M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, le 2 juin, vers seize heures trente, les services de l’État – la préfecture de police de Paris, mais aussi les préfets de plusieurs départements – ont signalé jusqu’à 30 % d’appels en moins vers les numéros d’urgence que la moyenne habituelle. Chaque jour, en effet, 150 000 Français appellent le 15, le 17 ou le 18.
La société Orange n’était manifestement pas informée de cette panne dans un premier temps. Une heure environ après les services de l’État, elle a toutefois reconnu qu’il y avait un problème, qui se traduisait non par un arrêt, mais par une dégradation du service.
Selon les premières estimations de l’État, non confirmées pour l’instant par un quelconque rapport, nous aurions perdu environ 30 % des appels, soit que l’opérateur ne répondait pas, soit que la communication s’interrompait au bout de trente secondes.
En raison de l’essence même des numéros d’urgence, j’ai demandé très rapidement au directeur de cabinet du Premier ministre, présent à Paris – j’étais pour ma part en déplacement avec Cédric O et M. le Premier ministre à Tunis –, d’activer la cellule interministérielle de crise. Les préfets ont alors substitué aux numéros d’urgence des numéros plus longs dans les minutes qui ont suivi : 400 numéros ont été mis en place dans 80 départements. Pendant deux jours, nous avons pris en main le travail dévolu en principe au serveur Orange. Je veux d’ailleurs remercier les autres opérateurs, qui ont permis de résoudre une partie des problèmes rencontrés.
Comme vous, monsieur le sénateur, j’ai une pensée particulière pour les personnes qui ont vécu les six situations critiques, dont quatre décès, ayant peut-être un lien direct – ce n’est pas certain à ce stade – avec l’impossibilité de joindre les services d’urgence. Une enquête individuelle administrative a été demandée par M. le Premier ministre à l’ARS et au préfet pour chacun de ces cas.
La société Orange a communiqué. Pour notre part, nous n’excluons aucune cause, monsieur le sénateur. Nous ne sommes pas capables à ce stade de comprendre ce qui s’est passé exactement. Sur la base du code des télécommunications, nous avons saisi, à la demande du Premier ministre, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) et diverses inspections pour diligenter un rapport que nous rendrons public.
Nous n’excluons pas une attaque informatique, même si ce n’est pas l’hypothèse privilégiée. Ayant convoqué Stéphane Richard place Beauvau dès le lendemain matin de la panne, j’ai eu l’occasion, avec Cédric O, de dire combien cette situation était inacceptable et de demander à Orange, non seulement des explications sur cette panne, mais aussi des modifications pour que tout fonctionne à l’avenir. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.
M. Patrick Chaize. Cette panne est en effet inacceptable. Je vous rejoins sur ce point, monsieur le ministre.
La desserte fixe et mobile est un enjeu de plus en plus urgent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation des copropriétaires bailleurs de résidence de tourisme
M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Jacquemet. Ma question, à laquelle j’associe mes collègues Jean-Michel Arnaud et Loïc Hervé, s’adresse au secrétaire d’État chargé du tourisme. Elle concerne le non-versement des loyers par les exploitants de résidences de tourisme aux propriétaires bailleurs.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déjà été interpellé plusieurs fois sur le sujet. Pour autant, la question reste sans réponse.
Plusieurs dizaines de milliers de copropriétaires bailleurs sont dans une situation impossible. Ils sont impuissants face aux différents exploitants qui gèrent leurs résidences partout en France. Ils ont pour la plupart emprunté afin de réaliser un investissement dans le but de s’assurer un complément de retraite.
Ils se retrouvent aujourd’hui pris à la gorge, car les exploitants arguent de la crise sanitaire pour ne pas leur verser leurs loyers depuis mars 2020. Ils n’ont donc plus aucune rentrée d’argent, tandis qu’ils continuent à devoir payer leurs charges.
