Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bacci. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Bacci. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise sanitaire inédite que nous vivons au quotidien nous rappelle que la souveraineté nationale n’est pas un vain mot, mais qu’elle est l’apanage des grandes nations. Alimentation, filières industrielles et pharmaceutiques… la covid nous a obligés à prendre conscience de nos failles, et le réveil est brutal.
Cette souveraineté passe aussi par l’indépendance énergétique.
Le président Macron s’est finalement décidé, à la fin 2020, à définir une ligne nette sur le nucléaire, qui est l’« avenir énergétique et écologique » de la France et la « pierre angulaire de notre autonomie stratégique ». Or nous savons, pour en avoir maintes fois débattu dans cet hémicycle, que la France risque à court terme le blackout énergétique, faute d’une puissance nucléaire suffisante.
Pour avoir une chance de l’éviter, nous devons renforcer les autres filières, essentiellement celles des énergies renouvelables, pour respecter les accords de Paris.
La France a des atouts dans le déploiement de l’hydroélectricité. Deuxième producteur européen, dixième mondial, notre pays produit plus de 10 % de son électricité totale via l’hydraulique. C’est d’ores et déjà une source d’énergie de premier plan, mais la marge de progression est grande, et ce même à court terme.
La proposition de loi de notre collègue Daniel Gremillet, une fois votée, permettra de lever les verrous majeurs en matière de complexité normative et administrative, de pression fiscale, mais surtout d’absence de lisibilité stratégique.
Je regrette par exemple que, dans le plan de relance, très peu soit fait pour l’hydraulique. Sur 110 milliards d’euros, 11 milliards sont destinés à l’énergie, 36 milliards sont consacrés à l’écologie et seulement 35 millions d’euros sont fléchés vers l’hydroélectricité, et ce pour une seule mission : adapter nos barrages. Avouez que 0,32 % du plan de relance pour un secteur aussi stratégique, c’est plus que léger !
Il est temps de faire preuve de pragmatisme et d’audace et de lever les obstacles, notamment la multiplicité des acteurs décisionnaires ayant des doctrines différentes.
À l’échelon national, au sein du ministère de la transition écologique, ce sont deux directions différentes qui traitent les dossiers d’installations hydroélectriques.
À l’échelon territorial, la répartition des missions se complexifie encore : DDT, Dreal, OFB, architectes des bâtiments de France (ABF), services des impôts des entreprises (SIE), sans parler des collectivités, des partenaires réseaux EDF et Enedis… Avoir autant d’interlocuteurs crée, de fait, une inégalité territoriale.
Une réglementation stable s’impose. Ce peut être un référent unique placé auprès du préfet, la mise à disposition d’un certificat de projet ou encore l’établissement d’un rescrit arrêtant la position formelle de l’administration.
Par ailleurs, la présente proposition de loi prend aussi en compte la promotion des moulins à eau. Ces derniers façonnent nos paysages et appartiennent à notre patrimoine culturel. Outre la préservation de la ressource, l’amortissement des crues, la préservation de milieux aquatiques ou la dénitrification des eaux, ils représentent le plus important potentiel de petite hydroélectricité, équivalent à la consommation électrique annuelle d’un million de foyers hors chauffage.
Il faut que les propriétaires de ces moulins soient accompagnés par l’État dans la mise en conformité avec les règles de préservation de la biodiversité et de restauration de la continuité écologique. Car, outre le bénéfice en énergie, c’est le bénéfice environnemental qui est en jeu. Les études menées ces dernières années dans plusieurs cours d’eau montrent en effet un lien entre la destruction des moulins à eau et la baisse des poissons migrateurs.
Enfin, le déploiement de l’hydroélectricité nécessite d’optimiser les installations et les ressources existantes en utilisant la recherche et l’innovation.
L’éolien et le solaire produisent de l’électricité en fonction de facteurs indépendants et aléatoires que sont le vent et l’ensoleillement. Le stockage de cette énergie étant encore loin d’être optimal, je milite pour une utilisation raisonnée de cette électricité. Dans des périodes creuses, elle ne doit pas être totalement réinjectée dans le réseau de distribution ; elle doit aller en partie vers les installations de barrage pour permettre l’inversion des turbines.
