités d’application du présent alinéa. » ;
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Nous l’avons dit en commission, ces amendements sont satisfaits par le code de l’éducation.
Permettez-moi de le citer, car il est très explicite : les établissements scolaires et de l’enseignement supérieur « contribuent à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d’orientation » et « assurent une mission d’information sur les violences, y compris en ligne, et une éducation à la sexualité ».
Le code de l’éducation prévoit en outre que l’école « fait acquérir aux élèves le respect de la personne, de ses origines et de ses différences, de l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que de la laïcité ». Nous pourrions citer d’autres extraits…
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Pour compléter les propos de Mme la rapporteure, je précise que la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018 a donné de nouvelles responsabilités aux régions en matière d’information sur les métiers et les formations, dans l’objectif de concourir à la mixité et à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Ces amendements étant satisfaits, j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, je ne suis pas d’accord avec ce que vous venez de dire.
J’ai moi aussi regardé le code de l’éducation, et j’aurais pu faire les mêmes citations que Mme la rapporteure concernant la mixité des métiers.
Vous semblez avoir des réticences à nommer les stéréotypes de genre. Je rappelle qu’a été récemment remis un rapport de la délégation aux droits des femmes, intitulé Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l’égalité.
Ce rapport montre que des transversalités existent, quel que soit l’angle retenu, comme la mobilité par exemple. Dans tous les champs examinés – éducation, santé, etc. – il est fait état de la prégnance et du poids des stéréotypes et biais de genre, qui produisent, culturellement, des effets tout au long de la vie des femmes.
Notre amendement n° 20 n’est pas satisfait par le code de l’éducation, qui ne comporte aucune disposition relative à l’affirmation de cette lutte contre les stéréotypes et biais de genre. Il est désormais utile de les nommer.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice, j’entends votre préoccupation sur ce sujet extrêmement important.
Permettez-moi toutefois de préciser l’article auquel je faisais référence. L’article L. 331-7 du code de l’éducation dispose que chaque élève bénéficie, à toutes les étapes de sa scolarité, d’« un parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel », lequel est réalisé dans le cadre d’un horaire dédié, tant au collège qu’au lycée. Ce parcours comprend des activités de découverte de tous les secteurs professionnels, dont ceux de l’informatique et des nouvelles technologies, où il y a aujourd’hui très peu de jeunes filles.
Il faut non pas ajouter des éléments à la loi sur ce sujet, mais veiller à ce que les dispositions existantes soient parfaitement appliquées. Je maintiens l’avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 41, présenté par Mmes Monier, Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mme M. Filleul, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les résultats obtenus par ces établissements se situent en deçà d’un niveau défini par décret, le responsable de l’établissement est tenu de fixer des objectifs de progression de chacun de ces indicateurs. Le responsable de l’établissement publie chaque année ces objectifs et les mesures de correction retenues, selon des modalités définies par décret. » ;
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. L’article 5 pose les bases légales préalables à la construction d’un index de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les établissements du supérieur.
Le présent amendement vise à doubler l’effort de publication d’indicateurs relatifs à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes d’une obligation de transparence sur les actions menées en cas de résultats insatisfaisants, afin d’assurer la progression de l’établissement. Il est inspiré de l’expérience acquise via la mise en œuvre de l’index de l’égalité professionnelle en entreprise, en cohérence avec ce que prévoit l’article 6 de la présente proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Les auteurs de cet amendement se sont inspirés de l’index de l’égalité professionnelle en entreprise. Mais le sujet est différent : il s’agit ici des étudiants inscrits en classes préparatoires.
La publication de données sur les inégalités par formation dans ces établissements, comme le prévoit l’article, me semble utile et pertinente : ces données peuvent être incitatives, permettre des comparaisons et appuyer l’orientation des étudiants. En revanche, je ne crois pas opportun d’imposer des objectifs de progression dont la mise en œuvre peut être compliquée puisque certaines filières de classes préparatoires sont très masculines, alors que d’autres sont a contrario très féminines.
Par ailleurs, les établissements sont souvent contraints du fait de leur capacité limitée d’accueil en internat. Ceux-ci n’ayant pas la pleine maîtrise des élèves qu’ils accueillent, il nous semble plus intéressant de travailler en amont à l’orientation des étudiants vers ces classes préparatoires.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous proposez que soit prévue dans la loi une obligation de publication des objectifs de progression relatifs à l’index. En cas de résultats jugés insuffisants, cette publication pourrait être assortie de mesures de correction obligatoires.
Nous serons évidemment très attentifs à la progression des établissements, l’index ayant précisément pour vocation de cibler les carences et de lancer une dynamique positive pour l’égalité des chances entre les femmes et les hommes. Après concertation avec les établissements concernés, les modalités de publication des indicateurs et les actions mises en œuvre pour réduire ces inégalités seront fixées dans le décret d’application de la loi.
La disposition proposée n’ayant pas sa place dans la proposition de loi, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je partage les objectifs des auteurs de cet amendement, mais je ne le voterai pas.
Mme la rapporteure et Mme la ministre ont bien expliqué que la difficulté était d’abord, aujourd’hui, l’orientation. La commission de la culture mène actuellement une mission d’information sur le bilan des mesures éducatives durant ce quinquennat. Avec Max Brisson et Marie-Pierre Monier, nous auditionnons les personnels compétents, de nombreux proviseurs et directeurs d’université : le déficit se situe à ce niveau. Du fait de la mise en place de la réforme du baccalauréat, par exemple, il n’y a plus assez de temps à consacrer à l’orientation.
Je préférerais que les missions d’orientation soient pleinement exercées par des personnes compétentes. Il faudrait que les lois soient appliquées et que l’éducation nationale ait les moyens d’orienter les élèves de manière éclairée.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 21, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
une proportion minimale de 30 % de personnes de chaque sexe
par les mots :
la parité ou, lorsque sa composition est en nombre impair, est composé de sorte que l’écart entre le nombre de personnes de chaque sexe ne soit pas supérieur à un
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à ce que la parité soit respectée au sein des jurys d’admission constitués pour l’intégration dans les établissements supérieurs spécialisés, ou, lorsque le nombre de membres du jury est impair – il faut bien tout prévoir ! –, à ce que l’écart entre le nombre de membres de chaque sexe ne soit pas supérieur à un.
On dit souvent que les ressources n’existent pas. Je me suis renseignée, elles sont bien disponibles : lorsque l’on cherche, en vue d’organiser une table ronde, à établir la parité parmi des experts et des journalistes, on y parvient ! Encore faut-il en avoir la volonté…
M. le président. L’amendement n° 71, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer le taux :
30 %
par le taux :
40 %
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à ce que le quota de femmes dans les jurys passe de 30 % à 40 %.
Depuis la loi de 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, la constitution des jurys et des comités de sélection doit respecter la représentation minimale de 40 % de personnes de chaque sexe. Comme souvent, des exceptions avaient été accordées en raison de contraintes particulières de recrutement ou de besoins propres des corps et des cadres d’emploi.
Dix ans après l’entrée en vigueur de la loi fixant ce quota de 40 % dans les jurys et comités de sélection de la fonction publique, nous proposons de supprimer les dérogations accordées aux établissements publics de l’enseignement supérieur agricole et vétérinaire, aux écoles supérieures militaires et aux écoles sanitaires et sociales.
Si ce quota pouvait être difficile à appliquer il y a dix ans dans ces filières, les évolutions de la société doivent désormais être accompagnées. Cet amendement vise à casser les stéréotypes selon lesquels les écoles militaires seraient exclusivement masculines, et les écoles sanitaires et sociales exclusivement féminines.
En étendant à l’ensemble de la fonction publique l’obligation de la représentation minimale de 40 % de personnes de chaque sexe, nous souhaitons participer à la mise en œuvre de la mixité dans l’ensemble des métiers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Ces deux amendements induiraient une rigidité importante lors de la constitution des jurys. Certaines formations sont très masculines et d’autres très féminines, et nous souhaitons bien sûr que cette répartition évolue. La proposition de loi va dans ce sens, mais le taux de 30 % semble dans un premier temps raisonnable, quitte à imposer dans quelques années des quotas plus exigeants.
Tout en partageant l’objectif des auteurs des amendements, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le taux de 30 % que nous proposons peut paraître timoré, mais il représente déjà une très grande avancée. Nous souhaitons que cette proposition de loi conserve un certain équilibre.
Ce taux prend en compte la réalité de la représentation actuelle des sexes dans les filières de formation, en particulier dans celles qui sont encore très largement masculines. L’objectif de 50 % nous paraît encore moins réalisable pour le moment, compte tenu des exigences relatives à la composition des jurys et de la très faible mixité dans certaines filières de formation. Il est nécessaire de prendre en considération le vivier de professeurs et de professionnels disponible dans chaque formation.
L’avis est donc défavorable sur les deux amendements.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je retire l’amendement n° 21 au profit de l’amendement n° 71.
M. le président. L’amendement n° 21 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 71.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 64, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Lorsque les résultats obtenus par ces établissements se situent en deçà d’un niveau défini par décret, le responsable de l’établissement est tenu de fixer des objectifs de progression de chacun de ces indicateurs. Le responsable de l’établissement publie chaque année ces objectifs ainsi que les mesures de correction retenues, selon des modalités définies par décret.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Il faut assortir l’effort de publication d’indicateurs relatifs à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans les formations supérieures d’une obligation de transparence concernant les actions réalisées, si les résultats sont insatisfaisants.
En effet, la loi prévoit une obligation de moyens, et n’impose pas d’obligation de résultat. Les entreprises sont censées publier l’index de l’égalité, mais si leurs données démontrent, à compétence et poste équivalent, l’existence d’écarts de salaire entre les femmes et les hommes, la loi ne rend pas obligatoire la mise en œuvre de corrections.
Or l’index n’a de sens que s’il entraîne par la suite une correction des inégalités de la part des employeurs. Il vaut mieux qu’une entreprise agisse en corrigeant les inégalités salariales, plutôt qu’elle maintienne les inégalités entre les femmes et les hommes en s’acquittant d’une pénalité financière. Je ne citerai qu’un seul chiffre pour illustrer mon propos : trente mois après un master, à bac+5, la rémunération moyenne des femmes est de 10 % inférieure à celle des hommes.
Si dès le début de leur carrière les femmes partent avec ce handicap de 10 %, en fin de carrière cette inégalité a de multiples conséquences : aux écarts de salaire s’ajoutent les différences en termes de droits cotisés pour l’assurance chômage et la retraite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Comme nous venons de le dire au sujet des classes préparatoires, il semble compliqué de mettre en œuvre ce type de mesures, sachant que ces établissements ne maîtrisent pas totalement la population étudiante qu’ils accueillent, notamment via le dispositif Parcoursup. Il semble plus pertinent d’agir en amont pour lutter contre les stéréotypes de genre.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. L’index de l’égalité a précisément vocation à accompagner une dynamique d’évolution positive et transparente sur ces questions.
Il revient au décret, après concertation avec les établissements concernés, de déterminer les modalités de publication des indicateurs et les actions mises en place pour réduire ces inégalités que nous combattons.
La disposition proposée n’ayant pas sa place dans la proposition de loi, j’émets un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 100, présenté par Mme Garnier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
3° Le tableau constituant le second alinéa du I des articles L. 685-1, L. 686-1 et L. 687-1, dans leur rédaction résultant de l’ordonnance n° 2021-552 du 5 mai 2021 portant actualisation et adaptation des dispositions du code de l’éducation relatives à l’outre-mer, est ainsi modifié :
a) La sixième ligne est ainsi rédigée :
«
L. 611-5 |
Résultant de la loi n° … du … visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle |
» ;
b) Après la onzième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
L. 612-1 |
Résultant de la loi n° … du … visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle |
».
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Cet amendement de coordination vise à ce que les dispositions de l’article 5 s’appliquent dans les collectivités d’outre-mer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 58 rectifié, présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le nombre : « 40 000 » est remplacé par le nombre : « 20 000 ».
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. L’article 6 quater de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires impose aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 40 000 habitants une obligation de nominations équilibrées dans les emplois de direction.
Dans un avis sur la parité dans les intercommunalités rendu en 2018, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes rappelait que le développement des compétences stratégiques des intercommunalités et l’accroissement de leur périmètre ont eu pour conséquence la multiplication des emplois de direction en leur sein.
Toutefois la population moyenne des EPCI étant de 52 000 habitants, un grand nombre des emplois de direction des intercommunalités ne sont pas concernés par les dispositifs paritaires. Pour cette raison, le Haut Conseil recommande que la loi Sauvadet s’applique à tous les emplois de direction des intercommunalités, sans qu’un seuil d’habitants soit imposé.
Sans supprimer immédiatement le seuil de 40 000 habitants, nous proposons d’étendre l’obligation de nominations équilibrées dans les emplois de direction prévue par la loi Sauvadet aux EPCI de moins de 20 000 habitants.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié ter, présenté par M. Henno, Mme Vermeillet, M. Canévet, Mme Perrot, M. Prince, Mmes Vérien et Létard, M. P. Martin, Mmes Billon et Doineau, MM. Vanlerenberghe et S. Demilly, Mmes Herzog et Saint-Pé et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le nombre : « 40 000 » est remplacé par le nombre : « 30 000 ».
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Je ne reprendrai pas l’excellente argumentation de Guylène Pantel. Nous proposons, pour notre part, un seuil de 30 000 habitants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Je partage l’ambition d’approfondir le travail en vue de renforcer la parité dans la fonction publique territoriale.
Pour autant, ce volet ne relève pas de la compétence de la commission des affaires sociales. Nous n’avons donc ni travaillé sur le champ de cet élargissement ni consulté les associations de maires à cet égard. En tant que représentants de ces élus locaux au sein de la Haute Assemblée, nous ne saurions prendre une telle décision sans avoir échangé de manière approfondie avec lesdites associations.
Même si j’entends la volonté d’approfondir la parité dans la fonction publique territoriale, je suis réservée sur l’opportunité de le faire ici et maintenant.
La commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. La question de l’abaissement du seuil des nominations équilibrées dans la fonction publique territoriale a été très largement discutée lors de l’examen de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, qui a déjà prévu un abaissement du seuil de 80 000 à 40 000 habitants.
Il ne semble pas raisonnable de modifier cette nouvelle règle moins de deux ans après son édiction, dès lors que le dispositif des nominations équilibrées est enserré dans un cycle compris entre deux renouvellements généraux des organes délibérants. Le bilan de ce dispositif pour l’année 2020 permettra de mesurer les effets de l’abaissement de ce seuil.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. L’expertise a déjà été établie par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui, en vue de son rapport sur la parité dans les intercommunalités, a entendu les associations d’élus avant de faire cette proposition.
Par ailleurs, même si l’on est membre de la commission des affaires sociales, on a vocation à légiférer de manière générale.
Il faut parfois faire un grand pas. Nous avons largement évoqué lors de la discussion générale les limites de la politique des petits pas. C’est en l’occurrence un pas moyen qui est proposé. Nous voterons donc l’amendement n° 58 rectifié présenté par Mme Pantel, et à défaut l’amendement n° 9 rectifié ter de M. Henno, lequel deviendrait sans objet si le premier était adopté.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Les différents arguments ont été exposés. J’avais moi-même déposé cet amendement lors de l’examen du texte en commission, et j’avais proposé de fixer le seuil à 20 000.
En réalité, sans obligations, on n’avance pas. Aujourd’hui, nous imposons des obligations très larges aux entreprises ; je trouve intéressant de les élargir à la fonction publique territoriale. Dans les communes de plus de 20 000 ou de plus de 30 000 habitants, les chiffres de la représentation des femmes sont en effet extrêmement faibles…
Dans la droite ligne de ma position défendue au sein de la commission, je voterai en faveur de ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je soutiens la position de la rapporteure. Ces propositions touchent les collectivités locales et la fonction publique territoriale. Or nous avons bien dit en commission que nous ne considérerions pas ce qui a trait à la fonction publique, et qui relève souvent de la commission des lois, même si j’entends qu’on peut légiférer sur tout.
Dans mon département de Maine-et-Loire, le mouvement de communes nouvelles est énorme, le nombre de communes a été divisé par deux, et un EPCI de plus de 100 000 habitants est exclusivement composé de communes rurales, sans ville-centre. Je ne me vois pas défendre auprès des EPCI concernés par ces seuils cette position dogmatique, en l’absence de concertation avec les élus ! Je suis tout à fait défavorable à ces amendements.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 65, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le taux : « 40 % » est remplacé par les mots : « 50 % pour les nominations prononcées après l’année 2023 ».
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Le secteur public doit lui aussi participer à l’accélération de l’égalité. Depuis 2021, au moins 40 % de femmes doivent être nommées à des postes d’encadrement supérieur dans la fonction publique. Chaque nomination manquante coûte 90 000 euros à l’administration concernée.
En 2017, Bercy a ainsi dû payer 1,7 million d’euros et, en 2020, six ministères ont été sanctionnés. Les effectifs du ministère de l’économie, des finances et de la relance sont composés à 56 % de femmes, mais seulement 30 % des postes d’encadrement sont occupés par des femmes. Ces retards ne sont plus acceptables.
Désormais, la parité doit être l’objectif pour les postes d’encadrement de la fonction publique. Comme en de nombreux domaines, l’État doit lui aussi montrer l’exemple. Nous proposons donc de remplacer le taux de 40 % prévu par celui de 50 % pour les nominations prononcées après l’année 2023.
La loi Sauvadet fixe des quotas en vue d’assurer l’égalité entre les femmes et les hommes dans les nominations aux plus hauts postes de l’administration des trois fonctions publiques. Cette perspective de féminisation doit se poursuivre, jusqu’à ce que la parité soit atteinte pour répondre à l’équilibre des primo-nominations.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par M. Henno, Mme Vermeillet, M. Canévet, Mme Perrot, M. Prince, Mmes Vérien et Guidez, M. P. Martin, Mmes Billon, Létard et Doineau, MM. Vanlerenberghe et S. Demilly, Mme Herzog et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le taux : « 40 % » est remplacé par les mots : « 50 % pour les nominations prononcées après l’année 2025 ».
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Nous partageons l’argumentation qui vient d’être défendue, mais souhaitons fixer un horizon un peu plus lointain, soit l’année 2025.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Pour les motifs évoqués précédemment, la commission n’est pas favorable à l’augmentation de ces quotas.
Par ailleurs, en raison d’un défaut rédactionnel, l’amendement n° 10 rectifié bis ne serait pas applicable.
L’avis est défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Varaillas, le dispositif des nominations mis en place par la loi Sauvadet du 12 mars 2012 fixait un objectif de primo-nominations de 20 % en 2013 et 2014, de 30 % en 2015 et 2016, puis de 40 % en 2018 – dès 2014, ce dernier objectif a été avancé à l’année 2017.
L’augmentation progressive de cet objectif chiffré a permis un bon ancrage de cette mesure. Les plans d’action relatifs à l’égalité professionnelle élaborés par chaque employeur public comportent des actions visant à favoriser la création de viviers de femmes.
Pour agir rapidement et concrètement en ce sens, la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin, a lancé un programme de coaching baptisé « Talentueuses ». Cinquante femmes cadres supérieures des trois versants de la fonction publique ont été sélectionnées pour bénéficier prochainement d’un programme inédit d’accompagnement et de formation, en vue d’accéder à un premier emploi de direction au sein des administrations de l’État.
L’avis est défavorable sur les deux amendements.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 42, présenté par Mmes Monier, Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mme M. Filleul, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 6 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le nombre : « 20 000 » est remplacé par le nombre : « 5 000 ».
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Cet amendement vise à étendre le nombre de petites collectivités territoriales élaborant un plan d’action en faveur de l’égalité hommes-femmes.
Dans un souci de cohérence et d’harmonisation territoriale, il apparaît nécessaire que de plus petites collectivités, dans lesquelles les inégalités de parcours et de rémunération ne sont pas absentes, réfléchissent et œuvrent également dans le sens de l’égalité hommes-femmes.
Ces plus petites structures, souvent situées en zones rurales, se doivent aussi de progresser sur ces questions. Il est nécessaire qu’un plan d’action y soit élaboré, au même titre que dans les autres collectivités territoriales et les établissements publics d’une taille un peu plus importante.
Avec l’adoption de cet amendement, 1 701 communes supplémentaires seraient soumises à l’obligation d’élaborer ledit plan.
M. le président. L’amendement n° 59 rectifié, présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 6 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le nombre : « 20 000 » est remplacé par le nombre : « 10 000 ».
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. L’article 6 septies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires impose notamment aux collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale de plus de 20 000 habitants d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action pluriannuel visant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Les auteurs de cet amendement proposent d’abaisser ce seuil aux collectivités territoriales et EPCI de plus de 10 000 habitants, lesquels disposent de directeurs généraux des services et de structures adéquates pour mettre en œuvre un tel plan d’action.
Il nous semble en effet essentiel que de petites collectivités territoriales, dans lesquelles les inégalités de parcours et de rémunération existent, œuvrent pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. L’obligation d’élaborer un plan d’action en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes date de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui a fixé à 20 000 habitants le seuil des EPCI concernés.
