Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « la lecture est à l’esprit ce que l’exercice est au corps ». Ces mots, je les tiens de Joseph Addison, intellectuel anglais qui s’opposa dans son pays à la monarchie absolue.
En effet, c’est bien en accédant à la connaissance, notamment par la lecture, que l’on se construit une âme de citoyen. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le premier réflexe des régimes autoritaires est de s’attaquer aux livres et à leur accès. C’est vrai des anciens régimes comme c’est vrai encore aujourd’hui, malheureusement.
Les bibliothèques publiques sont les chevilles ouvrières de cette politique de la connaissance. Pour tous les citoyens, quelle que soit leur condition, elles participent à la « démocratisation de la démocratie », pour reprendre les termes d’Étienne Balibar.
Toutefois, cette mission civique fait porter sur les épaules des bibliothèques de lourdes responsabilités. La première est celle de l’accès aux bâtiments, mais aussi à leurs trésors. Dans cette perspective, il est essentiel de valoriser les très nombreuses actions des bibliothèques pour, d’une part, attirer des personnes qui se sentiraient illégitimes ou pas assez dotées pour les fréquenter, et, d’autre part, faire de la médiation culturelle.
À ce titre, les actions d’accueil des publics scolaires, comme cela se fait à Marseille, entre autres, participent pleinement à la formation citoyenne des enfants.
La seconde responsabilité consiste à garantir des contenus divers et pluralistes. On l’a vu récemment dans certaines villes : la tentation est grande pour des majorités municipales de restreindre les contenus bibliothécaires à ce qui va dans leur sens. Nous devons lutter contre cette tentation, qui restreint le champ des possibles et contribue à assécher le débat démocratique.
Alors que l’uniformisation des modes de pensée guette, le service public bibliothécaire a une responsabilité toute particulière. Nous devons donc le préserver et lui donner les moyens d’exercer sa mission.
Néanmoins, les bibliothèques sont aujourd’hui bien plus que des bâtiments d’un autre temps, comme certains voudraient le faire croire. L’arrivée massive de nouvelles œuvres culturelles au sein des bibliothèques doit être accompagnée et encouragée. Les musiques et les films sont autant de contenus qui non seulement attirent les jeunes, mais aussi les forment intellectuellement.
De la même manière, il est malheureux que certaines communes fassent le choix de couper leurs abonnements à des journaux, alors même que les bibliothèques sont aussi des lieux pour s’informer, notamment pour celles et ceux qui ne peuvent pas se permettre de s’abonner à un journal.
Cette proposition de loi doit donner les outils nécessaires aux bibliothécaires pour se protéger de ces manœuvres, qui vont à l’encontre de l’essence même des bibliothèques : donner à chaque citoyen la possibilité de se construire un rapport au monde qui lui soit propre et lui donner les moyens de faire des choix éclairés.
Enfin, on ne peut pas parler des bibliothèques sans évoquer l’espace de vie qu’elles constituent. Expositions, conférences, rencontres, initiatives d’aide à l’exercice des droits, accès à internet : ces maisons du savoir permettent aux citoyens, parfois isolés, de s’intégrer à la communauté.
Accès à la connaissance et au divertissement, émancipation, construction citoyenne et intégration sociale, ce n’est pas un autre but que visait la Révolution en nationalisant les bibliothèques ecclésiastiques, puis en constituant les collections publiques à partir de 1790.
Si, comme le pensait la romancière Mary Higgins Clark, « une bibliothèque est un chemin vers le futur », l’absence de loi-cadre reconnaissant ce genre d’institution est une erreur que nous allons réparer, grâce à cette proposition de loi – je veux en remercier Sylvie Robert. Notre groupe soutiendra ce texte sans aucune réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre-Antoine Levi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en politique, il faut apprécier les concerts de louanges, les grands-messes œcuméniques, les moments où tout le monde est d’accord, tant ils sont rares. L’examen de la présente proposition de loi en est un.
S’il y a bien une chose que la crise du covid-19 nous a enseignée, c’est notre besoin collectif de culture. Ces mois de fermeture de l’ensemble des lieux culturels ont été particulièrement difficiles pour bien des Français.
