M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. À ce point de notre discussion, sur un sujet aussi fondamental, je veux réaffirmer que, sans nul doute, la question de la propriété intellectuelle et des droits voisins est cruciale pour l’évolution de notre société. Si nous voulons défendre notre patrimoine à la fois culturel et économique, nous devons avancer sur ce dossier.
Je m’étonne d’ailleurs de voir que l’on défend souvent – à juste titre – les filières automobile ou aéronautique, que l’on demande des politiques vigoureuses de réindustrialisation, mais que l’on oublie de se saisir de la question de la propriété intellectuelle qui représente souvent, pour ce qui est de la création de valeur, un enjeu beaucoup plus important que celui des filières industrielles classiques.
Si je suis défavorable aujourd’hui à l’introduction de cet article dans le projet de loi, ce n’est donc pas sur le fond, mais pour une simple question de temporalité. J’admets parfaitement votre argumentation, monsieur le président Lafon, et je peux vous dire que nous prendrons toutes nos responsabilités avant la fin de la discussion de ce texte. C’est absolument indispensable !
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.
(L’article 2 bis est adopté.)
Article 3
Le chapitre III du titre III du livre III du code du sport est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Lutte contre la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives
« Art. L. 333-10. – I. – Lorsqu’ont été constatées des atteintes graves et répétées au droit d’exploitation audiovisuelle prévu à l’article L. 333-1, au droit voisin d’une entreprise de communication audiovisuelle prévu à l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, dès lors que le programme concerné est constitué d’une manifestation ou d’une compétition sportive, ou à un droit acquis à titre exclusif par contrat ou accord d’exploitation audiovisuelle d’une compétition ou manifestation sportive, occasionnées par le contenu d’un service de communication au public en ligne dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions ou manifestations sportives, et afin de prévenir ou de remédier à une nouvelle atteinte grave et irrémédiable à ces mêmes droits, le titulaire de ce droit peut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant selon la procédure accélérée au fond ou en référé, aux fins d’obtenir toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou à faire cesser cette atteinte, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier, et notamment aux personnes mentionnées aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ainsi qu’à tout fournisseur de noms de domaine, tout exploitant de moteur de recherche, annuaire ou autre service de référencement.
« Peuvent également à ce titre saisir le président du tribunal judiciaire dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I :
« 1° Une ligue sportive professionnelle, dans le cas où elle est concessionnaire de la commercialisation des droits d’exploitation audiovisuelle de compétitions sportives professionnelles, susceptibles de faire l’objet ou faisant l’objet de l’atteinte mentionnée au même premier alinéa ;
« 2° L’entreprise de communication audiovisuelle, dans le cas où elle a acquis un droit à titre exclusif, par contrat ou accord d’exploitation audiovisuelle, d’une compétition ou manifestation sportive, que cette compétition ou manifestation sportive soit organisée sur le territoire français ou à l’étranger, dès lors que ce droit est susceptible de faire l’objet ou fait l’objet de l’atteinte mentionnée audit premier alinéa.
« II. – Le président du tribunal judiciaire peut notamment ordonner, au besoin sous astreinte, la mise en œuvre, pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition ou de la manifestation sportive, dans la limite d’une durée de douze mois, de toutes mesures proportionnées, telles que des mesures de blocage ou de retrait ou de déréférencement, propres à empêcher l’accès à partir du territoire français, à tout service de communication au public en ligne identifié ou qui n’a pas été identifié à la date de ladite ordonnance diffusant illicitement la compétition ou manifestation sportive, ou dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de la compétition ou manifestation sportive. Les mesures ordonnées par le président du tribunal judiciaire de Paris prennent fin, pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition ou de la manifestation sportive, à l’issue de la diffusion autorisée par le titulaire du droit d’exploitation de cette compétition ou de cette manifestation.
« Le président du tribunal judiciaire de Paris peut ordonner toute mesure de publicité de la décision, notamment son affichage, sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’il désigne, selon les modalités qu’il précise.
« III. – Pour la mise en œuvre des mesures ordonnées sur le fondement du II portant sur un service de communication au public en ligne non encore identifié à la date de ladite ordonnance, et pendant toute la durée de ces mesures restant à courir, le titulaire de droit concerné communique à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique les données d’identification du service en cause, selon les modalités définies par l’autorité.
