M. Jérémy Bacchi. Nous avons déjà eu l’occasion de débattre à plusieurs reprises de la question des sites miroirs. Je peux entendre et comprendre la volonté du Gouvernement : il n’y a rien de plus frustrant que de voir un site bloqué réapparaître quelques heures plus tard à la faveur d’un simple changement d’extension.
Pour autant, il existe un véritable problème de définition. Dans le texte visant à lutter contre les contenus haineux sur internet – la loi dite Avia –, censuré par le Conseil constitutionnel, on parlait de « service […] reprenant le contenu […] en totalité ou de manière substantielle ». C’est aussi la rédaction retenue par le Sénat dans l’article 19 du projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme. L’Assemblée nationale préfère quant à elle la formulation « service […] dont le contenu est identique ou équivalent à tout ou partie du contenu » du service original.
Le présent projet de loi revient à la rédaction de la loi Avia. Mais de quoi parle-t-on ?
En informatique, on considère le miroir comme une copie exacte d’un ensemble de données. À la lumière de cette précision, un site miroir est une reprise intégrale et identique du site originel. C’est ce que l’on peut retrouver dans les sites strictement identiques qui réapparaissent grâce à un simple changement d’extension.
En l’espèce, le projet de loi va bien plus loin et, surtout, laisse à l’autorité administrative le soin de placer le curseur. Est-ce qu’un site qui changerait la colorimétrie d’un film piraté, son rythme ou son montage serait considéré comme le site miroir de n’importe quel site de piratage bloqué par décision judiciaire ? Une personne qui s’amuserait à reproduire l’exercice de Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette dans La Classe américaine serait-elle un pirate ou un créateur ? Pourrait-il voir son œuvre être censurée par l’autorité administrative ?
Nous faisons alors face à deux difficultés. Tout d’abord, le champ extrêmement large laissé à l’interprétation de la loi par l’autorité administrative. Ensuite, le manque de moyens humains dédiés à la lutte contre les sites miroirs – il risque de conduire à une surcensure.
M. le président. L’amendement n° 94, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 90
Supprimer les mots :
pour la confiance dans l’économie numérique ainsi qu’à tout fournisseur de noms de domaine
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 76, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 90
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les mêmes conditions, l’autorité peut également demander à tout exploitant de moteur de recherche, annuaire ou autre service de référencement de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès à ces services de communication au public en ligne.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Le projet de loi prévoit que l’Arcom pourra demander aux intermédiaires techniques d’empêcher l’accès aux sites miroirs. Il ne fait pas de doute que cette rédaction vise notamment les fournisseurs d’accès à internet.
En revanche, il n’est pas certain que les moteurs de recherche soient visés, dès lors que ceux-ci ont pour mission non pas de donner accès à des sites, mais seulement de les référencer. Or il me paraît absolument indispensable que l’Arcom puisse également s’adresser à ces acteurs.
L’amendement du Gouvernement vise donc à ne laisser aucun doute quant à la possibilité pour cette autorité de demander aux moteurs de recherche de déréférencer les sites miroirs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 41 et 76 ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je ne comprends pas bien la volonté des auteurs de l’amendement n° 41 de mettre à bas une telle avancée, qui est très précieuse. Le mécanisme de lutte contre les sites miroirs, d’ailleurs enrichi en commission par les amendements de nos collègues Michel Laugier et Pierre-Antoine Levi, me paraît au contraire fondamental, compte tenu de l’évolution des formes de piratage.
En ce qui concerne la caractérisation de ces sites, jugée par les auteurs de l’amendement imprécise, j’avoue avoir eu la même préoccupation au début de mes travaux, mais je me suis rallié aux avantages d’une formulation suffisamment large : elle permet notamment de prévenir tout risque de contournement. Je rappelle d’ailleurs que les sites qui s’estimeraient injustement fermés auront toute latitude pour contester cette décision devant les tribunaux.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 41.
