Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Claude Tissot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier les auteurs de cette proposition de loi, qui nous permettent aujourd’hui d’aborder la thématique de l’hydroélectricité et de sa place au cœur de la transition énergétique. Je salue tout particulièrement le travail de notre collègue Daniel Gremillet, qui a construit le présent texte après avoir mené de nombreuses auditions.
L’hydroélectricité, dont nous allons parler longuement, s’inscrit dans une perspective historique indéniable. En effet, les moulins à eau de nos territoires, utilisés pour la production alimentaire et la métallurgie depuis de nombreux siècles, servent également à la production d’électricité depuis le XIXe siècle.
L’hydroélectricité fut au cœur des grandes lois relatives à l’énergie, dont la loi de 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz, qui ont permis à notre pays de se reconstruire après des périodes sombres de notre histoire.
Aujourd’hui, la France est le deuxième producteur européen d’hydroélectricité, laquelle représente 13 % de notre production d’électricité totale. Ainsi, elle constitue notre première source d’énergie renouvelable.
Forte de 2 500 installations, la capacité installée de la production hydraulique s’élève à 25,5 gigawatts, dont 2,2 pour la petite hydroélectricité.
Enfin, avant d’aborder concrètement cette proposition de loi, il est nécessaire de rappeler que les émissions de CO2 dégagées par l’énergie hydraulique sont très limitées. Cette dernière a donc toute sa place dans une stratégie de décarbonation de notre bouquet énergétique.
De plus, par la variété de leurs usages et leur importance dans l’aménagement de nos territoires ruraux, les concessions hydroélectriques méritent d’être pleinement intégrées à la politique énergétique de notre pays.
Au cours des dernières années, la législation encadrant ces structures a été modifiée à de multiples reprises. En effet, de nombreuses dispositions ont été prises pour assouplir certaines normes et règles – je pense notamment à l’autorisation environnementale et à la continuité écologique. Il serait bon de ne pas oublier ces progrès lors de l’examen du présent texte.
De même, au sein des installations hydroélectriques, ne perdons pas de vue la distinction entre les grands barrages et la petite hydroélectricité, qui compte 2 270 installations à travers le pays. Les besoins et les enjeux ne sont logiquement et évidemment pas les mêmes.
Cette proposition de loi tend à inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique et de la relance économique en levant les trois principaux freins persistants à l’essor de l’hydroélectricité, tels que les ont identifiés les auteurs du présent texte : la faiblesse de son cadre stratégique, la complexité normative et administrative, et la trop forte pression fiscale.
Au sein du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous n’établissons pas le même constat et ne nous retrouvons pas dans cette grille de lecture d’inspiration libérale. Toutefois, nous rejoignons les auteurs de cette proposition de loi sur deux points principaux.
Premièrement, il est certain que l’hydroélectricité doit être davantage prise en compte dans notre politique énergétique, que ce soit dans la PPE, dans la loi quinquennale ou dans le code de l’énergie.
Deuxièmement, une meilleure information et association des élus locaux et des parlementaires est indispensable pour favoriser le développement des installations hydroélectriques et la définition d’objectifs ambitieux pour cette énergie.
Les maires et présidents d’EPCI doivent être, dès le stade de la conception et pour chaque modification, associés aux projets d’installations hydroélectriques et à leur mise en œuvre. J’ai déposé un amendement en ce sens, afin que les élus soient associés le plus en amont possible à chaque décision envisagée concernant l’organisation d’une concession hydraulique.
Toutefois, les différentes mesures présentées aux chapitres II et III nous imposent une vision bien moins nuancée : le développement économique de l’hydroélectricité serait bridé par des normes et des contraintes abusives imposées par l’État.
Alors que des améliorations concrètes ont été apportées ces dernières années, nous devons nous interroger sur cette volonté d’aller beaucoup plus loin dans la simplification administrative et normative.
En effet, les règles et normes imposées aux acteurs de ce secteur n’obéissent pas à une simple logique productiviste. Je pense, par exemple, aux contraintes de la continuité écologique des cours d’eau, ou encore aux dispositifs de sûreté et de sécurité pour les plus gros barrages.
Parce que les installations hydroélectriques interagissent directement avec notre espace naturel, il est logique de définir un cadre assorti d’objectifs environnementaux adaptés.
