M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Informer une jeune femme ou une jeune fille quant à l’existence d’associations fait partie du lien logique entre un médecin et sa patiente, lequel veut que ce professionnel oriente celle-ci s’il y a des démarches à faire. Cela me paraît naturel et il n’est pas besoin de l’inscrire dans la loi.
Si le médecin pense qu’il y a un risque de violences physiques ou psychologiques à l’encontre d’une jeune femme mineure, il peut tout à fait – et les médecins le font – alerter la cellule du recueil des informations préoccupantes (CRIP) du département. C’est inscrit à l’article 226-14 du code pénal.
Pour les jeunes femmes majeures, il y a une nuance : il faut recueillir son accord. Si celle-ci a peur, par exemple, elle peut tout à fait donner son accord pour que le médecin fasse un signalement auprès du procureur de la République. À titre personnel, je connais de tels cas dans ma ville : les médecins ne laissent pas repartir les jeunes filles avec des sentiments de crainte ou de peur.
Ces amendements, en mentionnant la seule information à transmettre, pourraient laisser penser a contrario qu’il s’agit de la seule initiative à prendre.
Par ailleurs, comme l’a rappelé Mme la ministre, les ordres de professionnels de santé ont déjà pris de telles initiatives.
Compte tenu des dispositifs existants, il faut faire confiance aux médecins, et faire en sorte que se construise un lien entre une jeune femme et son médecin.
L’avis est donc défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Nous sommes d’accord sur le fond, c’est-à-dire sur le fait que le médecin doit informer la jeune femme et ne pas la laisser repartir simplement sur un refus. Au demeurant, il me semble que de nombreux médecins font déjà cela.
Nous avons commencé à travailler avec différentes organisations, notamment avec la Fédération nationale GAMS, qui fédère des associations luttant contre les mutilations sexuelles féminines et les mariages forcés, pour éditer des guides à la destination des élus, pour les aider sur la question des mariages forcés, mais aussi pour les médecins afin que ceux-ci soient mieux outillés en la matière.
Cela étant dit, nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire d’aller autant dans le détail en inscrivant dans la loi l’obligation pour le médecin d’informer la patiente au cours de la consultation.
L’avis est défavorable, car nous pensons que la loi n’est pas ici le bon vecteur. Mais, encore une fois, nous sommes d’accord sur le fond.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Ces amendements nous donnent l’occasion d’approfondir davantage ce questionnement.
Je me réjouis, sans en être étonnée, de la défense par Mme la ministre des droits des femmes et de l’intégrité de leur corps. Nous avons déjà eu des débats avec elle sur ce sujet et il n’y a aucune ambiguïté à cet égard : soyons clairs, je n’ai pas dit lors de ma dernière intervention que je soutenais les certificats de virginité ; je voulais simplement attirer l’attention sur la pénalisation prévue des praticiens et sur ses conséquences.
Je suis d’accord pour que nous ne raisonnions pas tout en blanc, tout en noir ou tout en gris, et je me réjouis, là aussi, que Mme la ministre soit plus dialecticienne que cela. Pour autant, j’ai entendu l’argument selon lequel il faudrait s’appuyer sur le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof), dont le moins que l’on puisse dire est qu’il ne défend pas toujours des positions progressistes. Les choses sont effectivement plus nuancées…
Ce qui m’importe, c’est d’accompagner ces jeunes femmes qui sont en détresse. Il me semble important non pas de restaurer, mais d’approfondir le lien qu’elles peuvent avoir avec leur médecin.
L’objet des amendements qui ont été présentés est justement de dire qu’elles doivent être accompagnées et guidées vers des associations qui prendront la relève et jugeront du degré de danger qui pèse sur elles. Je pense que nous devons, ensemble, y réfléchir.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Je soutiens, outre celui que j’ai présenté, l’amendement n° 544 rectifié de Mme Assassi.
Il a été question de Mme Ghada Hatem : lorsque nous l’avons auditionnée, elle a précisé qu’on lui adressait davantage de demandes pour réparer des hymens que pour établir des certificats de virginité.
