M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaiterais commencer l’intervention que je m’apprête à prononcer au nom de mon groupe par un hommage : un hommage aux victimes qui ont eu l’énergie et le courage de parler, un hommage aux associations qui se sont battues depuis tant d’années, un hommage aux parlementaires, Annick Billon, mais aussi Laurence Rossignol, Michelle Meunier, Isabelle Santiago. La société civile, celle-là même que l’on désigne parfois par des termes un peu péjoratifs, a fait que la société a bougé, et elle a fait que nous, parlementaires engagées depuis longtemps sur ces sujets, avons pu trouver du soutien pour faire avancer cette cause.

Mais le combat a été long et, y compris dans cet hémicycle, les voix de ceux qui l’ont mené n’ont pas toujours été entendues. Nous avons débattu de ce sujet un nombre incalculable de fois depuis que je suis élue, c’est-à-dire depuis 2017. Plusieurs textes de loi ont été examinés, et des propositions ont été faites, y compris par les socialistes, y compris sous forme d’amendements à la proposition de loi dont l’examen nous occupe aujourd’hui.

Voilà peu, le 21 janvier, nous avons proposé le seuil d’âge de non-consentement à 15 ans – rejeté. Nous avons proposé qu’il soit fixé à 18 ans en cas d’inceste – rejeté. Nous avons proposé la prescription dite glissante ; elle a été approuvée par cette assemblée et le garde des sceaux, à l’époque, a manifesté son intérêt et indiqué qu’il souhaitait y retravailler.

Si je souligne ce point, c’est pour montrer que, lorsqu’on est parlementaire, il faut beaucoup d’obstination – nous n’en manquons pas –, mais que, pendant ce temps, les victimes ne sont pas protégées. Nous pouvons voir les choses positivement : il a donc fallu que les semaines passent pour qu’en définitive chacun se rende à la raison et décide de soutenir les propositions qui furent les nôtres.

Soyons donc optimistes, ou plutôt positifs, et notons les progrès accomplis ; ils sont incontestables. Un grand nombre de mesures de ce texte doivent être retenues et saluées.

Plusieurs dispositions, néanmoins, nous posent problème.

La première concerne la question de l’écart d’âge : l’écart d’âge de cinq ans, baptisé « clause de Roméo et Juliette », permet de qualifier d’« amours adolescentes » les relations sexuelles entre un jeune de 19 ans et un jeune de 14 ans. C’est là une brèche insupportable dans la lutte contre les violences sexuelles sur les mineurs que tous nous voulons mener. Nous proposons donc la suppression de cette notion.

La deuxième difficulté que nous constatons tient à la notion d’autorité de droit ou de fait. Je pense qu’il y a une confusion sur ce sujet : l’inceste n’est pas un crime de pouvoir ; l’inceste est un interdit anthropologique. Il n’y a donc pas à prendre en considération la notion de pouvoir de droit ou de fait dès lors que l’inceste doit être sanctionné.

Enfin, monsieur le garde des sceaux, vous avez dit à juste titre que le texte protège désormais davantage la victime mineure en situation de prostitution, mais – vous l’avez précisé – sont concernés les mineurs de 15 ans. Pourquoi 15 ans ? Nous proposons que tout mineur soit protégé dans cette situation. En quoi serait-il moins grave, en effet, que ce soit un mineur âgé de 16 ans qui soit victime de prostitution ?

Nous avions proposé d’autres compléments de protection – je citerai l’obligation de signalement. Ils ont été écartés grâce à ces bonheurs de la procédure parlementaire que vous connaissez bien, mais – vous le savez – nous y tenons.

Se pose le problème de l’application de ce texte par les juridictions. Désormais nous avons, en effet, une législation extraordinairement complexe sur un sujet qui l’était déjà. Et je crains qu’il ne soit possible de s’insérer dans certaines failles ou imprécisions, les parquets et les plaignants se retrouvant en difficulté, concernant certaines infractions, pour obtenir des poursuites. Certains parquets, les parquets spécialisés, bien sûr, seront au fait. Mais tous les parquets de France ne le seront pas. Et, de ce point de vue, je pense que nous ne faisons pas œuvre de justice efficace.