Cette proposition de loi fait l’impasse sur les multiples usages de l’eau que sont la consommation d’eau potable, l’irrigation, la navigation et le tourisme. Elle se focalise sur la seule production d’électricité. Nous devons avoir une vision plus large, en considérant l’eau comme un bien commun que l’on ne peut pas privatiser.
De plus, la présente proposition de loi met en place de nombreuses exonérations fiscales, qui se traduiront par un abaissement des recettes pour les budgets de l’État et des collectivités territoriales.
L’absence d’étude d’impact, induite par une proposition de loi, ne nous rassure pas sur les effets de telles mesures financières. Combien vont coûter concrètement ces exonérations ? Quels seront les préjudices pour l’État et les collectivités territoriales ?
Le contexte actuel du secteur de l’énergie, particulièrement animé et bouleversé, doit également être pris en compte pour permettre un réel essor de l’hydroélectricité. En effet, les grands groupes énergétiques français, majoritairement publics, sont en train d’être progressivement démantelés et privatisés.
L’État se défausse de cartes dont il aurait bien besoin, tant le soutien et la mobilisation de ces groupes est indispensable pour réussir notre transition énergétique et lutter contre les changements climatiques.
S’opposer à la cession des parts que l’État détient encore dans Engie, qui possède de nombreuses concessions à travers la Compagnie nationale du Rhône, la CNR, c’est prendre en compte les enjeux autour des multiples usages de l’eau, qui doivent appeler à une maîtrise publique.
S’opposer au démantèlement d’EDF et à la privatisation de sa future entité consacrée aux énergies renouvelables, prévue dans le projet Hercule, c’est se mobiliser concrètement pour inscrire l’hydroélectricité au cœur de notre transition énergétique.
Aussi, mes chers collègues, il faut aller plus loin, pour renforcer encore le droit à l’information et l’association des élus locaux et des parlementaires face à l’opacité des discussions qui ont lieu actuellement entre le Gouvernement et la Commission européenne. Nous en reparlerons certainement.
Toutefois, et comme le souligne l’auteur de la proposition de loi, de nombreuses dispositions ont déjà été prises ces dernières années pour assouplir certaines normes et règles, que ce soit en matière de continuité écologique, de simplification des procédures pour l’autorisation environnementale ou encore l’octroi de dérogations possibles aux objectifs de qualité et quantité des eaux fixés par les Sdage. Et en matière fiscale, le secteur a, là aussi, bénéficié d’allégements significatifs, comme l’exonération de la TFPB.
Faut-il aller encore plus loin ? Nous ne le pensons pas. Mais nous tenons à souligner les avancées de cette proposition de loi, ainsi que l’opportunité de débattre de l’hydroélectricité.
Pour cette raison, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra de manière positive et constructive lors du vote de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, face à l’urgence écologique, la France s’est fixé des objectifs importants de réduction de son empreinte carbone. Pour remédier au dérèglement climatique et atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, il est indispensable de transformer en profondeur nos modes de consommation et de production.
L’énergie est l’un des principaux enjeux de la transition écologique. Il est donc essentiel de recourir à une énergie décarbonée et renouvelable. Le texte que nous examinons aujourd’hui a pour objet de promouvoir le développement de la petite hydroélectricité dans notre pays.
Alors que l’hydroélectricité dans son ensemble représente déjà 50 % du total de l’énergie renouvelable produite en France, cette énergie pourrait être encore davantage employée.
Ses avantages sont en effet multiples. L’hydroélectricité n’émet que très peu de CO2. Elle constitue par ailleurs une énergie stockable et modulable. L’énergie hydraulique permet ainsi de faire face très rapidement aux pics de demandes d’électricité et d’éviter les blackouts, comme nous en voyons régulièrement, par exemple aux États-Unis. Cette source d’énergie nous semble donc devoir être développée au sein de nos territoires.
Pour cela, la détermination d’objectifs chiffrés et ambitieux dans la programmation de l’énergie nous paraît indispensable. Seule une volonté politique forte pourra assurer son emploi à grande échelle et permettre à la France de développer ses savoir-faire en la matière.
Au-delà de cette volonté, l’hydroélectricité doit en outre être délivrée d’un mal très français : celui de la pesanteur administrative. Nous nous félicitons à cet égard que le texte propose un certain nombre d’assouplissements et de simplifications des procédures administratives.
