M. le président. La parole est à M. Michel Savin. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Michel Savin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 5 mai 1992, l’un des drames les plus meurtriers que le monde sportif ait connus se déroulait à Furiani. Ce jour-là, dans ce stade, une tribune s’effondrait lors de la demi-finale de la Coupe de France entre le Sporting Club de Bastia et l’Olympique de Marseille.
Je tiens avant tout à saluer la mémoire des 19 victimes, à avoir une pensée pour les 2 357 blessés de ce dramatique accident et à saluer leurs proches, dont certains sont présents aujourd’hui dans les tribunes.
Les responsabilités directes de cet événement ont été établies et de nouvelles réglementations ont permis de prévenir le déroulement d’autres drames.
La loi du 13 juillet 1992 a ainsi complété la loi du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, en créant un chapitre spécifique à la sécurité des équipements et des manifestations sportives.
Ces règles mises en œuvre ont été efficaces, puisqu’aucun drame n’est depuis arrivé.
Cependant, cet accident continue de hanter la Corse depuis trente ans et aucune initiative visant à le commémorer n’a jamais abouti.
En effet, si les initiatives furent nombreuses, notamment de la part de presque tous les présidents de la République, rien n’a jamais abouti. Pis, les engagements de certains acteurs n’ont pas été honorés.
C’est pourquoi nous nous retrouvons aujourd’hui à discuter d’un texte pour régler une question mémorielle qui ne relève pas forcément de la loi. Certains s’interrogent sur le bien-fondé des dispositions proposées.
Nous débattons de l’interdiction de jouer des matchs tous les 5 mai, pour les championnats professionnels de ligue 1 et ligue 2 ainsi que pour la Coupe de France et le Trophée des Champions. D’ici à 2040, cela concernera huit journées.
Par ailleurs, lors des matchs de football officiels des championnats amateurs se déroulant un 5 mai, les joueurs des deux équipes et les membres du corps arbitral devront porter un brassard noir. Nous mesurons bien l’impact avant tout symbolique du vote d’un tel texte.
À titre personnel, je regrette cependant que l’ambition générale du texte et sa portée ne soient pas plus grandes et que cette proposition de loi ne reprenne notamment qu’une partie des engagements de l’accord du 22 juillet 2015.
Deux des cinq points de cet accord n’ont en effet jamais été appliqués, à savoir, d’une part, le lancement d’une réflexion conjointe aux ministères des sports et de l’éducation nationale pour promouvoir annuellement, durant la semaine du 5 mai, les valeurs du sport au travers d’actions spécifiques au sein des établissements scolaires, d’autre part, la création par le ministère des sports d’un prix annuel dédié à la promotion des valeurs éthiques et citoyennes du sport devant être remis lors de la semaine du 5 mai.
Ces deux points, qui honorent la mémoire des victimes dans l’histoire collective et dépassent ce simple événement pour renforcer la promotion du sport, notamment en direction des jeunes générations, auraient été de formidables opportunités pour que tous les acteurs se retrouvent. C’est donc avec regret que je constate l’inertie du ministère des sports sur cette question durant toutes ces années.
Par ailleurs, les dispositifs prévus par cette proposition de loi n’impliquent à aucun moment les supporters. C’est là aussi, me semble-t-il, un réel manque. Nous sommes nombreux à penser que cet hommage aurait pu être rendu en présence du public, afin que personne n’oublie cette catastrophe nationale.
Le devoir de mémoire ne peut pas s’exercer seulement par l’interdiction du déroulement des matchs les 5 mai. En effet, ces derniers continueront de se dérouler les jours précédents ou suivants, alors qu’il est déterminant que les jeunes générations puissent avoir connaissance de cet événement et ainsi y être sensibilisées.
C’est principalement pour cette raison que la question de l’adoption de ce texte a pu être posée. D’ailleurs, le débat est appelé à se poursuivre lors de l’examen des amendements.
Enfin, alors même que j’appelle de mes vœux l’adoption conforme de ce texte afin qu’il puisse être promulgué dans les plus brefs délais et entrer en vigueur au trentième anniversaire de ce drame au mois de mai prochain, j’espère également, madame la ministre, que les hommages ne se limiteront pas à la mesure retenue.