Je me félicite donc que la proposition de loi de notre collègue Sylvie Robert arrive au moment opportun, à l’heure où nous pouvons enfin retrouver ces espaces de culture qui font vivre nos villes, nos villages et nos territoires.
S’il faut apprécier ces moments, il faut aussi les prendre avec lucidité. Nous nous retrouvons aujourd’hui autour de quelques principes, auxquels nul ne songerait trouver quoi que ce soit à redire. Qui est contre les bibliothèques ? Qui pourrait défendre l’idée que leur accès devrait cesser d’être libre ou devenir payant ? Quelle collectivité prendrait cette décision politiquement suicidaire ? Seuls les partisans d’une taxe sur l’air que l’on respire pourraient s’opposer à de tels principes ! (Sourires.)
Fallait-il donc une loi pour cela ? Je me pose la question… Ce texte contribue peut-être à l’inflation législative, mais je reconnais dans le travail de Sylvie Robert une consécration des bibliothèques, gravant dans le marbre certains principes généraux consensuels pouvant avoir quelques conséquences qui le sont moins.
L’article 5, en particulier, m’est cher, parce qu’il énonce le principe de la pluralité idéologique dans un contexte où la pensée décoloniale et la cancel culture veulent faire disparaître tous les ouvrages qui ne correspondent pas à leurs positions…
La liberté d’expression n’est pas négociable, c’est pourquoi j’adhère pleinement à cet article. Mais il faut bien comprendre que, ce faisant, ce sont les opinions les moins consensuelles que l’on défend. Je m’interroge d’ailleurs sur l’articulation entre cet article et l’article 7, qui prévoit que les bibliothèques présentent leurs orientations de politique documentaire aux assemblées locales.
L’ingérence de la politique municipale dans la politique documentaire des bibliothèques est-elle une bonne chose ? Ne risque-t-on pas de basculer dans une politisation trop poussée des lieux de lecture ?
Par-delà ses dispositions concrètes, le présent texte nous donne l’occasion de nous interroger sur l’avenir des bibliothèques. Ces dernières se sont déjà énormément modernisées, pour devenir des espaces multimédias, des zones de coworking, des tiers lieux de respiration sociale. C’est ce mouvement qu’il nous faut accompagner dans nos collectivités, mais cela ne passera pas forcément par la loi.
Au vu de ces éléments, le groupe Union Centriste votera avec grand plaisir cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Elsa Schalck. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Elsa Schalck. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la richesse que constituent les livres est inestimable ; ils sont source de savoir, de connaissances, et peut-être plus que tout, source de liberté, d’émancipation et de créativité.
Les livres sont à l’honneur depuis deux jours, au Sénat, grâce à l’étude de deux textes importants : je tiens à remercier mes collègues de leur travail et de leur engagement depuis des années, sans lesquels ces propositions de loi n’auraient jamais vu le jour.
Hier, nous votions à l’unanimité le texte de Laure Darcos mettant en avant la filière professionnelle du livre et nos librairies, si importantes à la vie culturelle de nos communes.
Aujourd’hui, nous examinons celui de Sylvie Robert, relatif aux bibliothèques et au développement de la lecture publique. Comme nous l’avons constaté en commission, ce texte répond à une réelle attente ; son accueil très positif s’explique par le fait qu’il vient combler plusieurs lacunes et acter les mutations auxquelles ces lieux de culture indispensables se sont trouvés confrontés.
Les Français sont 76 % à estimer que les bibliothèques sont utiles à tous et 20 % de la population considèrent les bibliothèques comme un équipement indispensable.
Cette proposition de loi adapte les dispositions existantes au paysage territorial, autour de trois grands principes qu’il était important de consacrer, afin de donner un cadre législatif précis et ambitieux aux bibliothèques, tout en respectant la libre administration des collectivités.
Ces principes sont la liberté d’accès aux bibliothèques municipales et intercommunales, la gratuité, tant de l’accès aux espaces publics que de la consultation sur place, et le pluralisme des collections, afin notamment d’éviter toute censure.
Les enjeux auxquels ce texte répond avaient déjà été mis en évidence dans votre rapport de 2015, madame la rapporteure, ainsi que dans le rapport Orsenna-Corbin de 2018.
