Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les raisons qui viennent d’être excellemment exposées par Mme la rapporteure.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous nous apprêtons à voter cet amendement, car la réponse de Mme la rapporteure ne nous semble pas adaptée.
L’article prévoit deux circonstances aggravantes. L’une concerne – vous avez raison – la qualité des victimes potentielles, par exemple les personnes dépositaires de l’autorité publique. Mais l’alinéa précédent concerne l’infraction en général.
L’amendement vise à prévoir une circonstance aggravante lorsque l’infraction est commise au préjudice d’une personne en situation de handicap. Cela ne se superposerait pas à la circonstance aggravante actuellement prévue. Je pense que notre collègue a raison.
Nous voterons donc cet amendement, dont les dispositions nous semblent compléter utilement l’infraction ainsi créée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Certes, mes chers collègues, c’est la troisième fois que j’interviens sur cet article, mais il y a une logique à cela.
Nous avons indiqué que notre souci était de parvenir à la meilleure rédaction possible et, surtout, d’empêcher toute remise en cause de la liberté de la presse.
Nous avions demandé l’ajout d’une seule précision : la disposition inscrite au premier alinéa de l’article ne peut avoir pour objet ni pour effet de réprimer la diffusion d’informations visant à éclairer le public, quand bien même celles-ci pourraient être retransmises dans le but de nuire à la personne assurant la sécurité. Je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes opposé à ce que cette précision, très importante pour nous, figurât dans le texte.
Pour nous, sur cet article 18, comme sur l’article 24 du projet de loi que nous avons examiné précédemment, il y a une ligne rouge : on ne peut pas porter atteinte à la liberté de la presse, dès lors, bien entendu, que les personnes assurant notre sécurité sont protégées.
Aussi, nous ne pourrons voter cet article.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 18, modifié.
(L’article 18 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 18
Mme la présidente. L’amendement n° 137 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier, Cabanel, Roux, Guiol, Corbisez et Gold, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 131-10 est complété par les mots : « soit, lorsque la condamnation a pour fondement l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, par tout moyen de communication audiovisuelle » ;
2° Le cinquième alinéa de l’article 131-35 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « ou par un ou plusieurs services de communication au public par voie électronique » sont remplacés par les mots : « par un ou plusieurs services de communication au public par voie électronique ou, lorsque la condamnation a pour fondement l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, par un ou plusieurs services de communication audiovisuelle » ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « ou les services de communication au public par voie électronique » sont remplacés par les mots : « , les services de communication au public par voie électronique ou, lorsque la condamnation a pour fondement l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les services de communication audiovisuelle ».
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. On a souvent dit que les médias, à l’instar de la télévision, étaient le quatrième pouvoir et que leur diffusion d’informations pouvait ajouter de la culpabilité aux personnes condamnées dans la conscience du public.
Nous proposons ici de donner davantage de visibilité et de connaissance au public, téléspectateurs et auditeurs, quant aux condamnations de personnalités pour crimes ou délits. En fait, cela donne aux juges le pouvoir de prononcer ce qui s’apparente à une peine complémentaire. Nous voulons instituer une véritable peine de diffusion à la télévision de ces condamnations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. En commission, nous nous sommes effectivement dit que, au nom de la neutralité technologique, ce qui se pratique dans la presse et les services électroniques devrait aussi se pratiquer dans l’audiovisuel. J’avoue donc m’être interrogée.
Nous avons donc creusé un peu plus le sujet. Si un journal peut rendre publique une information dans le numéro suivant, on ne voit pas bien la forme qu’une telle mesure pourrait prendre dans l’audiovisuel… Je pense qu’il faut a minima en discuter avec les différents médias audiovisuels. En outre, à mon avis, cela orienterait plus facilement le juge.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement. Mais, à titre personnel, je pense que le sujet devra être retravaillé : il me semble normal que tous les médias puissent être concernés par ce genre de prescription.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Les articles 131-10 et 131-35 du code pénal prévoient déjà les modalités de diffusion et d’affichage des condamnations pénales par la presse écrite ou sur internet. Cela m’apparaît largement suffisant.
