M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour la réplique.
Mme Muriel Jourda. Vous avez raison, monsieur le ministre, nous ne partons pas d’une page blanche. Cela fait vingt ans que le budget de la justice augmente sans discontinuer. Quant à la réunion des acteurs de la justice, nous en avons pris l’initiative voilà deux ans, à l’instigation de Philippe Bas, alors président de la commission des lois du Sénat. Je dois dire, d’ailleurs, que Mme Belloubet n’avait alors pas écouté un seul des mots que nous avions prononcés, y compris lorsqu’il y avait un consensus entre tous les acteurs.
Je crois que vous ne prenez pas conscience de l’importance du problème et de la difficulté d’aujourd’hui.
Je rappelle que, l’année dernière, en plein confinement, des policiers fuyaient sous des tirs de mortier à Saint-Denis.
Au mois de février, cette année, un retraité n’a pas pu obtenir de la justice de récupérer sa maison, alors qu’elle était occupée par des squatteurs ; ce sont des particuliers qui l’ont aidé à le faire.
Enfin, le mois dernier, les consommateurs de crack du quartier de Stalingrad ont été dispersés par des tirs de mortier que l’on attribue à des riverains et qui, en tout cas, ont été approuvés par eux.
L’État de droit se délite. Non seulement le droit n’est plus appliqué et les policiers fuient devant les délinquants, mais nos concitoyens préfèrent la justice privée à la justice de la République.
Ce n’est pas une aimable causerie entre acteurs de la justice qui va nous permettre de résoudre ces problèmes, mais la restauration de l’État régalien. Nous en sommes loin ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation des français de l’étranger vaccinés avec un vaccin non homologué
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cadic. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie. Elle porte sur la situation des Français de l’étranger vaccinés contre la covid-19 dans leur pays de résidence avec un vaccin chinois ou russe.
Le 17 mars dernier, monsieur le secrétaire d’État, vous avez affirmé au Sénat que 84 % des Français établis hors de France étaient éligibles aux dispositifs de vaccination locaux, et que l’envoi de vaccins par la France pour les protéger n’était pas nécessaire. Sur tous les continents, nombreux sont nos compatriotes qui ont suivi le conseil de nos autorités de se faire vacciner localement, obéissant ainsi à la politique sanitaire mise en œuvre dans leur pays d’accueil. De nombreux Français se sont ainsi fait administrer les vaccins chinois Sinopharm et Sinovac, reconnus par l’OMS, ou le vaccin russe Sputnik.
Le Gouvernement n’a jamais émis d’avis de contre-indication à l’égard de ces vaccins. Pourtant, sa stratégie de réouverture des frontières, qui entre en vigueur aujourd’hui, ne les prend pas en compte. La France assimile ces Français à des personnes non vaccinées et leur impose de se placer en quarantaine durant sept jours, avec des tests de dépistage renforcés qui peuvent être très coûteux, surtout pour des familles.
Nos élus des Français de l’étranger m’ont alerté sur le sujet. Ils relaient l’inquiétude, voire l’indignation de nombre de nos compatriotes qui veulent revenir en France, notamment pour les vacances estivales, et qui se sentent ainsi discriminés.
Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi cette distinction entre les vaccins, alors que l’Espagne et la Grèce ne la font pas pour attirer les touristes ? Est-ce que nos compatriotes déjà vaccinés doivent prévoir de se faire vacciner une seconde fois en France à leur retour, pour être reconnus par le pass sanitaire ? Doit-on déjà les inciter à chercher un rendez-vous sur ViteMaSurdose.com ? (Sourires.) Cela n’est-il pas de nature à mettre leur santé en danger ?
Le Gouvernement a annoncé avoir livré des vaccins Johnson & Johnson destinés à des Français de l’étranger établis à Djibouti ou à Madagascar. À ne vacciner que certains Français de l’étranger, vous créez une inégalité de droits dans cette communauté. Quand allez-vous vacciner tous les Français de l’étranger ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie. Monsieur le sénateur Olivier Cadic, permettez-moi tout d’abord d’adresser mes chaleureuses félicitations à tous les conseillers des Français de l’étranger élus ou réélus voilà quelques jours, qui participent, aux côtés de nos consulats et de nos ambassades, à l’accompagnement de nos communautés dans cette période si complexe.
