Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur. C’est pas mal, non ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. C’est pas mal, comme vous dites, mon cher collègue : on peut comprendre l’objectif visé, mais la rédaction proposée nous pose quelques problèmes, car la liberté d’exercice du culte doit aussi être prise en compte.
Avis défavorable, malheureusement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pardonnez-moi, madame la rapporteure, mais je n’ai pas compris votre explication. Si cet amendement pose un problème de rédaction, qu’à cela ne tienne : rectifions-le ! L’objet de notre amendement en revanche est très clair : il est question de pressions exercées à l’encontre d’une personne pour qu’elle manifeste son appartenance à un culte ou pour l’empêcher de le faire.
Soit votre explication a été incomplète, soit, fatigue aidant, je ne l’ai pas comprise ; mais notre proposition va totalement dans le sens de ce que vous défendez depuis le début de nos débats : elle est en totale cohérence avec vos positions. L’avis que vous émettez est donc assez étrange ; cet amendement est vraiment bienvenu.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je maintiens ma position.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Sans explication…
M. Jean-Pierre Sueur. Sans aucune argumentation…
Mme la présidente. L’amendement n° 426 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 426 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 38.
(L’article 38 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 38
Mme la présidente. L’amendement n° 142 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Guérini, Mme Pantel, MM. Requier, Roux, Cabanel et Gold, Mme Guillotin et M. Guiol, est ainsi libellé :
Après l’article 38
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le respect des dispositions de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, le principe de laïcité signifie : d’une part, que la République assure la liberté de pensée, de conscience et de religion en garantissant le droit de manifester son appartenance religieuse comme son absence d’appartenance religieuse, ainsi que, le cas échéant, de changer de religion ; d’autre part, que la République garantit une stricte neutralité des personnes exerçant une mission de service public vis-à-vis de leurs usagers et réciproquement, qu’elle interdit à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers.
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement vise à préciser l’application qui est faite du principe de laïcité afin que le législateur participe à l’effort de clarification du droit.
La définition proposée intègre l’article 1er de la loi de 1905, qui proclame la liberté de conscience et son corollaire, la liberté de religion, l’article 2 de la même loi, qui garantit la séparation des Églises et de l’État, le principe de neutralité des agents exerçant une mission de service public, consacré dans la loi du 20 avril 2016, ainsi que la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2004.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La définition proposée par Mme Delattre est intéressante, mais il est très difficile de donner du principe de laïcité une définition complète et exacte.
En l’occurrence, nous sommes d’accord sur plusieurs éléments de cette définition, mais d’autres éléments, ceux qui sont relatifs notamment à la neutralité et aux usagers du service public, sont trop imprécis et pourraient poser des difficultés.
L’adoption de cette définition engendrerait un risque réel de complexification ; nous préférons nous en tenir au droit actuel.
Nous vous demandons donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Véronique Guillotin. Je le retire !
Mme la présidente. L’amendement n° 142 rectifié est retiré.
Article 39
L’article 35 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi rédigé :
« Art. 35. – Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, ou à conduire une section du peuple à se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni de sept ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, sans préjudice des peines de la complicité dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 338, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Après le mot :
provocation
insérer le mot :
directe
2° Supprimer les mots :
ou à conduire une section du peuple à se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune,
3° Remplacer les mots :
sept ans d’emprisonnement et du 75 000 euros d’amende
par les mots :
d’un emprisonnement de trois mois à deux ans
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement vise à revenir sur les dispositions de l’article 39. Cet article aggrave les peines prévues à l’article 35 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, la sanction passant d’une peine d’emprisonnement comprise entre trois mois et deux ans à une peine de sept ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Cette aggravation apparaît totalement superflue et abusive aux membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Se prononçant sur la version déposée à l’Assemblée nationale, dans laquelle était proposé le transfert de cette infraction à l’article 24 de la loi sur la liberté de la presse, le Conseil d’État avait émis un avis sévère sur l’alourdissement des peines prévues et sur le principe d’une responsabilité spécifique des ministres du culte.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires n’est pas favorable au durcissement de la peine proposé par Mme la rapporteure lors de l’examen du texte en commission et demande le rétablissement de l’article 35 de la loi du 9 décembre 1905 dans sa rédaction initiale.
