M. Loïc Hervé. Très bien ! Très belle citation !
M. Max Brisson. C’est au contraire en réaffirmant son attachement viscéral à nos libertés fondamentales et, parmi elles, à la liberté d’enseignement « pleine, entière, absolue, soumise aux lois générales comme toutes les autres libertés », que la République puisera sa plus haute force. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je veux remercier les nombreux orateurs qui sont intervenus. J’ai entendu des positions parfois contradictoires. J’ai même perçu des différences au sein des groupes, ce qui est bien naturel face à un texte qui ne trace pas des lignes d’opposition traditionnelles. Ce sera le sel de notre débat. Cela montre aussi une envie collective d’aboutir au meilleur texte possible pour l’État, la République et, donc, l’intérêt général.
Je me permettrai de souligner quelques points qui seront sans doute récurrents lors de l’examen des amendements. Je le rappelle, sur les quelque 600 amendements déposés sur ce texte, moins d’une trentaine est d’origine gouvernementale, ce qui témoigne de mon respect pour le travail du Parlement. Je veux évoquer ces points, afin que tout soit clair entre nous s’agissant de ce que le Gouvernement souhaite faire. Nous pourrons ainsi assumer nos éventuelles divergences sur le fond.
D’abord, j’évoquerai l’importante question – tous les groupes politiques en ont parlé – de la maladie qui touche une grande religion, laquelle, selon moi, est parfaitement compatible avec la République, comme le pense certainement d’ailleurs la quasi-intégralité de l’hémicycle.
Ses pratiquants n’ont pas à montrer leur attachement profond à la République ni leur sentiment patriotique. Je pense bien évidemment aux soldats de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, aux harkis et à tous ceux qui se sont engagés comme patriotes dans la police, la gendarmerie, l’armée ou le service public. En tant que Français, ils n’ont pas à rougir de leur religion. On peut prier Allah et être un parfait républicain. Je le rappelle, les territoires d’Algérie ont été français avant certains territoires représentés ici. À l’Assemblée nationale, le Bachagha Boualem, en tenue traditionnelle musulmane, faisait ses prières à l’hôtel de Lassay. Michel Debré était alors Premier ministre. Jadis, cela ne choquait personne.
Cela étant, il est évident que cette question n’est pas uniquement nationale. Elle touche l’intégralité du monde contemporain par sa profondeur. Chacun sait les difficultés des écoles sunnites à se mettre d’accord sur un islam que nous appellerons un islam des familles, celui qui se pratique le plus parmi nos concitoyens. Cet islam est parfois accaparé par une minorité agissante, les islamistes, qui opèrent une véritable OPA, notamment sur internet. La France est considérée comme une lumière, qui pourrait permettre à cet islam de la raison de faire gagner Avicenne et Averroès.
Il s’agit d’un phénomène mondial, que nous subissons comme tous les pays occidentaux et comme tous les pays musulmans. Les premières victimes de l’islamisme sont les musulmans et les pays musulmans. Partout où les islamistes ont été aux responsabilités, cela s’est terminé par la pauvreté, la misère, la guerre et les atrocités.
Je le répète, la situation n’est pas uniquement française. Ainsi, le projet de loi déposé par le Gouvernement n’a pas vocation à résoudre l’intégralité des difficultés rencontrées par une grande religion confrontée à une crise très importante. Nous devons simplement l’aider, à notre échelle.
J’évoquerai maintenant un deuxième point, qui fait l’objet de quelques erreurs ou incompréhension, notamment de la part de MM. Bas et Retailleau.
Monsieur Bas, pour ce qui concerne les mesures proposées, vous avez regretté une sorte d’inventaire à la Prévert, même si vous n’avez pas utilisé cette expression. Si, comme le dit le beau proverbe africain, il faut tout un village pour éduquer un enfant, il faut de nombreuses politiques publiques pour enrayer un islamiste, un séparatisme diffus ayant revêtu un visage très respectable en de nombreux lieux. J’assume donc le patchwork que vous évoquez, si vous me permettez d’utiliser ce mot.
