M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
5
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement concerne l’article 25 du règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.
Nous examinons cette semaine le projet de loi, très important, confortant le respect des principes de la République. Il reste plus d’une centaine d’amendements à examiner.
La discussion de ce texte a été interrompue à plusieurs reprises pour adopter d’autres textes, également importants, ce qui n’a pas permis l’examen dans la continuité d’un texte aussi essentiel, ce que nous ne pouvons que déplorer.
Nous reprendrons tout à l’heure nos travaux, sans pouvoir être certains de les achever aujourd’hui dans des conditions satisfaisantes.
Par conséquent, il semble que la poursuite de nos travaux dans le cadre de la journée de demain puisse être envisagée. En effet, je ne sais pas à quelle heure nous pourrons lever la séance, compte tenu des sujets très importants qui restent à traiter et qui ne doivent pas être « bradés » au motif que nous devrions finir ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Grand. Elle a raison !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
S’agissant de l’organisation de nos travaux, des décisions ont été prises, qui reviennent à hacher la discussion de ce projet de loi. Toutefois, nous ne pouvons préjuger de la vitesse avec laquelle nous examinerons les amendements restant en discussion, qui sont au nombre de 155.
Nous verrons ce soir ce qu’il en est. Sans doute conviendra-t-il effectivement d’ouvrir la séance demain pour terminer l’examen de ce texte.
Mme Catherine Di Folco, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. On va y passer la nuit !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai bien noté le rappel au règlement de notre collègue Nathalie Goulet. Il faut tenir compte néanmoins, me semble-t-il, de l’organisation globale de nos vies de sénateurs et de sénatrices.
La semaine dernière, nous avons déjà œuvré sur ce texte mardi, mercredi, jeudi et vendredi. Or il est tout de même nécessaire que nous recevions ou rencontrions de temps en temps nos concitoyens, et nous sommes probablement nombreux à avoir prévu, demain, un emploi du temps chargé. Nous n’arrêtons pas !
Mon groupe n’est pas très favorable à l’idée d’ouvrir la séance de demain. Peut-être parviendrons-nous à achever l’examen du texte en discussion au cours de la nuit ; j’en émets en tout cas le vœu.
M. Antoine Lefèvre. La nuit sera longue…
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons déjà eu de longs débats sur le fond. Aussi, peut-être y arriverons-nous. À défaut, je serai plutôt partisan d’une reprise de nos travaux sur ce projet de loi la semaine prochaine.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Un point sera réalisé avec la commission des lois, en début d’après-midi, sur les conditions d’examen des amendements restant à examiner. La séance sera probablement prolongée tard ce soir ; cela dépendra à la fois du ministre présent au banc du Gouvernement et de la présidence de séance.
La parole est à Mme le vice-président de la commission.
Mme Catherine Di Folco, vice-président de la commission des lois. En l’absence du président de la commission des lois, je me permets d’intervenir ; je pense qu’il partagera mon point de vue.
L’ordre du jour ne prévoit pas qu’une séance soit ouverte demain, et nous ne souhaitons pas que tel soit le cas ; vous avez raison sur ce point, monsieur Sueur. Il appartient donc à chacun de bien mesurer le temps de ses interventions.
Mmes Jacqueline Eustache-Brinio et Elsa Schalck. Exactement !
Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois. Il ne s’agit nullement de brimer quiconque dans son expression, mais, dès lors qu’une décision semble faire consensus, on peut éviter d’ajouter encore et encore des commentaires aux commentaires.
Je compte donc sur chacun. Nous pouvons raisonnablement croire en notre capacité de finir ce soir à minuit et demi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
6
Réforme de la formation des élus locaux
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux (projet n° 377, texte de la commission n° 506, rapport n° 505).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet de la formation des élus locaux, qui nous rassemble aujourd’hui, constitue un enjeu essentiel au bon fonctionnement de notre vie démocratique.
Ce sujet me tient particulièrement à cœur ; nombre d’entre vous étaient déjà sur ces travées lorsque nous avons adopté, en 2015, la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur et moi-même, qui a créé notamment le droit individuel à la formation des élus locaux.