« Lorsque les agents habilités et assermentés de l’autorité mentionnés à l’article L. 331-14 du code de la propriété intellectuelle constatent que le service mentionné au premier alinéa du présent III diffuse illicitement la compétition ou la manifestation sportive ou a pour objectif principal ou un des objectifs principaux une telle diffusion, l’autorité notifie les données d’identification de ce service aux personnes mentionnées par l’ordonnance prévue au II afin qu’elles prennent les mesures ordonnées à l’égard de ce service pendant toute la durée de ces mesures restant à courir.
« Lorsqu’il n’est pas donné suite à la notification de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent III, elle peut demander au service concerné de se justifier et l’autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête, pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès à ces services.
« IV. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique adopte des modèles d’accord que les titulaires de droits mentionnés au I, la ligue professionnelle, l’entreprise de communication audiovisuelle ayant acquis un droit à titre exclusif et les personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ainsi que toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes mentionnées au I du présent article sont invités à conclure. L’accord conclu entre les parties précise les mesures qu’elles s’engagent à prendre pour faire cesser d’éventuelles violations de l’exclusivité du droit d’exploitation audiovisuelle de la manifestation ou de la compétition sportive et la répartition du coût des mesures ordonnées sur le fondement du II.
« Art. L. 333-11. – Afin de faciliter les actions qui peuvent être engagées sur le fondement de l’article L. 333-10 et l’exécution des décisions judiciaires qui en découlent, les agents habilités et assermentés de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peuvent constater les faits susceptibles de constituer les atteintes aux droits mentionnées au même article L. 333-10.
« Dans ce cadre, les agents habilités et assermentés de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peuvent, sans en être tenus pénalement responsables :
« 1° Participer sous un pseudonyme à des échanges électroniques susceptibles de se rapporter aux atteintes aux droits mentionnées audit article L. 333-10 ;
« 2° Reproduire des manifestations ou des compétitions sportives diffusées sur les services de communication au public en ligne ;
« 3° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen des éléments de preuve sur ces services aux fins de leur caractérisation ;
« 4° Acquérir et étudier les matériels et logiciels propres à faciliter la commission des atteintes aux droits mentionnées au même article L. 333-10.
« À peine de nullité, ces actes ne peuvent avoir pour effet d’inciter autrui à commettre une infraction.
« Les agents habilités et assermentés de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique consignent les informations ainsi recueillies dans un procès-verbal qui rend compte des conditions dans lesquelles les facultés reconnues aux 1° à 4° du présent article ont été employées. »
M. le président. L’amendement n° 43, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. On le sait, les droits télévisés sont aujourd’hui une manne financière primordiale pour les clubs professionnels, mais j’ai une nouvelle fois l’impression que l’on prend le problème à l’envers.
La dépendance croissante de notre pays par rapport aux droits télévisés, au moins pour ce qui concerne le football, a conduit à une surenchère permanente et à une explosion des coûts pour les ménages : 22 euros pour l’abonnement à Canal+, 20 euros pour feu Téléfoot, 15 euros pour BeIN Sports, 10 euros pour Eurosport, 20 euros pour RMC Sport, etc. La facture mensuelle pour vivre sa passion est inatteignable pour la plupart des ménages.
Reste l’option d’aller au stade qui, hélas, n’évite pas les écueils. Le premier écueil est économique, puisque la modernisation et la rénovation des stades ont entraîné une hausse du prix des abonnements. Le second est technique, et ce pour plusieurs raisons : sans parler de la multiplication des interdictions de déplacement pour assister aux matchs à l’extérieur de son équipe ou des interdictions de stade, les supporters sont confrontés à la décentralisation d’une partie des enceintes sportives en dehors des centres urbains.
Enfin, il faut se poser la question des horaires des matchs, dont les diffuseurs sont pour partie responsables. Au gré des desiderata de ces diffuseurs, mus par la volonté de capter le maximum d’audience en France, mais aussi de viser de nouvelles cibles marketing, par exemple en Chine, on a organisé de plus en plus de manifestations sportives à des horaires totalement inadaptés, d’autant que les horaires de travail ont eux-mêmes changé.
Nous sommes donc confrontés à tout un écosystème qui, par la force des choses, éloigne les supporters des stades, mais aussi des écrans de télévision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. La lutte contre le piratage sportif est d’autant plus importante que les plateformes qui en profitent aujourd’hui ne sont pas situées en France et se rémunèrent en faisant payer les bénéficiaires. Il s’agit d’un système industrialisé, qui n’a rien à voir avec des démarches individuelles, ce que nous pourrions davantage comprendre. La commission est donc défavorable à cet amendement.