À ce stade, pour l’ensemble de ces raisons, quoique nous saluions évidemment le progrès accompli, et tout en regrettant qu’il ait fallu tant de textes pour arriver à quelque chose qui s’approche d’un résultat positif, mon groupe n’a pas encore déterminé son vote final. À moins que l’écart d’âge ou la notion d’autorité de droit ou de fait, que j’évoquais, soient écartés, nous envisageons de ne pas voter pour ce texte, car nous souhaitons qu’il progresse encore, dans le cadre des échanges au sein de la commission mixte paritaire notamment. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Mme Jacky Deromedi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis une nouvelle fois cet après-midi pour étudier la proposition de loi de notre collègue Annick Billon, après son examen en première lecture à l’Assemblée nationale.

Nul besoin de souligner ici l’importance du sujet, tant l’actualité nous rappelle, presque chaque semaine, que des enfants ont souffert, souffrent, et risquent de souffrir encore si rien ne change.

C’est l’honneur du Sénat que d’avoir mis à l’agenda politique, par le biais de cette proposition de loi, la question d’une révision de notre droit en matière de crimes sexuels sur mineurs. Nous en avons collectivement fait le constat : si la dernière réforme date de 2018, elle ne résout pour autant pas l’ensemble des problèmes que la libération de la parole des victimes et celle, non moins importante, de l’écoute qui leur est accordée ont contribué à mettre au cœur des priorités politiques.

Les débats en première lecture ont été riches et, me semble-t-il, la navette parlementaire a rempli son office. La preuve en est que le Gouvernement a décidé de reprendre le texte issu du Sénat pour faire aboutir la réforme – il nous faut le souligner.

Nous le savons : l’Assemblée nationale a décidé de fixer le seuil de non-consentement à un rapport sexuel avec un mineur à 15 ans, contre 13 ans proposés par le Sénat. Nous ne nous opposerons pas à ce nouveau seuil, même si les retours du terrain nous font craindre une application juridique plus complexe pour les professionnels concernés.

Je tiens ici à rappeler, à rebours des mauvaises polémiques suscitées lors du vote du texte en première lecture, que le Sénat n’avait décidé de fixer le seuil de non-consentement à 13 ans que dans le but d’éviter une censure du Conseil constitutionnel. Nous avons jugé, en conscience, qu’une telle censure aurait constitué un signal extrêmement déplorable pour les victimes, qui sont en attente d’un cadre plus protecteur.

L’introduction, au cours de la navette, de la « clause de Roméo et Juliette », doit permettre d’éviter une telle censure. Il s’agit de prendre en compte dans notre droit ce qui peut être qualifié d’« amours adolescentes » caractérisées par un faible écart d’âge entre une personne mineure et une personne majeure.

Avec l’adoption de ce texte, les choses seront donc claires : toute relation sexuelle entre un majeur et un mineur de 15 ans sera considérée comme un viol.

Dans le cadre d’une relation intrafamiliale, tout acte sexuel commis sur un mineur par un proche ayant une autorité de droit ou de fait sera désormais qualifié de viol incestueux.

Le débat parlementaire n’a pas seulement permis de modifier des curseurs d’âge, si importants soient-ils. Sur notre initiative, complétée par le travail de l’Assemblée nationale, il a également permis de préciser notre droit, ainsi rendu plus proche de la réalité que vivent encore de trop nombreuses victimes.

C’est ainsi que nous avons introduit, dès la première lecture au Sénat, la prescription glissante pour les cas de crimes sériels. L’Assemblée nationale s’en est emparée, et je me réjouis que la disposition ait été conservée.

C’est également le Sénat qui a proposé l’introduction des rapports bucco-génitaux dans la définition légale du viol, réparant un oubli dommageable dans notre droit.

