M. le président. Madame Morin-Desailly, les amendements nos 2 rectifié bis, 3 rectifié bis et 4 rectifié ter sont-ils maintenus ?
Mme Catherine Morin-Desailly. J’accède bien volontiers à la requête de M. le rapporteur, qui souhaite le retrait de mes amendements – nous avons eu l’occasion d’en débattre en commission. Tous trois sont synthétisés dans l’amendement n° 96, qui est certainement mieux rédigé d’un point de vue légistique.
À mes yeux, l’objectif est atteint. Je remercie M. le rapporteur d’avoir approfondi le travail pour atteindre ce que les signataires de ces amendements visaient : l’équité de traitement et la garantie de la souveraineté culturelle, à laquelle je suis attachée.
M. le président. Les amendements nos 2 rectifié bis, 3 rectifié bis et 4 rectifié ter sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 96.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 10
Le titre Ier de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un article 20-8 ainsi rédigé :
« Art. 20-8. – Les conditions de la lutte contre la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives sont définies à l’article L. 333-10 du code du sport. »
M. le président. L’amendement n° 46, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. En préambule, je tiens à exprimer mon scepticisme s’agissant de la mise en parallèle du piratage des contenus culturels et de celui des contenus sportifs.
D’abord, il y a une différence liée à l’instantanéité. On peut regarder un film ou une série bien après sa sortie. Vous me direz que l’on peut aussi regarder un événement sportif en différé. Certes, mais il risque alors de ne plus avoir la même valeur…
Ensuite, les droits télévisés sportifs, en particulier ceux du football, sont aujourd’hui une machine spéculative. Le scandale Mediapro n’est que la conclusion inéluctable d’années, voire de décennies, d’errance : une minorité d’acteurs a tenté de se tailler une grosse part du gâteau, quitte à faire prendre des risques à tous les autres.
D’ailleurs, les mêmes qui invitaient la ministre, avant la crise sanitaire, à ne pas se mêler de leurs affaires appellent depuis un an l’État à la rescousse ! À l’époque, ce dernier ne devait surtout pas se positionner sur la bulle des droits télévisés, des transferts et des salaires, le sport étant un marché concurrentiel. Aujourd’hui, son soutien serait nécessaire. La dérégulation engagée depuis des décennies n’aurait-elle donc pas que des vertus ?
Mes chers collègues, comme l’a souligné Jérémy Bacchi, l’émergence du piratage sportif n’est qu’une conséquence de la volonté d’autonomiser le sport vis-à-vis non seulement des pouvoirs publics, mais également de celles et ceux qui le font vivre, au premier rang desquels les supporters. Car certains dirigeants font preuve de la même hypocrisie à l’égard de l’État que des supporters. Après une année passée avec des stades vides, les déclarations invitant les supporters à « rester à leur place » paraissent bien loin…
Or la grande majorité des pirates sont justement des supporters qui n’ont plus forcément les moyens financiers, pratiques, voire légaux, d’aller au stade ou de prendre des abonnements télévisés pour suivre leur équipe. Finalement, c’est tout l’écosystème du sport professionnel mis en place au cours de ces dernières années qui devra être revu pour lutter contre le piratage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. L’article 10 est un article de coordination avec l’article 3, qui a été maintenu.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 10
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Lafon et J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Bonneau, Canévet et Chauvet, Mme de La Provôté, M. Détraigne, Mme Doineau, M. Duffourg, Mme Férat, M. Folliot, Mme Gatel, MM. L. Hervé, Kern, Laugier, Le Nay, Levi, Longeot, Mizzon et Vanlerenberghe, Mme Vérien, M. Delcros, Mme Canayer, MM. Bonnecarrère, D. Laurent, Regnard et Brisson, Mme Loisier, MM. Henno et de Belenet, Mme Joseph, M. Saury, Mme Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes Bonfanti-Dossat et Saint-Pé, M. P. Martin, Mme Schalck, MM. Chaize et Bonhomme, Mme Jacquemet et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :
1° Après l’article 30-1, il est inséré un article additionnel 30-1-… ainsi rédigé :
« Art. 30-1-…. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut, sans être tenue de recourir à l’appel aux candidatures prévu à l’article 30-1, autoriser l’usage de ressources radioélectriques par voie hertzienne terrestre pour la diffusion dans des formats d’images améliorés de programmes de services de télévision préalablement autorisés par voie hertzienne terrestre.