Il est vrai que nous sommes tous d’accord pour poser un interdit clair, qui soit écrit : non au certificat de virginité !
Il faut, bien sûr, accompagner ces jeunes femmes. Mais, si l’on y réfléchit bien, que fait-on pour les prévenir ?
Je ne suis pas intervenue dans le débat précédent sur la polygamie, mais c’est le même sujet. Que fait-on vraiment dans notre société, quels textes et quelle prévention envisage-t-on à cet égard ?
En essayant de réparer un mal, je le dis souvent, on ne fait que mettre un pansement, alors qu’il faudrait vraiment travailler sur ce mal. Cela signifie qu’il faut donner des moyens à l’école, par exemple pour organiser des cours d’éducation à la sexualité. Vous me direz que j’y reviens encore. Oui, car ces formations ne sont pas efficientes dans nos écoles !
Nous sommes donc d’accord sur le fond, mais ce qu’il faudrait faire avant tout, c’est donner des moyens efficaces pour la prévention et la déconstruction des stéréotypes de genre.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Mme Ghada Hatem, obstétricienne et fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis, a une position que je n’approuve pas, certes, mais il y a un autre volet dans ce qu’elle dit. Elle assume pleinement le fait de délivrer des certificats de virginité, ce qu’elle fait rarement et dans des circonstances très particulières. Elle explique : « Quand je vois que la femme qui est en face de moi a des ressources, qu’elle peut s’en sortir sans cela, je refuse de délivrer ce certificat. Je lui fais de la pédagogie, je lui parle des droits des femmes, des combats des générations précédentes pour que les femmes puissent disposer de leur corps. Mais dans certains cas, pour les très jeunes femmes notamment, ma priorité est d’abord de les protéger. Et si la délivrance d’un certificat de virginité est le seul moyen, je le fais et je l’assume. »
Elle évoque aussi les dangers qui pèsent sur ces jeunes femmes, qui peuvent être renvoyées au bled si le mariage est rompu à cause de l’absence de certificat de virginité.
On ne peut pas demander à l’école de tout faire ! Quand rien ne va, c’est toujours l’école qui doit pallier… Or il faudrait quatorze heures d’enseignement sur ces sujets. Il existe d’autres moyens : je considère, pour ma part, que l’on peut afficher un document dans les mairies, organiser des réunions, d’autant que le nombre de filles qui demandent un certificat de virginité est tout de même très réduit.
Peut-être pourrait-on prévoir, par voie d’amendement, d’inscrire dans cet article que ces jeunes femmes doivent bénéficier d’une formation, de même que leurs parents, puisque ce sont eux qui les poussent à faire cette demande afin de pouvoir les marier et se débarrasser d’une bouche à nourrir. Lorsqu’on est pauvre, on a d’autres stratégies sociales…
Cette question des certificats de virginité n’est pas anodine. Nous, femmes modernes et féministes, nous sommes contre ce certificat. Mais réfléchissons aux différents aspects avant de prendre une décision !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Tout d’abord, je veux dire que nous partageons totalement le plaidoyer de la ministre sur ce sujet absolument majeur. De ce fait, nous avons déposé, à l’instar du groupe CRCE, des amendements qui visent à compléter le texte. Mais j’ai entendu que la rapporteure n’y était pas favorable.
Il faut bien concevoir les circonstances. On dit que les médecins peuvent d’ores et déjà, aujourd’hui, orienter les jeunes femmes. Peut-être. Il nous a cependant semblé utile de prévoir une quasi-obligation d’orienter celles-ci vers les organismes qui peuvent les aider.
Il nous a également semblé important – j’évoque en l’occurrence l’amendement présenté par Mme Assassi – qu’il leur soit remis un document précisant que la loi interdit cette pratique, car faire cela c’est les protéger.
Que se passe-t-il lorsqu’une jeune femme demande à un médecin de procéder à ce type d’examen et de lui délivrer un certificat de virginité ? Plaçons-nous dans l’hypothèse où le médecin oppose un refus, en expliquant ou pas ses raisons selon qu’il a le temps ou non. Quid du retour à la maison ?
