Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Voilà des années, très loin d’ici, en Égypte, Nasser, s’exprimant à l’assemblée du Caire, s’est moqué du responsable des Frères musulmans qui lui demandait d’imposer le port du voile pour les jeunes filles, alors que sa propre fille n’était pas voilée. C’était il y a cinquante ou soixante ans. Depuis lors, les choses ont bien changé. Elles ont également changé en Afghanistan.
Nous avons évoqué le chanoine Kir. Mais le monde a changé ! Le problème des textes que nous examinons est qu’ils ne désignent pas l’ennemi. L’ennemi, c’est l’islamisme, qui a gangréné les sociétés du Moyen-Orient et qui gangrène désormais nos sociétés.
Il existe une différence fondamentale entre les deux amendements : celui d’Olivier Paccaud ne vise que les réunions de l’organe délibérant.
Que le chanoine Kir ait siégé à l’Assemblée nationale en soutane et que des moines siègent aujourd’hui dans des conseils municipaux ne pose aucun problème. Le vrai problème est de ne pas nommer l’ennemi. Ce n’est pas une question de texte : c’est une question de conquête islamiste de nos territoires.
M. Loïc Hervé. Dans quelles communes ?
M. Sébastien Meurant. Dans certains territoires, on voit déjà des signes religieux ostentatoires, conquérants. Demain, il n’y aura, dans certaines villes, que ces signes ostentatoires, parce qu’ils auront conquis – peut-être par les urnes, du reste – les principes de la République.
M. Loïc Hervé. Dans quelles communes ?
M. Sébastien Meurant. Je comprends tout à fait qu’un élu doive pouvoir être libre de choisir, mais une restriction dans l’enceinte de l’organe délibérant est tout de même très limitée. La question se pose. Je rejoins M. Paccaud sur ce point.
Dans les écoles, le sujet est à peu près le même : il est compliqué du fait que l’on ne désigne pas l’ennemi.
On est là très loin du chanoine Kir et de 1905. Le monde a changé. Il est de plus en plus dangereux parce que nous avons laissé faire. Les dispositions des amendements que j’ai déposés – j’y reviendrai – permettront d’envisager d’autres options.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Je voudrais intervenir de manière apaisée. En effet, il me semble que nous nous enflammons un peu alors que – disons-le clairement – nous ne sommes pas en train de régler un problème majeur.
Nous ne sommes même pas en train d’essayer de régler un problème du tout.
M. Loïc Hervé. Tout à fait !
M. Cédric Vial. Nous tentons de poser des principes.
Ce projet de loi, comme son intitulé l’indique, vise à conforter le respect des principes de la République, et c’est le rôle du législateur de fixer un certain nombre de principes. Nous ne sommes pas des pompiers et nous n’avons pas vocation à intervenir quand il sera trop tard et que tout aura brûlé.
Ces deux amendements sont très différents : le premier vise à demander une forme de neutralité, ce qui n’est pas acceptable pour un élu, lequel ne pose pas son cerveau au vestiaire avant d’entrer dans un hémicycle ou au conseil municipal.
On garde ses idées et on doit pouvoir conserver une liberté d’expression totale. Je rejoins les propos de mes deux collègues Bas et Brisson : cette liberté ne doit pas être restreinte, ni dans le champ religieux ni dans le champ politique. Elle doit être la plus large possible. Convenons de ce principe, que nous pouvons tous partager.
L’amendement de M. Paccaud a un tout autre objet, en ce qu’il vise uniquement l’organe délibérant. Il ne s’agit pas d’interdire telle ou telle tenue à un élu dans l’ensemble de ses fonctions, mais seulement lors de la réunion du conseil municipal.
Disons-nous les choses : la manière dont on est habillé est aussi le reflet de ce que l’on dit et de qui le dit. Celui qui parle est-il l’élu ou la personne que sa tenue représente, comme un prêtre, par exemple ? Il s’agit, là encore, de poser un principe.
On interdit déjà aux agents publics ou aux accompagnateurs scolaires de porter certaines tenues. Si les élus ne sont pas capables d’en faire de même le temps du conseil municipal, comment seraient-ils crédibles pour demander cet effort aux agents publics ?
