M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Vous avez raison d’un point de vue factuel, madame la sénatrice. Le rapport Bayrou le montre bien : dans notre pays, la natalité a baissé de 8 % de 2008 à 2018. D’après les derniers chiffres, présentés en 2020, elle est actuellement établie à 1,83 enfant par femme.
La baisse de la natalité n’est pas propre à la France. Nous commettrions collectivement une erreur en considérant qu’il s’agit là principalement d’un problème de politique nationale.
Depuis dix ans, la natalité se dégrade dans tous les pays d’Europe, ainsi qu’aux États-Unis, comme plus globalement dans l’ensemble du monde occidental. Par exemple, le Royaume-Uni a subi une baisse de natalité de 17 %.
Selon une enquête menée par la direction de la recherche, des études de l’évaluation et des statistiques (Drees), la première cause d’inquiétude pour les parents potentiels est de loin le logement. La deuxième cause est la capacité à concilier une vie familiale et une vie professionnelle. Comme troisième cause, moins de 11 % des répondants évoquent les problématiques liées au coût de l’enfant et seuls 6 % font part de leur préoccupation quant aux politiques de soutien à la natalité.
La politique familiale n’est pas inutile : nous la soutenons, bien au contraire ; elle relève de la compétence de mon ministère et j’y travaille avec Adrien Taquet d’arrache-pied.
Certes, quelques réformes ont semé le trouble, mais je ne pense pas que l’on puisse considérer que le problème concerne uniquement la France. Bien qu’elle soit insuffisante, la natalité française est la plus importante d’Europe.
Le 1er juillet prochain, vous pourrez célébrer avec nous le doublement du congé de paternité : c’est un élément essentiel d’équilibre professionnel dans le couple.
Ce matin, en conseil des ministres, Adrien Taquet et moi-même avons présenté une ordonnance déployant de nouveaux modes de garde et d’accueil des enfants de moins de 3 ans. Cette mesure, particulièrement attendue, a nécessité plus de deux ans et demi de travail.
Nous réfléchissons aussi à moderniser le congé parental… Tout ce qui garantira l’emploi des jeunes femmes, peu importe leur âge et le nombre d’enfants qu’elles ont eus, et le regard que la société porte sur les jeunes parents sera de nature à relever le taux de natalité.
La natalité avait déjà baissé en France : elle est tombée à 1,66 enfant par femme en 1996, avant de remonter à 2,02 enfants par femme en 2010. Nous arriverons à la redresser de nouveau ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
difficultés d’accès à certains médicaments pour traiter le cancer du sein
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. Ma question, à laquelle j’associe notre collègue Catherine Deroche, s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
En décembre 2020, un médicament innovant, le Trodelvy, est devenu accessible en France pour les femmes atteintes d’un cancer du sein « triple négatif » métastatique. Ce médicament a obtenu une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative : c’était une excellente nouvelle pour les patientes.
Mais, en février 2021, une production insuffisante prive plusieurs femmes de ce traitement innovant. L’autorisation temporaire d’utilisation nominative est retirée : c’est l’incompréhension.
Nous sommes en mai, toujours plongés dans une situation de crise sanitaire : les diagnostics sont retardés, les opérations repoussées…
Monsieur le ministre, où en est la production de ce médicament tant attendu par plusieurs milliers de femmes ?
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) s’est-elle assurée, avant de délivrer l’autorisation temporaire d’utilisation nominative, que le laboratoire était en mesure de produire en quantité suffisante ce médicament ?
Selon vos informations, ce laboratoire fait-il un choix délibéré en ne concentrant pas ses efforts sur la production de ce médicament en quantité suffisante ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie d’avoir posé cette question très importante, madame la sénatrice Corinne Imbert. Vous parlez du cancer du sein « triple négatif », celui qui ne présente pas les marqueurs hormonaux classiques. En France, il représente 15 % des cas de cancers du sein et touche 9 000 femmes chaque année.
