M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons, sans vouloir être redondante, j’émets un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Bilhac, Requier et Guérini, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 13
Après le mot :
régionaux
insérer les mots :
ou territoriaux
La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Cet amendement vise tout simplement à ajouter les mots « ou territoriaux » après le mot « régionaux », par coordination avec celui que je présenterai à l’article 4, pour ouvrir le bénéfice du livret de développement des territoires non pas seulement à la région, mais aussi à toutes les collectivités territoriales et intercommunalités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur. N’étant pas favorable à la création des fonds souverains pour les régions, tels que le texte les prévoit, je ne peux pas donner un avis favorable à un amendement qui vise à étendre le dispositif à l’ensemble des collectivités territoriales.
En outre, la mise en œuvre d’une telle mesure me paraît difficile, car il faut disposer d’une certaine surface financière et de certaines capacités pour mener des politiques avec des outils de ce type, si tant est que le texte prévoie véritablement un fonds souverain, ce dont je doute.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Sur le fond, comme plusieurs d’entre vous l’ont mentionné dans la discussion générale, la ressource émanant du livret de développement territorial est moins compétitive que les ressources bancaires pour financer les collectivités territoriales.
Par ailleurs, sur le plan technique, comme l’a dit le rapporteur, un tel mécanisme devrait être organisé afin que les droits de tirage donnés à l’ensemble des collectivités locales soient bien coordonnés. Cette organisation reviendrait, en réalité, à recréer en quelque sorte une banque des territoires qui organiserait et instruirait les prêts consentis à chacune des collectivités territoriales.
Or la banque des territoires existe déjà. Elle assure les besoins de financement des collectivités qui ne sont pas couverts par les financements bancaires de marché.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Burgoa, Canevet et Hingray, Mme F. Gerbaud, MM. Guerriau, Chasseing et A. Marc, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Menonville, Haye et Decool et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :
Alinéa 12, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
lorsque le retrait intervient sur un dépôt effectué depuis au moins trois ans
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement a pour objet de soumettre aux prélèvements sociaux et à l’impôt sur le revenu les intérêts produits par un livret de développement des territoires en cas de retrait de sommes d’argent intervenu moins de trois ans après leur dépôt sur un compte. Il vise à sécuriser le dispositif, puisqu’il incite les épargnants à ne pas privilégier la liquidité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement, non pas tant en raison de son objet que parce que nous sommes contre la création des fonds souverains régionaux.
Par cohérence, la commission émettra également un avis défavorable sur les amendements à venir.
M. le président. Avant de vous céder la parole, madame la secrétaire d’État, je vous signale, mes chers collègues, et ce afin que vous vous y prépariez, que je suis saisi d’une demande de scrutin public par le groupe Les Républicains sur l’article 1er.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 114 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 198 |
Pour l’adoption | 28 |
Contre | 170 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, auteur de la proposition de loi.
Mme Vanina Paoli-Gagin, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, au vu de l’heure, mais surtout parce que le rejet de l’article 1er a pour effet de vider l’ensemble du texte de sa substance, je demande naturellement le retrait de cette proposition de loi de l’ordre du jour de notre assemblée.
Je veux néanmoins remercier les membres de la commission des finances, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d’État, ainsi que l’ensemble des collègues présents d’avoir « salué » cette initiative qui, je l’ai compris, ne leur convient pas techniquement.
Nous allons bien sûr remettre l’ouvrage sur le métier et tenter d’apporter certaines précisions d’ordre sémantique, puisque la subtile confusion entre les diverses acceptions du mot « fonds », avec ou sans majuscule, qui désigne à la fois des ressources et des véhicules d’investissement, n’a pas été totalement dissipée.
