M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous avons le plaisir de saluer une hausse de 8 % du budget consacré à la justice pour l’année à venir. Cette mission en avait terriblement besoin, car les crédits qui lui sont consacrés n’avaient pas connu pareille augmentation depuis au moins vingt-cinq ans.

La hausse prévue pour 2021 atteint les objectifs fixés par la loi de programmation ; elle les dépasse même de 100 millions d’euros. Cette trajectoire est la bienvenue au regard tant du rôle central de la justice dans notre pays que du manque chronique de moyens dont elle souffre depuis de trop nombreuses années.

Ni le Président de la République ni ce gouvernement ne peuvent être tenus responsables de l’état actuel de la justice. Il vous appartient cependant d’y remédier, monsieur le garde des sceaux, et nous saluons l’effort que vous avez amorcé. Il doit absolument se poursuivre dans la durée, car notre pays a besoin de justice, et d’une justice efficace.

Selon un sondage publié hier, l’opinion de nos concitoyens sur la justice se dégrade. Près de 60 % d’entre eux n’ont pas confiance en elle. Il faut que cela change ! L’augmentation du budget de la mission, cette année, est un signal encourageant. Nous espérons qu’il contribuera à recréer la confiance perdue.

Aujourd’hui encore, la justice est trop lente, et pour cause… En 2018, d’après la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, le nombre de juges professionnels par habitant, en France, était inférieur de moitié à celui de l’Allemagne. Il était même inférieur à celui de la Russie, de l’Ukraine ou encore du Kazakhstan. Un tel sous-effectif allonge nécessairement les délais de jugement et nuit à l’efficacité de l’institution.

La surpopulation carcérale est une autre conséquence de cette insuffisance de moyens. À cet égard, il a fallu une pandémie pour que le taux d’occupation des prisons passe sous le seuil des 100 %. Il est depuis peu repassé au-dessus. Il faut absolument en finir avec ce phénomène, car il est inacceptable qu’au pays des droits de l’homme des centaines de détenus dorment sur des matelas posés par terre. Nous avons besoin de plus de places dans nos prisons !

Même si la peine d’emprisonnement ne constitue pas la seule réponse efficace à la délinquance, nous considérons qu’elle doit pouvoir être exécutée dans des conditions convenables, non seulement pour respecter nos engagements en matière de protection des droits humains, mais aussi afin de mieux lutter contre la récidive.

Nous saluons l’effort consenti pour la construction des 7 000 premières places de prison supplémentaires dont l’achèvement est prévu pour 2023. II est essentiel de ne pas prendre de retard en la matière. Parallèlement, le développement des alternatives à la privation de liberté nous paraît judicieux. En les exacerbant, la pandémie a mis l’accent sur bien d’autres difficultés auxquelles l’institution judiciaire est confrontée en temps normal.

Lors du premier confinement, nous avions appelé l’attention du Gouvernement sur le fait que certaines juridictions peinaient à continuer de travailler à distance, en raison notamment du manque de flexibilité des outils numériques. À ce titre, nous nous félicitons que le plan de transformation numérique soit poursuivi. Lorsque les circonstances l’imposent, il est indispensable que le travail de la justice puisse être effectué à distance, en toute sécurité. Nous remarquons cependant que de nombreuses solutions logicielles restent à finaliser.

Par ailleurs, si certaines professions disposent du matériel nécessaire au travail à distance, d’autres, comme les greffiers, demeurent très majoritairement sans équipement.

En plus d’être rapide, la justice doit être accessible. À cet égard, nous soutenons l’augmentation des crédits consacrés à l’aide juridictionnelle. Nous regrettons cependant qu’elle soit inférieure à celle qui est préconisée dans le rapport Perben.

La hausse des crédits alloués à la justice, portée par ce projet de loi de finances, est un effort nécessaire. Les Français ont besoin de justice. Nous souhaitons que le budget pour 2021 soit l’amorce d’une nouvelle dynamique.

Au-delà de ces quelques remarques, le groupe Les Indépendants soutiendra le vote des crédits de la mission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les qualificatifs utilisés pour ce budget ne semblent pas manquer : on le dit « exceptionnel », « historique », doté de moyens jusqu’alors « inégalés ». Nous avons souvent entendu de telles congratulations, mais il est vrai que les crédits de la mission « Justice » pour l’année 2021 connaissent une hausse notable. Ce signal était attendu par des institutions trop longtemps mal considérées budgétairement, malgré les multiples interventions du Sénat.