Lorsque vous dites que le texte traite des imams détachés, vous avez tort. Il n’est défini nulle part ce qu’est un ministre du culte. La loi n’a d’ailleurs pas à le définir. Le culte n’est pas non plus défini en droit français, car il ne relève pas de l’autorité de l’État de le faire. Il existe des milliers de cultes. La République n’a pas à les reconnaître en tant que cultes. Elle doit simplement vérifier qu’ils sont en conformité avec les dispositions prévues par le législateur. En effet, pour l’État français, la religion est une opinion.
S’agissant des imams détachés, le Président de la République a pris, bien avant le dépôt de ce projet de loi, une mesure extrêmement forte, en décidant de mettre fin, en 2023, à l’enseignement de la religion dans nos lieux de culte par des fonctionnaires payés par des États étrangers, en l’occurrence des pays du Maghreb ou la Turquie. Cette mesure importante signifie la fin de l’islam des consulats et des ambassades, conformément à l’idée première que nous avons imposée aux protestants, aux catholiques et aux juifs, selon laquelle les affaires religieuses ne concernent que les Français.
Pour nous, il n’y a pas de musulmans d’origine algérienne, tunisienne ou marocaine qui devraient rendre des comptes à je ne sais quel gouvernement gérant je ne sais quelle diaspora, qu’elle soit financière ou électorale. Cette question fait d’ailleurs l’objet de mon courroux vis-à-vis de la mairie de Strasbourg : nous ne devons pas dépendre d’un État étranger pour gérer les affaires religieuses françaises. Si nous affirmions le contraire, nous accepterions que les musulmans ne soient pas pleinement français, puisqu’ils dépendraient d’une autre autorité. Songez à la sécularisation de l’Église de France : si elle reconnaît Rome, elle est détachée de la papauté depuis Philippe le Bel. En France, la religion est une affaire française.
La situation des imams détachés crée une difficulté qui rend ce texte absolument nécessaire. En effet, si nous ne voulons pas instaurer un financement public, si nous ne voulons pas revenir sur le grand principe de non-subventionnement de la loi de 1905, qui n’a pourtant pas été consacré par le Conseil constitutionnel, et si nous ne voulons pas de financements étrangers, il nous faut trouver une source de financement nationale qui ne soit pas publique. C’est ce qui explique les mesures sur les immeubles de rapport et les dispositions extrêmement fortes permettant aux associations de passer du régime de la loi de 1901 à celui de la loi de 1905.
À mon avis, vous vous trompez, monsieur Sueur, en pensant que ces structures n’auront pas intérêt à passer sous le régime de la loi de 1905. En effet, elles bénéficieront ainsi du denier du culte musulman, que ne peuvent percevoir 92 % des associations culturelles musulmanes, et ce en inégalité totale avec ce qui se passe pour nos compatriotes juifs, protestants ou catholiques. Elles pourront également ne pas payer la taxe foncière et bénéficier d’une responsabilité juridique spécifique, grâce à la séparation du cultuel et du culturel.
Monsieur Retailleau, j’ai eu du mal à comprendre votre intervention sur le Conseil national des imams. Selon vous, c’est une drôle d’idée que de demander aux musulmans de s’organiser eux-mêmes.
M. Bruno Retailleau. De le demander au CFCM !
M. Bruno Retailleau. On en reparlera !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous aurez l’occasion de le voir, l’État prend des initiatives extrêmement fortes pour permettre l’organisation des musulmans en France.
Soyons très clairs : si le CFCM ne le fait pas, si l’État ne le fait pas, conformément au principe de séparation des Églises et de l’État, il faudra bien que quelqu’un le fasse !
Le CFCM, imaginé et créé par le Président Sarkozy, possède quelques inconvénients, notamment celui de la représentation de l’islam consulaire. Mais il présente également certains avantages : il incarne, pour la première fois, un semblant d’organisation, après les tentatives avortées de Jean-Pierre Chevènement. Certes, cette instance représentative des musulmans est imparfaite. Chacun le sait, il n’y a pas de clergé dans l’islam sunnite. Là se trouve la grande difficulté à laquelle le ministre de l’intérieur est confronté depuis toujours.
Ce conseil national des imams sélectionnera des responsables religieux, ce qui est essentiel. Pour le moment, cela doit bien évidemment passer par le CFCM.
