Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je vais retirer l’amendement déposé par Hervé Marseille. Je pense que j’arriverai à le convaincre de la sagesse et de la pertinence des arguments du rapporteur et du ministre – il comprendra.
Je suis favorable à l’amendement n° 347 et au sous-amendement n° 388, qui tend sagement à assortir la proposition du Gouvernement d’un caractère expérimental. Cela doit rassurer tous les collègues qui craignent cette disposition ; expérimenter est souvent un signe de sagesse : cela permet à la fois de gagner la confiance de chacun et de se donner les moyens d’ajuster les éléments qui mériteront de l’être. C’est aussi faire preuve de confiance envers la police municipale, et surtout faire œuvre d’efficacité en matière de sécurité et, me semble-t-il, de protection des libertés.
Mme la présidente. L’amendement n° 208 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 388.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 131 rectifié et 329 rectifié n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’amendement n° 306.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Richard, l’amendement n° 318 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Richard. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 318 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 218, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les caméras aéroportées utilisées par la police nationale, la gendarmerie nationale ou la préfecture de police de Paris ne peuvent pas être dotées de dispositifs de nature à rendre possible, quels que puissent être les usages retenus, l’identification des personnes filmées.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Comme nous l’avons dit au cours de la discussion générale, nous saluons le travail de la commission des lois pour mieux encadrer l’usage des drones. Nous souhaitons cependant, par cet amendement, qu’il soit précisé à l’article 22 que les drones ne peuvent pas être utilisés pour identifier les personnes filmées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cette interdiction de l’identification des personnes par drones est contraire à l’objet même de ce que nous venons de voter.
Par définition, donc, avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 219, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Est prohibée toute installation de dispositifs d’armement sur les aéronefs.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il s’agit de préciser qu’est prohibée l’installation de dispositifs d’armement sur les drones.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Voilà l’amendement Star Wars, comme nous l’avons appelé. On est complètement en dehors du sujet : on instruit des procès d’intention qui ne sont absolument pas fondés.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 373, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
A. – Alinéa 6
Après la référence :
« Art. L. 242-2. -
insérer la mention :
I. –
B. – Après l’alinéa 7
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
« II. – Dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi n° … du… relative à la sécurité globale, le ministre de l’intérieur précise, par des lignes directrices adressées aux services mentionnés aux articles L. 242-5 et L. 242-6 et placés sous son autorité :
« – les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données personnelles auxquelles les agents doivent satisfaire pour être autorisés à procéder au traitement d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord ;
« – pour chacune des finalités mentionnées au présent chapitre, les cas et modalités selon lesquels le recours à des caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord est considéré comme proportionné au sens de l’article L. 242-4 ;
« – les règles techniques devant encadrer l’usage, dans le temps et dans l’espace, des caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord par les services compétents, et en particulier les spécifications permettant de s’assurer que les lieux privés mentionnés au premier alinéa du I du présent article ne font pas l’objet de prises de vues spécifiques.
« La Commission nationale de l’informatique et des libertés est consultée préalablement à l’adoption et à la modification de ces lignes directrices, qui font l’objet d’une mise à jour régulière pour tenir compte de l’évolution des techniques et des normes relatives à la protection des données personnelles.
« Sous réserve des seuls éléments dont la divulgation pourrait être contraire à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, ces lignes directrices sont rendues publiques avec l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cet amendement, auquel je faisais allusion en réponse à Mme Gatel, a fait l’objet d’un travail très approfondi de la part de notre collègue Loïc Hervé : on peut parler d’une véritable doctrine d’emploi des drones.
Il est rédigé en six alinéas qui sont autant de lignes directrices permettant de préciser les exigences de formation des personnels, les garanties juridiques générales énoncées par la loi, les cas concrets où l’usage des drones peut être considéré comme proportionné au regard des finalités autorisées par la loi – c’est très important pour éviter les risques constitutionnels –, et surtout de définir les spécifications techniques qui, si elles n’ont pas leur place dans la loi, sont indispensables pour s’assurer que ces dispositifs potentiellement très intrusifs ne portent pas une atteinte disproportionnée à la vie privée, ce qui répond aux préoccupations exprimées par les auteurs des amendements précédents.