En ce qui concerne l’amendement n° 76 qui vise spécifiquement le référencement, je partage pleinement son objectif. Il m’apparaît complémentaire de celui de Michel Laugier sur le blocage des sites, qui a été adopté en commission. L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 41 et 94 ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je suis du même avis que le rapporteur, pour les excellentes raisons qu’il a développées, sur l’amendement n° 41. Et je suis favorable à l’amendement n° 94.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 87 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, MM. Cadec, Panunzi, Bonnecarrère et D. Laurent, Mme Canayer, M. P. Martin, Mme Deromedi, M. Lefèvre, Mmes Joseph et Dumont, M. Wattebled, Mme Gruny, MM. Savin, Bouchet et Rapin, Mme Di Folco, MM. Savary et Vogel, Mme Garriaud-Maylam, M. Brisson, Mmes Imbert et Billon, MM. Laménie, Levi, Longuet et Genet, Mmes Bourrat et Bonfanti-Dossat et MM. Saury, Decool, Grosperrin, Moga, C. Vial et Klinger, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 119
Insérer sept alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 336-2 est complété par six alinéas ainsi rédigés :
« La décision judiciaire rendue en application du présent article précise les conditions dans lesquelles elle autorise l’actualisation des mesures qu’elle ordonne en cas de réitération, dans le cadre d’un même service autrement accessible ou autrement localisé, de l’atteinte aux droits d’auteurs ou aux droits voisins à laquelle elles tendent à remédier.
« La mise en œuvre de l’actualisation prend la forme d’une notification sous la responsabilité du demandeur aux personnes destinataires des mesures ordonnées aux fins de prévenir ou de faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin.
« La notification comporte la justification des conditions requises au premier alinéa.
« Le destinataire d’une telle notification ne peut voir sa responsabilité engagée en raison de la mise en œuvre d’une mesure d’actualisation conforme à la demande reçue par lui qui s’avèrerait non fondée.
« Il peut saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond lorsque la mise en œuvre de la mesure d’actualisation fait apparaître une difficulté.
« Le fait, pour toute personne de notifier à une personne ayant mis en place une mesure judiciaire ordonnée en application du présent article une demande d’actualisation de cette mesure fondée sur la réitération de l’atteinte dans le cadre d’un même service autrement accessible ou autrement localisé à laquelle elle tendait à remédier alors qu’elle sait cette information inexacte, est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. » ;
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Le présent amendement vise à instaurer un mécanisme d’injonction dynamique permettant aux titulaires de droits sur les œuvres protégées et à leurs ayants droit bénéficiaires d’une décision judiciaire de saisir directement toute personne susceptible de contribuer à faire cesser une atteinte au droit d’auteur ou à un droit voisin, en cas de réitération de l’infraction dans le cadre d’un même service autrement accessible ou localisé.
Ce mécanisme serait complémentaire de l’action de l’Arcom et permettrait d’assurer l’effectivité de la décision judiciaire en cas de réitération de l’infraction.
Force est en effet de constater que le dispositif prévu par le projet de loi, qui nécessite le passage par l’autorité administrative et dont il n’est pas avéré qu’il sera le plus souvent suivi d’effet compte tenu de la possible localisation du contrefacteur en dehors de l’Union européenne, ne peut constituer le seul moyen d’assurer l’efficacité des mesures judiciaires prononcées. Il importe que les bénéficiaires d’une décision judiciaire ordonnant des mesures ayant pour objet de faire cesser une atteinte au droit d’auteur ou à un droit voisin soient également en situation de répliquer dans un temps numérique aussi rapide que celui des contrefacteurs.
J’ai ouï dire que certains avaient été surpris que je dépose cet amendement qui aurait soi-disant pour objet de contourner l’Arcom, mais ce mécanisme permet en réalité de ne pas faire peser sur cette autorité des procédures simples, mais impliquant une mobilisation importante de ses ressources. En revanche, s’agissant des cas plus complexes de lutte contre les sites miroirs, son expertise technique et sa légitimité pourraient contribuer au traitement des difficultés rencontrées.