Nous savons tous ici ce que la fonction d’élu local suppose d’exigences, parfois paradoxales : tirant sa légitimité du seul suffrage universel, l’élu local doit maîtriser des dossiers dont la complexité va croissant, tout en étant parfois bien seul face aux difficultés.
C’est pour cette raison qu’un système de formation bien spécifique a été mis en place pour les élus locaux.
Il s’agit tout d’abord de leur permettre d’être mieux « armés » dans l’exercice de leur fonction d’élu, ce qui appelle une formation bien différente d’une formation professionnelle classique. Deux principes doivent être garantis : la pluralité de l’offre – les besoins peuvent en effet être variés, depuis les approches politiques, elles-mêmes nécessairement diverses, jusqu’à des formations plus techniques – et, naturellement, la qualité des formations.
Il s’agit également d’accompagner les élus dans le parcours professionnel que, comme c’est souvent le cas, ils poursuivent pendant leur mandat ou reprennent après son terme, cette fois par des formations professionnelles classiques. Nous savons tous que le retour à la vie professionnelle à l’issue d’un mandat est parfois difficile.
Le texte présenté aujourd’hui va permettre de consolider fortement notre dispositif de formation des élus locaux.
À la fin de l’année 2019, dans la loi Engagement et proximité, défendue par le ministre Sébastien Lecornu, le Parlement a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ce sujet.
Après avoir rendu public un rapport d’inspection aux constats parfois préoccupants, nous avons lancé un vaste cycle de concertations, avec, d’une part, les associations nationales d’élus, et, d’autre part, les organismes de formation agréés. Je veux ici les remercier de leur implication.
Cette concertation a conduit à un projet d’ordonnance sur lequel le Conseil national d’évaluation des normes a rendu un avis favorable unanime.
M. Alain Richard. Ce n’est pas si fréquent !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Permettez-moi de revenir en quelques mots sur les caractéristiques du système actuel et sur ses limites, qui sont l’objet de cette réforme.
Tout d’abord, les organismes de formation doivent disposer d’un agrément ministériel pour former des élus. Cet agrément n’a, hélas, pas permis d’éviter des dérives dans le secteur.
Ensuite, la formation des élus est financée par deux dispositifs complémentaires.
Depuis 1992, les collectivités doivent prévoir un budget de formation de leurs élus, égal au minimum à 2 % des indemnités qui peuvent leur être versées. Ce budget minimum devrait représenter au moins 34 millions d’euros. Mais les petites communes n’ont parfois pas les moyens nécessaires pour faire face aux demandes.
Les élus bénéficient également du droit individuel à la formation des élus, le DIFE, véritablement opérationnel depuis 2019. Ils disposent, à ce titre, de vingt heures de formation par an cumulables.
Ce droit est financé par une cotisation d’un montant égal à 1 % des indemnités versées aux élus, ce qui représente environ 16 millions d’euros. Force est de constater un certain nombre de dérives par rapport à l’esprit de la loi : prix élevés, faible nombre d’élus formés, concentration de la dépense sur quelques organismes, déficit très important.
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Tout cela est vrai !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. La réforme dont nous allons discuter s’attaque à chacun de ces sujets.
Premièrement, l’ordonnance conforte le dispositif de financement par les collectivités, auquel celles-ci sont très attachées.
Pour répondre aux besoins des petites communes, l’intercommunalité à fiscalité propre pourra désormais, selon des modalités absolument souples, contribuer à la formation des conseillers municipaux, sans exercer cette compétence pour autant.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. En outre, une collectivité pourra désormais abonder très facilement le compte DIFE de l’élu, afin qu’il puisse cumuler aisément les deux sources de financement.
Deuxièmement, l’ordonnance assouplit et pérennise le DIFE. Il faut sortir du système de droits en heures qui régit actuellement ce dispositif et qui a conduit certains organismes indélicats – je pèse mes mots – à présenter leur offre de formation comme « gratuite », alors qu’elle coûtait en réalité de plus en plus en cher.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Oui !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’ordonnance prévoit donc de doter annuellement chaque élu d’une enveloppe en euros.
L’élu pourra ainsi choisir le meilleur rapport qualité-prix et se former deux fois plus longtemps s’il choisit un organisme de formation deux fois moins cher.