Comme certains de mes collègues l’ont déjà souligné, l’effort budgétaire global est important, à l’image des crédits du programme « Justice judiciaire ». Nous nous réjouissons tout autant des efforts en matière d’aide juridictionnelle que d’aide aux victimes. Il faut également apprécier la poursuite des créations de postes dans les services de la protection judiciaire de la jeunesse et les juridictions pour mineurs.

Cependant, la réalité est aussi que ces hausses sont d’abord des efforts de rattrapage, après des années de sous-budgétisation catastrophique pour un service public aussi sollicité et fondamental pour notre pacte social. Il y a urgence, par exemple, sur la question des mineurs non accompagnés.

Selon notre collègue Nathalie Delattre, on recense environ 3 000 MNA en Gironde, qui pâtissent de faibles mesures d’accompagnement et sont victimes de réseaux bien structurés. Or une explosion du nombre d’agressions et de manifestations de violences a depuis été observée localement, tandis que la question de la réponse pénale apportée pour assurer une certaine tranquillité publique se pose encore.

Nous constatons donc ces efforts de rattrapage avec une certaine amertume, car le Sénat en débat depuis longtemps. Nous les regardons aussi avec modestie et en regrettant que notre nation ait tellement tardé à se remettre au niveau des exigences européennes : je ne vous citerai pas le dernier rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, la CEPEJ, car vous le connaissez tous.

Dans le temps qui m’est imparti, je voudrais appeler votre attention sur une question spécifique, qui, loin d’être anecdotique, cristallise une forme d’insuffisance persistante des crédits alloués à la justice pour nos établissements pénitentiaires. Je parle des services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, ces services déconcentrés de l’administration pénitentiaire départementale qui assurent le contrôle et le suivi des personnes condamnées dans leur parcours d’exécution des peines.

La réinsertion des personnes condamnées et la prévention de la récidive n’ont rien de nouveau, mais cette question trouve un écho particulier dans le contexte actuel. En effet, la crise complexifie encore davantage les conditions de travail des personnels de l’administration pénitentiaire. De plus, une grande partie de la tâche des SPIP concerne désormais le suivi socio-judiciaire de délinquants sexuels, d’auteurs de violences conjugales ou de profils radicalisés. La commission d’enquête du Sénat sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre a démontré que le suivi post-carcéral était fondamental pour prévenir la récidive comme pour protéger la société de profils particulièrement dangereux.

Or le travail des SPIP est rendu plus difficile, non seulement en raison des contraintes liées à la pandémie, le virus imposant de limiter les contacts physiques, mais aussi à cause du désengorgement des prisons, décidé par votre prédécesseur, afin d’éviter une trop forte contamination en milieu carcéral. Le nombre des personnes à suivre a considérablement augmenté, de sorte que les services peinent à tenir le rythme imposé.

De telles circonstances auraient dû conduire à une augmentation significative des moyens et des effectifs. Or, sur ce point, le compte n’y est pas : les dépenses sont stables pour l’année 2021 à 42,5 millions d’euros, alors qu’elles auraient manifestement dû augmenter. Cette stagnation nous préoccupe d’autant plus qu’elle paraît éloignée de certaines de nos préoccupations : je pense, en particulier, à la lutte contre le développement de la radicalisation islamiste, dont on sait qu’il trouve un environnement propice en milieu carcéral.

Le cas des SPIP est symptomatique d’une tendance : il ne suffit pas d’instituer de nouveaux mécanismes juridiques, il faut aussi donner les moyens aux juridictions et aux administrations d’agir efficacement.

Quant aux centres éducatifs fermés, ils occupent depuis deux ans une part essentielle de l’activité du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », cher à notre ancienne collègue Josiane Costes. Comme l’a très justement souligné Maryse Carrère, rapporteure pour avis de la commission des lois, le financement de ces centres, bien qu’essentiel, ne doit pas obérer le développement des autres types d’accueil et du secteur ouvert.

Vous l’aurez compris, monsieur le garde des sceaux, les promesses de chiffres, certes encourageants, appellent désormais une mise en œuvre rapide et efficace pour la société. Sous ces réserves, le groupe du RDSE votera ces crédits.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la justice consiste à organiser la vie en société : cette institution doit protéger les plus faibles et sanctionner ceux qui ne respectent pas le contrat social.