En constituant ainsi mécaniquement des réserves, la production d’une électricité décarbonée se fera au moment voulu par un lâcher d’eau. Techniquement, cette synergie est exploitable. Le centre du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) de Cadarache est d’ailleurs en train de modéliser le schéma.
Toute la complexité est, une fois encore, normative et administrative, car on multiplie les opérateurs de production, de distribution, les prix d’achat d’électricité.
La CRE doit prendre ce dossier à bras-le-corps, mettre autour de la table les acteurs et favoriser les synergies. J’appelle de mes vœux cette prochaine étape, une fois que la proposition de loi sera votée.
La France a un potentiel majeur de production d’hydroélectricité. Nous devons faire sauter tous les verrous. Mes chers collègues, cette proposition de loi ouvre le champ des possibles ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je partage la vision que notre collègue Daniel Gremillet vient de défendre à propos de l’hydroélectricité, un secteur vital pour la transition énergétique et pour la gestion de la ressource en eau.
Cette proposition de loi est opportune, car elle rappelle une évidence : l’hydroélectricité doit être au cœur de la transition énergétique et de la relance économique. Les objectifs qu’elle vise sont pertinents, car ils correspondent aux besoins de ce secteur d’activité, comme j’ai pu le constater à plusieurs reprises en rencontrant les acteurs de terrain.
L’hydroélectricité est la première des énergies renouvelables, comme l’a rappelé Daniel Gremillet dans son intervention, mais elle fait face à de multiples difficultés. C’est pourquoi elle doit être défendue et renforcée, à travers les installations, quelles qu’elles soient, leurs capacités de production, ainsi que leur flexibilité.
Elle est porteuse de retombées positives pour les territoires : 11 600 emplois directs, sans compter les familles et les emplois indirects. Ce secteur d’activité peut ainsi être un puissant levier d’aménagement du territoire sur un temps long. Mais pour ce faire, il importe que le cadre stratégique de l’hydroélectricité soit mieux défini, avec des objectifs chiffrés et complets, comme pour toutes les autres énergies décarbonées.
Il faut aussi que la PPE soit plus ambitieuse pour l’hydroélectricité, comme le souhaitent les professionnels dont les capacités de production et de stockage sont suffisantes. Il est donc possible de poursuivre les progrès engagés par la loi Énergie-climat, ce qui passe par la simplification des normes applicables et des incitations fiscales.
Cette proposition de loi est également opportune pour pallier, j’y insiste, l’inaction du Gouvernement.
Comme l’a rappelé la commission des affaires économiques et sa présidente, Sophie Primas, l’hydroélectricité est absente de la politique conduite par le Gouvernement : aucune trace dans la loi Énergie-climat, rien dans le plan de relance, rien non plus dans le projet de loi Climat et résilience.
Cette absence est choquante, mais elle n’est pas surprenante tant la politique énergétique du Gouvernement manque de cohérence, comme nous l’avons pointé voilà quelques semaines ici même, par le vote d’une résolution parlementaire.
Enfin, c’est le contexte actuel de l’électricité, avec les risques de blackout énergétique, le démantèlement d’EDF au travers du projet Hercule et la mise en concurrence des concessions hydroélectriques sous la pression de la réglementation européenne, qui rend cette proposition de loi opportune.
Les exploitants d’installations ont actuellement un besoin vital d’avoir une vision à long terme. Sans reprendre les mots de mon collègue à propos d’EDF hydro Lot-Truyère, qui produit 10 % de l’énergie hydroélectrique en France, j’ai moi aussi en mémoire la réponse que nous a donnée Mme Pompili : « On s’en occupe et on verra plus tard ! »
Cette situation concerne 400 installations qui relèvent du régime de la concession. Cela nuit aux investissements et suscite l’inquiétude. Nous ne pouvons qu’être inquiets face à l’absence de stratégie et de considération du Gouvernement pour le secteur de l’hydroélectricité : il nous faut donc agir ensemble !