Il aura accès à une vision d’ensemble de l’offre grâce à l’intégration du DIFE dans la plateforme « moncompteformation.gouv.fr », qui gère déjà le compte personnel de formation. La procédure d’inscription sera accélérée. Les frais de gestion seront réduits. Ce dispositif continuera de reposer sur la Caisse des dépôts et consignations, dont je veux saluer l’engagement dans cette réforme.
Pour ce qui est des formations de réinsertion professionnelle, l’élu pourra facilement cumuler les droits acquis dans le cadre de sa vie professionnelle, de ses engagements bénévoles et de son mandat d’élu, ainsi que les différents compléments de financement qui existent en matière de formation professionnelle de droit commun.
Cette réforme est aussi, tout simplement, une opération de sauvetage du DIFE, qui aurait été, en l’absence de ladite réforme, en cessation de paiements d’ici à l’été.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est vrai !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Très précisément, alors que les recettes annuelles sont de 15,9 millions d’euros, le déficit du fonds a atteint 11,9 millions d’euros en 2019 et 23,6 millions d’euros en 2020.
Afin de faire face à l’épuisement de la trésorerie, la Caisse des dépôts et consignations se voit accorder la faculté de consentir une avance de fonds au DIFE.
À moyen terme, l’équilibre financier sera garanti par la faculté donnée au pouvoir réglementaire, après avis du Conseil national de la formation des élus locaux, le CNFEL, de modifier les conditions d’organisation des formations, de moduler le taux de cotisation ou de moduler l’enveloppe accordée annuellement aux élus.
Cette enveloppe sera fixée dans la concertation, de manière transparente, en divisant les ressources disponibles par le nombre d’élus demandeurs.
Sur ce point, votre rapporteur a déposé, au nom de la commission des lois, deux amendements auxquels le Gouvernement est favorable et dont il partage complètement les objectifs.
Le premier vise à garantir la stabilité de l’enveloppe annuelle accordée aux élus pour trois ans, à compter de 2023.
Le second a pour objet de prévoir la conversion en euros des heures non utilisées à l’issue de la période transitoire de six mois prévue par l’ordonnance. Ce montant issu de la conversion s’ajouterait à l’enveloppe annuelle en euros qui sera accordée de manière identique à tous les élus locaux.
Il convient de garder à l’esprit que les droits en euros du DIFE s’ajouteront aux financements que pourront accorder les collectivités et les intercommunalités, soit en prenant directement en charge une formation soit en abondant le compte DIFE de l’élu.
Troisièmement, cette réforme devrait permettre de garantir des formations de qualité, délivrées par des organismes rigoureux.
Un répertoire national de la formation des élus sera élaboré de manière concertée, afin de cerner les sujets de formation éligibles au financement public.
Cette concertation permettra de conduire une réflexion sur les besoins des élus – je pense par exemple aux besoins spécifiques des élus de l’outre-mer, problème soulevé à juste titre par Lana Tetuanui, qui m’a écrit à ce propos.
Les organismes de formation des élus seront désormais soumis au même statut, et aux mêmes obligations, que les organismes de formation de droit commun. L’ordonnance formalise en outre la procédure de retrait de l’agrément en cas de manquement de l’organisme à ses obligations.
Quatrièmement, et enfin, la gouvernance du secteur sera simplifiée et renforcée.
L’ordonnance conforte le CNFEL, qui reprendra les missions de la commission DIFE, en lui confiant tous les leviers nécessaires pour rendre des avis parfaitement informés sur l’ensemble des enjeux de la formation des élus.
Le CNFEL bénéficiera également des avis d’un conseil d’orientation placé auprès de lui, dans lequel seront notamment représentés les organismes de formation.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme que le Gouvernement soumet à votre approbation. Mme la rapporteure et la commission des lois, dont je tiens à saluer le travail, ont apporté des amendements utiles au texte du Gouvernement dont elles partagent, me semble-t-il, les objectifs.
La discussion qui s’ouvre sur ce texte nous permettra, j’en suis certaine, d’avancer vers une réforme qui confortera la formation des élus locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le dossier dont nous allons parler aujourd’hui, à savoir la formation des élus, est un dossier très important pour le Sénat – vous l’avez rappelé, madame la ministre.
