M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour la réplique.
M. Jean-François Longeot. Merci, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse. La commission de l’aménagement du territoire a fait de nombreuses propositions sur la question des déserts médicaux, dont certaines n’ont pas été suivies d’effets.
J’espère que le développement de la télémédecine va se poursuivre, mais reconnaissez qu’il aura fallu la crise du covid pour qu’elle soit mise en place. On nous disait que c’était très compliqué, difficile… Je souhaite que la crise du covid s’arrête, mais que la télémédecine puisse se poursuivre et qu’il soit possible de déléguer un certain nombre d’actes à d’autres professionnels de santé.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Monsieur le secrétaire d’État, je vous entretiendrai d’un sujet d’une brûlante actualité pour les élus locaux, qui, malgré la crise sanitaire, sont sur le pont : les travaux de gestion et de prévention des risques d’inondation. Sous l’effet du réchauffement climatique, les inondations sont de plus en plus violentes et fréquentes.
Le bassin ligérien, que je connais bien, est évidemment aux premières loges. La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) a confié les digues non domaniales aux intercommunalités à compter du mois de janvier 2018, tandis que les digues domaniales leur seront transférées à partir du 28 janvier 2024.
À titre d’exemple, le Maine-et-Loire compte 135 kilomètres de digues, dont 42 kilomètres relèvent de l’État. Ce dernier s’était engagé à faire des travaux avant de rétrocéder les digues. Ainsi, en mars 2019, la ministre Emmanuelle Wargon rappelait ici même : « Dans cette période transitoire jusqu’à 2024, l’État travaille en étroite collaboration avec les collectivités chargées de la Gemapi, que ce soit pour les modalités de gestion de ces ouvrages, la réalisation de travaux de renforcement ou encore la préparation des dossiers d’autorisation de systèmes d’endiguement. Ces travaux ne seront donc plus à mener par les collectivités par la suite. »
Or que constate-t-on réellement sur le terrain ? Des travaux insuffisants, un financement largement défaillant de la part de l’État et des collectivités dupées au regard de l’ampleur des coûts d’entretien. La taxe Gemapi, pour gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, même portée au plafond de 40 euros par habitant, ne permettrait pas de couvrir la charge, qui est immense. Dans leur rapport en date de novembre 2018, l’Inspection générale de l’administration (IGA) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) vous alertaient déjà sur l’état des digues transférées.
Monsieur le secrétaire d’État, êtes-vous aujourd’hui en mesure de rassurer les élus locaux sur la capacité de l’État à honorer ses engagements en matière de soutien financier ? Un fonds de compensation peut-il être envisagé pour mettre fin à l’inégalité de traitement entre digues domaniales et digues non domaniales, afin de consolider le système d’endiguement sur l’ensemble des bassins, et notamment celui de la Loire ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Bigot, vous m’interrogez sur la problématique spécifique de l’entretien des digues domaniales et sur les transferts de compétences aux collectivités à partir de 2024.
Comme vous le savez, la loi Maptam a créé une nouvelle compétence exclusive et obligatoire de gestion des milieux aquatiques au profit des communes, la Gemapi. Dans ce cadre, les EPCI assument la gestion des ouvrages de protection contre les inondations, c’est-à-dire l’entretien, la surveillance, l’ingénierie et les travaux.
Depuis le 1er janvier 2018, les EPCI sont devenus gestionnaires des ouvrages de protection. Afin de préparer la transition entre les anciens et les nouveaux gestionnaires, des périodes transitoires ont été prévues, notamment pour faciliter la mise en place des systèmes d’endiguement. C’est le cas notamment pour les digues de l’État.
Ainsi, les digues achevées avant la date d’entrée en vigueur de la loi Maptam et qui appartiennent à une personne morale de droit public sont mises gratuitement à la disposition, selon le cas, de la commune ou de l’EPCI à fiscalité propre compétent pour la défense contre les inondations. Lorsqu’il gère des digues à la date d’entrée en vigueur de la loi Maptam, l’État, ou l’un de ses établissements publics, continue d’assurer cette gestion pour le compte de la commune ou de l’EPCI pendant une durée de dix ans, soit du 10 janvier 2014 au 28 janvier 2024. Une convention doit déterminer l’étendue de ce concours et les moyens matériels et humains qui y sont consacrés. Cela étant, les intercommunalités qui le souhaitent peuvent tout à fait reprendre la gestion de ces digues avant 2024.