Une expérimentation est ainsi proposée. Elle prévoit notamment un référent unique et un rescrit, et nous semble être une réponse adaptée à la complexité croissante des obligations pesant sur les gestionnaires de ces installations.
La nécessité de mettre en œuvre une telle expérimentation doit cependant nous interpeller. Les lourdeurs administratives sont un mal qui touche beaucoup d’activités. Sur ce sujet comme sur bien d’autres, nous devons trouver le moyen d’encadrer sans asphyxier.
Nous nous félicitons de l’attention particulière prêtée aux installations de faibles capacités dans la proposition de loi. Pour faire vivre la petite hydroélectricité, le texte prévoit plusieurs incitations fiscales. Nous soutenons la création de réductions d’impôts, tout en soulignant que le constat fait sur la lourdeur administrative s’applique aussi à la fiscalité.
Les installations hydroélectriques ne sont pas seulement génératrices d’énergie. Elles constituent l’un des éléments de l’aménagement de nos territoires.
À cet égard, je ne puis qu’évoquer la situation des barrages de la Truyère, rivière qui traverse mon département. Ces ouvrages représentent environ 10 % de l’hydroélectricité de notre pays.
En 2015, la France a reçu une mise en demeure de l’Union européenne, afin d’introduire davantage de concurrence dans l’attribution des concessions. Peut-être Mme la secrétaire d’État pourra-t-elle nous dire où en sont les discussions avec l’Europe sur ce point ?
Nous sommes nombreux à souhaiter que ces concessions soient renouvelées ou prorogées – nous avons aussi évoqué le projet Hercule – dans les plus brefs de délais et, surtout, qu’elles permettent de sécuriser EDF quant aux investissements que l’entreprise souhaite réaliser sur les installations concernées.
J’insiste sur ce point, car nous sommes un peu fatigués, madame la secrétaire d’État. J’ai été député, et je viens d’effectuer un mandat de sénateur. À chaque fois, le ministère de l’écologie nous répond que les discussions sont en cours avec la Commission européenne. Or les concessions sont arrivées à échéance voilà quelques années.
Vous avez indiqué que vous nous répondriez sur le sujet. Nous espérons vraiment que les discussions ne vont pas se poursuivre à l’infini et qu’une issue sera trouvée, car la situation est tout de même assez pénible.
Nous réaffirmons que l’énergie est un point-clé de l’indépendance et de la souveraineté de la France. À ce titre, il faut tenir bon – nous serons à vos côtés sur ce point, madame la secrétaire d’État –, notamment s’agissant des grands barrages : ne cédons pas sur ce sujet !
L’hydroélectricité est une énergie d’avenir, tant pour nos territoires que pour le climat. La France doit veiller à en tirer le meilleur parti. La proposition de loi que nous examinons soutient utilement le développement de cette technologie. Le groupe Les Indépendants soutiendra donc son adoption. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Merci !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Moga. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Moga. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Union Centriste salue l’initiative d’une telle proposition de loi, qui cherche à s’adresser aux multi-enjeux de l’hydroélectricité, à prendre en compte les différents usages et à tracer une ambition pour ce qui reste un impensé de nos politiques publiques, un potentiel énergétique non exploité, une occasion à saisir de manière collective.
En effet, l’hydroélectricité est assurément à la confluence des grands enjeux de l’eau et de l’énergie, que nous souhaitons davantage renouvelable, et de l’environnement, qui ne peut pas, pour cette raison, faire l’objet de politiques publiques cloisonnées, isolées, disjointes. Cette source d’énergie renouvelable représente aussi bien un vecteur de la transition énergétique qu’un facteur de relance.
Dès lors, le constat de l’auteur est lucide : ce grand espoir de notre production d’énergie que nous appelions juste après la Seconde Guerre mondiale la « houille blanche » est un véritable impensé de nos politiques publiques, absent du plan de relance et traité évasivement dans la PPE ou la récente loi Énergie-climat.
Cette absence de cadre stratégique ambitieux se double d’une vision biaisée et partielle, conduisant, comme le constate pertinemment notre collègue Guillaume Chevrollier dans son dernier rapport, à penser la rivière idéale comme un lieu sans ouvrage, dans une démarche de continuité écologique destructive, quand le présent texte prône la préservation ainsi que la restauration d’ouvrages, mais en aucun cas la destruction.