Ce cancer était en déshérence sur le plan thérapeutique, mais le Trodelvy, nouveau traitement complexe et très innovant, offre beaucoup d’espoir aux patientes ; la communauté scientifique est unanime sur la question.
Ce traitement a été mis au point par une petite société américaine, depuis rachetée par le grand laboratoire Gilead – il avait déjà fait l’acquisition de start-up et de produits médicamenteux.
Le coût du médicament n’est pas en cause, madame la sénatrice. Le problème, c’est que Gilead, après le rachat du médicament, s’est trouvé chargé de le produire et de fournir ainsi un marché immense. Or la logique de production est très complexe, il faut au moins une année avant de fonctionner à plein.
Ce n’est qu’après avoir déposé une demande d’autorisation européenne de mise sur le marché, en mars 2021, que le fabricant a lancé la production. C’était il y a quelques semaines…
Je suis d’accord, madame la sénatrice : nous ne disposons pas d’assez de traitements par rapport au nombre de patientes à traiter – une soixantaine de femmes uniquement ont bénéficié du médicament à date.
Mais je vous ferais observer que seules les patientes françaises se sont vu administrer ce traitement en Europe. Aucun autre pays n’a été capable de l’acquérir, faute de capacités de production suffisantes. La France a été le seul pays d’Europe à commander de nouveau le médicament, pour augmenter dès le mois de juin le nombre de traitements offerts.
Le groupe Gilead s’est engagé à fournir toutes les quantités suffisantes lors de la délivrance de l’autorisation européenne de mise sur le marché, attendue en décembre 2021. D’ici là, nous ferons le maximum pour accroître le stock de Trodelvy.
J’insiste : nous sommes les seuls en Europe à bénéficier du médicament. Ce n’est pas suffisant, mais c’est un début. Nous voulons soigner les Françaises qui attendent ce traitement avec une impatience toute légitime, croyez en notre détermination !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je ne doute pas de votre sincérité, mais je me permets toutefois d’insister sur l’urgence.
Même si je me réjouis que la France soit le seul pays européen à bénéficier de ce traitement, vous imaginez bien le désespoir des femmes concernées, après avoir conçu de grands espoirs : cette attente est insupportable ! Il est essentiel d’acquérir ce médicament en quantité suffisante pour pouvoir les traiter enfin.
Cela renvoie clairement à la question de l’équité de l’accès aux traitements innovants. Je demande donc au Gouvernement de négocier l’acquisition du traitement, d’imposer une autorisation temporaire d’utilisation nominative et de continuer à lutter contre les ruptures de stocks de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 26 mai 2021 à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. La séance est reprise.
3
Mises au point au sujet de votes
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, lors du scrutin n° 121, portant sur l’article 1er du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, sans doute à la suite d’une mauvaise manipulation de ma part, j’ai été considéré comme m’étant abstenu, alors que je souhaitais voter contre.
Je tiens à rester cohérent avec les positions que j’ai toujours exprimées dans cet hémicycle !
Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Madame la présidente, lors du scrutin n° 123, portant sur l’ensemble du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, ma collègue Sophie Taillé-Polian souhaitait voter contre.
Mme le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la présidente, lors du scrutin n° 119 du 17 mai dernier, portant sur l’ensemble du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, je souhaitais voter contre.
Mme le président. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Madame la présidente, lors des scrutins nos 121 et 123, portant sur le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, ma collègue Annick Petrus souhaitait voter contre.
Mme le président. Acte vous est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.
4
Transports, environnement, économie et finances
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances (projet n° 535, texte de la commission n° 587, rapport n° 586, avis nos 567 et 569).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, notre droit national s’enrichit régulièrement de dispositions décidées conjointement avec les autres États membres de l’Union européenne. Créer un cadre unifié sur de nombreux sujets en Europe permet de mieux protéger et d’accompagner les industries, les opérateurs et les citoyens de l’Union européenne grâce à une meilleure visibilité.
C’est tout l’enjeu du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances (Ddadue) dont s’engage à cet instant l’examen. Il contient quarante-huit articles qui permettront, globalement, la transposition de douze directives. Au 1er janvier 2022, au moment de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, nous ne présenterons plus de déficit de transposition.