Comme l’a très bien souligné le rapporteur, « l’absence de reconnaissance du caractère véritablement national de ce drame n’a pas permis d’apaiser la douleur des victimes et de leurs proches » et, « compte tenu de l’impossibilité qui s’est fait jour jusqu’à présent de dégager un consensus au travers d’un dialogue avec les instances sportives puis avec le ministère en charge des sports, il apparaît que le recours à la loi constitue l’ultime espoir pour les victimes d’être entendues ». Voilà qui est regrettable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi en premier lieu d’avoir une pensée pour ceux qui sont « tombés », comme l’on dit en Corse, ce maudit 5 mai 1992, au stade Armand-Cesari de Furiani, alors qu’ils venaient partager un moment de bonheur comme le football sait nous en réserver tant. Le football, c’est la vie ! Cela n’aurait jamais dû être la mort ce soir-là.
Aujourd’hui, l’heure n’est plus à pointer les responsabilités, puisque la justice est passée. L’heure n’est pas non plus à la récupération politique maladroite qui veut voir dans cette tragédie un symbole du « sport business », alors qu’il s’agit simplement ici de bêtise, d’irresponsabilité et de cupidité.
En ces temps de frénésie législative, l’intervention du législateur dans le champ mémoriel est toujours extrêmement délicate : l’écueil est de tomber dans la législation d’émotion, ce dont nous avons malheureusement pris l’habitude depuis trente ans.
Pour ma part, contrairement à ce que proposent les auteurs de ce texte, je crois que la plus belle et la plus puissante façon de rendre hommage aux victimes du drame de Furiani, c’est justement de jouer au football le 5 mai, en marquant un moment de recueillement solennel.
M. Michel Savin. Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet. Dans le Sud, à la place d’une minute de silence a lieu une minute d’applaudissements.
Pourtant, m’exprimant à titre personnel et après mûre réflexion, je voterai cette proposition de loi. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe GEST.)
Pourquoi, me demanderez-vous ? Pour trois raisons simples.
D’abord, parce qu’en Corse on se souvient. Il s’agit même d’une passion insulaire, ce qui est heureux dans cette société où nous avons tendance à zapper. Là-bas, on dit : à quoi cela servirait-il de vivre, si personne ne se souvenait de vous après la mort ?
Ensuite, parce que, depuis trente ans, l’État, la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel ont été incapables de trouver une solution consensuelle pour tenter d’apaiser la douleur des victimes.
Enfin, parce que, si je comprends les réticences de certains collègues, je voudrais pour les convaincre leur rappeler les mots du grand Albert Camus : « Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois. » Je vois également dans cette proposition de loi l’occasion de rappeler aux représentants de ce merveilleux sport combien il est périlleux de s’éloigner de cette morale. C’est pour cette raison profonde que je voterai ce texte.
Pace è salute ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai écouté attentivement tous les arguments présentés, notamment ceux en faveur d’un vote conforme du texte, ce qui est aussi le souhait du Gouvernement.
M. Savin a déclaré regretter que, sur ce drame qui a marqué nos esprits et que nous gardons tous en mémoire, l’État ne soit pas intervenu plus tôt.
Je tiens à rappeler que les parlementaires ont voté la loi confortant le respect des principes de la République, promulguée le 24 août 2021. À l’occasion de la discussion de ce texte, le Gouvernement a souhaité engager davantage les fédérations sportives et les ligues professionnelles sur les enjeux de société et de citoyenneté et a introduit une responsabilité de devoir mémoriel.
La proposition de loi soumise à votre examen aujourd’hui s’inscrit dans la continuité du texte voté l’été dernier et je me réjouis qu’elle puisse être adoptée dans cet hémicycle.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant au gel des matchs de football le 5 mai
Article unique
(Non modifié)
Le titre III du livre III du code du sport est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Dispositions particulières à titre d’hommage
« Art. L. 334-1. – En hommage aux victimes du drame national survenu en marge de la rencontre de Coupe de France disputée au stade Armand-Cesari de Furiani le 5 mai 1992, aucune rencontre ou manifestation sportive organisée dans le cadre ou en marge des championnats de France professionnels de football de première et deuxième divisions, de la Coupe de France de football et du Trophée des Champions n’est jouée à la date du 5 mai. Lors de toutes les rencontres ou manifestations sportives entre clubs amateurs et professionnels, à l’exclusion de celles mentionnées à la première phrase du présent alinéa, organisées par la Fédération française de football, une minute de silence est observée.