« Les autorisations sont accordées au regard de l’intérêt général qui s’attache au développement de formats de diffusion améliorés et dans le respect des critères mentionnés au deuxième alinéa du III du même article 30-1 et de l’article 26.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique modifie en conséquence les conventions préalablement conclues avec les titulaires d’autorisations délivrées en application de l’article 30-1.
« Les dispositions de l’article 28-1 et celles se rapportant à la diffusion aux heures de grande écoute ou à une obligation calculée sur une journée entière de programmation ne leur sont pas applicables. Les autorisations ainsi délivrées ne sont pas prises en compte pour l’application des articles 41 à 41-2-1.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assigne la ressource radioélectrique correspondante dans les conditions de l’article 30-2.
« Les autorisations prévues au présent article peuvent être délivrées pendant une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° … du … relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Leur durée ne peut pas être supérieure à cinq ans. » ;
2° Au cinquième alinéa du III de l’article 30-1, les mots : « haute définition » sont remplacés, quatre fois, par les mots : « haute ou ultra haute définition » ;
3° Le troisième alinéa du I de l’article 34-2 est ainsi modifié :
a) Les mots : « haute définition » sont remplacés, deux fois, par les mots : « haute ou ultra haute définition » ;
b) Après le mot : « diffusés », il est inséré le mot : « respectivement ».
II. – Après le I de l’article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Au terme d’une durée de douze mois à compter de la diffusion de programmes de télévision en ultra haute définition par voie hertzienne terrestre auprès d’au moins 20 % de la population française, les téléviseurs de plus de 110 centimètres de diagonale d’écran mis sur le marché à compter de cette date à des fins de vente ou de location au sens de l’article L. 43 du code des postes et des communications électroniques et destinés aux particuliers permettant la réception de services de télévision numérique terrestre, doivent permettre la réception de l’ensemble des programmes gratuits de télévision numérique terrestre en ultra haute définition.
« Au terme d’une durée de dix-huit mois à compter de la diffusion de programmes de télévision en ultra haute définition par voie hertzienne terrestre auprès d’au moins 20 % de la population française, les téléviseurs et les adaptateurs individuels mis sur le marché à compter de cette date à des fins de vente ou de location au sens de l’article L. 43 du code des postes et des communications électroniques et destinés aux particuliers permettant la réception de services de télévision numérique terrestre, doivent permettre la réception de l’ensemble des programmes gratuits de télévision numérique terrestre en ultra haute définition.
« Lorsque la diffusion de programmes de télévision en ultra haute définition par voie hertzienne terrestre atteint un niveau de couverture correspondant à 20 % de la population française, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique rend publique cette information.
« Seuls les terminaux permettant la réception des services en ultra haute définition, selon les caractéristiques techniques précisées par application de l’article 12 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, peuvent se voir accorder le label “Prêt pour la TNT en ultra haute définition”. »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement reprend les termes d’une proposition de loi que j’ai déposée au mois de février dernier et qui a été cosignée par de très nombreux collègues, que je remercie.
Il s’agit de moderniser la TNT, qui est la chaîne des territoires au sens large. Je le rappelle, nous en avons activement accompagné la naissance et le lancement en 2005. Quinze ans plus tard, l’heure est venue de franchir une nouvelle étape, en lançant les services TNT en ultra haute définition (UHD) pour une meilleure qualité et un meilleur rendu. Cela implique évidemment de nouvelles obligations en matière de compatibilité des récepteurs de télévision.
Je ne saurais trop insister sur les nombreux atouts de la TNT. D’abord, la couverture est large : plus de 97 % de la population à l’échelle nationale, et de manière homogène sur tout le territoire. L’offre est riche et diverse ; elle est établie via l’autorisation des chaînes par le CSA. Le service est gratuit et simple d’accès, à l’inverse des box d’opérateurs. L’utilisation est anonyme, à l’heure où la protection de la vie privée et des données personnelles est un enjeu majeur. La TNT est adaptable : elle offre une solution pour tous les téléviseurs du foyer. Enfin, elle joue un rôle dans l’écosystème culturel, en contribuant de manière centrale au financement de la production cinématographique et audiovisuelle, ainsi qu’à son exposition.
