M. Éric Kerrouche. Encore une fois, je ne comprends pas cette obsession à précipiter notre propre perte. À force d’avoir repoussé sans cesse le vote par correspondance, le report devient autoréalisateur et nous nous trouvons dans une situation où cette modalité de vote finit bel et bien par être hors de portée, puisque ce n’est jamais le bon moment…
Nous sommes peut-être les plus intelligents du monde ; la question se pose néanmoins de savoir pourquoi, si les arguments qui nous sont opposés sont recevables, le vote par correspondance a été adopté aussi vite dans d’autres pays que le nôtre.
Il y a, de fait, au moment où nous parlons, une difficulté à mettre en place ce vote par correspondance dans les délais qui nous sont impartis.
Pour autant, pourquoi ne pas le proposer dans quelques communes volontaires, de telle façon que nous puissions disposer au moins d’un peu de recul sur sa faisabilité et sur les voies d’une éventuelle amélioration ? Nous pourrions ainsi le mettre enfin en place pour les élections à venir, sachant que – nous l’avons presque tous dit à l’occasion de la discussion générale – nous n’avons aucune certitude quant aux développements ultérieurs de cette pandémie que nous croyions maîtriser, donc quant à ses conséquences sur les élections départementales et régionales, voire sur un improbable référendum, voire, éventuellement, sur la prochaine élection présidentielle.
Il aurait été intéressant de mettre en place ce type de votation avant l’élection présidentielle, et sans doute même est-il urgent de le faire.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Avis défavorable, madame la présidente, pour des raisons déjà exposées.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Avis défavorable également, notamment, mais pas uniquement, pour les raisons qui ont déjà été exposées.
Vous avez invoqué à plusieurs reprises, monsieur le sénateur, le fait que le vote par correspondance a déjà été mis en place dans d’autres démocraties du monde. Pardon de le dire très simplement, mais ce n’est pas parce que cela se fait ailleurs que c’est forcément bien et que c’est forcément mieux…
Si, d’ailleurs, les résultats de l’élection présidentielle aux États-Unis ont été contestés, c’est notamment sur le fondement d’un certain nombre de votes par correspondance eux-mêmes contestés. Nous parlions de la date de l’élection. Sa détermination n’exige pas seulement de répondre à la question de savoir à quel moment on est disponible ou à quel moment on n’a pas prévu de partir en vacances ; il faut aussi assurer la concordance de la date sur tout le territoire – autrement dit : que chacun vote à la même date – pour garantir la sincérité du scrutin.
Pour toutes les raisons déjà invoquées et pour celle que je viens d’exposer, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Madame la ministre, je vous invite à lire les amendements dont nous discutons – cela peut avoir un certain intérêt.
Sur le fond, concernant les États-Unis, la politisation de la situation par l’un de ses protagonistes essentiels ne doit pas empêcher de voir ce qui s’est passé : c’est justement le vote par correspondance qui a autorisé une participation inédite depuis des dizaines d’années.
Ce n’est pas forcément parce que les autres le font que c’est bien, dites-vous ; mais ce n’est pas forcément non plus parce que nous ne le faisons pas que ce n’est pas bien. Ou bien on regarde en face l’évidence – nous devons adapter notre droit électoral à la situation, mais aussi, éventuellement, conserver ces adaptations pour l’ensemble des élections –, ou bien on se contente du seul vote à l’urne.
Ce dernier est fondamental, c’est vrai – M. le rapporteur le rappelle souvent, et je partage complètement cette position. Mais, sans remettre en cause le vote à l’urne, le compléter n’est en rien une difficulté. Se priver de ces voix, c’est se mettre soi-même dans une position autopunitive.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
Au plus tard le 1er avril 2021, le Gouvernement remet au Parlement, au vu d’une analyse du comité de scientifiques mentionné par l’article L. 3131-19 du code de la santé publique, un rapport sur l’état de l’épidémie de covid-19 et sur les mesures particulières d’organisation qui sont nécessaires pour garantir la sécurité sanitaire des élections régionales et départementales de juin 2021 et de la campagne électorale.
Ce rapport et l’analyse du comité de scientifiques sont rendus publics sans délai.
Mme le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.
M. Jean Louis Masson. Cet article est un peu inquiétant, car il est la porte ouverte à une remise en cause de la date des élections fixée au mois de juin. Si nous prévoyons de nous revoir au mois d’avril, cela veut bien dire que nous n’excluons pas la possibilité de reporter une nouvelle fois les élections.