Comme l’avait souligné Catherine Di Folco, alors rapporteur de ce texte, la commission des lois souhaitait maintenir le seuil de 20 000 habitants, qui traduisait le choix de faire porter cette obligation nouvelle par les collectivités les plus à même d’en supporter la charge organisationnelle.
De la même manière que pour les amendements précédents, la commission des affaires sociales n’a pu, au cours de ses travaux, apprécier l’opportunité de modifier ces obligations dans le champ de la fonction publique ni en évaluer les effets sur les collectivités concernées.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. J’entends bien évidemment les intentions des auteurs de ces amendements.
Toutefois, mesdames les sénatrices, l’extension de cette obligation aux collectivités territoriales de plus de 5 000 habitants me semble prématurée. Les plans d’action d’égalité professionnelle sont encore en cours de déploiement. Attendons le premier bilan du dispositif qui devrait intervenir, selon les dispositions de l’article 4 du décret n° 2020-528 du 4 mai 2020, en fin d’année 2021.
Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
M. le président. L’amendement n° 92, présenté par MM. Iacovelli, Lévrier et Théophile, Mmes Havet et Cazebonne, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le septième alinéa de l’article 6 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par une phrase ainsi rédigée : « La situation comparée repose sur des indicateurs élaborés selon des modalités et une méthodologie définies par décret. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Ce que nous demandons aux entreprises privées, nous devons également l’attendre du secteur public. Il nous revient, en tant que législateurs, de faire de ces attentes des réalités.
Cet amendement tend à mettre en place des indicateurs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, élaborés selon des modalités et des méthodologies définies par décret. Ce dispositif permettra d’objectiver et de mesurer annuellement les résultats obtenus par les administrations publiques en matière d’égalité professionnelle.
Ces indicateurs, issus du rapport social unique (RSU) prévu à l’article 9 bis A, constitueront un véritable outil de parité dans la fonction publique. Ce corollaire de l’index de la parité dans la fonction publique est essentiel. Si nous portons cet amendement, qui pose les bases légales nécessaires à la mise en œuvre rapide de ces indicateurs, c’est parce que l’information est clef pour renforcer la représentation des femmes et parce que le secteur public se doit d’être exemplaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Cet amendement, qui tend à prévoir l’élaboration d’indicateurs afin d’encadrer les données relatives à l’égalité femmes-hommes du rapport social unique, lequel sert de base à l’élaboration du plan d’action pour l’égalité dans la fonction publique, est pleinement satisfait par le droit en vigueur.
D’une part, la loi du 13 juillet 1983 prévoit que les plans d’action sont élaborés sur la base des données issues du RSU.
D’autre part, l’article 9 bis A de cette même loi prévoit que le RSU intègre l’état de la situation comparée des femmes et des hommes, lequel comprend des indicateurs synthétiques relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dont les modalités sont fixées par décret.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le dispositif proposé pose opportunément les bases légales préalables à la mise en place d’indicateurs issus du RSU, afin d’objectiver et de mesurer annuellement les résultats obtenus par les administrations publiques en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Ces dispositions répondent également à une demande très forte des organisations syndicales et des associations des femmes de la fonction publique pour davantage de transparence sur l’égalité professionnelle dans le secteur public, à l’instar de ce que prévoit l’index pour le secteur privé.
Il s’agit d’un point de départ et d’objectivation essentiel pour accélérer réellement l’égalité professionnelle et économique dans la fonction publique, qui constitue l’une des priorités de la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin.
Bien que l’article 9 bis A du statut général de la fonction publique précise le contenu du RSU, l’élaboration d’un véritable baromètre de l’égalité professionnelle, qui consoliderait au sein d’un même outil toutes les données en la matière, à l’instar de l’index du secteur privé, permettrait de renforcer largement la lisibilité et la comparabilité des données entre administrations.
En outre, il convient de préciser que ce baromètre ne représente pas une charge pour les collectivités puisqu’il s’agit de données existantes.
Le Gouvernement est donc pleinement favorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par M. Henno, Mmes Vermeillet et Vérien, M. Canévet, Mmes Férat et Perrot, M. Prince, Mme Guidez, M. P. Martin, Mmes Billon, Létard et Doineau, MM. Vanlerenberghe et S. Demilly, Mme Herzog et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au neuvième de l’article 6 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, après les mots : « d’élaboration du plan d’action », sont insérés les mots : « , la non-mise en œuvre du plan, ».
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. La loi du 13 juillet 1983 prévoit des pénalités en cas d’absence d’élaboration ou de non-renouvellement du plan d’action. Nous proposons d’ajouter également le cas du défaut de mise en œuvre du plan.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Les auteurs de cet amendement souhaitent que la pénalité prévue en cas de défaut d’élaboration d’un plan d’action pour l’égalité dans la fonction publique s’applique également en cas d’absence de mise en œuvre dudit plan.
Je partage tout à fait l’intention, mais je suis plus dubitative quant à l’applicabilité du dispositif. J’aimerais donc connaître l’avis du Gouvernement sur cette question.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le décret d’application du 4 mai 2020, qui définit les modalités d’élaboration et de mise en œuvre des plans d’action pour l’égalité professionnelle, impose que le plan comporte des objectifs à atteindre, des indicateurs de suivi et un calendrier de mise en œuvre.
En outre, si le plan d’action ne comporte pas l’ensemble de ces éléments, le décret prévoit que l’autorité compétente met en demeure l’employeur de se mettre en conformité dans un délai fixé. À défaut, la pénalité pour non-élaboration du plan est applicable.
Dès lors, la distinction ne me semble pas utile : avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5.
L’amendement n° 15 rectifié, présenté par Mmes de Cidrac et Billon, M. Belin, Mmes Belrhiti, Berthet et Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Bouloux, Mme Bourrat, M. Brisson, Mmes Chauvin et L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Dumont, F. Gerbaud et Gosselin, M. Grand, Mmes Gruny, Guidez, Herzog et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade et MM. Laugier, D. Laurent, Lefèvre, Longeot, P. Martin et Moga, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du sport est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 131-16-1, il est inséré un article L. 131-16-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-16-2. – Les fédérations délégataires édictent les règlements propres à assurer le respect de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ayant conclu avec les associations et sociétés mentionnées aux articles L. 121-1 et L. 122-1 soit un contrat de travail régi par les articles L. 222-2-1 à L. 222-2-9, soit un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement.
« Le principe énoncé au premier alinéa s’applique pour un même travail ou pour un travail de valeur égale.
« Constitue une rémunération au sens du présent article le salaire et tous les autres avantages et accessoires payés au salarié ou à la personne ayant conclu un contrat mentionné au premier alinéa, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par les associations ou sociétés mentionnées au premier alinéa en raison d’une activité sportive ou d’entraînement.
« Sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux ou activités qui exigent des salariés ou des co-contractants un ensemble comparable de compétences professionnelles et sportives consacrées par un titre, un diplôme ou un apprentissage dans les centres de formation relevant d’une association sportive ou d’une société sportive, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
« Les règlements mentionnés au premier alinéa déterminent les conditions dans lesquelles l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes s’applique aux prix en argent ou en nature remis à l’issue des manifestations sportives mentionnées aux articles L. 331-1 et L. 331-5. » ;
2° L’article L. 222-2-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les associations et sociétés sportives mentionnées aux articles L. 121-1 et L. 122-1 assurent, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale et dans les conditions fixées par les règlements mentionnés à l’article L. 131-16-2, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. » ;
3° Au second alinéa de l’article L. 331-5, les mots : « à l’article L. 131-16 et » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 131-16 et L. 131-16-2, ».
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Les dispositions de cet amendement, porté par notre collègue Marta de Cidrac, reprennent l’article 1er de la proposition de loi, lauréate de la 24e édition du Parlement des enfants, visant à renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes dans le sport, rédigée par la classe de l’école de Canto Perdrix 2 de Martigues.
Cet amendement vise à insérer dans le code du sport un nouvel article posant le principe de l’égalité de rémunération des sportives et des sportifs, les fédérations délégataires étant chargées d’édicter des règlements destinés à en garantir le respect par les associations et sociétés sportives placées sous leur autorité.
Ce principe d’égalité des rémunérations s’applique également aux prix en argent ou en nature remis à l’issue des manifestations sportives organisées par les personnes physiques ou morales de droit privé autres que les fédérations sportives.
Cet amendement, qui vise à introduire davantage d’égalité dans le sport, fait écho aux préconisations de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes lors de la coupe du monde féminine de football de 2019.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Je partage bien évidemment la volonté des auteurs de cet amendement d’assurer l’égalité de rémunération entre sportifs et sportives.
Toutefois, dès l’instant où les sportifs sont employés par des personnes privées, le droit du travail leur est applicable, en particulier le principe de non-discrimination et celui d’une rémunération égale pour des travaux égaux.
Je ne mesure pas parfaitement l’intérêt de créer un droit spécifique pour les sportifs. Pour autant, certains prix et gains remis dans le cadre de compétitions peuvent conduire à s’interroger sur l’opportunité de mettre en place un dispositif dédié.
La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement sur ces questions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le ministère chargé des sports est particulièrement engagé pour renforcer ce principe d’égalité, et Roxana Maracineanu travaille sur ce dossier depuis plusieurs années. Ces derniers mois, l’accès à la pratique et aux fonctions d’encadrement ou de direction, ainsi que la prévention de toutes les formes de violence, de discrimination ou de sexisme ordinaire ont été au cœur de toutes ses batailles.
En ce qui concerne les conditions de rémunération des sportives et des sportifs, les clubs employeurs et les fédérations sportives sont déjà soumis aux conditions du code du travail imposant à tout employeur d’assurer, pour un même travail, de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. Ce principe interdit bien évidemment toute discrimination de salaire fondée sur le sexe.
En outre, dans les clubs et fédérations d’au moins cinquante salariés, l’employeur doit également publier chaque année l’index de l’égalité femmes-hommes.
Enfin, les conditions de rémunération et de statut relèvent de la négociation collective entre les partenaires sociaux de la branche – convention nationale du sport, accords collectifs par discipline, voire même accords d’entreprise – et non des règlements des fédérations.
Le ministère chargé des sports œuvre aux côtés des syndicats de sportives professionnelles, notamment la Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs (Fnass), pour renforcer la structure des divisions professionnelles féminines et les accompagner vers la mise en place d’accords collectifs par discipline.
Par conséquent, je suis défavorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je voudrais tout d’abord remercier notre collègue d’avoir déposé cet amendement.
Dans un contexte où la défiance envers la représentation politique et parlementaire est forte, il est important de soutenir le travail des équipes enseignantes et des jeunes qui agissent en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Mon collègue député Pierre Dharréville avait d’ailleurs déposé, le 3 novembre 2020, cette proposition de loi rédigée par la classe de Canto Perdrix 2 de Martigues.
Le sport est aussi marqué par une lente évolution des mentalités de la société. En 2024, la France accueillera les jeux Olympiques. Dès lors, notre pays se doit d’être précurseur dans la lutte contre les stéréotypes dans tous les sports. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons que nous réjouir de porter au débat cette proposition de loi, écrite par des enfants, pour faire avancer l’égalité et les droits des femmes.
En 2017, l’Insee a publié une enquête sur les pratiques physiques et sportives, qui révélait les inégalités persistantes entre femmes et hommes aussi bien en termes de temps consacré au sport que de disciplines pratiquées. L’activité sportive révèle des inégalités de genre, notamment chez les jeunes : seulement 33 % des femmes de 16 à 24 ans pratiquent un sport une fois par semaine, soit 12 % de moins que les hommes. C’est pourquoi cet amendement me semble important.
J’entends bien, madame la ministre, les raisons qui vous poussent à refuser cet amendement. Je sais aussi votre enthousiasme pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes. Vous nous dites que beaucoup de choses ont été faites : certes, les choses avancent, mais nous sommes encore loin de l’égalité. Tout coup de pouce peut aider ! C’est tout le sens de cet amendement, que notre groupe votera.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Choquée par cette différence de traitement entre les femmes et les hommes lors du fameux Paris-Roubaix, j’avais cosigné cet amendement. Toutefois, j’entends les arguments de Mme la rapporteure et de Mme la ministre. N’oublions pas que la présente proposition de loi porte sur l’égalité économique et professionnelle.
J’ai été approchée par beaucoup d’associations. En tant que vice-présidente de la délégation aux droits des femmes, je défends aussi l’égalité hommes-femmes. Mais veillons à ne pas tout confondre : nous risquons de mettre le couteau sous la gorge des collectivités territoriales.
J’essaie de faire la part des choses, même si ce n’est pas toujours évident – de temps en temps, j’aimerais pouvoir voter avec certaines personnes de ma délégation. Il me semble vraiment important, mes chers collègues, de nous concentrer sur l’objet de ce texte.
Il nous faudra sûrement évoquer ces questions avant 2024 pour développer le mécénat en faveur des activités sportives des femmes et attirer davantage de public, mais pas dans ce texte.
J’avais signé cet amendement de manière symbolique, mais je suivrai l’avis de la rapporteure.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Comme l’a souligné sa vice-présidente, Laure Darcos, un esprit consensuel règne généralement au sein de notre délégation. Les désaccords que nous pouvons avoir sur cet amendement n’y changeront rien.
N’ayant pas reçu mandat pour le retirer, je vais le maintenir. La ministre n’a répondu que partiellement aux propositions de Marta de Cidrac, qui ne visaient pas uniquement les salaires, mais aussi les prix.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5.
Article 5 bis A
À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, après le mot : « est », sont insérés les mots : « publié au plus tard six mois après le dernier jour de l’exercice au titre duquel il est élaboré et ». – (Adopté.)
Article 5 bis
Après la deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 313-1 du code de l’éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle comprend également des contenus relatifs à l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu’à la prévention et à la sensibilisation aux stéréotypes de genre. »
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
ainsi qu’à la prévention et à la sensibilisation aux stéréotypes de genre
par les mots :
, à la prévention et à la sensibilisation aux stéréotypes de genre ainsi qu’à une égale répartition des tâches domestiques
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Dans un couple hétérosexuel, les femmes consacrent en moyenne deux fois plus de temps aux tâches ménagères que les hommes. Cette proportion est encore plus en défaveur des femmes en situation précaire.
L’écart ne se réduit pratiquement pas. En quinze ans, le temps de travail domestique journalier des hommes n’a augmenté que de sept minutes, et souvent sur les tâches les moins désagréables : la cuisine plutôt que le balayage ; le week-end plutôt que le soir après le travail…
Beaucoup de femmes de mon âge se demandent pourquoi nous en sommes encore là. À ce rythme, si rien n’est fait, il faudra deux siècles pour parvenir à l’égalité dans la répartition des tâches ménagères. D’où vient une telle lenteur ?
Nous avons aujourd’hui un premier élément de réponse : l’article 4 ter issu des travaux de l’Assemblée nationale permettait la reconnaissance, par les pouvoirs publics, de la mission des associations familiales luttant contre les stéréotypes de genre et les inégalités de répartition des travaux domestiques. Cette disposition, qui ne représente pas grand-chose, était sans doute trop révolutionnaire…
Il est pourtant évident que les inégalités professionnelles et économiques trouvent en partie leur fondement dans l’inégale répartition des tâches domestiques. De même, si nous voulons réellement offrir des perspectives de carrière et d’indépendance économique égales selon les genres, il est tout aussi évident que nous devons sensibiliser les parents à la question de ces stéréotypes, qui sont au cœur des inégalités.
Cet amendement vise donc simplement à rétablir un strict minimum, c’est-à-dire à faire clairement de la lutte contre les stéréotypes de genre et les inégalités de travaux domestiques l’un des objectifs du code de l’action sociale et des familles. S’il devait être rejeté, les femmes de mon âge auront au moins un début de réponse à leurs questions… (Marques d’agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. L’article 5 bis prévoit que la formation des conseillers d’orientation devra comprendre des contenus relatifs à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les stéréotypes de genre, ce qui me paraît tout à fait essentiel.
Ces conseillers de l’éducation nationale ont pour mission première d’orienter les jeunes vers le choix de leur métier. Nous sommes là au cœur de cette proposition de loi : c’est ce travail en amont qui permettra aux jeunes, notamment aux jeunes filles, de se diriger vers le métier qu’ils désirent.
Cette mission constitue d’ores et déjà un enjeu essentiel et formidable. Je ne suis pas favorable à l’inscription d’une disposition relative à l’égale répartition des tâches domestiques dans les missions des conseillers de l’éducation nationale, dont le champ d’action est particulièrement vaste. Cette question ne relève pas de leurs fonctions, même si je suis favorable à une égale répartition des tâches domestiques.
Pourquoi ne pas inscrire aussi la lutte contre les violences faites aux femmes, qui me semble encore plus essentielle ? Ce type de démarche peut nous mener très loin ; nous n’en finirions pas.
Laissons les conseillers d’orientation se concentrer sur leurs missions, à savoir l’orientation des jeunes, et notamment des jeunes femmes : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. À la rentrée scolaire de 2017, Jean-Michel Blanquer a créé un corps unique de psychologues de l’éducation nationale.
L’annexe de l’arrêté du 26 avril 2017 définit très précisément la liste des connaissances et des compétences professionnelles que les psychologues de l’éducation nationale doivent avoir pour exercer leur métier.
Je veux vous rassurer, madame la sénatrice : ce référentiel de connaissances et de compétences prévoit déjà un objectif de réussite de tous les élèves dans une indispensable complémentarité de la mission d’enseignement et de l’action éducative de l’école. Les élèves et les étudiants peuvent également bénéficier d’un accompagnement spécifique dans l’élaboration de leur projet d’avenir et d’un conseil en orientation, notamment en créant les conditions qui favorisent leur capacité à se distancier des stéréotypes professionnels, qu’ils soient sociaux ou de genre.
La formation initiale des psychologues de l’éducation nationale s’appuie sur ce référentiel de connaissances et de compétences. Elle comprend aussi une unité d’enseignement sur les thèmes du genre, de la scolarité, de l’orientation et du travail, dont les objectifs sont de développer la capacité d’analyse des causes et des effets de la division sexuée et de l’orientation du travail, d’être en mesure de questionner le rôle de l’école, des politiques, des procédures et des pratiques de l’éducation à l’orientation. Il s’agit aussi de développer la réflexion sur le rôle de psychologue de l’éducation nationale et sur les pratiques qui peuvent être mises en œuvre pour contribuer à la « désexuation » de l’orientation et du travail.
J’espère vous rassurer, madame la sénatrice, en vous montrant que nous ne négligeons absolument pas le travail que nous avons à faire en direction des jeunes générations. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Nous voterons cet amendement, même s’il n’est pas purement législatif et normatif, mais plutôt incitatif et pédagogique, car rien ne fonctionne bien à l’éducation nationale.
Je suis ravie que M. Blanquer soit content de lui – c’est sûrement préférable pour son état psychologique –, mais quant à nous, nous ne sommes pas du tout contents !
Les matières évoquées par Mme Vogel devraient être intégrées aux cours d’éducation à la vie affective et sexuelle. Un partage équilibré des tâches ménagères est aussi un facteur de relations respectueuses au sein d’un couple !
À cet égard, il semblerait que l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ait récemment rendu un rapport dressant un bilan dramatique des cours d’éducation à la vie sexuelle et affective. Je saisis l’occasion pour en demander officiellement au Gouvernement la publication.
Comme rien ne va, tout est bon à prendre, et notamment l’amendement de Mme Vogel.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. J’entends ce que vous dites, madame la sénatrice. Sachez que je suis intimement convaincue que la culture de l’égalité s’enseigne dès l’école.
Mais je suis également convaincue qu’empiler les lois ne nous aidera pas à avancer. Nous disposons déjà de nombreux textes… Mieux vaut nous concentrer sur l’application des lois en vigueur et travailler sur la formation et la sensibilisation.
Encore une fois, nous avons suffisamment de dispositifs, de lois, de règlements pour aller plus loin et développer l’éducation à l’égalité entre les filles et les garçons dès l’école.
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.
Mme Mélanie Vogel. À vous entendre, beaucoup de choses vont bien et vous êtes très contente de ce que vous faites…
Mme Mélanie Vogel. En réalité, on le voit, cela ne fonctionne pas !
J’ai bien entendu les arguments selon lesquels ce qui est fait aujourd’hui est formidable ; en revanche, je n’en ai pas entendu un seul démontrant en quoi adopter cet amendement serait négatif…
M. le président. L’amendement n° 101, présenté par Mme Garnier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au premier alinéa de l’article L. 371-1 du code de l’éducation, les mots : « n° 2018-698 du 3 août 2018 relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire » sont remplacés par les mots : « n° … du … visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle ».
La parole est à Mme la rapporteure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 bis, modifié.
(L’article 5 bis est adopté.)
Organisation des travaux
M. le président. Mes chers collègues, il nous reste 48 amendements à examiner sur ce texte. Nous en avons examiné 25 en une heure et demie, déduction faite de ceux qui étaient devenus sans objet.
Il émerge une proposition, loin de faire l’unanimité, consistant à prolonger nos travaux jusqu’à la fin de l’examen de la proposition de loi, sans suspendre la séance. En maintenant ce rythme d’examen, cette séance prolongée nous mènerait jusqu’à vingt-deux heures environ (Protestations sur les travées du groupe CRCE.), d’autant qu’il reste, outre les amendements à examiner, trois demandes de prise de parole ainsi que les explications de vote sur l’ensemble ; cela représente, au total, au moins deux heures, voire deux heures et demie de travail.