J’espère que nous pourrons travailler ensemble à proposer, au moment de l’examen du projet de loi de finances ou de tout autre texte, un nouveau dispositif qui pourra séduire le plus grand nombre, à la fois techniquement et politiquement. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier pour la qualité de nos échanges, malgré nos divergences sur les moyens à mettre en œuvre. Je souhaiterais également saluer le travail de Mme Paoli-Gagin, ainsi que l’esprit de responsabilité dont elle vient de faire preuve en prenant la parole à l’instant.
Je veux lui confirmer l’engagement du Gouvernement, ainsi que sa disponibilité, faut-il le rappeler, pour poursuivre le dialogue en vue d’orienter l’épargne des Français de manière productive. Nous divergeons certes – je viens de le dire – sur les moyens, mais nous ne divergeons absolument pas sur cette ambition.
En tant que secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, je tiens à vous assurer de l’engagement de Bercy pour atteindre cet objectif que nous partageons.
Je salue enfin l’esprit de responsabilité collective qui a prévalu ce matin. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle les termes de l’article 26 du règlement du Sénat : « L’auteur d’une proposition de loi ou de résolution peut toujours la retirer, même quand la discussion est ouverte. »
La proposition de loi visant à orienter l’épargne des Français vers des fonds souverains régionaux est donc retirée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures huit, est reprise à douze heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Retour à l’emploi des bénéficiaires du RSA
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, la discussion de la proposition de loi d’expérimentation visant à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), présentée par M. Claude Malhuret et plusieurs de ses collègues (proposition n° 34 rectifié, texte de la commission n° 518, rapport n° 517).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Malhuret, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Claude Malhuret, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la pauvreté est un enchaînement de privations matérielles et financières, de mécanismes d’exclusion accidentels ou conjoncturels, qui conduisent beaucoup de nos concitoyens à vivre sur le fil du rasoir avec seulement quelques heures de travail ou, parfois, sans travail du tout.
La crise sanitaire à laquelle nous sommes confrontés depuis plus d’un an maintenant rend plus critiques encore toutes les inégalités : inégalités en termes de santé, de logement, d’alimentation et de travail. Nous constatons quotidiennement la précarisation d’une partie des Français.
À cette précarité, il n’existe pas d’antidote, et aucun vaccin ne pourra mettre un terme. Mais, chaque jour, des initiatives sont prises par des collectivités locales, des entreprises, des associations à la recherche de solutions et d’idées nouvelles pour permettre aux millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté de retrouver le chemin de l’espoir.
Cet espoir, pour beaucoup, se résume en trois mots : retrouver du travail.
La situation financière d’un quart des Français s’est dégradée : environ 2 millions de personnes sont désormais allocataires du RSA. Plus que jamais, la société et les acteurs qui la composent proposent des solutions pragmatiques pour aider des milliers de personnes à retrouver rapidement un travail.
Le texte que je vous propose s’inscrit dans cet état d’esprit. Il résulte d’une initiative du département de l’Allier, qui souhaite mettre en œuvre ce dispositif, et est soutenu par plusieurs conseils départementaux. Une enquête réalisée auprès des entreprises de l’Allier par les services du département a suscité un grand nombre de réponses positives de chefs d’entreprise favorables à son expérimentation.
La situation que nous vivons est paradoxale : d’un côté, nous observons une hausse du nombre de bénéficiaires du RSA ; de l’autre, les entreprises locales ont de grandes difficultés à recruter. Nous souhaitons favoriser les rencontres entre les mondes économique et social, en privilégiant l’insertion par le travail, notamment dans le réseau existant des TPE et PME.
Cette approche n’est en aucun cas opposée à celle des dispositifs d’insertion par l’activité économique au sein d’entreprises sociales et solidaires, adaptées aux personnes les plus éloignées de l’emploi. Elle est au contraire tout à fait complémentaire.