Certaines mesures sont de portée générale et dans la continuité des règlements passés, d’autres permettent de sanctuariser de réelles avancées, certaines d’entre elles étant défendues depuis 2017 par le Gouvernement et sa majorité. Permettez-moi ainsi de m’arrêter plus spécifiquement sur ces dernières.
Dans le secteur des transports, de nombreuses avancées ont été réalisées, afin d’accompagner l’innovation et d’assurer une meilleure protection des acteurs, qu’ils soient routiers, personnels navigants ou marins, avec une meilleure régulation de ces filières. Ce sont des priorités.
Le Président de la République affiche clairement cette ambition depuis 2017 et, après la loi d’orientation des mobilités (LOM), ce projet de loi nous permet de transposer le fruit de ces premiers combats engagés depuis quatre ans.
Ainsi, le renforcement du cadre social pour le transport routier est l’une des avancées majeures de ce texte. Les articles 22 et 23 transposent ainsi l’une des trois parties du paquet mobilité, qui a été adopté l’année dernière par le Parlement européen.
Ces mesures sont très attendues, par les transporteurs comme par les élus. Les implications seront très concrètes.
Je pense à l’interdiction de la rémunération des conducteurs routiers en fonction de la rapidité de la livraison. Elle sera plutôt permise en fonction de la distance parcourue, ce qui rejoint par ailleurs certaines des réflexions de la mission d’information de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur le sujet.
Je pense aussi à l’amélioration des conditions de travail des conducteurs, avec de nouvelles sanctions pour les entreprises qui ne respecteraient pas le droit au retour des conducteurs dans le pays d’établissement ou à leur domicile et le durcissement des sanctions en cas de non-respect des conditions de repos.
Je pense encore au renforcement de la lutte contre la concurrence déloyale dans le transport routier de marchandises pour limiter le cabotage systématique par les transporteurs étrangers. Il sera en effet nécessaire de respecter une période de carence de quatre jours entre deux périodes de cabotage.
Le secteur maritime est aussi concerné – c’est l’objet des articles 16 à 21 –, avec des évolutions dans la formation, le temps de travail et la prise en compte des périodes d’activité partielle pour les droits à pension des marins. Cette mesure est par exemple essentielle à la signature d’accords relatifs à l’activité partielle de longue durée (APLD) dans le secteur.
Ce texte permettra également plusieurs avancées techniques et innovantes pour les transports.
C’est l’enjeu de la refondation de la réglementation sur le service européen de télépéage. Ce dispositif doit permettre de fluidifier le trafic, d’améliorer l’interopérabilité technique des dispositifs de télépéage européens et de renforcer la lutte contre la fraude en facilitant l’échange transfrontalier d’informations sur les véhicules et les propriétaires fraudeurs.
L’Europe et la France doivent aussi être à la pointe de l’innovation. C’est l’objectif d’une meilleure régulation de la teneur en soufre dans les combustibles marins à l’article 16, essentielle pour la transition écologique du secteur. C’est aussi la visée d’un développement contrôlé des activités aériennes, avec l’introduction d’un régime de déclaration, concernant notamment les opérations de drones.
Je mentionne également quelques enjeux territoriaux, en particulier liés au secteur aérien et au Brexit, qui seront réglés grâce à ce texte.
À l’article 6, l’achèvement de la transposition de la directive sur les redevances aéroportuaires vous est proposé, ainsi que le maintien de la compétence de l’Autorité de régulation des transports (ART) sur les principaux aéroports de notre pays, pour lesquels la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte, avait confié la compétence d’homologation des tarifs à cette dernière, malgré la baisse de leur trafic en 2020. Je sais que le Sénat y est attaché et cela a fait l’objet de nombreuses questions et amendements que nous évoquerons tout à l’heure.
Il s’agira également de prévoir l’extension possible des délégations de service public pour des lignes aériennes reliant la France à un autre pays européen. C’est l’objet de l’article 7.