La mesure proposée par le présent amendement est attendue par l’ensemble du secteur culturel, que ce soit le cinéma, l’audiovisuel, le livre ou la musique. C’est la raison pour laquelle, malgré un avis défavorable du rapporteur en commission, j’ai souhaité déposer cet amendement en séance pour que Mme la ministre puisse s’exprimer sur ce sujet.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Nous avons déjà débattu en commission de l’intérêt de mettre en place un mécanisme supplémentaire de lutte contre le piratage, dit « injonction dynamique ».
Un tel dispositif aurait l’immense avantage, en théorie, de rendre la procédure de blocage des sites plus rapide, en établissant un lien direct entre l’ayant droit et le fournisseur d’accès. Il concernerait les mêmes services autrement accessibles ou localisés, selon ses propres termes. Le juge autoriserait, dans la décision initiale, l’actualisation de sa mesure. Si un site identique apparaissait, les ayants droit saisiraient directement le prestataire, qui aurait l’obligation de bloquer le site ; sa responsabilité serait alors dégagée.
Comme je le soulignais en commission, l’injonction dynamique serait en réalité une procédure concurrente de celle mise en place par le présent article pour lutter contre les sites miroirs, avec cependant deux différences.
D’une part, la procédure « sites miroirs » est plus large, puisqu’elle ne concerne pas uniquement les sites identiques, mais également les sites qui reprennent les contenus de manière substantielle. Dans le cas de l’injonction dynamique, le site doit être rigoureusement identique, seule l’adresse étant changée.
D’autre part, l’injonction dynamique fait l’économie du passage par le filtre de l’Arcom, en mettant en relation directe les ayants droit et les fournisseurs d’accès. Cela présenterait le mérite de la rapidité, selon les auteurs de cet amendement. J’y vois surtout l’inconvénient de priver le futur régulateur d’une extension de ses compétences, alors que l’objet même du projet de loi est de le renforcer et de le conforter. Compte tenu du nombre de personnes potentiellement concernées parmi les ayants droit, le filtre de l’Arcom est utile pour éviter que les prestataires soient submergés de demandes faites sans concertation. D’ailleurs, j’observe que, même dans le cadre du piratage sportif, il revient à l’Arcom, selon l’article 3 du projet de loi, de jouer le rôle de filtre.
Pour résumer, je crois qu’il serait regrettable de vider, dès l’origine, une nouvelle et importante compétence de l’Arcom d’une partie de sa cohérence, sous le prétexte, qui n’est pas avéré, d’un manque de rapidité. Les procédures de blocage seront d’autant mieux appliquées et exécutées qu’elles paraîtront légitimes et fondées. L’Arcom me paraît être le bon outil à cet égard.
Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Madame la sénatrice, je partage tout à fait l’argumentation qui vient d’être développée par votre rapporteur. La différence d’approche entre votre proposition et celle du projet de loi tient à votre souhait de faire l’économie du passage par le filtre de l’Arcom, en mettant en relation directe les ayants droit et les intermédiaires techniques pour une meilleure efficacité. C’est ce que vous appelez l’injonction dynamique.
Le Gouvernement est extrêmement attaché à la garantie que représente l’intervention de l’Arcom dans la lutte contre les sites miroirs : elle permet, d’une part, d’apprécier le fait qu’un site signalé constitue bien le miroir d’un site bloqué, d’autre part, de notifier la demande de blocage de ce site miroir aux intermédiaires concernés, notamment les fournisseurs d’accès.
C’est un point d’équilibre important et il me semble peu opportun, en termes de sécurité juridique, que les mêmes sites relèvent de deux procédures distinctes.
C’est pourquoi je propose à Mme Darcos de retirer son amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Madame Darcos, l’amendement n° 87 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 87 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 35 rectifié est présenté par MM. Decool et Malhuret.