S’agissant de la vaccination, c’est justement parce que nos compatriotes ne peuvent pas prétendre à des vaccins homologués par l’Union européenne dans un certain nombre de pays que nous organisons nous-mêmes cette vaccination. Elle se déploie à bon rythme : des vaccins ont été envoyés ou sont en train de l’être dans 35 pays, le plus souvent situés sur le continent africain ou en Asie. J’ai notamment en tête l’Afrique du Sud, Djibouti, l’Éthiopie, le Népal ou le Tadjikistan.
Nous sommes également en discussion avec les autorités de 28 autres pays, car cet acheminement ne peut bien évidemment se faire qu’avec l’accord des autorités des pays de résidence. Nous discutons par exemple avec le Pérou, l’Argentine ou le Brésil.
Cette approche est cohérente avec la stratégie Covax, qui vise à rendre la vaccination universelle. J’ai pu examiner le fonctionnement du dispositif à Madagascar : c’est tout à l’honneur de nos postes diplomatiques de faire dans ce pays le travail qu’accomplissent les préfets et les agences régionales de santé (ARS) sur le territoire national, avec des moyens pourtant bien plus limités.
S’agissant du retour de nos compatriotes, les choses sont très claires : tout Français établi hors de France peut à tout moment revenir sur le sol français, indépendamment du vaccin qu’il a reçu.
Mais, en effet, la France reconnaît les seuls vaccins homologués par l’Agence européenne des médicaments (AEM).
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Si la personne n’a pas reçu l’un de ces vaccins, elle devra en effet suivre les recommandations en matière de tests PCR ou antigéniques, et éventuellement s’auto-isoler.
Nous continuons toutefois nos efforts pour offrir la vaccination à tous, y compris sur le sol national pour nos compatriotes qui reviendraient. (M. Martin Lévrier applaudit.)
conditions du passage du baccalauréat cette année
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Jérémy Bacchi. Madame la secrétaire d’État, c’est la dernière ligne droite pour des centaines de milliers d’élèves qui, dans moins de dix jours, se retrouveront seuls face à leur copie de baccalauréat. L’inquiétude est chaque jour un peu plus grande.
La tension était à son comble dès ce lundi pour les élèves des sections européennes qui ont passé leurs oraux, non sans quelques « couacs », pour reprendre les termes du ministre. Ces défaillances pourraient être qualifiées d’anecdotiques si l’on ne prenait pas la mesure de ce que représente le baccalauréat dans le parcours d’un élève.
Fort de l’expérience de l’an passé, le Gouvernement aurait dû être en mesure d’appréhender ces dysfonctionnements. Malheureusement, les leçons n’ont pas été tirées et les futurs bacheliers sont aujourd’hui victimes de ces choix.
Tâtonnements, absence de directives claires, incertitudes quant aux modes d’évaluation, manque de perspectives, alternance répétée entre présentiel et distanciel, dysfonctionnements réguliers des plateformes : autant de maux qui ont inévitablement conduit à une détresse lycéenne, exprimée aujourd’hui avec force. On note une augmentation de 80 % des hospitalisations en psychiatrie chez les jeunes depuis le début de la pandémie.
Des choix ont été faits, certes, mais ils furent tardifs et insuffisants.
L’état des lieux reste préoccupant, notamment en termes d’égalité. L’accès à internet, l’environnement familial ou encore les conditions d’habitation ne garantissent pas les mêmes chances de réussite aux élèves. Les protocoles variables d’un établissement à l’autre et la différence significative de traitement entre le public et le privé ont également creusé les écarts entre établissements.
Ces différents facteurs renforcent la sélection sociale à l’entrée de l’enseignement supérieur, le grand oral, la réforme des lycées et la machine à sélectionner Parcoursup maintenant ce cap inégalitaire.