Par ailleurs, la TNT est l’unique mode de réception de la télévision pour 22 % des foyers français et elle reste utilisée par un foyer sur deux.
Il est important de légiférer pour apporter de nouveaux outils au régulateur afin de réaliser une transition qui conciliera l’intérêt de l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel et de répondre aux attentes des téléspectateurs en matière d’amélioration de la qualité de la diffusion hertzienne terrestre.
Il s’agit évidemment d’une expérimentation. Elle devra être évaluée et suivie de près par le CSA, qui a déjà réfléchi à un programme de travail précis et à des étapes successives à franchir.
Il me semble important de ne pas laisser passer le train de la modernité, surtout au regard des défis que nous devrons relever. Ainsi, dans la perspective des jeux Olympiques de 2024, il faudra réorganiser les multiplex pour en dégager un avec l’ensemble des services UHD.
M. le président. Le sous-amendement n° 100, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 1 rectifié, après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le 11° de l’article 18, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Un bilan de l’expérimentation de la diffusion de programmes de télévision en ultra haute définition par voie hertzienne terrestre, de l’évolution du parc de téléviseurs compatibles avec cette technologie et de la production de programmes adaptés à ce standard. Ce bilan présente également les perspectives d’évolution de cette technologie d’ici 2030 et, en particulier, les conséquences pour les éditeurs de services autorisés à diffuser des programmes en haute définition par voie hertzienne terrestre. » ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1 rectifié.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Si les avantages de l’ultra haute définition sont connus, notamment l’amélioration de la qualité de l’image et le maintien de l’attractivité de la plateforme TNT, il existe peu d’informations sur les perspectives après la phase d’expérimentation, qui devrait s’achever en 2024 ou 2025.
L’ensemble des chaînes de la TNT pourront-elles alors basculer en UHD ? Faudra-t-il se résoudre à faire coexister des chaînes en haute définition et d’autres en ultra haute définition ? Quel sera le coût de cette technologie pour les foyers français, pour les chaînes et pour les producteurs de programmes ? Existe-t-il un risque que certaines « petites » chaînes se retrouvent exclues de la plateforme TNT pour permettre aux grandes chaînes d’émettre à la fois en HD et en UHD, ce qui pourrait porter une atteinte grave au pluralisme ?
Afin de mieux appréhender l’ensemble de ces questions, ce sous-amendement vise à inclure dans le rapport annuel du CSA, appelé à devenir l’Arcom, un bilan de l’expérimentation de l’UHD et la présentation des perspectives attachées à cette technologie.
Sous réserve de son adoption, la commission émettra un avis favorable sur l’amendement n° 1 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Madame la sénatrice, vous proposez un large éventail de dispositions qui ouvrent une nouvelle étape dans la modernisation de la TNT. Elles figuraient dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, dont l’examen a été interrompu au mois de mars 2020.
Pour des raisons tenant aux contraintes du calendrier parlementaire, j’ai fait le choix, difficile, de renoncer à ce volet dans le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui. Mais je partage votre attachement constant à la TNT, qui demeure le seul moyen d’accès à la télévision de plus d’un foyer sur cinq dans notre pays et qui reste utilisée par un foyer sur deux.
Si vos propositions me paraissent excéder le périmètre du présent projet de loi, je n’en conteste ni la pertinence ni l’utilité. C’est pourquoi je m’en remets, comme pour le sous-amendement de M. le rapporteur, à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je souscris au sous-amendement de M. le rapporteur. Je sais que le CSA, après consultation publique, a établi un programme et fixé des perspectives. Il est bien naturel de lui demander d’évaluer l’expérimentation pour pouvoir se projeter utilement. D’ailleurs, le président du CSA doit présenter chaque année un rapport devant notre commission. Cela fera partie des chapitres à traiter et à suivre de près.