L’amendement n° 37 rectifié septies est présenté par Mme Boulay-Espéronnier, M. Burgoa, Mme M. Mercier, M. Houpert, Mme Joseph, M. Mouiller, Mme Deromedi, MM. B. Fournier et Lefèvre, Mme Dumont, MM. Bonhomme, Karoutchi et Regnard, Mmes Garriaud-Maylam et Gosselin et M. Genet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le phénomène de la « manipulation de streams » et sur les moyens de le combattre, notamment en évaluant, d’une part, l’opportunité de confier à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique une mission de tiers de confiance et d’enquête pour caractériser les faits de fraudes et, d’autre part, les conditions permettant aux éditeurs de services de communication au public par voie électronique et aux plateformes de partage de vidéos mettant à disposition des œuvres musicales d’y remédier.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l’amendement n° 35 rectifié.
M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement porte sur la lutte contre le phénomène des faux streams, apparu sur les plateformes de streaming musical voilà quelques années, et se présente sous la forme d’une demande de rapport pour contourner le couperet de l’article 40.
Ces fausses connexions sont réalisées soit par des robots ou des logiciels, soit par des « fermes à clics » employant à l’étranger des personnes physiques. Elles se font soit à partir d’un nombre démultiplié de faux comptes temporaires, soit via le hacking de comptes existants peu utilisés par leur titulaire.
En augmentant artificiellement les écoutes et les vues sur les plateformes de streaming, la manipulation de streams a pour effet de capter indûment des rémunérations revenant à d’autres ayants droit et de fausser la visibilité des œuvres comme l’appréciation du public.
Ces comportements frauduleux relèvent donc de l’infraction d’escroquerie et sont susceptibles de porter préjudice à l’ensemble de la chaîne de valeur : créateurs, producteurs, plateformes et utilisateurs. Si rien n’est fait, ils risquent d’affaiblir à terme le modèle du streaming, qui porte en lui la renaissance économique du secteur.
La particularité de la manipulation de streams est sa capacité d’adaptation permanente aux pare-feux des plateformes et à la veille des ayants droit par le biais de leur distributeur. L’action de ces derniers est par ailleurs limitée, puisqu’ils n’ont de vision que sur leur propre catalogue.
C’est pourquoi le rapport envisagé dans le présent amendement pourrait avoir pour triple objectif de dresser le constat de ces pratiques, d’évaluer la possibilité de confier à l’Arcom un rôle de tiers de confiance et d’enquêteur recueillant toutes les données utiles, notamment de la part des plateformes de streaming musical audio et vidéo, et enfin d’évaluer les conditions dans lesquelles les plateformes pourront tirer toutes les conséquences du constat préalablement dressé par l’Arcom en vue de remédier aux comportements frauduleux.
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour présenter l’amendement n° 37 rectifié septies.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement concerne les faux streams, c’est-à-dire la capacité de certains à influencer le nombre d’écoutes qui sert de base à la rémunération des artistes. Comme vous le savez, la musique est chère à mon cœur. Aussi, ce sujet me préoccupe, car il remet en cause l’équité entre acteurs.
Il existe plusieurs solutions à ce problème. L’une d’entre elles serait de mettre en place ce que l’on peut appeler un modèle centré sur l’utilisateur – en bon français user centric –, où chacun ne rémunérerait que les artistes qu’il écoute réellement, par opposition à la répartition au nombre d’écoutes. Je sais que les principales plateformes étudient actuellement cette question et je milite pour une solution rapide.
En ce qui concerne l’amendement, je suis à ce stade sceptique sur la capacité de l’Arcom à jouer un rôle en la matière : il s’agit d’un sujet très spécifique qui nécessite des compétences pointues et une expertise rare.
Pour cette raison, et parce qu’il s’agit d’une demande de rapport, je donne un avis défavorable, mais je serai heureux d’entendre l’avis de Mme la ministre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je suis absolument d’accord avec le diagnostic que posent Jean-Pierre Decool et Céline Boulay-Espéronnier : les audiences sur les plateformes de streaming et de partage de vidéos sont fréquemment manipulées. Ce sujet n’a pas été véritablement documenté, alors même que son impact sur la répartition des revenus est potentiellement important.
Pour autant, ces amendements me paraissent très éloignés du champ du projet de loi dont le Gouvernement a saisi votre assemblée.