Mme la présidente. Les amendements nos 365 et 364 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 338 ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement a pour objet de réduire le quantum des peines et de revenir sur les modifications introduites par la commission des lois.
Contrairement à vous, madame Benbassa, nous pensons que la place du ministre du culte – des événements récents l’ont prouvé – est particulière. Sa responsabilité est spécifique et plus importante, dans les lieux de culte, que celle de toute autre personne.
Le quantum de peines prévu et l’extension de l’infraction nous paraissent tout à fait essentiels.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. L’Assemblée nationale avait supprimé l’article 35 de la loi de 1905. Ayant lu les travaux récents de Patrick Weil, qui indique combien cet article a été précieux dans l’histoire et combien il a été utilisé, je tiens à souligner, mesdames les rapporteures, que le Sénat a eu une bonne idée, très judicieuse historiquement, en rétablissant l’article 35 de la loi de 1905 par le biais de cet article 39 qu’en conséquence nous voterons.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 39.
(L’article 39 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 39
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 91 rectifié bis est présenté par MM. Karoutchi et Pemezec, Mmes Garriaud-Maylam et Thomas, MM. Burgoa, Bascher, D. Laurent, Regnard et Bonne, Mme Chauvin, MM. Guerriau et Mandelli, Mmes Drexler et Dumont, M. Sido, Mme Procaccia, MM. Cambon, Lefèvre, Meurant, Vogel et Decool, Mme Belrhiti, M. Menonville, Mmes Bellurot et Imbert, M. Laugier, Mmes Puissat, Goy-Chavent, Billon et Férat, MM. Cuypers, de Belenet et Moga, Mme F. Gerbaud, MM. Saury, Gremillet, Boré, Le Rudulier et Bouchet, Mmes Delmont-Koropoulis et Lassarade, M. Sautarel, Mme Micouleau, M. Longeot, Mmes Canayer et Deroche, M. Duplomb, Mmes Pluchet et Malet, MM. Belin et Chasseing, Mme Bourrat, M. Houpert, Mme Paoli-Gagin, MM. Le Gleut et Laménie, Mmes L. Darcos, Schalck et Boulay-Espéronnier, MM. Maurey, Bonhomme, H. Leroy et Rapin, Mme Guidez et M. Segouin.
L’amendement n° 181 rectifié bis est présenté par Mme V. Boyer et MM. Charon, Longuet, Genet, Savary et Tabarot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 39
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le septième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les mêmes peines sont applicables aux individus qui auront provoqué à la haine de la France. »
La parole est à M. Philippe Pemezec, pour présenter l’amendement n° 91 rectifié bis.
M. Philippe Pemezec. Les propos traduisant une haine de notre pays se banalisent, en particulier sur les réseaux sociaux, mais aussi dans des chansons ou dans des écrits. Ces propos ne sauraient être ignorés, car ils témoignent souvent d’une absence d’assimilation à la communauté nationale.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. D’intégration !…
M. Philippe Pemezec. Ils peuvent même constituer un préalable à des actions violentes de nature terroriste.
Notre droit est aujourd’hui silencieux sur ce point. Ainsi le présent amendement a-t-il pour objet de créer un délit d’incitation à la haine de la France, sur le modèle du délit d’incitation à la haine raciale. Ceux qui auront commis ce délit seront passibles d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 181 rectifié bis.
Mme Valérie Boyer. Nous avons, M. Karoutchi et moi-même, déposé le même amendement, signé par de nombreux collègues ; M. Pemezec vient de le défendre parfaitement.
J’ajouterai un argument à l’appui de cet amendement, dont je rappelle qu’il vise à créer un délit d’incitation à la haine de la France.
L’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne prévoit pas un tel délit : il condamne « [t]ous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics ».