Cher Loïc Hervé, je suis d’accord : nous ne sommes pas en train de régler un problème majeur, mais gardons nos principes en tête. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure, applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Mon cher collègue, il me semble que ces amendements tendent à susciter, plutôt que de l’effervescence, du débat, de la réflexion et de la raison.
À un moment, j’ai été assez favorable à l’idée que vous évoquez en ce qui concerne les instances délibératives. Toutefois, il me semble que cette question relève davantage du règlement intérieur d’une assemblée que d’une loi.
Mon cher collègue Marie, vous ouvrez une boîte de Pandore. Cette disposition, si elle était adoptée, risquerait de nous revenir à la figure comme un boomerang. En effet, vous souhaitez chasser toute expression à caractère religieux, et, ce faisant, nous instaurerions aussi une police de la parole : demain, il y aura des auteurs que nous ne pourrons pas citer, des mots que nous ne pourrons plus dire – je pense aux termes « sacré », « pardon », etc. – qui font aussi partie de notre culture.
Ensuite, des gens s’étonneront – cela commence déjà en Bretagne – qu’une commune de la République puisse s’appeler Saint-Malo ou Saint-Brieuc ou qu’il y ait des calvaires dans nos paysages…
Mes chers collègues, nous devons être raisonnables. En adoptant ces amendements, nous faisons le jeu de ceux contre qui nous luttons. Je pense qu’il y a grand danger à entrer dans ces propositions que les juges pourront apprécier de manière différente et que nos adversaires utiliseront pour nous effacer du paysage. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Madame la ministre, après avoir été d’abord favorable à une certaine neutralité au sein des instances délibératives, il me semble à présent qu’il ne faut pas confondre la manière dont un élu doit se tenir quand il exerce l’autorité publique – en célébrant un mariage, par exemple – et quand il siège au sein d’une instance délibérative, où il représente non plus l’État, qu’il doit respecter, mais la population.
On peut, par un règlement intérieur, définir des règles. Aller au-delà, mes chers collègues, c’est ouvrir les portes de l’enfer – je profite de l’occasion pour utiliser cette expression, de peur de ne bientôt plus pouvoir le faire ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 25 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 658, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
par délégation des attributions dont le maire est chargé au nom de l’État ou comme officier d’état civil,
par les mots :
des attributions au nom de l’État, y compris par délégation du maire
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.
(L’article 2 bis est adopté.)
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement.
M. Roger Karoutchi. Mon rappel au règlement porte sur l’organisation de nos travaux.
Depuis hier, nous avons royalement examiné 44 ou 45 amendements ; il en reste presque 600… Demain, nous examinerons deux conclusions de commissions mixtes paritaires et le texte sur la santé, et il y aura un débat sur la crise sanitaire : au mieux, il nous restera la fin de l’après-midi et la soirée pour reprendre ce texte. Nous devrions siéger vendredi, mais nous ne savons pas si la séance sera ouverte le matin, l’après-midi et le soir.
Lundi, c’est Pâques, donc nous ne siégerons pas. (Exclamations amusées.)
Mme Cécile Cukierman. Pâques, c’est dimanche !
M. Roger Karoutchi. Moi, rien ne m’empêche de venir le lundi de Pâques. Vous, je ne sais pas, mais moi, je peux venir ! (Sourires et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE.)
Aussi, peut-on nous donner des précisions sur l’organisation de nos travaux de la semaine prochaine ? Faut-il accélérer quelque peu le rythme de nos débats afin d’achever l’examen de ce texte mercredi ou jeudi prochain, ou faudra-t-il également siéger le vendredi de la semaine prochaine ?
Mme la présidente. Acte est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Je le rappelle, la séance est ouverte demain soir, ainsi que vendredi matin, après-midi et soir. La semaine prochaine, nous aurons jusqu’à jeudi après-midi pour achever l’examen de ce texte.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur Karoutchi, nous siégerons ce vendredi, le matin, l’après-midi et le soir.