Avec cette proposition de loi, les professionnels du secteur trouveront les conditions pour une montée en puissance de cette source d’énergie. C’est ce qui permettra une transition énergétique ambitieuse, concrète, au service d’une écologie positive des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Avant d’entamer l’examen des articles, je vous informe que nous avons 57 amendements à examiner. Il est dix-huit heures ; en accord avec la commission et le Gouvernement, nous pourrions prolonger le débat au-delà de vingt heures si nous sommes en mesure de terminer à une heure raisonnable. Chacun comprend bien l’invitation qu’il y a derrière cette proposition.
proposition de loi tendant à inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique et de la relance économique
Chapitre Ier
Consolider le cadre stratégique en faveur de la production d’énergie hydraulique
Article additionnel avant l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les conséquences industrielles, environnementales, de souveraineté énergétique, de sûreté hydraulique, de modernisation des infrastructures, d’aménagement du territoire et d’avenir du service public de l’eau, d’une mise en conformité de la législation française avec la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution des contrats de concession, suite aux mises en demeure de la Commission européenne, en date du 22 octobre 2015 et du 7 mars 2019, imposant une ouverture à la concurrence libérale des barrages concessibles et remettant en cause la position dominante d’EDF.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Il s’agit d’une demande de rapport au Gouvernement, même si je sais l’aversion du Sénat pour ce type de proposition.
Loin de nous l’idée de détourner l’objet de la proposition de loi présentée par notre collègue Daniel Gremillet, mais il se trouve que nous sommes dans un contexte particulier de réorganisation de l’entreprise EDF. Il nous paraît surprenant de n’avoir aucune information sur cette question. Voilà pourquoi, madame la secrétaire d’État, je sollicite un rapport.
En ce moment, le jeu de dupes avec la Commission européenne se fait dans le dos des parlementaires et des salariés. Ces derniers ont été reçus par Mme Pompili et M. Le Maire, et le compte rendu de cette réunion a fuité dans la presse hier soir. On est bien loin de ce que vous nous avez raconté à la tribune ! Vous pouvez ergoter, mais ce que vous nous proposez est bien un démantèlement ou un démembrement de l’entreprise EDF.
M. Laurent Duplomb. Quel rapport avec les petits barrages ?
M. Fabien Gay. Je vais vous le dire, monsieur Duplomb !
Il y aura une technostructure sous forme de société anonyme, et le groupe sera scindé en trois, une partie étant dédiée à l’hydraulique. Nous avons donc des questions assez précises. Vous avez annoncé une quasi-régie pour gérer les barrages d’EDF, mais quid de ceux qui sont gérés par la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) et par la CNR, ainsi que de la petite hydro ?
Vous aurez compris que nous souhaitons surtout avoir avec vous un débat sur la réorganisation, le démantèlement et la privatisation d’EDF. Cela aura des conséquences, mon cher collègue Duplomb, sur l’ensemble du réseau électrique, y compris sur la petite hydroélectricité !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 56, présenté par M. Chauvet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Amendement n° 28, alinéa 3
1° Remplacer les mots :
d’un
par les mots :
de trois
et les mots :
, environnementales,
par les mots :
et environnementales ainsi qu’en termes
2° Après l’année :
2019
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 28.
M. Patrick Chauvet, rapporteur. Ce sous-amendement a pour objet de porter de un à trois mois le délai de remise du rapport, objet du présent amendement.
Sur l’amendement n° 28, l’avis est favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je l’ai dit dans mon propos introductif, le Gouvernement travaille activement à résoudre ce contentieux engagé par la Commission européenne, et qui porte notamment sur l’absence de renouvellement par mise en concurrence des concessions hydroélectriques échues.
Je suis d’accord avec vous, cette situation nuit aux investissements et met dans l’incertitude des entreprises, des salariés, des collectivités. Je partage cette inquiétude, et il faut que nous parvenions à éclaircir ce contexte.