Il aurait pu être sage d’annuler le grand oral et les épreuves terminales. Mais votre refus d’entendre l’inquiétude et la colère des élèves, des enseignants et des parents nous ont fait perdre un temps précieux.
Comment comptez-vous, dans ces conditions, et à quelques jours du début du baccalauréat, assurer une égalité de traitement entre les élèves et rassurer parents, élèves et enseignants ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. - Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’éducation prioritaire.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire. Monsieur le sénateur, le dispositif que nous avons mis en place vous semble hasardeux. Au contraire, il m’apparaît plutôt que, durant cette période sanitaire si particulière marquée par la pandémie de covid, nous n’avons jamais cessé de nous adapter et de faire preuve d’agilité, avec toujours trois objectifs comme boussole : la santé et la sécurité de nos élèves – nous n’avons jamais cessé d’adapter nos protocoles sanitaires tout au long de l’année –, la bienveillance et le pragmatisme.
Vous évoquez plus spécifiquement les conditions de passage du baccalauréat. Oui, vous avez raison, nous avons souhaité maintenir le grand oral et l’épreuve de philosophie, car il faut préparer nos élèves lycéens à l’enseignement supérieur et conserver au diplôme du baccalauréat sa valeur, de même que son caractère national et solennel.
Pour autant, je le redis, nous tenons bien évidemment compte des conditions sanitaires dans lesquelles nos lycéens évoluent, la plupart d’entre eux étant en demi-jauge depuis octobre dernier, avec une alternance de présentiel et de distanciel. Il faut aujourd’hui répondre à cela de façon très pratique, et c’est notamment ce que nous faisons en adaptant les épreuves de français et de philosophie, ou encore le grand oral.
Je vous rappelle également que, depuis le mois de janvier, nous n’avons cessé d’augmenter progressivement le contrôle continu, qui représente aujourd’hui 82 % de la note globale.
C’est donc avec beaucoup de bienveillance et de pragmatisme que nous allons aborder ces épreuves. Nous le savons, c’est un temps particulièrement important pour nos élèves comme pour leurs parents, et nous mettons tout en œuvre pour que le baccalauréat se passe dans les meilleures conditions, et que nos lycéens en soient fiers. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
point d’étape de parcoursup
M. le président. La parole est à M. Abdallah Hassani, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Abdallah Hassani. Madame la ministre, comme chaque année, les élèves de terminale sont inquiets. Mais la situation est particulière. Ils ont expérimenté la réforme du lycée et subi deux années de pandémie avec des conditions de vie scolaire éprouvantes, entre confinement et demi-jauges. Les épreuves du bac ont également dû être aménagées.
Beaucoup d’entre eux s’alarment par ailleurs de l’incertitude dans laquelle les plonge Parcoursup. La plateforme s’est nettement améliorée grâce aux réels efforts qui ont été accomplis, et qu’il faut saluer. Des remontées du terrain nous rapportent toutefois encore des difficultés de connexion et des bugs qui annuleraient des vœux en attente.
La promesse que très peu d’élèves resteront in fine sans solution, et que le but est de trouver une formation à chacun ne saurait suffire à apaiser un sentiment d’injustice. J’ajoute qu’outre-mer, les lycéens doivent s’organiser pour rechercher très loin de chez eux un hébergement et acheter des billets d’avion.
Confrontés à une crise exceptionnelle, beaucoup d’élèves ont fait des choix qui traduisent une volonté de construire un monde plus solidaire et une économie responsable. Ils privilégient les professions de santé, les formations d’ingénieurs et de techniciens supérieurs, le droit ou l’apprentissage. Nous nous devons de leur faciliter la tâche, de les accompagner avec équité et transparence dans leurs choix.