Dans notre pays, des lois sont dédiées aux musées ou aux archives, mais jamais, jusqu’à ce jour, il n’y avait eu de loi relative aux bibliothèques. Pour la première fois donc, ce texte donne aux bibliothèques une définition et, en cela, il les consacre comme le premier équipement culturel en France.
En raison de leur maillage territorial dense, les bibliothèques sont la première porte d’un égal accès à l’apprentissage et à la découverte de la lecture, avec tout ce que cela comprend : lutte contre l’illettrisme, ouverture sur le monde, exercice de la citoyenneté, développement de l’esprit critique et épanouissement de l’individu.
Quelque 70 % des communes de plus de 2 000 habitants ont une bibliothèque ; nous voyons de plus en plus de projets de boîtes à livres émerger dans les petites communes. En France, on compte 16 500 équipements de lecture publique, soit autant que de points postaux.
Les missions des bibliothèques départementales, elles aussi, sont définies dans ce texte : l’article 9 vient confirmer leur rôle essentiel de soutien, de coordination et d’ingénierie dans le développement de la lecture publique, notamment dans les zones rurales.
En tant que sénatrice du Bas-Rhin, je prendrai pour exemple la Bibliothèque d’Alsace, créée dès 1946. Son bon fonctionnement et l’engouement qu’elle suscite témoignent de la forte utilité des bibliothèques départementales. Les chiffres parlent d’eux-mêmes dans le réseau des bibliothèques d’Alsace, puisque ce ne sont pas moins de 6 sites existants, 700 000 ouvrages mis à la disposition des 288 bibliothèques, 60 services proposés et plus de 3000 bénévoles qui y sont investis.
Aujourd’hui, les bibliothèques sont protéiformes et offrent des services qui s’adressent à tous, enfants et adultes. En évolution permanente, elles ont su rebondir et se transformer pour relever les défis sociaux, éducatifs et culturels. Elles ne sont plus seulement un lieu de savoir et d’études : elles ont de plus en plus une vocation sociale et permettent la rencontre de toutes les générations et de tous les milieux socioprofessionnels.
Les enjeux d’une bibliothèque publique en 2021 sont nombreux, tels que les ressources numériques et la médiation culturelle, ainsi que l’éducation aux médias, une thématique qui se développe très fortement.
Plus généralement, d’autres enjeux sont inhérents aux bibliothèques publiques.
Je pense tout d’abord aux enjeux socio-économiques. Les bibliothèques luttent contre la fracture numérique et développent l’engagement citoyen par le bénévolat. Elles offrent des services diversifiés. Ainsi, le livre constitue un outil de culture comme lien entre les parents et les enfants.
Je pense également aux enjeux éducatifs. On note que 15 % des enfants n’ont malheureusement pas de livres chez eux ; la pratique culturelle de la lecture contribue, là aussi, à la formation de l’individu. Les bibliothèques ont développé de nombreux partenariats et projets avec les écoles et la sphère éducative, et cela pour encourager l’apprentissage et les joies de la lecture dès la maternelle.
Je pense aussi aux enjeux culturels, avec des contenus multimédias sélectionnés, renouvelés, valorisés, ainsi que des animations proposées ponctuellement et une offre de proximité structurée, du point lecture jusqu’à la médiathèque.
Je pense enfin aux enjeux de développement local. Les bibliothèques sont un partenaire central pour de nombreux champs de politique publique et un vecteur d’attractivité de nos territoires. Véritable service public de proximité et parfois seul équipement culturel de la commune, les bibliothèques sont des lieux de vie auxquels les élus et nos concitoyens sont particulièrement attachés.
Inscrire les bibliothèques dans la loi, c’est également reconnaître le rôle de l’ensemble des personnes qui travaillent afin de les protéger : bibliothécaires, bénévoles, étudiants, dont le travail et l’engagement au service des autres sont à saluer. Cette proposition de loi à vertu incitative permet ainsi d’acter ces mutations et l’évolution des missions des bibliothèques pour permettre un meilleur accès à la culture et au savoir.