Sur l’initiative de notre rapporteur Marie Mercier, la commission des lois a amélioré le texte en modifiant par exemple la nouvelle infraction pénale introduite à l’Assemblée nationale visant à réprimer le fait, pour un majeur, de demander à un mineur l’envoi d’images pornographiques de lui-même.

Notre commission des lois a fait le choix d’élargir la protection des mineurs en prévoyant que cette nouvelle infraction concerne l’ensemble des mineurs et non les seuls mineurs de 15 ans.

De la même manière, nous avons fait le choix, en commission, d’élargir la protection garantie aux mineurs dans les cas de « sextorsion ». Ce délit, qui consiste, pour un majeur, à extorquer la diffusion ou la transmission d’images, vidéos ou représentations à caractère pornographique d’un mineur, permettra de protéger l’ensemble des mineurs et non les seuls mineurs de 15 ans.

La peine sera quant à elle aggravée si les faits sont commis à l’encontre d’un mineur de 15 ans ou en bande organisée.

Mes chers collègues, le texte tel qu’il nous revient en deuxième lecture est – je le crois – un texte d’équilibre, adapté aux enjeux de notre temps.

Ce sujet difficile peut demain concerner chacun de nos enfants. Ne nous faisons pas d’illusions : la réponse pénale que nous organisons aujourd’hui est certes un élément essentiel de la lutte contre les crimes sexuels commis sur les mineurs, mais elle n’en constitue qu’une partie. Le reste du travail, complexe, doit mobiliser l’ensemble de la société, dans les milieux associatifs, auprès des familles, dans les écoles, les collèges et les lycées, sans oublier internet, qui constitue sans aucun doute le grand enjeu de demain.

À la place qui est la nôtre dans cet hémicycle, nous avons fait notre devoir ; je crois que nous pouvons collectivement en être fiers. L’unanimité qui a prévalu en première lecture, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, nous oblige. Le travail se poursuit cet après-midi. Nous le devons à toutes les victimes, aux si nombreuses familles brisées et à la société tout entière, qui attend de nous des actes forts. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, combattre les violences, notamment sexuelles, sur les mineurs, c’est s’attaquer à des cas intolérables d’atteintes à la personne de l’enfant, de violations de son innocence et de son intégrité physique et mentale…

M. le président. Veuillez relever votre masque, ma chère collègue.

Mme Valérie Boyer. Ces actes abjects sont autant de traumatismes pour les jeunes victimes : la vie d’un nombre important de personnes – des centaines de milliers, peut-être même davantage, dans notre seul pays –, a été abîmée, gâchée ou ruinée par des personnes qui se devaient au contraire de protéger et de faire grandir.

Rappelons que, selon un sondage, près de la moitié des victimes de viol dans l’enfance auraient fait par la suite une tentative de suicide. Nous ne le dirons jamais assez : les viols sont une honte pour notre pays et, plus largement, pour toutes les nations de ce monde qui les acceptent sans les punir.

En France, environ deux enfants par classe sont victimes d’inceste ou de pédocriminalité ; 81 % des violences sexuelles commencent avant 18 ans, la première agression survenant en moyenne à 9 ans, au moment du CM1 ! Dans 94 % des cas, elles sont commises par des proches.

Depuis des années, une prise de conscience collective s’est opérée grâce aux professionnels de la prévention, de la santé et de la répression, grâce, aussi, à une évolution des mentalités – il n’est plus interdit de tout interdire, au contraire : il est même parfois recommandé d’interdire ce qui doit l’être.

Je veux notamment saluer le travail des associations et remercier les professionnels de leur engagement – je pense à Ernestine Ronai et au juge Édouard Durand, membres du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, à Françoise Laborde, à Muriel Salmona, à tant d’autres qui ont réveillé les consciences. Les récents mouvements de mobilisation, via le hashtag #MeTooInceste notamment, ont provoqué un nombre considérable de témoignages dénonçant de tels drames. Désormais, les violences sexuelles ne sont plus tues et conservées dans le secret d’une famille ou d’une entreprise. Désormais, elles ne sont plus minimisées, et nous avons tous pris en compte leur impact traumatique. La parole des victimes s’est libérée et rien ne doit arrêter ce mouvement.