La semaine prochaine, la séance est ouverte mardi, mercredi et jeudi, avec l’objectif de finir ce projet de loi jeudi.
Or demain, au regard de l’ordre du jour, nous ne pourrons reprendre l’examen de ce texte qu’en toute fin d’après-midi, voire seulement en début de soirée… Il reste en cet instant 552 amendements à examiner. Chacun peut donc réduire un peu son temps de parole, même si le débat doit bien entendu avoir lieu.
Mme la présidente. Mes chers collègues, chacun aura compris que nous avons du temps, mais qu’il serait tout de même souhaitable, sans pour autant nous interdire de débattre, d’accélérer quelque peu la cadence, d’autant que nous avons déjà pu largement nous exprimer collectivement.
Articles additionnels après l’article 2 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 564 rectifié ter, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias, Mme Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mme Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l’article 7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est complétée par les mots : « , dans le respect de la Constitution et de la forme républicaine du Gouvernement ».
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. L’article 89 de la Constitution de 1958 prévoit que « la forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision ». Cet article a été voté en souvenir de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, par laquelle la République s’est sabordée à Vichy, et j’honore la mémoire des quatre-vingts parlementaires qui se sont opposés à cette révision.
S’il y a quelque chose de fondamental dans notre démocratie, dans la République, c’est que l’on peut y discuter de tout, sauf de la forme républicaine du Gouvernement.
Les partis politiques peuvent se constituer librement, sans aucune entrave. En revanche, je ne comprends pas que l’on puisse financer des partis politiques dont le seul objet est de mettre à bas les principes de la République.
Par exemple, le parti politique Civitas revendique pour programme « l’abrogation de la loi de séparation des Églises et de l’État et le rétablissement du catholicisme comme religion d’État pour l’instauration du règne social du Christ Roi ». Tel est l’objet de ce parti politique, que vous financez, mes chers collègues : inscrit en préfecture de manière parfaitement légale, Civitas reçoit des fonds, et les donateurs bénéficient, comme nous tous, d’une réduction d’impôt.
Il faut, à un moment, affirmer plus fortement les principes de la République et considérer que l’on ne peut financer un parti politique dont l’unique objet est de renverser cette dernière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je comprends l’objectif des auteurs de cet amendement, que je peux même partager.
Néanmoins, le rappel de la forme républicaine du Gouvernement a quelque peu gêné la commission, car certaines listes sont loin de cet objectif. Il me semble que certains des amendements que nous allons examiner prochainement pourront répondre en partie à vos attentes et à vos questionnements, monsieur Ouzoulias.
Aussi, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. C’est désespérant ! Chaque fois que, sur ces travées, nous défendons des amendements visant à affirmer les principes de la République de manière forte, on nous explique systématiquement que ce n’est pas possible, que c’est trop compliqué, que c’est anticonstitutionnel…
La Constitution, mes chers collègues, nous dit que l’on ne peut contester la forme républicaine du Gouvernement, et vous acceptez que de tels partis politiques, qui la contestent, touchent de l’argent public ! Où sont les principes ? Je crains que, tout au long de ces deux semaines de débat, vous ne refusiez systématiquement les amendements venant de notre partie de l’hémicycle et visant à affirmer la séparation de l’Église et de l’État. C’est désespérant !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 564 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. Pierre Ouzoulias. C’est bien dommage !
Mme la présidente. L’amendement n° 290 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc, J.-B. Blanc, Bonhomme, Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mme Bourrat, M. J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier, Darnaud et Daubresse, Mme de Cidrac, MM. de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Gueret, Houpert, Hugonet et Husson, Mmes Imbert et Joseph, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lherbier, Lopez et Malet, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas, Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin et Regnard, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savary, Mme Schalck, MM. Segouin, Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I – Le deuxième alinéa de l’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est complété par les mots : « et n’ayant pas, au cours de la campagne électorale ou durant les six mois précédant son ouverture, tenu dans les lieux publics, par quelque moyen que ce soit, y compris écrit, des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse ».