Quel est l’avis de la commission sur l’organisation de nos travaux ?
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. J’étais favorable à une séance prolongée, mais seulement si l’on pouvait terminer nos travaux vers vingt et une heures. Pousser jusqu’à vingt-deux heures n’est pas envisageable.
M. le président. Pour finir à vingt et une heures, il faudrait examiner 35 amendements par heure. Si tout le monde considère ses amendements comme défendus, c’est possible, mais je ne voudrais pas imposer un tel rythme…
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Oui, d’autant que nous allons arriver à des articles plus délicats. Il vaut donc mieux suspendre la séance à vingt heures et la reprendre ensuite.
M. le président. Puisque Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion est déjà arrivée, nous pouvons peut-être nous fixer comme objectif de finir l’examen de l’article 6 de la proposition de loi.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Article 5 ter
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 23 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 32 est présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mmes M. Filleul et Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 421-9 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le cas échéant, ces accords prévoient des mesures visant à favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi les filières de formation. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 23.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement tend à rétablir l’article 5 ter, supprimé par la commission, afin que les accords de coopération conclus entre établissements scolaires et universitaires incluent, « le cas échéant » – il n’y a rien d’impératif, vous le voyez, mes chers collègues –, des mesures visant à favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi les filières de formation.
Cela ne retire donc aucune marge de manœuvre aux acteurs locaux ni n’implique qu’il soit exclu d’agir également en amont, notamment sur les stéréotypes. Cette disposition permettrait simplement de mobiliser un outil supplémentaire, dont les établissements devraient se saisir afin de prendre en compte et de lutter contre les biais de genre, en raison desquels certaines élèves ne se sentent pas légitimes à intégrer certaines formations.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 32.
Mme Laurence Rossignol. Je ne comprends pas pourquoi la commission a supprimé l’article 5 ter. Cette disposition est en effet demandée par toutes les associations et par toutes les personnalités travaillant sur la place des femmes dans les filières scientifiques.
C’est un sujet sur lequel nous n’avançons pas ; il y a toujours très peu de femmes dans les écoles d’ingénieurs et dans un certain nombre de filières technologiques. Or l’une des voies d’amélioration consiste à préparer, dès le lycée, l’entrée des femmes dans les filières scientifiques et technologiques.
Cet amendement tendant au rétablissement de l’article me paraît donc tout à fait justifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. J’entends les arguments de Mme Rossignol, et nous avons bien étudié ce sujet lors de nos auditions. Ces accords de coopération peuvent concerner des sujets très divers et, à l’heure actuelle, certains d’entre eux intègrent déjà un volet sur l’égalité entre les filles et les garçons, mais d’autres n’ont aucun lien spécifique avec cette question.
Il ne paraît pas souhaitable d’ajouter trop de précisions au droit en vigueur, lequel ménage une grande marge de manœuvre aux établissements secondaires et universitaires pour conclure ces accords, qui peuvent toucher à des thématiques extrêmement larges.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je suis quelque peu étonnée, madame la ministre, car cette disposition a été adoptée par l’Assemblée nationale ; l’aurait-elle été contre l’avis du Gouvernement ? Dans ce cas, cet évènement politique m’aurait échappé, mais nous en prendrions bonne note et nous en assurerions la publicité…
Par ailleurs, madame la rapporteure, une telle faculté n’est bien évidemment pas exclue dans la rédaction actuelle du code de l’éducation, mais, en matière d’égalité entre femmes et hommes, si les choses ne sont pas précisées, si une mesure est simplement présumée possible, alors elle n’est jamais mise en œuvre. Nous le constatons depuis des années : malheureusement, pour qu’une politique d’égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes, soit mise en place par les institutions concernées, il faut que l’on indique très précisément et très explicitement que celles-ci doivent s’y intéresser.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23 et 32.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 33 est présenté par Mmes Rossignol, Monier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mme M. Filleul, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 74 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le second alinéa de l’article L. 642-1 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans le cadre de cet avis, la commission des titres d’ingénieur veille à la juste représentation des femmes et des hommes, à la diversité des origines géographiques et sociales, à la lutte contre toutes les formes de discrimination et à la prise en compte de la situation de handicap au sein des écoles, des instituts, des universités et des grands établissements dispensant des formations d’ingénierie. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 33.
Mme Laurence Rossignol. Il va être défendu par Mme Cohen, monsieur le président !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 74.
Mme Laurence Cohen. La commission des affaires sociales du Sénat a supprimé l’article 5 quater, lequel prévoyait que la commission des titres d’ingénieur devait veiller à la juste représentation des femmes et des hommes, à la diversité des origines géographiques et sociales, à la lutte contre toutes les formes de discrimination et à la prise en compte de la situation du handicap au sein des écoles, des instituts, des universités et des grands établissements dispensant des formations d’ingénierie.
Mme la rapporteure a considéré que les responsables de cette commission prenaient déjà en compte ces critères lorsqu’ils élaboraient leur avis en vue d’une accréditation.
Nous nous félicitons que ces critères soient déjà pris en considération dans les règlements internes et nous pourrions même nous en satisfaire si les inégalités entre les femmes et les hommes dans les écoles d’ingénieurs ne demeuraient pas aussi fortes. Je rappelle qu’en 2019, selon les chiffres du ministère de l’enseignement supérieur, seulement 28 % des élèves inscrits dans les formations d’ingénieurs étaient des femmes.
Eu égard aux résistances des formations scientifiques, notamment des écoles d’ingénieurs, contre l’intégration des femmes, il semble pertinent d’envoyer un signal en garantissant que la commission des titres d’ingénieur veille à la juste représentation des femmes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. La commission a effectivement supprimé cet article, car les critères proposés sont déjà pris en compte par la commission des titres d’ingénieur pour émettre ses avis sur l’accréditation des écoles d’ingénieurs.
Un certain nombre de critères très explicites – et, pour le coup, écrits, madame Rossignol ! – permettent de garantir que la commission des titres d’ingénieur tienne compte de la politique de genre de l’établissement, mais également d’autres aspects tels que l’adaptation au handicap, la diversification des origines géographiques et sociales, le montant des frais de scolarité, la parité entre femmes et hommes ou encore l’aménagement des cursus pour des publics particuliers.
Je ne vois donc pas en quoi l’inscription de ces critères supplémentaires dans la loi permettrait de faire levier pour augmenter le nombre de femmes dans les écoles d’ingénieurs. Il y a, je crois, tout un éventail de dispositifs à mettre en œuvre, mais, en l’occurrence, celui-ci me semble parfaitement superfétatoire.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 33 et 74.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 5 quater demeure supprimé.
Article 5 quinquies
L’article L. 311-2 du code de la recherche est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements publient chaque année, au titre du personnel qu’ils emploient, l’ensemble des indicateurs relatifs à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour réduire les inégalités, selon des modalités et une méthodologie définies par décret. »
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mmes M. Filleul et Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
au titre du personnel qu’ils emploient
insérer les mots :
et des élèves qu’ils accueillent
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. L’article 5 quinquies prévoit que les « établissements publient chaque année, au titre du personnel qu’ils emploient, l’ensemble des indicateurs relatifs à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes ».
Nous proposons de préciser que cela concerne non seulement le personnel que ces établissements emploient mais encore les élèves qu’ils accueillent.
La question de l’égalité professionnelle se joue, pour ce qui concerne l’avenir en tout cas, davantage avec les élèves qu’avec le personnel. Je ne comprends donc pas pourquoi cette mesure est restreinte au personnel et n’inclut pas les élèves.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Cet article prévoit que les établissements publics de recherche doivent publier des indicateurs sur l’égalité femmes-hommes au sein du personnel qu’ils emploient. Il s’agit de préciser ainsi que l’on doit également s’intéresser au personnel des établissements de recherche, les étudiants de ces établissements étant concernés par les articles que l’on vient d’examiner.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Cet amendement est déjà satisfait par l’article 5 de la présente proposition de loi, qui concerne les étudiants.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 quinquies.
(L’article 5 quinquies est adopté.)
Article 6
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 1142-8 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « année », sont insérés les mots : « l’ensemble » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation aux articles L. 311-6 et L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l’administration, l’ensemble de ces indicateurs est rendu public sur le site internet du ministère chargé du travail, dans des conditions déterminées par décret. » ;
1° bis (nouveau) L’article L. 1142-9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’employeur soumis à l’obligation prévue au premier alinéa publie par une communication externe et au sein de l’entreprise les mesures de correction, selon des modalités définies par décret. » ;
2° Après l’article L. 1142-9, il est inséré un article L. 1142-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1142-9-1. – Lorsque les résultats obtenus par l’entreprise au regard des indicateurs mentionnés à l’article L. 1142-8 se situent en deçà d’un niveau défini par décret, l’employeur fixe et publie les objectifs de progression de chacun de ces indicateurs, selon les modalités prévues aux articles L. 2242-1 et L. 2242-3 et dans des conditions définies par ce même décret. » ;
3° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2312-18, après le mot : « particulier », sont insérés les mots : « l’ensemble ».
II (nouveau). – Les 1° bis et 2° du I sont applicables à compter de la publication des indicateurs effectuée en 2022.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, sur l’article.
Mme Annick Billon. L’obligation, pour les entreprises de plus de 50 salariés, de publier la note finale obtenue à l’index de l’égalité professionnelle me paraît aussi essentielle que la publication des résultats et des objectifs de progression de chacun des indicateurs composant celui-ci.
Actuellement, cette note se compose de quatre indicateurs : l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, l’écart de taux d’augmentation individuelle de salaire, le pourcentage de salariés ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année de leur retour de congé maternité – cette augmentation est, je le rappelle, une obligation légale depuis 2006, cela a été souligné à de nombreuses reprises –, et le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations. Pour les entreprises de plus de 250 salariés, un cinquième indicateur existe : l’écart du taux de promotion entre les femmes et les hommes.
Cet index est un outil précieux, car il permet de mettre en lumière des dysfonctionnements et de constater que nous sommes encore loin de l’égalité salariale. Du chemin reste à faire !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. L’égalité salariale entre les femmes et les hommes est inscrite dans la loi depuis 1972. Pourtant, il reste 9 % d’écart de rémunération entre hommes et femmes, à poste et à travail égaux.
Depuis le début du quinquennat, nous avons mis en œuvre des mesures fortes pour résorber cet écart inacceptable. L’index de l’égalité professionnelle, mis en place par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, est un outil puissant pour faire changer durablement les pratiques, parce qu’il impose une obligation de résultat et un référentiel commun permettant de noter et de classer les entreprises.
Les résultats des premiers exercices montrent que l’index modifie les comportements, année après année. En 2021, la note globale continue de progresser, passant de 84 à 85. Mieux, la note moyenne des entreprises de plus de 1 000 salariés est passée de presque 83 en 2019 à plus de 88 en 2021, ce qui représente une réelle progression.
Toutefois, il ne faut pas s’arrêter là ; il convient de tirer pleinement parti des potentialités de l’index pour faire évoluer les pratiques. C’est tout l’objet de l’article 6 de la présente proposition de loi, qui doit nous permettre d’aller plus loin en faveur de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
D’une part, l’inscription dans la loi de l’obligation de publier l’ensemble des indicateurs qui composent l’index permettra d’inciter les entreprises à renforcer leurs actions en matière d’égalité femmes-hommes. Je crois que la transparence est un outil puissant pour faire changer les pratiques.
D’autre part, l’article 6 prévoit également que les entreprises devront désormais se fixer et publier des objectifs de progression pour chaque indicateur, dès lors que la note obtenue à l’index sera en deçà d’un certain seuil. Cette disposition doit encourager les entreprises à engager concrètement le changement et à modifier leur politique de rémunération en profondeur.
Par ailleurs, les entreprises qui sont le plus en retard – celles qui ont encore un index inférieur à 75 points – devront désormais publier les mesures de correction adoptées. Là encore, cela doit renforcer la transparence sur les efforts mis en œuvre par les entreprises afin d’améliorer les pratiques.
Ainsi, avec cet article, les entreprises qui ont encore des marges importantes de progrès en matière d’égalité salariale devront se doter d’objectifs clairs, chiffrés et concrets. Tout en veillant à ne pas introduire trop de complexité pour nos entreprises, nous souhaitons au travers de cet article tracer dans chaque structure un horizon clair pour une meilleure égalité, connu non seulement de tous les salariés mais également des partenaires extérieurs de l’entreprise.
C’est là l’égalité des chances en acte : veiller à ce que les objectifs fixés collectivement puissent être atteints et le soient effectivement, et à ce que chaque entreprise contribue, à son échelle, à atteindre l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
M. le président. L’amendement n° 52, présenté par Mmes M. Filleul, Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mme Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Après le mot : « rémunération », sont insérés les mots : « et de temps de travail » ;
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Dans une note publiée en janvier dernier, Terra Nova souligne les limites actuelles de l’index de l’égalité femmes-hommes, institué en septembre 2018, et suggère d’en améliorer l’efficacité.
Parmi les carences relevées, il est précisé que l’index ne tient pas compte des différences de temps de travail. Or ne pas recenser les temps partiels revient à effacer des différences structurelles essentielles, puisque, on le sait, le temps de travail compte pour beaucoup dans la fabrique des inégalités de rémunération entre hommes et femmes. En effet, 85 % des salariés à temps partiel sont des femmes.
Ainsi, au travers de cet amendement, nous souhaitons compléter cet index afin qu’il tienne compte non seulement des écarts de rémunération mais également des différences de temps de travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. À ce stade, la commission ne souhaite pas modifier l’index de l’égalité professionnelle.
Vous avez raison de le souligner, ma chère collègue, le temps de travail est une véritable question. Laurence Rossignol a évoqué précédemment le sujet du temps de travail subi et du temps de travail choisi, dont il convient de comprendre et d’étudier de près les nombreux aspects. Je partage votre préoccupation et votre conviction : il faut examiner précisément ce que recouvre le temps de travail féminin.
Néanmoins, l’index de l’égalité professionnelle est trop récent pour être modifié dès aujourd’hui. Il a été mis en œuvre en 2019 et, pour les entreprises de plus de 50 salariés, il n’est entré en vigueur qu’en 2020 (Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion opine.), avec la période que l’on a traversée entre-temps.
Il me semble important, ne serait-ce que pour mesurer les progrès ou l’absence de progrès des entreprises qui publient leur index, de se donner deux ou trois ans de recul avant de modifier cet outil.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Madame la sénatrice, le Gouvernement partage votre volonté de prêter une attention particulière aux salariés à temps partiel, parmi lesquels les femmes sont surreprésentées puisqu’elles occupent quatre emplois à temps partiel sur cinq. Il peut effectivement être utile de mieux mettre en lumière la part des femmes parmi les salariés en contrats courts ou à temps partiel dans les entreprises.
Pour autant, cette donnée n’a pas vocation à relever de l’index, lequel, pour plus de lisibilité, se concentre sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.
Pour cette raison, le Gouvernement est également défavorable à l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 66, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un suivi annuel est assuré par une administration pilote désignée au sein du ministère de l’économie, des finances et de la relance. Ce suivi permet de compiler les données publiées par les entreprises au-delà des seules grandes entreprises et d’établir des comparaisons nourrissant par la suite des échanges de bonnes pratiques entre les entreprises. » ;
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Cet amendement avait été déposé en commission par notre collègue Annick Billon. Nous en reprenons la rédaction, puisque nous en partageons l’objectif : il s’agit de compléter l’index en ajoutant deux indicateurs et d’en étendre l’application à l’ensemble des fonctions publiques.
Si l’égalité professionnelle est nécessaire dans les entreprises, elle est indispensable dans les services publics. Nous pensons que l’index peut être un outil pour montrer l’exemplarité de l’État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière, l’objectif étant de démontrer l’absence d’écart de rémunération entre les femmes et les hommes. Il y a, en la matière, un devoir d’exemplarité de la République, laquelle ne saurait admettre quelque exception que ce soit.
Le suivi des dispositifs paritaires aujourd’hui mis en place est souvent insuffisant et ne permet pas de s’assurer que les mesures sont effectivement mises en œuvre. La connaissance la plus large possible des avancées en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est une première étape vers la réalisation d’une égalité effective.
Dans ce contexte, il paraît indispensable de désigner, ainsi que le recommande le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans son bilan de la loi Copé-Zimmermann, une administration pilote destinée à assurer un suivi annuel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Cet amendement vise à prévoir que les résultats obtenus par les entreprises à l’index de l’égalité professionnelle puissent faire l’objet d’un suivi par une administration du ministère de l’économie.
Cette proposition est satisfaite puisque le ministère du travail – je parle sous votre contrôle, madame la ministre – collecte déjà les résultats des entreprises, via notamment le réseau déconcentré des inspections du travail et le site internet « index-egapro.travail.gouv.fr », lequel donne un accès public aux résultats des entreprises. En outre, le ministère publie des données agrégées sur l’ensemble de ces résultats.
Cet amendement étant satisfait, je vous propose de le retirer, ma chère collègue. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes est, c’est évident, éminemment interministériel. Ainsi, plusieurs administrations le suivent en fonction des mesures et des codes de rattachement.
Les mesures liées à l’index de l’égalité professionnelle et, plus généralement, au code du travail sont suivies par Élisabeth Borne et ses services, notamment la direction générale du travail (DGT). Quant aux mesures liées au code de commerce, elles sont suivies par le ministre de l’économie, des finances et de la relance, notamment par la direction générale du Trésor, la direction générale des entreprises et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Par conséquent, ce suivi ne saurait être assuré par le seul ministère de l’économie, surtout pour les sujets liés à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui font déjà l’objet d’un suivi interministériel, en lien étroit avec les différentes administrations. Pour ce qui concerne, par exemple, le ministère du travail, la publication annuelle des résultats de l’index de l’égalité professionnelle fait partie de ce suivi.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’entends bien vos arguments, madame la ministre, ainsi que ceux de Mme la rapporteure. Néanmoins, on constate tout de même des résistances, des blocages.
Vous nous indiquez, pour nous rassurer, que le suivi est interministériel, et Mme la ministre du travail insiste sur la vigilance de ses services, notamment de l’inspection du travail.
Or, nous le savons tous au Sénat, l’inspection du travail a été réduite comme peau de chagrin : on manque d’inspecteurs du travail. En outre, la charge de travail de ces derniers est absolument énorme. Nous sommes d’ailleurs alertés, en tant que parlementaires, non seulement sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste mais également sur toutes les autres travées, par des inspecteurs du travail qui nous appellent souvent au secours.
Nous soutenons donc des amendements dans le souci non pas d’être redondants mais d’aider à « gagner » cette égalité, qui peine à s’exercer réellement. On a toujours l’impression que nous allons contre le Gouvernement quand nous faisons des propositions de cet ordre… Non ! Au contraire, nous essayons de consolider les choses pour « gagner » cette égalité que nous appelons de nos vœux.
La question est donc de savoir si les inspecteurs du travail sont suffisamment nombreux, ce que je ne crois pas, et si leur charge de travail n’est pas trop lourde, ce que je ne crois pas non plus puisque leur nombre a été réduit par ce gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je suis désolée, madame la sénatrice, mais je ne vois vraiment pas en quoi rattacher le pilotage de ce sujet au ministère de l’économie répondrait à votre préoccupation.
Je ne crois pas que les inspecteurs du travail souhaitent être dessaisis du suivi de l’égalité femmes-hommes, et je ne crois pas davantage qu’ils souhaitent être rattachés au ministère de l’économie et des finances.
Mme Laurence Cohen. Je n’ai pas dit cela, il faut écouter !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 14 rectifié bis est présenté par Mmes de Cidrac et Billon, M. Belin, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Bouchet et Brisson, Mme L. Darcos, MM. Daubresse et Détraigne, Mmes Dumont et F. Gerbaud, M. Grand, Mmes Gruny, Guidez, Herzog et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade et MM. Laugier, D. Laurent, Lefèvre, Longeot, P. Martin et Moga.
L’amendement n° 67 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1142-10 du code du travail, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux ».
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Cet amendement de notre collègue Marta de Cidrac tend à amplifier et à accélérer les efforts en matière d’égalité professionnelle, en réduisant à deux ans le délai initial laissé à l’entreprise de plus de 50 salariés pour atteindre un résultat au moins égal à 75 sur 100 à l’index de l’égalité professionnelle.
Il ne vise pas à remettre en cause le délai supplémentaire d’un an qui peut être accordé, au titre de l’alinéa 3 de l’article L. 1142-10 du code du travail, aux entreprises qui seraient en mesure de justifier un résultat en deçà des attentes. Une entreprise aura donc bien jusqu’à trois ans pour se mettre en conformité en matière d’égalité professionnelle.
J’avais déposé cet amendement en commission, mais il n’a pas été adopté ; je le soutiens donc évidemment.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 67.
Mme Laurence Cohen. Actuellement, en vertu de l’article L. 1142-10 du code du travail, les entreprises disposent d’un délai de trois ans pour atteindre un index de 75 %. Nous proposons, au travers de cet amendement, de réduire ce délai à deux ans.