Actuellement, une personne sans emploi qui arrive en fin de droits et perd son allocation chômage perçoit le RSA. Elle bénéficie aussi des aides personnalisées au logement (APL) et d’un ensemble de droits connexes, tels que la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), l’accès à des tarifs sociaux pour l’électricité, la cantine scolaire ou les transports. Lorsque cette même personne retrouve un travail, elle perd très rapidement une grande partie, voire la totalité du RSA au profit de son nouveau salaire et de la prime d’activité, soit 200 euros par mois en moyenne.
La perte des minima sociaux et des droits connexes n’est compensée qu’en partie, notamment pour les contrats à temps partiel, par la prime d’activité. Avec le dispositif que je vous propose, cette même personne pourra conserver son RSA la première année au cours de laquelle elle reprendra une activité dans la limite d’un plafond fixé par décret, afin que le gain lié au travail soit sans ambiguïté.
Prolonger le versement du RSA permettra également à son bénéficiaire de continuer à disposer d’un accompagnement social et de possibilités de formation. À la sortie du dispositif, après un an de reprise à temps partiel, celui-ci pourra poursuivre son parcours d’insertion avec un contrat à temps plein dans le cadre d’un parcours emploi compétences (PEC), notamment en percevant la prime d’activité versée par l’État.
L’Allemagne, le Portugal, le Luxembourg ont fait le choix de réviser annuellement les droits aux minima sociaux. Dans le paysage européen, seules l’Estonie et la Lituanie, au côté de la France, actualisent ces droits tous les trois mois. Ce que nous proposons est donc déjà mis en place dans de nombreux pays européens et semble faire la preuve de son efficacité.
On n’enlève pas une béquille à une personne longtemps immobilisée qui vient tout juste de se remettre à marcher. Mieux vaut lui laisser la possibilité de s’en servir jusqu’à ce que sa démarche plus assurée lui permette de se mouvoir librement, sans cette aide. Le principe de cette expérimentation est le même.
Le dispositif proposé a le mérite d’être simple et lisible : il encourage sans ambiguïté la reprise d’activité à temps partiel de travailleurs demeurés longtemps sans emploi.
J’ai bien conscience que de nombreuses initiatives ont été menées en matière d’insertion, et je ne prétends pas avoir la science infuse ou détenir le remède miracle. C’est la raison pour laquelle je ne vous propose pas une solution clé en main, applicable d’emblée à l’ensemble de notre pays, mais une expérimentation locale qui fera l’objet d’un bilan rigoureux. Nous pourrons ainsi décider, en toute objectivité, s’il convient de généraliser cette expérimentation ou de chercher d’autres solutions.
Aux côtés des services de l’État et des associations, les départements et les entreprises sont des acteurs essentiels de la lutte contre l’exclusion. Grâce aux efforts conjugués de chacun, nous pouvons aider des milliers de personnes vivant bien en deçà du seuil de pauvreté à retrouver un travail, à acquérir de nouveaux savoir-faire et savoir-être, et à bâtir pour elles-mêmes et pour leurs familles un nouvel avenir.
Pour faciliter les initiatives des départements volontaires et, surtout, dans l’intérêt des personnes qui pourraient en bénéficier et voir leurs conditions de vie s’améliorer de manière durable, leur dignité retrouvée par le travail, je vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. Daniel Chasseing, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par le président Claude Malhuret vise à mettre en œuvre, à titre expérimental, un dispositif d’incitation au retour à l’emploi ciblé sur les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), afin de favoriser leur insertion sur le marché du travail.
Inspirée d’une initiative du département de l’Allier, ce texte part du constat que, d’un côté, les entreprises peinent à recruter quand, de l’autre, de nombreux chômeurs ne trouvent pas d’emploi, en particulier les bénéficiaires de minima sociaux, qui ne parviennent pas à reprendre une activité en raison d’un ensemble de freins monétaires et non monétaires. Pour ces personnes, qui ont parfois été sans activité pendant de nombreuses années, la reprise d’un emploi à temps plein peut se révéler très problématique.