S’il y a vraiment un problème catastrophique, il sera toujours temps de décider d’un tel report. Mais il faut nous garder d’ouvrir dès maintenant la porte qui nous conduirait finalement, au mois d’avril, à considérer qu’il vaut peut-être mieux ne pas faire les élections au mois de juin.
Rejeter cet article, c’est marquer notre volonté forte que la date du mois de juin soit ferme et intangible. Si la date du mois de juin est considérée comme ferme et intangible, l’article ne sert plus à rien.
Mme le président. L’amendement n° 19, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Louis Masson.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a profondément modifié l’article 2 du texte du Gouvernement. Cet article prévoyait une sorte de clause de revoyure via la demande, adressée au comité de scientifiques, d’une appréciation sur l’opportunité d’une tenue des élections au mois de juin.
Nous disons, nous, la chose suivante : non, une telle appréciation n’est pas ce que nous attendons du conseil scientifique. C’est nous qui avons pris la décision – les élections auront lieu en juin. Le Gouvernement nous a confirmé tout à l’heure qu’il n’avait à cet égard aucune espèce d’arrière-pensée, que lui aussi souhaitait qu’elles se tiennent en juin.
Par conséquent, ce que nous demandons au conseil scientifique, c’est de donner de bons conseils au Gouvernement et aux maires pour l’organisation du scrutin, afin que sa sécurité soit encore renforcée du point de vue sanitaire. C’est ce que nous disons à l’article 2.
Par ailleurs, le Gouvernement avait souhaité que ce rapport du conseil scientifique soit adressé directement au Parlement. Nous lui répondons : non ; les mesures qui sont en cause sont surtout des mesures d’organisation qu’il appartient à l’État de prendre. Cela nous intéresse bien sûr de connaître le contenu du rapport, mais nous avons de toute façon fait adopter des dispositions pour que tous les rapports soient rendus publics immédiatement après leur adoption.
Nous demandons donc que ledit rapport soit un rapport du Gouvernement au Parlement fondé sur l’avis du comité de scientifiques, et que cet avis porte non pas sur l’opportunité de la tenue des élections, mais sur leur bon déroulement du point de vue de la sécurité sanitaire.
La commission est donc défavorable à la suppression et à toute modification de l’article 2, y compris à celles qui seront proposées par les auteurs des amendements suivants.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Pour toutes les raisons qui ont été invoquées précédemment – je pense notamment aux questions de confiance, qui sont revenues à plusieurs reprises –, le Gouvernement est très attaché à la transparence : transparence à l’égard des citoyens, transparence à l’égard du Parlement. Je le disais : rien ne doit se faire sans le Parlement.
Avis défavorable, donc : nous tenons au maintien de ce rapport.
Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je fais une suggestion à Mme la ministre : si ce que nous avons décidé est suivi, nous voterons au mois de juin. Il faut donc dès maintenant nous dire – je suis intéressé, en tout cas… – les dispositions que vous prenez dans cette perspective, en y associant les associations d’élus, à commencer par les maires, évidemment, qui vont quand même être au cœur de l’organisation d’un double scrutin. Pour ceux, de sensibilités différentes, que j’ai pu consulter et avec qui j’ai pu discuter, je peux vous dire que c’est source d’inquiétude.
Si les élections se tiennent au mois de juin, il ne faut pas attendre de pouvoir prendre en compte les conditions de la campagne, c’est-à-dire les conditions démocratiques du débat politique avec nos concitoyens : il faut dès maintenant mettre en place une structure réunissant les maires, via l’Association des maires de France, ainsi que l’Assemblée des départements de France et Régions de France. Libre à eux de consulter, pas forcément à la date exacte du 1er avril, d’ailleurs, mais à tout moment, une expertise et des savoirs médicaux, afin de prendre des dispositions en vue de l’organisation des scrutins. C’est ça, créer de la confiance ! Et ce sera peut-être plus efficace que d’autres mesures parallèles…
Si l’on veut vraiment organiser ces élections et si l’on veut que les Françaises et les Français nous fassent confiance, il faut mettre toutes les compétences et tout notre esprit de responsabilité au service de l’acte électoral et de la démocratie.
Mme le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je suis tout à fait d’accord avec notre rapporteur, dont je suivrai l’avis. J’ai juste une observation. À la lecture du texte initial, en notant la présence d’une clause de revoyure, je n’ai pu m’empêcher d’y voir un prétexte pour rendre possible un nouveau report du vote : ce n’était pas gagné…
La rédaction de la commission me va très bien. Mais, madame la ministre, vous venez de parler de confiance et, comme M. le rapporteur, de dire non aux amendements de suppression de l’article 2. Si je suivrai naturellement l’avis de la commission, il ne faudrait pas néanmoins que ce texte, une fois passé par l’Assemblée nationale, se retrouve avec son article 2 initial, revenant à la clause de revoyure, et donc différent de l’article 2 que nous votons avec vous, lequel porte non pas sur l’opportunité du vote, mais sur son encadrement sanitaire.