Avec ce travail juridique important, nous avons toutes les garanties nécessaires pour mettre en place l’expérimentation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement va certainement moins loin que ceux que nous avions déposés ; reste qu’il démontre, s’il en était besoin, que les inquiétudes sont nombreuses et qu’il est nécessaire de sécuriser ce dispositif. Star Wars ne paraît finalement pas si loin ; tout le monde semble vouloir s’en prémunir.
Nous voterons cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 240, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Après les mots :
et de l’autorité responsable
supprimer la fin de cette phrase.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il est défendu, madame la présidente : il va dans le même sens que les précédents.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 132, présenté par M. Gontard, Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise une nouvelle fois à sécuriser cette proposition de loi.
Le 22 décembre dernier, le Conseil d’État vous a infligé, monsieur le ministre, ainsi qu’au préfet de police de Paris, un véritable camouflet en interdisant d’utiliser les drones pour surveiller les rassemblements sur la voie publique.
Dans sa décision, le Conseil d’État dénonçait même le dispositif dans son essence : « Le ministre n’apporte pas d’élément de nature à établir que l’objectif de garantie de la sécurité publique lors de rassemblements de personnes sur la voie publique ne pourrait être atteint pleinement, dans les circonstances actuelles, en l’absence de recours à des drones. »
En droit des données personnelles, si l’utilité d’un dispositif de surveillance n’est pas clairement démontrée, celui-ci ne peut jamais être autorisé. Là où sont en cause des données sensibles telles que les opinions politiques captées en manifestation, il faut même, pour qu’ils soient autorisés, que ces dispositifs soient absolument nécessaires au maintien de l’ordre.
Cette proposition de loi ne justifie en rien cette absolue nécessité. Rien ne vient donc justifier cette atteinte gravissime au droit de manifester et à la liberté d’opinion – nous en avons déjà parlé hier soir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Comme je viens de le dire, la commission a présenté une doctrine d’emploi des drones et a spécifiquement encadré leur usage lors de rassemblements publics, en exigeant que des circonstances particulières soient réunies : lorsqu’il existe des craintes de troubles à l’ordre public d’une particulière gravité, lorsque les circonstances liées au lieu de l’opération rendent difficile le recours à d’autres outils de captation d’images ou lorsque ces circonstances sont susceptibles d’exposer les agents à un danger significatif.
Avec le dispositif proposé, nous pensons avoir bien encadré le problème. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 133, présenté par M. Gontard, Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement a pour objet l’utilisation des drones pour la surveillance des frontières. Je ne m’étendrai pas sur la politique migratoire de la France, aussi inhumaine qu’inefficace. Mais je vais tenter de vous convaincre avec des arguments rationnels.
Le retour d’expérience de la surveillance de la frontière américano-mexicaine par drones fait état d’une immense gabegie financière : cette politique est coûteuse et inefficace. En 2015, un rapport du département de la sécurité intérieure faisait apparaître que les arrestations d’immigrés clandestins pouvant être imputées aux drones représentaient 1,8 % du total de ces arrestations, pour un budget global de 62,5 millions de dollars !
Clairement, l’intervention humaine est moins onéreuse et plus efficace.
Pire encore, on apprenait en 2016 que les cartels mexicains pirataient les GPS des drones surveillant la frontière pour la franchir tranquillement. Cette inefficacité est sans doute à l’origine de la volonté de l’ex-président Trump de construire son fameux mur, autre gabegie qui ne connaît guère plus de succès.
Concernant l’Europe, les chiffres montrent l’explosion du budget de l’agence Frontex, de 137 millions d’euros en 2015 à 322 millions d’euros en 2020, selon les chiffres de la Cour des comptes européenne, et une automatisation toujours plus grande de la surveillance des frontières.
Parallèlement, le ratio entre le nombre de personnes qui tentent de franchir la Méditerranée et le nombre de celles qui y laissent la vie ne fait qu’augmenter.
Cette automatisation de la surveillance aux frontières n’est donc qu’une nouvelle façon pour les autorités européennes d’accentuer le drame qui continue de se jouer en Méditerranée, pour une efficacité qui, finalement, ne profite qu’aux industries de la surveillance. À l’échelle de la France, la problématique est la même : de tels drames humains ont lieu chaque jour dans les Alpes.