« Tous les 5 mai, lors des matchs de football officiels des championnats amateurs, chaque joueur des deux équipes et les membres du corps arbitral portent un brassard noir. »
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, sur l’article.
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment d’aborder la discussion de l’article unique de cette proposition de loi, je vous ferai part des sentiments mêlés qui me traversent.
D’abord, bien sûr, l’émotion, celle du jeune adulte que j’étais alors que je regardais la télévision le 5 mai 1992 à vingt heures vingt-trois. J’attendais avec joie une fête du sport et j’ai été marqué par les images de ce drame, même si alors je ne mesurais pas encore la peine de perdre un proche dans des conditions tragiques. Je m’associe à la douleur des familles.
Ensuite, le regret face à l’aveu de l’échec des négociations entre les familles des victimes et les instances du football depuis trente ans, ce qu’a pointé Jean-Raymond Hugonet. Je déplore que nous ne soyons pas capables de porter collectivement ce message, notamment afin d’infléchir la position des instances fédérales.
Toutefois, je dois également exprimer plusieurs réserves.
Notre rôle de législateur a été efficace : en raison du durcissement des règles d’accès aux stades de football, aucun drame de ce type ne s’est produit sur notre territoire depuis 1992. Les conditions d’accueil ont été durcies de manière extraordinaire – tant mieux.
Je m’associe aux nombreuses remarques formulées en commission et en séance : je ne crois pas que le sujet abordé par cette proposition de loi soit de nature législative.
La forme même de l’hommage proposé, muet et punitif, pourrait conduire à faire tomber cette date dans l’oubli, alors que tant d’autres façons existent de fêter le football, le sport en général, et de rendre hommage aux victimes de ce drame, par exemple en applaudissant et en jouant les 5 mai.
Vous comprendrez donc que je ne puisse pas m’associer à cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, sur l’article.
M. Jacques Grosperrin. Sans vous faire offense, madame la ministre, il aurait été important que la ministre chargée des sports soit présente.
Je me suis abstenu en commission, car je souhaitais un véritable débat, où l’on s’interroge sur les responsabilités de chacun et les manières d’honorer. Ne faut-il pas plutôt continuer à jouer, prévoir une minute de silence et le port de brassards pour ne pas oublier cette catastrophe, comme le souligne Stéphane Piednoir ? Ne faut-il pas aller encore plus loin avec cette proposition de loi ?
Mon ami Jean-Jacques Panunzi m’a convaincu : au-delà des chiffres – 19 décès, 2 357 blessés –, ce sont des personnes et des familles qui sont touchées dans leur chair et des noms qui résonnent. Les victimes représentent 1 % de la population corse de l’époque ; si cette catastrophe s’était produite en Île-de-France, 120 000 personnes auraient été touchées, soit la population de la ville où j’habite, Besançon. C’est une tragédie.
Tant de promesses ont été faites, certaines, et non des moindres, émanant du Président de la République de l’époque.
Nous vivons un moment fort en ce haut lieu qu’est le Sénat en nous apprêtant à voter le texte conforme, alors que tant de familles ont souffert. Peut-être ce texte aidera-t-il à cicatriser les souffrances provoquées par la perte d’un être cher, à apaiser les douleurs quotidiennes de ces blessés handicapés à vie, si cela est possible tant la douleur est forte.
Notre devoir à nous, Les Républicains, groupe majoritaire, est de faire que cette proposition de loi soit votée conforme, afin que la mémoire de nos amis corses soit honorée. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. Tout a été dit sur ce drame qui marque toujours la mémoire de la Corse et du football français. Il faut un acte fort, que nous allons réaliser aujourd’hui.