Nous considérons en effet que cet amendement, sans être révolutionnaire, permettrait d’accélérer la mise en œuvre de l’égalité dans les entreprises. Sachez, mes chers collègues, que, selon une étude du Forum économique mondial, l’égalité salariale ne sera atteinte qu’en 2186 si rien ne change ! (Sourires.) De la patience, je crois que nous en avons, mais aucun d’entre nous ne sera là pour voir les résultats à cette échéance…
Il me semble que les femmes ont été suffisamment patientes et qu’elles ont assez souffert de ce manque de reconnaissance. La mise en place de cet index, que l’on nous vante, et l’adoption de mesures correctrices pour atteindre les objectifs prennent du temps – je n’en doute pas –, mais ce texte doit être beaucoup plus ambitieux.
En outre, il faut le répéter aux entreprises concernées, celles-ci ont tout à gagner à promouvoir et à garantir l’égalité entre leurs salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Il s’agit de réduire à deux ans le délai de mise en conformité applicable aux entreprises soumises à l’index, initialement prévu à trois ans. Il me semble important de répéter que cet index est récent – on l’a dit : il date de 2019, et de 2020 pour les entreprises les plus petites.
Surtout, le premier cycle de trois ans, au terme duquel les entreprises qui n’auraient pas réussi à corriger leurs insuffisances se verraient en effet frappées d’une pénalité, n’est pas encore échu. Quoique je partage votre ambition, Mme Cohen, sur le principe, on ne peut pas faire comme si les entreprises n’avaient pas traversé une période malgré tout un peu particulière, voire vraiment difficile.
Je pense donc qu’il est vraiment préférable – cela me paraît tout à fait logique et normal – d’attendre la fin de ce premier cycle avant de contrôler les résultats obtenus et, comme le prévoit la loi, de sanctionner les entreprises qui n’ont pas réussi à atteindre leurs objectifs. Cela vaut mieux que de changer les règles du jeu en cours de route.
La commission considère donc qu’il est plus sage d’en rester au délai prévu. Chacun a besoin de visibilité pour se mettre en conformité.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je comprends votre impatience et je la partage, mesdames les sénatrices. Si la disposition que vous proposez s’appliquait, néanmoins, le résultat serait paradoxal : pour ce qui est des entreprises de plus de 250 salariés, 2022 est déjà la troisième année du délai dont elles disposent pour se mettre en conformité ; ces entreprises vont donc déjà être soumises à des sanctions si elles n’atteignent pas des résultats satisfaisants.
Autrement dit, l’effet de cette réduction du délai concernerait les entreprises de 50 à 250 salariés, pour lesquelles une certaine stabilité du droit paraît nécessaire : il faut leur laisser un délai suffisant pour qu’elles puissent prendre les mesures correctives nécessaires.
Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 rectifié bis et 67.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 83, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après la référence : « L. 1142-4 », la fin du premier alinéa de l’article L. 1143-1 est ainsi rédigée : « font l’objet d’une négociation dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État en vue de l’adoption d’un plan pour l’égalité professionnelle dans l’entreprise. » ;
2° À l’article L. 1143-2, les mots : « peut mettre en œuvre le plan pour l’égalité professionnelle, sous réserve d’avoir préalablement consulté et » sont remplacés par les mots : « met en œuvre un plan pour l’égalité professionnelle après avoir ».
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement a été déposé en commission des affaires sociales du Sénat par notre collègue Annick Billon. Son importance justifie que nous le déposions à notre tour et en notre nom en séance publique.
Je sais, mes chers collègues, combien vous partagez notre ambition quant à l’obligation de négociation mais aussi de mise en œuvre d’un plan pour l’égalité professionnelle.
En effet, la négociation des accords salariaux au sein des entreprises et la publication des écarts de rémunération constituent une première étape ; la deuxième étape consiste à rendre obligatoire une telle négociation dans les entreprises, ainsi que la mise en œuvre d’un plan pour l’égalité professionnelle dans les entreprises où des écarts sont constatés. Il s’agit de passer d’une obligation de moyen à une obligation de résultat.
En matière d’égalité salariale, cela fait quarante ans que l’on attend ! Il est plus que temps de contraindre les entreprises à agir.
M. le président. L’amendement n° 68, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 1143-1 du code du travail, les mots : « peuvent faire » sont remplacés par le mot : « font ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Toujours dans l’objectif de franchir réellement une nouvelle étape en faveur de l’égalité et d’aller plus loin que la présente proposition de loi, nous proposons de passer d’une simple incitation à une obligation en matière de plan pour l’égalité professionnelle au sein des entreprises, comme vient de le souligner ma collègue Cathy Apourceau-Poly.
Concrètement, nous proposons de modifier l’article L. 1143-1 du code du travail en remplaçant les mots « peuvent faire l’objet » par les mots « font l’objet » – un simple mot fait toute la différence…
J’ai déjà dit précédemment ce que je pensais à propos de l’égalité salariale : devra-t-on attendre 2186 ? Nul besoin non plus de répéter des chiffres dont il a été fait mention à longueur de temps depuis le début de l’examen de ce texte, mais qui, visiblement, n’ont aucune importance…
Je citerai, en revanche, le baromètre annuel du Medef – vous avouerez, mes chers collègues, que cette référence n’est guère commune de ce côté de l’hémicycle… L’enquête montre que, pour 47 % des salariés, l’égalité entre les femmes et les hommes dans les entreprises est une priorité. En tant que législateurs, nous avons la possibilité d’ajouter une pierre à l’édifice en votant cet amendement, de faire en sorte que les plans pour l’égalité en matière de recrutement, de formation, de promotions, d’organisation et de conditions de travail deviennent la règle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Ce sujet est un peu technique : le code du travail prévoit aujourd’hui que l’employeur peut prendre des mesures visant à établir l’égalité des chances entre les femmes et les hommes et que, dans un deuxième temps, ces mesures peuvent faire l’objet d’une négociation au sein de l’entreprise en vue de l’élaboration d’un plan d’action pour l’égalité professionnelle.
Rendre cette négociation obligatoire, comme vous le proposez, madame Cohen, risque de s’avérer contre-productif, en créant une incitation négative à la mise en œuvre par les employeurs de mesures en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, sachant que toute décision prise sera ensuite obligatoirement versée à la négociation sociale au sein de l’entreprise. Ce n’est probablement pas le but que vous cherchez à atteindre.
Avis défavorable, donc, sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Cohen, les objectifs assignés au plan visant à établir l’égalité des chances sont déjà très largement couverts par le contenu des accords pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes négociés au sein de l’entreprise. À défaut de tels accords, de surcroît, le code du travail prévoit que l’employeur est tenu d’élaborer un plan d’action annuel destiné à assurer la satisfaction de ces objectifs.
Ces accords et plans d’action portent notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération ; ils sont obligatoires depuis l’année dernière dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Au regard du droit actuel, créer une nouvelle obligation en la matière serait donc tout à fait redondant, ce qui risque, comme le disait Mme la rapporteure, d’être contre-productif – le présent texte est déjà suffisamment fourni sur ce point.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je rappelle l’intitulé de cette proposition de loi : « accélérer l’égalité économique et professionnelle » ! Or on retoque tous les amendements que nous présentons visant à inciter davantage, au motif que leur adoption serait contre-productive : au bout du compte, l’application des dispositions que nous proposons inciterait les employeurs à ne rien faire.
Mme la rapporteure nous dit même qu’il s’agit d’un sujet très technique, puisqu’il y va du code du travail. Veuillez m’excuser, mes chers collègues, mais un des rôles de la commission des affaires sociales est bel et bien d’examiner et, le cas échéant, de modifier le code du travail – cela fait partie de ses attributions. Je ne vois donc pas en quoi ce sujet serait plus technique qu’un autre…
Un peu plus tôt dans l’après-midi, quand nous avons discuté du télétravail pour les femmes enceintes, il était déjà question de savoir s’il fallait un droit opposable ou une possibilité, et vous avez présenté des arguments contraires à ceux que vous exposez maintenant, que je ne comprends tout simplement pas, en toute franchise, madame la rapporteure, madame la ministre.
Que vous soyez en désaccord avec nous parce que vous trouvez que tout va bien, que le droit actuel vous convient et vous paraît suffisant, c’est une chose ; quant à vous entendre dire que la mesure pour laquelle nous plaidons va s’avérer contre-productive, car elle risque de froisser les entreprises, j’avoue que je m’y perds…
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Cela fait en effet trois amendements successifs que notre groupe dépose afin de répondre à l’ambition affichée dans l’intitulé de cette proposition de loi : accélérer l’égalité économique et professionnelle.
J’entends ce qui a été dit ; vous avez dit notamment, madame la ministre, que nous faisions preuve d’impatience. Nulle impatience, pourtant, de notre part !
Mme Cécile Cukierman. Simplement, il existe une exigence à laquelle il est nécessaire de répondre ; c’est tout l’enjeu de notre débat. Sur ce texte, comme à propos de nombreux autres, on a passé un temps considérable à parler – c’est bien normal et pas du tout inutile – de la lutte contre les stéréotypes, des problèmes de plafond de verre, d’orientation, de représentation, d’interdits subis, conscients, inconscients ; et nous savons le faire avec beaucoup de simplicité. Mais quand on en arrive à la question du monde du travail, ça bloque !
Pour ma part, je suis convaincue d’une chose – c’est pourquoi je parle de « nécessité » : si l’on n’arrive pas à accélérer et à transformer la réalité sociale dans laquelle vivent les femmes et les hommes, donc la place des femmes dans le monde du travail, tout le reste – je le dis au risque de choquer –, c’est du flan !
Autrement dit, on n’atteindra les objectifs fixés en matière de répartition des tâches dans le monde familial et intrafamilial que parce que les femmes seront socialement reconnues et traitées à égalité dans le monde du travail. Il faut cesser d’attendre ! Nous voulons une réelle accélération dans la prise en compte de ces mesures.
On nous répond poliment que les contraintes que nous proposons pourraient être contre-productives ; je pense au contraire qu’il faut avancer. Certains ont attendu Godot, qui n’est jamais arrivé. Quant à nous, l’égalité professionnelle, nous ne l’attendons pas : nous proposons par amendement la mise en œuvre de mesures permettant de l’atteindre !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Nous allons voter ces amendements.
Je voudrais revenir sur la nature de notre débat. Nous constatons toutes – tel était l’objet de votre propos introductif, madame la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes – que les choses n’avancent pas aussi vite que nous le voudrions, que les lois ne sont pas toujours suivies des effets attendus, que les résistances à l’égalité entre les femmes et les hommes, dans le monde économique comme dans le monde politique et dans tous les milieux sans exception, restent fortes.
En matière d’égalité professionnelle, l’enjeu n’est pas mince : c’est celui de la rémunération des femmes, avec, à la clé, un coût du travail plus élevé – c’est ce qui explique les résistances. Disons-le clairement : si l’on paie les femmes à la hauteur de ce qu’elles devraient être payées, les coûts salariaux augmenteront.
Songez cependant qu’en débattant de cette proposition de loi nous faisons toutes beaucoup d’efforts. En réalité, les quotas de femmes dans les comités exécutifs, c’est bien ; mais, pour les filles qui sont à l’usine ou pour les femmes qui travaillent comme aides à domicile ou dans la grande distribution, ce genre de dispositions fait à peu près le même effet que l’annonce de soldes chez Hermès. En aucun cas cela ne – comment dites-vous, déjà ? – « ruissellera » jusqu’à elles !
Voilà des amendements dont l’adoption permettrait que cette proposition de loi ne soit pas exclusivement destinée à mieux garantir la place des femmes dans les équipes dirigeantes, ce à quoi nous sommes par ailleurs favorables ; les réticences du Gouvernement à ce que l’on fasse plus et mieux sont donc incompréhensibles, sauf à ce qu’il veuille une fois de plus nous laisser penser que la grande cause du quinquennat est celle des premières de cordée ! (M. Patrick Kanner, Mmes Annie Le Houerou et Monique Lubin applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. J’en appelle à davantage de dialectique : entrer dans le « dur » du code du travail, c’est important, certes ; mais cela n’a pas à venir « avant » tout le reste. J’ai l’impression que l’on suggère que la répartition des tâches ménagères ou les stéréotypes et les biais de genre ne seraient pas des sujets très importants. Je ne suis pas du tout d’accord !
On parle toujours du « plafond de verre », mais il existe un autre phénomène décrit par les sociologues, celui du « plancher collant » : les femmes négocient moins leur salaire et leurs conditions de travail. Les effets de représentation, qui sont d’ordre culturel, sont tout aussi décisifs que le code du travail : il n’y a pas d’un côté le « soft », de l’autre le « dur » !
Le code du travail, j’y suis attachée autant que vous tous, mes chers collègues. Mais il y a aussi une action culturelle à mener sur les stéréotypes – et je regrette que les amendements présentés en ce sens n’aient pas recueilli les faveurs de notre assemblée. Cette action est vraiment essentielle ; elle ne passe ni avant ni après, ni devant ni derrière, mais bien – pardonnez-moi cet emprunt – « en même temps », pour le coup !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Vous pouvez peut-être accepter l’idée, mesdames les sénatrices, que le Gouvernement et la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale se préoccupent de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ! L’index de l’égalité professionnelle est une réelle avancée, dont on peut mesurer année après année l’effet sur le changement des comportements.
La proposition de loi que vous examinez ce soir a en partie pour objet de rééquilibrer les responsabilités au sein des entreprises. Mais je partage tout à fait l’idée qu’il faut s’occuper aussi des bas salaires, parmi lesquels les femmes sont surreprésentées. Une fois échu le cycle de trois ans, c’est-à-dire dès l’an prochain, nous pourrons réfléchir à une évolution de l’index visant à intégrer la question de la surreprésentation des femmes dans les bas salaires.
En l’occurrence, je partage totalement ce qu’a dit Mme la rapporteure, le sujet dont nous sommes en train de débattre est assez technique. Il existe en effet deux outils assez redondants dans le code du travail : d’une part, le plan pour l’égalité professionnelle et, d’autre part et désormais, l’obligation de négocier des accords relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Peut-être le code du travail mériterait-il donc un certain toilettage à cet égard.
Nous vous invitons donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à ne pas suivre la proposition, elle-même redondante, des auteurs de ces amendements, étant entendu que les accords relatifs à l’égalité professionnelle sont obligatoires et qu’en l’absence d’accord le code du travail prévoit que l’employeur est tenu d’établir un plan d’action annuel destiné à assurer la satisfaction de ces objectifs.
M. le président. L’amendement n° 54, présenté par Mmes M. Filleul, Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mme Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 1225-26 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le non-respect de cette mesure est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Depuis 2006, la loi prévoit qu’un congé de maternité ne doit pas pénaliser la feuille de paie des femmes. Si, pendant ce congé, une augmentation générale des salaires a été décidée dans l’entreprise, à son retour l’employé bénéficie d’un rattrapage salarial équivalent à ladite augmentation générale ; si certains salariés ont bénéficié d’augmentations individuelles, l’employé a droit à un rattrapage égal à la moyenne des augmentations accordées aux salariés de même qualification.
Mais ces obligations ne sont pas toujours respectées, loin de là. Selon le ministère du travail, 29 % des entreprises ne les respectent pas. Si des sanctions sont prévues – l’entreprise risque une amende de 1 500 euros, doublée en cas de récidive –, il semblerait, au vu des chiffres, que celles-ci ne soient pas suffisamment dissuasives. Nous proposons donc de renforcer les sanctions applicables à ceux qui n’appliquent pas la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. La méconnaissance par l’employeur de cette obligation de rattrapage salarial pour les femmes de retour de congé de maternité est d’ores et déjà punie d’une amende de 10 000 euros. Cet amendement, qui a pour objet de prévoir une sanction pour non-respect de la mesure, est donc satisfait.
Par ailleurs, il n’est pas précisé si l’amende sera applicable à l’entreprise ou à l’employeur.
En revanche, je vous rejoins sur un point, ma chère collègue : il est vrai que les obligations relatives aux augmentations de salaire en cas de retour de congé de maternité ne sont pas suffisamment respectées ; c’est l’un des enjeux de l’index de l’égalité professionnelle que de mesurer ce volet spécifique.
L’idée, avec ce texte, est de contraindre les employeurs à publier non plus l’index dans sa globalité, mais ses résultats indicateur par indicateur, ce qui permettra de faire la lumière sur les entreprises qui ne respectent pas cette obligation, de les inciter autant que possible à y remédier et, le cas échéant, de les sanctionner.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 6 bis
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 35, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mmes M. Filleul et Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’équité salariale.
Ce rapport présente par équivalence les différents emplois, selon des modalités et une méthodologie définies par décret, en tenant compte du niveau de diplôme, de responsabilité, d’expérience, d’autonomie, d’initiative et de pénibilité requis pour ces emplois.
Ce rapport précise l’échelle de rémunération moyenne des différents emplois regroupés par catégorie socio-professionnelle et répartis par sexe, selon des modalités et une méthodologie définies par décret.
Si la prédominance d’un sexe est corrélée à un écart de rémunération entre deux professions de même valeur, le rapport en analyse les raisons et formule des recommandations.
Le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes est associé à la réalisation de ce rapport.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement, qui se justifie par son texte même, vise à rétablir l’article 6 bis, supprimé par Mme la rapporteure lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. S’agissant d’une demande de rapport au Parlement, la commission est fidèle à sa position habituelle : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l’article 6 bis demeure supprimé.
Article 7
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le chapitre II bis du titre IV du livre Ier de la première partie est ainsi modifié :
a) L’intitulé est complété par les mots : « et à assurer une répartition équilibrée de chaque sexe parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes » ;
b) Sont ajoutés des articles L. 1142-11 à L. 1142-13 ainsi rédigés :
« Art. L. 1142-11. – Dans les entreprises d’au moins mille salariés, l’employeur publie chaque année les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes au sein de l’ensemble constitué par les cadres dirigeants au sens de l’article L. 3111-2 du présent code et les membres des instances dirigeantes définies à l’article L. 23-12-1 du code de commerce.
« Par dérogation aux articles L. 311-6 et L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l’administration, ces écarts de représentation sont rendus publics sur le site internet du ministère chargé du travail, dans des conditions définies par décret.
« La proportion de cadres dirigeants et de membres des instances dirigeantes de chaque sexe ne peut être inférieure à 30 %.
« Art. L. 1142-12. – Dans les entreprises d’au moins mille salariés, lorsque l’entreprise ne se conforme pas à l’obligation prévue au second alinéa de l’article L. 1142-11, elle dispose d’un délai de deux ans pour se mettre en conformité. L’entreprise doit, à mi-étape de ce délai, publier des objectifs de progression et les mesures de correction retenues, selon des modalités définies par décret. À l’expiration de ce délai, si les résultats obtenus sont toujours en deçà du taux fixé, l’employeur peut se voir appliquer une pénalité financière.
« Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa du présent article est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains, au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l’année civile précédant l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article. Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, en fonction de la situation initiale de l’entreprise, des efforts constatés dans l’entreprise en matière de représentativité entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance.
« Le produit de cette pénalité est versé au budget général de l’État.
« Art. L. 1142-13. – Dans les entreprises d’au moins mille salariés, lorsque l’entreprise ne se conforme pas à l’obligation prévue au troisième alinéa de l’article L. 1142-11, la négociation sur l’égalité professionnelle prévue au 2° de l’article L. 2242-1 porte également sur les mesures adéquates et pertinentes de correction. En l’absence d’accord prévoyant de telles mesures, celles-ci sont déterminées par décision de l’employeur, après consultation du comité social et économique. La décision est déposée auprès de l’autorité administrative dans les mêmes conditions que le plan d’action mentionné au premier alinéa de l’article L. 2242-3. L’autorité administrative peut présenter des observations sur les mesures prévues par l’accord ou la décision de l’employeur, qui sont présentées à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise ainsi qu’au comité social et économique de l’entreprise. » ;
2° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2312-18, après le mot : « rémunération », sont insérés les mots : « et de répartition entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes définies à l’article L. 23-12-1 du code de commerce, » et, à la fin, sont ajoutés les mots : « du présent code ».
II. – Le premier alinéa de l’article L. 1142-11 du code du travail entre en vigueur le 1er mars de l’année suivant la publication de la présente loi.
III. – Les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 1142-11 du code du travail entrent en vigueur le 1er mars de la cinquième année suivant la publication de la présente loi.
IV. – À compter du 1er mars de la huitième année suivant l’année de publication de la présente loi, au troisième alinéa de l’article L. 1142-11 du code du travail, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 40 % ».
V. – L’article L. 1142-12 du code du travail entre en vigueur le 1er mars de la huitième année suivant la publication de la présente loi.
V bis (nouveau). – L’article L. 1142-13 du code du travail entre en vigueur le 1er mars de la cinquième année suivant la publication de la présente loi.
VI. – Le titre III du livre II du code de commerce est complété par un chapitre XII ainsi rédigé :
« CHAPITRE XII
« De la mixité dans les instances dirigeantes des sociétés commerciales
« Art. L. 23-12-1. – Est considérée comme instance dirigeante toute instance mise en place au sein de la société, par tout acte ou toute pratique sociétaire, aux fins d’assister régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l’exercice de leurs missions. »
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, sur l’article.