Ces exploitants ont pourtant reçu toutes les aides accordées par le Gouvernement, dont les prêts garantis par l’État (PGE). Si les chiffres qui nous ont été communiqués sont exacts, Appart’City aurait touché 32 millions d’euros, et Pierre & Vacances-Center Parcs 240 millions d’euros, justement pour renforcer leur trésorerie et assurer le règlement des sommes dues à leurs fournisseurs, soit en l’espèce les bailleurs, qui attendent toujours… Pouvez-vous nous confirmer que vous avez connaissance de cette situation ? Dans l’affirmative, comment le Gouvernement compte-t-il y mettre fin ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie. Madame la sénatrice, le tourisme, c’est une grande chaîne d’acteurs très divers. Mais si certains plongent, ils entraînent tous les autres. Dans cette affaire, on a besoin de trouver des solutions concrètes tous ensemble, par le dialogue.
Qu’a fait l’État ? Il a apporté son soutien aux acteurs économiques, notamment aux résidences de tourisme, à travers les PGE, le fonds de solidarité et le dispositif « coûts fixes » – sans aucun seuil pour les résidences à la montagne –, afin qu’ils puissent au mieux faire face à leurs obligations contractuelles. Mais le choc a été tel qu’ils l’ont fait de façon inégale. À la montagne, seuls 50 % des loyers ont en effet été versés.
C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité faciliter le travail de dialogue et de conciliation. Dans la loi de finances pour 2021, vous avez voté un crédit d’impôt pour faciliter l’abandon de loyers en contrepartie de cet avantage fiscal. Nous avons également mobilisé le médiateur des entreprises et les commissions locales pour les baux commerciaux. Il est important que ce travail se poursuive. Le Syndicat national des résidences de tourisme (SNRT) travaille main dans la main avec l’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI), qui représente les propriétaires investisseurs, et la Fédération bancaire française.
Il est important de pouvoir trouver des solutions sur mesure pour les propriétaires investisseurs, qui se retrouvent parfois dans des situations complexes qu’ils ne savent plus gérer. La recherche de solutions au cas par cas est aussi une façon de progresser.
Beaucoup de problèmes ont déjà été résolus, d’autres restent pendants. Les différentes parties doivent poursuivre ce travail de dialogue, et vous pouvez naturellement compter sur notre vigilance permanente, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour la réplique.
Mme Annick Jacquemet. J’entends bien tout ce que vous avez déjà fait, monsieur le secrétaire d’État. Pour autant, nous nous faisons le relais de tous ces copropriétaires bailleurs pris à la gorge, désespérés.
Vous n’êtes pas resté inactif, mais c’est vraiment le pot de terre contre le pot de fer… Les copropriétaires bailleurs ont vraiment besoin du soutien de l’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
rapatriement des personnels civils de recrutement local afghans
M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Étienne Blanc. Ma question s’adresse à Mme la ministre des armées.
Madame la ministre, entre 2001 et 2014, environ 50 000 soldats français ont servi sur les théâtres opérationnels d’Afghanistan. À leurs côtés ont travaillé environ 700 Afghans – chauffeurs, voituriers, magasiniers, interprètes ou traducteurs. Aujourd’hui, un grand nombre d’entre eux ont pu gagner la France : le Gouvernement leur a attribué des visas. Mais tous n’en ont pas reçu.
Or voici qu’à la faveur de l’évolution de la situation politique et militaire en Afghanistan, les armées talibanes sont aux portes de Kaboul. De manière très explicite, elles ont mis une cible sur ces Afghans qui ont travaillé à nos côtés. Aujourd’hui, ceux-ci subissent une inquiétude terrible. Ils sont identifiés, ils sont connus, et leurs familles avec eux.