En matière de sûreté aérienne, un régime approprié de sanctions pénales en cas d’intrusion en zone « côté piste » d’un aérodrome afin d’assurer le respect de la réglementation européenne est aussi proposé à l’article 10.
Enfin, le cas particulier de plusieurs aménagements liés au Brexit aux abords du tunnel sous la Manche sera régularisé à l’article 24.
Outre les adaptations au droit européen en matière de transport, ce texte comporte également des mesures visant à renforcer la solidité de notre droit environnemental.
Sans être exhaustive, je cite l’article 25, qui met en conformité notre régime de sanctions applicables aux violations des règles européennes en matière de mercure. L’article 26 fait de même pour les fluides frigorigènes.
L’article 28 présente une importance particulière. Il traduit des mesures relatives au devoir de vigilance des importateurs de métaux et minerais, afin de lutter contre l’importation de substances qui ont financé des conflits armés ou des atteintes aux droits humains.
Les articles 29 et 30 toilettent notre droit en matière de droit de l’eau.
L’article 31, quant à lui, permet de transposer complètement la directive Habitats pour la partie qui porte sur le suivi des captures et mises à mort accidentelles de certaines espèces protégées.
L’article 32, qui est très important à mes yeux, met en adéquation le droit français avec le droit européen pour ce qui concerne l’information environnementale.
Enfin, dernière partie, ce projet de loi prévoit des dispositions relatives à la directive Solvabilité II, ainsi que des dispositions relatives au secteur financier et à la protection des consommateurs en matière financière.
Ce projet de loi prévoit donc la transposition de dispositions particulièrement importantes sur lesquelles le Gouvernement s’est engagé. Il permet notamment de renforcer notre droit et nos exigences sur des thématiques qui seront au cœur de la prochaine présidence française du Conseil de l’Union européenne, comme le volet social dans le secteur des transports.
Sur ces sujets, nous poursuivrons le travail avec le Sénat. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, la présidence de l’Union européenne s’appuie toujours sur une association forte du Parlement. Nous n’y dérogerons pas !
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Cyril Pellevat, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous présenter, aux côtés de mes collègues François Bonneau et Hervé Maurey, rapporteurs pour avis, le texte élaboré par la commission sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances.
Compte tenu de la diversité des sujets abordés, trois commissions ont été saisies de ce texte, chacune apportant son expertise et sa complémentarité dans ses domaines de compétence respectifs. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a ainsi examiné trente et un articles, un article ayant été délégué à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et dix articles ayant été confiés à la commission des finances.
Les articles examinés par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable portent sur trois domaines : les transports – aérien, routier et maritime –, la prévention des risques et la protection de l’environnement.
Dresser un panorama complet du projet de loi qui nous est soumis n’est pas chose facile, tant les sujets abordés sont techniques, spécifiques et nombreux. Dans les interstices de cette complexité, nous avons décelé des sujets de fond aux implications très concrètes pour certains acteurs de terrain, comme les personnels navigants aériens ou les gens de mer, que nous aurons l’occasion d’évoquer plus en détail.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous propose une présentation globale des chapitres qui concernent la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en m’arrêtant sur les points les plus saillants. J’identifie trois axes forts, qui ont orienté les travaux de cette commission.
Tout d’abord – et c’est le premier axe –, ce texte vise à préparer la présidence de la France au Conseil de l’Union européenne, qui débutera au premier semestre 2022. Durant six mois, notre pays sera au tout premier plan de la scène européenne. Il s’agit de lui permettre d’assumer ses responsabilités avec cohérence et exemplarité.
Il y a bien longtemps, au début des années 2000, notre pays était l’une des lanternes rouges de la transposition du droit européen, avec 176 directives en retard d’intégration. Nos collègues de la commission des affaires européennes, anciennement délégation aux affaires européennes avant la réforme constitutionnelle de 2008, au sein de laquelle j’exerce les fonctions de vice-président, expliquaient ce phénomène de la façon suivante : le Gouvernement et l’administration allaient parfois négocier à Bruxelles des directives, puis semblaient, dans certains cas, se dérober face aux mécontentements qu’ils auraient dû affronter au moment de leur transposition en droit interne.