II. – Le code électoral est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 48, sont insérés des articles L. 48-1 A et L. 48-1 B ainsi rédigés :
« Art. L. 48-1 A. – La propagande électorale s’effectue dans le respect des valeurs de la République. Dans ce cadre, il est interdit de tenir dans les lieux publics ou ouverts au public, par quelque moyen que ce soit, y compris écrit, des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité ayant pour objet de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse. L’emblème imprimé, le cas échéant, en application de l’article L. 52-3 ne doit pas laisser entendre que le candidat, le binôme ou la liste soutient de telles revendications.
« Art. L. 48-1 B. – En cas de manquement manifeste par un candidat ou son remplaçant à l’interdiction édictée par l’article L. 48-1 A, le représentant de l’État dans le département saisit sans délai la juridiction compétente pour connaître des contentieux relatifs aux déclarations de candidatures afin de prononcer son exclusion immédiate. La juridiction statue dans un délai de deux jours.
« Le cas échéant, la juridiction peut, par décision spécialement motivée, prononcer l’exclusion de l’ensemble de la liste ou du binôme auquel appartient le candidat ou le remplaçant. À défaut d’une telle décision, le candidat ou le remplaçant exclu est remplacé par un candidat de même sexe.
« La décision de la juridiction ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours contre l’élection. » ;
2° Le chapitre V du titre Ier du livre Ier est complété par un article L. 52-3-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 52-3-1 A. – Le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de police fait procéder sans délai au retrait des affiches électorales et autres documents contenant des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité ayant pour objet de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse ou des images laissant entendre que le candidat, le binôme ou la liste soutient de telles revendications. » ;
3° L’article L. 163 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « candidatures », sont insérés les mots : « ou est exclu en application de l’article L. 48-1 B » ;
b) Au second alinéa, après le mot : « période », sont insérés les mots : « ou est exclu en application du même article L. 48-1 B » ;
4° Le 1° des articles L. 265, L. 347, L. 407, L. 433 et L. 558-20, le 1° du I des articles L. 487, L. 514 et L. 542 et le 3° du II des articles L. 398 et L. 418 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le titre ne saurait, par sa formulation, affirmer ou faire clairement comprendre que les candidats entendent contrevenir aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité en soutenant les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse. » ;
5° L’article L. 300 est ainsi modifié :
a) Après la première phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le titre de la liste ne saurait, par sa formulation, affirmer ou faire clairement comprendre que les candidats entendent contrevenir aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité en soutenant les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse. » ;
b) Au dernier alinéa, après le mot « électorale », sont insérés les mots : « ou en cas d’exclusion de l’un des candidats en application de l’article L. 48-1 B ».
III. – La loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifiée :
1° Le 1° du I de l’article 9 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le titre ne saurait, par sa formulation, affirmer ou faire clairement comprendre que les candidats entendent contrevenir aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité en soutenant les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse. » ;
2° À l’article 14-2, après le mot : « articles », sont insérées les références : « L. 48-1 A, L. 48-1 B, L. 52-3-1 A, ».
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement du président Retailleau vise à reprendre une disposition de la proposition de loi, déposée au Sénat en 2019, tendant à assurer le respect des valeurs de la République face aux menaces communautaristes.
Il s’agit ici des campagnes électorales. Nous avons vu, ces dernières années, se présenter dans un certain nombre de départements, notamment en Île-de-France, tant aux élections municipales qu’aux élections départementales, des listes dont il ressortait de l’intitulé ou du programme qu’elles n’acceptaient ni les principes républicains ni les principes de la laïcité, voire qu’elles les combattaient en portant des exigences totalement contraires à la séparation de l’Église et de l’État.
Or, si ces listes obtiennent le score nécessaire, elles peuvent bénéficier, comme toutes les autres, du remboursement public et de l’aide publique et obtenir des sièges.
Nous souhaitons que les choses soient claires : cet amendement vise à interdire le dépôt de listes électorales dont l’intitulé est contraire aux principes républicains et à supprimer le remboursement public qu’elles pourraient obtenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il s’agit d’un vrai sujet, qui s’est posé assez récemment dans plusieurs territoires, en particulier en Île-de-France.