L’hydroélectricité représente une énergie décentralisée, modulable, stockable et décarbonée.
Décentralisée ? Avec la petite hydraulique, elle constitue un levier de développement économique de nos territoires, en particulier montagneux.
Modulable ? Le développement des énergies renouvelables éolienne et solaire est synonyme d’une production d’électricité de plus en plus intermittente et variable. L’hydroélectricité représente une énergie renouvelable pilotable, flexible, un parfait complément permettant d’adapter la production aux variations de l’offre comme de la demande.
Stockable ? Elle permet d’équilibrer les énergies pilotables et non pilotables, parfois sur un rythme infrajournalier, notamment via les STEP.
Décarbonée ? Cette énergie renouvelable n’émet que de faibles émissions de gaz à effet de serre et traduit une vision positive et concrète de l’écologie, avec une considération pour un patrimoine que nous souhaitons davantage rénover que détruire.
L’hydroélectricité représente de nombreux défis. Elle doit répondre à plusieurs usages.
Prendre isolément en compte ces usages serait délétère quand soutenir ce levier de souveraineté énergétique est assurément un impératif. Tenter de faire reconnaître à l’échelon européen que les multiples usages de l’eau demandent une régulation allant au-delà de la seule politique de concurrence est d’ailleurs la position de la France.
L’année 2021 sera une année charnière pour l’hydroélectricité entre, d’une part, la fin des concessions pour 400 centrales hydroélectriques et, d’autre part, la définition d’un avenir pour EDF, avec ou sans le projet Hercule, qui ne lui permet pas pour l’instant d’être offensif sur cette question si stratégique.
À la complexité kafkaïenne dénoncée par les acteurs de terrain et l’incertitude actuelle entravant les énergies, faisons de cette ambitieuse proposition de loi le point de départ d’une nouvelle ère pour l’hydroélectricité.
L’hydroélectricité doit être au cœur de la transition énergétique et de la relance économique de notre pays. Aussi, le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de loi et salue la qualité du travail de son auteur, ainsi que les apports pertinents du rapporteur au fond et des rapporteurs pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marta de Cidrac. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la France dispose de deux avantages majeurs dans son mix énergétique : l’énergie nucléaire, bien entendu, et l’énergie hydraulique, qui compte pour 11 % de notre production électrique et la moitié de notre production d’énergie renouvelable.
Et pourtant, l’hydroélectricité n’est pas la vedette de la transition énergétique. Elle ne fait pas la une des journaux. Mais son rôle est loin d’être secondaire dans l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Il est donc tout à fait naturel que notre Haute Assemblée se penche sur le sujet, grâce à cette proposition de loi de notre collègue Daniel Gremillet.
Ce débat est d’autant plus bienvenu que nous serons prochainement saisis du projet de loi Climat et résilience, quasi-muet sur le sujet. Une exception toutefois : nos collègues députés ont adopté la semaine dernière l’exclusion de la destruction de retenues des moulins d’eau, une mesure analogue à celle qui est proposée par Mme la rapporteure.
Patrimoine, biodiversité, gestion de la ressource en eau, lutte contre les crues… L’hydroélectricité et les moulins à eau recouvrent bien des aspects culturels et écologiques. Mais c’est sur le volet énergétique que je souhaite m’attarder.
L’hydroélectricité présente plusieurs avantages. Non intermittente, elle est surtout facilement pilotable et permet donc de faire face aux pics de consommation.
La France dispose du deuxième parc hydroélectrique d’Europe, avec des capacités qui sont déjà importantes. Le potentiel des grands sites est aujourd’hui limité, mais des occasions apparaissent pour augmenter notre production hydroélectrique.
La première est le couplage avec des sources renouvelables intermittentes. En coordonnant les infrastructures existantes, il est possible d’adapter la production hydroélectrique aux fluctuations de production de fermes photovoltaïques ou éoliennes, par exemple. Des expérimentations intéressantes sont en cours, montrant combien les sources d’énergie sont complémentaires.
L’autre potentiel de développement concerne le stockage de l’énergie dans les STEP. Le stockage est un enjeu des années à venir et un aspect essentiel si nous souhaitons maintenir notre indépendance énergétique. L’inscription d’un objectif de capacités installées en la matière dans la loi est donc une excellente chose.