Selon le juge Édouard Durand, le passage à l’acte de l’adulte est une perversion du besoin affectif de l’enfant. En aucun cas un enfant ne peut être consentant à une relation sexuelle, et il est bien que ce texte le dise. C’est pourquoi il était important que le Parlement soit au rendez-vous ; nous le devons aux plus de 165 000 enfants violés chaque année – un abus sexuel toutes les trois minutes, et des années de graves conséquences dans la vie d’un enfant.

J’ai aussi la conviction, depuis plusieurs années, que la lutte contre les violences physiques et sexuelles dépasse nos ego et nos clivages. Je suis fière que cette proposition de loi puisse constituer, en la matière, un remarquable pas en avant, et je pense que nous pouvons être collectivement fiers d’y avoir contribué, sur toutes les travées de cette assemblée. La preuve est ainsi faite que le bicamérisme est important, et je veux saluer le travail d’Annick Billon, qui a pris l’initiative de ce texte que nous nous apprêtons à voter – je l’espère – unanimement. Merci beaucoup, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes !

Au Sénat comme à l’Assemblée nationale, grâce à nos débats, le texte a évolué et s’est profondément enrichi.

Pour autant, à titre personnel, je reste réservée sur l’infraction autonome. Je crois toujours que nous devons insister sur l’absence de contrainte et non sur l’absence de consentement, car seul l’auteur est responsable de tels actes ; jamais un enfant ne peut consentir. Une seconde voie était constitutionnelle, consistant à respecter tant le principe de la présomption d’innocence que le principe d’égalité devant la loi.

Je m’interroge aussi sur l’institution d’un écart d’âge de cinq ans permettant de ne pas criminaliser les amours adolescentes. Cette clause telle qu’elle est aujourd’hui proposée crée en effet une entorse au principe que nous tentons de défendre.

Malgré ces réserves, je suis convaincue que le texte que nous devons voter va dans le bon sens. Il répond aux préoccupations exprimées tant par le Sénat que par l’Assemblée nationale. Nos travaux ont permis de dégager un consensus sur un certain nombre de principes ; je me réjouis par exemple de l’adoption de l’amendement visant à élargir la liste des infractions entraînant une inscription dans le fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles et violentes, que Michel Savin et moi-même avions déposé, ainsi que de l’adoption de l’amendement du groupe écologiste sur les actes bucco-génitaux et de celui du groupe socialiste sur la définition du viol. Je salue également, bien sûr, nos avancées sur la prescription et celles qui ont été votées à l’Assemblée nationale, l’instauration d’un seuil d’âge de 15 ans notamment – je l’ai moi-même toujours défendu.

Il était important que la justice se focalise sur l’agresseur et non plus sur le comportement de la victime. Il est possible que l’agresseur ait utilisé la violence, la menace ou la surprise, mais il est au moins une certitude : l’enfant a toujours été contraint et l’enfant ne peut jamais consentir.

Je salue également l’institution d’un seuil d’âge à 18 ans en cas d’inceste.

Aussi, mes chers collègues, je vous invite à soutenir unanimement ce texte – je sais que tous ici l’approuveront. Albert Einstein disait : « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. » En l’espèce, nous avons tous, collectivement, essayé d’agir.

Je vous le dis avec force, avec détermination, avec conviction – être engagé dans la vie publique, c’est avant tout défendre des convictions – et, si vous me le permettez, monsieur le garde des sceaux, avec aussi la passion et l’émotion qui nous animent :…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je vous en prie, madame la sénatrice.