Au demeurant, on voit mal où la diffusion s’effectuerait dans l’audiovisuel. Il y aurait deux cents diffusions dans la journée sur une chaîne d’informations en continu contre une seule sur une chaîne du service public ! Nous ne maîtrisons rien en la matière.
Nous avons, je le crois, tout ce qui est nécessaire dans notre arsenal législatif. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je partage ce qui vient d’être indiqué.
Toutefois, comme j’ai souvent eu l’occasion de le souligner dans ce type de débats, il faudrait également songer à la communication des non-lieux, relaxes ou autres.
Les condamnations sont annoncées à tire-larigot, et la présomption d’innocence est allégrement violée. Mais quand il y a un non-lieu, une relaxe ou un acquittement, cela n’intéresse plus personne.
Je puis en parler en connaissance de cause, ayant été traînée dans la boue pour avoir assassiné mon mari, ce qui, vous en conviendrez, n’était tout de même pas grand-chose… (Rires.) On peut toujours en rire maintenant, mais, sur le moment, ce n’était pas très facile à vivre !
Le jour où il n’y a plus rien d’un point de vue judiciaire, il reste seulement de la boue sur les réseaux sociaux et dans les poubelles de Twitter. Les journalistes, qui font leurs choux gras des enquêtes pendant des semaines ou des mois, ne donnent rien, pas même une demi-ligne, aux personnes relaxées ou acquittées.
Aujourd’hui, la présomption d’innocence n’existe plus. Des gens sont traînés dans la boue pendant des semaines, et il est ensuite absolument impossible de recouvrer la moindre sérénité de la part des médias.
Je veux bien que l’on diffuse les condamnations, mais il me semble plus important de rendre publiques les non-condamnations de personnes dont on a violé la présomption d’innocence. D’ailleurs, reconnaissons-le, pour reprendre une expression chère à un ancien rapporteur général du budget, la présomption d’innocence aujourd’hui, c’est un pipeau péruvien ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous considérons que les auteurs de cet amendement soulèvent un véritable problème, mais que la réponse proposée n’est pas adaptée.
Pour autant, est-il satisfaisant de se limiter en la matière à la presse écrite ? Bien sûr que non ! Mais ce sont plutôt les règles relatives au droit de réponse qu’il faut faire évoluer.
J’encourage donc la Chancellerie ou d’autres services à y travailler. Nous savons bien que la situation n’est pas satisfaisante. C’est très bien qu’il y ait parfois des encarts dans la presse écrite, mais, aujourd’hui, les gens sont sur internet ou devant leur télévision. Et de telles condamnations n’y apparaissent jamais.
Si les services de la Chancellerie font preuve de créativité, nous pourrons peut-être trouver une solution.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice de La Gontrie, vous êtes cordialement invitée à la Chancellerie. Franchissez-en donc la porte, venez me parler de cette difficulté : vous verrez que nous pourrons travailler ensemble.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je ne discute pas avec les gens qui m’insultent !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 200 rectifié ter est présenté par Mme Doineau, MM. Mizzon et Bonneau, Mmes Saint-Pé, Billon et Férat, MM. P. Martin, Hingray, Chauvet, Cigolotti et Duffourg, Mme Jacquemet, M. Canevet, Mme Dindar, MM. Détraigne, J.-M. Arnaud, S. Demilly, Levi et Le Nay, Mme Morin-Desailly, MM. Delahaye, Kern et Moga et Mme Herzog.
L’amendement n° 423 rectifié est présenté par MM. Sueur et Assouline, Mmes de La Gontrie, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, M. Leconte, Mmes S. Robert et Harribey, MM. Féraud, Kanner, Kerrouche, Durain, Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article 226-10 du code pénal, les mots : « ou de non-lieu » sont remplacés par les mots : « , de non-lieu ou de classement sans suite ».
L’amendement n° 200 rectifié ter n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 423 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit d’un amendement de précision.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Les auteurs de cet amendement proposent qu’un fait classé sans suite ne puisse être dénoncé sans être qualifié de faux.