En conclusion, je remercie une nouvelle fois Sylvie Robert de son investissement et de son engagement, afin de consacrer à un échelon législatif ce sujet ô combien important pour notre territoire. Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, notre groupe votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. David Assouline. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis André Malraux, la politique culturelle de la France a pour premier objectif l’accessibilité des œuvres au plus grand nombre et l’encouragement de la création.
L’accès à la culture au sens large est l’une des principales vocations des bibliothèques. Cette proposition de loi s’intéresse plus spécifiquement aux bibliothèques des collectivités territoriales et représente la première initiative visant à instaurer un cadre juridique pour ces lieux de culture indispensables à la vie locale.
Cela a été rappelé, la France compte 16 500 lieux de lecture publique accueillant près de 27 millions de lecteurs chaque année. Relais de culture, mais aussi de lien social, leur mission et leurs actions s’inscrivent pleinement dans les grands enjeux contemporains : 7 % des Français sont encore en situation d’illettrisme, soit 2,5 millions de personnes, et 20 % des Français seraient concernés par l’illectronisme.
Si elles représentent un levier contre l’analphabétisme, les bibliothèques contribuent aussi à combler la fracture numérique territoriale et générationnelle et offrent désormais des services étendus, de l’éducation artistique à la maîtrise des outils numériques.
Dans les milieux ruraux et les banlieues, les bibliothèques sont de précieux relais de l’État sur le territoire et remplissent des missions aussi diverses qu’essentielles pour un public souvent isolé socialement : aides aux démarches administratives, accueil des migrants, accompagnement des personnes âgées dépendantes, des détenus ou encore des personnes marginalisées. Aussi ces lieux de culture sont-ils également des lieux d’intégration participant pleinement à la réparation du lien social.
Cette proposition de loi fixe les grands principes qui régissent les missions et l’organisation des bibliothèques de nos collectivités et favorisent le développement de la politique de lecture publique. Cependant, nous devons être attentifs à ne pas fixer un cadre trop contraignant pour les élus locaux, en particulier en ce qui concerne leur liberté d’organisation et de gestion de ces lieux de culture.
En effet, il faut analyser avec précaution le principe de liberté d’accès fixé à l’article 2 : les collectivités doivent pouvoir organiser le fonctionnement des bibliothèques, notamment en matière de réservation des plages horaires pour des publics particuliers, de fixation de jauges de fréquentation ou encore de respect de la tranquillité des lieux.
Par ailleurs, l’article 3 consacre le principe de gratuité d’accès aux bibliothèques des communes et intercommunalités.
Je suis favorable au principe de la gratuité de la consultation sur place, mais je considère que la mairie doit pouvoir conditionner l’emprunt de livres à une inscription ou à un abonnement si elle le souhaite. En effet, dans la mesure où les collectivités locales financent leurs bibliothèques et médiathèques, il appartient aux élus locaux d’adapter les conditions d’accès et les grilles de tarification de l’emprunt de livres. Ce point n’est pas contradictoire avec cette proposition de loi, je tenais simplement à le rappeler.
Ce texte présente donc des avancées que nous approuvons. Pour autant, d’autres progrès sont envisagés ; je pense en particulier à l’encouragement à la création. En effet, il convient de souligner que 15 % des auteurs professionnels en France perçoivent moins de 400 euros par mois ; je souhaite appeler votre attention sur ce point, madame la ministre.
Lorsque la création d’un artiste dans le domaine musical est diffusée dans un cadre public, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, ou Sacem, impose à la collectivité de verser des droits d’auteur.
Pourquoi les livres empruntés dans le cadre de bibliothèques ne font-ils pas l’objet d’un comptage par auteur ? Il faut deux ans pour réaliser une bande dessinée ; il serait logique que les auteurs perçoivent, ainsi que les éditeurs, une juste rémunération de ce travail très souvent fastidieux. Cela permettrait d’encourager la création. Je rappelle que, pour nombre d’entre eux, ces auteurs vivent dans des conditions très difficiles. C’est un sujet auquel il faudra tôt ou tard s’attaquer.