Aussi, je suis très heureuse de saluer les auteurs ici présents du dispositif de droit individuel à la formation des élus : vous-même, madame la ministre, et notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui présenta également, lorsqu’il était secrétaire d’État chargé des collectivités locales, un projet de loi sur les conditions d’exercice des mandats locaux portant notamment sur l’autre volet, hors DIFE, de la formation des élus.
Je salue également Catherine Di Folco, vice-président de la commission des lois, qui fut rapporteur de la proposition de loi DIFE. Merci à ces membres de la famille, si je puis dire, de leur investissement ! (Sourires.)
La formation des élus – vous l’avez dit, madame la ministre –, est extrêmement importante, et cela à deux niveaux.
D’une part, les élus doivent être formés à l’exercice de leurs compétences. D’autre part – nous l’avons vu en examinant le projet de loi Engagement et proximité, et mon collègue Mathieu Darnaud, qui était corapporteur, y avait beaucoup insisté –, la formation est nécessaire pour faciliter l’engagement des élus : il s’agit non seulement de les former à l’exercice de leurs compétences, donc, mais surtout de faciliter un retour à la vie professionnelle qui peut n’être pas souhaité.
C’est sur cette base que le DIFE, c’est-à-dire le droit individuel à la formation des élus, a été créé sur proposition de Jean-Pierre Sueur et de Jacqueline Gourault, sur le modèle de ce qui existait dans le droit commun. Je veux vous remercier très sincèrement, madame la ministre, ainsi que vos collaborateurs, du travail très positif que nous avons réalisé ensemble sur cette question.
Certes, vous le savez bien, nous étions extrêmement réservés, lorsque nous examinions le projet de loi Engagement et proximité, à l’idée de laisser le Gouvernement œuvrer par ordonnances – le Parlement n’aime guère confier à d’autres la mission qui est la sienne. Mais le travail qui est présenté aujourd’hui me semble extrêmement intéressant. Je salue les propositions que vous avez formulées et qui ont été enrichies par le Sénat.
Le dispositif du DIFE, ce droit individuel à la formation des élus, souffre, à cause de ce qu’il est, de différents maux.
Tout d’abord, il est alimenté par un prélèvement sur les indemnités des élus indemnisés, qui ne représentent qu’une petite minorité des élus ; la collecte s’élève ainsi à 16 millions d’euros par an seulement, alors même que 520 000 élus locaux y ont droit. Autrement dit, l’enveloppe est fermée, alors que le nombre de personnes éligibles est considérable.
Un autre problème doit être soulevé, Mme la ministre l’a souligné à juste titre : la qualité des formations dispensées. Il ne s’agit pas ici de critiquer les organismes de formation ; toutefois, tout de même, néanmoins et cependant (Sourires.), force est de reconnaître – ce constat est conforté par les conclusions de la mission réalisée sur ce sujet – que certains organismes de formation pratiquent des tarifs qui ne sont pas forcément proportionnels à la qualité de leurs prestations…
Quoi qu’il en soit, l’enveloppe a été asséchée, il faut le dire, par quelques organismes qui ont dépensé beaucoup d’énergie à proposer des formations aux élus. Aujourd’hui, la situation est très simple : le déficit est de près de 24 millions d’euros, alors que la collecte n’est que de 16 millions d’euros et que, en outre, il faut tenir compte des droits acquis.
Il est temps, donc, de remplir les objectifs légitimes que nous nous sommes fixés.
Il s’agit, en premier lieu, de faciliter l’accès des élus à leurs droits. La création d’une plateforme unique où chaque élu aura son compte, comme dans le droit commun, rendra plus aisé l’accès à la formation.
Madame la ministre, puisque nous sommes entre nous (Sourires.), j’en profite pour dire qu’il conviendra aussi que la Caisse des dépôts et consignations, qui gère difficilement, disons-le ainsi, le DIFE, diminue ses frais de gestion.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Aujourd’hui, il faut cinquante personnes pour gérer 16 millions d’euros. On peut supposer que demain, avec ce que nous proposons, il en faudra vingt. Il va donc falloir que la Caisse des dépôts et consignations réalise un gros effort d’optimisation de ses talents.