Il nous semble absolument fondamental qu’un document soit remis afin que cette jeune femme soit protégée si elle ne revient pas avec le certificat attendu par sa famille. Car, très souvent, ce n’est pas elle qui demande ce document, mais son futur conjoint, son père, etc.
Encore une fois, et j’en appelle à Mme la ministre, qui est très engagée sur ces sujets, je pense qu’il est important de prévoir un dispositif complet. Ce n’est pas du bavardage. Puisque la France décide d’inscrire dans son droit l’interdiction de cette pratique, il faut que la jeune femme puisse vraiment s’en prévaloir, y compris auprès de ceux qui, dans sa famille, lui demandent un certificat de virginité.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Madame la sénatrice Benbassa, je ne répondrai pas à votre explication de vote. Vos propos ont en effet été déjà tenus précédemment, sous une autre forme, par une autre sénatrice, à laquelle j’ai répondu longuement et qui vient de me répondre à son tour. Cet échange a donc déjà eu lieu, et je ne redévelopperai pas mon argumentaire par respect pour les personnes qui étaient présentes.
Je suis choquée d’entendre une personne telle que vous, féministe et engagée, dire que nous sommes des femmes modernes et féministes, et donc opposées aux certificats de virginité, mais qu’il existe des jeunes filles, moins modernes ou moins féministes que nous, qu’il ne faudrait pas protéger. (Mme Esther Benbassa proteste.) C’est ce que vous avez dit, madame la sénatrice, ou en tout cas ce que j’ai compris de votre intervention ! Ces propos, vous les avez d’ailleurs exprimés dans le passé sur le même sujet. Je serais ravie d’être démentie…
Tout ce que vous venez d’expliquer revient à faire du relativisme. Vous relativisez les droits des femmes ! Vous considérez qu’il y a des droits pour des femmes modernes, non exposées à la question des certificats de virginité, et pas pour d’autres, au nom d’une forme de relativisme culturel, de l’existence d’une tradition qu’il faudrait comprendre : ces femmes ne seraient pas prêtes à entrer dans cette modernité féministe et il ne faudrait pas les protéger de ladite tradition. (Mme Esther Benbassa proteste vivement.) C’est exactement ce que vous avez dit !
Par ailleurs, au sujet du Syngof, je tiens à dire que l’on ne peut pas disqualifier des personnes qui émettent un avis en fonction de la position qu’elles ont prise sur d’autres sujets.
Je rappelle que Mme Ghada Hatem, pour laquelle j’ai beaucoup de respect, n’était pas favorable au fait que nous légiférions contre le harcèlement de rue, et elle n’était pas la seule. Et quand j’ai dit que je voulais agir contre les violences gynécologiques et obstétricales, elle a appelé, à la radio, à ma démission. Rien de moins ! C’était il y a trois ans et demi.
Depuis lors, de nombreux collectifs se sont montés pour agir contre les violences gynécologiques et obstétricales. Maintenant que ce sujet est devenu davantage « grand public », Mme Ghada Hatem est revenue sur sa position en disant qu’il fallait effectivement mieux protéger les jeunes femmes. Je souhaite qu’elle change également d’avis sur le certificat de virginité !
Je comprends qu’il puisse exister une volonté de s’opposer, par nature, au Gouvernement lorsqu’on fait de la politique. Mais je crois qu’il faut aussi rassembler les synergies.
Lorsque les associations de terrain, mais aussi l’Organisation mondiale de la santé, que l’on ne peut pas soupçonner de n’être pas en phase avec les droits des femmes, le Syngof et l’Ordre des gynécologues, qui sont deux organisations différentes, et l’Ordre des médecins appellent à légiférer partout dans le monde sur les certificats de virginité, il est opportun de les écouter, à défaut d’écouter les jeunes femmes.
Enfin, je rappelle que la France a une responsabilité dans le monde : lorsqu’elle légifère, d’autres pays la regardent et s’en inspirent.