Dans le même temps, vous le savez, nous réfléchissons à une réorganisation du groupe EDF, avec un projet allant bien au-delà de la seule activité hydroélectrique, pour embrasser toutes les activités du groupe. Plusieurs scénarios sont à l’étude pour le renouvellement des concessions électriques, y compris la voie, autorisée par le droit des concessions, qui consisterait à les renouveler sans mise en concurrence pour les confier à une structure publique dédiée contrôlée par l’État. Les échanges avec la Commission européenne se poursuivent dans ce cadre.
Si cette réforme devait être engagée, je vous le répète, le Parlement serait bien évidemment appelé à se prononcer.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’amendement n° 28. Par souci de cohérence, il l’est aussi sur le sous-amendement n° 56.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Je vais être très rapide. Bien sûr, nous allons voter l’amendement présenté par Fabien Gay, ainsi que le sous-amendement du rapporteur.
Je me souviens de l’embarras de Bruno Le Maire lors de son audition, comme on lui posait la question de l’avancement des négociations sur le projet Hercule avec la Commission européenne. Il nous a finalement répondu que rien n’avançait.
Après ce que nous avons appris ce matin, et qui a été rappelé par Fabien Gay, nous avons encore plus de mal à saisir où le Gouvernement veut en venir avec ce projet, qui ne s’appelle plus Hercule, mais Azur ou je ne sais quoi…
Dans cette perspective, ce rapport me paraît important, même si le délai de remise est porté à trois mois. Nous avons besoin de cet éclairage.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Au-delà de la présentation rassurante qui a été faite des dernières annonces relatives au projet Hercule, on voit se profiler une séparation comptable des trois entités. Elles seront peut-être rebaptisées, mais ce changement de nom ne modifiera pas grand-chose : les inquiétudes demeurent.
Je reviens à notre sujet du jour. Je pense qu’il y a vraiment un risque de concurrence exacerbée entre les moyens de production propres au groupe, ou en tout cas à ce qu’il restera de l’entité EDF. Inutile de vous dire que la petite hydraulique, dans un tel contexte, ne sera pas aidée.
Je reconnais l’intérêt du texte qui nous réunit aujourd’hui. Mais, à mon sens, la question de fond est l’organisation du pôle national de production d’énergie électrique. Les salariés, avec lesquels nous échangeons, sont extrêmement inquiets de cette remise en question fondamentale des bases de la production énergétique française, telles qu’elles existent depuis 1946.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d’État, heureusement que le Parlement aura le droit de se prononcer sur l’avenir d’une entreprise publique historique, qui a 75 ans d’âge ! Il est bien normal que nous ayons notre mot à dire.
Nous allons donc débattre. Mais s’il doit s’agir du même type de débat que sur le pacte ferroviaire à la SNCF – tout est arrivé ficelé et rien n’a pu être négocié, même à la marge –, j’alerte tous mes collègues : il y a lieu de continuer à se mobiliser pour savoir réellement ce que le Gouvernement veut faire avec la Commission européenne.
Sinon, une fois que vous aurez tout cadré et que vous viendrez devant le Parlement, madame la secrétaire d’État, notre marge de manœuvre sera quasiment nulle, à l’instar de ce qui s’est passé avec GDF, la SNCF, France Télécom et La Poste. À chaque fois, les réformes ont conduit à un démantèlement.
Pour en revenir à l’hydroélectrique, le rapport qui a été publié cette nuit est assez alarmant. Il y aura donc une régie publique, mais gérée par une filiale, donc de droit indirect. Aujourd’hui, la Commission européenne et le droit européen l’interdisent. Aussi, quel sera le statut exact de cette régie publique ? Quid de l’avenir des barrages hydroélectriques gérés par la SHEM et la CNR ?
Nous devons tous nous poser la question, quel que soit notre bord politique, car tout le territoire est concerné et les conséquences seront extrêmement lourdes.
Je suis donc favorable au sous-amendement présenté par la commission des affaires économiques. Nous devons majoritairement exiger ce rapport, qui sera l’occasion d’un débat de nature à nous éclairer sur le projet en cours.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. C’est assez inhabituel, mais je soutiens bien évidemment, avec le rapporteur et la commission, cet amendement de Fabien Gay et des collègues du groupe CRCE. En effet, EDF et la CNR sont des biens communs qui assurent des services très importants pour notre pays.