J’ajoute, puisque notre collègue a parlé des supporters, que l’on peut aussi voir, pour cinq euros, de très beaux matchs de football dans les stades de National 2 où s’affrontent des joueurs qui évolueront ensuite, pour certains, en Ligue 1.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. J’ajoute à l’excellente démonstration du rapporteur un autre argument : la taxe adoptée sur l’initiative de Marie-George Buffet en 2000 garantit qu’une partie des droits de diffusion des manifestations sportives finance le sport amateur.
M. Michel Savin. Très juste !
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je suis donc assez étonnée, monsieur le sénateur, que vous présentiez cet amendement. Lutter contre le piratage des événements sportifs revient à conserver du sens à ce dispositif. Je suis donc défavorable à l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. Savin, Kern, Brisson, Piednoir, Menonville et Levi, Mme Berthet, MM. Laugier et Delahaye, Mme Guidez, MM. Laménie, D. Laurent, Burgoa, Pellevat, Chasseing, Lefèvre et P. Martin, Mme Deromedi, M. B. Fournier, Mme Canayer, MM. Duffourg et Folliot, Mmes Di Folco et N. Delattre, MM. Bouchet, Wattebled, Savary, A. Marc et Bonhomme, Mmes Deroche, Raimond-Pavero, Dumont et Micouleau, M. Longeot, Mme M. Mercier, M. Chauvet, Mme Gatel, M. Klinger, Mme Borchio Fontimp, MM. Milon et Sido, Mmes Schalck et Imbert, MM. Chatillon et Babary, Mme Lopez, M. Duplomb, Mmes Gosselin et Garriaud-Maylam, MM. Le Gleut, Genet, Moga et Bouloux, Mmes Bourrat et Bonfanti-Dossat et M. Decool, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En cas de difficulté relative à l’application du deuxième alinéa du présent III, le président du tribunal judiciaire de Paris peut être saisi, en référé ou sur requête, pour ordonner toute mesure propre à faire cesser l’accès à ces services.
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Le présent amendement a été élaboré avec le concours de notre rapporteur, mais aussi avec celui de l’ensemble des acteurs concernés par le sujet – les ayants droit, les diffuseurs, les ministères, le Comité national olympique et sportif français, les fédérations, les ligues, bref, tous ceux qui sont de près ou de loin intéressés par la question du piratage des événements sportifs.
Il vise à mieux organiser un éventuel recours devant le juge en cas de difficulté d’application du mécanisme de notifications adressées par l’Arcom, sans pour autant laisser penser que sa mise en œuvre pourrait avoir un quelconque caractère facultatif.
Il est dans l’intérêt de tous de bien sécuriser ce dispositif. C’est pourquoi j’espère que cet amendement recevra un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. L’alinéa 12 de cet article a suscité de nombreuses interrogations de la part des parties concernées. Il apparaît nécessaire juridiquement pour sécuriser le dispositif, mais sa rédaction pourrait laisser penser que les notifications émises par l’Arcom ont un caractère facultatif.
La rédaction proposée par nos collègues Michel Savin et Claude Kern – je profite de cet instant pour saluer leur engagement sur ce texte – lève l’ambiguïté et devrait conforter le dispositif de l’article 3, qui est attendu avec grande impatience par les ayants droit.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je ne suis pas certaine, monsieur le rapporteur, que cette nouvelle rédaction lève toute ambiguïté, mais le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Section 2
Dispositions modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication
Article 4
Après l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 3-2 ainsi rédigé :
« Art. 3-2. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure les missions prévues à l’article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle et veille au respect de la propriété littéraire et artistique. » – (Adopté.)
Article 5
L’article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Le septième alinéa est supprimé ;
2° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique désigne parmi ses membres ayant une compétence juridique celui qui exerce la mission prévue au paragraphe 1 de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du code de la propriété intellectuelle. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 58 est présenté par M. Bargeton.
L’amendement n° 92 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi rédigé :
« Art. 4. – I. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique comprend neuf membres nommés par décret en raison de leurs compétences en matière économique, juridique ou technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication, notamment dans le secteur audiovisuel, ou des communications électroniques.
« Le président est nommé par le Président de la République pour la durée de ses fonctions de membre de l’autorité. En cas d’empêchement du président, pour quelque cause que ce soit, la présidence est assurée par le membre de l’autorité le plus âgé.