C’est le cas de la diplomatie féministe portée par notre pays. À l’occasion du Forum Génération Égalité organisé par ONU Femmes et coprésidé par la France et le Mexique, et lors du G7, la France a décidé qu’un conseil consultatif remettrait la liste des meilleures lois, susceptibles d’inspirer d’autres lois partout dans le monde. Plusieurs pays se sont prononcés à cet égard, disant qu’ils considéraient avec beaucoup d’intérêt le travail mené par la France.
Pour ce qui concerne la remise d’un document par le médecin, permettez-moi de vous faire part de mon étonnement. On nous disait hier, au sujet du contrat d’engagement républicain, que celui-ci ne changerait rien. Et, en l’occurrence, ce document-ci aurait une grande importance ?
À mon humble avis, une telle mesure ne relève pas de la loi. Il est évidemment salutaire qu’un médecin remette un tel document ; voilà pourquoi nous élaborons avec la Fédération nationale GAMS, que nous avons missionnée à cette fin, un guide que ces professionnels pourront donner aux jeunes femmes. Mais détailler dans la loi ce qui doit être expliqué lors de la consultation, par le médecin à sa patiente, ce n’est pas forcément opérant.
Je ne vous apprendrai rien, madame la sénatrice, en vous disant que la discussion, l’échange et la consultation sont plus efficaces que la simple remise d’un document, laquelle peut donner le sentiment que l’on se dédouane, sans aborder les sujets. (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la ministre, comme beaucoup d’entre nous ici, je suis totalement favorable à l’interdiction des certificats de virginité.
Ma boussole sur ce dossier, c’est le professeur Israël Nisand. Celui-ci a très clairement expliqué que ces certificats devaient être interdits, et que les médecins devaient encourir une sanction en cas de non-respect de cette interdiction, mais aussi expliquer à leurs patientes qu’ils ne pouvaient pas y déroger.
Par ailleurs, je plaide pour la remise d’un document par le médecin à la patiente. Non, madame la ministre, ce n’est pas superfétatoire ! J’en veux pour preuve que la loi oblige à informer les victimes des endroits où elles peuvent obtenir des informations, notamment les associations d’aide aux victimes.
Bien sûr, toutes les femmes qui demandent un certificat de virginité ne sont pas forcément des victimes, mais il y a des moments où l’information est fondamentale.
Je reprendrai l’argumentaire de Marie-Pierre de La Gontrie : pour que la jeune fille puisse expliquer à sa famille que le fait de revenir sans ce certificat n’est pas lié à sa mauvaise volonté, elle doit pouvoir disposer d’un document clair. Cela n’empêche pas le dialogue avec le médecin ! La remise d’un document ne veut pas dire : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » L’un et l’autre vont de pair.
À l’étape où nous en sommes parvenus, c’est-à-dire la généralisation effective de l’interdit sur le territoire national, ces dispositions, dans leur ensemble, paraissent indispensables.
Mme Esther Benbassa. Je demande la parole, monsieur le président. Je ne peux laisser Mme Schiappa déformer mes propos !
M. le président. Je suis désolée, ma chère collègue, mais vous avez déjà expliqué votre vote. C’est la même règle pour tous et je n’ai pas le pouvoir de la modifier.
Je mets aux voix l’amendement n° 483 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 544 rectifié.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Les personnes qui étaient en séance l’ont adopté : 16 voix pour, 15 voix contre.
L’amendement n° 462 rectifié bis, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Assouline, Mme S. Robert, M. Sueur, Mmes Monier et Meunier, M. Marie, Mme Lepage, MM. Féraud et Leconte, Mme Harribey, MM. Lozach, Kerrouche, Kanner, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-2-…. – Un professionnel de santé alerte le procureur de la République lorsqu’une demande lui est faite afin d’établir une attestation aux fins d’attester la virginité d’une personne.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. L’article 226-14 du code pénal dispose que le secret professionnel n’est pas applicable « au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République […] les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises ».
Il dispose également : « Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire […]. »
Cette disposition, introduite par la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, est à saluer. Elle est cependant insuffisante, notamment pour protéger les femmes majeures.