Mais la meilleure source de développement reste la multiplication des petites unités de production. Le potentiel est considérable. Avec 2 270 installations, ce sont déjà 6 à 7 térawattheures de petite hydroélectricité qui sont produits en France.
La France pourrait atteindre les 10 térawattheures de petite hydroélectricité avec les sites les plus faciles à rééquiper, ce qui n’est pas négligeable. Face à cet immense potentiel, c’est bien d’une véritable stratégie hydroélectrique dont la France a besoin, comme l’a souligné M. le rapporteur. C’est ce qu’entreprend cette proposition de loi.
Simplification, incitation, mais surtout vision : tels sont les trois piliers de ce texte, qui remet l’hydroélectricité à sa juste place, au cœur de la décarbonation de notre mix énergétique.
Simplification d’abord, en sécurisant les démarches administratives des porteurs de projets. Ce travail de simplification a été engagé depuis quelques années, mais les freins administratifs sont encore trop nombreux. Or il est primordial d’accompagner et de faciliter les démarches d’acteurs de terrain qui font de l’écologie une réalité locale et concrète, afin de transformer ce potentiel électrique en production.
Ces simplifications visent non pas à revenir en arrière en matière de protection de la biodiversité, mais à réaffirmer les intentions du législateur sur les dérogations en matière de continuité écologique, alors que l’interprétation par l’administration de la loi sur l’autoconsommation de 2017 s’est révélée beaucoup trop restrictive.
Incitation ensuite, avec des réductions d’impôts pour la mise en conformité avec les règles de préservation de la biodiversité et de continuité écologique, alors que ces travaux restent encore extrêmement coûteux. Les collectivités pourront également exonérer de certaines taxes locales les nouvelles installations, au moins temporairement, afin d’améliorer la rentabilité des unités de production.
Vision enfin, avec un renforcement du cadre stratégique pour l’hydraulique. À l’occasion de la loi Énergie-climat, le Sénat avait déjà montré son ambition en la matière. Il la renouvelle aujourd’hui en rehaussant les objectifs de la PPE et en ciblant les petites installations. Le recensement des installations existantes est également une nécessité si nous voulons dessiner la future loi quinquennale de l’énergie.
L’hydroélectricité ne peut pas être un impensé de notre stratégie énergétique. Loi Énergie-climat, plan de relance, projet de loi Climat et résilience… Les occasions n’ont pas manqué pour se montrer ambitieux sur le sujet. Et pourtant le Gouvernement ne mentionne que trop peu cette énergie, la plus décarbonée à l’heure où nous parlons.
Je ne pas peux terminer sans évoquer une conviction profonde, acquise ces dernières années : la nécessité de mobiliser l’ensemble des sources d’énergies décarbonées dans notre transition. Ne les opposons pas : elles sont pleinement complémentaires.
Cette combinaison doit se faire en conservant trois impératifs : notre indépendance énergétique, la capacité à piloter facilement la production et la décarbonation de cette production sur l’ensemble du cycle de vie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Denise Saint-Pé. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à mon tour, je veux saluer la proposition de loi présentée par Daniel Gremillet. Le Sénat a raison de s’emparer de l’hydroélectricité pour susciter une prise de conscience du Gouvernement en la matière.
Nous parlons après tout d’une énergie largement décarbonée, modulable, stockable, qui représente 3,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour 11 600 emplois directs. En outre, elle participe activement à l’aménagement du territoire en valorisant les territoires ruraux, surtout de montagne.
Dans ces circonstances, il est étonnant qu’elle soit à peine évoquée dans la loi Énergie-climat, la PPE ou le plan de relance. Elle est même absente du projet de loi Climat et résilience, pourtant censé parachever la politique environnementale du quinquennat… Et que dire des négociations avec la Commission européenne, qui condamnent pour l’instant la grande hydroélectricité à l’inertie, en liant son sort au projet Hercule ?
Il faut par ailleurs mentionner les complexités normatives et administratives auxquelles font face les professionnels du secteur, qui se voient souvent opposer la continuité écologique des cours d’eau, alors que les nouvelles technologies de turbinage permettent de concilier le fonctionnement de ces équipements avec les impératifs environnementaux.
Aussi, ce texte est nécessaire pour corriger ces manquements.
Il permet tout d’abord de replacer l’hydroélectricité dans notre cadre stratégique, rectifiant ainsi l’injustice qui lui a été faite en dépit de ses atouts, à un moment où la production d’électricité verte à haute valeur environnementale (HVE) est plébiscitée par les consommateurs.