« Trois membres sont désignés par le Président de l’Assemblée nationale et trois membres par le Président du Sénat. Dans chaque assemblée parlementaire, ils sont désignés après avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles statuant à bulletin secret à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
« Un membre en activité du Conseil d’État et un membre en activité de la Cour de cassation sont désignés respectivement par le vice-président du Conseil d’État et le premier président de la Cour de cassation.
« II. – Le mandat des membres de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est de six ans. Il n’est pas renouvelable. Il n’est pas interrompu par les règles concernant la limite d’âge éventuellement applicables aux intéressés.
« III. – À l’occasion de chaque renouvellement, les présidents des assemblées parlementaires désignent une femme et un homme. Sauf accord contraire, chacun désigne un membre du sexe opposé à celui qu’il a désigné lors du précédent renouvellement biennal. Le présent alinéa s’applique sous réserve du deuxième alinéa du présent III.
« Lors de la désignation d’un nouveau membre appelé à remplacer un membre dont le mandat a pris fin avant le terme normal, le nouveau membre est de même sexe que celui qu’il remplace. Dans le cas où le mandat de ce membre peut être renouvelé, le président de l’autre assemblée parlementaire désigne un membre de l’autre sexe.
« Les membres désignés en application du dernier alinéa du I sont de sexe opposé.
« IV. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique désigne, en dehors de leur présence, parmi les deux membres nommés en application du dernier alinéa du I celui qui exerce pendant la première moitié de son mandat la mission mentionnée aux articles L. 331-18, L. 331-19, L. 331-21 et L. 331-22 du code de la propriété intellectuelle. L’autre membre, qui le supplée dans l’exercice de cette mission, lui succède pour l’exercer pendant la deuxième partie de son mandat.
« V. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ne peut délibérer que si six au moins de ses membres sont présents. Elle délibère à la majorité des membres présents. Le président a voix prépondérante en cas de partage égal des voix. »
La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 58.
M. Julien Bargeton. Nous en venons à la question de la composition de l’Arcom. Comme cela a été évoqué lors de la discussion générale, je crois qu’il est important, à ce sujet, de parvenir à une solution de compromis.
Je propose d’ajouter deux magistrats aux sept membres qui composent le collège, tel qu’issu du CSA. Le président du CSA, lorsque nous l’avons entendu, plaidait plutôt pour limiter l’instance à sept membres. Pour autant, il me semble qu’ajouter deux magistrats répondrait in fine à l’ensemble des contraintes.
Premièrement, je crois que le Parlement a intérêt à ce que deux magistrats intègrent l’Arcom dans la mesure où celle-ci reprend des compétences juridiques importantes, notamment celles qui sont aujourd’hui dévolues à la commission de protection des droits de la Hadopi. Intégrer deux magistrats, comme le Gouvernement le souhaite, paraît donc une bonne chose. En procédant de la sorte, nous ne retirons rien aux nominations du Parlement, puisque chacune des deux assemblées continuerait de désigner trois membres.
Deuxièmement, ma proposition permet que soit respectée l’indépendance des nominations, car celles-ci sont effectuées, d’une part, par la Cour de cassation, d’autre part, par le Conseil d’État. Or la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel garantit l’indépendance de l’autorité judiciaire comme celle de la juridiction administrative.
On pourrait m’objecter le coût inhérent à l’inclusion de deux personnalités supplémentaires au sein de l’Arcom, mais cela ne représente pas beaucoup dans un collège qui compte aujourd’hui sept membres. L’augmentation des coûts sera donc très limitée.
Nous devons surtout prendre en considération le fait que l’Arcom sera un super-régulateur qui aura davantage de missions, de compétences et de pouvoirs que le CSA. Dès lors, le fait que son collège comporte neuf membres paraît justifié.
Pour toutes ces raisons, il me semble qu’ajouter deux magistrats aux sept membres actuellement prévus, tout en garantissant l’indépendance des nominations, est de nature à permettre un compromis au sein de notre Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 92.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. J’avais exprimé à M. le rapporteur ma volonté d’ouverture et de dialogue dans le cadre de l’examen de ce texte. C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement qui est identique à celui que Julien Bargeton vient de défendre.
Comme vous le savez, je suis particulièrement attachée à la désignation, au sein du collègue de l’Arcom, de membres ayant le statut de magistrat. Il me paraît absolument indispensable de confier à un magistrat l’exercice de la réponse graduée. Cela permet d’apporter toutes les garanties d’expertise et d’impartialité nécessaires à la mise en œuvre de cette procédure de nature prépénale, d’autant que celle-ci présente une certaine sensibilité au regard de la protection de la vie privée et de la liberté de communication. D’ailleurs, la commission de protection des droits de la Hadopi est aujourd’hui composée de trois magistrats.