Dans une étude du Quotidien du médecin réalisée en 2019 auprès de 431 participants, 29 % des médecins interrogés ont affirmé avoir déjà été sollicités pour délivrer un certificat de virginité. Ces professionnels de santé ont rapporté que, dans bien des cas, cette demande n’émanait aucunement de la patiente, mais de son futur conjoint, de la famille de la patiente ou de la future belle-famille de celle-ci.
Les phénomènes d’emprise et de pression sociale dans ces situations ne sauraient être négligés. Étant sous influence, la patiente n’est souvent pas en mesure de consentir à ce que son médecin alerte le procureur de la République, sans pour autant qu’elle soit considérée en « incapacité physique ou psychique », comme cela est prévu à l’article 226-14 du code pénal.
Conscient de l’ascendant que peut avoir l’entourage de sa patiente sur celle-ci, le professionnel de santé doit pouvoir lui porter secours en toute circonstance. Le présent amendement vise donc à faire des professionnels de santé des lanceurs d’alerte, en leur permettant de saisir le procureur de la République lorsqu’il leur est demandé de réaliser un certificat aux fins d’attester la virginité d’une femme.
Par ce biais, le procureur de la République en sera informé et pourra prendre des mesures de protection au bénéfice de la femme, mener une enquête et diligenter d’éventuelles poursuites à l’encontre de ceux qui ont été à l’initiative de la demande du certificat de virginité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement a pour objectif d’obliger le médecin sollicité pour établir un certificat de virginité à alerter le procureur de la République, même sans l’accord de sa patiente.
Très sincèrement, une telle disposition ne pourrait que fragiliser le lien entre un médecin et sa patiente, c’est-à-dire une jeune femme ou une jeune fille qui vient lui parler d’un sujet qui n’est pas simple. Dès lors que celle-ci saura qu’un signalement peut être fait auprès du procureur de la République sans son accord, le risque est qu’elle s’oriente vers un professionnel de santé qui n’est pas médecin et dont l’approche de la situation sera différente.
La commission a émis un avis totalement défavorable sur cet amendement, qui est de nature à fragiliser grandement le lien entre le médecin et ces jeunes femmes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Nous considérons que les débats sur la levée du secret professionnel ont eu lieu dans le cadre de la loi qui a suivi le Grenelle des violences conjugales.
Vous le savez, ces débats ont été nourris, intenses et accompagnés d’une grande consultation avec les professionnels de santé. Ils ont permis d’aboutir à la rédaction suivante, que vous avez adoptée : lorsqu’il y a un danger imminent pour la vie de la patiente, il peut être procédé à un signalement. C’est une très bonne chose.
Le signalement auprès du procureur de la République d’un certain nombre de faits mettant en péril la situation des femmes est une possibilité. Il est important de nous en tenir là, car l’équilibre qui a été trouvé est, à mon sens, suffisamment efficace.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je souhaite répondre à Mme la ministre.
Madame, vous êtes simpliste : pour vous, le monde, c’est oui ou non ! Cela ne marche pas comme ça… Les choses sont bien plus compliquées ; il existe, entre autres, des traditions culturelles, mais je n’entrerai pas dans les détails…
Je n’ai pas dit que j’étais moderne et féministe et que les autres femmes ne l’étaient pas ! Votre façon d’expliquer les choses consiste à attaquer les autres ; c’est votre façon de faire, très bien.
Je vous respecte, mais vous devez aussi respecter ma parole parce que je n’ai absolument pas tenu les propos que vous m’avez prêtés. Dont acte, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. C’est une mise en cause personnelle !
Je vous renvoie à ce que je disais précédemment à propos des accords toltèques et de la parole impeccable. Vous dites : « toujours », « jamais », « personne », « vous attaquez tout le temps les autres »… Cette mise en en cause personnelle n’apporte rien à la qualité des débats, je me permets de vous le dire, madame la sénatrice. (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 462 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 498, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-2-…. – Une personne physique ou morale non professionnel de santé ayant établi un certificat aux fins d’attester la virginité d’une personne, est coupable des crimes et délits prévus à l’article 441-7 du code pénal. » ;
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. L’article 16, quelque peu naïf, que nous examinons, ne prend en compte que les professionnels de santé qui rédigeraient des certificats de virginité, c’est-à-dire des personnes bénéficiant d’un titre officiel.