Mme Annick Billon. L’article 7 est certainement l’article du texte qui aura les conséquences les plus notables dans les prochaines années. Il est la suite logique de la loi Copé-Zimmermann de 2011, puisqu’il étend le principe des quotas à davantage de postes à responsabilité.
Alors que la loi Copé-Zimmermann visait les conseils d’administration et de surveillance, qui déterminent les orientations générales de l’activité de la société, nous visons, avec cette proposition de loi, les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes, c’est-à-dire celles et ceux qui prennent au jour le jour les décisions opérationnelles et assurent la direction effective de l’entreprise.
En outre, alors que les membres des conseils d’administration et de surveillance sont généralement recrutés en externe, il s’agit désormais aussi de faciliter, pour les femmes, l’accession directe, depuis l’intérieur de l’entreprise, aux postes à responsabilité, et d’encourager la promotion interne.
Je tiens à rassurer mes collègues qui s’inquiéteraient de l’extension des quotas. La loi Copé-Zimmermann a prouvé non seulement que les quotas fonctionnaient, mais aussi que le vivier de femmes compétentes pour intégrer de tels postes existait.
Cette féminisation ne s’est pas seulement révélée bénéfique pour la gouvernance ; elle l’a été également pour la performance économique des entreprises. Les femmes sont aujourd’hui plus nombreuses que les hommes à être diplômées du supérieur. Certes, dans certains secteurs scientifiques et technologiques, tel n’est pas le cas, mais il faut justement y voir l’occasion de mener davantage d’actions visant à attirer des étudiantes dans ces secteurs au stade de l’orientation scolaire et universitaire.
Je soutiens pleinement cet article 7 tout en déplorant peut-être que le calendrier prévu ne soit pas plus rapide, comme je vous l’expliquerai en défendant l’un de mes amendements.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. L’article 7 doit nous permettre de changer la donne en faveur d’une représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi les titulaires des postes à plus haute responsabilité des entreprises.
La situation actuelle est en effet loin d’être satisfaisante. Les femmes ne représentent aujourd’hui que 18 % des membres des comités exécutifs des entreprises du CAC 40, alors même qu’elles représentent un tiers des cadres. Une seule femme est directrice générale d’une entreprise du CAC 40. J’ajoute que les résultats de l’indicateur de l’index relatif à la parité parmi les dix plus hautes rémunérations témoignent d’une dégradation : 37 % des entreprises de plus de 1 000 salariés comptaient moins de deux femmes parmi les dix plus hautes rémunérations en 2020 ; elles sont 43 % cette année !
Il est donc nécessaire de prendre des mesures fortes pour faire évoluer durablement les pratiques. C’est toute l’ambition de cet article 7 qui, je le crois, va donner une impulsion décisive en faveur de la parité entre les femmes et les hommes dans les entreprises.
Il prévoit, d’une part, une nouvelle obligation de publication relative aux écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes et, d’autre part, l’obligation d’atteindre en la matière un objectif chiffré : la proportion de cadres dirigeants et de membres des instances dirigeantes de chaque sexe ne pourra être inférieure à 30 % dans cinq ans et à 40 % dans huit ans.
Visant à la fois les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes, cet article permet un renouvellement en profondeur et dans la durée des viviers d’hommes et de femmes qui occupent aujourd’hui et occuperont demain les postes à haute responsabilité dans l’entreprise.
Il faut bien le dire, il s’agissait là d’un angle mort de nos politiques d’égalité au sein de l’entreprise. La loi Copé-Zimmermann a fait beaucoup concernant la parité dans les conseils d’administration et de surveillance et personne aujourd’hui ne la remet en cause ; il était donc temps d’avancer pour les postes de direction opérationnelle dans les entreprises. Il est en effet difficilement compréhensible de constater que les entreprises se sont féminisées, mais que les instances dirigeantes ne se sont, hélas, toujours pas pleinement engagées dans cette voie.
Cet article doit nous permettre d’agir concrètement, au-delà des mots, en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 7, à l’amendement n° 80.
Article 7 (suite)
Mme le président. L’amendement n° 80, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 3, 5, 7 et 12
Après les mots :
instances dirigeantes
insérer les mots :
, des comités directeurs et des comités exécutifs
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Le SBF 120 est l’indice boursier déterminé à partir des cours des 120 entreprises cotées à la Société des bourses françaises (SBF). Dix de ces entreprises seulement sont dirigées par une femme. Selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, les taux de féminisation des comités exécutifs (comex) et des comités de direction (codir) étaient seulement de 19 % en 2019 et de 22 % en 2020.
La disposition que nous proposons reprend une recommandation du Haut Conseil consistant à étendre les quotas de la loi Copé-Zimmermann aux instances dirigeantes du CAC 40 et du SBF 120. Ainsi serait mis en œuvre dans les comités exécutifs et les comités directeurs un quota de 20 % de femmes d’ici à 2024, puis de 40 % en 2027.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Cet amendement vise à appliquer les quotas de représentation de chaque sexe aux comités directeurs et aux comités exécutifs des entreprises. Il est satisfait : les « instances dirigeantes » visées à l’article 7 incluent bien ces deux instances, dont la définition est par ailleurs introduite dans le code de commerce par la présente proposition de loi.
L’avis est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice, comme vient de le dire Mme la rapporteure, l’ajout que vous proposez est déjà couvert par la définition de l’instance dirigeante contenue dans le présent article : il s’agit de « toute instance mise en place au sein de la société […] aux fins d’assister régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l’exercice de leurs missions ». Le champ d’application de la mesure permet donc bien de viser les membres des comex et des codir.
Votre amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme Michelle Gréaume. Je le retire, madame la présidente !
Mme le président. L’amendement n° 80 est retiré.
L’amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
entreprises
insérer les mots :
qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient un nombre moyen
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le présent amendement vise à clarifier l’appréciation du seuil de 1 000 salariés qui délimite le champ d’application de l’article 7.
Doivent être soumises à l’obligation de quotas les entreprises qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient un nombre moyen de plus de 1 000 salariés.
Il s’agit d’éviter, par cette précision, qu’une société franchissant ce seuil de façon temporaire ne sache pas si elle doit ou non se conformer aux obligations figurant à l’article 7.
La formulation proposée reprend les modalités mêmes qui étaient prévues dans la loi Copé-Zimmermann, ce qui facilitera la compréhension et l’application de cette disposition.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Favorable.
Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 25, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer le mot :
mille
par les mots :
d’au moins deux cent cinquante salariés ou dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros
II. – Alinéa 8, première phrase
Remplacer le mot :
mille
par les mots :
d’au moins deux cent cinquante salariés ou dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros
III. – Alinéa 11, première phrase
Remplacer le mot :
mille
par les mots :
d’au moins deux cent cinquante salariés ou dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 7 prévoit notamment que, pour les entreprises d’au moins 1 000 salariés, l’employeur publie chaque année les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes.
L’objet du présent amendement est d’étendre les objectifs paritaires aux instances de gouvernance de toutes les entreprises d’au moins 250 salariés et présentant un minimum de 50 millions de chiffre d’affaires.
Cet amendement vise ainsi à modifier le dispositif prévu par la présente proposition de loi pour tenir compte des recommandations formulées par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans son rapport de décembre 2019 intitulé Accès des femmes aux responsabilités et rôle levier des financements publics. Sont concernées les entreprises d’au moins 250 salariés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros.
Je l’ai rappelé lors de la discussion générale, ces entreprises ont été touchées par la loi Copé-Zimmermann. Elles ont eu le temps de mettre quasiment en œuvre la parité et sont d’ailleurs allées au-delà du quota de 40 % exigé dans les conseils d’administration.
Si elles ont effectivement répondu aux exigences de la loi Copé-Zimmermann de ce point de vue, on constate avec un peu de dépit et de désappointement qu’il n’en va pas de même au sein des comex et des codir. Là encore, c’est la loi qui les incitera à accélérer le mouvement, comme la société le demande. Pourquoi le Parlement serait-il le seul à subir des procédures accélérées ?
Mme le président. Je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir mettre votre masque correctement, surtout lorsque vous vous exprimez au micro. Je vous rappelle que le test PCR se fait au niveau du nez…
Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 24 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 38 est présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mmes M. Filleul et Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 69 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 5, 8, première phrase, et 11, première phrase
Remplacer le mot :
mille
par les mots :
deux cent cinquante
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 24.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je l’ai dit, l’article 7 prévoit que, pour les entreprises d’au moins 1 000 salariés, l’employeur publie chaque année les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes au sein de l’ensemble constitué par les cadres dirigeants.
Considérant que le seuil de 1 000 salariés est trop élevé, nous souhaitons étendre ces objectifs paritaires aux instances de gouvernance de toutes les entreprises d’au moins 250 salariés, et non pas aux seules entreprises de 1 000 salariés.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 38.
Mme Laurence Rossignol. Il s’agit de substituer au seuil de 1 000 salariés retenu par la loi Copé-Zimmermann celui de 250 salariés.
Depuis ladite loi, les mentalités ont évolué. Le moment est venu d’élargir le champ des entreprises soumises aux obligations relatives à l’égalité professionnelle.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 69.
Mme Laurence Cohen. Un travail d’évaluation de la loi Copé-Zimmermann a été réalisé par la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Nous avons pu ainsi montrer que 2 % des comex et des codir du SBF 120 ne comptaient aucune femme et que 96 % en comptaient moins de 40 %.
Le vote de ces amendements identiques permettrait de faire passer le nombre d’entreprises concernées par cette obligation de 974 à 3 904, ce qui contribuerait à faire progresser l’égalité.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Ces amendements visent à abaisser le seuil des entreprises concernées par le texte à 250 salariés, au lieu de 1 000 actuellement.
La commission a considéré que l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale était un bon compromis. Les auditions réalisées ont mis en lumière de fortes disparités au niveau des chiffres puisque nos travaux ont porté aussi bien sur les plus petites entreprises que sur les très grosses structures.
Nous sommes parvenus à un équilibre qui a du sens car, dans les entreprises de moins de 250 salariés, les instances dirigeantes et les cadres dirigeants ne sont pas forcément en nombre suffisant pour que soient rapidement mis en place ces quotas.
La loi a une vertu incitative importante. Mais, au-delà de la réussite de la loi Copé-Zimmermann dans les grandes entreprises françaises, on constate – vous avez été plusieurs à le rappeler – que les plus petites entreprises, désormais concernées par ce texte, ne sont pas encore complètement « dans les clous » des quotas fixés par la loi.
Le dispositif actuel, qui consiste à appliquer l’index pour les entreprises de plus de 50 salariés, les quotas de la loi Copé-Zimmermann pour les entreprises de plus de 250 salariés – un certain nombre d’entre elles ne les atteignent pas, mais il faut qu’elles y parviennent –, ainsi que les quotas, dont nous discutons, dans les instances dirigeantes pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, me paraît instituer un échelonnage qui a du sens par rapport à la taille des entreprises.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Les amendements identiques nos 24, 38 et 69 visent à abaisser le seuil d’assujettissement des entreprises de 1 000 à 250 salariés. L’amendement n° 25 tend, de surcroît, à ajouter une condition d’éligibilité liée au chiffre d’affaires.
Il est important de noter, comme vient de le faire Mme la rapporteure, que les instances dirigeantes, telles que les comités exécutifs, sont principalement mises en place dans les grandes entreprises. Les cadres dirigeants sont moins, voire très peu, présents dans les entreprises de 250 à 1 000 salariés. Le calcul des écarts de représentation femmes-hommes dans cette population ne serait donc pas pertinent statistiquement.
Pour ce qui concerne la condition liée au chiffre d’affaires, les obligations imposées aux entreprises sont traditionnellement fixées dans le code du travail en fonction de seuils d’effectifs qui sont bien connus par les entreprises. Notre objectif est de viser les entreprises ayant une taille assez importante pour être dotées de comités de direction et d’un nombre suffisant de cadres dirigeants.
Faire reposer la mesure sur le montant du chiffre d’affaires de l’entreprise rendrait plus complexe la lisibilité du champ d’application de la mesure, mais aussi les contrôles que l’inspection du travail pourrait effectuer.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24, 38 et 69.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 89, présenté par MM. Iacovelli, Lévrier et Théophile, Mmes Havet et Cazebonne, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
au sein de l’ensemble constitué par
par le mot :
parmi
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Le présent amendement vise à supprimer la notion d’ensemble constitué, introduite en commission, comprenant les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes.
Cette notion nous paraît contre-productive, car elle risquerait de limiter la portée de la mesure prévue. En effet, la publication devrait concerner deux populations distinctes, d’une part, les membres des instances dirigeantes, et, d’autre part, les cadres dirigeants.
Cette précision est importante en vue de renforcer la parité au sein de ces deux sphères : permettre à davantage de femmes de prendre part aux instances dirigeantes, et permettre à davantage de femmes d’être cadres dirigeantes.
Les chiffres sont là, nous les avons rappelés. Il est donc essentiel d’agir pour que la parité soit assurée partout.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Cet amendement vise à revenir sur une clarification apportée par la commission.
L’avis est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. M. le sénateur Iacovelli souhaite supprimer les termes « au sein de l’ensemble constitué par », s’agissant du vivier concerné par l’application du quota, et en revenir à la rédaction proposée initialement par l’Assemblée nationale.
Cette rédaction, plus simple, fait apparaître clairement que la publication concerne deux populations distinctes : d’une part, les membres des instances dirigeantes, et, d’autre part, les cadres dirigeants.
Elle permet d’éviter l’interprétation selon laquelle un taux de représentativité unique serait calculé en assimilant totalement les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes. Une telle interprétation pourrait aboutir à considérer qu’une société respecte le quota légal dans le cas où un grand nombre de femmes cadres dirigeantes viendrait compenser une absence de femmes dans les instances dirigeantes.
Le présent amendement n’est pas simplement rédactionnel puisqu’il tend à rétablir l’esprit du texte d’origine. Il prévoit en effet un quota pour les cadres dirigeants et un autre pour les instances dirigeantes, et non pas un quota calculé de façon unique pouvant être atteint dans le cas où il y aurait suffisamment de femmes cadres dirigeantes pour compenser numériquement l’absence de femmes au comex.
Cet amendement permettant d’éviter de possibles contournements de la loi, j’y suis favorable.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 26 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 60 rectifié est présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I.- Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Par dérogation aux articles L. 311-6 et L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l’administration, ces écarts de représentation sont rendus publics sur le site internet du ministère chargé du travail, dans des conditions définies par décret.
II.- Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
III.- Alinéa 11, première phrase
Remplacer le mot :
troisième
par le mot :
second
IV.- Alinéa 14
Remplacer les mots :
Les deuxième et troisième alinéas
par les mots :
Le second alinéa
et le mot :
entrent
par le mot :
entre
V.- Alinéa 15
Remplacer le mot :
troisième
par le mot :
deuxième
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 26.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a pour objet de revenir sur l’amendement par lequel la commission des affaires sociales du Sénat a accordé un délai de cinq ans pour la publication, sur le site du ministère du travail, des écarts de représentation dans les instances dirigeantes des entreprises.
En effet, même si le premier quota de 30 % ne s’appliquera que cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi, la publication des écarts avant cette échéance prévue par l’Assemblée nationale a toute son utilité. Elle permettra de visibiliser « au fil de l’eau » les efforts opérés par les entreprises afin de féminiser leurs instances dirigeantes, et de constituer à la fois une base de données utile et une première incitation à anticiper l’échéance de cinq ans. Nous sommes donc opposés à des délais supplémentaires.
Mme le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour présenter l’amendement n° 60 rectifié.
Mme Guylène Pantel. Cet amendement vise à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, qui prévoit que les écarts de représentation entre les femmes et les hommes soient rendus publics sur le site du ministère du travail un an après l’entrée en vigueur de la loi, et non pas cinq ans après, comme le préconise la commission des affaires sociales.
L’article 7 vise à ce que les entreprises parviennent, d’ici à dix ans, à déconstruire le plafond de verre dont nous avons hérité, en s’appuyant sur des jalons qui sont autant d’étapes pour atteindre cet objectif. Or décaler un jalon pour le faire concorder avec un autre risquerait de déséquilibrer la progressivité de la méthode proposée à l’article 7.
L’obligation de publication ne doit pas être vue, par ailleurs, comme une sanction, mais plutôt comme un outil mis à la disposition des entreprises pour mettre en valeur les efforts consentis et pour attirer les talents. Je pense en particulier aux filières qui peinent à recruter en raison d’un marché des compétences tendu, et qui auront une nouvelle corde à leur arc pour séduire un public qu’elles n’attiraient pas auparavant.
Enfin, presque quarante ans après les premiers textes sur l’égalité professionnelle et dix ans après la loi Copé-Zimmermann, on peut raisonnablement penser que les entreprises ont eu largement le temps de s’adapter à cet objectif, et qu’elles peuvent accélérer sans plus attendre cette démarche.
Mes chers collègues, « si on veut que les femmes comptent, il faut compter les femmes », pour reprendre le slogan du collectif Sista !
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Nos collègues souhaitent mettre l’accent sur le volet incitatif, ce que je comprends. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’échanger récemment sur ce point avec Mme la ministre.
L’idée de faire coïncider le name and shame avec la publication des écarts de représentation sur le site du ministère du travail est perçue par les entreprises comme une sanction qui intervient avant l’entrée en vigueur de la loi. Quand un enseignant donne un devoir à faire à un élève pour la fin de la semaine, il ne le punit pas si ce devoir n’est pas rendu en début de semaine ! C’est le même principe qui doit prévaloir ici.
Pour autant, l’incitation est importante, vous avez raison de le souligner, tout comme l’accompagnement des entreprises vers l’objectif à atteindre. C’est la raison pour laquelle la commission n’est pas revenue sur un autre dispositif de publicité, à savoir la publication des écarts d’égalité hommes-femmes sur le site internet de l’entreprise, afin de permettre la mise en place de cette première étape au niveau de la communication interne et externe de l’entreprise.
En tout état de cause, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le texte, tel qu’il a été adopté par la commission des affaires sociales du Sénat, prévoit une entrée en vigueur de la publication des résultats sur le site internet du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion le 1er mars de la cinquième année suivant la publication de la présente loi.
Ces amendements visent à prévoir, quant à eux, une entrée en vigueur de cette mesure le 1er mars de l’année suivant la publication de la présente loi, conformément au vote de l’Assemblée nationale.
J’entends les arguments de votre rapporteure, qui souhaite laisser plus de temps aux entreprises pour adapter leurs pratiques à la nouvelle réglementation. Mais je considère dans le même temps que, depuis dix ans, les entreprises ont eu suffisamment de temps pour féminiser leurs équipes. Il s’agit ici d’une mesure peu coercitive, qui permettra de recruter sur des secteurs d’emplois aujourd’hui déjà en tension.
Il nous faut donc pouvoir définir une entrée en vigueur permettant de concilier l’exigence de transparence, tout en accordant aux entreprises un délai avant que leurs résultats ne soient mis en ligne sur le site du ministère chargé de l’emploi. Ce délai doit permettre aux entreprises de mener les premières actions pour améliorer la parité entre les femmes et les hommes au sein de la population visée.
La définition du délai d’entrée en vigueur le plus adéquat pourra faire l’objet d’un compromis dans la suite de la navette parlementaire. Une durée de deux ans avant la publication pourrait, par exemple, être une échéance tout à fait adaptée.
J’émets donc, pour ces raisons, un avis favorable sur ces deux amendements.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 et 60 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 36, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mmes M. Filleul et Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer le taux :
30 %
par le taux :
40 %
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à renforcer les obligations paritaires des entreprises en élevant la représentation minimale de chaque sexe à 40 %, au lieu de 30 %, les entreprises disposant d’un délai de cinq ans pour y parvenir.
Je rappelle que la parité, ce n’est pas 30 % ou 40 % de femmes, mais bien 50 % ! Du point de vue de l’objectif visé, le seuil minimal de 40 % constitue donc une étape inférieure pour donner le temps aux entreprises d’atteindre la parité réelle.
Par ailleurs, ces sujets ne sont ni nouveaux ni surprenants : il en est question depuis 1972, c’est-à-dire depuis la première loi sur l’égalité salariale qui, elle-même, indiquait la voie à suivre pour instaurer l’égalité de salaire et de rémunération entre les hommes et les femmes, supposée découler d’une égalité d’accès aux postes de responsabilité. En presque cinquante ans, il nous semble que les entreprises ont eu le temps de se préparer…
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Cet amendement vise à fixer à 40 % dès la cinquième année suivant la publication de la loi le quota de femmes parmi les cadres dirigeants et membres des instances dirigeantes.
Au-delà de la complexité d’une telle mesure pour certaines entreprises, et même si l’égalité professionnelle est un sujet de discussion depuis plusieurs dizaines d’années, la proposition de loi dont nous discutons me paraît présenter une vertu intéressante : ses dispositions ont un caractère progressif. Cette méthode permet la mise en place de dispositifs d’accompagnement, condition nécessaire pour que la loi soit effective, c’est-à-dire ambitieuse, mais réaliste pour les entreprises.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Après le mot :
entreprises
insérer les mots :
qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient un nombre moyen
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Cet amendement vise à clarifier l’appréciation du seuil de 1 000 salariés délimitant le champ d’application de l’article 7. Seront ainsi soumises à l’obligation de quota les entreprises qui, pour le troisième exercice consécutif, ont employé un nombre moyen de plus de 1 000 salariés.