Ma grande difficulté, c’est que, lorsque je discute avec les responsables des musulmans de France, je parle avec des présidents d’association qui ne représentent pas le dogme religieux. À l’inverse, lorsque je discute avec le président du Consistoire, je discute avec un grand rabbin qui peut engager le dogme de sa religion, et ce depuis Napoléon et ses douze questions. Quand je discute avec le président de la Conférence des évêques de France, je discute avec un religieux qui peut parler au nom de sa religion. Lorsque je discute avec le président de la Fédération protestante, je discute avec un pasteur. Il s’agit donc de créer un échange permettant d’engager la voix des musulmans de France. C’est évidemment la grande règle qui permettra – je sais que vous en êtes d’accord – la sécularisation. Nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler.
Monsieur Brisson, sur les questions d’éducation, je regrette profondément la position de la commission et d’une partie du Sénat. Je n’agis ni par idéologie ni par envie de refuser une liberté à mes compatriotes. M’appuyant sur mon expérience personnelle, je m’étonne du débat sur le bien-fondé de l’article 21 de ce projet de loi. J’ai trop vu, dans ma commune, la déscolarisation d’un grand nombre de petites filles.
Le maire ne dispose pas d’un fichier recensant les habitants de sa commune.
M. André Reichardt. C’est dommage !
M. Gérald Darmanin, ministre. Certains peuvent le regretter sur le côté droit de l’hémicycle, mais le fait est que nous n’avons pas le fichier des habitants de la commune que nous administrons. Nous avons le fichier des électeurs, à savoir des Français ou des citoyens communautaires ayant plus de 18 ans.
Chacun est dans l’obligation légale d’inscrire ses enfants à l’école. Or il n’est pas possible de consulter les fichiers sociaux, pour connaître ceux qui vivent dans le parc HLM, ceux qui touchent des prestations sociales ou ceux qui perçoivent un certain nombre d’indemnités. Lorsque le maire inscrit les enfants à l’école, avec l’aide des services municipaux, il ne peut savoir qui n’est pas inscrit. J’ai découvert, quand j’étais maire – je suis sûr que c’est arrivé à chacune et chacun d’entre vous dans les territoires les plus compliqués –, des petits fantômes de la République.
En 2019, sur les 50 000 enfants qui étaient instruits en famille, 25 000 l’étaient pour des raisons médicales. J’en conviens avec vous, l’immense majorité des familles éduquant leurs enfants le font en corrélation avec les valeurs de la République. Personnellement, je pense qu’il n’est jamais mauvais qu’un enfant aille à l’école. M. Karoutchi évoquait les piliers de la République. À coup sûr, l’école en fait partie.
Je peux en témoigner, aujourd’hui encore, de nombreux parents déscolarisent leur enfant pour des motifs de radicalisation. Ce serait être aveugle que de ne pas le voir. À Marseille, en une année, on est passé de 650 enfants déscolarisés à 1 250. Je n’évoquerai pas la sociologie des quartiers les plus concernés : ce ne sont pas ceux qui ont des écoles privées sous contrat ou des écoles publiques de qualité.
M. Ravier, dans le cadre de propos tout à fait excessifs, évoquait ces quartiers sous emprise. Presque toutes les semaines, je fais fermer, avec le ministre de l’éducation nationale, des écoles hors contrat. À l’intérieur de ces écoles hors contrat non déclarées, la quasi-intégralité des enfants est inscrite à l’instruction en famille. Des petites filles y portent le hidjab à 3 ans, on y cache la photo des animaux, on y apprend l’arabe dès 3 ans sur des versets du Coran, dans des pièces sans fenêtre. Nous fermons ces écoles en vertu soit de mesures sanitaires, soit de règles relatives aux ERP.