En outre, je ne suis pas convaincue par l’orientation du rapport que vous demandez au Gouvernement d’élaborer. Vous souhaitez qu’il étudie l’opportunité de confier à l’Arcom une mission de contrôle et de tiers de confiance en matière de lutte contre les manipulations d’audience. C’est une mission qui me paraît extrêmement éloignée des compétences que nous voulons confier à l’Arcom, qui ne concernent en rien les plateformes de streaming musical. Par ailleurs, la question des manipulations d’audience renvoie à un enjeu de répartition des revenus qui ne relève pas non plus des missions de l’Arcom – financement de la création, lutte contre le piratage, promotion de la diversité culturelle…
La première étape consiste à documenter précisément ce phénomène encore mal connu. Pour cela, nous avons un outil, le Centre national de la musique (CNM). Cet établissement public doté par la loi d’une mission d’observation de l’économie de la filière musicale me semble être l’instance adaptée pour discuter de ces questions qui intéressent tous les acteurs de la musique. Je m’engage solennellement devant vous à demander au CNM d’établir un diagnostic approfondi sur ce problème.
Au bénéfice de cet engagement, je demande le retrait de ces amendements ; sinon, j’y serai défavorable.
M. le président. Monsieur Decool, l’amendement n° 35 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Decool. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié est retiré.
Madame Boulay-Espéronnier, l’amendement n° 37 rectifié septies est-il maintenu ?
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 37 rectifié septies est retiré.
Article 2 A (nouveau)
Le chapitre VI du titre III du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° À l’article L. 136-1, les mots : « reproduites et mises à la disposition du » sont remplacés par les mots : « techniquement reproduites et communiquées au » ;
2° Les articles L. 136-2 à L. 136-5 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 136-2. – En ce qu’ils accomplissent un acte de reproduction ou un acte de communication au public d’œuvres mentionnées à l’article L. 136-1, les services automatisés de référencement d’images sont soumis à l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants droit.
« La rémunération due au titre de ces actes de reproduction et de communication au public est assise sur les recettes et revenus de toute nature issus directement et indirectement du service automatisé de référencement d’images. À défaut, elle peut être fixée forfaitairement, conformément à l’article L. 131-4.
« L’autorisation d’exploitation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu peuvent être gérées par un ou plusieurs organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III.
« Lorsqu’il conclut un accord de licence pour l’exploitation d’œuvres, conformément aux mandats donnés par ses membres, un organisme de gestion collective peut, en ce qui concerne l’utilisation sur son territoire et sous réserve des garanties prévues au présent chapitre, étendre, par l’effet d’une licence collective étendue, le contenu de cet accord pour qu’il s’applique aux titulaires de droits non membres de cet organisme.
« Art. L. 136-3. – L’extension de l’accord conclu par l’organisme de gestion collective pour ses membres emporte représentation, pour les œuvres du même type, des titulaires de droits non membres de l’organisme de gestion collective agréé ayant conclu l’accord.
« L’extension est subordonnée :
« 1° Au fait pour l’organisme concerné d’avoir été agréé pour cette fonction par le ministre en charge de la culture ;
« 2° À la mise en œuvre de mesures de publicité appropriées, dans un délai raisonnable précédant l’utilisation sous licence des œuvres, destinées à informer les titulaires de droits quant à la capacité de l’organisme de gestion collective à octroyer des licences pour des œuvres, quant à l’octroi de licences conformément au présent chapitre et quant aux possibilités offertes à ces titulaires de droits inclus dans le champ de l’accord par l’extension de manifester leur volonté de ne pas être concernés par pareil accord ;
« 3° À l’absence de manifestation contraire de volonté de la part des titulaires de droits concernés mais non désireux de bénéficier de l’accord conclu.
« Les mesures de publicité sont prises par l’organisme agréé. Elles sont effectives sans qu’il soit nécessaire d’informer chaque titulaire de droits individuellement.
« Les modalités de manifestation contraire, qui peut être prise à tout moment, sont prévues par un décret.