M. David Assouline. C’est honteux !
M. Étienne Blanc. Or il ne reste a priori que quelques semaines avant l’entrée des talibans dans Kaboul.
Alors, madame la ministre, ma question est simple : quelle est la position du Gouvernement quant à l’attribution à ces Afghans qui ont servi notre pays de titres de séjour qui leur permettront de rejoindre une terre d’asile ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur Étienne Blanc, comme vous l’avez rappelé, la France a été engagée en Afghanistan entre 2001 et 2014, sous des mandats successifs de l’ONU. Au cours de cet engagement, 90 militaires français sont morts au combat ; permettez-moi de leur rendre hommage, mes pensées vont vers leurs familles.
Comme la plupart des autres nations qui se sont engagées en Afghanistan, nous avons eu recours à des civils recrutés localement pour aider la force dans sa mission au profit de la population afghane. Environ 1 000 personnes ont ainsi constitué le personnel civil de recrutement local (PCRL) ; parmi eux, une majorité d’interprètes, qui ont œuvré au profit de leur pays, aux côtés des forces françaises.
Entre 2013 et 2015, lorsque la France s’est désengagée de ce conflit, nous avons organisé en deux vagues le rapatriement de 171 d’entre eux et de leurs familles, soit 550 personnes au total.
En 2017, le Président de la République a considéré, au vu de la dégradation des conditions sécuritaires, en particulier à Kaboul, qu’il était nécessaire de rapatrier d’anciens PCRL qui en émettraient le souhait. C’est la raison pour laquelle un nouveau dispositif d’accueil a été mis en place ; entre 2018 et 2019, nous avons rapatrié 51 ex-PCRL supplémentaires ainsi que leurs familles, soit 218 personnes. Au total, ce sont donc 222 ex-PCRL et leurs familles qui ont été rapatriés, soit près de 800 personnes.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, de nouveaux événements sont récemment venus marquer ce pays. Avant de les évoquer, je voudrais vous rappeler que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères avait organisé, dans le cadre des procédures de droit commun, les éventuelles demandes de retour exprimées par les ex-PCRL. Toutefois, du fait du retrait organisé par les États-Unis et les troupes de l’OTAN, ce ministère a mis en place un nouveau dispositif au profit des agents de droit local : 500 bénéficiaires ont d’ores et déjà été identifiés, parmi lesquels 400 ont déjà été rapatriés à ce jour ; une centaine d’autres devraient l’être d’ici à la fin de ce mois.
Je crois donc, monsieur le sénateur, que la France a su assumer ses responsabilités et exprimer sa solidarité vis-à-vis de ces personnes qui l’ont accompagnée durant toutes ces années d’engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour la réplique.
M. Étienne Blanc. Madame la ministre, votre réponse à ces situations très particulières et spécifiques était extrêmement attendue.
Je voudrais tout de même attirer votre attention sur le fait que l’expérience antérieure démontre que, dans un certain nombre de cas, les visas ont été contestés ; il a fallu plaider devant des tribunaux administratifs français pour que certains de ces cas soient résolus.
Le sens de mon propos est celui-ci : sur de tels sujets, l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) permet exceptionnellement à des étrangers de séjourner sur le territoire français au titre des services rendus à la France. Il faut à mon sens nous montrer très ouverts et très conciliants quant à l’interprétation des textes.
Tout le monde pense à ce qui s’est passé pour les harkis : il y va de l’honneur de la France ! Il s’agit d’apporter satisfaction à des Afghans qui ont servi la France et à leurs familles, à ceux qui ont servi loyalement un pays qu’ils ne connaissaient même pas, et qui l’ont servi de manière constante. Les questions juridiques ne doivent pas constituer un frein ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et SER. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)
restructuration des services financiers de la poste
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. J’associe mon collègue Christian Redon-Sarrazy à cette question.
Depuis plusieurs années, La Poste est en réorganisation permanente. Si l’on peut comprendre certaines évolutions visant à répondre aux besoins des usagers, il est des décisions incompréhensibles et lourdes de conséquences tant en matière d’emplois et d’aménagement du territoire que de service rendu.