M. Philippe Bas, rapporteur. Très bien !
M. Roger Karoutchi. C’est une question de confiance entre nous et le Gouvernement ; nous suivons l’avis de M. le rapporteur et celui de Mme la ministre, qui sont identiques, sur cet amendement de suppression de l’article 2, mais attention : pas de mauvaise surprise ! Ne revenez pas, à l’Assemblée nationale, sur les engagements qui sont pris ici ! Il n’y a pas, dans l’article que nous votons, de clause de revoyure sur l’opportunité du vote ; il y a une clause concernant la mise en place de mesures sanitaires particulières, ce qui n’est pas du tout la même chose.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 34 rectifié bis, présenté par Mme de Cidrac, MM. Cambon et Houpert, Mme Joseph, MM. Cadec et Panunzi, Mmes Raimond-Pavero et Dumont, M. Belin, Mme Drexler, M. Bazin, Mmes Gruny et Puissat, M. Klinger, Mme M. Mercier, MM. Burgoa, Laménie et Genet et Mme F. Gerbaud, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la date :
1er avril 2021
par la date :
12 mars 2021
La parole est à M. Bruno Belin.
M. Bruno Belin. Je voudrais tout d’abord saluer notre rapporteur, M. Philippe Bas, pour son travail et pour la clarté du débat qu’il conduit cet après-midi.
Cet amendement a pour objet de fixer au 12 mars la date butoir pour la présentation d’un rapport sur l’état de la pandémie. Vous me direz qu’il s’agit d’une pirouette visant à respecter un délai de trois mois avant la date du premier tour. Mais cette date, il faut que nous la connaissions !
Je n’ai pas voulu intervenir dans le débat d’explications de vote sur cette question des dates, mais il est évident qu’un deuxième tour ne saurait avoir lieu le 27 juin, compte tenu des questions telles que celles des emplois saisonniers et des moissons qui se posent dans certains territoires. Il faut, une bonne fois pour toutes, que l’on sache que les élections se tiendront les 13 et 20 juin 2021.
On a parlé d’organisation des bureaux de vote. La France, ce n’est pas Le Mans ! Ce sont plus de 30 000 communes de moins de 1 000 habitants dont les élus, qui vont être mobilisés deux dimanches pour deux élections chaque fois, départementales et régionales, vont devoir s’organiser, parfois longtemps à l’avance, pour les préparer, parce qu’il faut tenir compte des conditions sanitaires.
La moindre des corrections que l’on doit aux 500 000 élus locaux qui seront mobilisés ces deux dimanches-là est de commencer par leur dire quelles sont les dates de ces élections. Et le 13 juin me semble incontournable. Ce n’est pas une question de droite ou de gauche ; c’est une question de crédibilité ! Nous venons de passer beaucoup de temps sur les procurations ; l’enjeu est de donner envie d’aller voter pour les départements et pour les régions, parce qu’il s’agit de collectivités utiles et indispensables. Il faut convaincre nos concitoyens d’aller voter ; mais pour cela il faut déjà qu’ils connaissent les bons dimanches.
Nous attendons, madame la ministre, que vous fixiez les dates et que vous nous les annonciez ; c’est une question de clarté, de transparence et de démocratie – c’est ça, la France.
Mme le président. L’amendement n° 17, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la date :
1er avril 2021
par la date :
15 mars 2021
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. J’ai déposé cet amendement pour que nous ne soyons pas pris au dépourvu par le calendrier de cette concertation et de la remise de ce rapport : le mois d’avril, c’est beaucoup trop tard.
Je proposais la date « taquet » du 15 mars ; je constate que les auteurs de l’amendement n° 34 rectifié bis proposent quasiment la même chose : le 12 mars. Dans un souci de conciliation, je voudrais faire à mes collègues une proposition sympathique : nous pourrions, s’ils le souhaitent – j’y suis prêt –, faire la moyenne entre le 12 et le 15 mars,…
M. Roger Karoutchi. Mettons le 13,5 mars ! (Sourires.)
M. Jean Louis Masson. … sachant que, si nous nous étions consultés, j’aurais pu avancer un petit peu ma date et eux reculer la leur.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous n’allons pas nous quereller pour quinze jours… Il nous semble que la date que nous avons retenue se situe suffisamment en amont des élections départementales et régionales pour que le Gouvernement ait le temps de mettre en œuvre les conclusions du rapport afin d’améliorer la sécurité sanitaire tant de la campagne que du vote.