Concernant le financement, sur lequel porte l’essentiel de votre question, la loi Maptam a créé une taxe, la taxe Gemapi, qui est facultative. Les communes et les EPCI à fiscalité propre peuvent instituer cette taxe ou mettre en place une redevance pour service rendu, qui constitue également une ressource importante.
Le fonds de prévention des risques naturels majeurs, ou fonds Barnier, peut également être mobilisé pour des études, des travaux et des ouvrages d’équipement par les territoires à risque important d’inondation, où une stratégie locale de gestion du risque est définie et mise en œuvre dans le cadre d’un programme de prévention des inondations.
Enfin, sachez qu’il existe un dispositif complémentaire, le dispositif Aqua Prêt. Géré par la Caisse des dépôts et consignations, il représente une enveloppe de 2 milliards d’euros. Il a été étendu à la Gemapi depuis la fin du mois de janvier 2019. Il peut donc être mobilisé dans ce cadre.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour la réplique.
M. Joël Bigot. Monsieur le secrétaire d’État, l’ampleur des travaux est telle qu’on ne peut pas laisser les collectivités sans solution de financement ni accompagnement. À titre d’exemple, le coût des travaux de restauration d’une digue que je connais et qui protège 60 000 habitants s’élèverait à un milliard d’euros !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Monsieur le secrétaire d’État, l’aménagement du territoire fut d’abord un dirigisme et une planification étatique, puis un acte de décentralisation. Depuis plus de dix ans, une longue succession de renoncements, de demi-mesures de recentralisation, affirmées ou rampantes, se sont succédé, qui s’expliquent non seulement par les crises économiques successives ou par la métropolisation croissante, mais surtout par une réalité oubliée, que la crise sanitaire que nous traversons depuis un an est venue faire exploser.
Le Premier ministre a prononcé vingt-cinq fois le mot « territoires » dans son discours de politique générale ; pourtant, cela reste toujours une abstraction.
Ce que la crise est venue nous rappeler, c’est que la question qui se pose est non plus celle des territoires, mais celle des gens. Il y a des gens, des personnes, des individus qui sont en droit de disposer d’un cadre de vie, d’un niveau de services, d’infrastructures leur permettant de vivre librement et en sécurité, bien souvent dans une belle fraternité d’ailleurs.
De quoi les gens ordinaires qui vivent dans notre pays ont-ils besoin ? Je ne parle pas ici de ceux qui vivent dans les métropoles ou dans leurs banlieues, lesquelles concentrent depuis des années tant de moyens pour que, au final, rien, ou presque, ne soit réglé… Les gens qui vivent dans les territoires ont bien sûr besoin d’infrastructures, d’ingénierie, de mobilité, de réseaux à très haut débit, de règles d’urbanisme, de politique du logement, de relocalisation d’emplois ; mais ils ont surtout besoin de deux services essentiels : la santé et l’éducation, cela a été dit. Ces gens respectent les règles ; en retour, ils attendent qu’on les traite avec respect.
Dans le domaine de la santé, nous avons tous multiplié les actions visant à inciter des médecins généralistes à s’installer, à favoriser l’implantation de maisons de santé, l’accueil de stagiaires. Nous avons mis en place des aides financières, etc. Peut-on aller plus loin ? Monsieur le secrétaire d’État, seriez-vous prêt à soutenir une politique plus coercitive en matière d’installation post-internat sur les territoires en déficit ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Sautarel, vous m’interrogez sur l’accès aux services publics en général. Nous l’avons vu lors d’un déplacement officiel dans votre département, le dynamisme territorial, associé à des politiques publiques de l’État, permet aux territoires de disposer d’outils, comme les maisons France Services, le programme « Petites villes de demain », mais aussi d’ingénierie territoriale. C’est très utile pour un département comme le vôtre, que je connais particulièrement bien, vous le savez. Ces politiques publiques me paraissent intéressantes.