Il s’agit plutôt d’un amendement d’appel, madame la secrétaire d’État, pour vous signifier que nous voulons débattre et obtenir des réponses à nos questions. Je ne suis d’ailleurs pas certaine que le groupe CRCE soit sur la même longueur d’onde que l’ensemble de la commission ou de l’hémicycle.
Mais, devant les inquiétudes qui se font jour chez les salariés, chez les parlementaires, chez tous ceux qui sont conscients de l’importance de l’hydraulique en France, un petit geste de votre part pour montrer que vous acceptez le dialogue avec le Parlement serait de bon augure.
Mme la présidente. Pas de geste, madame la secrétaire d’État ?…
Je mets aux voix le sous-amendement n° 56.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
Article 1er
Le I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Le 4° bis est ainsi modifié :
a) Sont ajoutés les mots : « , en veillant à maintenir la souveraineté énergétique, garantir la sûreté des installations hydrauliques et favoriser le stockage de l’électricité » ;
b) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « En 2028, les capacités installées de production d’électricité d’origine hydraulique doivent atteindre au moins 27,5 gigawatts. Un quart de l’augmentation des capacités installées de production entre 2016 et 2028 doit porter sur des installations dont la puissance est inférieure à 4,5 mégawatts. » ;
2° Après le 4° ter, il est inséré un 4° quater ainsi rédigé :
« 4° quater De porter les projets de stockage sous forme de stations de transfert d’électricité par pompage à 1,5 gigawatt au moins de capacités installées entre 2030 et 2035 ; ».
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 27, présenté par MM. Salmon et Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
et favoriser le stockage de l’électricité
par les mots :
, favoriser le stockage de l’électricité tout en maintenant une protection forte de la biodiversité et une péréquation territoriale des installations hydrauliques
II. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
En 2028
par les mots :
Sous réserve d’une étude d’impact environnementale réalisée par le Haut Conseil pour le climat, en 2028
III. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
De porter
par les mots :
Sous réserve d’une étude d’impact environnementale réalisée par le Haut Conseil pour le climat, de porter
L’amendement n° 24, présenté par MM. Salmon et Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
En 2028
par les mots :
Sous réserve d’une étude d’impact environnementale réalisée par le Haut Conseil pour le climat, en 2028
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. L’amendement n° 27 vise à encadrer le développement de la petite hydroélectricité. Nous l’avons dit, nous y sommes favorables, mais il faut des garanties.
Nous savons en effet que la qualité des eaux en France est en danger : une espèce de poissons sur cinq est menacée ; les anguilles ont pratiquement disparu de nos cours d’eau, tout comme les esturgeons européens depuis bien longtemps. Face à ce constat, il nous apparaît impossible d’ouvrir les vannes pour l’hydroélectricité sans garantie.
Nous proposons qu’il y ait une étude d’impact environnementale approfondie avant chaque implantation.
L’amendement n° 24 est un amendement de repli, qui tend à prévoir une étude d’impact un peu moins approfondie.
Mme la présidente. L’amendement n° 29, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
dans le strict respect des impératifs de gestion de l’eau en particulier la restauration de la qualité de ces eaux et de leur régénération
II. – Alinéas 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Depuis la loi Énergie-climat de 2019, pour répondre à l’urgence écologique et climatique, la politique énergétique nationale vise, entre autres objectifs, à encourager la production d’énergie hydraulique, notamment la petite hydroélectricité.
L’article 1er propose d’aller plus loin dans la précision en inscrivant dans la loi un objectif chiffré de 27,5 gigawatts de capacité installée de production d’ici à 2028, un quart étant consacré aux installations dont la puissance est inférieure à 4,5 mégawatts, et ce au nom de la protection de notre souveraineté énergétique, de la sûreté des installations et du renforcement de nos capacités de stockage.
Or répondre à l’urgence écologique, qui est mentionnée à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, exige de rappeler que les enjeux de production énergétique ne doivent pas prendre le pas sur les impératifs de gestion de l’eau, en particulier la restauration et la préservation de la continuité écologique. En ce sens, une rivière vivante est une rivière dont l’eau coule.