Cet amendement tend à fixer un cadre pour éviter de nous retrouver, dans les années à venir, face à des listes qui visent à nous détourner de l’unité nationale et du respect de la République.
Cette proposition répond donc à un vrai souci, mais elle peut poser quelques questions. Nous en avons débattu au sein de la commission des lois. Eu égard au dispositif proposé et à la nécessité de faire face à ce problème avant qu’il ne soit trop tard, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, comme pour la proposition de loi constitutionnelle qui avait été rejetée à l’Assemblée nationale, nous considérons que les dispositions de cet amendement portent atteinte à la liberté de candidature, d’expression et d’opinion et sont incompatibles avec les droits fondamentaux garantis par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l’homme.
Le contenu de la propagande électorale ne peut pas faire l’objet d’un contrôle par l’administration, sauf à ouvrir la voie à de graves risques de dérives. Les seules interdictions en rapport avec la propagande qui peuvent être prononcées concernent le formalisme officiel – fonds blancs, drapeau tricolore… – ou les propos pénalement répréhensibles, comme l’appel à la haine, par exemple.
Par ailleurs, vous envisagez de refuser l’enregistrement d’une candidature si l’intitulé de la liste concernée comporte une mention qui serait de nature à contrevenir aux principes de laïcité ou de souveraineté nationale.
Or le contrôle du préfet, lors de la prise de candidature, est formel : son rôle consiste non pas à refuser des candidatures pour des raisons forcément subjectives, mais à refuser d’enregistrer des dossiers incomplets et à renvoyer vers le juge en cas de difficulté.
Je le répète, l’adoption de cet amendement pourrait entraîner de graves dérives : on pourrait considérer, par exemple, que le parti chrétien-démocrate porte atteinte à la laïcité et qu’il ne peut être enregistré.
Il en va de même de la dépose des affiches : sous la Ve République, seul le juge peut intervenir dans une campagne électorale et ordonner une telle mesure, pas le préfet.
L’éviction de la campagne électorale par le juge des candidatures, qui serait saisi par le préfet en cas d’irrespect des principes républicains, sans possibilité d’appel, ne tient pas : la liberté de candidature s’y oppose. La disposition que vous proposez nous semble donc inconstitutionnelle.
Enfin, vous proposez de conditionner le remboursement de la propagande électorale par l’État au respect, par les candidats, de principes républicains, afin de priver des candidats dits « communautaires » de financement.
S’il est possible d’imaginer une conditionnalité du remboursement et de la propagande qui pourrait être pertinente, celle-ci devrait se fonder sur des critères objectifs et rationnels, avec des définitions recueillant l’assentiment et le consensus de chacun : ne pas recueillir 5 % des suffrages exprimés, manquer à des obligations de déclaration de situation patrimoniale auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP…
Toutefois, le contrôle de l’administration ne va pas au-delà. Il s’agit d’une compétence liée du préfet. Or cette disposition reviendrait clairement à assujettir cette conditionnalité à des critères subjectifs, qu’il appartiendrait aux préfets d’apprécier de manière personnelle.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Je m’étonne du sort fait à cet amendement, au regard de celui qui a été réservé à l’amendement précédent…
Cet amendement vise de façon explicite l’Union des démocrates musulmans français, l’UDMF, qui n’a recueilli que 0,4 % des voix à l’échelle nationale, sur un potentiel putatif de 4 % à 5 %. C’est dire si le vote communautaire n’existe pas en France, en l’état actuel des choses.
Cela étant, il ne faut pas l’exclure à l’avenir. Le problème se pose. Toutefois, si l’on applique le principe « pas de liberté pour les ennemis de la liberté », il faut le faire pour tout le monde.
De fait, cet amendement est largement connoté. En toute hypothèse, il fallait également soutenir l’amendement précédent, car certaines déclarations du parti chrétien-démocrate, que je puis reprendre, ou de Civitas posent également problème. La façon dont est rédigé cet amendement pose une vraie difficulté.