J’en viens à votre question sur la santé. J’ai un peu l’impression d’être ministre de la santé aujourd’hui, or je ne le suis pas ! Je vous préciserai donc simplement ce que nous voulons faire dans le cadre de la cohésion des territoires.
Vous évoquez, soyons clairs, des politiques de coercition. Or de telles politiques n’ont jusqu’à présent jamais fait florès et je vais vous dire très franchement et très clairement pourquoi. J’ai été parlementaire pendant des années : chaque fois qu’une initiative parlementaire a été prise en ce sens, des lobbies, issus de tous les rangs, se sont élevés pour s’y opposer. In fine, aucune mesure de coercition n’a jamais été prise ! Certaines idées ne dépassent jamais un certain cap, c’est une habitude française.
En revanche, je puis vous indiquer que plusieurs mesures du projet de loi 4D viseront à mieux répondre aux enjeux des territoires et aux besoins des habitants dans le champ de la santé. Nous allons modifier la gouvernance au sein des agences régionales de santé afin que les élus y soient plus présents ; cela me semble extrêmement important. Les collectivités territoriales se verront reconnaître la capacité de contribuer au financement des programmes d’investissement des établissements de santé. Ce dispositif viendra s’ajouter aux 19 milliards d’euros sur dix ans prévus dans le plan de relance, ce qui est tout à fait considérable. Enfin, les collectivités territoriales se verront également reconnaître des compétences pour gérer des centres de santé ou des systèmes comme celui qui est en vigueur, par exemple, en Saône-et-Loire.
Il faut effectivement que nous mettions en place un encadrement juridique pour les collectivités territoriales désireuses de mener des politiques publiques.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.
M. Stéphane Sautarel. Merci, monsieur le secrétaire d’État, pour vos réponses. Je sais que vous connaissez notre territoire. Pour autant, si nous vous posons autant de questions sur la santé cet après-midi, c’est parce qu’il s’agit d’un sujet particulièrement brûlant.
J’ai également évoqué la question de l’éducation : nous avons du mal à comprendre que, d’un côté, on mène des politiques volontaristes pour réimplanter des services dans les territoires et que, de l’autre, on y ferme des classes, alors même que les territoires élaborent des projets territoriaux d’attractivité.
J’attire donc votre attention sur la nécessité de veiller à la cohérence s’agissant de ces deux services essentiels pour les territoires.
Je ne conclurai pas mon intervention sans évoquer la situation de l’agriculture de montagne, en particulier de l’élevage, ce secteur étant aujourd’hui en grande difficulté. Les annonces contradictoires qui sont faites nous inquiètent beaucoup. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Hervé Maurey. Monsieur le secrétaire d’État, j’évoquerai à mon tour l’une des principales fractures territoriales que constituent aujourd’hui les inégalités en matière d’accès aux soins. Une récente étude réalisée pour l’Association des maires ruraux de France rappelle l’ampleur de ce problème en matière hospitalière. Hors hôpital, la situation, vous le savez, n’est guère plus satisfaisante.
Je rappelle que l’écart de densité médicale selon les départements varie de un à trois pour les généralistes et de un à huit pour les spécialistes. Je rappelle également que, aujourd’hui, entre 6 et 8 millions de Français vivent dans des déserts médicaux et que ce nombre n’a fait qu’augmenter au cours des dernières années. Cette situation a bien sûr des conséquences sanitaires, la carte des déserts médicaux se superposant à la carte de la mortalité précoce.
À ce scandale sanitaire s’ajoute un scandale financier. Certaines estimations, notamment de la Cour des comptes, montrent que les dysfonctionnements en matière d’accès aux soins coûtent entre 1 et 5 milliards d’euros par an au contribuable.
Le gouvernement auquel vous appartenez n’a malheureusement fait que poursuivre les politiques mises en œuvre dans le passé, à savoir des politiques uniquement incitatives, lesquelles ont pourtant fait la preuve de leur inefficacité. La loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé de juillet 2019, censée être la grande loi du quinquennat en matière de santé, n’a pas non plus proposé les mesures que l’on pouvait espérer.