Cette proposition de loi est une excellente initiative. Elle présente de nombreuses avancées. C’est pourquoi le groupe Les Indépendants – République et Territoires l’approuve et la votera. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. David Assouline. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « la lecture est une amitié », écrivait Marcel Proust.
Cette amitié, plus de 6 millions de Français l’ont avec leurs bibliothèques et par la bibliothèque, en étant inscrits à l’une d’entre elles et en ayant emprunté 247 millions de livres en 2019. Avec plus de 16 000 sites en France, la bibliothèque est le lieu culturel de référence pour les Français, par sa présence sur l’ensemble du territoire. Ce service public est essentiel. Il méritait une loi-cadre. Il est nécessaire de le valoriser et de le renforcer.
Ce que nous faisons aujourd’hui, même si nous sommes peu nombreux dans cet hémicycle, constitue un acte historique. En effet, cela n’a jamais été réalisé et, s’il est une parlementaire qui mérite de voir son nom associé à cette initiative historique, c’est bien Sylvie Robert, qui, depuis de longues années, s’est engagée dans ce travail. (Applaudissements.)
Cet espace arrive dans nos quotidiens dès le plus jeune âge, à l’école. Il deviendra ensuite un rendez-vous régulier pour les enfants, souvent avec un documentaliste, homme ou femme, passionné, qui leur inculquera une base solide pour comprendre le fonctionnement d’une bibliothèque et y découvrir le plaisir de la lecture.
La bibliothèque sera aussi présente tout au long du parcours scolaire, de l’école primaire à l’université. Elle accompagne l’élève dans son apprentissage, mais également dans ses loisirs et sa citoyenneté.
Lieu convivial d’échanges, de culture et évidemment de lecture, la bibliothèque est un espace où les barrières générationnelles et sociales disparaissent pour laisser un plaisir commun : la rencontre, le partage et la découverte.
M. Bernard Fialaire. C’est exact !
M. David Assouline. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est fondamental que ce lieu soit accessible à tous, et ce gratuitement, pour qu’il soit le plus ouvert possible.
Je tiens à saluer le travail formidable réalisé par tous ces bibliothécaires, archivistes, documentalistes, passionnés, qui ont tant de plaisir à recommander des livres selon les envies de chacun et de proposer une sélection d’œuvres de qualité. Les agents travaillant en bibliothèque jouent un rôle fondamental ; nous nous devons de les soutenir, de les protéger pour offrir un service public de qualité.
Les bibliothèques ont longtemps été délaissées. Tout comme pour les autres services publics, les pratiques, les missions et les besoins changent, et il est nécessaire de s’y adapter. Trop peu de lois ont été discutées pour moderniser ou valoriser cet acteur de la culture.
Aujourd’hui, cette initiative vient réparer cet oubli ou ce peu d’intérêt manifesté par le législateur. Je pense notamment à l’adaptation et à l’extension des horaires d’ouverture au public, qui permet au plus grand nombre d’accéder à ce service. Un effort non négligeable a été également réalisé pour soutenir le développement de missions, davantage méconnues des Français, par les agents des bibliothèques.
Vous l’aurez compris, les travaux menés sur les bibliothèques et la lecture publiques ne sont pas restés lettre morte : ils ont trouvé une concrétisation et des évolutions qui nécessitaient toutefois d’être précisées et affermies. C’est bien l’objectif principal de cette proposition de loi, que l’on doit saluer.
Tout d’abord, inscrire les principes de gratuité et de liberté d’accès aux bibliothèques municipales et intercommunales dans la loi est fondamental dans un pays démocratique comme le nôtre.
La bibliothèque est l’une des pierres angulaires de la démocratisation et de l’accès à la culture pour tous. C’est également l’une des premières rencontres avec la lecture pour nombre de Français. Il est donc essentiel d’inscrire dans la loi ces principes comme immuables. Nous devons nous battre pour prohiber tout développement de pratiques qui viseraient à les restreindre ou à les rendre payants.
Le pluralisme est également un élément précisé dans la loi. Dans le monde tel qu’il va, ce pluralisme n’est pas un luxe, c’est une nécessité absolue, notamment à l’heure de l’uniformisation des grandes plateformes, des descentes verticales de même contenu, sans choix possible et sans cette diversité qui fait la richesse de la culture et de l’éducation.