En apportant cette précision, il s’agit d’éviter qu’une société qui franchirait ce seuil de façon temporaire ne sache pas si elle doit se conformer ou non aux obligations figurant à l’article 7. Cette formulation reprend les mêmes modalités que celles prévues dans la loi Copé-Zimmermann, ce qui pourrait en faciliter l’application.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Favorable.
Mme le président. L’amendement n° 98, présenté par Mme Garnier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Remplacer le mot :
second
par le mot :
troisième
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 37, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mmes M. Filleul et Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
1° Première phrase
Remplacer les mots :
de deux ans
par les mots :
d’un an
2° Dernière phrase
Remplacer les mots :
peut se voir
par les mots :
se voit
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. L’article 7 tend à prévoir qu’une entreprise ne respectant pas les obligations fixées par le présent texte aura un délai de deux ans pour s’y plier, sous peine de se voir éventuellement infliger une pénalité financière.
Nous proposons de réduire ce délai à une année. Depuis le temps que ces entreprises sont incitées à favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes, pourquoi ne pas le diminuer ?
Le présent amendement vise à retirer le caractère facultatif de la sanction en renforçant la portée de l’obligation paritaire et en diminuant de moitié le délai de mise en conformité à l’expiration du délai légal.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Le caractère non systématique de la sanction prévue à l’alinéa 8 de l’article 7 est cohérent avec la souplesse prévue à l’alinéa suivant, qui vise à préciser que l’autorité administrative prend en compte la situation initiale de l’entreprise, les efforts constatés ainsi que les motifs de sa défaillance si elle n’est pas en mesure de satisfaire aux quotas prévus par la loi.
Cette souplesse est bienvenue, d’autant que les objectifs fixés par le texte sont ambitieux pour de nombreuses entreprises.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Cet amendement vise à réduire à un an le délai accordé à l’entreprise pour se mettre en conformité. Il tend à ajouter un caractère systématique à la sanction en cas de non-atteinte de l’objectif fixé.
Le dispositif instauré à l’article 7 fixe des objectifs ambitieux, tout en laissant le temps nécessaire aux entreprises présentant une faible mixité femmes-hommes d’agir sur le vivier de cadres.
Soyons réalistes : certaines entreprises partent de si loin et connaissent un niveau de mixité femmes-hommes tellement bas que, pour atteindre les paliers intermédiaires de 30 % et de 40 %, cela leur demandera un travail colossal. Je pense, notamment, à des secteurs comme celui du bâtiment et à tous les bassins d’emploi où il est plus compliqué de recruter des femmes cadres.
Le délai accordé de deux ans est de nature à garantir un bon équilibre entre l’exigence d’engager les entreprises à s’inscrire dès à présent dans une démarche favorisant la parité et la prise en compte réaliste de la situation de chacune d’entre elles.
Par ailleurs, l’inspection du travail doit disposer d’une marge d’appréciation s’agissant de l’application de la sanction afin de pouvoir tenir compte des situations spécifiques des entreprises, qu’il s’agisse des efforts qu’elles vont entreprendre en matière d’égalité femmes-hommes, de leur situation initiale en matière de parité, du bassin d’emploi, des difficultés économiques éventuelles, etc.
Il est donc nécessaire de maintenir le caractère non systématique de l’application de la pénalité. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.
Mme le président. L’amendement n° 99 rectifié, présenté par Mme Garnier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Remplacer la deuxième occurrence des mots :
premier alinéa
par la référence :
I
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 61 rectifié, présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Remplacer les mots :
au maximum à
par les mots :
entre 0,5 % et
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. L’article 7 tend à fixer un objectif de représentation équilibrée de chaque sexe au sein des instances dirigeantes des entreprises d’au moins 1 000 salariés.
Nous le savons, l’effectivité de la loi passe par la sanction des comportements qui ne s’y conformeraient pas. C’est pourquoi le dispositif prévoit une pénalité financière pour l’entreprise, qui ne pourra pas excéder 1 % des rémunérations et des gains versés aux travailleurs salariés au cours de l’année civile précédente. En revanche, il n’est pas prévu de plancher pour le montant des pénalités.
Cette absence pourrait, selon nous, constituer un frein à la mise en place de mesures correctives. C’est pourquoi nous proposons d’instaurer un plancher fixé à 0,5 % des rémunérations et gains versés aux travailleurs salariés.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Cet amendement, dont je comprends la logique, peut paraître intéressant. Pour autant, eu égard à ce qui a été rappelé précédemment sur la non-automaticité de la sanction dans un certain nombre de cas de figure, sur lesquels je ne reviendrai pas, mieux vaut prévoir une petite sanction que pas de sanction du tout.
Si une entreprise ne répondait pas aux obligations fixées par la loi et que l’administration avait en tête un plancher, tel que celui que vous proposez d’instaurer, cette dernière pourrait être amenée à ne pas déclencher de sanctions. Or il me semble plus vertueux, compte tenu de l’objectif visé, d’appliquer une petite sanction – y compris inférieure à 0,5 % de la masse salariale, ce qui peut déjà représenter une somme importante pour une entreprise –, plutôt, j’y insiste, que pas de sanction du tout.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Un niveau de sanction à hauteur de 1 % modulable, laissé à l’appréciation des autorités, permet déjà d’avancer sérieusement sur cette question.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 81, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Remplacer le taux :
1 %
par le taux :
10 %
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous proposons d’augmenter la pénalité financière prévue au bout de deux ans lorsque les entreprises n’auront pas respecté le quota à atteindre en termes de parité dans toutes les instances dirigeantes.
Au-delà du délai de mise en conformité et du seuil à atteindre, sur lesquels il faut être plus exigeant et ambitieux, nous pensons qu’il faut également jouer sur le levier de la pénalité financière.
On l’a vu, et cela fait des années qu’on le constate, l’égalité et la parité ne sont pas automatiques. Comme cela a été rappelé tout au long de nos débats, malgré plusieurs lois sur ce sujet, les femmes restent victimes de discriminations et d’inégalités dans la sphère professionnelle.
Des pénalités financières à hauteur de 1 % existent déjà, par exemple en cas d’absence d’accord sur l’égalité. On a désormais assez de recul, madame la rapporteure, pour conclure qu’elles ne sont pas assez dissuasives ! Pour les instances dirigeantes, fixer ces sanctions à 10 %, au maximum, des rémunérations et des gains aurait certainement un effet beaucoup plus persuasif.
J’entends déjà les arguments que l’on va nous opposer… Mais je tiens à signaler ici que nous visons non pas les petites et moyennes entreprises, que cela pourrait en effet mettre en difficulté, mais les entreprises de plus de 1 000 salariés.
Nous profitons donc de cette proposition de loi pour enrichir et renforcer notre législation, afin de favoriser l’accès des femmes aux responsabilités.
Je crains que cet amendement ne subisse le même sort que celui de ma collègue Guylène Pantel, mais vous l’avez remarqué : je crois aux arguments que je porte et je les défends avec conviction !
Mme le président. L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par M. Henno, Mme Vermeillet, M. Canévet, Mmes Férat et Perrot, M. Prince, Mme Vérien, M. P. Martin, Mmes Billon, Létard et Doineau, MM. Vanlerenberghe et S. Demilly, Mme Herzog et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Remplacer le taux :
1 %
par le taux :
2 %
La parole est à M. Olivier Henno.
Mme le président. L’amendement n° 12 rectifié bis est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 81 ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Madame Cohen, je salue votre constance ainsi que votre logique et je l’entends, mais ce n’est pas celle du texte, vous l’avez compris ; ce n’est pas celle de l’équilibre que je défends.
Pour ma part, il me semble que 1 % de la masse salariale est déjà un taux dissuasif. Rappelons que cette sanction est associée à la mise en place d’une logique de name and shame, d’abord sur la publicité extérieure des entreprises puis sur le site du ministère du travail. Les entreprises y sont très attentives, il ne faut pas le sous-estimer : c’est également perçu comme une sanction touchant l’image de marque.
À mon sens, en alliant ces deux éléments, on met en place un dispositif qui fonctionne et qui incite fortement les entreprises à avancer sur ce chemin de l’égalité, voire les dissuade de ne pas le faire.
Je précise que de nombreuses organisations patronales, diverses, souhaitaient que la sanction financière ne s’applique que sur le périmètre de la population concernée par la non-application des quotas. Vous le voyez, en prenant en compte l’ensemble de la masse salariale, nous mettons donc déjà en place un dispositif qui me semble tenir la route.
Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le moins que je puisse faire, madame la sénatrice, c’est saluer votre persévérance. Cependant, fixer la pénalité à 10 % de la masse salariale me paraît largement disproportionné, et surtout contre-productif, d’autant plus si notre objectif est de faire de la pédagogie, d’accélérer, de sensibiliser et d’améliorer la situation des femmes dans l’entreprise. Je viens de ce monde et je sais comment il fonctionne, une telle disposition ne donnera pas de résultat.
Il me semble que le plafond de 1 % retenu dans le présent article est cohérent avec le taux de la pénalité fixé pour les autres obligations du code du travail en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il s’agit, ainsi, du même montant maximum susceptible d’être infligé à une entreprise qui ne respecterait pas ses obligations relatives à l’index de l’égalité professionnelle.
Cela peut d’ores et déjà représenter des sommes considérables. Augmenter cette pénalité à 10 % serait véritablement dissuasif et pourrait faire peser des risques importants sur les équilibres financiers de certaines entreprises concernées.
Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Notre groupe ne souhaite pas pénaliser les entreprises en leur infligeant des sanctions financières, mais bien mettre en place des sanctions dissuasives. En plaçant la barre assez haut, nous imaginons que les entrepreneurs seront suffisamment intelligents pour ne pas prendre le risque d’encourir ces pénalités.
Le 1 % que vous proposez n’est pas efficace, j’en ai donné un exemple à propos d’un autre critère. On pourrait aussi dresser un parallèle avec les pénalités financières imposées aux municipalités qui refusent d’appliquer la loi en matière de logements sociaux : nombre d’entre elles préfèrent payer les pénalités, tant celles-ci sont insuffisantes.
La sanction doit donc être dissuasive ; elle ne doit pas « tomber sur la tête » d’une entreprise, mais l’inciter à se mettre en conformité avec la loi.
Cela me choque depuis le début de cette discussion : nous parlons tout de même de situations dans lesquelles la loi n’est pas respectée ! Nous légiférons, élaborons, votons la loi, et quand nous évoquons des entreprises qui ne la respectent pas, on nous dit qu’il faut y aller tout doucement…
Quand vous ne respectez pas la loi, il est tout à fait normal que vous soyez sanctionné ; or si les pénalités ne sont pas dissuasives, cela n’encourage pas à s’y soumettre.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. J’ai passé trente ans de ma vie dans le monde de l’entreprise : mes propos sont appuyés sur l’expérience.
M. Jean-François Husson. Cela n’est pas gage de vérité !
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Permettez-moi de poursuivre !
Si les entreprises craignent d’être sanctionnées à hauteur de 10 %, elles n’embaucheront pas de femmes. Nous ne voulons absolument pas en arriver à une situation où les femmes seraient davantage discriminées parce que les entreprises craindraient de ne pas atteindre le niveau de parité que nous exigeons. Cela n’est pas ce que nous recherchons et il me semble que nous le regretterions.
Au-delà de cette considération pratique, vous savez mieux que moi que le Conseil constitutionnel aura un droit de regard sur la proportionnalité de la sanction. Je crains qu’un plafond à 10 % ne passe pas cette étape. Notre objectif est que la loi soit effectivement appliquée ; or, en fixant les sanctions à un tel niveau, nous n’y parviendrons pas.
Soyons pragmatiques : si nous voulons que cette loi bénéficie à toutes les femmes de notre pays, nous devons être réalistes quant à ce qu’il est possible d’appliquer.
Mme le président. L’amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11, première phrase
Après le mot :
entreprises
insérer les mots :
qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient un nombre moyen
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Cet amendement vise à clarifier l’appréciation du seuil de 1 000 salariés qui délimite le champ d’application de cet article.
Seront ainsi soumises à l’obligation de quotas les entreprises qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient un nombre moyen de plus de 1 000 salariés. Il s’agit d’éviter qu’une société franchissant ce seuil de façon temporaire ne sache pas si elle doit se conformer ou non aux obligations qui figurent à l’article 7.
Cette formulation reprend, encore une fois, les modalités de la loi Copé-Zimmermann.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Favorable.
Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 39, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mmes M. Filleul et Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 14
Remplacer le mot :
cinquième
par le mot :
troisième
II. – Alinéa 15
Remplacer le mot :
huitième
par le mot :
cinquième
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Nous avons défendu un amendement visant à augmenter le taux de femmes, que vous n’avez pas adopté. Je vous propose à présent de réduire les délais.
Mme le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 6 rectifié nonies est présenté par Mmes Billon, L. Darcos, Demas, Dindar, Létard, Jacquemet, Tetuanui, Poncet Monge, Vermeillet et Saint-Pé et MM. Belin, Détraigne, Henno, Lafon, Le Nay et Longeot.
L’amendement n° 63 rectifié est présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 14
Remplacer le mot :
cinquième
par le mot :
quatrième
II. – Alinéa 15
Remplacer le mot :
huitième
par le mot :
sixième
III. – Alinéa 16
Remplacer le mot :
huitième
par le mot :
sixième
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié nonies.
Mme Annick Billon. Cet amendement vise également à accélérer la mise en application des nouvelles dispositions instaurant des quotas pour les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes des entreprises d’au moins 1 000 salariés.
Dans sa version actuelle, l’article 7 prévoit l’application d’un quota de 30 % en 2027 et de 40 % en 2030, en laissant à chaque fois deux ans aux entreprises pour se mettre en conformité avec ces objectifs. Ces dispositions ne s’appliqueraient donc qu’en 2032. L’objectif est d’accélérer le processus.
Mme le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour présenter l’amendement n° 63 rectifié.
Mme le président. L’amendement n° 72, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Remplacer le mot :
huitième
par le mot :
sixième
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Tout d’abord, je comprends l’impatience des signataires de ces différents amendements de voir progresser le partage des responsabilités dans l’entreprise.
En retour, il faut bien comprendre que, contrairement à ce que prévoyait la loi Copé-Zimmermann, il ne s’agit pas de nommer des femmes dans des instances de gouvernance, c’est-à-dire de prévoir des nominations extérieures à l’entreprise. Cela peut se faire assez facilement, en définitive, même si ladite loi prévoyait un certain nombre d’étapes.
L’objectif des mesures en discussion est bien d’accompagner les femmes depuis leur recrutement, par la formation, pour les amener à intégrer le groupe des cadres dirigeants et des instances dirigeantes des entreprises. Pour que cette démarche soit bien comprise et bien accompagnée, il faut du temps. C’est toute la différence avec le processus prévu dans la loi Copé-Zimmermann, qui ne concernait que les conseils d’administration.
En effet, il reste du chemin à parcourir, et votre impatience de voir les choses évoluer et les femmes prendre toute leur place est partagée. Mais, compte tenu de ces éléments, je vous propose de retirer ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Croyez bien, mesdames les sénatrices, que je comprends votre impatience. Nous avons tant attendu, et beaucoup de femmes attendent encore, que ce sujet avance de manière volontariste et déterminée. Il me semble pourtant préférable, dans un souci d’efficacité et de pragmatisme, de laisser le temps aux entreprises d’agir utilement pour cette mixité que nous appelons de nos vœux.
Il nous faut d’abord garder à l’esprit la problématique du vivier, dont il faut reconnaître l’actualité dans certains secteurs d’activité. Nous devons prendre en considération les situations de départ : nous savons que, dans certaines entreprises comme dans certains bassins d’emploi, la parité est particulièrement déséquilibrée.
La mesure que vous proposez reviendrait à faire évoluer de manière précipitée le corps social de l’entreprise, sans prendre en considération le déroulement des parcours professionnels déjà engagés et les difficultés éventuelles à recruter des cadres féminins, qui ne sont pas préparés parce que le vivier est faible dans certains secteurs comme dans la technologie, le bâtiment, l’aéronautique ou l’automobile.
Par conséquent, ces mesures risquent d’être contre-productives. En ce sens, les paliers intermédiaire et final, fixés par l’article respectivement à cinq ans et à huit ans, paraissent plus pertinents et plus réalistes, car ils permettront aux entreprises de mener des politiques de renouvellement du vivier sur le moyen terme.
Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. J’ai bien entendu les arguments de Mme la rapporteure et de Mme la ministre déléguée, et je sais, après les discussions que nous avons eues avec elles, qu’elles partagent globalement l’envie d’accélérer. Le travail que nous menons au sein de la délégation aux droits des femmes sur différents sujets ne me permet en aucun cas de douter de la volonté de tous d’avancer sur ces problématiques.
Je retire donc mon amendement.
Mme le président. L’amendement n° 6 rectifié nonies est retiré.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Madame la rapporteure, madame la ministre déléguée, celles et ceux qui portent ces amendements ne sont pas impatients ; je trouve même que les femmes sont incroyablement patientes !
Qui d’autre que les femmes pourraient supporter autant d’inégalités avec autant de bonne humeur ? Je rappelle à tout le monde que celles-ci ne déversent pas de couches sales devant les préfectures et ne bloquent que rarement les ronds-points ou les péages d’autoroute, alors qu’elles auraient mille et une raisons de le faire. (Sourires.) Elles sont très patientes !
J’entends ce que vous nous dites. Dans les entreprises, la question du vivier peut sembler déterminante ; je connais les types d’industries – l’informatique, par exemple, ou les sociétés de services – dont la structure est à forte dominante masculine et où il est donc plus difficile d’avancer.
Toutefois, j’observe aussi que certaines entreprises ont eu la volonté interne d’imposer des quotas de femmes dans leur comité exécutif. Elles n’ont pas attendu la loi pour cela, et il ne s’agit pas pour autant d’entreprises « féminines », qui font dans la lingerie, la dentelle, ou les vêtements de luxe. Certaines industries technologiques ont fait ce choix !
Vous nous dites que nous sommes impatientes, mais vous nous demandez en réalité de composer avec les plus résistants. La question du quota de femmes dans les comités exécutifs ne date pas d’il y a quinze jours ou un an ; on en parle depuis des années. Les plus perspicaces avaient déjà indiqué, au moment de la loi Copé-Zimmermann, que ce serait l’étape suivante.
Les entreprises ont eu dix ans pour s’y préparer, je considère que c’est suffisant.
Mme le président. L’amendement n° 90, présenté par MM. Iacovelli, Lévrier et Théophile, Mmes Havet et Cazebonne, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Une instance dirigeante peut être mise en place entre des sociétés ou entreprises comprises dans un même périmètre de consolidation au sens de l’article L. 233-16. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement vise à rétablir la rédaction issue de l’Assemblée nationale concernant la notion de périmètre de consolidation.
Cette notion, prévue par l’article L. 233-16 du code de commerce, permet d’identifier l’ensemble des sociétés d’un même groupe incluses dans des comptes consolidés. Dans le cadre de la parité, elle nous paraît particulièrement importante et mérite de figurer dans la loi, car elle permet de faire en sorte que la juste représentation des sexes soit assurée au sein des groupes.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Monsieur le sénateur, il s’agit en effet d’un véritable problème, auquel nous ne pouvons pas apporter de solution parfaite.
Il pourrait être pertinent d’appliquer les obligations de mixité au niveau des groupes, comme vous le proposez, mais nous devons définir un périmètre homogène, notamment pour assurer l’effectivité des sanctions. Nous n’avons donc pas trouvé de configuration parfaite sur ce volet.
Nous en avons discuté avec Mme la ministre déléguée à plusieurs reprises et je souhaite que nous puissions poursuivre ces échanges, parce que nous sommes d’accord sur le point que vous soulignez. Il faut donc continuer à réfléchir pour trouver un schéma qui permette de garantir qu’il n’y a pas de trou dans la raquette.
Pour le moment, en matière de périmètre, nous préférons assurer l’effectivité de la sanction et donc en rester là. Si je rejoins vos propos sur le fond, l’avis de la commission reste défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous nous proposez de prévoir qu’une instance dirigeante puisse être mise en place non seulement au sein d’une société, mais également entre des sociétés comprises dans un même périmètre de consolidation au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce.
Cette rédaction, présentée en première lecture à l’Assemblée nationale, vise à permettre aux sociétés qui entreront dans le champ d’application de la loi de comptabiliser, dans le calcul du quota d’une de leur instance dirigeante, les membres de cette instance employés par une filiale.
Par exemple, si le comité exécutif d’une société compte parmi ses membres le directeur général d’une filiale opérationnelle, celui-ci serait comptabilisé dans le quota s’appliquant à cette société.
Je suis favorable à cet amendement.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Après l’article 7
Mme le président. L’amendement n° 3 rectifié septies, présenté par Mmes Billon, L. Darcos, Demas, Dindar, Doineau, de La Provôté, Jacquemet, Létard, Pantel, Poncet Monge, Schalck et Vermeillet et MM. Belin, Détraigne, Henno, Lafon, P. Martin, Le Nay et Louault, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 225-18- 1 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-18- 2 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-18- 2. – Dans les sociétés qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient un nombre moyen d’au moins deux cent cinquante salariés permanents et présentent un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros, un comité spécialisé, agissant sous la responsabilité du conseil d’administration et composé de membres de ce conseil, est chargé des nominations des nouveaux administrateurs et des dirigeants mandataires sociaux.