Depuis une quinzaine d’années, des efforts importants ont pourtant été réalisés pour « activer » le système français des prestations sociales, de manière à éliminer les « désincitations » à l’emploi. Je pense à la création du RSA au 1er juin 2009, à celle de la prime d’activité en 2016 et à sa revalorisation en 2019.
Toutefois, l’objectif incitatif de ces réformes n’a pas été totalement atteint. Les bénéficiaires du RSA sont très majoritairement sans emploi. De plus, 76 % d’entre eux ont plus d’un an d’ancienneté en tant qu’allocataires, et une grande majorité le restent d’une année sur l’autre. Plus leur ancienneté comme bénéficiaires de minima sociaux est importante, moins ils ont de chances d’en sortir. Les passages du RSA à la prime d’activité restent de fait très minoritaires.
Dans la période de crise qui s’est ouverte, cette population d’allocataires de longue durée risque de s’accroître, et son éloignement de l’emploi de s’aggraver.
Dans ce contexte, le dispositif expérimental proposé vise à mieux soutenir la transition des allocataires du RSA vers l’emploi, afin de leur donner les moyens de franchir la distance qui les sépare de l’emploi durable.
L’article 1er prévoit la mise en place pour une durée de quatre ans, dans des départements volontaires, d’une expérimentation permettant à des allocataires du RSA d’être embauchés par des entreprises, tout en conservant le bénéfice de leur allocation pendant une durée d’un an, dans la limite d’un plafond fixé par décret. Le texte déposé prévoyait que le maintien en tout ou partie du RSA pourrait se cumuler avec la prime d’activité.
Le coût du dispositif pour le département ferait l’objet d’une compensation financière par l’État dans les conditions applicables au financement du RSA. En effet, la loi permet déjà à un département de décider de conditions et de montants plus favorables que le droit commun ; il doit alors en assumer les conséquences financières.
En réponse aux observations exprimées la semaine dernière en commission, l’un des principaux apports de la proposition de loi est bien d’étendre à cette expérimentation le principe de la compensation financière versée par l’État via la dotation globale de fonctionnement (DGF).
L’expérimentation ferait l’objet d’une évaluation, au plus tard un an avant son terme, sur le fondement de bilans établis par les départements expérimentateurs.
Comme la commission l’a relevé, cette nouvelle expérimentation s’inscrirait dans un paysage de dispositifs déjà dense, incluant les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE), les parcours emploi compétences (PEC), ou encore l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».
Il s’agit d’un dispositif complémentaire à la palette des outils existants, qui ne s’adresse du reste pas à tous les publics, mais à des personnes capables d’occuper un emploi dans une entreprise, tout en faisant face à des freins périphériques.
Cette expérimentation s’inscrit dans l’esprit des solutions du type « travail pour tous », fondées sur une activité liée au travail, un accompagnement personnalisé et un complément de revenu transitoire, que soutient l’Assemblée des départements de France (ADF).
Elle présente l’intérêt de permettre à des allocataires souhaitant s’engager dans une démarche de retour à l’activité de bénéficier, au-delà d’un soutien monétaire, de l’accompagnement dû aux allocataires du RSA. Le département de l’Allier prévoit ainsi un accompagnement spécifique de trois mois au démarrage, renouvelable une fois, qui permettra de sécuriser à la fois le salarié et l’employeur et d’éviter les abandons.
L’expérimentation vise tout autant à responsabiliser les entreprises en les incitant, sans leur imposer de contraintes excessives, à être les acteurs de cette démarche d’insertion. De nombreux employeurs du département de l’Allier ont témoigné de leur soutien à ce projet.
La commission des affaires sociales a donc adopté la proposition de loi. Elle l’a cependant modifiée, afin d’en renforcer le dispositif et de lui permettre d’atteindre sa cible et ses objectifs.
La commission a d’abord introduit, en lieu et place de la condition de privation d’emploi, une condition d’ancienneté minimale d’un an en tant qu’allocataire du RSA. Les bénéficiaires devraient en outre être inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi, afin de garantir leur suivi par le service public de l’emploi.