Le Gouvernement n’a jamais voulu renoncer à la liberté d’enseignement en famille. Toutefois, le régime de déclaration, je vous le dis comme je le pense, ne permettra pas de régler les cas que je viens d’évoquer. En effet, la déclaration concerne les gens honnêtes. Si certaines personnes réussissent à ne pas payer d’impôt au cours de leur vie, c’est parce qu’elles bénéficient d’un régime déclaratif. Le meilleur moyen de ne pas être contrôlé, c’est de ne pas déclarer. Le régime d’autorisation obligatoire permet le contrôle, tout comme l’impôt à la source permet d’éviter que certains échappent à l’impôt. Une partie de notre droit français se fonde sur la déclaration, qui peut être considérée comme un système un peu naïf. Nous devons, tout en respectant la liberté d’enseignement de la famille, permettre une autorisation ou au moins une inscription obligatoire d’instruction en famille. Si nous voulons lutter contre la radicalisation, c’est extrêmement important.
M. Jacques-Bernard Magner. Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. Bien évidemment, nous pourrons travailler avec le Sénat sur ce sujet. Telle est d’ailleurs la position du ministre de l’éducation nationale. Mais nous devons rétablir un article 21, sous une forme ou une autre. Je le crois profondément, une partie de plus en plus importante de nos quartiers utilise, malheureusement, l’instruction en famille pour obéir à des motifs bien moins nobles que ceux que vous avez évoqués dans la discussion générale.
Monsieur Sueur, sur la question de l’organisation des cultes, vous m’avez demandé ce que cela pourrait bien changer. Votre interrogation est légitime.
Nous ne pouvons pas nous satisfaire du fait que 92 % des lieux de culte musulmans restent placés sous le régime de la loi de 1901. La volonté gouvernementale était de rendre obligatoire, sous cinq ans, le passage du régime de la loi de 1901 à celui de la loi de 1905. Le Conseil d’État, dans un avis extrêmement détaillé, qui appuie d’ailleurs fortement le projet de loi, chose rare pour un texte de cette nature, a indiqué que ce ne serait pas constitutionnel. Or mon travail, en tant que ministre de l’intérieur, ne consiste pas à faire des rodomontades pour, en définitive, voir le texte être censuré par le Conseil constitutionnel. Je dois m’adapter à l’état de notre droit. C’est pourquoi nous avons prévu de fortes incitations. À ce sujet, j’avais distribué un tableau lors de mon audition en commission.
Nous ne connaissons pas non plus les financements étrangers sur notre sol. Certaines associations constituées sur le fondement de la loi de 1901 – BarakaCity, Ummah Charity et d’autres officines que l’on pourrait qualifier d’islamistes – sont financées par des États, des fédérations ou des intérêts étrangers, sans pour autant être des lieux de culte. Millî Görüs, à Strasbourg, n’est pas une association cultuelle, c’est une association tout court !
Ne soyons pas naïfs et considérerons plutôt que nous devons connaître ces financements étrangers : nous devons savoir qui finance quoi sur notre sol et nous donner les moyens de nous y opposer.
Cette disposition, qui n’existe pas en l’état actuel, sera d’un grand bien pour la République. Le présent texte est particulièrement nécessaire – je remercie Mme la sénatrice Goulet de l’avoir souligné. La disposition a déjà été refusée par les chambres parlementaires : j’espère, cette fois-ci, qu’elle trouvera une issue plus positive.
En outre, nous ne pouvons pas accepter que des lieux de culte, quelle que soit la religion qui y est pratiquée, soient vendus à l’étranger sans que le Gouvernement ait son mot à dire. Que dire aux habitants d’Angers lorsque l’on apprend dans la presse que la mosquée de la ville et vendue au Maroc ? Nous nous entendons bien avec ce pays, et chacun sait que les Marocains sont les amis de la France, mais tout de même !
Si, demain, un lieu de culte était vendu à la Malaisie, au Qatar ou à l’Arabie saoudite, vous vous tourneriez immédiatement vers le ministre de l’intérieur pour lui demander d’intervenir. Or le ministre ne peut intervenir en l’état actuel du droit ; les dispositions intégrées au texte par l’Assemblée nationale lui donnent enfin ce pouvoir.
Aujourd’hui, des individus condamnés pour des faits de terrorisme ou inscrits au Fijait peuvent diriger une association cultuelle. Trouvez-vous normal qu’une personne puisse diriger une mosquée ou une église alors qu’elle a été condamnée pour apologie du terrorisme ?