Sont également condamnés dans le code pénal les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, la trahison et l’espionnage, l’intelligence avec une puissance étrangère, la livraison d’informations à une puissance étrangère, le terrorisme, etc. On y trouve aussi une définition du mouvement insurrectionnel : « Constitue un mouvement insurrectionnel toute violence collective de nature à mettre en péril les institutions de la République ou à porter atteinte à l’intégrité du territoire national. »
Sauf erreur de ma part, rien dans notre droit n’interdit l’incitation à la haine de la France. Permettez-moi de citer Clemenceau qui disait : « La France, hier soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de l’humanité, sera toujours le soldat de l’idéal. »
Mes chers collègues, en votant cet amendement, il s’agit de dire haut et fort que la France doit être respectée et que les injures qui la concernent doivent être condamnées !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Nous condamnons tous ici, évidemment, la haine de la France. Cet amendement paraît déjà satisfait, même si vous l’analysez autrement, ma chère collègue, par le texte même de l’article 24 de la loi de 1881, qui punit les appels à la haine à raison de l’origine d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende.
Quoi qu’il en soit, grâce à ce texte qui fixe des limites, nous allons nous battre ensemble pour que tout le monde aime la France. Tel est notre objectif.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Je suis désolée d’insister, mais si j’ai présenté cet amendement, identique à celui qui a été déposé par le vice-président de l’Assemblée nationale, et cosigné par de nombreux collègues, c’est bien que ce délit n’existe pas,…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Si, il existe !
Mme Valérie Boyer. … comme le montrent les arguments que j’ai développés sur l’article 24 de la loi de 1881.
Chère Jacqueline Eustache-Brinio, si nous visons, bien évidemment, les mêmes objectifs et si nous souhaitons, sur toutes les travées de cette assemblée, que la France soit aimée, je crois qu’il est important aussi, compte tenu de toutes les attaques et injures dont elle fait l’objet dans beaucoup d’écrits, de prévoir un délit d’incitation à la haine de la France, ce que ne fait pas l’article 24.
Mme Éliane Assassi. Pauvre France !
Mme Valérie Boyer. Il me semble important, dans ce texte sur le respect des principes de la République, de créer un tel délit. Je vous ai détaillé les mesures de l’article 24, rien n’y est prévu en matière d’incitation à la haine de la France.
Cet amendement pourrait faire l’objet d’un vote unanime sur toutes les travées : si nous sommes ici en tant que parlementaires, c’est que nous partageons tous l’amour de notre pays et que nous n’apprécions pas qu’il soit injurié, comme c’est malheureusement assez régulièrement le cas. (Mme Éliane Assassi proteste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 91 rectifié bis et 181 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 182 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, de Legge, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler et MM. Genet, Savary, H. Leroy, Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’article 39
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi modifiée :
1° Après l’article 35, il est inséré un article 35-1 ainsi rédigé :
« Art. 35-1. – Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 50 000 euros d’amende le fait de qualifier publiquement l’apostasie comme étant un crime. La peine est portée à sept ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende si cette qualification publique est assortie d’un appel à la violence ou à la haine à l’encontre d’une personne présentée comme un apostat. » ;
2° À l’article 36, les mots : « et 35 » sont remplacés par les mots : « , 35 et 35-1 ».
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à réaffirmer la liberté de conscience par la création d’un délit de déni d’apostasie.
Lors de la rédaction de la loi de 1905, le législateur a jugé bon d’inscrire à l’article 1er le principe de la liberté de conscience. Un siècle plus tard, l’intolérance religieuse et les accusations de blasphème resurgissent dans le débat public.
Dans ce contexte, la France doit affirmer que pouvoir quitter sa religion, que ce soit pour se tourner vers une autre ou pour ne pas croire, est une liberté fondamentale. C’est pourquoi cet amendement vise à créer un délit de déni d’apostasie, punissant le fait d’affirmer publiquement que l’apostasie est un crime.
Contrairement à ce qui a été indiqué en commission des lois, aucun texte ne prévoit le délit de déni d’apostasie.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Si !
Mme Valérie Boyer. En commission, il m’a été répondu que cet amendement était satisfait par l’article 21 de la loi de 1881, mais j’ai vérifié : non seulement cet article ne prévoit pas de délit de déni d’apostasie, mais de surcroît il a été abrogé !