C’est le cas aujourd’hui de la restructuration de ses services financiers. Nous avons appris le 4 juin dernier la fermeture des services de relation client de cinq centres financiers employant près de 500 personnes. À Limoges, ce sont 150 femmes et hommes qui sont directement concernés par cette décision, alors même que ce centre est reconnu nationalement pour ses performances et la qualité de ses conseils.
Or le choix de fermer ces services ne tient aucun compte d’éléments qualitatifs objectifs, mais seulement de l’éventuelle facilité à reclasser les salariés concernés. Je dis bien « éventuelle », car les possibilités de reclassement ne considèrent ni les grades, ni les compétences, ni les traitements et salaires.
Cette décision semble s’inscrire dans une stratégie de concentration d’activités au sein de certaines grandes métropoles. Pourtant, préserver l’activité et des emplois qualifiés répartis équitablement sur l’ensemble du territoire national est un impératif pour réduire les inégalités territoriales.
La Poste doit avoir les moyens d’assurer les missions de service public qui lui sont confiées par la loi. Une présence territoriale équilibrée y contribue et la fermeture de ces services financiers serait un recul supplémentaire.
Monsieur le ministre, considérant le poids de l’État au sein du groupe, quelles actions envisagez-vous pour préserver les emplois et le maillage territorial qui ont fait les preuves de leur efficacité ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Briquet, la question que vous posez et l’inquiétude que vous relayez sont légitimes. Les députés Sophie Beaudouin-Hubière et Pierre Venteau nous en ont saisis, Bruno Le Maire et moi-même, il y a quelques jours.
Nous avons pris contact avec le président de La Poste, Philippe Wahl, qui nous a confirmé – nous partageons cette orientation – que le développement économique de son groupe ne pouvait se faire sans les territoires et, notamment, sans un maillage territorial dans des villes petites, moyennes, ou grandes. Limoges est l’une de ces villes, un centre financier pour La Banque postale et le quatrième centre financier de France.
Ce centre va évoluer, puisque La Banque postale a fait le choix de transformer progressivement les centres financiers en centres d’expertise et en centres de compétence produit, en s’engageant à mettre en place la formation et les investissements dans le numérique qui seront nécessaires.
Le président Wahl a redit aux députés que j’ai cités sa détermination pour que le centre financier de Limoges reste, en taille, le quatrième de France et soit même amené à croître dans le cadre du développement d’activités, notamment en matière de gestion des titres et des valeurs mobilières, comme en termes de développement des activités numériques et du paiement à distance.
Cela nécessite un investissement dans les outils numériques mais aussi dans la formation, pour permettre au personnel que vous avez évoqué, aux 147 salariés travaillant à Limoges, d’occuper ces postes. Cela nécessite aussi d’organiser des mobilités au sein du groupe La Poste.
Cela nécessite enfin de la concertation. Celle-ci a débuté. Une première réunion des instances sociales s’est tenue hier ; une seconde aura lieu vendredi.
Je peux donc vous assurer, à la fois, de la fermeté des engagements pris par le groupe La Poste vis-à-vis du Gouvernement, mais aussi des parlementaires, et de la très grande attention avec laquelle nous suivons ce dossier pour faire en sorte que ces engagements de maintien des emplois et des compétences soient tenus et que cette transformation, cette réorganisation et cette modernisation de l’activité financière de La Banque postale, que nous assumons, ne soient pas préjudiciables aux territoires et en particulier à Limoges.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le ministre, j’entends bien votre réponse. La Poste ne joue pas n’importe quel rôle auprès des Français. C’est aussi pour cela que les élus sont particulièrement attentifs à défendre la présence postale en zone rurale.
À l’heure où la crise sanitaire nous oblige à repenser l’organisation territoriale des activités, La Poste doit pouvoir contribuer à l’aménagement du territoire pour les services de proximité au quotidien, mais aussi pour maintenir les bassins d’emploi qualifié. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
éoliennes
M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Kristina Pluchet. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique.