« Le comité mentionné au premier alinéa fait des propositions au conseil, après avoir examiné de manière circonstanciée tous les éléments à prendre en compte dans sa délibération, pour parvenir à une composition équilibrée du conseil et au respect de l’obligation prévue à l’article L. 225-18-1. Il établit un plan de succession des dirigeants mandataires sociaux en tenant compte de l’objectif de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des instances dirigeantes de la société.
« Ce comité est composé d’au moins un représentant de chaque sexe. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er mars de l’année suivant la publication de la présente loi.
III. – À compter du 1er mars de la troisième année suivant l’année de publication de la présente loi, le troisième alinéa de l’article L. 225-18-2 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’il est composé au plus de huit membres, l’écart entre le nombre des membres de chaque sexe ne peut être supérieur à deux. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Le rapport d’information de la délégation aux droits des femmes du Sénat sur le bilan de l’application de la loi Copé-Zimmermann, laquelle a introduit des quotas de représentation de chaque sexe au sein des instances de gouvernance des entreprises, a montré que celui-ci était très positif dans les grandes sociétés cotées, mais que la mixité restait limitée dans les conseils d’administration et de surveillance des plus petites capitalisations boursières.
Le présent amendement vise donc à affirmer le rôle des comités spécialisés dans le respect de l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du conseil d’administration, ainsi que leur mission d’identification des profils dans les plans de succession des dirigeants mandataires sociaux.
Il tend également à fixer des règles de représentation de chaque sexe au sein de ces comités, lesquels devraient inclure au moins une femme d’ici à 2023 et un écart de deux personnes au maximum d’ici à 2025, pour les comités de huit membres au plus.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Cet amendement vise à conforter au niveau législatif le rôle des comités de nomination.
Nous en avons discuté avec la présidente de la délégation aux droits des femmes ; il s’agit effectivement d’un levier intéressant pour favoriser la mixité dans les conseils d’administration des entreprises.
Avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Sur le fond, nous ne remettons pas en cause l’intérêt des comités de nomination et de rémunération.
Toutefois, tel qu’il est rédigé, cet amendement pose un problème en tendant à créer derechef un tel comité dans toutes les entreprises de plus de 250 salariés, ce qui n’est pas la situation actuelle. C’est en effet une pratique assez commune dans les entreprises cotées, mais rare dans les entreprises de taille intermédiaire, dont nous risquons ainsi d’alourdir la gouvernance en les forçant à créer un comité peu répandu dans la réalité.
Il y a donc matière à retravailler cette proposition dans la perspective d’une commission mixte paritaire, afin de prévoir une représentation de chaque genre lorsque ce comité de nomination et de rémunération existe, ce qui me semble être l’intention des auteurs de cet amendement.
Par ailleurs, la rédaction proposée présente une seconde difficulté : elle prévoit que le comité de nomination et de rémunération décide des organigrammes de remplacement et des nominations des mandataires sociaux. Or, vous le savez, le code de commerce dispose que le conseil d’administration est décisionnaire en la matière. Cet amendement nous semble un peu ambigu sur ce point.
Pour ces deux raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement, alors même que nous sommes bienveillants à l’égard du principe qui a présidé à sa présentation. Nous sommes disponibles pour le retravailler dans la perspective de la commission mixte paritaire.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 7.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 55 rectifié, présenté par Mmes M. Filleul, Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mme Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 225-21, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 225-77, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois ».
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. L’existence d’un vivier de femmes compétentes pour siéger dans les instances dirigeantes n’est plus à prouver aujourd’hui, mais elle amène à se poser la question de la limite du cumul des mandats dans les conseils d’administration.
Limiter le nombre de mandats successifs à trois, contre cinq actuellement, libérerait des places dans les conseils et permettrait à davantage de femmes d’accéder à cette fonction. C’est cela que préconise le rapport d’information de la délégation aux droits des femmes intitulé Parité en entreprise, pour de nouvelles avancées dix ans après la loi Copé-Zimmermann, dont j’ai été corapporteure.
Nous proposons donc de traduire cette proposition dans un amendement et de limiter le nombre de mandats d’administrateur pouvant être simultanément exercés par une même personne, afin de favoriser le renouvellement et, par là même, la parité dans les conseils d’administration.
Mme le président. L’amendement n° 2 rectifié octies, présenté par Mmes Billon, L. Darcos, Demas, Dindar, Doineau, de La Provôté, Herzog, Saint-Pé, Jacquemet, Létard, Pantel, Poncet Monge, Schalck, Vérien et Vermeillet et MM. Belin, Détraigne, Henno, Lafon, Le Nay, Louault, P. Martin et Moga, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 225-21, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 225-77, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois ».
II. – Le I entre en vigueur le 1er mars de la troisième année suivant la publication de la présente loi.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement a le même objet que le précédent. Je voudrais saluer le travail réalisé par Martine Filleul, Joëlle Garriaud-Maylam et Dominique Vérien, qui avaient avancé cette proposition en dressant le bilan de la loi Copé-Zimmermann.
L’idée est de ne pas limiter les mandats dans le temps, afin de respecter l’expertise de ces femmes et de ces hommes, mais de créer des places en limitant leur nombre à trois mandats consécutifs.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Ces deux amendements tendent à limiter à trois, au lieu de cinq actuellement, le nombre de mandats d’administrateur pouvant être cumulés par une même personne au sein des conseils d’administration.
Une telle proposition peut tout à fait s’entendre au-delà, du reste, de la seule question de l’égalité entre les femmes et les hommes qui nous occupe aujourd’hui. Cette mesure paraît intéressante pour renouveler le vivier des instances dirigeantes et donner lieu à une forme d’appel d’air permettant d’augmenter le nombre de femmes au sein de ces instances.
Sur le principe, nous sommes donc favorables à cette limitation à trois du nombre de mandats d’administrateur. Nous émettrons donc un avis favorable sur l’amendement n° 2 rectifié octies de Mme Billon, et un avis défavorable sur l’amendement n° 55 rectifié que vient de présenter Mme Filleul.
En effet, l’amendement n° 2 rectifié octies tend à différer l’application de cette mesure à 2025 ; les conseils d’administration étant nommés pour une période donnée, cela laisse aux entreprises le temps de s’organiser et de préparer leur renouvellement en tenant compte de cette nouvelle limitation.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Pour le coup, ces amendements ne prennent pas en compte la réalité du travail d’administrateur dans une entreprise cotée. En l’occurrence, dans un contexte où le pourcentage de femmes dans les conseils d’administration de ces entreprises est aujourd’hui de plus de 40 %, cette mesure affecterait tant les hommes que les femmes et ne permettrait pas de créer des métiers d’administrateurs ou d’administratrices professionnels.
Cette proposition n’a qu’un lien vague avec l’objectif de ses auteurs, c’est-à-dire la féminisation des instances de direction. Ces dernières, s’agissant en particulier des conseils d’administration, ont déjà connu une telle évolution. Aujourd’hui, l’enjeu est plus probablement de s’assurer que la féminisation des comités et des présidences des conseils se fasse à due concurrence de ce qui a déjà été réalisé au sein des conseils d’administration. Je ne vois donc pas le rapport avec la limitation du nombre de mandats.
Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces deux amendements.
Mme le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je ne peux pas entendre ce que vient de dire Mme la ministre déléguée !
Nous avons mené des auditions au sein de la délégation et cette demande, pour surprenante qu’elle soit, a été largement soutenue par des instances éminemment importantes pour les entreprises.
Au départ, certaines femmes ont été placées dans les instances non parce qu’elles étaient compétentes, mais parce qu’il en fallait en raison de la loi Copé-Zimmermann. Désormais, nous a-t-on expliqué, on recherche des femmes parce que celles-ci sont extrêmement compétentes et que ces compétences profitent aux hommes comme aux femmes.
Vraiment, je ne peux pas entendre cet argumentaire…
Mme le président. Madame Filleul, l’amendement n° 55 rectifié est-il maintenu ?
Mme Martine Filleul. Non, je le retire, madame la présidente, au profit de l’amendement n° 2 rectifié octies.
Mme le président. L’amendement n° 55 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié octies.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 7.
L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, M. Menonville, Mme Demas, MM. Pointereau, Klinger et Belin, Mmes Dumas et Dumont, MM. Bouchet et Charon, Mme Estrosi Sassone, M. Wattebled, Mmes F. Gerbaud, Billon et Doineau, MM. P. Martin et Rojouan, Mmes Saint-Pé, Noël et de Cidrac, M. Hingray, Mmes Canayer et Raimond-Pavero et MM. Genet et Maurey, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 5 de la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, il est inséré un article 5… ainsi rédigé :
« Art. 5 … .– Les sociétés mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre II du code de commerce qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient un nombre moyen d’au moins deux cent cinquante salariés permanents et présentent un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros, déposent annuellement au greffe du tribunal de commerce, pour être annexées au registre du commerce et des sociétés, la composition des conseils d’administration et de surveillance et la liste des cadres dirigeants au sens de l’article L. 3111-2 du code du travail et des membres des instances dirigeantes définies à l’article L. 23-12-1 du code de commerce. Il y est fait mention des écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et membres des instances dirigeantes.
« Le greffier du tribunal de commerce vérifie que les informations relatives à l’obligation de dépôt mentionnée au premier alinéa du présent article sont complètes et conformes aux dispositions législatives et réglementaires.
« Le président du tribunal, d’office, peut enjoindre, au besoin sous astreinte, à toute société concernée de procéder ou faire procéder soit au dépôt des informations manquantes, soit à la rectification de ces informations lorsqu’elles sont inexactes ou incomplètes. ».
II. – Le II de l’article L232-1 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il fait également mention de la composition des conseils d’administration et de surveillance et comporte la liste des cadres dirigeants au sens de l’article L. 3111-2 du code du travail et des membres des instances dirigeantes définies à l’article L. 23-12-1 du présent code. »
III. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er mars de l’année suivant la publication de la présente loi.
IV. – Le II du présent article entre en vigueur au plus tard le 31 juillet de l’année suivant la publication de la présente loi.
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Le présent amendement vise à renforcer les dispositions de la loi Copé-Zimmermann de 2011, en instituant une obligation pour les entreprises visées, sociétés anonymes et sociétés en commandite par actions de 250 salariés et plus, et présentant un chiffre d’affaires net de 50 millions d’euros et plus, ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros, de déclarer annuellement au greffe du tribunal de commerce, pour qu’elle soit annexée au registre du commerce et des sociétés, la composition de leurs organes de gouvernance ainsi que la répartition entre les femmes et les hommes au sein de chacun d’entre eux.
Par ailleurs, cet amendement tend à faire de la composition des organes de gouvernance et de la répartition entre les femmes et les hommes au sein de ceux-ci une information obligatoire du rapport de gestion, afin d’en faciliter le contrôle.
Enfin, les greffes des tribunaux de commerce sont tenus de vérifier l’obligation de dépôt et de mise à jour annuelle, le défaut d’information et de déclaration au registre du commerce et des sociétés étant susceptible d’une mise en demeure assortie d’une astreinte prononcée par le président de la juridiction commerciale.
En tout état de cause, les dispositions prévues par le présent article sont de nature à responsabiliser les entreprises. Dans les sociétés dotées d’un commissaire aux comptes, celui-ci vérifie l’exactitude et la sincérité des informations transmises. Dans les autres sociétés, l’obligation déclarative, la publication de l’information et l’éventualité d’une mise en demeure assortie d’une astreinte mobilisent en amont les conseils de l’entreprise, au premier rang desquels les experts-comptables.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. L’intention des auteurs de cet amendement est louable, puisqu’il s’agit de renforcer la transparence concernant les obligations paritaires des entreprises.
Cependant, le dispositif tel qu’il est proposé met sur le même plan les obligations issues de la loi Copé-Zimmermann et celles qui figurent dans la proposition de loi que nous examinons. Or les deux textes ne concernent ni les mêmes périmètres ni les mêmes entreprises et ne sont pas soumis aux mêmes calendriers.
En raison de cette difficulté technique, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. La composition du conseil d’administration constitue une information déjà accessible, puisqu’elle porte sur des mandataires sociaux de l’entreprise. Il n’est donc pas besoin de doublonner leur présentation, au risque d’alourdir encore les charges qui pèsent sur les entreprises. D’autres moyens de contrôle sont possibles.
Quant à la répartition entre les hommes et les femmes au sein des cadres dirigeants, le conseil d’administration est déjà soumis à une obligation de reporting sur la parité en entreprise, une fois par an. Même si je comprends la logique poursuivie, les dispositions proposées ne font qu’alourdir le dispositif.
Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme Laure Darcos. Je retire l’amendement !
Mme le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.
Article 7 bis
I. – Après l’article L. 322-26-2-4 du code des assurances, il est inséré un article L. 322-26-2-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 322-26-2-5. – Le conseil d’administration des sociétés d’assurance mutuelle mentionnées au premier alinéa de l’article L. 322-26-2, à l’exclusion de l’organe central visé à l’article L. 322-27-1, est composé en recherchant une représentation équilibrée des femmes et des hommes.
« Les statuts prévoient les conditions dans lesquelles il est procédé à l’élection de ses sociétaires pour garantir au sein du conseil d’administration une part minimale de sièges pour les personnes de chaque sexe, au moins égale à 40 %.
« Par dérogation au deuxième alinéa du présent article, lorsque la proportion de sociétaires participants d’un des deux sexes est inférieure à 25 %, la part de sièges dévolue aux membres de ce sexe est au moins égale à 25 %, dans la limite de 50 %.
« L’électeur désigne, sous peine de nullité de son vote et sauf insuffisance du nombre de candidats d’un sexe, un nombre de candidats de chaque sexe conforme à la part de ce sexe indiquée aux trois premiers alinéas. »
II. – Le présent article s’applique au titre du renouvellement des conseils d’administration intervenant à compter du 1er janvier 2027.
Par dérogation au premier alinéa du présent II, pour les sociétés d’assurance mutuelle dont la proportion de sociétaires participants d’un des deux sexes est inférieure à 25 %, le présent article s’applique au titre du renouvellement des conseils d’administration intervenant à compter du 1er janvier 2030.
Mme le président. L’amendement n° 40, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mmes M. Filleul et Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Remplacer l’année :
2027
par l’année :
2025
II. – Alinéa 7
Remplacer l’année :
2030
par l’année :
2027
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Il est défendu.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’article 7 bis.
(L’article 7 bis est adopté.)
Article 7 ter
(Supprimé)
Mme le président. L’amendement n° 75, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Les articles L. 225-37-1, L. 225-82-1 et L. 226-9-1 du code de commerce sont complétés par les mots : « et sur la base des données mentionnées à l’article L. 1142-11 du même code ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à rétablir la rédaction issue de l’Assemblée nationale qui prévoyait la création d’un outil de contrôle intégrant la délibération annuelle des conseils d’administration et des conseils de surveillance, afin de mesurer les écarts de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. L’article 7 ter a été supprimé par la commission parce qu’il était superfétatoire.
En effet, l’article 7 prévoit déjà que les données relatives à la répartition par sexe des cadres dirigeants et des membres des instances dirigeantes figurent au sein des bases de données économiques, sociales et environnementales. Les indicateurs qui y sont mentionnés sont pris en compte pour la délibération annuelle des organes d’administration sur la politique mise en œuvre par la société en matière d’égalité professionnelle et salariale. Cette redondance nous a conduits à supprimer l’article.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Demande de retrait ou avis défavorable pour les raisons exposées par Mme la rapporteure.
Mme le président. En conséquence, l’article 7 ter demeure supprimé.
Article 8
I. – L’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement est ainsi modifiée :
1° L’article 1er A est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, les mots : « entreprenariat féminin » sont remplacés par les mots : « entrepreneuriat des femmes » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Elle apporte son soutien aux entreprises engagées en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
« Elle conditionne l’octroi de financements en prêts ou en fonds propres au respect de l’obligation de publication annuelle des indicateurs mentionnés à l’article L. 1142-8 du code du travail. » ;
2° Après le même article 1er A, il est inséré un article 1er B ainsi rédigé :
« Art. 1er B. – La Banque publique d’investissement publie la répartition par sexe des membres composant ses comités d’investissement.
« La proportion de membres de chaque sexe au sein des comités d’investissement ne peut être inférieure à 30 %.
« La Banque publique d’investissement se fixe des objectifs de progression pour parvenir à une représentation équilibrée des femmes et des hommes bénéficiant des actions en faveur de l’entrepreneuriat et du développement des entreprises en flux entrants de financements.
« La Banque publique d’investissement publie annuellement des données, réparties par sexe, relatives aux bénéficiaires de ses actions de soutien en faveur de l’entrepreneuriat et du développement des entreprises. »
II (nouveau). – Le dernier alinéa de l’article 1er A de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement, tel qu’il résulte de la présente loi, entre en vigueur le 1er mars de la troisième année suivant la publication de la présente loi.
III (nouveau). – Le deuxième alinéa de l’article 1er B de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement entre en vigueur le 1er mars de la troisième année suivant la publication de la présente loi.
Mme le président. L’amendement n° 27, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
et de l’accès aux prêts
II. - Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
et de la facilitation de l’accès aux prêts
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Dans son rapport sur l’impact de la covid-19 sur l’emploi des femmes, la Fondation des Femmes a établi que les projets des cheffes d’entreprises sont généralement moins financés que ceux des hommes. Le constat a été repris dans plusieurs déclarations publiques. Le taux de rejet de crédits demandés par des créatrices d’entreprises est de 4,3 %, alors qu’il n’est que de 2,3 % pour les hommes. Les femmes sont ainsi près de deux fois plus nombreuses à essuyer des refus de prêts.
Ces conditions défavorables pour l’accès aux prêts jouent sans doute un rôle négatif, puisque le baromètre de l’association Femmes chefs d’entreprise indique que 70 % des femmes entrepreneures touchent un revenu moyen inférieur à 1 500 euros. C’est pourquoi, afin d’améliorer l’égalité professionnelle et économique, il est capital de favoriser l’entrepreneuriat des femmes, y compris en facilitant leur accès aux prêts.
En conséquence, cet amendement travaillé avec la Fondation des Femmes vise à ce que Bpifrance fixe un objectif de mixité dans l’attribution des aides aux entrepreneurs et dans la facilitation de l’accès aux prêts.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. La commission considère qu’il est important d’insister sur la difficulté que rencontrent les femmes en matière de financement ainsi que pour l’accès aux prêts.
Avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je partage votre diagnostic d’une inégalité dans l’accès aux prêts, mais je n’approuve pas votre solution pour débloquer la situation.
En effet, il ne suffit pas de décréter un objectif de parité pour qu’il y ait plus de dossiers portés par des entrepreneuses. Mieux vaut s’attaquer à la racine du problème en libérant les freins qui font que les femmes entrepreneures sont moins nombreuses que les hommes à proposer des dossiers, plutôt que de décréter un objectif que l’on n’atteindra pas faute d’un nombre suffisant de dossiers.
Nous préconisons donc la publication et le suivi du nombre de dossiers déposés par des femmes entrepreneures, ainsi qu’un accompagnement qui leur est spécifiquement destiné pour leur permettre de porter leurs projets.
Avis défavorable.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 28, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement a pour objet de supprimer le report à 2025 de la conditionnalité des prêts de Bpifrance et de la féminisation des comités d’investissement, introduit par la commission des affaires sociales du Sénat.
En effet, il convient que les entreprises concernées s’approprient au plus tôt l’obligation de publication de l’index. Aussi, il ne nous semble pas justifié de reporter la conditionnalité de l’octroi de financements en fonds propres par la Banque publique d’investissement au respect de l’obligation de publication de l’index de l’égalité professionnelle.
Il en va de même pour l’objectif chiffré de 30 % de personnes de chaque sexe siégeant au sein des comités d’investissement, qui doit s’appliquer au plus vite.
Dès lors qu’il s’agit de parité, la sémantique utilisée a souvent recours à des « reports », à une « augmentation des délais », à un « lissage des seuils », dans un mouvement général qui tend à « freiner » le processus. Quand nous proposons d’accélérer certaines évolutions, on nous oppose l’équilibre de la loi, mais l’on n’hésite pas à le rompre pour les ralentir ! Dans la mesure où cette proposition de loi vise à accélérer l’égalité économique et professionnelle, je souhaite que l’on veille à ne pas y introduire de délai supplémentaire.
Mme le président. L’amendement n° 4 rectifié octies, présenté par Mmes Billon, L. Darcos, Demas, Dindar, Doineau, de La Provôté, Jacquemet, Létard, Vérien, Schalck, Saint-Pé, Pantel, Poncet Monge et Vermeillet et MM. Belin, Détraigne, Henno, Lafon, Le Nay, Louault et P. Martin, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer le mot :
troisième
par le mot :
deuxième
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement vise à réduire le délai pour l’application de la conditionnalité de l’octroi de financements par Bpifrance au respect de l’obligation de publication annuelle de l’index de l’égalité professionnelle.