En plus d’être littéralement inhumaine, la surveillance de la frontière par drones nous semble particulièrement onéreuse et inopportune. Il faut bien sûr encadrer et même interdire l’utilisation des drones pour la surveillance des frontières.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Monsieur le sénateur, nous pensons très exactement le contraire. Nul besoin d’aller jusqu’à la frontière américano-mexicaine ; il suffit d’aller à la frontière franco-italienne, où l’on trouve une série de régions montagneuses, pour constater que la surveillance de grandes étendues de nature par des drones permet au contraire de déceler les franchissements illégaux.
Cela n’empêche pas un traitement humanisé des interpellations. En tout cas, pour ce qui est de la surveillance, le drone est beaucoup moins onéreux et tout à fait adapté.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. J’ai bien entendu M. Gontard défendre son amendement et M. le rapporteur lui répondre. Monsieur le rapporteur, je vais vous dire le fond de ma pensée en une phrase : vous venez de faire la démonstration de la société dont nous ne voulons pas !
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. M. le rapporteur nous parle de la configuration de la frontière italienne pour affirmer que l’usage des drones y serait indispensable. Je vous invite à aller réellement voir ce qui se passe à la frontière italienne, à Montgenèvre notamment : des cas manifestes d’inhumanité et des accidents s’y produisent tous les jours. L’utilisation de drones dans des conditions de montagne – vraiment, je vous invite à y aller : vous verrez ce que c’est ! –, cela ne fonctionne pas. On a doublé voire triplé les effectifs ; cela ne fonctionne pas.
Nous pourrions être plus pragmatiques dans l’élaboration de nos politiques : ouvrir les yeux, observer et constater ce qui ne fonctionne pas. D’autres politiques seraient peut-être plus utiles.
Allez voir aussi du côté italien ; discutez avec les élus : ils vous diront exactement la même chose.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. J’y suis allé, monsieur.
M. Guillaume Gontard. Le moment est venu d’agir et de mettre en œuvre un accueil digne, en tout cas de faire en sorte que votre politique se fasse dans les règles, celles des droits de l’homme, et même des droits tout court – ce n’est pas ce qui se passe actuellement à Montgenèvre.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Ce n’est pas le sujet !
M. Guillaume Gontard. Si l’on voulait respecter les droits à Montgenèvre, il faudrait créer un centre d’accueil, ce qui n’est absolument pas à l’ordre du jour. On refuse les demandeurs d’asile, on les renvoie en Italie. Je pourrais parler des centres d’enfermement qui se trouvent à Menton – je ne sais comment les appeler autrement, puisqu’ils ne sont pas définis. Je rappelle qu’un arrêt récent intime justement au préfet de laisser les parlementaires et les associations visiter ces lieux – nous nous y sommes rendus à plusieurs reprises, mais nous nous en sommes vu refuser l’accès. Il est temps que la France respecte les droits !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne peux pas laisser tenir de tels propos dans l’hémicycle !
Premièrement, monsieur le sénateur, il n’est pas anormal que la France, comme tous les pays, souhaite préserver sa souveraineté et ses frontières. Ce n’est pas un gros mot que de parler de frontières et de souveraineté !
Deuxièmement, les conditions dans lesquelles les étrangers sont accueillis sur le sol national sont on ne peut plus dignes et conformes aux droits de l’homme. Avec 142 000 demandes d’asile, la France est le pays qui, proportionnellement à sa population, accueille le plus de demandeurs d’asile en Europe.
Vous affirmez que nous ne sommes pas assez efficaces. L’Italie, l’année dernière, a enregistré 34 000 demandeurs d’asile sur son sol. Or, rien qu’à la frontière italienne, nous avons procédé à 38 000 reconduites à la frontière ! Les policiers, les gendarmes et les agents de la préfecture travaillent dans des conditions extrêmement difficiles. Ils doivent notamment faire face à des militants politiques, parfois accompagnés de parlementaires, qui viennent les « embêter », pour ne pas dire plus. (Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. Jérôme Durain. Si on pouvait travailler sans le Parlement, ce serait tellement mieux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il me semble que nous pourrions, à juste titre, souligner le grand calme et la grande efficacité de la police et de la gendarmerie de la République !
Troisièmement, vous citez l’exemple de Menton. Mais les Italiens sont d’accord avec nous ! C’est tellement vrai que, en négociant avec deux gouvernements italiens différents – j’ai reçu encore hier la ministre italienne de l’intérieur et je me suis rendu trois fois directement à Rome et plusieurs fois à Menton, à Bardonecchia ou à Vintimille –, nous venons de mettre en place – c’est une première – un contrôle en commun par des patrouilles franco-italiennes. Contrairement à ce que vous dites, le gouvernement et les élus italiens partagent tout à fait notre point de vue. Par ailleurs, la plupart des élus que j’ai rencontrés dans les Alpes-Maritimes ne sont pas de votre avis politique, c’est le moins que l’on puisse dire !