À ceux qui se demandent à quoi sert de ne pas jouer le 5 mai, je réponds que nous ne devons pas seulement regarder le passé : à l’avenir, le fait qu’aucun match de football professionnel n’ait lieu ce jour-là offre des perspectives.
Cette journée peut ainsi devenir une journée de réflexion qui implique également des joueurs, puisqu’ils ne joueront pas. Cela serait l’occasion de réfléchir à l’ensemble des difficultés du milieu du football professionnel, culturellement si important en France. En ce sens, nous devons poursuivre le dialogue avec la Ligue de football professionnel.
Depuis Furiani, nous avons connu d’autres drames, mais de nature différente. Si, comme nos collègues communistes l’ont indiqué, le drame de Furiani est lié à des dérives financières, des supporters sont morts dans d’autres circonstances, à la suite de violences inacceptables. Le Sénat a engagé une réflexion sur les dérives du football professionnel, notamment aux côtés d’un certain nombre d’associations de supporters.
Ce vote doit permettre que cette journée du 5 mai ne soit pas qu’une journée de commémoration, même si cet aspect est tout aussi important, mais devienne également une journée de réflexion sur l’ensemble des difficultés du football professionnel français.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.
M. Max Brisson. Pourquoi les instances du football n’ont-elles pas été capables de répondre aux attentes des familles, du Collectif des victimes de la catastrophe de Furiani du 5 mai 1992 et de la Corse ?
Pourquoi la justice n’a-t-elle pas su apaiser les souffrances ?
Pourquoi le ministère des sports n’a-t-il pas été capable d’inscrire cet hommage mémoriel national dans un projet de loi ?
Pourquoi d’ailleurs, sans vous faire offense, madame la ministre, la ministre chargée des sports n’est-elle pas présente au banc du Gouvernement ?
Pourquoi faut-il passer par la loi et modifier le code du sport ?
Le Parlement de la République s’honore en marquant de son sceau l’unanimité de la Nation, là où d’autres voix n’y étaient parvenues. La Nation doit cet hommage aux victimes, aux familles et à la Corse.
J’ai été sensible à l’appel de nos collègues Jean-Jacques Panunzi et Paul Toussaint Parigi. Je voterai cette proposition de loi, parce que la Corse, dans sa pluralité, nous le demande. J’appelle mes collègues du groupe Les Républicains à la voter conforme et à repousser les deux amendements, afin que nous puissions être au rendez-vous le 5 mai 2022 pour marquer le souvenir de ce drame national. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Panunzi. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, sur l’article.
M. Michel Savin. Madame la ministre, les engagements pris en 2015 n’ont pas été tenus par ce Gouvernement. Nous sommes en 2021 et rien n’a été fait !
Ces engagements concernaient notamment une réflexion conjointe du ministère des sports et du ministère de l’éducation nationale. Je ne parle pas des fédérations, madame la ministre !
Il est vrai que la loi confortant le respect des principes de la République demande aux fédérations de réaliser un travail mémoriel. Pour autant, après les engagements de 2015, aucun ministère n’a entamé de travail pour s’engager sur des actions spécifiques auprès des jeunes.
Nos collègues l’ont souligné : il ne suffit pas d’arrêter les matchs le 5 mai, il faut un travail de sensibilisation et de mobilisation de notre jeunesse. Encore une fois, nous regrettons l’inertie du Gouvernement depuis cinq ans.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, sur l’article.
M. Jean-Jacques Lozach. Malgré les réserves exprimées lors des différentes interventions, par-delà nos sensibilités politiques, je réitère notre position : nous sommes très attachés à un vote conforme.
Il s’agit de la dernière occasion de rendre cet hommage aux victimes du drame de Furiani. Au regard du calendrier parlementaire, compte tenu du travail préparatoire réalisé avant la première lecture à l’Assemblée nationale, mais également au Sénat par le rapporteur, étant donné l’échec de toutes les tentatives de rapprochement avec les instances du football, tant la Ligue de football professionnel que la Fédération française de football, c’est maintenant ou jamais, ai-je envie de dire. Nous n’aurons pas d’autre occasion d’approuver un texte dont l’objet nous rassemble tous, à savoir la nécessité de rendre hommage aux victimes.