La fonction de la sanction me semble essentielle. Elle permet d’intimider, de freiner les intentions néfastes, d’écouter les victimes et de donner une peine en adéquation avec la faute commise. Or la part du budget prévue pour organiser cette sanction pose problème.

Souvent décriée, la prison reste la solution préconisée dans de nombreux cas. Même si les magistrats souhaitent trouver d’autres alternatives, elle reste pour l’instant incontournable, faute de mieux.

J’aimerais m’attarder sur les multiples difficultés rencontrées par notre institution pénitentiaire et les agents qui la composent, aggravées encore depuis la crise sanitaire.

La surpopulation carcérale atteint des sommets. Si le principe de l’encellulement individuel avait été proclamé dès 1875, puis réaffirmé en 2009, il n’a dans les faits jamais été appliqué.

Le taux d’occupation des établissements pénitentiaires s’élevait à 116 %, au 1er janvier 2020, d’après la section française de l’Observatoire international des prisons. Cela signifie que la France compte plus de 70 000 prisonniers pour 61 000 places. Or cette surpopulation se concentre principalement dans les maisons d’arrêt destinées à accueillir les individus condamnés à de courtes peines de prison ou se trouvant encore en attente de leur jugement.

Dans ces établissements, qui représentent environ les deux tiers de la population carcérale, le taux d’occupation moyen grimpe jusqu’à 138 %. Deux à trois individus sont donc contraints de partager la même cellule et dorment, très souvent, sur des matelas installés par terre.

De telles conditions de détention rendent la surveillance des détenus plus ardue, voire inapplicable dans certains cas. Elles favorisent l’émergence de mutineries, permettent la prolifération de certaines maladies contagieuses et facilitent la constitution de réseaux criminels au sein même des établissements pénitentiaires.

Nous avions reçu les syndicats représentant les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, à l’occasion des travaux de la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure. Tous nous ont fait part de leur détresse face à leur incapacité à mener les missions qu’ils jugeaient nécessaires pour rétablir l’ordre dans les prisons et en assurer une gestion saine, tant pour eux que pour les individus incarcérés.

Face à ce constat, le Gouvernement a annoncé la construction de 15 000 nouvelles places de prison pour lutter contre le fléau de la surpopulation carcérale et répondre à la vétusté des bâtiments. Ne nous voilons pas la face : une telle mesure ne sera efficace, sous réserve que les places promises soient bel et bien construites, que dans quinze ans, soit le temps que les infrastructures sortent de terre. Or le besoin de lutter contre la surpopulation dans les prisons est immédiat. Plus nous retarderons l’échéance, plus la situation sera dégradée, alors qu’elle est déjà au bord de l’implosion.

Le Gouvernement, qui semble avoir pris la mesure de l’urgence, a décidé de privilégier les peines alternatives à l’enfermement. Dont acte ! Il faut désormais que l’exécutif se donne les moyens de ses ambitions.

Adjointe à la sécurité de Tourcoing, avant mon élection au Sénat, j’avais mis en place des chantiers de travaux d’intérêt général, en relation avec les juges de l’application des peines du tribunal judiciaire de Lille. J’étais particulièrement satisfaite de proposer la remise en peinture de préaux d’écoles ou de salles de sport à des jeunes qui n’avaient jamais eu l’occasion jusqu’alors de montrer leur savoir-faire, même limité.

Ces chantiers coûtent cher aux municipalités, car il faut prévoir du personnel d’encadrement. Il faut aussi convaincre les partenaires, très frileux à l’idée de recevoir des délinquants dans leurs structures. Monsieur le garde des sceaux, que prévoyez-vous pour développer ces prises en charge très difficiles à dénombrer ?

Parmi les peines alternatives à l’enfermement, l’usage des bracelets électroniques peut-être envisagé pour surveiller les personnes condamnées hors des murs d’enceinte. Au-delà des stocks, a-t-on la certitude que les détenus libérés et placés sous le régime des bracelets électroniques seront bel et bien suivis par les services qui en ont la charge ? Ces services en ont-ils les moyens humains et matériels ? Encore une fois, rien n’est moins sûr…

Nos concitoyens sont inquiets en voyant le profil de certains détenus qui sortent de prison. Les services de renseignement ne seront-ils pas débordés compte tenu du nombre de ceux qui nécessiteront une surveillance accrue lorsqu’ils auront été relâchés dans la nature, notamment les détenus radicalisés ?