Au cours de ce débat, vous avez évoqué l’agenda rural, un certain nombre de dispositifs et de « mesurettes », mais, comme cela a été dit, la somme de ces demi-mesures n’est pas à la hauteur des attentes.
Monsieur le secrétaire d’État, quand le Gouvernement va-t-il enfin se rendre compte de la réalité dans les territoires en matière d’accès aux soins et proposer des mesures adaptées à la situation ? (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Très honnêtement, monsieur le sénateur, je ne pense pas que les mesures que je viens de présenter soient des « mesurettes ». On ne peut considérer que les 181 mesures prévues dans l’agenda rural, dont les 8 mesures spécifiquement dédiées à la santé, sont des « mesurettes ». Je me refuse à le faire ! Vous pouvez les juger insuffisantes, mais c’est le guide que nous avons élaboré avec les associations d’élus qui sous-tend mon action et qui fait que je suis devant vous aujourd’hui. Nous essayons désormais de faire en sorte que ces mesures, que j’ai listées tout à l’heure, soient appliquées.
Ayant toujours habité en milieu rural, je suis bien conscient qu’il y existe un certain déficit. Il est exact aussi que les territoires qui ont très tôt pris la mesure du problème et réussi à mettre en œuvre des maisons pluridisciplinaires de santé, avant d’en arriver à un désert médical complet, ont gagné un certain nombre de points. La mutualisation leur a permis de mettre en place les éléments nécessaires au maintien d’un certain nombre de médecins, deux au minimum, car laisser un médecin seul dans un territoire est le meilleur moyen de ne plus en compter aucun à terme. C’est un peu comme dans les trésoreries, lorsqu’il y a de l’activité pour une journée par semaine : la mutualisation rend les postes attractifs.
Par ailleurs, je rappelle que le Gouvernement a annoncé, lors du Ségur de la santé, que 19 milliards d’euros sur dix ans seraient consacrés dans le plan de relance à l’investissement dans le système de santé. Cet effort permettra à la fois d’accélérer la transformation de l’offre de soins et d’accompagner les territoires afin d’améliorer les conditions de travail et l’accueil des personnes.
Le déploiement de ce plan a fait l’objet d’une circulaire du Premier ministre en date du 10 mars 2021. Le plan sera mis en œuvre dès 2021. Il prendra toute sa place dans les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), qui seront, demain, des contrats de plan. Ces mesures figureront dans un avenant au volet relatif à la santé.
Je me suis récemment rendu dans une petite commune de 8 000 habitants qui va ainsi bénéficier d’un plan de modernisation complet de son hôpital. J’ai été particulièrement heureux de voir que les attentes de ce territoire allaient être satisfaites.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
M. Hervé Maurey. Monsieur le secrétaire d’État, je suis désolé de vous dire que je considère que les mesures que vous proposez ne sont pas suffisantes.
Vos propos me rappellent malheureusement ceux de Roselyne Bachelot, qui, en 2009, alors qu’elle était ministre de la santé, vantait ici les mesures de la loi qu’elle défendait et nous disait : « Vous verrez, dans dix ans, il n’y aura plus de problèmes. » Or, dix ans plus tard, la situation n’a fait que s’aggraver. Je crains que, dans dix ans, on ne fasse le même constat si, d’ici là, aucun gouvernement n’a enfin le courage de mettre en place les mesures nécessaires.
Au sein de cette assemblée, nous n’avons jamais demandé de coercition, nous demandons de la régulation. Si nous sommes attachés à la liberté d’installation des médecins, nous considérons également que toute liberté doit être régulée, y compris celle-là, car nous plaçons l’intérêt général au-dessus de tout. Il serait temps de le prendre en considération ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le secrétaire d’État, en novembre dernier, je m’inquiétais du plan de restructuration du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Ce centre est aux premières loges en matière de transition énergétique, de cohésion, l’aménagement des territoires et de lutte contre le changement climatique. Je m’inquiète toujours de son sort.