Sur l’absence de rencontres professionnelles – ligue 1, ligue 2, Coupe de France… – ce jour-là, je rappelle que les clubs professionnels ont la pleine liberté d’organiser des événements autour de ce sujet, s’ils le souhaitent.
M. Michel Savin. Oui !
M. Jean-Jacques Lozach. On parle souvent dans les entreprises, y compris dans les sociétés sportives, de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) ; elle est aussi citoyenne. Pour les clubs professionnels, il s’agit d’une belle occasion de témoigner leur attachement à l’amélioration de la sécurité pour l’ensemble des compétitions sportives dans notre pays. S’ils veulent participer à cet hommage, les clubs pourront le faire chaque année à cette date.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, la ministre chargée des sports est absente, car elle se trouve actuellement en Seine-Saint-Denis avec le Président de la République et le Premier ministre, pour annoncer un plan ambitieux et inédit en faveur du sport. Celui-ci prévoit notamment un rattrapage sur les équipements sportifs, des travaux de rénovation thermique dans les équipements des collectivités et un soutien aux associations.
M. Max Brisson. Elle devrait être là !
M. Fabien Gay. Elle est en campagne !
M. Jacques Grosperrin. Et les familles ?
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Vous m’avez interrogée, je vous réponds.
Je vous donne la position du Gouvernement, qui agit sous l’autorité du Premier ministre. Permettez que je porte la voix du Gouvernement tout entier, pour soutenir cette proposition de loi.
M. Max Brisson. Quel respect de la démocratie parlementaire !
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Savin, vous avez émis le regret qu’il ne se soit rien passé depuis 2015.
M. Michel Savin. Rien !
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. J’avais 12 ans lorsque ce drame est arrivé. Pour ma part, je regrette qu’il ne se soit rien passé avant 2015. Ce drame, qui touche des victimes et leurs familles – je salue d’ailleurs la présidente du Collectif des victimes de la catastrophe de Furiani du 5 mai 1992 présente dans les tribunes –, touche en réalité la Nation tout entière. Nous avons tous été meurtris par cet événement qui n’aurait jamais dû arriver et dont les causes ont été rappelées.
Depuis 2015, des décisions ont été prises, notamment dans l’éducation nationale, pour sensibiliser les plus jeunes aux valeurs du sport et rappeler ce drame. Depuis plus d’un an, nous avons œuvré au rapprochement du ministère de l’éducation nationale et de celui des sports.
M. Max Brisson. Quel rapport avec le sujet ?
M. Jacques Grosperrin. Vous parlez politique !
M. Fabien Gay. C’est indécent !
M. Didier Rambaud. Vous avez posé une question là-dessus !
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Si vous me laissez le temps de répondre, monsieur le sénateur, vous comprendrez le rapport avec le sujet. Je réponds à votre interpellation, selon laquelle rien ne se serait fait malgré les accords de 2015. Or cela a été corrigé au travers du rapprochement de ces deux ministères,…
M. Max Brisson. C’est de la très petite politique !
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. … afin que, le jour du triste anniversaire de ce drame du 5 mai, on rappelle les valeurs du sport et promeuve la journée de la citoyenneté et ce devoir mémoriel.
M. Max Brisson. C’est politicien !
M. Jacques Grosperrin. Ce n’est pas le sujet de cette proposition de loi !
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Folliot, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 2, présenté par M. Folliot, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 334-1. – En hommage aux victimes du drame national survenu en marge de la rencontre de Coupe de France disputée au stade Armand-Cesari de Furiani le 5 mai 1992, lors de toutes les rencontres ou manifestations sportives entre clubs amateurs et professionnels organisées par la Fédération française de football, une minute de silence est observée.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour présenter ces deux amendements.
M. Philippe Folliot. Nous avons tous en mémoire ce qu’il s’est passé ce jour-là : nous étions, pour la plupart, devant nos écrans de télévision quand ce qui devait être un grand moment de fête et de liesse s’est transformé en un drame terrible pour la ville de Bastia, pour la Corse et pour le football.