Sur mon initiative, la commission a également prévu la possibilité de déroger à la durée hebdomadaire minimale de travail de droit commun pour un contrat à temps partiel. Cette durée minimale est fixée à vingt-quatre heures par la loi en l’absence de dispositions conventionnelles prévoyant une durée différente.
Conformément au projet initial des promoteurs de l’expérimentation, les bénéficiaires pourraient ainsi être embauchés pendant la première année du contrat pour une durée de quinze heures hebdomadaires au minimum, ce qui peut permettre à des personnes durablement éloignées de l’emploi de se réadapter au monde de l’entreprise.
Cette durée dérogatoire a fait l’objet d’un débat au sein de la commission. Pourtant, une durée de vingt-quatre heures hebdomadaires peut être, dans un premier temps, une marche trop difficile à franchir pour une personne qui n’a pas travaillé depuis plusieurs années. Il est d’ailleurs déjà possible, dans le cadre des contrats d’insertion, de déroger à cette durée.
De plus, afin de limiter les éventuelles distorsions introduites par le dispositif, la commission a prévu que ses bénéficiaires ne pourraient pas percevoir la prime d’activité pendant la période où le RSA continuerait de leur être versé. Ainsi, ils percevraient toujours des ressources plus élevées que s’ils se voyaient appliquer les règles de droit commun, mais l’écart resterait assez important par rapport aux revenus de personnes travaillant à temps plein et percevant la prime d’activité.
Bien entendu, il ne s’agit pas là de permettre à l’État de faire des économies au détriment des départements, puisque le coût du dispositif serait compensé. La commission a également prévu que le maintien du RSA serait garanti par le biais de la non-prise en compte des revenus professionnels perçus dans le cadre d’un CDD d’un an ou d’un CDI, jusqu’à un seuil fixé par décret.
À titre indicatif, ce seuil pourrait être fixé à 800 euros par mois, ce qui correspond approximativement à vingt-trois heures par semaine rémunérées au SMIC. Au-delà, le montant du RSA diminuerait à concurrence de la part de la rémunération dépassant le plafond.
Par ailleurs, la commission a veillé à encadrer le contenu des rapports d’évaluation qui devront être établis, d’une part, par les départements expérimentateurs et, d’autre part, par le Gouvernement, en vue de dresser un bilan de l’expérimentation au regard de ses objectifs initiaux et d’envisager les conditions d’une éventuelle généralisation. La démarche expérimentale n’est en effet pertinente qu’à condition de s’accompagner d’évaluations rigoureuses.
Enfin, la commission a précisé les conditions d’application du dispositif. Elle a fait débuter la période prévue pour l’expérimentation à la date de parution du décret d’application. Elle a par ailleurs confié au ministre chargé de l’action sociale la responsabilité d’établir la liste des départements retenus pour la mener à bien. Plusieurs départements ayant manifesté leur intérêt, il serait d’ailleurs souhaitable que cette liste découle de critères concertés avec les territoires qui en ont pris l’initiative.
Les éléments clés du dispositif, tel qu’il a été amendé par la commission, sont donc la possibilité pour les bénéficiaires de travailler quinze heures par semaine, la non-prise en compte pour le calcul du RSA des revenus perçus dans ce cadre, qui permet le maintien de l’allocation, et la suspension concomitante de la prime d’activité.
Chacun de ces éléments combinés pendant une durée d’un an contribue autant à inciter les bénéficiaires et les employeurs qu’à limiter les distorsions.
Il paraît toutefois possible, comme un amendement de notre collègue Pascale Gruny tend à le prévoir, de limiter à neuf mois la durée du dispositif, car on peut espérer qu’au bout de cette durée les bénéficiaires seront en mesure de travailler au moins vingt-quatre heures par semaine, et de percevoir un revenu plus élevé grâce à la prime d’activité.
Il en va de même d’un amendement de notre collègue René-Paul Savary, adopté par notre commission, qui vise à ce que les allocataires du RSA, sans condition d’ancienneté, puissent profiter de cette expérimentation.
Ce dispositif s’inscrirait ainsi dans la logique du paysage actuel des minima sociaux. Dans le droit actuel, un allocataire reprenant une activité professionnelle cumule intégralement le montant du RSA et une rémunération professionnelle pendant les trois premiers mois, mais ne perçoit pas encore la prime d’activité. Les trois mois suivants, le montant du RSA est réduit à concurrence du niveau de la rémunération de son bénéficiaire.
M. le président. Il faut songer à conclure, monsieur le rapporteur !
M. Daniel Chasseing, rapporteur. En revanche, il perçoit la prime d’activité qui vient compenser une partie de la baisse du RSA.
L’expérimentation décale cette articulation entre le RSA et la prime d’activité dans le temps, afin de prolonger l’accompagnement du bénéficiaire vers l’emploi. C’est pourquoi elle ne peut fonctionner qu’à la condition que cet accompagnement personnalisé soit une réalité.
Il serait intéressant qu’elle puisse fonctionner avec le binôme formé par le travailleur social…
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Daniel Chasseing, rapporteur. … et le conseiller pour l’emploi, qui a été mis en place dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et d’action contre la pauvreté, comme l’a indiqué Olivier Henno.
M. le président. Le débat va se poursuivre tout à l’heure, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)
M. Daniel Chasseing, rapporteur. Tel est le pari de cette proposition de loi que la commission a amendée et que je vous propose aujourd’hui d’adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi dont nous allons débattre porte sur le retour à l’emploi de bénéficiaires du RSA. C’est un sujet majeur, bien sûr, d’autant plus dans le contexte social et économique que nous connaissons.
Nous partageons évidemment la préoccupation des auteurs de ce texte, et je connais la mobilisation des élus en la matière. Je suis, pour ma part, depuis toujours très engagée dans l’insertion sociale et professionnelle, créatrice et fondatrice de trois structures d’insertion – sensible, mais, donc, aussi active.
Monsieur le rapporteur, votre intention est louable, et je la salue. Pour autant, l’expérimentation que vous proposez ne me paraît pas être la réponse adaptée.
M. René-Paul Savary. Oh !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. J’en suis désolée !
D’une part, en effet, la valeur ajoutée de ce texte en matière de cumul RSA-revenu d’activité est limitée – j’y reviendrai – ; d’autre part, cette expérimentation, si elle venait à être pérennisée, conduirait à affaiblir la cohérence du dispositif actuel, qui se fonde sur l’articulation entre le RSA et la prime d’activité. Elle pourrait même avoir des effets contre-productifs pour les bénéficiaires.
Comme vous le savez, les départements ont d’ores et déjà la possibilité de mettre en œuvre des dispositifs permettant le cumul du RSA avec un revenu d’activité. C’est tout l’objet, d’ailleurs, des dispositions prévues par le code de l’action sociale et des familles qui, je le rappelle, permettent au département de définir les conditions de versement du RSA et de fixation de son montant plus avantageuses que celles qui sont fixées par la loi et de créer une prestation sociale supplémentaire pouvant être définie par rapport au RSA.
Plusieurs départements ont ainsi mis en place de tels dispositifs avant la crise sanitaire, et cette tendance s’est renforcée avec celle-ci. C’est le cas, notamment, de la Gironde, de la Dordogne ou encore du Loir-et-Cher, qui ont permis le cumul du RSA et de revenus d’activité, principalement dans le secteur agricole, afin de faire face, par exemple, à la pénurie de main-d’œuvre saisonnière.
Vous le comprendrez, la souplesse qu’accorde le cadre juridique actuel permet la mise en place de mesures qui tiennent compte des réalités, des besoins, des enjeux locaux.