La situation a bien changé, vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État. La France est désormais parmi les champions d’Europe de la transposition, si vous me permettez cette expression. Je me réjouis de cette évolution, dans laquelle je souhaite que s’inscrive le projet de loi qui nous est soumis. C’est la raison pour laquelle notre commission a souhaité modifier ce texte pour garantir un respect encore plus rigoureux de nos obligations européennes.
Ainsi, à l’article 16, qui vise à mieux encadrer la teneur en soufre des combustibles marins, la commission a adopté un amendement visant à préciser explicitement que les navires qui fonctionnent en système ouvert et qui rejettent du soufre dans la mer doivent respecter le plafond de teneur en soufre maximale de 3,5 %, comme l’exige la directive européenne.
À l’article 20, qui porte sur le travail des jeunes à bord des navires, la commission a comblé une importante lacune de transposition. Le droit européen prévoit en effet que ces jeunes ont droit à un temps de pause quotidien. Le droit français prévoyait cette garantie, qui a été abrogée par erreur, par voie d’ordonnance, en 2010. À l’unanimité, la commission a décidé de réintroduire ce temps de pause dans notre droit.
Cet exemple démontre, une fois de plus, que le recours aux ordonnances s’accompagne bien souvent d’une moindre qualité normative. Le constat est d’autant plus alarmant que l’article 20 vise aussi à revenir sur une ordonnance ayant modifié, au mois de septembre dernier, le cadre juridique de la période de travail de nuit à bord des navires d’une manière non conforme à la directive européenne. Or on ne peut laisser subsister instabilité et incertitudes juridiques ni contourner le Parlement dans un domaine aussi sensible que les conditions de travail de mineurs.
Voilà qui plaide une fois de plus, mes chers collègues, pour un examen vigilant des demandes d’habilitation qui nous sont adressées par le Gouvernement.
Ensuite – et c’est le deuxième axe –, plusieurs articles visent à atténuer les effets de la crise sanitaire et du Brexit. J’en citerai deux.
D’une part, l’article 19 a pour objet de permettre le maintien de la possibilité pour les ferries qui naviguent entre la France et le Royaume-Uni d’exploiter des casinos en dépit du Brexit. Depuis la loi pour l’économie bleue de 2016, il est possible d’exploiter des casinos flottants sur les lignes intracommunautaires. Cette mesure, introduite par un amendement adopté dans cet hémicycle, visait à renforcer la compétitivité de la flotte française face à la concurrence étrangère, notamment britannique. Les machines à sous sont essentielles à l’équilibre financier des compagnies de ferries françaises, actuellement frappées de plein fouet par la crise et le Brexit. Je vous propose le maintien de cette mesure qui s’inscrit dans la continuité de la position qui était la nôtre lors de son introduction en 2016.
D’autre part, l’article 21 concerne l’impact de la crise sanitaire pour les marins. Depuis le mois de mars 2020, près de 8 000 marins ont été placés en activité partielle dans notre pays. Cet article soumet les périodes d’activité partielle effectuées par des marins au versement de cotisations vieillesse, afin d’atténuer les effets de la crise sur le montant de leur retraite. C’est une avancée sociale que je tiens à saluer. Toutefois, madame la secrétaire d’État, je regrette vivement que vous n’appliquiez ce dispositif qu’à compter du 1er mai 2021 au lieu de prendre en compte la crise sanitaire dans son entièreté.
Nos marins affrontent actuellement une situation générale très difficile avec un courage exceptionnel. Au cours des auditions, des gens de mer m’ont fait part de la situation de certains de leurs collègues qui devront retarder leur départ à la retraite afin que le montant de leur pension ne soit pas affecté.
Cette situation me préoccupe et j’aurais déposé un amendement sur ce point si l’article 40 de la Constitution me l’avait permis. Il n’est pas souhaitable que certains marins, déjà fortement éprouvés par le contexte actuel, se retrouvent à devoir travailler plus longtemps pour compenser les effets de la crise, situation qu’ils n’ont pas choisie. D’après les informations que j’ai pu recueillir, quelques dizaines de personnes tout au plus seraient concernées.