Le projet de loi prévoit d’interdire aux personnes s’étant rendues coupables de concussion avec une entreprise terroriste, quelle que soit la nature des faits en cause, de diriger un lieu de culte. C’est la moindre des choses ! Aujourd’hui, je n’ai pas les moyens d’intervenir alors que vous m’interpellez presque toutes les semaines sur la situation de personnes qui, en dépit de leur condamnation ou de certains propos, dirigent un lieu de culte ! Je le répète, le projet de loi donne enfin au ministre de l’intérieur les moyens d’intervenir.
Je ne reviendrai pas sur les immeubles de rapport et leur importance…
Monsieur Retailleau – je le dis également à M. Bas –, nous n’avons pas choisi de faire une loi ad hominem ; nous n’avons pas souhaité retirer la limite de la non-reconnaissance des cultes. Pour un fait de droit évident, parce que c’est un principe républicain, comme l’a rappelé Mme de La Gontrie, et pour une raison d’opportunité, nous pensons sincèrement que, face aux moments graves que nous connaissons, nous devons veiller à ne pas faire basculer du côté des islamistes la très grande majorité des musulmans. Ces derniers se posent naturellement des questions ; ils se demandent s’ils sont les bienvenus dans la République, si l’on respecte la vie de leurs parents et de leurs grands-parents et si leurs enfants pourront vivre de manière libre, parce qu’ils voient leur foi être caricaturée.
Nous devons les rassurer, comme tous les enfants de la République, mais nous devons aussi prendre en considération que le combat idéologique des islamistes vise à récupérer l’oumma, c’est-à-dire la communauté. Notre réponse – vous avez raison, monsieur Retailleau –, c’est la communauté nationale. Il y a un « combat » à mener pour cette communauté. Mais attention à la mesure de trop ! Attention à cette mesure qui ferait basculer du mauvais côté tous ceux qui, parmi nos compatriotes, de façon tout à fait franche et honnête, se posent des questions eu égard à ce qu’ils voient, ce qu’ils entendent, à la façon dont ils vivent la République !
Je suis d’accord avec une partie des interlocuteurs de gauche, et je sais que la droite doit penser la même chose. L’urbanisme, la politique de peuplement, l’immigration, le social, l’éducation ont bien évidemment leur place dans la lutte contre le séparatisme. Mais ce n’est pas un discours de politique générale que l’on m’a demandé de porter…
Je remercie ceux qui apportent leur soutien à ce texte. Je pense au groupe RDPI, aux radicaux, aux centristes, de manière générale, ainsi qu’au groupe issu du Modem et de La République En Marche. Je comprends que des interrogations subsistent, que des alertes soient lancées. Je conçois aussi que certaines dispositions ne seront pas votées. Mais je remercie par avance ceux qui manifestent leur soutien : il fait chaud au cœur.
Je comprends aussi que la gauche – le parti communiste, les écologistes et les socialistes –, même si elle trouve quelques constats intéressants et approuvera sans doute certains combats, ne votera pas en faveur de ce texte. Je le déplore et espère pouvoir la convaincre du contraire. Quoi qu’il en soit, je respecte ses opinions.
En revanche, je n’ai pas bien saisi quelles étaient les intentions de vote du groupe Les Républicains. Sans doute, monsieur Karoutchi, attendez-vous les amendements déposés par votre groupe…
Je regrette que, à l’Assemblée nationale, les députés du groupe Les Républicains aient adopté 83 % des articles présentés par le Gouvernement, pour finalement voter contre le texte. Je respecte cependant cette position. Les députés m’ont dit attendre la façon dont le Sénat améliorera le texte. De nombreux amendements ont été acceptés par le Gouvernement, venant de tous les groupes de l’Assemblée nationale d’ailleurs.
Je veux dire au groupe Les Républicains du Sénat que c’est dans un esprit de compromis que le Gouvernement vient discuter ce texte, parce qu’il est très important pour la République. Devant les difficultés, « Fou qui fait le délicat », peut-on lire dans La Rose et le Réséda, pour citer le poème d’un auteur que n’ont pas cité nos camarades communistes.