Les bibliothèques favorisent encore l’exercice de la liberté et de l’esprit critique, cela a été rappelé. L’actualité nous rappelle tous les jours de façon brutale que nous sommes face à des « vérités alternatives », des thèses complotistes, des religieux extrémistes qui veulent endoctriner et d’autres extrémismes idéologiques.
Développer son esprit critique, se former à la liberté et à la raison trouve son support premier dans la lecture et dans le livre ; je n’en ai pas encore trouvé de meilleur. C’est également l’une des raisons essentielles de ce texte.
Je ne rappelle pas ce que tout le monde avant moi a bien exposé, puisque cette proposition de loi est consensuelle. Je conclurai en soulignant que les Français sont attachés à ce service public. Nous devons lui donner les moyens de ses ambitions, afin de lui permettre le rayonnement qu’il mérite.
C’est pourquoi notre groupe soutiendra bien entendu cette proposition de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Philippe Folliot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est des inventions et des techniques qui changent le monde. Nous fêterons bientôt les 470 ans d’une invention technique, l’imprimerie, qui a bouleversé le monde en permettant la diffusion de la connaissance et sa démocratisation.
À certains égards, les Lumières sont les enfants de cette évolution technique. Nous vivons aujourd’hui d’autres révolutions techniques, dont l’avenir montrera peut-être qu’elles sont ou auront été aussi importantes que celle de l’imprimerie. Je pense à la numérisation, qui envahit aujourd’hui notre quotidien, mais surtout à l’intelligence artificielle, qui est sur le point de bouleverser bien des domaines et des secteurs.
Dans cette perspective, on peut se demander si le livre et les bibliothèques ont de l’avenir. À cette question, comme chacun d’entre nous, je réponds oui ! C’est en effet un socle, et c’est sur ce socle que nous pourrons construire le reste. C’est notre devoir et notre intérêt.
À ce titre, je remercie Sylvie Robert de cette proposition de loi, qui est fort utile et qui, comme cela a été souligné par les orateurs précédents, apportera un socle juridique essentiel pour les bibliothèques et cette capacité d’innovation et d’invention.
Je suis le président d’une association qui a inventé un lieu original et atypique en ouvrant, voilà une dizaine d’années, la première bibliothèque-restaurant de France, qui fonctionne sans aucune subvention de collectivités territoriales.
Ce faisant, nous avons créé une forme de tiers lieu de culture, accessible à tout le monde : on y trouve une bibliothèque, une galerie d’art, des conférences, et des concerts y sont organisés. S’y ajoute même une petite maison d’édition associative. Elle s’appelle la Bibliotèca, qui signifie « bibliothèque » en occitan.
M. Philippe Folliot. « Une bibliothèque, c’est le carrefour de tous les rêves de l’humanité », écrivait Julien Green. Madame la rapporteure, par le biais de cette proposition de loi, nous pouvons garder l’espoir que les bibliothèques restent encore très longtemps ce carrefour de tous les rêves de l’humanité qui est si chère et si importante pour notre avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique
Chapitre Ier
Définir les bibliothèques et leurs principes fondamentaux
Article 1er
Au début du titre Ier du livre III du code du patrimoine, il est ajouté un article L. 310-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 310-1 A. – Les bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements ont pour missions de garantir l’accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs. À ce titre, elles :
« 1° Constituent, conservent et communiquent des collections de documents et d’objets, définies à l’article L. 310-3, sous forme physique ou numérique ;
« 2° Conçoivent et mettent en œuvre des services et des activités associés à leurs missions ou à leurs collections.
« Les bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements transmettent également aux générations futures le patrimoine qu’elles conservent. À ce titre, elles contribuent aux progrès de la connaissance et de la recherche ainsi qu’à leur diffusion.
« Ces missions s’exercent dans le respect des principes de pluralisme des courants d’idées et d’opinions, d’égalité d’accès au service public et de neutralité du service public. »
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
L’article L. 320-3 du code du patrimoine est ainsi rétabli :
« Art. L. 320-3. – L’accès aux bibliothèques municipales et intercommunales est libre. »