Mme Valérie Boyer. … nous pouvons être heureux, en ce 25 mars 2021, de porter ensemble ce message, unissant nos efforts en faveur des enfants, qui espèrent en nous et nous obligent,…

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Valérie Boyer. … et des victimes qui, je le sais, nous regardent et se sentent probablement moins seules aujourd’hui, et surtout écoutées et comprises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, UC et RDPI. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, afin de permettre à la commission de se réunir pour examiner les amendements qui ont été déposés en début d’après-midi.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste
Article 1er bis BA

Article 1er

I. – La section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifiée :

1° A Au début de l’intitulé, le mot : « Des » est remplacé par les mots : « Du viol, de l’inceste et des autres » ;

1° B Le premier alinéa de l’article 222-22 est complété par les mots : « ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur » ;

1° C Après l’article 222-22-2, il est inséré un article 222-22-3 ainsi rédigé :

« Art. 222-22-3. – Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis par :

« 1° Un ascendant ;

« 2° Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un grand-oncle, une grand-tante, un neveu ou une nièce ;

« 3° Le conjoint, le concubin d’une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité à l’une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s’il a sur la victime une autorité de droit ou de fait. » ;

1° D L’intitulé du paragraphe 1 est complété par les mots : « et du viol incestueux » ;

1° Après l’article 222-23, sont insérés des articles 222-23-1 à 222-23-3 ainsi rédigés :

« Art. 222-23-1. – Hors le cas prévu à l’article 222-23, constitue également un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans ou commis sur l’auteur par le mineur, lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans.

« La condition de différence d’âge prévue au premier alinéa du présent article n’est pas applicable si les faits sont commis en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage.

« Art. 222-23-2. – Hors le cas prévu à l’article 222-23, constitue un viol incestueux tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis par un majeur sur la personne d’un mineur ou commis sur l’auteur par le mineur, lorsque le majeur est un ascendant ou toute autre personne mentionnée à l’article 222-22-3 ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait.

« Art. 222-23-3. – Les viols définis aux articles 222-23-1 et 222-23-2 sont punis de vingt ans de réclusion criminelle. » ;

1° bis L’article 222-29-1 est complété par les mots : « par violence, contrainte, menace ou surprise » ;

2° Après le même article 222-29-1, sont insérés des articles 222-29-2 et 222-29-3 ainsi rédigés :

« Art. 222-29-2. – Hors le cas prévu à l’article 222-29-1, constitue également une agression sexuelle punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende toute atteinte sexuelle autre qu’un viol commise par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans, lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans.

« La condition de différence d’âge prévue au premier alinéa du présent article n’est pas applicable si les faits ont été commis en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage.

« Art. 222-29-3. – Hors le cas prévu à l’article 222-29-1, constitue une agression sexuelle incestueuse punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende toute atteinte sexuelle autre qu’un viol commise par un majeur sur la personne d’un mineur, lorsque le majeur est un ascendant ou toute autre personne mentionnée à l’article 222-22-3 ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait. » ;

3° L’intitulé du paragraphe 3 est ainsi rédigé : « Dispositions communes aux viols et aux agressions sexuelles en cas d’inceste » ;

4° L’article 222-31-1 est abrogé.

II. – (Non modifié) Au second alinéa de l’article 356 du code de procédure pénale, la référence : « 222-31-1 » est remplacée par la référence : « 222-22-3 ».

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.

Mme Laurence Rossignol. Je me réjouis moi aussi des avancées qui vont être faites aujourd’hui au Sénat, tout en déplorant la méthode, le nombre d’heures nécessaires, les atermoiements, les résistances qui se sont manifestées depuis deux ans face à la volonté de poser un interdit clair devant toute relation sexuelle entre un majeur et un mineur de 15 ans.

Je ne reviendrai pas – ce serait peut-être grossier – sur le fait qu’un certain nombre d’amendements adoptés à l’Assemblée nationale étaient exactement identiques à des amendements rejetés au Sénat ; c’est la joie du travail parlementaire et le gage de sa qualité : les choses évoluent d’une chambre à l’autre.