Madame la secrétaire d’État, avec nombre de mes collègues de la commission de l’aménagement du territoire, je vous appelle à aller au bout de votre démarche afin de neutraliser totalement les effets de la crise sur ces marins.
Comme je vous l’ai indiqué, notre commission a gardé à l’esprit le contexte de crise tout au long de ses travaux, en veillant à protéger plus efficacement certains acteurs particulièrement fragilisés.
Ainsi, s’agissant du volet aérien du projet de loi, les personnels dont nous avons rencontré les représentants s’inquiètent des conditions de mise en œuvre du nouveau dispositif de tests, portant non pas sur l’alcool ou les stupéfiants, mais sur des substances psychoactives parfois prescrites par un médecin. Quid du secret médical et de la vie privée ? Quid également des « faux positifs » dont la pandémie a rappelé l’existence ?
Nous proposons d’approuver l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ce sujet compte tenu des garanties offertes par le dispositif, mais nous soulignons la nécessité de respecter le secret médical et d’agir avec tact, surtout et y compris dans la période dramatique que traverse aujourd’hui le secteur aérien.
En revanche, les personnels navigants sont rassurés par le renforcement des sanctions prévues pour les passagers indisciplinés, dits PAXI dans la langue des conventions internationales. Le décuplement des incidents en vingt ans relevé dans les statistiques correspond malheureusement à une réalité de terrain ; les incivilités et les violences doivent cesser.
Enfin – et c’est le troisième axe de nos travaux –, je vois dans ce texte un prélude aux débats que nous aurons dans les prochaines semaines lors de l’examen du projet de loi Climat et résilience. En effet, il comprend sept articles relatifs à l’environnement et à la prévention des risques. J’en citerai deux.
L’article 26 vise à garantir le respect du système de quotas conçu par l’Union européenne pour réduire la circulation de fluides frigorigènes, ces substances que nous retrouvons quotidiennement dans nos réfrigérateurs ou systèmes de climatisation et qui ont un pouvoir de réchauffement climatique entre 1 000 et 15 000 fois plus puissant que le CO2.
À l’article 16, que j’ai déjà cité, qui concerne la teneur en soufre des combustibles marins, nous avons adopté un amendement visant à préciser que les méthodes mises en œuvre sur certains navires afin de réduire les émissions de soufre ne peuvent avoir d’incidence négative sur l’environnement.
Notre objectif est de lutter plus efficacement contre les scrubbers, ces systèmes d’épuration qui permettent à certains navires de filtrer les polluants au niveau des cheminées afin de respecter les normes de pollution de l’air, pour ensuite les rejeter à la mer. Ces scrubbers sont un véritable fléau pour les écosystèmes marins. Selon l’Agence européenne pour la sécurité maritime, ils seraient responsables de 78 % des rejets en mer.
Telles sont les trois logiques qui ont irrigué nos travaux : assurer l’exemplarité de la France sur la scène européenne, atténuer les effets de la crise, renforcer la protection de l’environnement.
J’ajouterai un dernier point : notre commission a souhaité garantir une meilleure transparence économique du secteur aéroportuaire. Elle a donc adopté un amendement permettant de conforter les pouvoirs de l’Autorité de régulation des transports, en prévoyant un pouvoir de collecte des informations dans le domaine aérien analogue à ce qui existe pour le transport ferroviaire.
Mes chers collègues, avant de conclure, je souhaite mentionner le groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat, qui a récemment rendu ses conclusions. Le groupe de travail a dressé le constat de la hausse massive du recours aux ordonnances et appelé à une réappropriation, par le Parlement, de ses prérogatives en matière de ratification.
Notre commission a ainsi voulu saisir l’occasion offerte par ce texte pour montrer l’exemple, en introduisant un article 24 bis proposant la ratification de six ordonnances prises sur le fondement de la LOM en 2020 et 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)