« Art. L. 136-4. – Un ou plusieurs organismes de gestion collective peuvent être agréés par le ministre chargé de la culture pour octroyer des licences collectives étendues au titre des actes d’exploitation mentionnés aux articles L. 136-2 et L. 136-3.
« L’agrément est délivré en considération :
« 1° De l’importance du répertoire de l’organisme et de la diversité de ses associés ;
« 2° De la qualification professionnelle des dirigeants ;
« 3° Des moyens humains et matériels que l’organisme propose de mettre en œuvre pour assurer la gestion des droits de reproduction et de représentation des œuvres d’art plastiques, graphiques ou photographiques par des services automatisés de référencement d’images.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de la délivrance et du retrait de cet agrément.
« Art. L. 136-5. – Tout organisme de gestion collective ayant conclu un accord ayant fait l’objet d’une extension est tenu d’assurer une égalité de traitement à l’ensemble des titulaires de droits représentés.
« Les règles de répartition sont établies de manière à garantir aux titulaires de droits représentés une rémunération appropriée, tenant compte de l’importance de l’utilisation de leurs œuvres dans le cadre du service.
« Le fournisseur du service est tenu de communiquer à l’organisme de gestion collective l’ensemble des informations pertinentes relatives à l’exploitation des œuvres permettant d’assurer la juste répartition des revenus entre les titulaires de droits. »
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à dire quelques mots sur cet article, car il fait écho, pour celles et ceux qui s’en souviennent, au débat qui s’est tenu lors de l’examen de l’article 30 de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi LCAP, sur la juste rémunération des artistes auteurs d’arts visuels, graphiques et photographiques pour l’exploitation de leur œuvre par les plateformes numériques.
Pour la première fois en 2016, le Sénat avait posé le principe d’une rémunération équitable. Malheureusement, du fait de sa complexité, le système s’est révélé inopérant et, donc, inefficace pour permettre aux artistes auteurs de bénéficier du fruit de leur œuvre.
C’est pourquoi, en commission, j’ai proposé un nouveau dispositif qui s’inspire des recommandations du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, émises dans le cadre de sa mission sur les services automatisés de référencement d’images. Plus précisément, il prévoit un régime de gestion collective des droits d’auteur étendu, conforme aux exigences européennes et adapté à la situation des auteurs concernés.
Je me réjouis que la commission – je tiens à remercier tout particulièrement notre rapporteur pour son soutien – ait adopté cet amendement et ainsi contribué à introduire cette disposition dans le texte, car la question de la rémunération des artistes auteurs d’arts visuels, graphiques et photographiques dérivant de l’exploitation de leur œuvre par les services de référencement constitue un enjeu non seulement concret, mais aussi éthique et politique.
C’est un enjeu concret dans la mesure où la situation économique et sociale de ces artistes est périlleuse. Leur précarisation et leur paupérisation, que le rapport de 2017 sur la situation des arts visuels a clairement mises en avant, se sont accentuées pendant la crise. De récentes études confirment ce constat. Je sais, madame la ministre, que vous portez une très grande attention à la situation de ces artistes auteurs.
Par ailleurs, il ne s’agit ni plus ni moins que d’obliger les plateformes numériques à respecter pleinement le droit d’auteur.
L’article 2 A s’inscrit dans le prolongement de ce combat éthique et politique plus global qui vise à faire entrer l’économie numérique dans le droit commun. Il constitue un autre versant de la lutte que nous menons collectivement, à tous les niveaux, pour faire en sorte qu’aucun des acteurs du numérique ne puisse se dispenser de rémunérer celles et ceux qui créent et qui sont au fondement même de toute valeur. Je pense singulièrement à la loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, dont notre collègue David Assouline est à l’origine et qui vise le même objectif.
Pour conclure, je sais que nous pouvons compter sur le soutien plein et entier du ministère de la culture en la matière. C’est pourquoi je me réjouis, madame la ministre – je tenais à vous le dire –, que nous puissions collectivement entériner cette avancée qui est attendue par tous les artistes auteurs.