Nous proposons également un meilleur contrôle des organismes de formation. Il ne s’agit pas d’empêcher qui que ce soit d’offrir des formations différenciées et de qualité. Mais je crois nécessaire qu’existent aujourd’hui à la fois un référentiel des formations proposées aux élus et une évaluation des formations dispensées, afin que chaque élu, au moment de choisir librement son organisme de formation, ait à sa disposition une appréciation de la qualité et du sérieux des différents organismes.
Par ailleurs, une sous-traitance en cascade, dont le terme est parfois invisible, est très souvent pratiquée – nous avons pu le constater. Il convient, là aussi, de sécuriser les choses. Quand vous signez un contrat de formation avec un organisme, vous devez savoir qui va dispenser la formation, et celle-ci ne doit pas être déléguée à un organisme X ou Y qui ne serait pas agréé.
Nous proposons donc de limiter la sous-traitance au second rang. Des exceptions seront prévues pour des formations quelque peu exceptionnelles, par exemple en droit de l’urbanisme – quand une association d’élus travaille sur le plan local d’urbanisme, le PLU, un expert en la matière doit pouvoir intervenir.
Autre point décisif, on voit bien aujourd’hui que le déficit évolue au fil de l’eau. La consommation des crédits est cyclique : le droit individuel à la formation étant fait essentiellement pour la reconversion, on sait bien que c’est en fin de mandat, au bout de six ans, que les élus consomment les crédits, ce qui provoque une concentration de la demande. Et nous n’avons pas de visibilité.
Il est extrêmement important, pour les organismes de formation, qui sont aussi des employeurs, comme pour les collectivités, de connaître à un horizon de trois ans le montant du crédit en euros dont chaque élu pourra bénéficier. Nous avons donc, avec Mme la ministre, trouvé une date raisonnable, qui nous semble juste.
Il faut redresser la situation ; la prévisibilité à trois ans est certes un objectif difficile à remplir, mais nous proposons qu’il soit atteint en 2023.
J’en viens à un autre sujet essentiel : le système de conversion. Jusqu’à présent, les élus cumulaient un droit à la formation de vingt heures par an. À partir du mois de juillet prochain, le droit individuel à la formation sera calculé en euros. Un système de conversion est prévu. Comme c’est le cas pour tous les régimes transitoires, il faut à la fois respecter les droits acquis et veiller à l’équilibre financier.
Je remercie Mme la ministre d’avoir accepté une proposition fort raisonnable, en vertu de laquelle les droits acquis en heures par les élus et non liquidés à la fin du mois de juillet, date à laquelle ils commenceront à acquérir des droits en euros, ne seront ni perdus ni diminués.
Nous proposons par ailleurs un cumul des droits année après année, tout en le plafonnant, car, comme je l’ai dit, nous sommes des gens très raisonnables.
Nous avons également conforté le rôle du Conseil national de la formation des élus locaux, en assimilant son mode d’action à celui du Conseil national d’évaluation des normes, que nous aimons beaucoup – le CNFEL émettra un avis sur les projets que vous aurez à lui soumettre, madame la ministre.
Très clairement, si Mme la ministre souhaite modifier les leviers employés pour rétablir l’équilibre financier du fonds DIFE, elle devra en rendre compte auprès du CNFEL. Vous n’êtes pas sous contrôle, madame la ministre, mais sous notre exigence et notre bienveillance, vous le savez bien ! (Sourires.)
Je veux une nouvelle fois saluer le travail qui a été réalisé avec vous, avec la commission des lois et avec mes collègues de chaque groupe ; nous avons entretenu un dialogue responsable, mais volontaire. La formation est un enjeu majeur pour les élus ; en la matière, nous devons tenir compte d’une situation difficile et promouvoir une exigence de qualité.
Je souhaite donc que nous puissions aboutir de façon positive en ce qui concerne ces ordonnances. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDPI. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quand je présidais l’union des maires de mon département – après plusieurs années, j’ai dû abandonner cette présidence,…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. À regret ! (Sourires.)
M. Antoine Lefèvre. … frappé, comme beaucoup d’entre vous, par une interdiction du cumul des mandats que je continue de regretter –, la formation des élus comptait parmi les principaux dossiers dont nous nous occupions.