Si la revalorisation de notre ambition en matière d’hydroélectricité peut aller dans le bon sens, il est nécessaire d’en prendre toute la mesure.
Quel sera l’impact d’une augmentation de la puissance installée sur les cours d’eau ? Combien de petites centrales et de moulins supplémentaires sont-ils nécessaires ? Combien d’obstacles nouveaux multipliant ce qu’un groupe de chercheurs européens sur la perte de biodiversité aquatique en Europe appelle les « rivières cassées » ? Quelle sera la contribution réelle de la « petite hydro » à la transition énergétique ? Peut-on réellement l’envisager sans causer des dommages irréversibles à la biodiversité ?
Selon de nombreuses associations de protection de l’environnement, le gisement d’hydroélectricité est pratiquement épuisé et la poursuite de l’équipement hydroélectrique de nos cours d’eau serait catastrophique. Nous devons aussi les entendre. C’est pourquoi nous pensons qu’il importe, avant d’augmenter les capacités de production d’origine installées en fixant un seuil à l’horizon 2028, de procéder à une réelle étude d’impact sur l’environnement, ce dont nous ne disposons pas avec cette proposition de loi.
De plus, l’objectif mentionné à l’alinéa 6 est déjà inclus dans la PPE de 2020. Le fait de conférer une assise législative à un objectif de puissance ne suffit à caractériser les STEP à construire ni sur le plan énergétique ni sur le plan de l’environnement.
Mme la présidente. L’amendement n° 60, présenté par M. Chauvet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
installations
insérer le mot :
hydrauliques
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 27, 24 et 29.
M. Patrick Chauvet, rapporteur. L’amendement n° 60 est de précision rédactionnelle.
L’amendement n° 24 subordonne l’objectif de 27,5 gigawatts pour la production hydraulique à la réalisation d’une étude par le Haut Conseil pour le climat (HCC). Cela ne nous semble pas opportun.
En premier lieu, l’amendement lie les objectifs fixés par le législateur à un avis rendu par un organisme consultatif, ce qui constitue une régression par rapport à la loi Énergie-climat adoptée par le Sénat en 2019. C’est un enjeu de séparation des pouvoirs, car la volonté du législateur ne serait applicable que sous réserve d’une étude ex ante élaborée par un organisme consultatif qui, aussi éminent soit-il, reste placé sous l’autorité du Premier ministre.
De surcroît, cette proposition est peu novatrice au regard du droit existant puisque le HCC rend déjà des études ex post sur l’application de nos objectifs énergétiques.
En second lieu, l’amendement est motivé par des risques sur les équilibres naturels et la sauvegarde de la biodiversité. Ces craintes ne sont pas justifiées sur le plan juridique, car les objectifs chiffrés par le code de l’énergie ont une valeur programmatique. En clair, ils fixent une ambition dans le domaine de l’énergie sans entamer en rien le droit de l’environnement.
L’amendement n° 27 va plus loin, puisqu’il vise à étendre l’exigence d’études ex ante à l’objectif de 1,5 gigawatt de stockage hydraulique et tend à introduire des références à une forte protection de la biodiversité, ainsi qu’à une péréquation territoriale des installations hydrauliques. Ces ajouts ne sont pas non plus souhaitables.
D’une part, l’article L. 100-2 du code de l’énergie évoque déjà la nécessité d’un mode de développement économique respectueux de l’environnement. D’autre part, une péréquation territoriale des installations hydrauliques est un non-sens, car leur implantation dépend des conditions naturelles.
L’amendement n° 29 a pour objet de supprimer l’objectif de 1,5 gigawatt de stockage hydraulique et fait référence au strict respect des impératifs de gestion des eaux.
La suppression de l’objectif lié au stockage, que la commission des affaires économiques a adopté à l’unanimité, sur mon initiative, serait regrettable, car celui-ci serait très utile pour notre transition énergétique. En effet, à mesure que les énergies renouvelables progresseront, la capacité de stockage, par l’intermédiaire notamment des STEP, sera nécessaire.
Je demande donc le retrait des amendements nos 27, 24 et 29 ; à défaut, l’avis sera défavorable.