Il en va de même de la loi de 1905, qui ne concerne pas l’apostasie, mais traite d’une situation où l’on obligerait quelqu’un à pratiquer le culte. L’apostasie, elle, renvoie à la croyance.
Par parallélisme avec la charte prévue, nous devons inscrire ce principe dans la loi. La liberté de conscience est attaquée un peu plus chaque jour. La liberté de conscience fait partie du patrimoine culturel de notre pays ; c’est une exception qu’il faut cultiver et protéger. Créer ce délit, c’est en quelque sorte la sacraliser !
Ce projet de loi vise à protéger la République. Or quand on veut protéger la République on protège aussi ses joyaux, parmi lesquels la liberté de conscience ! (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je comprends l’objet de cet amendement. Il paraît cependant déjà satisfait par le droit existant, puisque les incitations à commettre un crime ou un délit et les appels à la discrimination en raison de la religion sont sanctionnés par l’article 24 de la loi de 1881. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Boyer, l’amendement n° 182 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Boyer. Je suis vraiment désolée d’insister… (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous n’allez pas le défendre deux fois !
Mme Valérie Boyer. Je sais que vous n’allez pas voter cet amendement, et je le regrette, mais je ne peux pas vous laisser dire qu’il est satisfait.
Ce n’est pas exact, comme je l’ai expliqué en défendant cet amendement, même si c’est l’argument qui m’a été opposé en commission. J’aurais préféré obtenir une autre réponse et je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 182 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 39 bis
La section 11 du chapitre III du titre III du livre IV du code pénal est ainsi modifiée :
1° À l’article 433-21, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d’un an » et le nombre : « 7 500 » est remplacé par le nombre : « 15 000 » ;
2° Il est ajouté un article 433-21-2 ainsi rédigé :
« Art. 433-21-2. – L’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable de l’infraction définie à l’article 433-21. »
Mme la présidente. L’amendement n° 456 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal et Tissot, Mme Conway-Mouret, MM. Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, mes chers collègues, croyez-vous vraiment que vous allez faire fuir le radicalisme et l’islamisme violent en emprisonnant ou en donnant la possibilité d’emprisonner, non pas pendant six mois, mais pendant un an, un ministre du culte qui procéderait à un mariage religieux avant le mariage civil ?
Un tel délit est déjà puni de six mois d’emprisonnement et d’une amende, peines que vous alourdissez. Quelqu’un pense-t-il sérieusement ici que le fait de voter un tel article permettra d’atteindre l’objectif visé ? Franchement, tout cela n’a aucun rapport !
Post-scriptum : si vous visez l’islam, vous savez, j’imagine, qu’en France l’islam pratiqué est l’islam sunnite. Vous n’ignorez certainement pas non plus qu’il n’y a pas de ministre du culte dans la théologie sunnite, c’est-à-dire que tout fidèle peut présider toute cérémonie. Par conséquent, vous irez chercher le ministre du culte alors que le concept n’existe pas !
Tout cela pour dire que ce projet de loi entre dans quantité de considérations qui seront sans effet quant au but recherché, même s’il est légitime.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Nous n’avons effectivement pas la même analyse que vous, mon cher collègue.
Cet amendement vise à revenir sur l’aggravation de la peine encourue en cas de célébration, à titre habituel, d’un mariage religieux sans qu’un mariage civil ait été célébré auparavant. C’est une pratique interdite, mais elle est pourtant bien réelle.
La commission s’est déclarée favorable à cette aggravation qui permet de réaffirmer la prééminence du mariage civil sur le mariage religieux. Il est important de le rappeler dans ce texte, ce qui aidera probablement certaines jeunes filles à réfléchir et à moins subir un certain nombre de choses.
L’aggravation des peines a une visée essentiellement pédagogique. Et ce n’est pas un ancien professeur comme moi qui vous dira que la pédagogie ne sert à rien !
Je précise que, d’après les informations obtenues de la Chancellerie, c’est bien le caractère un peu occulte de l’infraction qui pose parfois difficulté et non la qualification de ministre du culte, qui pour les juges est la personne reconnue comme telle par sa communauté religieuse.