En effet, parce que le retrait progressif de l’État d’un certain nombre de missions qu’il exerçait dans les territoires s’accentuait, le besoin d’ingénierie territoriale a crû peu à peu.
C’est ainsi que nous avons accompagné les 816 maires de l’Aisne, principalement ruraux, au fur et à mesure de la décentralisation, via des sessions de formation organisées tout au long de l’année, qui rencontraient et continuent de rencontrer beaucoup de succès.
C’est donc tout naturellement que, en 2012, dans le cadre de notre délégation aux collectivités territoriales, que vous présidiez à l’époque, madame la ministre, je commettais un rapport intitulé La Formation des responsables locaux : un enjeu pour nos territoires, assorti de la conclusion suivante : « La formation, en ce qu’elle permet une amélioration des connaissances, des compétences et des aptitudes, constitue un outil qui répond à la fois aux intérêts des élus et des agents des collectivités territoriales. En ce sens, le droit à la formation doit être préservé et consolidé. »
J’y formulais une quinzaine de propositions, dont bon nombre ont finalement été intégrées dans notre droit, par exemple l’instauration d’un plancher de crédits budgétaires consacrés à la formation, ou encore la mise en place d’un droit individuel à la formation, le DIFE, qui fut créé par la loi de 2015 que vous avez évoquée, madame la ministre.
En 2018, avec mes collègues Michelle Gréaume et François Bonhomme, que je salue, j’ai sur le métier remis l’ouvrage, comme eût dit Boileau, en rédigeant un nouveau rapport intitulé Faciliter l’exercice des mandats locaux : la formation et la reconversion. Complexification du droit, augmentation des compétences des collectivités au fur et à mesure de la décentralisation, montée des intercommunalités : voilà en effet autant de dynamiques qui ont fait de la formation des élus et des agents publics un défi pour l’avenir des collectivités territoriales.
C’est donc peu de dire que la formation des élus est un serpent de mer, indissociable de celui du statut de l’élu.
Si nous avons pu avancer sur ce dernier point depuis quelque temps, la formation reste un défi majeur et crucial, car la compétence des élus locaux est la véritable condition d’un bon exercice du mandat. Elle permet de compenser les inégalités de formation initiale et elle est devenue une condition de la démocratisation de l’accès aux fonctions politiques.
Former les élus, c’est aussi les préparer à l’après-mandat – vous y avez fait référence, madame la ministre. À l’heure où plus personne n’envisage qu’un élu local occupe un mandat toute sa vie, la sortie du mandat et la reconversion supposent une formation adaptée et une bonne préparation en amont.
Dans notre rapport de 2018, nous avions fait des propositions dont l’adoption aurait permis d’avancer, mais, d’une part, de mauvaises habitudes avaient été prises, assorties de pratiques à tout le moins perfectibles, et, d’autre part, la soutenabilité financière du schéma adopté pour gérer le DIFE apparaissait au mieux fragile, comme l’a expliqué Mme la ministre.
La décision fut donc prise, fin 2019, de légiférer par ordonnance. Soit ! Nous avions alors regretté le choix de ce véhicule, sachant que nous aurions pu « boucler » le sujet lors de la discussion du projet de loi Engagement et proximité.
Cette ratification tardive, bien au-delà des délais impartis, nous aura fait perdre un temps précieux, d’autant que le personnel élu a entre-temps été en partie renouvelé à l’occasion des élections municipales de 2020.
Les ordonnances ont été substantiellement amendées par notre rapporteur, également présidente de la délégation aux collectivités territoriales, qui y a précisé, comme elle vient de l’exposer, d’une part, le contour du DIFE, et, d’autre part, les modalités de contrôle des organismes, mais aussi la pérennisation du financement et la protection des droits non entièrement liquidés.
Si nous souhaitons développer la culture de la formation, il faut précisément que les dispositifs en vigueur facilitent l’accès à cette dernière, pour les uns comme pour les autres, pour les ruraux comme pour les urbains, pour les élus majoritaires comme pour les élus d’opposition.
Ce projet de ratification sera soutenu par notre groupe, car il représente une avancée notable dans ce domaine essentiel pour les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)