L’expérimentation que vous proposez d’inscrire dans la loi a donc une valeur ajoutée plus limitée, en permettant seulement le financement du cumul par l’État.
Or nous proposons une expérimentation plus ambitieuse dans le cadre du projet de loi 4D, qui sera examiné par le Sénat au mois de juillet, puisqu’elle vise à recentraliser le financement du RSA afin de dégager des marges de manœuvre en matière d’orientation et de recentralisation aux départements expérimentateurs.
Vous proposez en outre qu’il soit possible de déroger à la durée légale minimale de travail pour un contrat à temps partiel, avec le risque de favoriser ce type de contrat précaire sans motif valable.
Au-delà de ces réserves sur ces points, l’effet d’une expérimentation serait, quoi qu’il en soit, éloigné de l’importance qui s’attache à ce sujet. Au contraire, pérennisée, elle pourrait nuire à l’efficacité des dispositifs actuels et avoir des effets contre-productifs.
Comme vous le savez, l’articulation du RSA et de la prime d’activité est pensée afin de garantir un dispositif lisible, incitatif à la reprise de l’activité. Chaque reprise est ainsi synonyme de gain pour les intéressés.
En suspendant l’octroi de la prime d’activité, ce dispositif créerait nécessairement des effets de seuil qui nuiraient à sa cohérence. Les intéressés pourraient n’avoir aucun intérêt financier à augmenter leur volume d’activité, voire perdre à l’issue de l’année.
Enfin, même si cela ne guide pas l’action publique, il ne faut pas négliger le fait que cette expérimentation se traduirait par un accroissement considérable des charges administratives et des coûts de gestion pour les services départementaux, déjà surchargés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sans attendre bien sûr la crise sanitaire, nous avons pris des mesures pour favoriser la reprise d’activité et pour accompagner les plus fragiles vers l’emploi, en lien étroit avec les départements. L’emploi reste le moyen le plus efficace pour prévenir le basculement dans la pauvreté et le meilleur moyen de s’en sortir. C’est le sens de notre engagement en matière d’insertion.
C’est pour cela que nous avons fait le choix de contractualiser avec les départements autour de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, et c’est pour cela que nous avons créé le service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE), qui se déploie depuis le 1er janvier sous l’égide de Brigitte Klinkert.
L’État consacrera aussi 80 millions d’euros à la construction de ce service public. Nous soutenons les territoires qui renforcent la coordination des acteurs de l’insertion et de l’emploi : trente nouveaux territoires expérimentateurs viennent d’être retenus et nous ouvrirons ce soutien à trente-cinq territoires supplémentaires d’ici à 2022.
C’est aussi pour cela que nous avons mis sur la table un plan de relance d’une ampleur historique pour retrouver le rythme des créations d’emplois qui prévalait avant la crise : le renforcement des structures d’insertion par l’activité économique, les parcours emploi compétences ou les « territoires zéro chômeur de longue durée » sont autant de chantiers en cours.
Par ailleurs, laissez-moi rappeler que nous avons revalorisé de 90 euros la prime d’activité, ce qui a eu pour effet d’élargir le public éligible, mais aussi d’améliorer le taux de recours à cette prestation. C’est considérable.
Comme nous n’ignorons pas que notre système de soutien monétaire aux plus précaires souffre de certains défauts, nous avons engagé des travaux ambitieux sur la création d’un revenu universel d’activité (RUA), conformément à l’engagement du Président de la République.
Ces travaux, qui ont été suspendus du fait de la crise sanitaire, seront finalisés avant la remise d’un rapport public d’ici à la fin de l’année. Je ne doute pas que nous aurons encore l’occasion d’en débattre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, le Gouvernement s’est engagé pour développer des parcours susceptibles de jouer pleinement le rôle de tremplin et de transition durable vers l’emploi, pour les plus précaires notamment. Il sait pouvoir compter sur les départements dans cette tâche. Le défi est grand, nous sommes prêts à le relever, et nous devons le relever.