Madame la ministre, depuis quelques jours, la presse s’est fait l’écho des arguments des naufragés de l’éolien anarchique, après des années de promotion partiale et unilatérale. Aujourd’hui, de nombreux Français découvrent, scandalisés, ce leurre écologique.
Je ne reviendrai pas sur la liste fournie des arguments de raison que vous semblez ne pas entendre : vous les connaissez. En revanche, vous avez reconnu que de nombreux parcs éoliens avaient été installés « trop rapidement » et sans « suffisamment de concertation ».
C’est de la colère des élus et des riverains que je veux me faire le porte-voix, de ces élus ulcérés par leur impuissance et leur mise à l’écart ; ils font face à des réglementations qui n’ont cessé de réduire la participation des communes concernées et qui ont toujours plus restreint les voies de recours.
Ces élus et ces riverains, eux aussi très attachés à la défense de l’environnement, sont très inquiets du mitage et de l’artificialisation des sols de nos campagnes, artificialisation par ailleurs combattue avec force dans le projet de loi Climat et résilience.
Désormais les arguments de l’économie éolienne ne convainquent plus que les acteurs qu’elle enrichit. L’engagement pour le mix énergétique n’est pas le tout-éolien. L’écologie ne signifie pas la dictature des lobbies.
Face à un front d’opposition grandissant, ne croyez-vous pas, madame la ministre, qu’il est temps de renouer avec une vraie concertation, en redonnant aux élus la possibilité de choisir, pour les projets en cours et à venir ? Quelles mesures concrètes comptez-vous mettre en œuvre ?
Cette concertation a été muselée à coup d’ordonnances, de décrets et d’arrêtés depuis plusieurs années. Il est temps de donner un coup d’arrêt à cette tromperie et non un coup d’accélérateur, comme votre dernière circulaire aux préfets le laisse à penser.
Il est temps de revoir notre stratégie de mix énergétique avec des énergies moins dommageables du point de vue environnemental, économique et démocratique. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame la sénatrice Pluchet, vous savez bien que, sur ces sujets, il faut essayer d’avoir un débat qui soit le plus calme et le plus serein possible… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Nous sommes calmes et sereins !
Mme Barbara Pompili, ministre. …, un débat qui soit autant que possible établi sur des faits. Malheureusement, dans la période que nous vivons, de fausses informations circulent trop souvent. Nous devons donc, tous ensemble, essayer de distinguer ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas.
Ce qui est vrai, c’est que nos besoins en électricité évoluent fortement : nous voulons avoir le mix énergétique le plus décarboné possible. Les voitures vont devenir plus électriques, nos industries aussi. Pour ce faire, nous avons besoin d’un mix qui soit à la hauteur.
La programmation pluriannuelle de l’énergie nous indique la direction à suivre : nous allons baisser la part du nucléaire à 50 % d’ici à 2035… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. On n’y arrivera pas !
Mme Barbara Pompili, ministre. … et augmenter la part des énergies renouvelables de manière à équilibrer ce mix.
Nous devons évidemment réaliser des projections sur ce que nous voulons faire ensuite. RTE (Réseau de transport d’électricité) travaille sur différents types de mix. Quel que soit le scénario retenu – six sont envisagés, avec une part plus ou moins importante d’énergie nucléaire et d’énergies renouvelables –, il va falloir augmenter la part de toutes les énergies renouvelables, l’éolien terrestre n’étant que l’une d’entre elles : il y a évidemment bien d’autres énergies renouvelables !
Quant à la manière dont cela doit être fait, je suis d’accord avec vous : il faut plus de concertation et de visibilité, il faut que les territoires soient mieux associés.
C’est pourquoi j’ai envoyé la semaine dernière une circulaire aux préfets leur demandant d’établir une cartographie permettant de savoir où il est possible, sur chaque territoire, d’implanter des éoliennes et où c’est impossible, en fonction des éléments patrimoniaux, des radars militaires, du vent, bien sûr, mais aussi de la biodiversité, à laquelle nous sommes tous attachés.