Madame la ministre, je reconnais bien volontiers que ma proposition reprend des dispositions du texte déposé en décembre 2019 par Franck Riester, auquel j’aimerais d’ailleurs rendre hommage. En 2005, alors qu’il était député et que j’étais jeune sénatrice, nous avons participé ensemble au lancement de la TNT et je connais son attachement à sa modernisation. Je vous remercie de soutenir une mesure souhaitée par de très nombreux collègues, sur toutes les travées.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
L’amendement n° 30, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 9° de l’article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le temps consacré à la diffusion de programmes sportifs rendant compte de la diversité des pratiques, des disciplines et des compétitions et manifestations organisées ; ».
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Là encore, il s’agit de permettre la plus large diffusion du sport à la télévision, notamment en clair.
En étudiant les conventions que le CSA passe avec les chaînes au moment de les autoriser à émettre, j’ai remarqué combien, pour les diffusions sportives, les termes étaient généraux, peu incitatifs et susceptibles parfois d’être interprétés de manière très limitative.
C’est pourquoi je propose de mentionner le « temps consacré à la diffusion de programmes sportifs rendant compte de la diversité des pratiques, des disciplines et des compétitions et manifestations organisées » à l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, qui fixe les points sur lesquels la convention peut porter.
C’est une manière d’encourager la diffusion du sport dans toute sa diversité, afin de faire connaître davantage de compétitions et de manifestations. Cela permettra, me semble-t-il, d’encourager les sports peu diffusés, moins connus, qui ont pourtant, parfois, beaucoup d’adeptes et de pratiquants. Et je pense évidemment aussi au sport féminin.
Je propose donc une petite modification qui peut inciter les chaînes à diffuser une plus grande diversité lors des retransmissions sportives.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise à préciser le contenu de la convention signée entre les chaînes et le CSA, en mentionnant le « temps consacré à la diffusion de programmes sportifs rendant compte de la diversité des pratiques, des disciplines et des compétitions et manifestations organisées ». L’article 28 de la loi du 30 septembre 1986 ne prévoit effectivement pas de dispositions relatives à l’exposition du sport.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
Article 10 bis (nouveau)
L’avant-dernier alinéa de l’article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée : « À compter de la publication de cette étude d’impact, le demandeur et les tiers adressent leurs contributions à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique dans le délai qu’elle a imparti. Si elle l’estime utile, l’autorité peut entendre le demandeur et les tiers qui le demandent. » – (Adopté.)
Article 10 ter (nouveau)
Le dernier alinéa du I de l’article 28-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est supprimé.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 16 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 69 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 16.
M. David Assouline. Honnêtement, je ne comprends pas ce que ce nouvel article vient faire dans le projet de loi.
Dans le contexte du rapprochement entre TF1 et M6, qui va aboutir à la formation d’un groupe avec sept chaînes – excusez du peu ! –, une telle mesure va nécessairement soulever des interrogations.
En prévoyant la reconduction quasi tacite pour cinq ans, sans appel d’offres, des autorisations d’émettre, vous allez faciliter les processus de fusion-acquisition. Cela va, à juste titre, susciter des inquiétudes.
Souvenez-vous : c’est grâce à des dispositions comme celle dont vous proposez la suppression que nous avons pu empêcher ou, du moins, remettre en question une opération dont la visée était clairement spéculative. Ce n’est sans doute pas le cas de la fusion entre M6 et TF1, mais l’existence d’une procédure d’appel d’offres permet de limiter les arrangements abusifs, ainsi que les opérations de concentrations mises en œuvre sans régulation approfondie.
Mme la ministre avancera sans doute d’autres arguments et je ne veux pas en dire beaucoup plus à ce stade. En tout cas, le rapporteur ne m’a pas expliqué de façon étayée pourquoi le législateur devrait supprimer une telle disposition contre l’avis même du Gouvernement.
Le seul argument avancé tient à la nécessité d’amortir dans la durée les investissements importants consentis pour l’UHD. Il me semble faible ! Nous ne devons pas restreindre les procédures d’appel d’offres et de mise en concurrence, car elles permettent d’assurer une certaine régulation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 69.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. La commission a introduit la possibilité pour l’Arcom de reconduire une seconde fois, hors appel à candidatures, les autorisations délivrées aux chaînes de la TNT, pour une période de cinq ans.