Je vous en conjure, mesdames, messieurs les sénateurs, le temps presse ! Il est peut-être déjà trop tard… Mais mieux vaut tard que jamais ! Refuser une partie, parce que l’on veut le tout, n’a jamais fait la politique d’un parti de gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi confortant le respect des principes de la république
TITRE Ier
GARANTIR LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE ET DES EXIGENCES MINIMALES DE LA VIE EN SOCIÉTÉ
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 418 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie, M. Assouline, Mme S. Robert, M. Sueur, Mmes Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud et Leconte, Mme Harribey, MM. Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l’intitulé de cette division :
Conforter le respect des principes républicains
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le titre Ier, qui a connu plusieurs dénominations, s’intitulait avant son examen par l’Assemblée nationale : « Garantir le respect des principes républicains ». Les députés ont ajouté la mention « exigences minimales de la vie en société ». Ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Nous ne sommes pas en train d’élaborer un manuel de savoir-vivre ; nous parlons là de la République !
Si nous voulons que les principes dont nous allons débattre soient reflétés par la formulation du titre Ier, nous devrions purement et simplement nous en tenir à l’intitulé initial. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 632, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Amendement n° 418 rectifié
Compléter cet amendement par les mots :
, et notamment la primauté de ces principes sur les communautarismes religieux ou autres
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Si nous examinons ce projet de loi, c’est parce que notre nation est confrontée aux menaces que fait peser le communautarisme, en particulier le communautarisme religieux – mais pas seulement –, sur les principes de la République. Tout ce qui est contenu dans ce texte cible ouvertement ou implicitement les séquelles du communautarisme.
Il faut appeler un chat un chat ! Or on a peur de dire que, si nous sommes tous réunis ici, c’est parce qu’il y a des problèmes de communautarisme ! Dans ce texte, il faut avoir le courage de dire la vérité et de réaffirmer les valeurs de la République face au communautarisme, qu’il soit religieux ou autre, car là est le vrai problème qui se pose actuellement.
Mme la présidente. L’amendement n° 587 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
et des exigences minimales de la vie en société
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. À nos yeux, les exigences minimales de la vie en société sont le droit au logement, le droit à la santé, le droit à l’emploi. Or la formulation du titre Ier ne les reprend pas.
Une fois n’est pas coutume, je voudrais citer les propos d’Emmanuel Macron lors de son discours des Mureaux : « Faire aimer la République, c’est tenir la promesse d’émancipation qui lui est intrinsèque. » Il affirmait même : « Nous avons concentré les populations souvent en fonction de leurs origines, de leurs milieux sociaux. Nous avons concentré les difficultés économiques et éducatives dans certains quartiers de la République. Nous avons ainsi créé des quartiers où la promesse de République n’a pas été tenue. »
La formulation du titre Ier reflète le fait que la société n’a pas apporté le minimum nécessaire à tout un pan de la population. La casse du service public, le chômage massif, la précarité et la pauvreté se poursuivent et montrent justement que les devoirs minimaux d’un pays riche comme la France, envers son peuple, ont été négligés.
Pour toutes ces raisons, nous demandons que cet amendement soit adopté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La notion d’exigences minimales de la vie en société a été admise par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme à l’occasion de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public. Elle vise à appréhender ce qui relève non pas des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, mais des mœurs communes. Nous pensons donc que cet intitulé est tout à fait utile.
La formulation proposée par M. Masson ne précise pas ce que nous souhaitons porter ensemble à travers l’intitulé que nous avons retenu.
La commission est donc défavorable aux deux amendements et au sous-amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 632.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 587 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre Ier
Dispositions relatives au service public
Articles additionnels avant l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 41, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, après le mot : « exercice », sont insérés les mots : « et la libre pratique ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Pour éviter toute confusion, il convient de préciser que la libre pratique est bien protégée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. L’article 1er de la loi de 1905, qui a une portée symbolique toute particulière dans notre histoire, énonce des principes désormais quasi constitutionnels. Le Conseil constitutionnel, qui a clarifié cette disposition, garantit déjà la libre pratique du culte. La commission estime qu’y apporter des modifications cosmétiques ne présente aucune valeur ajoutée.
L’avis est donc défavorable.