En ce qui concerne la sécurité, une autre question me paraît essentielle : a-t-on les moyens d’assurer aux victimes de violences conjugales, par exemple, que les obligations de soins seront bel et bien suivies par ceux qu’elles concernent ? Qu’en est-il d’ailleurs des détenus dont on sait pertinemment que leur place se trouve davantage en hôpital psychiatrique qu’en prison ?

Notre administration pénitentiaire est en fin de chaîne pénale, mais elle est essentielle pour assurer une réelle sanction et pour organiser la réinsertion des condamnés. Nous en attendons tous beaucoup.

Monsieur le garde des sceaux, nous savons que vous êtes particulièrement sensible à toutes ces questions. Nous voterons en faveur des crédits de la mission, car nous voulons que la situation change, et nous serons à vos côtés pour cela. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter le budget de mon ministère pour l’année 2021. Je tiens tout d’abord à vous remercier pour la qualité des travaux et les échanges constructifs que nous avons eus lors de mon audition devant la commission des lois, le 17 novembre dernier.

Comme vous l’avez noté, ce budget permet à la fois le rattrapage de la loi de programmation pour la justice et le financement des priorités que j’ai affirmées au moment de ma prise de fonction, au premier rang desquelles la justice de proximité. C’est la première fois, en plus d’un quart de siècle, que le budget de la justice augmente autant, à hauteur de 8 % hors compte d’affectation spéciale. Cette hausse inédite depuis vingt-cinq ans me permet de qualifier ce budget d’« historique », même si je sais que certains le contestent.

Avec 607 millions d’euros supplémentaires, c’est-à-dire plus du double de l’augmentation votée en 2019 pour l’année en cours, ce budget est exceptionnel par son ampleur, puisqu’il atteint 8,2 milliards d’euros de crédits. Il est également exceptionnel par le renforcement inégalé des moyens humains de l’ensemble des métiers de justice. En effet, 2 450 emplois nets font ou feront l’objet d’un recrutement en quinze mois.

Comme l’a indiqué M. le rapporteur spécial Lefèvre, 1 500 recrutements nets seront opérés au cours de l’année 2021, soit 240 de plus que ce qui était prévu en loi de programmation pour la justice, pour 2021. Il faut ajouter à cela les 950 emplois supplémentaires que j’ai obtenus en 2020 et qui ont pour la plupart déjà fait l’objet d’un recrutement. Ils viennent renforcer sans attendre les tribunaux, les établissements pénitentiaires et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire devant la commission des lois, il ne s’agit pas de privilégier le contrat par rapport au statut, mais d’opter pour une réponse rapide – les « sucres rapides » – compte tenu de l’urgence qu’il y a à apporter un soutien immédiat au service public de la justice. Ces recrutements par contrat sont plus souples et plus rapides à mettre en place. Ainsi, pour renforcer les greffes, ils ne prévoient pas l’obligation du temps de formation de dix-huit mois à l’École nationale des greffes. Ils sont donc particulièrement bienvenus, car ils permettent de renforcer dès à présent les juridictions.

À vous lire et à vous écouter, je sens pourtant poindre encore parfois quelques doutes sur ce renfort en moyens humains.

Madame le rapporteur pour avis Canayer, madame la sénatrice Benbassa, je vous le confirme, tous les métiers de la justice bénéficieront de ce plan de recrutement.

Dans le détail, ce sont 1 100 emplois nets pour les tribunaux : 50 magistrats, 130 directeurs de greffe, 596 greffiers et renforts de greffe, qui viendront soulager sans attendre les juridictions en pourvoyant une partie des 700 vacances de postes de greffiers. Ce sont aussi 1 200 renforts pour l’administration pénitentiaire, dont 719 créations d’emplois de surveillants qui permettront de poursuivre la réduction du niveau de vacance des postes de surveillants, 335 conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, 126 personnels supplémentaires pour la protection judiciaire de la jeunesse, dont 107 éducateurs.