Madame la ministre, quels moyens mettez-vous en œuvre pour apaiser leurs inquiétudes ? Quel bilan d’étape faites-vous, quinze jours après les premières réponses aux vœux ? Enfin, quelles dispositions seront-elles prises pour ne pas pénaliser les étudiants victimes de dysfonctionnements ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur Hassani, vous l’avez dit, en même temps que le baccalauréat, les processus d’entrée dans l’enseignement supérieur s’enclenchent. Voilà maintenant quinze jours que la plateforme Parcoursup fonctionne, et je veux évidemment vous rassurer, de même que tous les jeunes qui nous écoutent.
D’abord, avec Jean-Michel Blanquer, nous avons mis en place une cellule d’observation, justement pour voir quel est l’impact de la transformation du baccalauréat sur les choix des lycéens. Nombre d’entre eux ont en effet témoigné de beaucoup d’engagement et d’altruisme en choisissant les métiers du soin.
Avec le Premier ministre, grâce au plan de relance, nous avons créé plus de 6 000 places supplémentaires dans ces filières pour accueillir davantage de jeunes. Vous avez aussi mentionné l’apprentissage, qui permet à de très nombreux jeunes de poursuivre dans l’enseignement supérieur. Là encore, grâce au plan « 1 jeune, 1 solution » et au plan de relance, nous allons essayer de dépasser le record, atteint l’an dernier, du nombre de jeunes dans l’enseignement supérieur bénéficiant de processus d’apprentissage.
Vous avez également mentionné les difficultés de connexion que certains étudiants ont rencontrées. Dans ce cas, les rectorats prennent le relais et remplissent avec les jeunes le dossier Parcoursup. Nous le faisons depuis l’ouverture de la plateforme. Nous appelons également individuellement, depuis le 28 mai, tous les étudiants qui n’ont fait que des vœux sélectifs et qui n’ont reçu que des réponses négatives. Nous veillons à ce que personne ne reste sur le carreau.
Vous m’avez enfin demandé où nous en étions. Sur les 634 000 lycéens qui ont fait des vœux, plus de 81,3 % ont reçu une proposition, et plus de neuf lycéens en bac général sur dix. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
retraites
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary. Ma question s’adresse au secrétaire d’État chargé des retraites.
Monsieur le secrétaire d’État, les Français sont très attachés à leur système de retraite. Il faut dire que notre pays est celui où l’on part le plus tôt en retraite, avec une pension en moyenne plus élevée que dans les pays voisins. En contrepartie, nous payons des cotisations particulièrement importantes, mais cela ne suffit pas puisque le déficit est chronique.
Les travaux du Conseil d’orientation des retraites (COR) sont particulièrement édifiants : quel que soit le scénario retenu, l’équilibre ne pourrait être atteint qu’au détriment du niveau des pensions.
Nous aimerions que vous puissiez nous aider à décrypter les pensées du Président de la République, ou tout au moins ses arrière-pensées, et que vous n’hésitiez pas dans la foulée à nous faire part des pistes que vous envisagez ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Monsieur le sénateur René-Paul Savary, vous êtes fort averti du sujet des retraites. Au lieu de chercher à décoder la pensée des uns ou des autres, je vous exposerai la mienne, ce sera plus simple !
Rappelons tout d’abord que la priorité absolue, aujourd’hui, c’est d’accompagner la reprise de l’activité et le rebond de l’économie.
S’agissant des retraites, vous connaissez ma ligne : je reste convaincu qu’une réforme profonde est nécessaire pour assurer, à la fois, l’équité et la pérennité du système de retraite par répartition.
Pas de solidarité durable sans équilibre durable ! La solidarité est à ce prix. La transformation du pays enclenchée en 2017 reste donc indispensable, peut-être plus encore aujourd’hui qu’hier.
La crise de la covid-19 a d’ailleurs montré l’importance de la solidarité lorsque celle-ci est assise sur la base la plus large possible. C’est précisément cette solidarité qui fonde notre système de retraite par répartition, auquel nous sommes profondément attachés.
S’agissant du financement de notre système de retraite, il ne vous a effectivement pas échappé que les dernières projections du COR, qui seront discutées dans les heures et les jours qui viennent, témoignent d’un déficit durable, qui s’est élevé pour 2020 à 18 milliards d’euros, corrigé de 5 milliards d’euros d’abondements. L’équilibre de nos régimes est aujourd’hui précaire : il nous faut un système plus pérenne financièrement pour garantir la stabilité et la soutenabilité de notre système par répartition. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. On l’a compris !