En cas de promulgation de la loi en 2022, les entreprises sollicitant un financement de Bpifrance auront eu quatre ans pour se conformer à cette obligation de moyens.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Même si nous ne suspendons pas le délai pour l’application de la conditionnalité de l’octroi des prêts au respect de l’obligation de publication de l’index, nous le raccourcissons, malgré tout, en le faisant passer de trois à deux ans.
Ce délai est nécessaire, notamment pour les entreprises de plus de 50 salariés, qui ne sont soumises à l’obligation de publication de l’index que depuis le 1er mars 2020.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 28 et un avis favorable sur l’amendement n° 4 rectifié octies.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Madame Poncet Monge, nous menons le même combat pour faire avancer la parité. C’est tout le propos de cette proposition de loi que les deux ministres qui sont au banc soutiennent très largement.
L’amendement n° 4 rectifié octies peut être immédiatement mis en œuvre, alors que l’amendement n° 28 suppose un temps d’adaptation pour travailler sur le recrutement des équipes de Bpifrance. La suppression du délai pour l’application de la conditionnalité est excessive.
Le Gouvernement demande donc le retrait de l’amendement n° 28 au profit de l’amendement n° 4 rectifié octies.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je retire l’amendement n° 28 !
Mme le président. L’amendement n° 28 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié octies.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 5 rectifié decies, présenté par Mmes Billon, L. Darcos, de La Provôté, Demas, Dindar, Létard, Jacquemet, Pantel, Poncet Monge, Saint-Pé, Schalck, Tetuanui et Vérien et MM. Belin, Détraigne, Henno, Le Nay, Lafon et Longeot, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À compter du 1er mars de la cinquième année suivant l’année de publication de la présente loi, au deuxième alinéa de l’article 1er B de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 40 % ».
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Le rapport d’information de la délégation aux droits des femmes du Sénat sur le bilan de l’application de la loi Copé-Zimmermann a mis en avant les difficultés particulières rencontrées par les femmes entrepreneures dans l’obtention de financements.
Les femmes voient leurs demandes de crédits rejetées deux fois plus souvent que celles des hommes et reçoivent deux fois et demie moins de financements. J’ai mentionné, dans la discussion générale, les résultats fournis par le baromètre Sista.
Le vivier des recrutements de Bpifrance s’est féminisé, puisque 59 % de femmes travaillent désormais à la Banque publique d’investissement, dont 95 % de cadres qui se répartissent à 61 % dans des activités de financement et à 48 % dans des activités d’investissement. Le vivier est là. Il suffit d’exercer une légère pression pour que la situation évolue.
Afin que les difficultés particulières rencontrées par les femmes entrepreneures soient mieux prises en compte, le présent amendement vise à imposer la présence d’au moins 40 % de femmes au sein des comités d’investissement de Bpifrance d’ici à 2027.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Cet amendement vise à prévoir une échéance de cinq ans pour atteindre un quota de 40 %, et complète ainsi celle de trois ans pour le quota de 30 %.
Avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Tout d’abord, il n’existe pas de lien automatique entre une plus grande représentation des femmes dans les comités d’investissement et une meilleure prise en compte des dossiers féminins. Si une représentation féminine minimale reste souhaitable dans ces comités, un certain nombre d’arguments culturels montrent que les conséquences de cette présence sur la sélection des dossiers n’obéissent pas à une logique, encore une fois, automatique.
Ensuite, si le vivier est là, il convient néanmoins de le regarder plus en détail. Je connais bien le sujet, puisque j’ai été partie prenante de la création du Fonds stratégique d’investissement, première mouture de Bpifrance, puis de la Banque publique d’investissement. L’enjeu est de développer le vivier féminin non seulement dans les équipes, mais aussi parmi les investisseurs en capacité de prendre des décisions.
S’il faut atteindre rapidement le quota de 30 %, celui de 40 % ne reflète pas la réalité du métier. Je le regrette, mais telle est la réalité du marché.
Avis défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Madame la ministre, j’ai cosigné cet amendement de ma collègue Annick Billon. J’ai rencontré, pas plus tard qu’il y a trois semaines, la dirigeante d’une start-up formidable, installée sur le plateau de Saclay. Elle a présenté son projet à Bpifrance en tant que femme, cheffe d’entreprise, après dix ans de recherche, et elle n’a pas obtenu de prêt. L’année suivante, son second – un homme, donc – a fait la même présentation à la virgule près et a obtenu un prêt.
La capacité à s’exprimer en public n’est pas donnée à tout le monde et certaines femmes peuvent être terrorisées à l’idée de devoir le faire. Elles trouvent la situation plus facile si elles peuvent s’adresser à d’autres femmes. Il est souhaitable de développer la féminisation de ces comités. Cet exemple date d’il y a trois semaines et je vais mener une enquête, car la situation est inadmissible et n’est pas une exception.
Mme Annick Billon. Très bien !
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Vous mentionnez cet exemple à juste titre. La ministre Elisabeth Moreno et moi-même travaillons sur ces notions de confiance en soi, de capacité à prendre la parole en public et de culture de l’assertivité, ainsi que sur les freins qui peuvent empêcher certaines personnes de défendre un dossier, qu’il s’agisse des préjugés ou des biais dans l’accueil de la candidature.
Malheureusement, ces freins valent autant pour les femmes que pour les hommes. Nous devons affronter cette difficulté et travailler collectivement pour la résoudre.
L’enjeu est aussi que les meilleurs investisseurs siègent dans les comités d’investissement et qu’ils aient été formés aux préjugés et aux biais de genre.
Pour être très claire, je préfère que l’on sélectionne, pour participer à ces comités, des personnes qui ont bénéficié de cette formation, quel que soit leur genre, de sorte qu’elles éviteront d’interroger les jeunes femmes sur les risques que comporte leur projet, et les jeunes hommes sur le potentiel de leur entreprise… avec pour conclusion inéluctable que, d’un côté, ledit potentiel est énorme et que, de l’autre, les risques sont très importants – c’est du moins ce que montrent un certain nombre de travaux académiques ! Mieux vaut donc des gens bien formés qu’une féminisation à tout prix dans les comités d’investissement.
Tel est mon point de vue, même si je comprends parfaitement votre remarque et même si votre exemple, loin d’être anecdotique, est l’illustration frappante des biais auxquels nous sommes confrontés et contre lesquels nous devons lutter. Je maintiens donc l’avis défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. On parle d’atteindre un quota de 40 % d’ici à 2027 – ce n’est pas demain !
Compte tenu du vivier disponible, vous aurez le temps de former quelques femmes d’ici à 2027. (Sourires.) Soyez sans inquiétude, elles devraient comprendre assez vite le biais du genre, car elles ont probablement souffert du fait de ne pas siéger dans les comités d’investissement… Cet objectif est tout à fait accessible.
Grâce à ma petite expérience comme entrepreneure, je peux vous assurer qu’il peut être très compliqué pour une jeune femme d’aller trouver un banquier. Je l’ai moi-même vécu. Dès lors que mon banquier est devenu une banquière, la situation s’est améliorée de manière étonnante. Ma demande concernait pourtant la même entreprise et n’avait pas changé. En revanche, je faisais beaucoup moins peur à la banquière ! (Sourires.)
Mme Annick Billon. Bravo !
Mme le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Article 8 bis A
(Supprimé)
Article 8 bis
La sous-section 2 de la section 5 du chapitre III du titre III du livre V du code monétaire et financier est complétée par un article L. 533-22-2-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 533-22-2-4. – Les sociétés de gestion de portefeuille définissent un objectif de représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi les équipes, organes et responsables chargés de prendre des décisions d’investissement. Les résultats obtenus sont présentés dans le document mentionné au II de l’article L. 533-22-1. Un décret précise les modalités de l’actualisation de cet objectif selon que les sociétés excèdent ou non des seuils d’effectifs définis par ce même décret. » – (Adopté.)
Article 8 ter
(Supprimé)
Mme le président. L’amendement n° 44, présenté par Mmes Monier, Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mme M. Filleul, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à l’application de l’information et de l’éducation à la sexualité prévues à l’article L. 312-16 du code de l’éducation. Ce rapport s’attache à présenter les modalités de mise en œuvre de cette obligation, dans tous les territoires et à tous les niveaux de scolarité, ainsi que, le cas échéant, les déficiences d’application, les raisons qui expliquent ces déficiences et les moyens d’y remédier. Ce rapport tire également un bilan de l’apport de ces séances en matière de lutte contre les stéréotypes de genre.
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Le présent amendement vise à réintroduire l’article 8 ter, supprimé en commission, prévoyant un rapport du Gouvernement sur l’application de l’information et de l’éducation à la sexualité telles qu’elles figurent dans le code de l’éducation. Il s’agit de répondre aux alertes qui ont été précédemment portées au sein de notre assemblée.
Ce rapport s’attacherait à présenter les modalités de mise en œuvre de cette obligation, dans tous les territoires et à tous les niveaux de scolarité, ainsi que, le cas échéant, les déficiences d’application, les raisons qui les expliquent et les moyens d’y remédier. Il tirerait également un bilan de l’apport de ces séances en matière de lutte contre les stéréotypes de genre.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. La commission, qui maintient sa position sur les demandes de rapport, a émis un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes Monier, Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mme M. Filleul, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le sixième alinéa de l’article L. 312-15 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de l’enseignement moral et civique, les élèves sont également formés au respect de la dignité humaine et à l’égalité entre les femmes et les hommes. »
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Dans une démarche d’éducation et de prévention, et afin d’éveiller au plus tôt les consciences sur le sujet, il est essentiel que le temps consacré à l’enseignement moral et civique soit l’occasion d’aborder également les questions relatives au respect de la dignité humaine et à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Cet amendement vise à insérer un alinéa en ce sens dans le code de l’éducation.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Cet amendement est satisfait par le droit en vigueur puisqu’il est prévu dans le code de l’éducation que l’école, notamment grâce à un enseignement moral et civique, fait acquérir aux élèves le respect de la personne, de ses origines et de ses différences, de l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que de la laïcité.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 9
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra sur cette proposition de loi. Nous l’aurions probablement votée plus facilement si elle avait été présentée dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Le travail opéré par le Sénat n’a rien de positif. Nous n’avons fait qu’allonger les délais, restreindre ou limiter par de grandes précautions un certain nombre de mesures. Tous les réseaux de femmes dirigeantes issues du monde économique – je les connais bien, car je travaille souvent avec elles, comme Mme la ministre le sait – m’ont fait part de leur inquiétude quant au devenir du texte à l’issue des travaux réalisés en commission.
Nous sommes cependant favorables à la nouvelle disposition prévue à l’article 7, malgré le sort réservé à nos amendements, notamment ceux qui visaient à renforcer la pression mise sur les entreprises et à introduire des contraintes supplémentaires dans le code du travail. La discussion qui vient de se tenir au sujet de Bpifrance en témoigne. Par conséquent, l’abstention est la voie la plus conforme à la position qui est la nôtre, à l’issue de ce débat. (Mme Annie Le Houerou applaudit.)
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis assez déçue par la conclusion de nos débats.
Tout d’abord, j’avais rappelé dans la discussion générale l’importance de l’intitulé de cette proposition de loi qui vise à « accélérer l’égalité économique et professionnelle ». Nous aurions été bien inspirés de présenter un amendement pour modifier cet intitulé, qui ne correspond absolument pas au contenu du texte.
En pleine période de pandémie, les « premières de corvée » sont laissées-pour-compte. Or aucun des amendements que nous avons portés pour défendre l’égalité salariale réelle et pour améliorer leurs droits n’a été adopté !
Le champ de cette proposition de loi est extrêmement restreint. Même nos amendements qui visent à améliorer la représentation des femmes dans les comités exécutifs ou autres instances ont été rejetés, au motif qu’il ne faut pas sanctionner les entreprises. Il semble que la loi ne doive absolument pas être coercitive quand il s’agit des entreprises, même les plus grandes. C’est extrêmement décevant.
Les ministres présentes au banc n’ont même pas soutenu nos amendements visant à réintroduire certaines mesures portées par l’Assemblée nationale, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes.
Par conséquent, cette proposition de loi dont la portée était déjà réduite a encore été édulcorée par la majorité de la commission des affaires sociales et sa rapporteure, de sorte qu’il n’en reste plus grand-chose.
Faut-il voter en faveur de ce petit pas ou bien s’abstenir ? Nous avons choisi de nous abstenir, car le compte n’y est pas. Le texte est décevant pour la majorité des femmes. Il ne les concerne pas. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Lors de la discussion générale, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires était parti pour voter la proposition de loi. Nous avions pointé que les avancées restaient modestes, mais nous souhaitions privilégier l’urgence d’avancer.
À l’issue du débat, comme mes collègues viennent de le dire et comme je l’avais exprimé en défendant notre dernier amendement, il apparaît que le Sénat a multiplié les freins, les reports, les demandes de délai supplémentaires… Or moins que pas assez, c’est trop peu !
Par conséquent, avec beaucoup d’amertume et de déception, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi qui constitue une étape supplémentaire en faveur de l’accès des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales, dans la continuité de la loi Copé-Zimmermann.
Les mesures visant à la mixité des formations, à une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, à la création de quotas permettant l’accès des femmes à des postes de direction doivent contribuer à assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans la société. Ce texte permet également de lutter contre un certain sexisme financier qui limite l’accès des femmes aux financements pour le développement de leur entreprise.
Le Sénat a su préserver les équilibres trouvés en favorisant l’accès des femmes à l’emploi, à l’entrepreneuriat et aux postes de direction, tout en évitant d’imposer de trop lourdes contraintes aux entreprises.
Toutefois, le groupe Les Républicains regrette l’adoption des amendements qui visent à imposer des contraintes supplémentaires aux collectivités, notamment les communes et intercommunalités, et ce sans concertation. Il s’agit là d’un signe négatif quant à leur engagement sur cette cause importante.
Je tiens à saluer la qualité du travail de notre rapporteure, Laurence Garnier, dont c’était le premier rapport et qui a su faire preuve de pragmatisme. (Mme Laure Darcos applaudit.)
Le groupe Les Républicains votera ce texte équilibré, qui fixe des objectifs atteignables et évite toute surenchère. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Le groupe Union Centriste – je vais tout de suite lever le suspense – votera cette proposition de loi.
Je tiens à remercier la rapporteure pour le travail réalisé, ainsi que, bien évidemment, l’auteure de cette proposition de loi, Marie-Pierre Rixain, qui assiste à nos débats dans les tribunes.
Oui, ce texte ne va pas assez loin. Oui, on aimerait que les choses aillent plus vite et que l’on « inonde » toutes les sphères où les femmes travaillent – ce qui n’est pas le cas. Mais nous avançons, doucement. Réduire ces inégalités économiques et professionnelles, c’est aussi lutter contre les violences faites aux femmes. Tout progrès dans ce domaine est une chance supplémentaire de réduire ces violences.
Il reste beaucoup de chemin à parcourir et je pense que nous reviendrons rapidement, dans les années ou les mois à venir, sur ces thématiques. Il conviendra notamment de faire évoluer l’index de l’égalité professionnelle sur des points tels que le congé de paternité ou les écarts de salaires entre hommes et femmes. Pour pouvoir ancrer au sein des entreprises une égalité améliorée, il faudra prévoir de nouveaux critères.
Ce travail n’est donc pas terminé, mais cela ne signifie pas que nous n’ayons rien fait ce soir.
Voter une loi, c’est bien ; l’appliquer, c’est mieux ! Il va falloir se donner les moyens de contrôler cette application. Nous votons suffisamment de lois qui restent lettre morte – on l’a vu sur la prostitution ou sur d’autres thématiques. Il sera donc nécessaire que nous assurions, au Parlement, un contrôle de l’application du présent texte.
La formation, l’information, l’éducation et l’orientation constitueront des outils importants pour mettre en œuvre le changement et avoir, enfin, une société égalitaire. Il faut accorder davantage de moyens à l’orientation des filles et des garçons et – j’ai noté la présence de Max Brisson parmi nous ce soir – ce sujet figure parmi ceux que nous traitons ensemble, dans le cadre d’une mission en cours. Travaillons aussi à la culture de l’égalité !
Mme le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Certes, la situation actuelle n’est pas satisfaisante – dix ans après, la loi Copé-Zimmermann ne s’applique pas dans tous les cas – et le chemin vers l’égalité économique et professionnelle entre les hommes et les femmes est long à parcourir. Mais nous nous rapprochons de l’objectif que nous visons.
Les dispositions votées dans le cadre de cette proposition de loi sont une étape supplémentaire dans cette direction. Le groupe Les Indépendants - République et Territoires votera donc en faveur de cette proposition de loi.
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Contrairement à ce qui a pu être dit, il n’y a pas eu de recul sur ce texte.
Nous avons progressé, avec les quotas, la transparence sur l’index de l’égalité professionnelle, le renforcement de la parité dans les conseils d’administration, la limitation du cumul des mandats des administrateurs, même si – c’est vrai – nous aurions pu aller plus loin sur certaines mesures.
De nombreux dispositifs que nous avons supprimés étaient déjà existants ; nous n’avons pas souhaité les réintroduire dans la loi.
Je pense que le Sénat a fait un travail de grande qualité sur cette proposition de loi. Attendons maintenant de voir ce qui ressort de la commission mixte paritaire…
Je tiens donc, moi aussi, à remercier les membres de la commission des affaires sociales qui ont travaillé sur ce texte et, bien évidemment, Laurence Garnier, dont c’était le premier rapport et qui s’en est fort bien sortie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je voudrais vous remercier pour ces échanges, qui m’ont paru constructifs et apaisés. J’entends bien sûr toutes les remarques formulées. Même si nous souhaiterions tous aller plus vite et plus loin, chaque pas que nous faisons pour l’égalité entre les femmes et les hommes est un pas important.
Au travers de cette proposition de loi, Marie-Pierre Rixain nous permet, dix ans après la loi Copé-Zimmermann, de traiter à nouveau la question de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans le monde économique. Il y a encore beaucoup à faire, mais nous ne pouvons pas sous-estimer le travail réalisé au Sénat sur le sujet. C’est pourquoi, madame la rapporteure, je veux vraiment vous remercier.
Évidemment, tout n’est pas terminé. Il me semble en particulier important d’avancer sur les questions de délai d’application pour les articles 7 et 8, compte tenu de l’ampleur de l’attente. Pour la même raison, il ne faut pas non plus négliger le sujet des doubles quotas et véritablement nous assurer que la mise en œuvre puisse se faire.
Je tiens encore une fois à vous remercier, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, pour le travail réalisé. Il faut continuer, car il reste encore beaucoup à faire !
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je voudrais saluer le Parlement, en particulier Marie-Pierre Rixain et Christophe Castaner – coauteurs de cette proposition de loi –, ainsi que Laurence Garnier et Catherine Deroche, pour s’être emparé de ce sujet fondamental qu’est l’égalité économique entre femmes et hommes, dix ans après la loi Copé-Zimmermann.
C’est Mme Billon, je crois, qui l’a souligné : si l’élaboration d’une loi est une étape essentielle pour faire avancer les choses, c’est encore mieux lorsqu’on l’applique ! Vous savez quel est l’enjeu, mesdames, messieurs les sénateurs. L’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes a été établie par une loi datant de plus de quarante ans – elle a quasiment mon âge – et, malheureusement, ce n’est toujours pas une réalité.
Au-delà du présent texte, c’est donc aussi une transformation culturelle que nous voulons porter.
Je comprends les frustrations exprimées, selon lesquelles nous ne serions pas allés assez loin. Mais il m’apparaît important que la loi marque des avancées et encore plus important que ces avancées soient concrétisées dans le réel et la « granularité » du quotidien des Françaises, surtout, et des Français.
L’importance de l’orientation et des parcours proposés dès le plus jeune âge a également été mentionnée. C’est un combat que nous devons collectivement mener.
5
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 28 octobre 2021 :
À dix heures trente, quatorze heures trente et le soir :
Trois conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’amendement au protocole de Göteborg du 1er décembre 1999, relatif à la réduction de l’acidification, de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique (texte de la commission n° 861, 2020-2021) ;
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’avenant à l’accord de sécurité sociale sous forme d’échange de lettres des 7 et 20 septembre 2011 entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale pour l’énergie de fusion en vue de la mise en œuvre conjointe du projet ITER (texte de la commission n° 863, 2020-2021) ;
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la Mesure 1 (2005) annexe VI au Protocole au Traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement, responsabilité découlant de situations critiques pour l’environnement (texte de la commission n° 79, 2021-2022) ;
Projet de loi autorisant la ratification de la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du Travail relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail (procédure accélérée ; texte de la commission n° 77, 2021-2022) ;
Projet de loi autorisant la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (texte de la commission n° 66, 2021-2022) ;
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions de vigilance sanitaire (texte de la commission n° 110, 2021-2022).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures trente-cinq.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’adoption a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mmes Muriel Jourda, Jacqueline Eustache-Brinio, Dominique Vérien, Laurence Harribey, Michelle Meunier et M. Xavier Iacovelli.
Suppléants : Mmes Catherine Di Folco, Claudine Thomas, Nadine Bellurot, MM. Hervé Marseille, Jérôme Durain, Bernard Fialaire et Mme Éliane Assassi.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER