Mme le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous nous apprêtons à examiner s’inscrit dans le cadre des obligations que notre pays se doit de respecter en tant qu’État membre de l’Union européenne. Il s’agit en effet d’adapter notre droit aux évolutions plus ou moins récentes de la législation européenne.
Ce texte assure ainsi la transposition de pas moins de douze directives et la mise en conformité de notre droit avec quinze règlements européens, dans des domaines aussi variés que les transports, la prévention des risques, l’environnement, ou encore l’économie et les finances. Son adoption par notre Haute Assemblée est appelée à revêtir un caractère hautement symbolique alors que la France s’apprête à exercer la présidence du Conseil de l’Union européenne.
En veillant à la conformité de notre droit national avec le droit européen, notre travail législatif contribuera à assurer à la France une certaine exemplarité et à lui permettre de porter plus efficacement la voix du Conseil auprès des autres organes de l’Union et de ses États membres.
Dans un espace sans frontières intérieures, où les échanges sont marqués par la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, il est impératif de procéder à l’harmonisation de certaines règles, afin de garantir la sécurité des personnes, de veiller à éviter toutes formes de dumping social ou encore d’assurer la protection de l’environnement.
Comme le faisait remarquer le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, il s’agit d’un texte contenant de nombreuses mesures, complexes et spécifiques. Aussi mon intervention n’a-t-elle pas vocation à être exhaustive. Je relèverai simplement que, tout en répondant à l’impérative mise en conformité de notre droit, le texte s’ancre pleinement dans l’actualité. Certains de ses articles tirent ainsi les conséquences sociales et économiques de la crise sanitaire, tandis que d’autres invitent à procéder aux ajustements rendus nécessaires par la sortie du Royaume-Uni de l’Union.
Plus précisément, en matière, par exemple, de transports, le projet de loi introduit des dispositions visant à renforcer la sécurité aérienne. En écho notamment au drame du crash de l’avion de la Germanwings en 2015, il prévoit et encadre la soumission du personnel navigant à des tests de dépistage d’alcoolémie et de substances psychoactives. Il comble également un vide en matière de transport de marchandises dangereuses par voie aérienne ; jusqu’ici, le code des transports ne prévoyait aucune disposition particulière. Le texte renforce également la sécurité des aéroports, en aggravant les sanctions encourues en cas d’intrusion illégale en zone sensible. Aujourd’hui, notre droit semble en effet beaucoup moins dissuasif que celui de la plupart des États membres.
En matière de transport routier, le texte procède à la transposition de dispositions du paquet mobilité européen. Il s’agit d’une avancée considérable, puisqu’il est question de garantir aux conducteurs de véhicules lourds un socle de droits sociaux. En procédant à l’encadrement des conditions de travail des conducteurs routiers, de leur détachement, et en réglementant la pratique du cabotage, ce texte lutte en effet efficacement contre le dumping social et tend vers des conditions de concurrence plus loyale entre les opérateurs européens.
Le texte revêt également une dimension éthique en imposant aux importateurs d’étain, de tantale, de tungstène et d’or un devoir de « diligence ». Ces entreprises devront s’assurer par un mécanisme de conformité de la traçabilité des matières importées, tandis que les autorités compétentes devront veiller, par le biais d’un contrôle a posteriori, au respect de ces obligations.
En veillant à ce qu’aucun opérateur ne cautionne par ses importations des atteintes aux droits humains ou ne finance des groupes armés non étatiques, l’Union européenne et les États qui en sont membres font bien plus que promouvoir un cadre libéral d’échanges commerciaux. Tout en assurant la promotion de leurs propres valeurs et principes, ils développent un cadre éthique pour les échanges extraeuropéens.
Enfin, en abordant des sujets tels que les émissions de soufre des navires, la limitation de l’impact environnemental des activités liées au mercure, l’usage des polluants organiques persistants ou encore la pollution de l’eau, ce texte est pleinement en phase avec les préoccupations environnementales actuelles. Au moment où notre Haute Assemblée s’apprête à entamer l’étude du projet de loi Climat et résilience, il est bon de vérifier, une fois de plus, que celles-ci dépassent largement le cadre national. Elles témoignent d’une prise de conscience de dimension internationale à laquelle l’Union européenne fait écho par sa législation.
Si, dans ce domaine et sur de nombreux sujets, notre pays peut montrer la voie, il serait toutefois illusoire de croire en la possibilité d’avancer seul dans un environnement mondialisé. En effet, il nous faut, plus que jamais, peser au sein des institutions européennes pour que l’Europe de demain soit plus consciente de la dimension sociale de ses politiques, plus solidaire et plus soucieuse de l’environnement. Durant sa présidence du Conseil de l’Union, la France sera en mesure de défendre cette exigence.
En soutenant ce projet de loi, le groupe RDPI souhaite préparer au mieux notre pays à remplir une telle mission.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, selon les spécialistes, environ 20 % de nos dispositions législatives seraient issues du droit de l’Union européenne. C’est très éloigné des 80 % que martèlent nombre d’eurosceptiques, mais cela n’en reste pas moins substantiel !
Certains secteurs de notre législation conservent une maîtrise essentiellement, voire exclusivement nationale ; je pense à l’éducation, au logement, à l’organisation du territoire, à la justice, à la police – c’est d’actualité ! – ou encore à la défense.
Mais il en est d’autres où l’Europe régule davantage, à l’image de ceux dont nous avons à discuter aujourd’hui, c’est-à-dire les transports, l’environnement ou l’économie.
La discussion n’a pas toujours été de tout repos ! J’ai encore en tête les débats soutenus qui ont émaillé nos échanges autour de l’ouverture à la concurrence de notre secteur ferroviaire. On pourrait y ajouter l’agriculture, qui n’est, certes, pas notre sujet cet après-midi, mais qui est néanmoins d’actualité avec les débats en cours au sein du Conseil de l’Union européenne sur la nouvelle politique agricole commune.
Le projet de loi qui nous est soumis est dense. Il contient quarante-deux articles, pour l’essentiel très techniques. Et pour cause ! Il s’agit pour notre gouvernement d’agir vite – notre pays a déjà été rappelé à l’ordre à plusieurs reprises, voire condamné –, afin de ne pas apparaître comme un mauvais élève dans la perspective de la future présidence française, qui débutera en janvier 2022. Ce sera un moment historique, puisque nous exercerons la présidence pour la première fois depuis 2009 et le traité de Lisbonne. Il s’agit donc d’une responsabilité importante, qui astreint à l’exemplarité, et d’une occasion unique, qui nous ouvrira des perspectives, pour inscrire à l’agenda européen des sujets chers à nos yeux. La préservation de notre environnement et la lutte contre le changement climatique en font indéniablement partie et ne sont – fort heureusement ! – pas absents du présent projet de loi.
Le texte est donc composite, mais il est surtout ambitieux : il s’agit de transposer pas moins de douze directives et de quinze règlements européens.
L’exercice est complexe, fastidieux, mais nécessaire, afin de nous prémunir d’éventuels contentieux, toujours préjudiciables pour l’image d’un pays qui a compté parmi les fondateurs de l’Union européenne, et je ne parle pas du retard important qui a été pris pour la mise en conformité de notre droit. C’est en particulier le cas en matière de protection de l’environnement, avec les réglementations sur le mercure et les fluides frigorigènes, ou sur la préservation des espèces animales protégées : la France a reçu une mise en demeure pour non-respect de cette directive adoptée voilà près de trente ans, en 1992 !
Cette mise en conformité tardive fait malheureusement écho aux propos que je tenais ici même la semaine dernière, lors du débat sur le projet de loi constitutionnelle.
Gageons que ce projet de loi de transposition sera l’une des nombreuses pierres qu’il nous faudra assembler dans les prochaines années si nous souhaitons être dignes des engagements pris ici ou dans le cadre de l’accord de Paris.
Notre groupe défendra d’ailleurs un amendement visant à renforcer notre droit en matière d’évaluation des conséquences sur l’environnement de certains projets publics ou privés, dans la droite ligne de l’esprit de la directive de 2011 ou de la décision rendue le mois dernier par le Conseil d’État.
Au-delà de l’environnement, le texte contient des dispositions sensibles et décline des aménagements rendus impératifs par le Brexit, afin notamment de préserver les intérêts de nos entreprises, qu’il s’agisse de l’accompagnement des pêcheurs, durement touchés par la crise du coronavirus, ou de la préservation des intérêts de nos compagnies de transport maritime.
Saluons enfin le travail fourni par notre commission, saisie au fond sur trente et un des quarante-deux articles que comporte le texte.
Plusieurs modifications ont été apportées, avec l’objectif de renforcer encore les garanties de conformité de notre droit aux prescriptions de l’Union européenne, comme en matière de teneur en soufre des combustibles marins ou de droit de pause des travailleurs mineurs effectuant un stage à bord de navires, une disposition supprimée de notre droit par erreur en 2010.
Ayant à plusieurs reprises été rapporteur pour avis sur les crédits consacrés au transport routier lors de l’examen de projets de loi de finances, je suis également sensible au renforcement des prérogatives de l’Autorité de régulation des transports, grâce à un amendement adopté sur l’initiative de la commission à l’article 6.
Enfin, je me réjouis de l’ouverture aux collectivités territoriales de la possibilité d’obtenir une délégation de l’État pour l’organisation des lignes d’aménagement du territoire en direction d’autres pays membres de l’Union européenne. Cette préconisation est issue de la mission d’information du Sénat sur les transports aériens, dont notre ancienne collègue Josiane Costes était rapporteure.
La mise en conformité de notre droit avec les réglementations européennes est une obligation. Faisons en sorte qu’elle soit aussi une occasion d’aller plus loin et d’être plus efficace. Notre groupe se prononcera en faveur de ce texte.
Mme le président. La parole est à Mme Christine Herzog. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Christine Herzog. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme dit le proverbe : « Qui trop embrasse mal étreint. »
Le champ du présent texte est si large – il va de l’usage des drones à la lutte contre la pollution au mercure, en passant par le télépéage ou les minerais de conflits – qu’il me serait impossible de l’appréhender dans son entièreté, surtout dans le temps limité qui m’est imparti. Ce serait d’ailleurs inutile, puisque nos rapporteurs l’ont très bien fait. J’en profite pour les féliciter de la qualité de leur travail, surtout face à un texte aussi touffu et technique. Et je ne résiste pas au plaisir de constater qu’avec deux rapporteurs sur trois, mon groupe, l’Union Centriste, est particulièrement bien représenté.
Pour prendre un peu de hauteur, l’ensemble des dispositions qui nous sont soumises ont trois objets principaux : d’abord, préparer la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022, en conformant le droit interne à nos engagements européens ; ensuite, atténuer les conséquences économiques et sociales du Brexit et de la crise sanitaire ; enfin, accompagner la transition environnementale mise en œuvre dans notre pays à l’échelle de l’Union européenne. C’est sur ce dernier point que je vais maintenant me concentrer.
Le transport est, avec la production d’énergie, la question centrale de la transition environnementale. En effet, ce secteur représente, hors émissions importées, environ 40 % des émissions françaises et européennes de gaz à effet de serre.
Dans ces conditions, nul ne saurait plus douter de la nécessité de verdir nos déplacements. Pour ce faire, la relance du fret ferroviaire est une clé incontournable. Ce dernier a été littéralement abandonné depuis quarante ans.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le réseau autoroutier a plus que doublé depuis 1980, passant de 4 900 kilomètres à 11 000 kilomètres, alors que, dans le même temps, le réseau ferré national a régressé, passant de 34 000 kilomètres à 29 000 kilomètres. La part modale du fret ferroviaire a été divisée par trois depuis 1985, époque à laquelle celui-ci représentait 30 % du transport de marchandises contre 9 % aujourd’hui, quand la route, de loin la plus génératrice de gaz à effet de serre, assure 85 % du fret.
Le projet de loi Climat et résilience tente d’inverser la tendance en supprimant l’avantage de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur les carburants dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandise ou en créant une écocontribution régionale.
Mais, à la seule échelle nationale, de telles mesures seront impuissantes à faire bouger les lignes en faveur du fret ferroviaire, car elles ne feront que contribuer à pénaliser les opérateurs nationaux, au bénéfice des transporteurs étrangers, c’est-à-dire de ceux qui achètent leur carburant hors de nos frontières et gonflent leurs réservoirs pour ne pas avoir à se ravitailler en France. La solution ne peut être qu’européenne.
C’est d’ailleurs la même problématique que l’on retrouve dans le domaine du transport aérien. Interdire les vols intérieurs courts va inévitablement conduire à un report modal vers les aéroports d’autres villes européennes pour les vols de correspondances, avec un bilan carbone in fine plus lourd. Là encore, c’est à l’échelle de l’Union européenne que les choses se jouent.
Par-delà les aménagements nécessaires de notre droit que le présent texte opère, le verdissement de notre pays passera donc par celui des transports européens. Or ce dernier n’est pas assuré. Par exemple, la directive Eurovignette est en panne.
Mon groupe votera le présent texte, avec l’espoir que la présidence française de l’Union européenne marque un véritable tournant vers le transport durable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne concerne donc les transports, l’environnement, l’économie et les finances. Il est technique, mais il est important. Mon propos s’inscrira dans le prolongement de celui de notre rapporteur, Cyril Pellevat, dont je salue le travail.
Avant de passer en revue les dispositions qui doivent attirer notre attention, je vais dévoiler notre position : mon groupe politique votera pour l’adoption de ce projet de loi.
Le premier argument pour justifier ce vote positif est un « argument d’autorité » : il nous faut préparer la présidence par la France du Conseil de l’Union européenne, qui débutera le 1er janvier 2022.
Le deuxième argument tient à la nature des dispositions soumises à notre examen. Il y a en effet urgence à adopter certaines de ces dispositions.
Je pense ici à l’article 1er, qui fait directement écho à l’accident du vol de la Germanwings en 2015, lequel a conduit à l’élaboration du règlement 2018/1042.
Le constat est le même pour l’article 10 sur les sanctions applicables dans le droit français pour punir l’intrusion en zone « côté piste » d’un aéroport. La position de fermeté de notre rapporteur sur ce point est, je le crois, le meilleur choix.
L’article 13 est une autre disposition dont on peut saluer l’élaboration. Il transpose la directive du 19 mars 2020 sur les systèmes de télépéage routier.
Mais deux axes doivent également retenir l’attention du législateur.
Il y a d’abord les dispositions afférentes au « travail à la pêche ».
La première, l’article 20, porte sur le travail de nuit des jeunes travailleurs de moins de 18 ans à bord des navires. Par cohérence, lisibilité et volonté de respecter l’article 12 de la directive 94/33/CE, la commission a souhaité réintroduire dans le droit national des dispositions garantissant un temps de pause aux jeunes travailleurs à bord des navires de pêche. La modification était bienvenue.
La deuxième, l’article 21, porte sur la prise en compte des périodes d’activité partielle pour la validation des droits à pension des marins. À l’instar de notre collègue Cyril Pellevat dans son rapport, je regrette que le Gouvernement ne soit pas allé plus loin dans sa volonté de sécuriser les droits sociaux des marins. M. le rapporteur souligne : « […] soumettre rétroactivement à cotisation les périodes d’activité partielle sur une période plus longue aurait pour conséquence de permettre des surclassements supplémentaires, ce qui induirait indirectement des droits à pension plus élevés dans le futur. » D’où une irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution.
En d’autres termes, si le Sénat n’ignore pas la nécessité de sécuriser les droits sociaux des marins, il ne lui revient pas de légiférer en ce sens. Chacun comprendra à qui cette responsabilité incombe…
Je souhaite également évoquer la transposition du paquet mobilité I aux articles 22 et 23. Ces dispositions sont sans doute les plus « politiques » du texte.
La réforme du paquet mobilité est ambitieuse. Elle s’attaque à plusieurs défis : le détachement des chauffeurs routiers, le temps de repos ou encore la limitation du cabotage. C’est une parfaite illustration des difficultés que pose la construction européenne, mais aussi des moyens pour les surmonter.
Après trois ans de négociations, négociations qui n’étaient pas seulement déterminées par une opposition entre l’Est et l’Ouest, nous avons pu obtenir un accord, certes imparfait, mais qui sera un nouvel outil pour lutter contre la concurrence déloyale et le dumping social, sur lequel certains de nos partenaires européens prospèrent.
Le projet de loi va ainsi permettre de lutter contre le cabotage systématique en introduisant une période de carence de quatre jours avant que d’autres opérations puissent être effectuées dans le même pays avec le même véhicule.
Une autre mesure, moins concrète, mais sans doute plus décisive à long terme est la transposition de l’article 1er de la directive 2020/1057 lex specialis sur le détachement des conducteurs routiers. L’article 23 précise ainsi le champ d’application du droit au détachement, en établissant qu’il s’applique aux opérations de cabotage, mais pas aux parcours de transit.
Je voudrais m’arrêter sur un dernier point. L’article 32 vise à mettre en conformité le droit national avec le droit européen concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement, à la suite de la procédure d’infraction pour non-conformité lancée par la Commission européenne.
Aujourd’hui, en droit français, une information doit, pour être qualifiée d’environnementale, avoir « pour objet » les éléments mentionnés à l’article L. 124-2 du code de l’environnement, alors que la directive définit l’information environnementale comme toute information disponible « concernant » ces éléments. L’article vise donc à consacrer une définition de l’information environnementale identique à celle de la directive. Mesure-t-on les conséquences d’une telle modification ? L’étude d’impact nous précise qu’il s’agit de « lever toute ambiguïté sur ces points ». Espérons en effet qu’il ne s’agisse que de clarification rédactionnelle !
Pour conclure, malgré quelques interrogations, fondées je le crois, il n’y a rien dans ce projet de loi qui puisse compromettre son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Fournier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Fournier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est difficile de parler en dernier sans être redondant. Mon intervention porte donc sur un point très précis du présent projet de loi, mais ô combien important.
Comme tous les textes d’adaptation au droit de l’Union européenne, celui qui nous est soumis aujourd’hui embrasse un large champ. Et au milieu de tout cela, on trouve l’article 24, un OLNI : objet législatif non identifié ! Cet article est aussi lapidaire qu’insatisfaisant. Sa clarté est inversement proportionnelle à l’importance de son enjeu.
Cet enjeu, quel est-il ? Au mois de juin dernier, dans le cadre du Brexit, le Gouvernement a demandé à Eurotunnel, comme aux ports maritimes, de construire des infrastructures destinées à accueillir les services assurant les contrôles douaniers et sanitaires aux frontières. En effet, le Royaume-Uni devenant un pays tiers par rapport à l’Union européenne, il fallait rétablir ces contrôles, qui se traduisaient par la réalisation de bâtiments et la mise en œuvre des moyens matériels correspondants.
Eurotunnel s’est immédiatement exécuté. Compte tenu de l’urgence, ces travaux ne pouvaient pas satisfaire aux autorisations d’urbanisme. C’est pourquoi, par son ordonnance du 24 janvier 2019, le Gouvernement a dispensé Eurotunnel de ces formalités pour procéder aux aménagements demandés. L’autorisation était temporaire et la situation devait encore être régularisée, cette fois non pas par ordonnance, mais par une disposition législative ad hoc destinée à assurer la pérennité des infrastructures. Cette disposition législative, c’est l’article 24 du présent projet de loi, qui est triplement insatisfaisant.
Premièrement, d’un point de vue formel, sa rédaction était clairement obscure, puisque le nom du code de référence, à savoir le code de l’urbanisme, n’y figurait pas. Je remercie notre rapporteur, Cyril Pellevat, d’avoir corrigé ce regrettable oubli.
Deuxièmement, sur le fond, on ne comprend pas si cet article valide seulement les infrastructures déjà réalisées par Eurotunnel ou s’il conforte a priori les aménagements qui devront encore être réalisés. Si tel n’est pas le cas, faudra-t-il obtenir à chaque fois une autorisation législative spécifique ? Ce serait tout de même kafkaïen ! L’article fait de plus peser sur Eurotunnel une vraie insécurité. Les aménagements liés à la sécurité, à la défense nationale, à la sécurité civile et ceux nécessaires à son fonctionnement ne sont pas possibles. Croyez-vous sincèrement que le tunnel ne soit pas concerné ? Il l’est au premier rang.
Troisièmement, et de manière bien plus fondamentale, le problème ponctuel du Brexit et des aménagements douaniers soulève la question du statut juridique du tunnel sous la Manche.
Le tunnel n’est à l’évidence pas une simple ligne ferroviaire. Cette infrastructure est exceptionnelle ; il serait temps de la considérer comme telle. Des navettes transportent des camions, des voitures particulières, des bus sur une ligne prédéfinie. Pour mémoire, cet ouvrage sous la Manche fut le plus gros chantier du siècle dernier et il assure une liaison propre – je rappelle que nous parlons d’écologie !
Eurotunnel a besoin de sortir du carcan du droit commun. Aujourd’hui assimilé à une infrastructure ferroviaire simple, ses marges de manœuvre sont d’autant plus restreintes que l’ouvrage ne figure pas aux exceptions de l’article L. 121-4 du code de l’urbanisme, contrairement aux ports et aux aéroports. C’est cela qu’il faut changer.
La question est : quelle est notre ambition pour cet ouvrage unique au monde, clé pour le développement national et vital à l’échelle locale ? À nous d’y répondre aujourd’hui.
Je compte vraiment sur votre soutien, madame la secrétaire d’État, notamment quand je vous présenterai mes deux amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
Mme le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances
Chapitre Ier
Dispositions relatives à l’aviation civile
Article 1er
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi pour :
1° Mettre en œuvre, dans le respect du secret médical, le règlement (UE) n° 2018/1042 de la Commission du 23 juillet 2018 modifiant le règlement (UE) n° 965/2012 en ce qui concerne les exigences techniques et les procédures administratives applicables à l’introduction de programmes de soutien, l’évaluation psychologique des membres de l’équipage de conduite, ainsi que le dépistage systématique et aléatoire de substances psychotropes en vue de garantir l’aptitude médicale des membres de l’équipage de conduite et de l’équipage de cabine, et en ce qui concerne l’installation d’un système d’avertissement et d’alarme d’impact sur les avions à turbine neufs dont la masse maximale certifiée au décollage est inférieure ou égale à 5 700 kg et qui sont autorisés à transporter entre six et neuf passagers en ce qu’il prévoit le dépistage d’alcool chez les membres de l’équipage de conduite et de l’équipage de cabine mais également en ce qu’il permet de procéder au dépistage d’autres substances psychotropes et de faire effectuer les tests par d’autres agents autorisés que les inspecteurs au sol, en déterminant les autorités en charge des contrôles ainsi que la procédure suivie et en étendant ces contrôles aux autres membres d’équipage ou aux personnes concourant à la conduite d’aéronefs ;
2° Instituer un régime de sanctions applicables aux personnes assujetties aux tests imposés par le 1° du présent I lorsqu’elles refusent de s’y soumettre ou de coopérer à leur réalisation et lorsque, à l’issue de ces tests, elles sont identifiées comme étant sous l’influence de l’alcool ou d’autres substances ou plantes classées comme stupéfiants et adapter les dispositions du code pénal sanctionnant le non-respect des taux maximaux d’alcoolémie autorisés ou l’interdiction d’usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants pour tenir compte de la particulière gravité de ces infractions de la part de membres de l’équipage d’aéronefs ou de personnes concourant à leur conduite ;
3° Adapter, en tant que de besoin, les dispositions à prendre sur le fondement des 1° et 2° du même I aux caractéristiques et aux contraintes particulières des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre-et-Miquelon, y compris en considération de leur statut au sein de l’Union européenne ainsi que les étendre et les adapter en tant que de besoin et, en tant qu’elles relèvent des compétences de l’État, à Wallis-et-Futuna, à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie, y compris en considération de leur statut au sein de l’Union européenne.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance prévue au présent article.