M. le président. Il faut conclure !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Comme l’a indiqué le Président de la République récemment, rien n’est exclu concernant le sujet, mais, pour l’heure, rien n’est décidé. (Mêmes mouvements.)
Mme Sophie Primas. Magnifique !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour la réplique.
M. René-Paul Savary. Merci, monsieur le secrétaire d’État, pour cette réponse très précise… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) Il n’en demeure pas moins que l’étau se resserre.
Attendre, c’est laisser le déficit se creuser un peu plus, remettre en cause notre système par répartition et inciter les Français à épargner plutôt qu’à consommer. C’est faire que la reprise ne se passe pas exactement comme prévu.
À l’inverse, agir dans la précipitation, c’est nier le besoin de consensus et de discussions. C’est risquer de mettre les Français dans la rue et de compromettre aussi la reprise, d’une autre manière.
Tout cela est bien compliqué, mais le pire serait de ne rien faire. Il faut mettre un terme aux doutes, aux tergiversations inutiles – ce sont de légitimes sources d’inquiétude – et passer à l’acte !
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez constaté le fiasco d’un projet que personne n’a compris, que même le Président de la République a jugé trop complexe.
Dites la vérité aux Français, même si ce n’est pas forcément très populaire, et proposez-nous des choses simples. Car, on le voit bien, à vouloir tout changer, on ne change rien ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et des travées du groupe UC.)
réforme des aides personnalisées pour le logement
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Viviane Artigalas. Alors que le Président de la République souhaite consacrer sa dernière année de mandat à des réformes sociales, le calcul en temps réel des aides personnelles au logement (APL) est un ratage complet.
Cette réforme devait avantager ceux qui connaissent une chute subite de revenus. Elle devait surtout permettre à l’État d’économiser 750 millions d’euros. Les chiffres révélés hier confirment qu’elle a fait beaucoup de perdants, et de manière plus rapide que prévu. Et ceux qui en font les frais sont, en grande majorité, les jeunes.
Pour le seul mois de janvier, on compte 8,4 % d’allocataires en moins, et 41 % des allocataires ont vu baisser leur APL. Sans la réforme, leur aide n’aurait pas diminué, ou moins rapidement. Faut-il s’étonner de tels résultats, en l’absence d’une étude d’impact ?
Pour les jeunes, le calcul des APL tous les trois mois est très impactant : en raison d’un effet de rattrapage brutal, tous sont perdants. Et le dispositif mis en place par Action Logement n’a pas suffi, tant les besoins sont importants.
Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour vraiment compenser cette réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame la sénatrice Artigalas, le principe même de la réforme du calcul des APL en temps réel, c’est de rendre notre système de protection sociale plus juste.
Il s’agit de pouvoir verser rapidement une aide adaptée à la situation des bénéficiaires, mais aussi de moderniser et de simplifier les APL. Tout est calculé de façon automatique pour la grande majorité des allocataires, ce qui diminuera aussi le taux de non-recours, beaucoup trop important jusqu’à présent.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Bref, tout va bien ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Barbara Pompili, ministre. À la suite du changement du mode de calcul au 1er janvier, une première actualisation trimestrielle des droits est intervenue en avril.
J’insiste, madame la sénatrice, sur le fait qu’il n’existe pas à ce stade de données consolidées sur les impacts de la réforme, y compris sur les droits versés en janvier. Les chiffres qui circulent actuellement dans la presse correspondent à des données provisoires et l’historique des années précédentes montre des évolutions sensibles entre données provisoires et données définitives. Le ministère du logement communiquera à ce sujet en juillet, une fois que les chiffres du mois de janvier seront stabilisés.