Cependant, parmi les amendements votés par les députés, la « clause de Roméo et Juliette » ne me paraît pas acceptable, à moins que l’on considère qu’il faut toujours quand même protéger un petit peu les auteurs… Une certaine cohérence fait que se rejoignent ceux qui ne voulaient pas d’un seuil fixé à 15 ans et ceux qui veulent aujourd’hui d’une clause fixant un écart de cinq ans entre l’âge de la victime et l’âge de l’auteur. Vous parlez d’« amours adolescentes » ; mais savez-vous que l’âge moyen de la première relation sexuelle est de 17 ans et 6 mois pour les filles et de 17 ans pour les garçons ? Autrement dit, vous vous apprêtez à protéger des relations sexuelles entre un garçon ou une fille, le plus souvent un garçon, de 19 ans et un garçon ou une fille de 14 ans, plus jeune de trois ans et demi par rapport à l’âge moyen !

J’ajoute, pour tout vous dire, que les mots « amours adolescentes » sont aux violences sexuelles sur mineurs exactement ce qu’était l’expression « crime passionnel » au féminicide. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, sur l’article.

M. Arnaud de Belenet. Mon intervention a deux objectifs. Premièrement, que soient bien évoquées les personnes handicapées, mineures et majeures, dans nos débats, comme cela a été le cas lors de nos précédentes discussions.

Je voudrais simplement rappeler la réalité de ce fléau à travers deux illustrations. Une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques de juillet 2020 démontre que la probabilité de subir des violences sexuelles est multipliée par deux pour les personnes handicapées. Un autre travail de recherche présenté au congrès de l’Encéphale en 2019 à Paris par le docteur David Gourion et Mme Séverine Leduc montre que 88 % des femmes autistes déclarent avoir été victimes d’une ou plusieurs violences sexuelles – et je ne parle que des violences sexuelles. Autrement dit, une petite fille qui naît autiste a une chance sur dix de ne pas subir de violences sexuelles…

Deuxièmement, avec un certain nombre de mes collègues, Philippe Mouiller notamment – il avait porté cette démarche en première lecture –, j’ai réfléchi et travaillé au dépôt d’amendements concernant les personnes handicapées, et en particulier les enfants handicapés. Si nous ne les avons pas déposés, convenant d’une simple prise de parole, c’est que la réalité légistique est qu’il n’y a pas d’amélioration législative possible, dans le code pénal ou ailleurs, permettant de protéger davantage les personnes handicapées, et en particulier les mineurs – les sanctions prévues sont d’ores et déjà plus fortes que pour d’autres victimes.

Cette situation nous oblige, monsieur le garde des sceaux, à une nouvelle interpellation – les ministres qui vous ont précédé sur ce banc lors de débats de cette nature ont été interpellés de la même manière. Cette interpellation est simple : dès lors que la loi ne peut améliorer le dispositif, nous en appelons à la mobilisation du Gouvernement pour enclencher une dynamique réelle sur les mesures de prévention et de formation concernant la lutte contre ce fléau qui touche les personnes handicapées.

Nous avançons aujourd’hui pour tous les mineurs ; c’est heureux. Le fléau réel cible particulièrement les personnes handicapées ; merci, monsieur le garde des sceaux, de redire que vous partagez cette préoccupation – et j’espère que, en la matière, à la différence de ceux qui vous ont précédé, vous donnerez une impulsion plus forte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.)

M. le président. L’amendement n° 4 n’est pas soutenu.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 12, présenté par Mmes de La Gontrie, Rossignol, Meunier, Jasmin et Conconne, MM. Redon-Sarrazy et Raynal, Mmes Monier et Lepage, MM. Bourgi, Antiste, P. Joly, Sueur, Marie, Leconte, Kerrouche et Kanner, Mme Harribey, M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 11 et 13

Remplacer la seconde occurrence du mot :

commis

par le mot :

exercé

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.