Or, nous le savons, le classement sans suite ne signifie pas nécessairement la fausseté d’un fait ; il peut être lié à la prescription de l’action publique, notamment.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le classement sans suite peut être décidé par le procureur alors que l’infraction est commise, par exemple après un rappel à la loi. Je comprends les intentions des auteurs de l’amendement, mais, en droit, le dispositif proposé n’est pas pertinent.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Par ailleurs, monsieur Sueur, je pense que vous avez été bien reçu quand vous êtes venu à la Chancellerie. N’est-ce pas ?
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne vois pas le rapport !
Mme la présidente. Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les invitations, comme les faits personnels, c’est à la fin de la séance !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Notre groupe votera cet amendement ; je salue l’efficacité de notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui l’a présenté de manière extrêmement rapide.
Le problème tient à la complexité du mécanisme de la dénonciation calomnieuse. Pour pouvoir porter plainte en dénonciation calomnieuse, il faut que les faits reprochés aient eux-mêmes fait l’objet d’une procédure arrivée à son terme et ayant donné lieu à une relaxe ou à un acquittement. Mais quid lorsque des faits allégués sont classés sans suite ? Il n’y a pas de base juridique.
Le classement sans suite n’est pas une décision judiciaire ; c’est une décision d’administration – mais le garde des sceaux me corrigera le cas échéant.
Il nous semble intéressant que la personne bénéficiant d’un classement sans suite puisse avancer sur la dénonciation calomnieuse. Certaines juridictions le permettent en tordant un peu le droit, il faut bien le dire, mais pas toutes. Certains d’entre vous se sont peut-être trouvés dans cette situation.
Nous avons donc souhaité adjoindre la situation du non-lieu ou du classement sans suite dans le texte, pour permettre aux personnes de se défendre dans tous les cas de figure.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je le précise, la prescription de l’action publique, qui débouche sur un classement sans suite, n’implique pas forcément que les faits n’ont pas été commis.
Dans mon département, un violeur n’a pu être condamné pour cause de prescription. Pour autant, il doit rester un violeur et ne pas être innocenté aussi facilement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 423 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 18 bis A
(Non modifié)
Après l’article 2-24 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-25 ainsi rédigé :
« Art. 2-25. – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l’objet statutaire comporte la lutte contre les violences, les injures, les diffamations, le harcèlement moral, les discours de haine ou la divulgation d’information dont sont victimes les agents chargés d’une mission de service public peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les atteintes volontaires à la vie et à l’intégrité de la personne et les agressions et autres atteintes, enlèvements et séquestrations réprimés par les articles 221-1 à 221-5-5, 222-1 à 222-18-3, 222-22 à 222-33-1, 223-1-1 et 224-1 à 224-5-2 du code pénal, si elle justifie avoir reçu l’accord de la victime ou, si cette dernière est un majeur sous tutelle, de son représentant légal. » – (Adopté.)
Article 18 bis
(Non modifié)
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :
1° L’article 24 est ainsi modifié :
a) Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits mentionnés aux septième et huitième alinéas du présent article sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. » ;
b) Au neuvième alinéa, les mots : « deux alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « septième et huitième alinéas » ;
2° Après le troisième alinéa de l’article 24 bis, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits mentionnés au présent article sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. » ;
3° L’article 33 est ainsi modifié :
a) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits mentionnés aux troisième et quatrième alinéas du présent article sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. » ;
b) Au cinquième alinéa, les mots : « deux alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « troisième et quatrième alinéas » ;
4° À l’article 69, les mots : « n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée » sont remplacés par les mots : « n° … du … confortant le respect des principes de la République ». – (Adopté.)