Ce plan de recrutement est au cœur de la justice de proximité que j’appelle de mes vœux, une justice proche, humaine, qui a le souci des plus faibles ; une justice qui garantit le respect du droit dans la vie quotidienne, car elle sera plus rapide et de qualité ; une justice accessible pour tous les justiciables ; une justice de proximité non seulement pénale, mais également civile. Tels sont les objectifs profonds de la justice de proximité. Pour la mettre en œuvre, le projet de budget nous permet de disposer de moyens inédits, soit 200 millions d’euros, auxquels s’ajoute le fléchage de 1 100 emplois sur les 2 450 que je viens de vous présenter.

Très concrètement, nous consacrerons 13 millions d’euros pour favoriser le recours à des magistrats honoraires et des magistrats à titre temporaire ; 28 millions d’euros pour la mobilisation accrue des délégués du procureur ; 20 millions d’euros pour la création de nouvelles unités médico-légales d’assistance de proximité aux victimes ; 79 millions d’euros d’augmentation des autres frais de justice pour renforcer les moyens d’investigation et donc l’efficacité de la justice. Nous attribuerons aussi 20 millions d’euros au milieu associatif de la protection judiciaire de la jeunesse, pour renforcer la prise en charge rapide des délits du quotidien. Enfin, madame la sénatrice Boyer, nous prévoyons 10 millions d’euros pour le développement des bracelets électroniques et anti-rapprochement, le développement des travaux d’intérêt général et du travail non rémunéré, et pour le fonctionnement courant.

Ces crédits et renforts supplémentaires sont particulièrement bienvenus dans le contexte actuel. Ce sont des moyens en plus pour le renseignement pénitentiaire, pour la réalisation de places dédiées aux détenus radicalisés, pour le recrutement et la formation d’agents spécialisés.

Ce budget permet donc de répondre aux inquiétudes ou aux alertes exprimées par M. le rapporteur pour avis Marc, ou encore M. le sénateur Sueur. En effet, la lutte contre la radicalisation est également au cœur de mon action.

Au sein de l’administration pénitentiaire, plus de 43 millions d’euros seront mobilisés à cette fin. En 2021, 495 places seront dédiées aux détenus radicalisés dans les quartiers d’évaluation de la radicalisation, les quartiers de prise en charge de la radicalisation ou encore dans les quartiers d’isolement.

Par ailleurs, 63 millions d’euros, soit une hausse des moyens de 10 %, seront consacrés à l’amélioration de la sécurité pénitentiaire pour accompagner le renforcement de la vidéosurveillance, lutter contre les drones malveillants ou encore déployer des systèmes de brouillage des communications.

La surpopulation carcérale est une préoccupation majeure. Elle pose des défis en termes de dignité pour les détenus, de capacité à la réinsertion et de sécurité au sein des établissements pénitentiaires. L’enjeu reste important, car le nombre de détenus poursuit sa progression depuis la fin du confinement : il s’établissait, au 26 novembre dernier, à 62 897 détenus.

Pour faire face à cette situation, mon action au sein du Gouvernement est double : développer les aménagements de peine via les travaux d’intérêt général ou le développement de la surveillance électronique, d’une part, et poursuivre le programme de construction de 15 000 places de prison, d’autre part. Nous y consacrerons 556 millions d’euros en 2021, soit une hausse de 42 % des crédits.

Mes services travaillent avec obstination pour trouver le foncier nécessaire au lancement des 8 000 futures places d’ici la fin du quinquennat, mais, pour ce programme, j’ai besoin du soutien de tous les élus, et de vous particulièrement, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, pour convaincre les élus qui ont parfois quelques réticences à vouloir construire des établissements pénitentiaires sur leur territoire.

Madame la rapporteure pour avis Vérien, monsieur le sénateur Bonnecarrère, vous avez appelé mon attention sur la rénovation numérique : c’est un enjeu de modernisation tout à fait essentiel, qui est pris en compte dans le cadre du plan de transformation numérique. Sa mise en œuvre se poursuit et s’accélérera dans le cadre du plan de relance.

Pour réussir cette transformation, il faut tout d’abord des crédits. Au programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice », nous proposons 235 millions d’euros de crédits en fonctionnement et en investissement, soit 30 millions d’euros de plus et une hausse de 13 % en un an. Ensuite, il faut des hommes. Sur ce même programme, nous proposons la création de cinquante emplois supplémentaires. Enfin, il faut une bonne organisation et un bon management pour travailler en mode projet. Les services du ministère s’y emploient.