Cependant, lesdits certificats de virginité ne sont pas, pour la plupart, délivrés par des professionnels de santé. La réalité de notre pays tiers-mondisé oblige à élargir le dispositif prévu par ce projet de loi.
Aujourd’hui, en France, des pseudo-médecins, des usurpateurs de titres officiels ou des référents communautaires, comme des figures cultuelles, sont sollicités pour attester de la virginité d’une personne avec ou contre son gré. On entend peu les pseudo-féministes autoproclamées, adeptes des combats idéologiques, comme l’écriture inclusive, sur ces sujets qui sont une réalité dans notre pays ! La dignité des femmes est pourtant bafouée par l’établissement de tels certificats, que l’on n’exige jamais des hommes.
C’est la culture exogène de l’islamisme importé par l’immigration sur notre sol, contraire à nos modes de vie, qui fait des femmes des suspectes. Il est loin l’amour courtois de notre belle culture française !
Le présent amendement prévoit que la simple délivrance des certificats constitue un acte de faux, par lequel un individu, même non professionnel, commet un double délit consistant, d’une part, à établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts, et, d’autre part, à faire usage d’une attestation ou d’un certificat inexact ou falsifié. Or ces délits sont répréhensibles, aux termes de l’article 441-7 du code pénal.
Il faut mettre un terme à ces pratiques communautaristes étrangères en inscrivant, par la voie de cet amendement que je vous invite à adopter, un interdit clair, pour un professionnel ou un non-professionnel, de délivrer un certificat de virginité.
M. le président. L’amendement n° 464 rectifié bis, présenté par Mmes Meunier, Monier et de La Gontrie, M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Sueur et Marie, Mme Lepage, MM. Féraud et Leconte, Mme Harribey, MM. Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 1115-…. – Toute personne, non membre du corps médical, réalisant un examen avec pénétration visant à établir la virginité de la victime se rend coupable de viol et encourt la peine prévue à l’article 222-23 du code pénal.
« Toute personne, non membre du corps médical, réalisant un examen sans pénétration visant à établir la virginité de la victime se rend coupable d’agression sexuelle et encourt la peine prévue à l’article 222-22 du même code et, si l’agression est commise sur un mineur de quinze ans ou une personne vulnérable, la peine prévue à l’article 222-29 dudit code.
« Toute personne informée de la réalisation d’un tel acte en vue d’établir un certificat de virginité et qui ne dénonce pas sa réalisation aux autorités encourt la peine pour non-dénonciation de crime ou de délit prévue aux articles 434-1 à 434-4 du même code. »
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. L’Assemblée nationale a créé un nouvel article L. 1115-4 du code de la santé publique, qui pénalise l’examen visant à établir la virginité. Il assimile cet examen à un viol s’il a donné lieu à pénétration ou à agression sexuelle.
Les rapporteures de la commission des lois ont écarté cette qualification pénale pour des motivations qui nous posent problème. Il a notamment été rappelé que l’élément constitutif de l’acte par violence, contrainte, menace ou surprise, ne pouvait être établi, du fait du consentement de la jeune fille ou de la femme.
Selon nous, il n’est pas envisageable d’interroger le consentement d’une personne qui a grandi, qui a été éduquée, et dont l’avenir dépend de la soumission à des pratiques culturelles et à des normes sociales familiales.
La jeune femme se trouvant dans cette situation est dans une position d’emprise telle qu’elle ne peut que consentir à ces rites. Parfois même, il arrive que certaines femmes consentent à un mariage forcé pour quitter le carcan familial, et pour retrouver un nouveau carcan conjugal guère plus permissif.
Nous souhaitons que l’on cesse d’interroger le libre arbitre de ces jeunes femmes. L’assimilation de l’examen de virginité à un viol ou à une agression sexuelle revient à formaliser l’interdit clair de cette pratique rétrograde.