Voilà pourquoi il est important de réaffirmer dans ce texte que le mariage civil doit obligatoirement être célébré avant d’organiser un mariage religieux, contrairement à ce qui se pratique trop souvent.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je crois que M. Sueur se trompe de combat en dénonçant cet article, qui est bienvenu pour trois raisons essentielles.
Tout d’abord, en raison de la primauté de la loi républicaine, les actes civils sont les seuls qui vaillent dans la République et ils précèdent toujours les actes religieux. C’est tellement vrai que les ministres du culte – ceux d’entre vous qui se sont mariés religieusement le savent – demandent le document remis par le maire ou l’officier d’état civil, après l’opération dite « civile ».
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Exactement !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous avons constaté, monsieur Sueur, qu’avec l’islam, mais pas uniquement, cette pratique se perdait de plus en plus.
Par ailleurs, le mariage religieux est parfois utilisé non seulement pour obtenir des papiers sur le sol de la République, mais aussi à des fins de polygamie. Nous pouvons convaincre quelqu’un de polygamie en raison de plusieurs mariages religieux, ce qui renvoie au débat que vous avez eu avec Mme Schiappa dans cet hémicycle il y a une semaine.
Ensuite, monsieur Sueur, comme vous l’avez vous-même souligné, le législateur a déjà prévu une peine de prison, que nous souhaitons aggraver. Cette mesure a une fonction pédagogique, comme l’a rappelé, Mme la rapporteure. Ce sera sans doute l’occasion de le rappeler aux officiers d’état civil qui agissent au nom du procureur de la République, et non au nom du ministère de l’intérieur.
Cette peine complémentaire prévue à l’article 39 bis me paraît de nature à vous intéresser, puisque la peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-30 du code pénal, soit à titre définitif, soit pour une durée de plus de dix ans, à l’encontre de tout étranger coupable de l’infraction définie, c’est-à-dire à l’encontre de celui qui marie. Cette personne a été définie par la jurisprudence du Conseil d’État comme étant le ministre du culte, qu’il s’agisse d’un imam ou même d’un laïc.
Le fait que l’islam pratiqué en France soit majoritairement un islam sunnite – c’est-à-dire sans clergé, contrairement à d’autres religions ou à l’islam chiite – n’entre donc pas en ligne de compte.
Enfin, l’article 433-21 du même code prévoit que le juge puisse prononcer une sorte de peine complémentaire à la peine d’interdiction du territoire.
Je souligne que cette infraction va souvent de pair avec d’autres infractions : si un ministre du culte a l’habitude de marier des gens en se passant de M. le maire, c’est bien qu’il s’inscrit généralement dans une tendance non acceptable sur le territoire de la République !
Si Mme la rapporteure me permet de corriger une de ses affirmations, j’ai découvert à l’occasion des travaux préparatoires à ce texte que la loi ne prévoyait pas obligatoirement le passage devant un officier d’état civil, car elle autorise, en effet, de manière exceptionnelle, que l’on puisse procéder au mariage religieux sans procéder au préalable au mariage civil.
Je vous donne lecture de l’article 433-21 du code pénal : « Tout ministre d’un culte qui procédera, de manière habituelle – j’insiste bien sur ce point –, aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l’acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l’état civil sera puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. » Cela signifie que la République reconnaît exceptionnellement, notamment à la demande de l’Église catholique, des mariages religieux in extremis afin que la veuve puisse obtenir une pension. Nous reconnaissons donc les croyances et les aspirations de ceux qui souhaitent avant tout se marier religieusement, en raison de l’importance symbolique du sacrement au-delà de son caractère légal.
Monsieur Sueur, ce qui compte dans cet article, c’est qu’il pénalise le ministre du culte qui est responsable et qui célèbre de manière habituelle – je dis bien de manière habituelle – des mariages sans respecter les lois de la République.
Il me semble, pour ma part, qu’une telle réponse est proportionnée. C’est précisément parce qu’il s’agit de coups de canifs importants dans le pacte républicain qu’il importe d’y revenir.