Les conséquences ont été fortes, puisque nombreux sont ceux qui furent touchés dans leur chair, soit qu’ils y aient laissé la vie, soit qu’ils aient été blessés, éventuellement avec des séquelles définitives.
Face à cette situation, une proposition nous est faite, qu’à certains égards on peut comprendre. Néanmoins, mes chers collègues, je veux appeler votre attention sur divers éléments.
Tout d’abord, en adoptant ce texte, nous créerions un précédent et risquerions d’être confrontés à d’autres demandes, potentiellement tout aussi légitimes, dans d’autres domaines. En d’autres termes, interdire de jouer au football ce jour-là est-il la meilleure réponse face à ce terrible drame, la meilleure expression du devoir de mémoire collective pour cet événement ?
Pour ma part, je pense – c’est l’objet de l’amendement n° 2 – qu’il faudrait plutôt, non seulement sur les terrains de football, mais également ailleurs – stades de rugby ou d’athlétisme, gymnases… –, profiter de cette journée pour rappeler, sous une forme encore à déterminer, ce qu’il s’est passé ce jour-là : alors que le sport doit être un facteur d’inclusion et de fête, tout a dérapé, le 5 mai 1992, pour conduire à une catastrophe.
Je crains que, malgré la volonté de bien faire – je comprends d’ailleurs nos collègues corses qui soutiennent cette proposition de loi –, ce texte ne constitue une « fausse bonne solution ».
M. Jacques Grosperrin. Mais vous allez retirer vos amendements, n’est-ce pas ?
M. Philippe Folliot. Il me paraît donc nécessaire de trouver d’autres formules pour se rappeler cet événement.
Par ailleurs, ces questions relèvent-elles du domaine de la loi ? Ne sont-elles pas plutôt du ressort des fédérations ? Je sais que des débats ont eu lieu au sein de la Fédération française de football et peut-être celle-ci n’est-elle pas mécontente que ce débat soit tranché loin d’elle…
Imaginons un autre drame, par exemple, l’attentat du Bataclan du 13 novembre 2015. Quelqu’un pourra demain proposer, de manière tout aussi légitime, que plus aucun concert ne soit organisé dans les salles de spectacle à la date anniversaire, à cause de ce qu’il s’est passé. Nous risquons de mettre le doigt dans un engrenage de perspectives mémorielles, importantes, sans doute, mais qui ne relèvent pas forcément du domaine législatif.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé ces amendements, que je retire (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), monsieur le président, mais qui m’auront permis d’exprimer ma position et d’expliquer mon vote, malheureusement négatif, sur ce texte.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je remercie Philippe Folliot d’avoir retiré ses amendements. Je comprends certaines réserves quant au chemin choisi pour faire vivre ce devoir de mémoire, car cela ne relève pas que de la commémoration d’un drame, il s’agit bien du devoir de mémoire, qui nous semble important.
Néanmoins, rien n’ayant été fait depuis trente ans, ne pas adopter conforme cette proposition de loi aujourd’hui reviendrait à continuer de ne rien faire, pour une période dont nous ne connaissons pas la durée. Il est donc vraiment de notre devoir de voter ce texte tel quel.
J’ajouterai un élément pour apporter mon soutien à la proposition de loi promue par mon ami Paul Toussaint, ou Paulu Santu, Parigi.
J’étais, moi aussi, devant ma télé ce soir-là, mais un certain nombre de mes amis étaient dans le stade. En effet, le match opposait le Sporting Club de Bastia à l’Olympique de Marseille. Or je suis marseillais et, vous le savez, l’Olympique de Marseille est l’un des ciments fondamentaux du peuple marseillais et de la vie marseillaise.
Ainsi, parmi les gens qui étaient dans le stade – l’un de mes amis a été blessé ce jour-là – figuraient des Corses, certes, mais également des Corses de Marseille, car ils sont nombreux dans cette ville, et nombre de Marseillais. Je me fais aujourd’hui le porte-parole de ces supporters marseillais, qui nous soutiennent et qui soutiennent le Collectif dans la promotion de cette proposition de loi.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à en tenir compte et, si vous aviez encore des doutes, à les lever pour voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)