M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La commission a fait un choix différent de celui qu’a présenté M. Ravier dans son amendement n° 498. Elle a créé à l’article 16 ter un délit spécifique sur lequel nous reviendrons.
L’avis est donc défavorable.
Les auteurs de l’amendement n° 464 rectifié bis souhaitent revenir sur le texte de la commission et rétablir celui qui est issu des travaux de l’Assemblée nationale. Il semble que nous ayons les mêmes intentions, mais que nous y parvenions différemment.
La solution proposée par la commission est juridiquement plus robuste et plus large puisque seraient concernés les professionnels comme les non-professionnels.
En effet, si l’examen de virginité est considéré comme illégitime – et même moyenâgeux, selon moi –, alors la différence de traitement entre les professionnels et les non-professionnels n’est pas fondée et constitue une rupture d’égalité.
Une lecture a contrario pourrait même conduire à ne pas pouvoir poursuivre pour viol ou agression sexuelle un médecin qui procéderait à des examens d’ordre gynécologique sans aucun motif médical. Cela n’empêcherait pas les médecins de vérifier si l’hymen d’une victime d’agression sexuelle a été rompu, l’examen visant alors à attester des violences subies.
La solution que la commission propose est la suivante. Un médecin ou un non-médecin qui pratique un test de virginité sur une jeune fille obligée de s’y soumettre par son entourage commet un viol ou une agression sexuelle, selon qu’il y a ou non pénétration, en application du droit existant – il n’y a pas besoin de changer la loi. Un médecin ou non-médecin qui pratique un examen de virginité sur une jeune fille qui s’y soumet sans pression de son entourage ni menace ni violence est coupable du nouveau délit créé à l’article 16 ter, que j’ai déjà évoqué, et encourt des peines fortes de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, la peine étant aggravée si c’est une mineure.
À aucun moment, nous n’avons soutenu que « la victime à qui l’on somme d’attester de sa virginité pourrait consentir à un tel examen ». Si elle est contrainte, alors c’est un viol ou une agression sexuelle et les dispositions du code pénal qui existent déjà s’appliquent.
Mais il faut aussi prendre en compte les jeunes filles qui ont tellement intégré la valorisation de la virginité qu’elles sont demandeuses de ces examens, parfois pour faire taire des rumeurs ou pour se soumettre à des pressions. Ces situations existent, des associations et des médecins nous l’ont dit !
Sur la base de l’ensemble de ces arguments et des réflexions que nous avons entendues lors de nos auditions, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. En ce qui concerne l’amendement de M. Ravier, l’avis est défavorable.
Nous partageons évidemment la préoccupation de pénaliser toute personne qui délivrera un certificat de virginité, y compris les non-professionnels de santé, mais les situations évoquées par M. Ravier relèvent déjà de l’exercice illégal de la médecine, voire d’ailleurs dans certains cas de l’escroquerie ou de l’usurpation de titres qui sont déjà punies par la loi.
J’ai fait, par exemple, cette semaine un signalement au président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à la suite d’une émission qui présentait les certificats et les tests de virginité comme normaux, comme une sorte d’obligation avant le mariage quand on appartient à certains « groupes communautaires ».
Sur le fond, nous souhaitons bien sûr interdire la délivrance de tout certificat de virginité. Mais, en droit, nous considérons que l’inscription de cette interdiction dans la loi est superfétatoire, la situation étant d’ores et déjà répréhensible dans les conditions fixées à l’article 441-7 du code pénal.
Pour ce qui concerne l’amendement de Mme Meunier, qui tend à assimiler à une agression sexuelle ou à un viol le fait d’obliger une personne à subir un examen pour attester de sa virginité, nous estimons que tout examen de virginité qui est fait par une pénétration – pardonnez-moi d’entrer dans des détails techniques – peut déjà être considéré comme un viol. En effet, en droit, le viol est défini une pénétration obtenue sous la menace, les violences, la contrainte, la surprise, etc. La disposition proposée nous semble donc, là aussi, superfétatoire.
Par ailleurs, nous craignons qu’en faisant figurer dans la loi un tel niveau de détail, cet amendement ne conduise à fragiliser la qualification juridique d’autres situations pouvant être considérées comme des viols. En effet, certains pourraient arguer du fait que la situation est explicitement détaillée dans le cas que nous évoquons, alors que, dans d’autres cas, il n’y a pas de liste exhaustive des faits pouvant être caractérisés comme des viols.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la ministre, j’ai entendu votre avis sur l’amendement de Mme Meunier, et je comprends que nous sommes d’accord sur le fond mais pas sur les modalités qui ont été proposées.