On pourrait envisager de fixer cette date plus tôt, mais le paysage sera mieux dégagé si nous maintenons la date que nous avons retenue.
Sans en faire un sujet de discorde, nous avons donc décidé d’émettre un avis défavorable sur ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. On le voit bien à l’heure actuelle : la situation sanitaire peut évoluer considérablement en l’espace de quinze jours.
La date retenue correspondait à une ligne de crête : le rapport devait être remis suffisamment en amont de l’élection pour permettre à chacun d’en tirer les conséquences et d’accélérer sur l’organisation du scrutin, et, en même temps, à une date assez proche de celle de l’élection, afin qu’il puisse être le plus précis et le plus complet possible, et qu’il coïncide autant que faire se peut avec la réalité de la situation sanitaire au moment du vote.
Avis défavorable.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article additionnel après l’article 2
Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 13, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 47 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’État assure le service public national de l’organisation matérielle des opérations effectuées par les commissions instituées par les articles L. 166, L. 212 et L. 241. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 308 est ainsi rédigé :
« L’État assure le service public national de l’expédition de ces circulaires et bulletins ; il ne peut pas le sous-traiter. » ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 355 est ainsi rédigé :
« L’État assure le service public national de l’organisation matérielle des opérations effectuées par les commissions instituées par l’article L. 354. »
L’amendement n° 14, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 47 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’État assure le service public national de l’organisation matérielle des opérations effectuées par les commissions instituées par les articles L. 166, L. 212 et L. 241. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 308 est ainsi rédigé :
« L’État assure le service public national de l’expédition de ces circulaires et bulletins ; il ne peut pas le sous-traiter. » ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 355 est ainsi rédigé :
« L’État assure le service public national de l’organisation matérielle des opérations effectuées par les commissions instituées à l’article L. 354. »
II. – Le I s’applique jusqu’au 31 décembre 2021.
L’amendement n° 15, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code électoral est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 166, les articles L. 212 et L. 354, le premier alinéa de l’article L. 376, les articles L. 403, L. 413 et L. 424, le premier alinéa des articles L. 491, L. 518 et L. 546 et l’article L. 558-26 sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « Ces opérations sont effectuées par des agents relevant des services de l’État, mis à sa disposition en tant que de besoin et, le cas échéant, par du personnel vacataire. » ;
2° L’article L. 241 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces opérations sont effectuées par des agents relevant des services de l’État, mis à leur disposition en tant que de besoin, et, le cas échéant, par du personnel vacataire. » ;
3° Le deuxième alinéa de l’article L. 308 est ainsi rédigé :
« L’État assure lui-même l’envoi de ces circulaires et bulletins. »
L’amendement n° 16, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code électoral est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 166, les articles L. 212 et L. 354, le premier alinéa de l’article L. 376, les articles L. 403, L. 413 et L. 424, le premier alinéa des articles L. 491, L. 518 et L. 546 et l’article L. 558-26 sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « Ces opérations sont effectuées par des agents relevant des services de l’État, mis à sa disposition en tant que de besoin, et, le cas échéant, par du personnel vacataire. » ;
2° L’article L. 241 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces opérations sont effectuées par des agents relevant des services de l’État, mis à leur disposition en tant que de besoin, et, le cas échéant, par du personnel vacataire. » ;
3° Le deuxième alinéa de l’article L. 308 est ainsi rédigé :
« L’État assure lui-même l’envoi de ces circulaires et bulletins. »
II. – Le I s’applique jusqu’au 31 décembre 2021.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour présenter ces quatre amendements.
M. Jean Louis Masson. La profession de foi, dans une élection, c’est quelque chose de très important, surtout actuellement, dans le cadre d’une pandémie qui va empêcher la campagne électorale de se dérouler dans de bonnes conditions. Il est donc fondamental qu’au moins ces professions de foi soient envoyées aux électeurs dans de bonnes conditions.
Or, malheureusement, depuis quelques années, on assiste à une dégradation considérable de ces conditions, depuis que l’État, au lieu de se charger lui-même des envois via le personnel des préfectures payé en heures supplémentaires, passe par des sous-traitants en pratiquant une course au prix le plus bas. Comme me le disait le responsable de la préfecture de mon département, à essayer d’obtenir le prix le plus bas, on finit par en avoir pour son argent, c’est-à-dire par confier la tâche à des routeurs, qui, bien souvent, se révèlent des bras cassés. Les résultats peuvent être absolument invraisemblables, au détriment de ceux des candidats dont la profession de foi pâtit de cette situation.