Concernant l’impact de la réforme, les jeunes actifs qui ont un travail verront en effet leur niveau d’APL diminuer plus rapidement qu’avec l’ancien système si leurs revenus salariés augmentent significativement. Mais ce sera l’inverse pour ceux dont les revenus diminuent, et c’est précisément le principe de la réforme.
Si les chiffres montrent véritablement une baisse des APL versées, cela signifiera surtout que les dispositifs de soutien que nous avons mis en place pendant la crise ont fonctionné. Je ne peux que le souhaiter.
Je rappelle par ailleurs que le niveau des APL est maintenu pour les étudiants, voire augmenté pour les étudiants salariés dont la prise en compte des revenus n’entraîne désormais plus de dégressivité des allocations. Les stagiaires et les alternants bénéficient également d’un système avantageux de prise en compte de leurs revenus.
Nous sommes particulièrement attentifs à la situation des jeunes. Nous avons fait le choix de modifier la formule de calcul des APL afin de mieux prendre en compte la situation spécifique de ceux qui sont en contrat de professionnalisation – cette évolution est effective depuis le mois dernier.
Je vous rappelle enfin que le Gouvernement déploie le dispositif « 1 jeune, 1 solution », sous l’égide de ma collègue Élisabeth Borne, afin d’aider chaque jeune à accéder à un emploi. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Madame la ministre, contrairement à vos affirmations, les chiffres sont têtus : visiblement, ce que vous proposez ne suffit pas à répondre aux besoins.
Cela confirme que tout ce que le Gouvernement a entrepris en matière de logement n’aura fait qu’accroître les inégalités. La baisse des APL de 5 euros était déjà choquante. Trois ans plus tard, cette baisse est huit fois supérieure !
Elle a été couplée avec la mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS), un dispositif dont la Cour des comptes a souligné les défaillances et qui a grandement fragilisé l’action des bailleurs sociaux, tant en matière de construction que de réhabilitation du parc existant.
La pandémie l’a montré, le logement est un sujet majeur. Pourtant, l’État persiste à se reposer entièrement sur des opérateurs comme Action Logement, tout en n’écartant pas la possibilité de ponctionner encore son budget, au risque de freiner ses actions.
Pour le Gouvernement, le logement n’est qu’une variable d’ajustement, une source d’économies. C’est bien la preuve de son désengagement en matière de progrès social. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
panne des numéros d’urgence
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Chaize. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, qui appeler au secours lorsque même les secours pointent aux abonnés absents, quand aucun appel ne peut aboutir ?
Cette question, nos concitoyens ont eu de très longues minutes d’attente, et souvent d’angoisse, pour se la poser le 2 juin dernier. J’ai bien évidemment ici une pensée pour les familles touchées.
Stéphane Richard, PDG d’Orange, l’opérateur en charge de la distribution et de la continuité de ces appels, a indiqué que cet incident grave et inédit serait la conséquence d’une panne logicielle sur des équipements critiques du réseau. Je note qu’il a d’emblée exclu, sans attendre les résultats de l’enquête, tout problème de maintenance ou d’attaque cybercriminelle. Dont acte.
Il a pourtant précisé que ce service était redondé au moins cinq fois. Dans ces conditions, une panne semble statistiquement extrêmement improbable, sauf à ce que la redondance ne serve strictement à rien. C’est la première interrogation dont je souhaitais vous faire part, monsieur le ministre.
Il semblerait par ailleurs que la panne n’ait pas été détectée en premier lieu par Orange, mais par les services de l’État. Pouvez-vous nous le confirmer ?
Orange a annoncé qu’elle publierait les résultats de son enquête interne. De son côté, le Gouvernement a lancé un audit. J’ose espérer que la lumière sera faite sur l’origine de cette panne d’ampleur et que les Français en seront informés.
Cet événement dramatique doit aussi nous permettre d’envisager autre chose que de simples correctifs, par exemple en accélérant le passage de nos services publics vers le tout-IP, afin de disposer de technologies innovantes et réellement sécurisées.
Quels enseignements le Gouvernement tire-t-il de cette triste expérience ? Comment expliquer qu’une telle panne soit possible ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)