Article 19
Le chapitre II du titre Ier de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Au 8 du I de l’article 6, les mots : « au 2 ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1, » sont remplacés par les références : « aux 1 ou 2 » ;
2° Après l’article 6-2, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, sont insérés des articles 6-3 et 6-4 ainsi rédigés :
« Art. 6-3. – (Supprimé)
« Art. 6-4. – Lorsqu’une décision judiciaire exécutoire a ordonné toute mesure propre à empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne dont le contenu relève des infractions prévues au 7 du I de l’article 6, l’autorité administrative, saisie le cas échéant par toute personne intéressée, peut demander aux personnes mentionnées aux 1 ou 2 du même I, et pour une durée ne pouvant excéder celle restant à courir pour les mesures ordonnées par cette décision judiciaire, d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne dont le contenu relève des mêmes infractions et est identique ou équivalent à tout ou partie du contenu du service mentionné par ladite décision. Est considéré comme équivalent un contenu qui demeure en substance inchangé par rapport à celui ayant fait l’objet de la décision judiciaire mentionnée au présent alinéa et dont les différences de formulation par rapport à ce dernier n’impliquent aucune appréciation autonome.
« Dans les mêmes conditions et pour la même durée, l’autorité administrative peut également demander à tout exploitant d’un service reposant sur le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus proposés ou mis en ligne par des tiers de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès aux services de communication au public en ligne mentionnés au premier alinéa.
« L’autorité administrative tient à jour une liste des services de communication au public en ligne mentionnés au premier alinéa du présent article qui ont fait l’objet d’une demande de blocage d’accès en application du même premier alinéa, ainsi que des adresses électroniques donnant accès à ces services, et met cette liste à la disposition des annonceurs, de leurs mandataires et des services mentionnés au 2° du II de l’article 299 du code général des impôts. Ces services sont inscrits sur cette liste pour la durée restant à courir des mesures ordonnées par l’autorité judiciaire. Les annonceurs, leurs mandataires et les services mentionnés au même 2° du II de l’article 299 du code général des impôts en relation commerciale, notamment pour y pratiquer des insertions publicitaires, avec les services de communication au public en ligne mentionnés sur cette liste sont tenus de rendre publique au minimum une fois par an sur leurs sites internet l’existence de ces relations et de les mentionner au rapport annuel s’ils sont tenus d’en adopter un.
« Lorsqu’il n’est pas procédé au blocage ou au déréférencement desdits services en application du présent article, l’autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête, pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès aux contenus de ces services.
« Un décret fixe les modalités selon lesquelles sont compensés, le cas échéant, les surcoûts identifiables et spécifiques résultant des obligations mises à la charge des personnes mentionnées aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la présente loi au titre du présent article.
« Un décret précise les modalités selon lesquelles, s’il est identifiable, l’éditeur du service auquel l’accès est empêché en application du premier alinéa, qui fait l’objet d’une mesure de déréférencement en application du deuxième alinéa, ou qui est inscrit sur la liste établie en application du troisième alinéa, en est informé par l’autorité administrative et mis à même de présenter ses observations. »
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Il faut lutter contre les sites miroirs reprenant des contenus jugés illégaux par l’autorité judiciaire, gardienne des libertés fondamentales, afin de prévenir plus efficacement la réapparition de tels contenus.
Il est nécessaire de mettre en place une procédure pour assurer l’effectivité d’une décision de justice constatant l’illicéité d’un site internet et ordonnant son blocage ou son déréférencement, en permettant d’ordonner judiciairement le blocage de sites dédiés à la diffusion de contenus illicites.
Nous pouvons d’ailleurs saluer le rétablissement de la place du juge dans le dispositif prévu à cet effet, à la suite du vote du texte par l’Assemblée nationale.
Toutefois, un véritable problème demeure. Le constat de la similitude entre les contenus du site et du site miroir est laissé à la libre appréciation de l’autorité administrative. De plus, le critère proposé par l’article – avoir un contenu « identique ou équivalent » – manque tout de même de précision.
Ne reposant pas sur le caractère manifeste de la similitude, les décisions pourraient être prises arbitrairement, voire conduire à des atteintes disproportionnées à la liberté d’expression. L’absence du critère du caractère manifeste avait déjà été soulignée comme un problème lors l’examen de la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite « loi Avia » ; nous nous en souvenons ici. Un tel critère n’a pas non plus été pris en compte dans cette loi.