Le Cerema accompagne les collectivités dans des démarches de coproduction permettant d’intégrer les enjeux nécessaires à la conduite du changement et d’apporter des réponses spécifiques adaptées aux contextes locaux. Or son plan de restructuration, paradoxalement appelé « Cerem’Avenir », se poursuit sans inflexion et prévoit une diminution des moyens humains et financiers, ce qui fragilise ses compétences et obère ses capacités d’intervention et d’investissement.
À l’heure des projets de loi 4D, Climat et résilience, ainsi que de l’adaptation au changement climatique, il n’est question pour le Cerema que de faire face à des baisses successives de moyens. Je m’interroge donc sur la volonté du Gouvernement de respecter les objectifs ambitieux du plan Biodiversité, initié en 2018, ainsi que la promesse d’un plan de relance orienté vers la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique, d’où ma question : comment mettre en pratique des politiques d’aménagement du territoire pour faire face au changement climatique en dégradant l’outil compétent et performant qui le permet ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, le Cerema est un opérateur de l’État, fort de plus de 2 500 agents, dont deux tiers de cadres techniques. Il mutualise une expertise qu’il déploie grâce à un réseau de vingt-neuf implantations partout en France, y compris en outre-mer.
Cet organisme s’est doté d’un projet d’établissement permettant de recentrer son activité sur six domaines, tous liés à l’aménagement du territoire : mobilités ; infrastructures de transport ; environnement et risques naturels ; mer et littoral ; bâtiment ; ingénierie territoriale.
L’adaptation des territoires au changement climatique est désormais le fil rouge de l’activité du Cerema. Centré sur des missions d’expertise en amont des projets de recherche et d’innovation, ainsi que de diffusion des connaissances, il agit en complémentarité avec l’ingénierie locale privée et publique, en particulier les agences techniques départementales.
En tant que partenaire de l’ANCT, le Cerema intervient pour le compte de l’État et de 400 collectivités chaque année, dont 80 collectivités de moins de 20 000 habitants. Il est porteur de sujets essentiels, tels que le programme national « France vue sur mer – Le sentier du littoral ». Il est aux côtés des territoires face à toutes les catastrophes, par exemple dans les vallées de la Roya et de la Vésubie à la suite de la tempête Alex. Il est là pour la sécurisation, la reconstruction transitoire ou encore l’installation de ponts de secours pour le rétablissement des liaisons.
Le Cerema est donc un acteur essentiel. Il l’est également dans la mise en œuvre des programmes nationaux portés par l’État, comme « Action cœur de ville » ou « Petites villes de demain ». Il est aussi impliqué aux côtés de l’ANCT dans la mise en œuvre des contrats de relance et de transition écologique (CRTE), qui ont naturellement une dimension rurale.
Enfin, son système économique, fondé essentiellement sur une subvention pour charges de service public, lui permet d’intervenir en faveur de collectivités sur la base des modèles freemium, grâce auxquels ces dernières bénéficient de quelques jours d’expertise gratuite, puis ne paient que 50 % environ du coût de la prestation si celle-ci n’est pas directement prise en charge par l’ANCT.
Je voudrais partager une conviction avec vous : la politique d’aménagement du territoire doit prendre en compte les conséquences du changement climatique, dont la possible augmentation d’événements extrêmes. Le Cerema répondra présent. Par ses missions transversales, il apportera les connaissances, ainsi que les savoirs scientifiques et techniques contribuant à l’élaboration de tous les projets territoriaux durables, qui intégreront l’ensemble de vos préoccupations environnementales.
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.
Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous avez indiqué s’agissant des missions du Cerema, mais le Gouvernement continue de couper dans les effectifs et de réduire les investissements en faveur de cet organisme. On peut donc se demander si le Cerema aura la capacité de mener à bien l’ensemble des missions que vous avez énumérées. Toute belle idée architecturale ne prend sens que s’il reste des maçons pour la concrétiser !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars.
M. Jean-Claude Anglars. Je voudrais évoquer l’aménagement du territoire dans sa dimension économique et industrielle, qui me paraît essentielle. En effet, l’activité économique est vitale pour les bassins de vie. C’est l’économie qui sous-tend le marché de l’emploi, le développement des services et la croissance démographique.