Enfin, l’une des difficultés, et vous n’en parlez jamais, c’est celle des passeurs, ceux qui font de la traite d’êtres humains. La façon dont aujourd’hui sont traités indignement les étrangers en situation irrégulière sur notre sol n’est pas le fait de l’État, qui les protège, mais des passeurs et des organisations criminelles. Ce sont eux que nous devons combattre !
Il est donc normal qu’un État souverain protège ses frontières, sauf à considérer qu’il n’y a pas de problème avec les frontières et la souveraineté, et que l’on doit laisser chacun aller n’importe où. Il existe des règles pour entrer sur le territoire national. Nous souhaitons les faire respecter, comme l’ensemble des pays européens, en parfaite collaboration avec l’Italie.
Par ailleurs, nous devons résoudre des problèmes plus profonds, qui sont la conséquence soit des désordres climatiques, soit des désordres économiques, soit des désordres politiques, ce que la France fait très largement puisqu’elle octroie à peu près 30 000 demandes d’asile par an à certaines personnes pourchassées dans leur pays pour des raisons d’ordre sexuel ou politique.
De plus, la France, indépendamment des difficultés observées à la frontière italienne, rencontre également des problèmes dans la région des Hauts-de-France, puisqu’une grande partie des migrants souhaitent passer chez nos amis britanniques, pour y travailler. Nous sommes donc à la fois un pays d’entrée et un pays d’accueil. Le peuple français fait preuve d’un sang-froid remarquable, avec des policiers et des gendarmes qui opèrent dans des conditions extrêmement difficiles. Je ne peux donc pas laisser dire ce que vous avez affirmé sur la police de la République, qui travaille dans la plus grande dignité. (Mme Brigitte Lherbier applaudit.)
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre. En ce qui concerne le jugement du tribunal administratif de Nice, les centres seront effectivement ouverts à chacun. Je rappelle qu’à Menton il ne s’agit pas d’un centre de rétention : il ne faut pas non plus dire n’importe quoi dans l’hémicycle, monsieur le sénateur !
M. Jérôme Durain. C’est une obsession !
M. Gérald Darmanin, ministre. Oui, parce qu’on ne peut pas laisser dire n’importe quoi sur les services de l’État ! Vos propos sont insultants pour les policiers et les gendarmes,…
M. Jérôme Durain. Ce n’est pas vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre. … qui, tous les jours, travaillent dans des conditions difficiles et en faisant preuve d’humanité !
Quoi qu’il en soit, à Menton, toutes les quatre heures nous remettons effectivement à la police italienne un certain nombre de migrants en attente sur le site de Menton. Vous nous invitez à aller voir ce qui se passe à la frontière, mais nous savons très bien comment les choses se déroulent : nous ne faisons qu’exprimer un avis différent du vôtre ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Kanner. Monsieur le ministre, nous essayons d’avoir un dialogue respectueux au sein de cet hémicycle. Ce n’est pas la première fois que vous accusez un sénateur ou une sénatrice de « dire n’importe quoi ». (M. Gérald Darmanin le confirme.)
Vous êtes en droit d’être défavorable à l’opinion que nous émettons à l’égard de l’une de vos propositions, mais vous pourriez faire preuve de davantage de respect à l’égard de la Haute Assemblée et nous répondre en des termes un peu plus sympathiques ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. François Bonhomme ironise.)
M. Alain Richard. Le règlement est sauvé !
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue, même si ce n’en était pas vraiment un…
Article 22 (suite)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Nous nous honorons de ce que nous faisons à l’endroit des réfugiés. Nous sommes des parlementaires et c’est notre travail de visiter ces centres. Nous visitons également des prisons et des centres de rétention administrative (CRA). Nous nous sommes rendus plusieurs fois à Menton et sur la frontière franco-italienne.