Contrairement à vous, j’estime que les critères constitutifs du viol peuvent être interrogés. Nous avons eu ce débat cent fois dans l’hémicycle, lorsque nous avons discuté des violences conjugales, des violences sexuelles sur mineurs, etc. Je veux parler de la question du consentement. Si nous avons proposé cette disposition à cet endroit du texte, c’est justement pour fermer la porte à l’interprétation juridique qui préside à la constitution de l’infraction de viol. En effet, la contrainte doit être caractérisée – on voit bien qu’il n’y a là ni surprise ni violence… –, tout comme le consentement de la victime.
La question est donc plus importante qu’elle n’en a l’air. Cet amendement n’est pas symbolique : il permet de nommer les choses. Je le redis, nous avons déjà débattu de ce sujet lorsque nous avons évoqué ici de manière très engagée des violences faites aux femmes ou des violences sur mineurs.
Je vous encourage, mes chers collègues, à voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je ne suis pas certaine d’avoir bien compris votre propos, madame la sénatrice, aussi voulais-je rappeler rapidement que la définition du viol dans le code pénal inclut bien la pénétration obtenue sous la contrainte, sous la menace, ou sous la surprise.
S’il y a donc contrainte, menace ou surprise – la demande de certificat de virginité est faite sous la contrainte –, le viol est caractérisé.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 464 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 517, présenté par Mmes Assassi et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Je serai rapide car cet amendement ne fait que concrétiser la position de notre groupe sur la discussion que nous venons d’avoir. Nous sommes opposés aux certificats de virginité ; en revanche, nous ne souhaitons pas de pénalisation des médecins et des professionnels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Nous avons effectivement, ma chère collègue, déjà commencé à débattre de cet amendement qui tend à supprimer la pénalisation des certificats de virginité.
La commission est favorable à la pénalisation, car elle permet de conforter le principe d’interdiction. Mme la ministre a rappelé la situation que nous avons connue s’agissant de l’excision : ce fut la même chose, chacun a dû prendre sa part. Les médecins, quels qu’ils soient et quels que soient les territoires dans lesquels ils travaillent, doivent aujourd’hui participer à la lutte contre la délivrance de ces certificats. Je peux vous dire que, pour des femmes, comme moi, qui ont assisté à un certain nombre d’évolutions de la société, il paraît nécessaire qu’en France, au XXIe siècle, nous nous opposions sans relâche à de telles pratiques.
Nous sommes donc totalement défavorables à l’amendement. Quand la loi sera claire, quand elle établira ce qui est interdit, elle ne pourra qu’aider ces jeunes filles, qui vont comprendre, et faire comprendre à leur entourage, que la France les protège de pratiques d’un autre monde. Cela permettra aussi à des médecins qui se font parfois une clientèle sur ces questions de se remettre dans la droite ligne de la loi.
Dans la lutte contre les déviances, contre tout ce qui ne cadre pas avec la République, chacun à sa place doit y prendre part, y compris les médecins.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je n’ai rien de plus à ajouter, monsieur le président !
L’avis est le même.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’article.
Mme Nathalie Goulet. Cet article est très important, et nous avons eu un débat courageux sur un sujet qui a l’air moyenâgeux, comme l’a dit Mme la rapporteure, ou d’un autre temps, sauf peut-être à la cour d’Angleterre si l’on en croit les gazettes.
En tout cas, une chose est sûre : il va falloir, madame la ministre – c’est la raison pour laquelle j’ai voté l’amendement n° 544 rectifié, comme je l’avais déjà fait en commission –, que l’information circule de façon très large, dans le milieu médical comme dans celui des associations, et pas seulement les associations de femmes.
Remettre un document à une patiente en lui expliquant que la France ne délivre pas de certificat de virginité permet aussi d’éviter le nomadisme médical, qui pousse une femme, si un médecin a refusé de lui établir ce certificat, à aller consulter ailleurs. Le principe doit être tout à fait clair et lisible.
Mme la rapporteure a qualifié le sujet de moyenâgeux, mais il est tout de même invraisemblable qu’en 2021 en France on soit obligé de passer une matinée à régler ce problème qui aurait dû l’être depuis longtemps. C’est donc une bonne chose que cela figure dans le texte.
M. le président. Je mets aux voix l’article 16, modifié.
(L’article 16 est adopté.)