Le fort risque d’incompatibilité de cette disposition avec le droit de l’Union européenne est un premier argument en faveur de sa suppression. Rappelons en effet que le principe des autorisations d’utilisation, qui n’a pas été remis en cause depuis trente ans, a été consacré par la directive relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, dite directive Autorisation, du 7 mars 2002, laquelle prévoit le recours à des procédures « ouvertes ».
Certes, le législateur a déjà dérogé aux durées initiales d’autorisation, mais les prorogations exceptionnelles, sans mise en concurrence, qu’il a autorisées depuis vingt ans étaient toutes justifiées par un objectif d’intérêt général clairement défini, conformément aux exigences du droit de l’Union européenne. Il ne s’agissait donc pas d’une procédure générale.
La prorogation introduite par l’article 10 ter n’étant pas fondée sur un tel motif d’intérêt général, elle exposerait les éditeurs qui bénéficieraient d’un second renouvellement hors appel à candidatures à un risque élevé de contentieux et de remise en cause de leur autorisation. Elle serait donc source d’une profonde insécurité juridique, à rebours même de votre objectif. Les éditeurs lésés pourraient ensuite se retourner contre l’État, en engageant sa responsabilité pour faute.
Ensuite, outre ces problèmes juridiques, je ne partage pas la vision pessimiste de l’avenir de la TNT que sous-tend la proposition de la commission. Si les acteurs partageaient cette vision, les chaînes historiques devraient logiquement être les seules candidates au renouvellement de leur fréquence et ne devraient donc pas avoir besoin d’une garantie de reconduction de leur autorisation.
Je suis certaine, pour ma part, que la TNT a encore un très bel avenir devant elle. Au vu des amendements sur sa modernisation que nous avons examinés, cet avis me semble d’ailleurs largement partagé sur ces travées, ce dont je me réjouis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je m’étonne de l’étonnement de David Assouline (Sourires.) et je ne partage pas l’interprétation juridique de Mme la ministre.
Je rappelle d’abord que le régime de la double reconduction a déjà existé pour les chaînes de télévision entre 1986 et 2002 et existe toujours pour les services de radio. Il est donc bien conforme aux règles de protection du domaine public. Le motif d’intérêt général qui légitime la réintroduction d’un second renouvellement est par ailleurs constitué par la nécessité de préserver l’attractivité de la plateforme TNT, sur laquelle pèsent, qu’on le veuille ou non, des menaces réelles de disparition à l’horizon 2030.
J’ai entendu, à l’occasion de nos débats en commission, les arguments en faveur d’une meilleure justification du motif d’intérêt général. C’est pourquoi je propose, à travers l’amendement n° 101 que nous examinerons ensuite, une nouvelle rédaction de cet article 10 ter : la reconduction serait soumise à des contreparties et n’aurait rien d’automatique.
S’agissant du droit de l’Union européenne, madame la ministre, j’ajoute que les délais de reconduction français sont les plus drastiques d’Europe, les autres pays ayant généralement opté pour des durées plus longues.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. David Assouline a raison d’engager le débat sur ce point important.
Ce n’est pas le rapprochement entre TF1 et M6 qui a justifié l’amendement du rapporteur en commission, mais plutôt une réflexion globale sur la nécessité de toiletter la loi de 1986 sur un certain nombre de points, compte tenu de l’évolution du paysage audiovisuel.
Je m’interroge très franchement sur la pertinence du maintien de ces renouvellements et de la mise en concurrence. Je comprends bien les réserves juridiques fondées sur le droit européen. Mais imaginez-vous l’Arcom ne pas renouveler en 2023 l’autorisation d’émettre de TF1 ou de M6 ? Des offres concurrentes seraient-elles même présentées ? Il n’y en a d’ailleurs pas eu, à ma connaissance, lors du précédent renouvellement.
Nous devons nous interroger sur la pertinence des mécanismes de mise en concurrence. C’est le sens de la proposition du rapporteur.