Arrêtez d’entretenir cette sorte de suspicion à l’égard des parlementaires et d’alimenter l’idée que certains d’entre eux iraient à l’encontre des lois. Vous qui nous faites de longs cours d’histoire depuis mardi, souvenez-vous que, dans le passé, quelques parlementaires – ils n’étaient pas nombreux – ont aidé ceux qui fuyaient la guerre et les camps. Nous prétendons être un pays d’accueil, mais nous ne montrons pas l’exemple !
Cessez de nous montrer du doigt et laissez-nous faire notre travail, car vous ne faites pas le vôtre en ce qui concerne l’accueil des réfugiés et des migrants. Votre politique n’est qu’un échec ! (M. Guy Benarroche applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. S’agissant de la nature et des termes du débat, j’ai le sentiment que M. le ministre a un petit problème avec le Parlement, qu’il accuse de « dire n’importe quoi ». C’est ce qui m’a été répondu hier, c’est aussi ce qui nous a été reproché ce matin. Je ne peux pas laisser tenir de tels propos !
Maintenant, à en croire M. le ministre, nous « embêterions » les forces de l’ordre : excusez-moi, mais nous sommes aussi attachés au bon fonctionnement de nos institutions que vous, monsieur le ministre, et nous sommes les premiers sur le terrain, dans nos circonscriptions, dans nos communes à respecter, à rendre hommage et à accompagner le travail des gendarmes et des policiers. Votre volonté de revendiquer le monopole de la sécurité devient quelque peu lassante ! (M. Patrick Kanner applaudit.)
Quant au rapport entre le Gouvernement et le Parlement, qu’observons-nous depuis hier ? Que vous avez déposé beaucoup d’amendements de suppression sur l’excellent travail de la commission des lois en matière de garanties. Le Défenseur des droits ne dit pas n’importe quoi ! La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ne dit pas n’importe quoi ! La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ne dit pas n’importe quoi ! Quand des parlementaires cherchent à améliorer un texte bancal, ils font leur travail, malgré la procédure simplifiée.
Cette proposition de loi, qui vise à être un projet de loi, est un texte bricolé. Elle n’est pas le bon véhicule législatif pour traiter de sujets aussi importants. Nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, on légifère à la va-vite et il faudra sans doute y revenir bientôt. Il s’agit d’une énième loi de sécurité décidée sous la pression d’événements malheureux.
Quand la CNCDH s’inquiète à propos des drones en disant qu’il s’agit d’un nouveau type de rapport entre la police et la population, caractérisé par la défiance et la distance, et non d’une nouvelle technologie de surveillance, quand des magistrats, des avocats, des associations de défense des droits de l’homme et des responsables éminents le dénoncent également, je ne crois pas qu’il faille traiter leurs avis par le mépris en les considérant comme farfelus !
Ces mesures sont prématurées, inquiétantes, voire dangereuses. L’amendement déposé par notre collègue Gontard mérite donc toute notre attention. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le ministre, quoi que vous disiez, quels que soient les grands mots que vous utilisez, les images de tentes lacérées et de chaussures volées parlent d’elles-mêmes : les migrants et les réfugiés ne sont pas accueillis dignement dans notre pays !
Beaucoup de Françaises et de Français, qui voient dans leur environnement quotidien, à côté de chez eux, des installations de fortune peuvent malheureusement en témoigner !
Aujourd’hui, y compris à la frontière, il est faux d’affirmer que les gens sont accueillis dignement. Certes, notre pays – et c’est heureux ! – traite et accorde des demandes d’asile, mais on ne peut pas se cacher derrière cette réalité pour affirmer que tout va bien !
Pour ma part, je crois que l’on demande à un certain nombre d’agents des forces de l’ordre – je ne pense pas qu’ils agissent de leur propre chef – de faire des choses pour décourager les réfugiés et rendre leurs conditions de vie de plus en plus difficiles. D’ailleurs, les journalistes n’ont pas la possibilité de visiter certains endroits pour témoigner de ce qui s’y passe. Alors oui, nous, parlementaires, devons faire notre travail, c’est-à-dire observer et contrôler l’action du Gouvernement !
Aujourd’hui, la situation est terrible : non seulement on accueille des réfugiés qui ont déjà connu des souffrances extrêmes dans des conditions qui ne sont pas dignes de notre pays et de nos valeurs, mais de surcroît on met les agents des forces de l’ordre en situation de faire des choses que, pour beaucoup d’entre eux et d’entre elles, ils réprouvent. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) On ne peut pas dire que tout va bien, que la France est formidable et la situation des réfugiés est magnifique !