Plus largement, la régulation des contenus en ligne, des fausses informations et des contenus haineux a été récemment renforcée par plusieurs textes nationaux. Elle est appelée à s’étendre davantage avec l’adoption future du Digital Services Act. Cela justifie pleinement que le collège de l’Arcom puisse bénéficier de l’expertise de deux membres magistrats.
Certes, la commission a souhaité entourer la mise en œuvre de la réponse graduée de garanties particulières, en la confiant à un membre de l’Arcom « ayant une compétence juridique ». Cependant, la composition actuelle du collège ne garantit en rien la présence d’un membre ayant une telle compétence. A fortiori, rien dans le texte de la commission n’assure la présence de magistrats.
J’ai donc une préférence pour le schéma proposé conjointement par M. Bargeton et le Gouvernement. Il permet de concilier deux objectifs : d’une part, la préservation du pouvoir de nomination des assemblées parlementaires, à laquelle vous êtes tous attachés – les assemblées continueraient, tous les deux ans, de désigner deux membres du collège de l’Arcom – ; d’autre part, la présence de deux magistrats au sein de ce collègue, l’un issu de l’ordre administratif, l’autre de l’ordre judiciaire.
Voilà les raisons qui m’ont amenée à déposer cet amendement qui me semble constituer une solution de compromis élégante et efficace.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Ces amendements sont importants : ils visent à réaliser une synthèse entre la rédaction initiale du projet de loi, qui prévoyait d’inclure deux magistrats au sein du collège de l’Arcom, au détriment des membres nommés par le Parlement, et la position de la commission, qui souhaite préserver l’influence du Parlement.
Le compromis proposé prévoit de porter le nombre de membres du collège de l’Arcom de sept à neuf, en maintenant les six nominations effectuées par le Parlement et en permettant l’introduction de deux postes réservés à des magistrats. Ces amendements tendent d’une certaine façon à résoudre la quadrature du cercle…
Je rappelle aussi que le Conseil d’État n’a pas estimé que la présence de magistrats est une obligation constitutionnelle. En outre, ni le CSA ni la Hadopi n’y étaient favorables.
Pour autant, les arguments invoqués à l’instant peuvent être entendus, puisque les futures compétences de l’Arcom auront mécaniquement pour effet d’accroître la dimension juridique de son action par rapport à la situation actuelle du CSA – c’est notamment le cas en ce qui concerne la lutte contre le piratage des programmes audiovisuels et sportifs.
La rédaction de compromis proposée par notre collègue Julien Bargeton et par le Gouvernement permet de satisfaire ces préoccupations complémentaires. La commission émet donc un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Ces volontés de compromis sont intéressantes, mais l’amendement n° 12 que j’ai déposé et qui sera examiné ensuite, si ces deux amendements ne sont pas adoptés, vise justement à répondre à toutes les objections que j’ai entendues. Le compromis que je propose est donc encore plus acceptable !
Nous ne souhaitons pas que le pouvoir de nomination du Parlement soit affaibli, comme le proposait initialement le Gouvernement. Or les amendements dits de compromis de M. Bargeton et du Gouvernement placent le Parlement dans cette position, puisqu’il nommerait six membres sur neuf, et non six membres sur sept, ce qui constitue évidemment un affaiblissement.
Ces amendements permettent la présence de magistrats au sein du collègue de l’Arcom, ce qui me semble pertinent au regard des futures compétences de cette autorité – je pense notamment à la réponse graduée.
Le rapporteur, en proposant une désignation de six membres par le Parlement et un collège total de sept membres, répondait à la problématique de l’affaiblissement du rôle du Parlement, mais pas à celle de la présence de magistrats.
De leur côté, M. Bargeton et le Gouvernement proposent d’augmenter de deux le nombre de membres composant le collège pour y intégrer des magistrats, mais cela contribue à affaiblir le Parlement.
Pour ma part, je propose de maintenir sept membres au sein du collège, le Parlement devant désigner deux magistrats parmi les six qu’il doit nommer. Cela répondrait aux deux objectifs que nous poursuivons – la présence de magistrats et le non-affaiblissement du rôle du Parlement –, ainsi qu’à la bonne gestion des finances publiques… Pas la peine qu’il y ait neuf membres, quand il peut y en avoir sept !
C’est donc ma proposition qui apporte un véritable compromis et qui répond à l’ensemble des préoccupations.