Article 16 bis A
Le premier alinéa de l’article 227-24-1 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » ;
2° Le nombre : « 75 000 » est remplacé par le nombre : « 100 000 ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 16 bis A
M. le président. L’amendement n° 170 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mme de Cidrac et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’article 16 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre IX du livre Ier du code civil est complété par un article 371-… ainsi rédigé :
« Art. 371-…. – Une mineure faisant face à un risque de mutilation sexuelle et quittant le territoire national sans être accompagnée d’un titulaire de l’autorité parentale est munie d’un certificat de non excision.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
M. Stéphane Le Rudulier. Il s’agit d’un amendement de ma collègue Valérie Boyer. En France, des petites filles et des adolescentes risquent d’être excisées lors de séjours dans des pays où la pratique se perpétue et dont leurs familles sont originaires.
Depuis le 15 janvier 2017, les mineurs souhaitant quitter le territoire national seuls ou n’étant pas accompagnés du titulaire de l’autorité parentale doivent disposer d’une autorisation.
L’objet de cet amendement est d’adjoindre à cette autorisation un certificat de non-excision pour tout enfant qui quitte le territoire sans être accompagné d’un titulaire de l’autorité parentale. Un décret du Conseil d’État pourrait déterminer les conditions d’application de cette disposition.
Il conviendrait également d’envisager un examen médical avant le départ et dès le retour de l’enfant mineur sur le territoire français. Ainsi, si le médecin ne constate aucune mutilation, le certificat pourrait être remis aux représentants légaux de la mineure ; si, a contrario, le médecin constate une mutilation, le certificat sera directement transmis pour signalement au procureur de la République.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Nous sommes ici tous d’accord pour dire que l’excision est une monstruosité. Je voudrais d’ailleurs rappeler que Marta de Cidrac et Maryvonne Blondin avaient rendu, pour la délégation aux droits des femmes, un rapport sur ce sujet important à la suite d’un extraordinaire travail. Vous avez dû, madame la ministre, le recevoir. Ce rapport très riche comportait un certain nombre de recommandations, apportait des précisions et fixait des objectifs. Le sujet nous tient à cœur.
Néanmoins, l’amendement pose quelques problèmes, raison pour laquelle, même s’il est important d’attirer l’attention de notre commission et du Sénat sur ce sujet, nous y serons défavorables.
D’abord, en pratique, je ne vois pas comment le dispositif proposé pourrait être mis en place. Car il faudrait vérifier, à la fois, que les petites filles qui quittent notre pays ne sont pas excisées et si elles ne l’ont pas été à leur retour en France.
Par ailleurs, quels pays viser ? Je suppose que notre collègue qui a déposé cet amendement pensait plutôt aux pays d’Afrique subsaharienne. Mais, malheureusement, l’excision ne concerne pas seulement ces pays.
Je le redis, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut protéger les petites filles, que l’excision est une monstruosité, mais, sincèrement, cet amendement n’est absolument pas opérationnel. Je vous proposerai donc, mon cher collègue, de le retirer, même si vous avez bien fait de soulever le problème de l’excision des petites filles.
Pour compléter mon propos, et parce que nous en avons débattu au sein de la commission, je veux évoquer l’extraordinaire travail fait par les ONG dans les pays d’origine pour que ceux-ci interdisent l’excision. On constate que des pays ont avancé sur la question : depuis quelques années, certains l’ont interdit. Cela ne règle pas tout, car nous savons que ces traditions moyenâgeuses ne s’arrêtent pas du jour au lendemain.
Nous devons faire en sorte de régler le problème partout, avec toutes les bonnes volontés.
Je propose donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Même avis que Mme la rapporteure.
Un important travail de coopération est mené par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, en ce moment notamment avec le Forum Génération Égalité. Avec le Président de la République, nous nous sommes rendus au Tchad, au Burkina Faso et dans plusieurs pays qui travaillent avec la France pour éradiquer l’excision et ce qu’ils appellent les « pratiques néfastes ».
Nous partageons donc votre combat.
M. le président. Monsieur Le Rudulier, l’amendement n° 170 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Le Rudulier. Non, au vu des arguments avancés par Mme la rapporteure et Mme la ministre, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 170 rectifié est retiré.
L’amendement n° 171 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mme Bourrat et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’article 16 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre II du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Prévention des actes contraires à la dignité de la femme
« Art. L. 2123-…. – Lorsqu’un médecin ou une sage-femme constate à l’occasion d’un examen médical qu’une femme enceinte a subi une mutilation de nature sexuelle, il remet à celle-ci un document intitulé “Charte de protection de l’intégrité génitale de la femme”.