Comme le recommande la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, dans un avis, pour respecter l’exigence de prévisibilité de la loi pénale, il conviendrait que les critères à retenir pour apprécier le caractère équivalent soient explicités par la loi et renvoyés à la compétence de l’autorité judiciaire pour en préciser le contenu.
La majorité sénatoriale n’a pas pris ce parti en commission. Nous ne pouvons que le déplorer et essayer de poursuivre la discussion en séance.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 244 rectifié est présenté par M. Mizzon, Mmes Thomas et Belrhiti, MM. Duffourg, Masson, Canevet, Delahaye, P. Martin, Kern, Cuypers, J.-M. Arnaud et Moga, Mme Herzog, MM. Bouchet et Le Nay et Mme Bonfanti-Dossat.
L’amendement n° 570 rectifié bis est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour présenter l’amendement n° 244 rectifié.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Tel qu’il est formulé, l’article 19 est purement déclaratif, puisqu’il ne prévoit aucune sanction si les hébergeurs ou les fournisseurs d’accès à internet (FAI) refusent la demande des autorités.
Cet article, qui se contente de rappeler des dispositions déjà existantes, sans rendre obligatoire aucune mesure, risque d’être totalement inefficace dans la lutte contre la propagation de contenus haineux sur internet.
Notre demande de suppression de cet article s’explique donc par l’inefficience de celui-ci.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 570 rectifié bis.
M. Pierre Ouzoulias. Nous revivons le débat du projet de loi Avia – il s’agissait formellement d’une proposition de loi, mais elle était en réalité déposée à l’instigation du Gouvernement.
Comme vous le savez, mes chers collègues, ce texte a été très largement censuré par le Conseil constitutionnel. Le Gouvernement essaye aujourd’hui d’en sauver un certain nombre de dispositions, alors qu’il aurait fallu réfléchir à la cohérence d’ensemble du dispositif, dans un contexte où, pour une fois, l’Europe s’est saisie du dossier pour envisager une réforme complète de la législation sur le sujet. Ce que vous proposez risque donc malheureusement d’être complètement dépassé par les discussions en cours.
S’agissant du point précis sur lequel porte cet article, j’avais utilisé les dispositions de la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information sur les fausses nouvelles en période électorale pour déférer un tweet de M. le ministre de l’intérieur devant le juge des référés, démontrant par l’absurde, malgré ma condamnation, l’inapplicabilité du dispositif.
Twitter France avait témoigné devant le tribunal, en estimant que, en aucun cas, il ne pourrait être poursuivi devant la justice européenne. La maison mère, Twitter Irlande, n’avait pas souhaité être associée au procès. C’est bien la preuve que, faute de pouvoir obliger les portails à communiquer des éléments à la justice, nous sommes malheureusement tout à fait démunis.
Nous devons engager une réflexion plus générale sur le statut d’hébergeur. Ces réseaux sociaux en sont-ils vraiment ? N’interviennent-ils pas également dans le travail éditorial ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. La commission est globalement opposée à ces amendements identiques visant à supprimer l’article 19.
En effet, il nous semble nécessaire de lutter contre les sites miroirs. Le projet de loi permet désormais à l’administration de demander aux intermédiaires techniques, fournisseurs d’accès à internet et hébergeurs de bloquer l’accès à ces sites, de les déréférencer des moteurs de recherche et de les inscrire sur une liste noire à destination des annonceurs publicitaires.
Lorsque la justice demande le blocage d’un site malveillant, son contenu est immédiatement dupliqué sur un site miroir. Il est nécessaire aujourd’hui d’engager une nouvelle procédure pour obtenir la fermeture du nouveau site, alors même qu’il s’agit des mêmes contenus.
Même si elle aurait préféré une vraie discussion à la réintégration de toute la proposition de loi par voie d’amendement, la commission est donc favorable à cet article 19, qui vise à instaurer une procédure administrative pour pouvoir fermer plus rapidement ces sites miroirs.
Le Digital Services Act, ou DSA, risquant toutefois de ne pas être adopté avant longtemps, la commission a préféré conserver les articles 19 et 19 bis, car il est urgent d’agir, le but étant de transposer par avance les dispositions du DSA en imprimant la marque de la France.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.