À titre d’illustration, je peux vous citer trois grandes réalisations en 2021 : le système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ), le portail des agents et des détenus pour lequel une expérimentation est prévue à partir de mars 2021 en vue d’une généralisation dès la fin de l’année et, enfin, le portail des juridictions, qui remplacera progressivement les huit systèmes d’information du domaine civil utilisés dans les tribunaux judiciaires pour une procédure civile enfin dématérialisée.

Le projet de budget prévoit également la réforme de l’aide juridictionnelle. J’ai écouté les interventions et pris connaissance des amendements de M. le rapporteur spécial Lefèvre, de Mmes les rapporteures pour avis Canayer et Carrère, ainsi que ceux des sénateurs Benbassa et Mohamed Soilihi. Cet intérêt fait clairement écho à l’attente forte des justiciables, des avocats et de l’ensemble des métiers du droit en la matière.

C’est la raison pour laquelle, le Gouvernement a mis en œuvre sans attendre le fruit du travail de deux rapports, celui des députés Moutchou et Gosselin, puis celui de Dominique Perben, après concertation dans le cadre du Conseil national de l’aide juridique. Comme j’ai eu l’occasion de le souligner devant la commission des lois du Sénat, c’est bien pour laisser du temps à la concertation en septembre et en octobre que nous avons été contraints d’introduire cette réforme par amendement au projet de loi de finances.

Au total, ce sont donc 50 millions d’euros qui sont d’ores et déjà mis sur la table dès le 1er janvier 2021 avec deux objectifs complémentaires : d’un côté, la hausse substantielle de la rémunération de l’heure travaillée par chaque avocat au titre de l’aide juridictionnelle et ce, je le redis, dès le 1er janvier 2021, soit une hausse de 2 euros de l’unité de valeur ; de l’autre, une révision du barème, notamment pour mieux rémunérer les médiations ou l’assistance éducative.

Il faut également pouvoir utiliser cet effort budgétaire comme moyen de levier pour développer les modes alternatifs de règlement des différends.

Il s’agit bien d’une première marche de 50 millions d’euros. C’est un réel gage de crédibilité donné à la profession pour enclencher le nécessaire travail de fond sur l’avenir du métier d’avocat.

Avec 50 millions d’euros supplémentaires, soit une augmentation de 7 % en crédits de paiement, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) n’est pas oubliée, notamment dans la perspective de l’entrée en vigueur le 31 mars prochain du code de justice pénale des mineurs, sur lequel l’Assemblée nationale a justement commencé à débattre ces jours derniers.

Nous mettons les moyens pour permettre la mise en œuvre de cette réforme : 72 magistrats, 100 greffiers spécialement dédiés sont mobilisés avec, en outre, la création de 252 emplois nouveaux à la protection judiciaire de la jeunesse entre 2018 et 2022.

Plus globalement, les crédits supplémentaires alloués à la PJJ permettront de développer les alternatives aux poursuites dans le secteur associatif habilité et apporter une réponse plus rapide et plus efficace à tous les actes de délinquance.

Ils permettront également, madame la rapporteure pour avis Carrère, de poursuivre la politique de construction de vingt centres éducatifs fermés.

Enfin, pour les personnels du ministère, j’ai décidé de mettre en œuvre une politique de ressources humaines ambitieuse.

Nous devons améliorer le fonctionnement de notre justice, en général. C’est le sens de ce projet de budget, qui s’en donne les moyens pour la première fois en plus d’un quart de siècle. Tous les maillons de la chaîne judiciaire seront renforcés avec le même objectif : mieux accueillir le justiciable, juger plus vite et mieux faire exécuter les décisions de justice, en particulier les peines. C’est ce que les Français attendent de leur justice. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Justice
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Vote sur les crédits de la mission

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Justice

12 074 115 411

10 058 186 288

Justice judiciaire

3 798 322 431

3 720 779 907

Dont titre 2

2 451 671 771

2 451 671 771

Administration pénitentiaire

6 267 084 585

4 267 605 779

Dont titre 2

2 750 457 641

2 750 457 641

Protection judiciaire de la jeunesse

955 776 747

944 542 870

Dont titre 2

554 611 772

554 611 772

Accès au droit et à la justice

585 174 477

585 174 477

Conduite et pilotage de la politique de la justice

463 329 179

534 816 263

Dont titre 2

188 234 850

188 234 850

Conseil supérieur de la magistrature

4 427 992

5 266 992

Dont titre 2

3 142 215

3 142 215