« Ce document présente le droit applicable en matière de protection du corps humain, notamment l’interdiction de toute forme de mutilation prévue à l’article 222-9 du code pénal, ainsi que les risques sanitaires encourus à l’occasion d’une mutilation génitale.
« Le contenu de ce document et les modalités de sa remise à la personne intéressée sont précisés par arrêté du ministre chargé de la santé. »
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
M. Stéphane Le Rudulier. Dans certaines maternités, des équipes médico-chirurgicales se sont mises en place pour prendre en charge les femmes victimes de mutilations comme l’excision.
Ces initiatives permettent d’accompagner et de sensibiliser les patientes en abordant tous les aspects de prévention, de conseil, de soutien et d’information, avec un rappel du cadre législatif français.
Lorsqu’un médecin ou une sage-femme constate à l’occasion d’un examen médical qu’une parturiente a subi une mutilation de nature sexuelle, le praticien de santé devrait pouvoir remettre à celle-ci une « charte de protection de l’intégrité génitale de la femme ».
Ce document présenterait le droit applicable en matière de protection du corps humain, notamment l’interdiction de toute forme de mutilation prévue par le code pénal, ainsi que les risques sanitaires encourus à l’occasion d’une mutilation génitale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il s’agit d’une question importante. Notre collègue Valérie Boyer signale d’ailleurs qu’il existe déjà à Marseille des initiatives de ce type, ce qui est une bonne chose. Des réponses différentes peuvent être apportées selon l’endroit où nous vivons dans notre pays.
Je précise, mon cher collègue, que les informations que vous souhaitez voir communiquées ne relèvent pas du domaine législatif. Il faut laisser les sages-femmes, les médecins et les associations qui luttent contre cette monstruosité qu’est l’excision prendre des initiatives comme elles le font déjà, pour faire de la pédagogie, notamment via la remise de documents.
Il était important d’aborder cette question et de dire qu’il est nécessaire de faire partout de la pédagogie – ce n’est pas moi qui vais contredire le fait que la pédagogie est essentielle ! Néanmoins, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable car, je le redis, il ne relève pas du domaine législatif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Le Rudulier, l’amendement n° 171 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Le Rudulier. Non, au vu des arguments exposés par Mme la rapporteure, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 171 rectifié est retiré.
L’amendement n° 172 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, B. Fournier, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary, H. Leroy, Segouin, Tabarot et Husson et Mme Berthet, est ainsi libellé :
Après l’article 16 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 2132-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° La référence : « L. 2132-2-1 » est remplacée par la référence : « L. 2132-2-2 » ;
2° Sont ajoutés les mots : « , notamment celles qui concernent d’éventuelles mutilations sexuelles ».
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
M. Stéphane Le Rudulier. Le carnet de santé est un document qui contient les éléments d’information médicale nécessaires au suivi de la santé de l’enfant jusqu’à ses 18 ans. Son utilisation est réservée aux professionnels de santé et sa consultation soumise à l’accord des parents.
En tant que document officiel soumis au secret professionnel, il est un outil de liaison entre les différents agents du milieu médical.
Le carnet de santé contient également des informations visant à préserver le bien-être de l’enfant. Il serait donc opportun d’y faire figurer un message de prévention sur les mutilations génitales féminines qui n’existe pas aujourd’hui, contrairement à ce qui a pu être indiqué précédemment. Ce message rappellerait, dans un premier temps, les risques de ces pratiques sur l’intégrité physique et psychique de l’enfant et, dans un second temps, la sanction prévue par le code pénal.
Ainsi, le service de protection maternelle infantile du département de la Seine-Saint-Denis prévoit déjà que, dans le cadre de la mission de protection infantile, les familles sont systématiquement informées de manière individuelle ou collective de la gravité des mutilations, de leurs conséquences sur la santé et de leur caractère illégal.
J’invite mes collègues à voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement de Valérie Boyer relève du même esprit que les deux précédents. Il vise à nous alerter sur le sujet des mutilations sexuelles, ce qui est important.
Je me suis repenchée sur la question du carnet de santé, sachant que notre collègue est très attachée à cet amendement. Je veux lui dire que son amendement est satisfait, d’abord parce que cette question relève non pas de la loi, mais du règlement. Par ailleurs, les mutilations sexuelles font bien partie des constatations que peuvent et doivent inscrire aujourd’hui les médecins dans le carnet de santé, comme tous les événements liés à la santé d’un enfant jusqu’à sa majorité. Il est donc déjà possible et normal de faire ces constatations.
Si Valérie Boyer voulait préciser les choses à ce sujet, je le redis, cela relève non pas de la loi, mais du règlement. Je comprends qu’elle insiste sur le fait que ces constatations soient inscrites dans le carnet de santé, mais il appartient déjà aux professionnels de santé de le faire.
Monsieur Le Rudulier, je vous demande donc de retirer l’amendement ; sinon, je serai obligée d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Le Rudulier, l’amendement n° 172 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Le Rudulier. Au vu des arguments exposés, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 172 rectifié est retiré.
L’amendement n° 174 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, B. Fournier, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet et H. Leroy, Mmes Bourrat et de Cidrac et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’article 16 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Chaque année, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur les mutilations génitales féminines.
Ce rapport indique et commente :
a) Le nombre de Françaises et de personnes résidant habituellement sur le territoire français victimes de mutilations génitales en France ou à l’étranger ;
b) L’activité judiciaire concernant les infractions prévues aux articles 222-9, 222-10 et 227-24-1 du code pénal : nombre d’affaires enregistrées et d’affaires poursuivables, taux de poursuites engagées et taux de réponse pénale, nombre de condamnations et quantum des peines prononcées, ainsi que les nationalités des auteurs de ces infractions ;
c) Les moyens, ainsi que leur coût, mis en œuvre pour lutter contre les mutilations génitales féminines ;
d) Les actions entreprises avec les pays pratiquant les mutilations génitales féminines pour mettre en œuvre une politique ferme contre ces pratiques.
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
M. Stéphane Le Rudulier. Il s’agit d’un amendement d’appel.
Dans un avis, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a rappelé que la France est le pays de l’Union européenne dans lequel il y a eu le plus grand nombre de poursuites pénales pour des faits de mutilations sexuelles : environ 29 procès depuis 1979.
Cet amendement tend à demander la remise d’un rapport annuel qui retracerait l’activité judiciaire concernant les mutilations génitales féminines, les moyens mis en œuvre pour lutter contre ces mutilations ainsi que leur coût.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Au sein de cette assemblée, chacun sait que la commission des lois n’est pas favorable aux demandes de rapport. Nous en avons d’ailleurs déjà « évincé » quelques-uns !
Je rappelle qu’un rapport a été récemment fait par Maryvonne Blondin et Marta de Cidrac dans le cadre de la délégation aux droits des femmes. Diverses structures produisent déjà des rapports pour suivre ce phénomène contre lequel nous devons lutter.
On trouve d’ailleurs dans une étude de Santé publique France publiée en 2019 des chiffres sur la pratique des mutilations.
Je voudrais rendre hommage à une avocate que je connais, Linda Weil-Curiel : elle a permis la construction de la législation actuelle, puisque c’est elle qui a fait condamner la première femme pratiquant des excisions dans notre pays. C’est bien grâce à elle que nous avons une législation sur cette question. Je ne sais pas si elle suit nos travaux, mais j’ai une pensée pour elle car elle a été une combattante : même si cela n’a pas été facile, elle a permis que l’excision soit une infraction lourdement condamnée dans notre pays.
Mon cher collègue, là encore – je suis désolée de vous contredire et de vous taquiner ce matin ! –, je vous demanderai de retirer votre amendement, car votre demande de rapport semble parfaitement satisfaite.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. J’associe le Gouvernement, si Mme la rapporteure me le permet, à l’hommage qu’elle vient de rendre à celles qui se sont battues pour interdire l’excision et les mutilations génitales.
Je voudrais vous rappeler que le Gouvernement a lancé, avec le Premier ministre d’alors, Édouard Philippe, il y a un an et demi de cela, un grand plan contre l’excision, doté de moyens. Nous avons, par exemple, multiplié par trois la subvention de l’association Excision, parlons-en ! et avons décidé de financer davantage la Fédération GAMS que j’évoquais précédemment.
Par ailleurs, nous avons également lancé une étude de prévalence pour mieux quantifier le nombre de femmes qui vivent en France avec des mutilations génitales. Le chiffre sont nous disposions précédemment était de 90 000 femmes ; les études que nous avons diligentées nous laissent penser que ce sont plutôt 160 000 femmes et filles qui seraient concernées. Ce travail est fondamental, et il doit être mené en lien avec l’éducation nationale. C’est pourquoi nous avons, dans le cadre du plan contre l’excision, mobilisé cette dernière, y compris pour le repérage et la prévention de l’excision.
Cela étant, vous savez, monsieur le sénateur, que le Gouvernement n’est par principe pas favorable aux rapports. Néanmoins, si le Parlement demandait un nouveau rapport, nous le ferons bien évidemment.