Partout en France, nous avons des entreprises dans des secteurs de pointe qui marchent bien. Lorsqu’elles sont implantées en milieu rural, elles constituent des fleurons et, bien souvent, les principaux employeurs C’est par exemple le cas – je m’en excuse auprès de mes collègues, qui m’entendent de nouveau sur le sujet –, en Aveyron, de l’usine Bosch d’Onet-le-Château et de l’usine SAM de Viviez, au cœur de la Mecanic Vallée. Ces entreprises ont bénéficié d’aides publiques censées favoriser leur installation ou leur développement.
On pourrait donc croire que l’aménagement du territoire fonctionne bien. Pourtant, les annonces de presque 1 000 suppressions d’emplois et l’arrêt des chaînes de production sur les deux sites aveyronnais voilà deux semaines démontrent le contraire.
Force est de constater que l’aménagement du territoire, en dehors des métropoles, est un échec dans sa dimension économique et industrielle ; il manque de cohérence et de pérennité. On oublie trop souvent qu’il n’est pas déconnecté des politiques publiques économiques.
Voilà trois mois encore, j’alertais le ministre de l’économie sur les conséquences des mesures prises au nom de la transition écologique pour les filières industrielles. Alors que, en 2019, le ministre se déclarait favorable à ce que les nouveaux véhicules diesel moins polluants puissent être éligibles à la vignette Crit’Air 1, il a exclu en janvier 2021 les véhicules hybrides diesel des aides à l’achat des voitures neuves. Résultat, en Aveyron, trois mois plus tard, nous pouvons constater les conséquences du choix idéologique de la désindustrialisation concernant la filière automobile diesel en France.
Cet échec, c’est aussi celui de l’aménagement du territoire à la française. L’exemple montre bien les effets ravageurs et en cascade de telles décisions politiques. Elles nécessitent plus de prospective.
Monsieur le secrétaire d’État, comment le Gouvernement envisage-t-il de réindustrialiser la France ? Comment faire pour que la réindustrialisation du territoire se conjugue durablement avec son aménagement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Anglars, vous avez raison de rappeler que l’industrialisation est un enjeu majeur pour l’aménagement du territoire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons lancé au sein de l’ANCT, en lien avec Agnès Pannier-Runacher, le programme Territoires d’industrie.
Conçu au mois de novembre 2018, ce programme vise à apporter dans les territoires des réponses concrètes à des enjeux de soutien à l’industrie : le développement des compétences, la formation et la mobilité des salariés, la revitalisation des friches industrielles… Il est fondé sur une gouvernance partenariale, associant des binômes présidents d’EPCI et industriels. Il est piloté à l’échelon local par les conseils régionaux. Ses modalités reflètent une coopération étroite entre l’État et les collectivités territoriales pour œuvrer au développement industriel du pays. À ce jour, 148 territoires d’industrie recouvrant près de 500 intercommunalités ont fait émerger 1 500 projets d’investissements concrets, dont 57 sont déjà déployés.
Le programme a été renforcé dans le cadre du plan France Relance, avec la création du fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires, qui est le volet territorial du plan de relance pour l’industrie. Ce fonds est doté de 400 millions d’euros. Il a été mis en œuvre dans cette perspective. D’ailleurs – l’annonce vient d’être faite par l’ensemble des ministres compétents –, il va être augmenté de 300 millions d’euros, ce qui me semble extrêmement important, à parité entre l’État et les régions.
Il y a eu un véritable catalyseur. À l’échelon national, 531 projets ont été soutenus, avec 260 millions d’euros d’engagés pour 2,5 milliards d’euros d’investissements productifs. Et vous en êtes « bénéficiaire » : le territoire d’industrie Aurillac-Figeac-Rodez a fait l’objet d’énormément de mesures, que je n’ai pas le temps de détailler.
Certes, il peut y avoir des défaillances d’industrie ; la vie industrielle peut être un peu différente de celle que nous escomptions. Mais sachez que le renforcement du fonds permettra d’être encore plus performant sur ces territoires, et à leur service, y compris dans les zones les plus rurales et les plus reculées du pays.