Il simplifie ensuite les normes juridiques, donnant à tous les acteurs impliqués une meilleure visibilité quant à la réglementation des installations hydroélectriques. Cela profiterait aux professionnels, mais les élus locaux et les administrations devraient aussi bénéficier de règles plus claires.
De plus, je me réjouis que cette simplification ne s’effectue pas au détriment de la continuité écologique des cours d’eau, car la réussite de l’hydroélectricité ne saurait advenir au prix de difficultés d’irrigation pour l’agriculture, par exemple, ou d’une dégradation de la biodiversité et de la pêche.
Le texte renforce enfin les incitations fiscales concernant les projets hydrauliques. À ce titre, j’approuve la préservation du libre choix des collectivités territoriales, en conservant le caractère facultatif des exonérations de fiscalité locale.
Voilà pourquoi il me paraît important de soutenir cette proposition de loi, dont les avancées me semblent d’autant plus significatives qu’elles résultent d’un travail de fond sérieux tant en amont, avec la consultation de l’ensemble des parties prenantes, qu’en aval, avec les apports des rapporteurs des différentes commissions. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Angèle Préville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’énergie, et plus particulièrement l’électricité, est l’un des grands enjeux de notre avenir. C’est d’abord un enjeu de souveraineté et d’indépendance, donc d’importance stratégique, mais aussi un enjeu d’écologie et de développement durable.
Il faut certainement rappeler que notre premier objectif devrait être d’économiser l’énergie. Il est dommage que l’on n’incite plus, depuis longtemps, les Français à le faire. Il est temps d’en reparler, de sensibiliser toute la société et d’obtenir des résultats.
Les énergies renouvelables doivent se développer. On peut vraiment s’interroger sur la stratégie qui semble curieusement faire défaut, alors qu’il s’agit non seulement d’une question d’intérêt général d’importance majeure, mais aussi d’un sujet crucial d’aménagement du territoire.
Or on a l’impression d’un développement quasiment anarchique, impropre à respecter la spécificité des territoires, l’intérêt des citoyens et trop souvent générateur de problématiques d’acceptabilité. L’électricité est un bien commun nécessitant a minima une certaine forme d’organisation. Qu’en est-il de la planification ?
La vraie question est sûrement : que voulons-nous ? Toute production d’électricité a des effets sur l’environnement : matériaux utilisés, surfaces artificialisées, impacts du fonctionnement et éventuels déchets créés. Rien n’est neutre, jamais.
La proposition de loi que nous examinons a le mérite de porter le focus sur l’hydroélectricité, oubliée dans la dernière PPE, de lui redonner toute sa place, de l’intégrer à cette programmation de manière très concrète.
L’article 5 tranche une disposition, peut-être insuffisamment claire, votée dans la loi sur l’autoconsommation du 24 février 2017, concernant des dérogations à la continuité écologique des installations hydroélectriques.
Nous attirons l’attention sur l’intérêt que nous devons porter à cette question, à l’heure où la biodiversité subit une baisse drastique que, pour l’instant, nous ne savons pas enrayer de manière durable. Ce n’est – hélas ! – pas un petit problème.
La perte de biodiversité étant liée également aux pollutions agricoles et aux prélèvements trop importants, il conviendrait d’avoir des études probantes avant de permettre d’autres dérogations.
Cela étant dit, le développement de la petite hydroélectricité n’est pourtant pas à négliger. Elle permet une production de proximité, certainement précieuse dans le futur, en nous permettant une résilience accrue. Les 2 270 petites centrales hydroélectriques produisent l’équivalent d’un réacteur nucléaire. Cette source locale d’énergie pourrait être grandement utile pour faire face à d’éventuelles défaillances.
L’électricité peut et doit être stockée. Le développement des énergies renouvelables, qui devrait s’amplifier, implique des moyens de stockage importants. Les STEP nous apportent une solution simple, robuste, dont le rendement avoisine tout de même les 80 %, ce qui n’est pas négligeable.
Si la proposition de loi fixe des objectifs de développement des STEP indispensables à la réussite de notre transition énergétique, certaines mesures fiscales interrogent.
Aussi, notre groupe, dans sa majorité, s’abstiendra avec bienveillance. (M. Jérôme Bascher s’en réjouit.)