À partir de cette cartographie, nous pourrons enfin avoir de la visibilité et associer les acteurs pour que, à la fin, le besoin en énergie soit satisfait au travers d’une meilleure concertation. Je suis sûre qu’en s’y mettant tous ensemble nous y arriverons ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et GEST.)
situation des producteurs de fraises
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Prince, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Paul Prince. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, comme vous le savez, notre industrie agroalimentaire héberge une filière fraisière particulièrement dynamique. La première étape de la production fraisière est la production de plants de fraisiers, qui sont ensuite vendus à d’autres exploitations. La production hexagonale de plants de fraisiers est réputée pour sa diversité et la qualité gustative de ses produits.
Les producteurs de plants de fraisiers doivent respecter des obligations sanitaires strictes, la législation européenne fixant des seuils nuls ou très faibles de maladies et de ravageurs. De plus, la réglementation française fixe un niveau d’exigence supérieur à celui du droit européen. Pour ce faire, la qualité des sols est très importante. Les exploitants français utilisent à cette fin du Basamid, seul produit encore autorisé après l’interdiction du métam-sodium, et dont l’utilisation est strictement réglementée.
Or l’homologation de ce produit n’a pas été reconduite par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Des alternatives existent, mais soit elles sont plus chères et moins efficaces, soit elles sont encore à l’étude.
Le retrait de ce produit du marché, sans alternative, risque de compromettre gravement la production nationale de plants de fraisiers en créant une distorsion de concurrence avec nos concurrents européens qui utilisent des produits de désinfection interdits en France. Certains producteurs de plants pourraient même être tentés de mettre fin à leur activité. Les producteurs français de fraises seraient alors contraints d’acheter des plants à l’étranger.
Dans cette affaire, monsieur le ministre, plusieurs intérêts sont en cause : la survie d’entreprises françaises, l’emploi, la préservation d’un savoir-faire français, ainsi que notre souveraineté alimentaire.
Monsieur le ministre, avez-vous pris la mesure de l’enjeu ? Dans l’affirmative, comment envisagez-vous d’y répondre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Prince, oui, à l’évidence, nous avons pris la mesure de la difficulté à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés du fait de l’arrêt de ce produit, le Basamid.
Au préalable, je voudrais rappeler la position du Gouvernement à l’égard de cette transition. Nous entendons porter au maximum les débats à l’échelle européenne, comme vous l’avez dit dans votre question : c’est essentiel, si l’on veut des transitions, de les faire à l’échelle européenne. Ensuite, nous voulons accompagner les agriculteurs et ne pas les laisser sans solutions.
Dans le cas concret qui nous occupe, il est question d’un désinfectant du sol qui est notamment utilisé depuis la fin de la commercialisation d’autres produits, tels que le métam-sodium que vous avez mentionné. Il s’avère que, dans le cas du Basamid, l’Anses a revu les règles d’utilisation, mettant fin à la possibilité d’utiliser ce produit à partir de 2020.
Je voudrais, face à cette situation, souligner trois points.
En premier lieu, évidemment, nous nous sommes assurés que le retrait du produit serait assorti d’un délai, notamment pour l’utilisation du stock.
Deuxièmement, il est possible aujourd’hui que la firme qui commercialise ce produit fasse une demande de dépôt à l’Anses sur d’autres règles d’utilisation, un peu plus strictes, comme cela a été fait en Belgique, ce qui permet à nos concurrents belges de continuer à utiliser ce produit.
Enfin, il faut investir dans la recherche d’alternatives. L’une d’entre elles en particulier nous paraît très prometteuse : l’eau ozonée, qui est d’ailleurs portée par une société française. Nous voulons absolument l’aider ; c’est pourquoi un permis d’expérimentation lui a été accordé pour un délai de trois ans.
Notre position est que plus cette transition sera partagée à l’échelle européenne, plus elle sera rapide. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)