L’envoi de ces documents par La Poste permet aux candidats ayant peu de ressources financières – c’est très important – de se faire connaître auprès des électeurs. C’est donc un élément fondamental de la démocratie.
Les gouvernements successifs ont essayé de supprimer ces professions de foi, en arguant qu’internet pourrait régler le problème, ce qui est faux. Il est important de maintenir, en la matière, un certain niveau de qualité, et le Parlement s’est toujours opposé à toute régression sur le sujet.
Or, à l’occasion de l’élection présidentielle et des élections législatives de 2017, l’envoi des professions de foi a pour la première fois été presque systématiquement effectué par des routeurs privés, et non par l’administration. Il s’agit pourtant d’un service public ; en l’espèce, ce service public n’a pas été assumé.
De nombreux candidats ont fait part des difficultés rencontrées en 2017, qui ont été relayées par les médias : non-acheminement ou acheminement très tardif des professions de foi, erreurs dans l’envoi, envoi en double dans tel endroit et, corrélativement, défaut d’envoi dans tel autre, envois dans la mauvaise circonscription… Il est arrivé dans plusieurs endroits que les routeurs, qui s’occupent chacun de trois ou quatre départements, mélangent les professions de foi, et que les professions de foi du député Dupont arrivent dans une circonscription où il n’est pas candidat. Imaginez le préjudice pour le député Dupont !
L’absence des professions de foi de certains candidats dans l’enveloppe distribuée a été constatée dans les Pyrénées-Orientales et dans l’Aude. Les professions de foi de plusieurs candidats de Haute-Savoie se sont retrouvées dans le département de la Loire – la presse en a fait état, et les intéressés ont protesté. De même en Seine-et-Marne, où la profession de foi du candidat d’un parti a été remplacée par celle d’un autre candidat du même parti, mais d’un département voisin – vous me direz qu’au moins le parti était le bon ; mais, tout de même, cette substitution ne faisait pas l’affaire du candidat qui en était victime…
Ces quatre amendements tendent à conforter le principe de l’envoi et du financement des professions de foi et des bulletins de vote par l’État, et surtout à garantir la qualité du service rendu. Le but est que l’envoi soit réalisé par l’État lui-même, dans de bonnes conditions, comme c’était le cas avant 2017, et non par le biais de prestataires privés dont personne ne contrôle la qualité du travail, et qui se moquent un peu de cette qualité.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je suis évidemment sensible à l’évocation de la grand-mère de notre collègue Jean Louis Masson. J’ai moi aussi beaucoup appris de la mienne, et d’ailleurs des deux miennes ; quel dommage qu’elles n’aient pas été sénatrices : leur voix porte dans notre assemblée ! (Sourires.)
Néanmoins, mon cher collègue, la commission des lois a émis un avis défavorable sur vos amendements. Si l’on demande à l’État d’organiser l’acheminement des professions de foi, dont vous dites à juste titre qu’il est essentiel, compte tenu de la situation des services territoriaux de l’État aujourd’hui, je ne suis pas sûr que le travail soit bien mieux fait que lorsque c’est La Poste qui s’en charge.
Il faut donc être très prudent ; bien sûr, nous devons alerter le Gouvernement sur toutes les difficultés rencontrées dans l’acheminement de ces documents électoraux, mais il faut lui laisser un minimum de liberté, à condition qu’il en fasse bon usage…
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. En politique, la sincérité et la constance des engagements sont importantes. À la lecture de vos quatre amendements, monsieur Masson, j’aurais pu, comme tous les membres de mon groupe, me laisser séduire par l’idée d’un vote favorable, l’enjeu ici soulevé étant celui du besoin d’un service public et de fonctions publiques au service de la démocratie, destinés à la faire vivre.
Je mesure donc aujourd’hui combien, depuis quelques années, votre voix a parfois manqué pour la défense des grandes entreprises publiques cassées par les gouvernements successifs, et combien votre voix a parfois manqué lorsqu’il s’est agi de défendre la fonction publique, territoriale, hospitalière et d’État, ici même, dans l’hémicycle, à l’occasion de débats budgétaires ou de l’examen d’autres textes de loi.
Comme notre collègue Muriel Jourda le disait plus tôt, la démocratie est parfois minée par un germe terrible : celui de la démagogie. Nous ne prendrons pas part au vote sur ces amendements, qui, me semble-t-il, relèvent bel et bien de la démagogie.